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UNIVERSITE TOULOUSE CAPITOLE

Année universitaire 2022/ 2023

3° année de licence en droit

DROIT DES LIBERTES PUBLIQUES

CORRECTION

THEME N°5 : LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE EN


RELATION AVEC LES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTALES

Document : Décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021

Sujet :

Commentez la décision QPC du Conseil constitutionnel en date du 4 juin 2021.


Introduction :

« Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L’autorité judiciaire, gardienne de la


liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
C’est ce qui résulte de l’article 66 de la Constitution de 1958.
Le 4 juin 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé dans le cadre d’une question
prioritaire de constitutionnalité, dans sa décision n° 2021-912/913/914 QPC relative aux
mesures d’isolements et de contentions des malades. Cette décision s’inscrit dans la continuité
de la décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 rendu par le Conseil constitutionnel relative
aux dispositions concernant le recours à l’isolement et à la contention dans le cadre d’une
hospitalisation sans consentement.
Dans cette espèce, le Conseil d’Etat a joint trois questions prioritaires de
constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. Les trois requérants et les parties
intervenantes soutiennent que les dispositions de l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé
publique, issu de la loi n°2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement pour la sécurité
sociale pour 2021, méconnaissent les articles 34 et 66 de la Constitution de 1958. En effet, les
requérants reprochent au législateur de ne pas avoir prévu de contrôle judiciaire systématique
des mesures d’isolement et de contentieux qui se prolongeraient au-delà de la durée totale
maximale fixée par le code précité. Dès lors, ils soutiennent que ces mesures pourraient se
prolonger sur de longues périodes en dehors de tout contrôle judiciaire. Enfin, une partie
intervenante allègue également que le législateur aurait méconnu le principe d’égalité devant
la loi dès lors qu’il institue une différence de traitement entre les personnes hospitalisées qui
disposent ou non de la faculté de saisir le juge par l’intermédiaire de leur proche, dès lors
qu’elles sont dans l’incapacité de saisir elle-même la juridiction. La Cour de cassation a ainsi
saisi le Conseil constitutionnel de ces trois questions prioritaires de constitutionnalité
similaires le 2 avril 2021 dans les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution,
consacrant la saisine du Conseil pour une QPC.
Les dispositions législatives prévoyant le prolongement de la durée des mesures
d’isolement ou de contention, hors cadre législatif, d’une personne hospitalisée sans son
consentement en l’absence de saisine systématique de l’autorité judiciaire sont-elles
conformes à l’article 66 de la Constitution ?
Dans sa décision du 4 juin 2021, le Conseil constitutionnel juge « qu'aucune
disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou la contention au-delà d'une
certaine durée à l'intervention systématique du juge judiciaire, conformément aux exigences
de l'article 66 de la Constitution » et donc que ces dispositions sont contraires à la
Constitution.

Plan détaillé :

I. L’encadrement nécessaire des mesures privatives de liberté par l’autorité judiciaire

A. L’autorité judiciaire, gardienne pérenne de la liberté individuelle


(attention : toujours citer la partie de l’arrêt/décision que l’on souhaite commenter ci-après)
Csdrnt 14 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L’autorité judiciaire, gardienne de
la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
»

- Article 66 de la constitution   : AJ (autorité judicaire) gardienne de la liberté


individuelle
- But de l’art. 66 : le constituant a consacré un pcp fondamental de l’Etat de droit, dans
la logique de l’art. 7 de la DDHC : interdiction de la détention arbitraire
- L’art. 66 affirme le droit à la sûreté : il vise à protéger l’individu contre toute privation
de liberté arbitraire + art. 5§1 e) CESDH : détention de certains malades et marginaux
! l’hospitalisation vise à protéger le patient et/ou les tiers contre les agissements de la
personne malade
- Ex : AJ gardienne de la liberté individuelle lors de mesures privatives de liberté :
contrôle par le JLD des mesures de détention provisoire ou contrôle par le JLD des
placements en retenue ou rétention administrative (étrangers en situation irrégulière)

B. L’isolement et la contention, mesures constitutives d’une privation de liberté

Csrdnt 18 : « les mesures d’isolement et de contention qui peuvent être décidées dans
le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de
liberté ».

- Contention   : Procédé thérapeutique permettant d'immobiliser un membre, de


comprimer des tissus ou de protéger un malade agité.
- Isolement   : L'isolement des malades mentaux, lorsqu'ils sont dangereux pour eux-
mêmes, a pour objet de les soustraire au milieu qui a pu provoquer ou qui peut
entretenir leur état. Dans certains cas, il sert aussi à protéger la société et le malade lui-
même contre les risques que pourrait éventuellement occasionner son état. L'isolement
psychiatrique demande un aménagement particulier de la chambre et un protocole de
surveillance spécialisé. Il se déroule le plus souvent sans consentement du patient
- Conditions isolement + contention au sens de l’art. L. 3222-5-1   : prévenir un
dommage imminent pour le patient ou autrui sur décision motivée d’un psychiatre et
uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après
évaluation du patient.
! Donc but de la privation de liberté dans : Hospitalisation sans le consentement de
l’individu suppose d’établir : qu’il souffre d’un trouble mental qui constitue un danger
pour sa sécurité ou celle des tiers et que son internement est le seul moyen d’assurer la
protection du patient et / ou celle des tiers.
- + finalité thérapeutique de cette privation de liberté. Pour la CEDH, le contenu de
l’obligation de soin incombe aux États (CEDH, GC, Rooman c. Belgique, 31 janv.
2019)
- Conséquence de cette privation : plusieurs droits fondamentaux du patient sont violés :
le plus importants = droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CESDH),
puisque le patient ne peut pas jouir de ce droit lorsqu’il est privé de liberté + liberté
d’aller et venir, article 2 Protocole n°4 CESDH.
- Mais violation de ces droits justifiés : poursuit l’objectif légitime de sauvegarder la
sûreté de l’État ! donc le patient a des droits qui découlent de cette privation ! ex :
droit à l’information, art. 5 CESDH (Van der Leer c. Pays-Bas, 1990), le patient doit
être informé de la décision d’admission de ses droits et des voies de recours dont il
dispose.
- Ou : droit au recours : par la saisine du JLD notamment, qui doit pouvoir être saisi à
tout moment par le patient, l’un de ses proches ou le procureur de la République aux
fins d’examiner l’opportunité de la mesure et, le cas échant, ordonner la mise en
liberté du patient.
II. Le contrôle ineffectif des mesures d’isolement ou de contentions par l’autorité
judiciaire

A. L’absence marquée de l’intervention systématique du juge des libertés et de la


détention
(réponse au I. A)

Csdrt 19 : « Le médecin peut décider de renouveler les mesures d’isolement et de
contention au-delà des durées maximales prévues par le législateur, sans limitation du
nombre de ces renouvellements. (…) (il) est tenu d’informer sans délai le juge des libertés et
de la détention de sa décision, qui peut se saisir d’office pour mettre finn à cette
prolongation ».
+ csdrnt 14   : la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge
intervient dans le plus court délai.

- Pcp art. 3211-21 CSP : le JLD peut être saisi aux fins d’ordonner la mainlevée de ces
mesures et il peut se saisir d’office. = faculté du juge
- Question des délais – liberté individuelle est seulement sauvegardée si le juge
intervient dans le plus court délai possible
- Ex : décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 – ici continuité de la position du
conseil constitutionnel
- En l’espèce : Rupture d’égalité entre les patients que se voient conférer un contrôle
systématique par le JLD et les autres, cf hors cadre du législateur
- L’information du juge prévue par le législateur n’a pas pour conséquence qu’il use de
sa faculté de s’auto-saisir. Selon ce schéma, le contrôle judiciaire dépend donc du bon
vouloir des personnes informées ou de la capacité de l’intéressé à saisir le juge.
- Les mesures privatives de libertés « perdurant au-delà d’une certaine durée » : le
Conseil censure le caractère facultatif de l’intervention judiciaire
- Mais ensuite, il faudra que le législateur mette en place un régime qui permette que les
décisions médicales soit traçables (isolement et contentieux) car ces éléments sont
indispensables au contrôle judiciaire. Le législateur devra donc permettre au juge
d’intervenir obligatoirement au-delà d’une certaine durée, et toujours à bref délai pour
garantir la liberté individuelle.
B. Le choix d’une abrogation différée discutable / critiquable / contestable
(réponse au I B)

Csdrnt 22   : «   L’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la


Constitution entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de
reporter au 31 décembre 2021 …etc. »

- Mesure privative de liberté sans le consentement : très attentatoire aux libertés


- Deux points de vue :
o Législateur   : temps laissé au législateur pour réaliser une modification
législative effective et permettant une réelle protection du patient à travers
l’élaboration d’un nouvel accès au JLD systématique en cas de prolongation
des mesures d’isolement ou de contention.

o Patient : les patients internés jusqu’au 31 déc. 2021 se verront appliquer une
procédure contraire à la constitution – or mesure privative de liberté = très
attentatoire à la liberté individuelle

- Évolution législative : décret n°2022-419 pris le 23 mars 2022 modifie la procédure


applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière de contrôle de
l’isolement et de la contention dans le cadre des soins sans consentement.

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