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Lundi 9 novembre 2009

Séminaire n°1: La protection de la personne humaine

EXERCICE N°1

Questions de révision : Veuillez rechercher dans les conférences ou dans les ouvrages dont
vous disposez les réponses aux questions suivantes :
1. Qu’est ce qu’une chose ?
2. Qu’est ce qu’un bien ?
3. Qu’est ce qu’une personne ?
4. A partir de quel moment, la personne est-elle supposée avoir une existence ?
5. Quelle est la conséquence juridique de la qualification de personne ?
6. Un animal peut-il avoir des droits ? Si oui, lesquels ?
7. Un fœtus a-t-il des droits ? Si oui, lesquels ?
8. Un mort a-t-il des droits ? Si oui, lesquels ?
9. Quelles sont les démarches à effectuer lors de la naissance d’un enfant ? Pourquoi ?
10. Quelles sont les démarches à effectuer lors du décès d’une personne ?
11. Quels sont les points communs entre les personnes physiques et les personnes
morales ?
12. Quelles sont les différences entre les personnes morales et les personnes physiques ?
13. De quels droits disposent les personnes morales ?
14. Quels sont les types de personnes morales ?
15. Quel est l’intérêt d’avoir reconnu l’existence des personnes morales ?
16. Qu’est ce que le droit objectif ?
17. Qu’est ce qu’un droit subjectif ?
18. Quelles sont les limites à la jouissance d’un droit subjectif ?
19. Qu’est ce qu’un abus de droit ?
20. Pourquoi ne peut-on pas dire que le corps d’une personne lui appartient ?
21. Quels sont les textes qui garantissent le respect du corps humain ?
22. Quelles sont les conventions exceptionnellement permises ?
23. Une personne peut-elle refuser des soins ?
24. Une personne peut-elle refuser un prélèvement médical pour les besoins d’une
enquête ?
II. Commentaire d’arrêts : Veuillez analyser les deux décisions suivantes :
Arrêt n°1 :
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 21 mai 1990 Rejet.

N° de pourvoi : 88-12829
Publié au bulletin

Président :M. Jouhaud


Rapporteur :M. Massip
Avocat général :Mme Flipo
Avocat :la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur les deux moyens réunis :


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Dominique Nadaud, née le 18 juin 1948, a été déclarée
sur les registres de l'état-civil comme étant de sexe féminin ; que dès son plus jeune âge, elle s'est considérée
comme un garçon dont elle empruntait les jeux ; qu'après s'être soumise à divers traitement médicaux et avoir
subi plusieurs opérations chirurgicales, elle a saisi le tribunal de grande instance d'une action tendant à la
substitution, dans son acte de naissance, de la mention " sexe masculin " à celle de " sexe féminin " ; que l'arrêt
attaqué (Bordeaux, 5 mars 1987), après avoir admis, avec les experts, que Dominique Nadaud était un
transsexuel vrai, l'a déboutée de sa demande aux motifs que le sexe psychologique ou psycho-social ne peut à lui
seul primer le sexe biologique, anatomique ou génétique, que le sexe est un élément objectivement déterminé et
intangible dont le meilleur critère est celui tiré de la formule chromosomique ;
Attendu qu'en un premier moyen, Dominique Nadaud fait grief à la cour d'appel d'avoir, en refusant de
reconnaître son identité sexuelle masculine, telle qu'elle résulte de sa morphologie modifiée et de son psychisme,
violé l'article 8, alinéa 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ; qu'en un second moyen, elle lui reproche d'avoir refusé de modifier son état civil alors que le
principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne s'oppose pas à un changement de sexe en cas de
transsexualisme vrai, c'est-à-dire lorsque la discordance entre le sexe psychologique et le sexe génétique est
indépendant de la volonté du sujet, irrésistible, prépondérante et irrémédiablement acquise ;
Mais attendu que le transsexualisme, même lorsqu'il est médicalement reconnu, ne peut s'analyser en un
véritable changement de sexe, le transsexuel, bien qu'ayant perdu certains caractères de son sexe d'origine,
n'ayant pas pour autant acquis ceux du sexe opposé ;
Et attendu que l'article 8, alinéa 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme, qui dispose que toute
personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, n'impose pas d'attribuer au transsexuel un sexe qui n'est
pas en réalité le sien ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin 1990 I N° 117 p. 83


Revue trimestrielle de droit civil, juin 1991, n° 2, p. 289, note J. HAUSER.
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 1987-03-05
Titrages et résumés ETAT CIVIL - Acte de naissance - Modification - Mention relative au sexe - Modification
justifiée par des considérations psychologiques et sociales
ARRET N°2

Cour de Cassation
Assemblée plénière
Audience publique du 11 décembre 1992 Cassation sans renvoi.

N° de pourvoi : 91-11900 , Publié au bulletin, Premier président : M. Drai

Rapporteur : M. Gélineau-Larrivet , Premier avocat général : M. Jéol ; Avocats :M. Choucroy (arrêt n° 1), la
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin (arrêt n° 2).

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Vu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
les articles 9 et 57 du Code civil et le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ;
Attendu que lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne
présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une
apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du
respect dû à la vie privée justifie que son Etat civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence ; que le
principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne fait pas obstacle à une telle modification ;

Attendu que M. René X..., né le 3 mars 1957, a été déclaré sur les registres de l'Etat civil comme étant du sexe
masculin ; que, s'étant depuis l'enfance considéré comme une fille, il s'est, dès l'âge de 20 ans, soumis à un
traitement hormonal et a subi, à 30 ans, l'ablation de ses organes génitaux externes avec création d'un néo-vagin ;
qu'à la suite de cette opération, il a saisi le tribunal de grande instance de demandes tendant à la substitution, sur
son acte de naissance, de la mention " sexe féminin " à celle de " sexe masculin " ainsi qu'au changement de son
prénom ; que le Tribunal a décidé que M. X... se prénommerait Renée, mais a rejeté ses autres prétentions ; que
l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges aux motifs que la conviction intime de l'intéressé
d'appartenir au sexe féminin et sa volonté de se comporter comme tel ne sauraient suffire pour faire reconnaître
qu'il était devenu une femme, et que le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes s'opposait à ce qu'il
soit tenu compte des transformations obtenues à l'aide d'opérations volontairement provoquées ;

Attendu, cependant, que la cour d'appel a d'abord constaté, en entérinant les conclusions de l'expert-psychiatre
commis par le Tribunal, que M. X... présentait tous les caractères du transsexualisme et que le traitement
médico-chirurgical auquel il avait été soumis lui avait donné une apparence physique telle que son nouvel état se
rapprochait davantage du sexe féminin que du sexe masculin ; qu'elle a énoncé, ensuite, que l'insertion sociale de
l'intéressé était conforme au sexe dont il avait l'apparence ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, elle n'a
pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en déduisaient ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre
fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 15 novembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-
Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que Renée X..., née le 3 mars 1957 sera désignée à l'Etat civil comme de sexe féminin.
3. Veuillez commenter la décision suivante :
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 6 mai 2003
N° de pourvoi: 00-18192 Publié au bulletin Cassation. M. Tricot ., président Mme Garnier., conseiller
Rapporteur M. Feuillard., avocat général la SCP Thomas-Raquin et Benabent, la SCP Boré, Xavier et Boré.,
avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement connu, à
l'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le même
domaine, ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses
droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les
mêmes produits ou services ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Alain X..., chef cuisinier d'un restaurant auquel un guide
gastronomique avait accordé un an auparavant "trois étoiles", a constitué avec deux autres associés la
société Alain X... diffusion (société ADD) en vue notamment de la "commercialisation de la ligne
Alain X..." ; qu'après constitution de cette société il a déposé la marque "Alain X..." puis a racheté une
marque comportant son nom et son prénom, déposée en 1988 par une tierce personne ; qu'ayant appris
que la société ADD avait déposé deux marques comportant son patronyme, il a assigné celle-ci en
nullité de ces dépôts effectués en fraude de ses droits ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt relève que celui-ci, en sa qualité d'associé
fondateur de la société ADD, lui a donné ipso facto l'autorisation de faire un usage commercial de son
patronyme, qu'il a ainsi perdu l'usage de celui-ci qui est devenu par l'insertion dans les statuts de la
société un signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte pour s'appliquer à la
personne morale qu'il distingue et devenir un objet de propriété incorporelle, et que c'est dans le libre
exercice de son droit de propriété sur le signe litigieux que la société ADD a déposé les marques ;

Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était ni établi, ni même allégué que M. X... aurait renoncé à
ses droits de propriété incorporelle sur son patronyme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2000, entre les parties, par
la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Alain X... diffusion aux dépens ;

 Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société


Alain X... diffusion (…) ; Publication : Bulletin 2003 IV N° 69 p. 78 Décision
attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 27 avril 2000
IV LECTURE

La protection par la loi et par le contrat des personnes se prêtant à des expérimentations
médicales
Jocelyne CAYRON
Maître de conférences
Faculté de droit et de sciences politiques, Université Paul Cézanne
Centre de droit économique
In « Droit et développement » ouvrage collectif sous la direction de Sandra Montchaud, aux
éditions Hermès

La médecine s’est construite sur une méthode empirique d’expérimentation. Aucun progrès
médical décisif ne s’est fait sans que les médecins et les chercheurs n’aient eu à tester sur les
animaux puis sur les hommes les nouvelles thérapeutiques et les nouvelles molécules. Mais
pour nécessaire qu’elle soit, l’expérimentation n’est pas sans risques. En effet,

le fait d’expérimenter n’est pas sans risque, pour la personne qui se prête à des essais
cliniques comme pour la société toute entière. Le rôle régulateur du droit est ici peut être plus
important que dans d’autres domaines, car il s’agit d’arbitrer entre des intérêts de valeurs
équivalentes. Le droit à la santé de tous est en effet confronté à la protection de l’intégrité
physique de chacun. En outre, les choix en matière d’expérimentation doivent être faits avec
discernement, car les dangers d’une politique eugéniste sont toujours présents. Aussi, lorsque
l’on se propose d’examiner la réglementation de l’expérimentation médicale, et plus
particulièrement celle qui se développe dans les pays en voie de développement, on s’étonne
d’abord de constater la tardiveté relative voire l’absence de la réglementation en la matière
(1.). Cette carence réglementaire pose alors des questions pratiques très importantes, dès lors
que de très nombreux essais cliniques sont désormais effectués par des laboratoires du Nord,
dans des pays du Sud. On peut, certes, appeler de ses vœux une législation protectrice des
personnes se prêtant à des essais cliniques, mais le temps législatif est par nature lent, tandis
que les pratiques, elles tendent à se développer très rapidement. Aussi, est-on tenté de
suggérer une solution plus souple et plus rapide, qui pourrait être mise en œuvre par les
acteurs de la recherche biomédicale dans le pays d’accueil, et qui aurait pour socle le contrat
(2.).

I. Le Constat : la tardiveté de la législation en matière d’essais cliniques

L'expérimentation humaine des traitements et des nouvelles techniques thérapeutiques est une
nécessité absolue. Aussi peut-on s'étonner de ce que la législation ait été aussi tardive. Le
besoin d'un cadre général pour les activités de recherche est pourtant patent, car les
scientifiques sont de tous temps allés fort loin pour satisfaire leur besoin de découverte. Déjà,
Hérophile et Erasistrate, chefs de l'école médicale d'Alexandrie, pratiquaient la vivisection sur
des condamnés à morts1.

1
Longeque optime fecisse Herophilum et Erasistratum qui nocentes homines a regibus ex carcere acceptos,
vivos inciderint, considerarintque, etiamnum spiritu remanente, ea quae natura ante clausisset, eorumque
positum, colorem, figuram, magnitudinem, ordinem, duritiem, mollitiem, laevorem, contactum, etc." Celse,
Artium liber sextus idem medicinae primus, Proemium.
Pour connaître l’efficacité d’une nouvelle thérapeutique, il faut à l’évidence l’essayer sur un
être humain. C’est la raison pour laquelle l’appréhension de cette question par le droit dépend
de l’état de la réflexion à propos de la science médicale et ne peut en être dissociée. La
possibilité d'expérimenter est une condition du progrès scientifique (A.). Elle a été reconnue
aux médecins, qui eux-mêmes se sont interrogés sur les limites de leur pouvoir et sur les
règles déontologiques qu'ils devaient s'imposer dans l'exercice de leur art (B.) .

1.1 La nécessité d'expérimenter

L'expérience est un moyen d'accéder à la connaissance scientifique. "En physique, le


mot expérience se dit des épreuves que l'on fait pour découvrir les différentes opérations et le
mécanisme de la nature." 2 Or les expériences en médecine présentent la particularité d'avoir
l'homme pour objet. La nécessité d'expérimenter commune à toutes les sciences, rencontre
alors un problème particulier. Il s'agit de déterminer dans quelle mesure des hommes peuvent
devenir des sujets d'expérimentation, pour faire progresser la science médicale. "Le rapport de
la connaissance et de l'action, pour n'être pas ici fondamentalement différent de ce qu'il est en
physique et en chimie, retire de l'identité en l'homme du sujet du savoir et de l'objet de
l'action un caractère si direct, si urgent, si émouvant que les élans philanthropiques venant
interférer avec les réticences humanistes, la solution du problème suppose une idée de
l'homme, c'est-à-dire une philosophie." 3

La réponse à la question de la possibilité d'une expérimentation humaine dépend du


point de vue adopté par les différentes cultures et les sociétés quant à la science, à la
connaissance, et au prix à payer pour cette connaissance. L'histoire de la médecine reflète
l'évolution de l'idée même du rôle du médecin, et des possibilités d'expérimenter sur l'homme.

La grande originalité de l’apport d’Hippocrate à la médecine est d’avoir introduit une


réflexion rationnelle sur l’activité du médecin. La conception hippocratique du rôle du
médecin ne s’opposait pas à la religion. Le serment d’Hippocrate, qui sera jusqu’au XIXème
siècle le référent absolu en matière d’éthique médicale, invoque lui-même la protection des
dieux, et témoigne du souci majeur des médecins: ne pas nuire.

Le christianisme occidental façonne d’ailleurs une éthique chrétienne de la médecine4.


La nature médiatrice et le médecin de soi-même sont deux concepts dégagés par la médecine
hippocratique. Le principe en est que la nature fait ce qu’il convient de faire, d’autant qu’il
existerait dans l’organisme une force naturelle spontanée de guérison. Peu à peu se fait jour
une tendance à vouloir conduire sa santé comme sa destinée, et le simple recours à la nature
est remplacé par un recours à des techniques. C’est Lavoisier qui, le premier, proposera une
théorie de régulation organique dans laquelle émergera l’idée d’utiliser des techniques
nouvelles. Le médecin n’est plus le médiateur inspiré de la nature entre le malade et la
maladie, mais le médiateur, suscité par la société, entre la maladie et sa connaissance de la
maladie.

2
Dumarsais, Œuvres, t.V, p. 249, Littré V° "Expérience".
3
G. Canguilhem, "La connaissance de la vie", 1965, réédité en 1992, Vrin, p.35.
4
cf. la formule demeurée célèbre d’Ambroise Paré:(1509-1590) « Je le pensay et Dieu le guarit »
L’idée d’un pouvoir médical fondé sur une connaissance se fait jour. Avec elle apparaît celle
de la nécessité d'une expérimentation par le médecin lui-même, qui ne peut s'en tenir à des
enseignements théoriques5.

Claude Bernard ouvre la voie de la médecine expérimentale6. Il constate que, pour


étudier le vivant, il faut partir du vivant. L’anatomie ne suffit plus, c’est la physiologie qui
fera avancer la médecine expérimentale.
Pour résoudre les questions morales qui se posent, Claude Bernard jette les bases
d’une réflexion qui influence aujourd’hui encore tout le discours des médecins à propos de
l’éthique médicale.
« (...) Il faut nécessairement, après avoir disséqué sur le mort, disséquer sur le
vif...Pour apprendre comment l’homme et les animaux vivent, il est indispensable d’en
voir mourir un grand nombre, parce que les mécanismes de la vie ne peuvent se
dévoiler et se prouver que par la connaissance des mécanismes de la mort. »7.

Mais après avoir ainsi fermement défendu la nécessité d'expérimenter sur l'homme,
Claude Bernard envisage les limites de cette activité scientifique. "La morale ne défend pas
de faire des expériences sur son prochain, ni sur soi-même; dans la pratique de la vie, les
hommes ne font que faire des expériences les uns sur les autres. La morale chrétienne ne
défend qu'une chose, c'est de faire du mal à son prochain". 8

Pour Claude Bernard, il existe donc des limites à la possibilité d'expérimenter: On a le


devoir et par conséquent le droit de pratiquer sur l’homme une expérience, toutes les fois
qu’elle peut lui sauver la vie, le guérir, ou lui procurer un avantage personnel. La question se
pose alors de savoir s'il est possible d'expérimenter, en l'absence d'un bénéfice direct pour le
sujet de l'expérimentation.

Apparaît alors la tension potentielle entre l’intérêt du sujet expérimenté et celui de


l’expérimentateur. La morale du chercheur n'est pas celle du citoyen ou du malade. Dans son
activité, le scientifique privilégie le plus souvent le but à atteindre. Cette utilisation de la
science pour elle-même découle de l'application trop systématique des principes dégagés par
Claude Bernard. Ayant expliqué que la médecine expérimentale est une science conquérante,
permettant à l'homme de devenir un "contremaître de la création", Claude Bernard ne voyait
pas pourquoi on aurait dû assigner des limites à la puissance que l'homme peut acquérir sur la
nature.

Mais depuis, d'autres faits et d'autres réalités sont venues tempérer cette approche confiante de
la recherche et de la science.

5
voir en ce sens le très énergique plaidoyer d'André Vésale écrit en 1543, en préface à ses livres d'anatomie. Il y
défend la nécessité de faire praiquer des dissections aux étudiants, et d'en enseigner l'art, plutôt que d'en rester à
des formes théoriques, qu'il fustige en ces termes:"Celui-ci, qui n'a jamais mis la main à une dissection se
contente de son commentaire et mène sa barque en pilote ombrageux. Ainsi, tout est enseigné de travers; les
journées passent en questions ridicules et, dans tout ce tumulte, on présente aux assistants moins de choses
qu'un boucher, à l'abattoir, ne pourrait en montrer à un médecin; et je ne parle pas des Ecoles où l'idée de
disséquer l'organisme humain n'est guère venue à l'esprit: voilà à quel point lantique médecine a vu, depuis
d'assez nombreuses années déjà, ternir son ancien éclat." A. Vésale, "La fabrique du corps humain", 1543, éd.
Actes Sud et Inserm, 1987, p.31, lignes 190 et s.
6
1813-1877
7
« Introduction à l'étude de la médecine expérimentale », 1865, p. 149-150.
8
ibidem, p. 209.
On a d'abord constaté qu'il ne fallait peut-être pas surestimer la capacité des
chercheurs à s'imposer des limites. Le scientifique qui se livre à une activité de recherche est
pris dans un appétit de connaissance, qui, parfois, ne lui permet pas de peser toutes les
implications morales de ses expériences. Cette passion de la recherche pour elle-même a été
constatée et décrite.

Une idée se fait jour: ce qui est techniquement possible doit être réalisé. Certains défendent
très fermement ce point de vue, au nom de la liberté de la connaissance. "Tout ce qui est
techniquement faisable doit être réalisé, que cette réalisation soit jugée moralement bonne ou
mauvaise."9 Pour E. Teller, l'un des créateurs de la bombe atomique, "l'homme technologique
doit produire tout ce qui est possible, et il doit appliquer la connaissance acquise, sans
limites." 10
D'autres estiment au contraire, que tout ce qui est techniquement possible n'est pas
forcément à faire. On a déjà souligné à propos des travaux de Claude Bernard qu’une tension
était latente entre l’intérêt individuel du sujet expérimenté, et l’intérêt plus général de la
recherche, voire de la science.

1.2 La nécessité de règlementer l’activité de recherche expérimentale

Le débat public quant à l'expérimentation médicale a aussi été influencé de façon définitive
par la découverte des pratiques dites expérimentales menées dans les camps de concentration
durant la deuxième guerre mondiale.

Le procès de Nuremberg fut le révélateur d’une certaine idée de la médecine


expérimentale. La découverte des « expériences » menées dans les camps de concentrations,
qui dépassent l’entendement, permet de démontrer que lorsque l’expérimentation se nourrit
d’elle-même, elle va au delà de toutes les limites morales. « Les gens normaux ne savent pas
que tout est possible »11. Le procès de Nuremberg eut le mérite de faire entrevoir l’immensité
de ce possible et de permettre de poser les premières règles quant à l'expérimentation
humaine.

C’est en 1931, en Allemagne que sont élaborées les premières directives gouvernementales
d’éthique médicale, à l’occasion d’une circulaire intitulée « Richtlinien für neuartige
Heilbehandlung une für Vornahme wissenschaftlicher Versuche am Menschen » 12. Cette
directive commence par souligner la nécessité de procéder à l’expérimentation sur l’homme
de nouveaux procédés de diagnostic et de traitement, mais en fixe les limites. Ce texte est
particulièrement intéressant car les principes qu'il pose furent ensuite très largement repris
dans tous les textes ayant pour finalité d'encadrer la recherche et l'expérimentation humaine.

Le procès de Nuremberg eut lieu en 194713. Il s'en dégagea un certain nombre de règles
relatives à l’expérimentation humaine. Ce que l’on a appelé le Code de Nuremberg est en fait

9
D. Janicaud, "La puissance du rationnel", Paris, Gallimard, 1985.
10
in M. Terestchenko, "Ethique, science et droit", Hachette, 1994, p.150.
11
D. Rousset, L’univers concentrationnaire, Ed. de Minuit, 1965
12
« directive concernant les nouveaux traitements médicaux et l’expérimentation scientifique sur l’homme »
reproduit et traduit de l’allemand dans l’ouvrage de Claire Ambroselli « L’éthique médicale », Que sais-je
n°2422, P.U.F.1988, avec la permission de International Digest of Hearth Legislation, 31 , 1980, 408-411.
13
Le choix du lieu du procès était symbolique: les lois dites de Nuremberg votées en 1935 concenaient "la
citoyenneté du Reich", et "la protection du sang et de l'honneur allemand". Cette dernière loi visait
particulièrement les populations juives et tziganes, et prévoyait différentes mesures parmi lesquelles
l’ensemble des « principes fondamentaux qui devraient être observés pour satisfaire aux
concepts moraux, éthiques et légaux », tels que la sentence du procès de Nuremberg les a
énoncés.
Le consentement volontaire du sujet expérimenté en est le point central, le
consentement de la personne doit être entier. Pour cela, il faut que l’expérimentateur l’ait
exactement renseignée. L’expérimentation doit être indispensable et ne doit pas mettre en
péril la personne qui s’y prête.

Aux dix principes dégagés par le Code de Nuremberg s’ajoutent bientôt les travaux de
l’Association Médicale Mondiale, créée en 1948, et qui tente de pallier un certain nombre de
carences, sans pourtant aller jusqu’au bout de la réflexion. C’est ainsi que le premier Code
international d’éthique médicale, adopté par l’Association Médicale Mondiale en 1949 ne fait
aucunement référence ni au sujet expérimental, ni à son consentement éclairé. « Comme si la
médecine n’avait pas à prendre en considération la recherche faite avec des sujets
expérimentaux, ou comme si cette prise en considération restait dans le silence des codes ou
hors des pratiques médicales. »14
Après le Code de Nuremberg, ces principes vont être repris dans un certain nombre de
déclarations de portée générale. C’est ainsi que l’Assemblée générale de Nations Unies adopte
le 16 décembre 1966 un Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l’article
7 dispose :
« Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre
consentement à une expérience médicale ou scientifique ».

S’ajoutent diverses déclarations de l’Association Médicale Mondiale (Déclaration d’Helsinki


1964, revue à Tokyo en 1975, puis à Venise en 1983 ) qui distinguent entre la recherche
scientifique et la recherche clinique, mais sans jamais reconnaître au sujet expérimental la
capacité légale de consentir librement. L’association demande la consultation, pour avis, par
le responsable du protocole, d’un comité indépendant. Cette demande est d’ailleurs à la base
de création des comités d’éthique.

De cet historique, il est aisé de conclure que la profession médicale souhaite rester
maîtresse du jeu. Mais ceci pose un problème de démocratie: comment les citoyens, qui sont
des sujets expérimentaux potentiels, peuvent-ils accepter de ne pas disposer de leur droit
fondamental d’accepter ou de refuser librement une expérimentation sur leur personne ?

« La médecine, puisqu’elle est désormais scientifiquement et techniquement armée,


doit accepter de se voir radicalement désacralisée. Le tribunal devant lequel le médecin
d’aujourd’hui doit être, du point de vue professionnel strict, c’est-à-dire dans son rapport au
malade, appelé à répondre de ses décisions, ce n’est plus le tribunal de sa conscience, ce
n’est plus seulement le Conseil de l’ordre, c’est un tribunal tout court. » 15

De cette nécessité de réglementer, les pays occidentaux ont tiré les conséquences et se sont
dotés de législations protectrices de la personne. Ainsi, en France la loi n°88-1138 du 20
décembre 1988 a posé les principes de la protection de la personne se prêtant à une

l'interdiction d'accès à l'armée, à l'enseignement , aux hopitaux, et la stérilisations "pour des raisons de santé
publique". Voir C. Ambroselli, "L'éthique médicale", PUF, Que Sais-je ?, 2ème éd. 1994, p.65.
14
Claire Ambroselli, "Quarante ans après le Code de Nuremberg: éthique médicale et droits de l’homme", in
"Ethique médicale et droits de l’homme", Actes Sud et INSERM, 1988
15
Georges Canguilhem, 1959, "Etudes d’histoire et de philosophie des sciences"
expérimentation. Cette loi a été revue par la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 sur les droits des
malades.

Maintenant que les pays occidentaux se sont tous majoritairement dotés d’une réglementation
de l’expérimentation humaine des médicaments, force est de constater que les pratiques que
l’on déplorait avant n’ont pas cessé. La problématique rebondit en effet avec la
« délocalisation » des expérimentations.

2. Expérimenter dans les pays en voie de développement ?

Longtemps l’expérimentation dans les pays en voie de développement était justifiée par une
absence de cadre légal des essais dans les pays des laboratoires. Ces derniers étaient placés
dans une situation paradoxale : pour pouvoir obtenir l’autorisation de mise sur le marché des
médicaments, il fallait avoir procédé à des tests sur des êtres humains. Dans le même temps,
les dommages causés par de telles expérimentations exposaient leurs promoteurs à des
sanctions pénales.

On pouvait donc légitimement penser que la réglementation des tests cliniques conduirait à un
abandon des expérimentations dans les pays en voie de développement. C’est une idée qui
avait été évoquée lors des travaux parlementaires pour l’élaboration de la loi Huriet. Or, il
n’en est rien. On constate au contraire une multiplication des tests cliniques dans les pays en
voie de développement (2.1), ce qui pose à nouveau la question de l’efficacité de la protection
des droits la personne se prêtant à ces expérimentations (2.2).

2.1 La multiplication des expérimentations dans les pays en voie de développement

La presse se fait régulièrement l’écho de l’installation de centres d’essais cliniques dans


certains pays en voie de développement. C’est que l’industrie pharmaceutique a un besoin
régulier de personnes acceptant de se prêter à des tests cliniques16, et il n’est pas toujours aisé
de trouver ces personnes dans les pays développés, qui sont pourtant les plus grands
consommateurs de médicaments. En effet, si pour les médicaments très efficaces, la
démonstration de leur utilité est assez rapidement faite, en revanche, pour les médicaments
aux effets plus ténus, un très grand nombre de volontaires sont nécessaires afin de mesurer
avec précision l’efficacité réelle du produit. Il manque donc aux pays du nord des volontaires.
En outre, le test est d’autant plus fiable que l’on est en présence de patients dits « naïfs »,
c’est-à-dire de patients qui n’ont été jamais été soignés avec certaines molécules. Or, de tels
patients sont rares dans les pays du nord, alors qu’ils sont beaucoup plus nombreux dans les
pays en voie de développement.

L’idée d’installer des centres de tests dans les pays en voie de développement a donc pu
sembler séduisante puisqu’elle paraissait résoudre deux problèmes distincts : la carence de
volontaires « naïfs » pour les laboratoires, et le manque chronique de soins et d’établissements
de santé pour les personnes se prêtant à ces recherches. Ce sont, du reste, les arguments
avancés par les promoteurs de ces tests pour justifier leur installation dans les pays en voie de

16
Stan Bernard, « The drug drought : Primary causes, promising solutions », Pharmaceutical Executive,
7 novembre 2002
développement17. On souligne alors volontiers le progrès considérable que représente, pour
les personnes participant à des tests, le fait d’être suivies par une équipe médicale et
d’accéder à un lieu de soin.

Mais cette présentation reste quelque peu idyllique, car on est loin d’un accord de volontés
libres et éclairées, dans lequel les deux parties seraient satisfaites, parce qu’elles trouveraient
un avantage personnel. Il faut bien le reconnaître, on observe aujourd’hui « délocalisation de
la recherche clinique à destination de pays où la protection des personnes est davantage
précaire»18. Cette constatation est désormais classique, et l’actualité apporte régulièrement
des illustrations d’abus et de violation des droits des personnes se prêtant à des
expérimentations. La question est alors de savoir de quelle façon il est possible de préserver et
de garantir les droits fondamentaux des personnes.

2.2. La protection des droits des personnes se prêtant à des expérimentations

La première proposition qui vient à l’idée est celle de la généralisation des lois nationales de
protection des personnes se livrant à des recherches biomédicales. On admettra bien
volontiers que la voie législative paraît en effet la plus à même de protéger les citoyens.
Toutefois, cette solution est laissée à la libre disposition des Etats souverains. Il n’existe pas
de réglementation mondiale contraignante. Le Conseil international des organisations en
sciences médicales (CIOMS), qui est une ONG créée en 1949 par l’UNESCO et l’OMS est à
l’origine de « Propositions de directives internationales pour la recherche biomédicale
impliquant des sujets humains ». Ces directives sont reprises dans deux guides qui ont été
publiés en 1991 et 1993 et qui se basent sur quatre principes généraux d’éthique à savoir le
respect de l’individu, le résultat bénéfique de l’expérimentation, le caractère non malfaisant
des tests et l’équité.

Il faudrait donc que les pays accueillant ces recherches sous contrats se dotent de législations
protectrices. Mais l’on constate comme souvent en droit que le rapport de force entre les
parties éventuelles est très déséquilibré.

De plus, il ne peut pas être question pour nombre de ces pays d’adopter immédiatement le
même genre de législation dont se sont dotés les pays occidentaux, au terme d’une très lente
évolution historique. Il faut naturellement considérer que les critères retenues pourraient ne
pas être les mêmes. A cet égard, il convient de citer ce long extrait d’un article récent, écrit
par deux responsables d’une association humanitaire, et qui a le mérite de souligner très
clairement un certain nombre de difficultés : « « Epicentre est une association créée en 1987
par Médecins sans frontières (MSF), qui réalise régulièrement des enquêtes épidémiologiques
et des projets de recherche opérationnelle dans les PVD. Notre pratique et notre engagement
au sein de MSF nous amènent à penser que l’application des principes éthiques dans notre
domaine d’activité doit également prendre en compte les éléments plus complexes de
l’environnement sanitaire spécifique dans lequel nous évoluons. En effet, le contexte social,
culturel, politique et juridique dans lequel nous travaillons dans les PVD est très différent de
celui des pays industrialisés, et l’équilibre entre les besoins de santé et l’offre de soins est
inversé entre PVD et pays industrialisés.
(…)

17
Sonia Shah, « Médicaments du Nord testés sur les pauvres du Sud », Le Monde Diplomatique, mai 2007, p.
18-19
18
Rapport Inserm Eulabor, 2006, cité par Roger GUEDJ, « Investigation scientifique sur l’être humain : Quels
problèmes éthiques ? »
Le développement de projets de recherche opérationnelle conçus pour une mise en oeuvre
dans les PVD, doit donc être stimulé dans le domaine de la médecine infectieuse tropicale.
Dans ce cadre, nous considérons comme indispensable le recours à un avis éthique qui ne
devrait pas se limiter à celui du comité d’éthique des pays industrialisés, mais devrait
comprendre systématiquement la présentation du protocole de recherche devant un comité
d’éthique national.
Les recommandations précises éditées par le CIOMS en termes d’éthique de la recherche
clinique pour la pratique de l’épidémiologie dans les PVD devraient servir de référence aux
comités d’éthiques nationaux et européens. Il est clair néanmoins que leurs opinions risquent
de diverger. Quel avis faudra-t-il alors privilégier ? On peut penser que les comités d’éthique
des PVD seront plus réceptifs à des arguments tels que l’absence de traitement existant pour
certaines maladies affectant exclusivement leurs pays, arguments auxquels les membres
des comités d’éthique européens pourraient être moins sensibilisés. On pourrait donc
imaginer des situations dans lesquelles l’aspect « non éthique » d’un projet de recherche
serait volontairement ignoré devant l’argument de l’urgence des résultats de la recherche.
(…) » .
Enfin, plus généralement, en matière d’éthique concernant la recherche dans les PVD les
questions suivantes restent posées : doit-on appliquer strictement les recommandations
internationales, quel que soit le contexte de la recherche ? à quelle structure de référence
soumettre les protocole pour l’obtention d’un avis éthique en France sur des recherches
menées dans les PVD ? » 19.

On constate donc que la loi nationale ne serait pas forcément la solution à toutes les
difficultés. Dans ce cas, ne peut-on penser à promouvoir le respect des droits de la personne
se prêtant à des recherches biomédicale dans le contrat de recherche lui-même ? Certes, de
telles garanties ne viendront peut être pas spontanément à l’idée du laboratoire
expérimentateur, mais l’on peut espérer que le souci de protéger les personnes conduise les
signataires de contrats de recherche à une plus grande vigilance.

Au terme de ces quelques observations, il convient de rappeler que la nécessité de veiller à ce


que les exigences démocratiques de protection des personnes ne soient pas réservées aux seuls
ressortissants des pays du nord. L’expérimentation biomédicale, qui est une nécessité peut
constituer une chance pour certains malades d’obtenir plus rapidement des soins ou des
médicaments appropriés. Encore faut-il que les normes de protection ne soient pas
excessivement différentes, car une disparité, telle qu’elle existe aujourd’hui entre les
différents systèmes, constitue une incitation objective à expérimenter dans les pays les moins
exigeants en termes de protection de la personne. La solution peut passer par une législation
plus ferme des pays en voie de développement, ou par une négociation contractuelle entre les
hôpitaux et les universités accueillants les expérimentations et les promoteurs de ces
expérimentations. On peut se demander quel serait l’intérêt de ces derniers pour accepter de
façon contractuelle des normes que la loi étatique ne leur imposerait pas. La modification des
comportements des laboratoires pourrait venir de la prise de conscience des citoyens du nord.
On se souvient en effet que lors de l’action en justice menée par différents laboratoires contre
l’Afrique du Sud qui entendait produire elle-même, et sans licence, des médicaments brevetés,
la mobilisation des citoyens du Nord avait abouti au retrait de la plainte et au processus des
accords de Doha instaurant un régime de licence obligatoire. On peut espérer qu’une même
prise de conscience pousse les acteurs du Nord à revoir leurs pratiques pour un respect, cette
fois universel, des droits fondamentaux.
19
Fabienne Dorlencourt, Dominique Legros, « Ethique et recherche dans les pays en voie de développement »,
Actualité et Dossiers Santé Publique n°31, juin 2000, p. 75 et s.

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