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Le corps humain est-il sacré ?

Introduction
La loi n°2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a été publiée le 8 juillet 2011. Ce texte
prévoit notamment : l’autorisation du don croisé d’organes intervenant en cas d’incompatibilité
entre proches ; la vitri cation. Le principe d’interdiction des recherches sur l’embryon et les
cellules souches embryonnaires est maintenu et le recours à la gestation et à la procréation pour le
compte d’autrui reste interdit.

Cependant, la révision de cette loi était devenue nécessaire dans un contexte d’avancées
technologiques et des attentes sociétales fortes entre la sacralisation du corps humain et le libre
choix de chacun de disposer de son corps.

La loi du 2 aout 2021 dite loi Bioéthique et publiée au journal of ciel le 3 août de la même année
élargit l’accès а la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes
célibataires. Le texte encadre, par ailleurs, l'autoconservation des gamètes pour les femmes comme
pour les hommes en dehors de tout motif médical. Seuls les établissements publics ou privés а but
non lucratif autorités а cet effet peuvent conserver les embryons destinés а être accueillis et mettre
en oeuvre la procédure d’accueil.

Toutefois, l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) a été réaf rmée. De même, ont été
rejetées la PMA post-mortem au béné ce des veuves et don d’ovocytes dans un couple de femmes,
selon la technique dite de la ROPA (la méthode ROPA est une variante de la Fécondation In Vitro
destinée aux femmes homosexuelles qui décident d'avoir un bébé et qui veulent participer toutes les
deux activement à la grossesse) .

Ainsi, la question de la sacralisation du corps humain revêt toute son importance. Le corps
humain ou l’enveloppe charnelle de la personne humaine doit être entendu dans une acception
large. Il ne s’agit ni d’exclure l’embryon, ni le cadavre. La sacralisation ne sera pas exploitée par
référence au culte divin, mais en tenant compte du respect absolu c.-à-d. l’absence d’inviolabilité,
d’intégrité et de non-patrimonialité. Partant de ce constat, il s’agit de se demander si le droit
consacre le caractère sacré. Plus précisément si le respect porté à l’enveloppe charnelle est absolu.

Le droit positif admet une protection du corps humain. Ce principe est transcendant, mais il ne rend
pas compte d’une sacralisation. En effet, il existe un arsenal de règles protectrices du corps humain,
néanmoins, la protection n’est pas absolue. Dès lors, il faut envisager l’existence d’une protection
du corps humain (I) avant d’étudier l’absence de sacralisation de celui-ci (II).
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I. L’existence hominien d’une protection du corps humain

L’enveloppe charnelle est, d’une part, protégée, par principe, de la naissance à la mort (A). D’autre
part, la protection est élargie à l’embryon et au cadavre (B).

A. Une protection de principe : l’apport substantiel des dispositions légales

- Le corps humain est protégé par la loi (articles 16 et suivants du Code civil) et par la
jurisprudence (p. ex. CEDH, 19 février 1997, Laskey, Jaggard & Brown c. Royaume-Uni : la Cour
précise les limites à la liberté du comportement sexuel ; le consentement de la victime ne prévaut
pas contre l’atteinte à la dignité humaine).

- Le corps humain est protégé dans sa substance par différents principes. D’abord, le
principe d’inviolabilité du corps humain, ensuite le principe d’intégrité (article 16-1, alinéa
2 et 16-3 du Code civil) et en n, le principe de non-patrimonialité (article 16-1, alinéa 3 du
Code civil). Il est interdit de conclure des contrats à titre onéreux portant sur le corps humain (p.
ex. les tra cs d’organes et les mères porteuses [article 16-7 du Code civil]). Aussi, le corps
humain est protégé dans son apparence. Le Conseil d’État af rme « qu’il appartient à l’autorité
investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à
l’ordre public ; que le respect de la dignité de la personne humaine est une composante de
l’ordre public ; que l’autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l’absence
de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la
dignité humaine ». Ainsi, l’interdiction des spectacles de lancer de nains est fondée sur le
principe de la dignité humaine. Le consentement de la personne est indifférent (CE, 27 octobre
1995, Commune de Morsang-sur-Orge). De la même manière, la circonstance que toutes les
parties prenantes soient consentantes ne permet en aucun cas d'in échir la rigueur de la
prohibition de la GPA.

B. Une protection dilatée : la réaf rmation des prohibitions acquises

- À l’embryon, les lois sur la bioéthique ont posé le principe de l’interdiction de la recherche. Il
était également interdit d’utiliser les embryons à des ns commerciales.

- Malgré l’adoption de la loi du 2 aout 2021 l’interdiction de créer des embryons à des ns de
recherche et l’interdiction de modi er le patrimoine génétique d’un embryon destiné à naître
sont réaf rmées. Ainsi, sont interdits, la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches
embryonnaires, le don des gamètes, la création de chimères par adjonction de cellules animales
dans un embryon humain, la création d'embryon à des ns de recherche, clonage et
réimplantation d'embryons destinés à être réimplantés. Cependant, a n de faciliter les
recherches, la procédure pour les demandes d'autorisation de recherche sur les embryons et les
cellules souches embryonnaires (cellules prélevées dans un embryon à son tout premier stade de
développement et qui peuvent se transformer en tous types de cellules - peau, muscles, coeur...)
est allégée. En outre, une durée limite de 14 jours est xée pour la culture in vitro des embryons
humains inclus dans un protocole de recherche (embryons surnuméraires provenant d’un couple
n’ayant plus de projet parental et ayant consenti à les proposer à la recherche). La nouvelle loi
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traduit selon le gouvernement, une levée des certains verrous juridiques et en supprimant des
contraintes infondées, en particulier pour la recherche sur les cellules souches.

- Au cadavre, l’arrêt du Conseil d’État du 2 juillet 1993, Milhaud précise que le respect de la
personne humaine après la mort est un principe général du droit. Ainsi, il rattache le respect dû aux
morts au respect de la dignité de la personne. Par ailleurs, la première chambre civile, dans
l’affaire Our Body, a con rmé l’interdiction de l’exposition muséale de cadavres humains en
s’appuyant sur les dispositions de l’article 16-1-1, alinéa 2 du Code civil, en vertu desquels « les
restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence ». Elle en a
conclu que « l’exposition de cadavres à des ns commerciales méconnaît cette exigence », et qu’elle
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devait être interdite en conséquence (Civ. 1 , 16 septembre 2010).

Cette protection n’est que relative, elle af che une absence de sacralisation du corps humain.

II. L’absence apodictique de sacralisation du corps humain

L’absence de sacralisation du corps humain se traduit d’une part, par des atteintes nécessaires (A) et
d’autre part, par des atteintes conditionnées (B).

A. Des atteintes nécessaires

- Des nécessités thérapeutiques justi ent une atteinte au corps humain. En d’autres termes, il peut
s’agir soit de se faire soigner, c.-à-d. qu’il existe des exceptions au principe de l’intégrité du corps
humain (on oblige le patient à se soigner, même en l’absence de son consentement ; manipulations
sur l’embryon a n de détecter des maladies ou affections graves) ; soit, de soigner autrui, c.-à-d.
que le besoin de soin vient justi er la licéité du don d’organe (y compris post-mortem). Ces
nécessités thérapeutiques sont aussi de plus long terme et répondent cette fois, à l’objectif suivant :
l’avancée de la recherche. Dès lors, les expérimentations et les recherches sur l’embryon sont
exceptionnellement autorisées et strictement encadrées et celles sur le cadavre répondent à des
nécessités scienti ques reconnues.

- Des atteintes extra-thérapeutiques viennent également témoigner d’une absence de


sacralisation du corps humain. Ainsi, la pratique de l’avortement dans le délai légal en est un
exemple, tout comme la destruction des embryons surnuméraires au moment de l’entrée en
vigueur des lois de 1994 qui ne faisaient pas l’objet d’une demande parentale et qui ne pouvaient
être accueillis par un couple tiers.

- La loi 5 aout 2021 relative à la vaccination obligatoire : Dans cette hypothèse une atteinte à
l’intégrité du corps humain qui opère sans le consentement préalable de l’intéressé. Le Conseil
d’État a pu considérer, dès lors qu’elles sont mises en œuvre pour assurer la protection de la
santé et qu’elles sont proportionnées à leur objectif, qu’elles ne constituaient pas une atteinte
illicite aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain (CE, 26 novembre 2001).

- Durant la crise sanitaire, les restrictions de libertés ont constamment dû être mises en regard de
l’impératif de protection de la santé de la population, un objectif de valeur constitutionnelle.  Le
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Conseil d’État s’est ainsi attaché à véri er que ces atteintes aux libertés étaient nécessaires,
adaptées et proportionnées, en tenant compte d’une situation sanitaire en constante évolution et
des moyens disponibles pour lutter contre le virus (masques, vaccins…). À chaque période, le
juge a dû placer correctement le curseur entre les libertés et le droit à la protection de la santé

- B. Des atteintes conditionnées

- Le consentement, en principe personnel, de l’intéressé est requis pour la licéité des atteintes au
corps humain.

- La condition est atténuée en cas de décès. Le consentement des proches est accepté pour
l’autorisation de conduire des expérimentations sur le cadavre. P. ex. Y. Montand avait refusé de
son vivant une expertise biologique permettant de déterminer sa liation. Ses héritiers sont
passés outre ce refus, et les juges aussi. Néanmoins, la solution pourrait être différente
aujourd’hui. En effet, l’article 16-11, alinéa 3 du Code civil, dispose désormais que « Sauf accord
exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identi cation par empreintes génétiques
ne peut être réalisée après sa mort ». Or, selon la Cour européenne des droits de l’homme, il y a
une restriction à la vérité biologique paralysant la possibilité de faire établir un lien de liation.
En effet, elle a condamné la Suisse considérant qu’il y avait une violation de l’article 8 de la
CESDH (CEDH, 13 juillet 2006, Jäggi c. Suisse). Partant de ce constat, elle a pris le soin de
mettre en balance les différents intérêts en cause : le droit à connaître son origine et le droit à
l’intangibilité du corps du défunt, faisant prévaloir le premier. Dans un arrêt du 16 juin 2011,
Pascaud c/ France, la CEDH a condamné la France sur le fondement de l’article 8 (droit au
respect de la vie privée et familiale) pour avoir refusé d’établir la liation du requérant de
manière injusti ée. Désormais, l’absence de consentement à l’expertise biologique ne peut pas
constituer à lui seul un motif permettant de refuser la preuve biologique.

Pour autant, le CC, saisi sur renvoi d’une QPC par la Cour de cassation, a dans une décision
du 30 septembre 2011, rejeté le double grief de méconnaissance du droit à la vie privée et familiale
et d’institution d’une différence de traitement entre les hommes et les femmes contraire au principe
d’égalité devant la loi. Sur le premier grief, il a estimé qu’« en disposant que les personnes
décédées sont présumées ne pas avoir consenti à une identi cation par empreintes génétiques, le
législateur a entendu faire obstacle aux exhumations a n d’assurer le respect dû aux morts » et
qu’il ne lui appartenait pas « de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en
compte, en cette matière, du respect dû au corps humain ». Sur le second grief, il a décidé « qu’aux
termes de l’article 325, la recherche de maternité implique que l’enfant prouve qu’il est celui dont
la mère prétendue a accouché », si bien que « la circonstance que les dispositions précitées,
relatives à la preuve de la liation par l’identi cation au moyen des empreintes génétiques, trouvent
principalement à s’appliquer lorsque la liation paternelle est en cause ne saurait être regardée
comme une différence de traitement contraire au principe d’égalité devant la loi »

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