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LE DÉCLIN DU PRINCIPE DE

LÉGALITÉ

« Nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege », en français, pas de crimes, pas de
peines sans loi. Le droit pénal moderne, tel que l'a pensé la Déclaration de 1789 par ses articles
7 et 8 inspirée par la philosophie pénale de Beccaria, est un droit pénal qui croit en l’homme. Ce
principe est la règle cardinale, la clef de voûte du droit pénal, un tel principe ne peut se
développer que dans un État de droit qui connaît au surplus le principe de la séparation des
pouvoirs. Ce principe est aujourd’hui réaf rmé par le Code Pénal à son article 111-3 « Nul ne
peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas dé nis par la loi ou
pour une contravention dont les éléments ne sont pas dé nis par le règlement ». Ce principe a
donc valeur législative, constitutionnelle mais aussi supra nationale car il est af rmé par des
traités internationaux, dont l’article 7.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Ce principe de légalité est justi é tout d’abord par un élément psychologique, la loi doit avoir
un effet préventif, ensuite d’un élément politique, elle doit pouvoir s’opposer à l’arbitraire qui
trouve sa dé nition la plus complète dans les articles 5, 7 et 8 de la Déclaration de 1789 et en n
d’un élément institutionnel où ici on accorde au pouvoir législatif une compétence exclusive
pour dé nir les infractions.

En vertu de l’article 111-3 du Code Pénal, ce principe de légalité doit s’étendre à dé nir les
infractions, des sanctions mais aussi des mesures de sûretés, ces derniers doivent être dé nis
par la loi et les contraventions par les règlements. Ce principe impose un caractère de clarté et
de précision et de prévisibilité dans la dé nition des incriminations, ces exigences sont
renforcées par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans un arrêt du 10 octobre 2006
nommé Pessino contre France.

Ce principe emporte quatre conséquences, qu’il n’y a ni infraction, ni peine sans texte légal,
ensuite qu’il doit avoir une interprétation stricte de la loi pénale et de la territorialité de cette loi,
et en n la non rétroactivité de celle-ci.

Au sens strict du principe de la légalité, la loi est l’unique source de droit pénal, cependant
aujourd’hui ce principe est dérogé par l’acceptation d’autres sources au droit pénal. Le principe
de textualité peut-être maintenue mais la question d’un déclin du principe de légalité peut être
posé. Malgré son importance pour la préservation des libertés et en dépit de nombreuses
consécrations dont il a fait l’objet le principe de légalité est en déclin tant du point de vue
politique que sur le plan juridique.

Une place de plus en plus large à d’autres sources de la loi pénale suf t-elle réellement à
mettre en cause le principe de la légalité.

Ainsi nous étudierons dans une première partie la réalité du déclin du principe de la
légalité pénale en tant que source de droit pénal français (I), a n, par la suite, de comprendre
que ce déclin n’est pas systématiquement synonyme in ne d’un effacement de cette source (II).

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I. Un incontestable déclin du principe de légalité pénale face à de nouvelles


sources du droit pénal

A. Un affaiblissement du principe de légalité du point de vue politique : les


sources écrites supérieures à la loi

• Pour les philosophes du xvième siècle, le principe de légalité se traduisait par une
double nécessité. Nécessité d'un texte car il fallait, pour en nir avec l'arbitraire des
juges de l'ancien régime et l'incertitude des règles coutumières, que les règles
pénales soient écrites. Nécessité d'un texte de loi car seule la loi, qui est l'expression
de la volonté générale, peut limiter la liberté des citoyens.

• Le terme de loi était évidemment pris au sens formel d'acte voté par les
représentants du peuple au sein du Parlement. La Constitution du 27 octobre 1946
respectait parfaitement cette exigence de légalité formelle puisqu'elle interdisait,
dans son article 13, le recours aux décrets lois.

• Mais depuis la Constitution du 4 octobre 1958, notre système juridique est passé de
l'exigence d'une légalité formelle a celle d'une simple légalité matérielle. C'est la
que réside le déclin politique du principe de légalité. L'infraction suppose toujours
l'existence d'un texte, mais il ne s'agit pas toujours d'un texte de loi.

• À vrai dire, la solution a été d'une gestation lente et dif cile en raison d'une querelle
d'interprétation des articles 34 et 37 de la Constitution de 1958. On sait que l'article
34 énumère, limitativement, les matières qui sont du domaine de la loi. Or. dans
cette énumération gure seulement « la détermination des crimes et des délits ainsi
que les peines qui leur sont applicables ». Rien n'est dit des contraventions.

• Quant à l'article 37, il dispose que « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire». Fallait-il en déduire la compétence
du règlement en matière de contraventions?

• La question n'était pas seulement théorique puisque sous l'empire de l'ancien Code
pénal, les contraventions étaient justiciables de peines d'amende de trente à douze
mille francs et de peines d'emprisonnement d'un jour à deux mois. Pouvait-on
admettre que des peines privatives de liberté soient établies par décret?

• Dans l'arrêt Société Eky du 12 février 1960, le Conseil d'État af rma la compétence
du règlement en matière de contraventions, en retenant une interprétation littérale
des articles 34 et 37 de la Constitution.

• Dans sa décision du 23 novembre 1973, le Conseil constitutionnel tenta de limiter


cette compétence aux seules contraventions ne prévoyant pas «de mesures
privatives de liberté ». Mais, cette solution, pourtant raisonnable, n'eut aucun écho.
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• Et, dans l'arrêt Schiavon, la chambre criminelle de la Cour de cassation adopta, en


1974, la position du Conseil d'État. À titre exceptionnel, il est admis que le Parlement
puisse légiférer en matière de contraventions, mais c'est a la condition que le
pouvoir réglementaire, qui détient la compétence de principe en la matière, ne s'y
oppose pas (Cons. const. 30 juill. 1982).

• Cette solution est dif cilement acceptable. Comment admettre, dans un système
démocratique, qu'un ministre puisse, au mépris du principe de séparation des
pouvoirs, créer des infractions pénales et les assortir de peines privatives de liberté?

• À vrai dire, le Code pénal de 1994 a atténué les inconvénients de la solution en


supprimant les peines d'emprisonnement en matière de contraventions. Reste que,
du point de vue théorique, la compétence de l'exécutif en matière pénale parait
singulièrement dépourvue de légitimité. Elle est pourtant con rmée a l'article 111-2
du Code pénal. Le déclin politique du principe légaliste est donc net.

• Il s'y ajoute un très regrettable déclin juridique.

B. Un abaissement du principe de légalité du point de vue juridique : un


accroissement des imprécisions des textes

• En dépit de l’obligation, qui est faite au législateur de légiférer par des textes précis,
il arrive parfois que le législateur recoure à des expressions très vagues en
incriminant « toutes infractions aux dispositions » de telle ou telle loi, ou encore en
punissant « tout acte par lequel » l'agent aura obtenu tel ou tel résultat.

• Cette technique législative où la paresse le dispute à la recherche d'une ef cacité


accrue de l'incrimination n'est pas conforme au principe légaliste. De ce point de
vue, le record est sans doute détenu par l'article 82 de l'ancien Code pénal qui
incriminait « tous les actes de nature à nuire à la défense nationale». Ce texte a fort
heureusement été abrogé et il faut reconnaître que le Code pénal de 1994 s'est
efforcé de dé nir plus précisément les infractions.

• Mais cet effort n'a pas toujours été couronné de succès, et on note de regrettables
contre-exemples. Ainsi, le harcèlement sexuel réprimé par l'article 222-33 du Code
pénal n'avait-il fait l'objet d'aucune dé nition.

• L'imprécision des textes répressifs atteint parfois aussi les sanctions. La prévisibilité
de la loi pénale suppose que la peine puisse être déterminée, avant tout passage à
l'acte, avec la plus grande précision. Or. plusieurs facteurs se conjuguent en sens
contraire.

• D'une part, le maximum des peines d'amende est parfois très élevé. A titre
d’exemple, l'escroquerie et l'abus de con ance sont punis d'une amende dont le
montant maximum est de 375000 € (C. pén., art. 313-1, 314-1).

• D'autre part, la suppression des minima par le législateur de 1994 rend la


détermination de la peine encore plus imprévisible.

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• En n, il arrive que la peine soit déterminée de manière encore plus abstraite au


moyen d'amendes dites proportionnelles. Ainsi, en matière de publicité
mensongère, l'amende maximale est-elle de la moitié du budget publicitaire engagé
par le délinquant. De même, en matière de délit d'initiés, l'amende maximale peut-
elle s'élever au décuple du montant du pro t éventuellement réalisé dans
l'opération boursière.

• Autant de formules qui ne permettent pas, avant d'agir, d'avoir une perception
précise de la sanction pénale. Faudra-t-il changer un jour le requiem du principe de
légalité ? Il ne faut pas l'espérer car la disparition du principe de légalité sonnerait le
glas de nos libertés.

II. Une fonction législative rasant active : une atteinte au monopole du


législateur par le juge

A. Une extension des pouvoirs du juge dans l'application des incriminations


et des peines

• La question du déclin du principe de légalité reste d’actualité pour plusieurs raison

• Affaiblissement plus net si l’auteur de la norme légale est en dessous du législateur.

• Le domaine contraventionnel est con é au pouvoir réglementaire : article 37 de la


Constitution.

• La technique du renvoi notamment en droit pénal des affaires : atteinte au principe


de légalité au sens large parce que la loi devient dif cile à comprendre, l’argument
psychologique tout comme celui de la lutte contre l’arbitraire n’est pas respecté.

• En réalité le monde des affaires et le monde du travail sont de plus en plus


complexes. Parallèlement, la population est favorable à une accentuation de la
répression. Le Parlement tend à être dépassé par ces deux mouvements et donc à
démissionner au pro t de l’exécutif et éventuellement du judiciaire. Il y a donc une
multiplication du nombre de contraventions en droit du travail et en droit des
affaires. De ce point de vue, on a bien un affaiblissement du principe de légalité.

• Dans les actes du pouvoir exécutif on parle de règlements et on exclut les circulaires
(utiles pour que le juge interprète le règlement mais il n’est jamais lié par celle-ci).
Les actes du pouvoir exécutif peuvent être également une source de droit pénal. Il
est possible que, pour ne pas se contenter d'incriminations trop vagues, le pouvoir
législatif, incapable d'entrer dans le détail de certaines matières techniques, con e
au pouvoir exécutif le soin d'établir les règlements qui fourniront des incriminations
suf samment précises.
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• Les conventions européennes ou internationales. L'article 55 de la Constitution


énonce que « les traités ou accords régulièrement rati és ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque
accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

• Or, tel est le cas de la Convention européenne de sauvegarde des droits de


l'Homme et des libertés fondamentales qui a été signée à Rome le 4 novembre 1950
et rati ée par la France en 1974. Le 2 octobre 1981, la France ayant accepté le
recours individuel ouvert par l'article 25 de la Convention, la victime de la violation
de l'un des droits fondamentaux consacrés par la Convention (par exemple, le droit
à la vie, à la liberté, à un procès équitable, au respect de la vie privée, à la liberté de
pensée, de conscience et de religion...) peut, de plein droit, saisir l'organe de
contrôle : la Cour européenne des droits de l’Homme, les législateurs nationaux
n'ont pas besoin de les transposer. Parfois, ils se substituent aux normes internes
dont la violation est pénalement sanctionnée. Un règlement de l'Union européenne
peut donc paralyser une incrimination interne, par exemple en raison de
l'application du principe de libre circulation des marchandises (Crim. 18 sept. 1997).
Aussi bien, le juge français doit-il refuser d'appliquer un texte répressif interne qui
irait à l'encontre d'un règlement (Crim. 10 avr. et 12 juin 1995).

• En cas de dif cultés d'interprétation, les juridictions nationales peuvent saisir la Cour
de justice de l'Union européenne d'une exception préjudicielle. L'interprétation
donnée s'impose alors au juge interne.

B. Une exigence persistante de la qualité législatif : la loi source principale


de droit pénal

• La source principale du droit pénal reste la loi. Le Code pénal de 1810, décrété par
Napoléon I°, était une longue loi consacrée au droit pénal général et au droit pénal
spécial. Modi é de très nombreuses fois, il a été remplacé en 1994 par le nouveau
Code pénal qui a fait l'objet de plusieurs réformes

• En revanche, les coutumes principe généraux du droit et la jurisprudence ne doivent


pas être source de droit pénal. Les sources non écrites ne peuvent pas dé nir
d’infractions/de peines

• Les principes généraux du droit sont dégagés par la jurisprudence de la Cour de


cassation et éventuellement du Conseil d’État. Il est dif cile de se prononcer sur leur
valeur

• La coutume ne peut pas être source de droit pénal, comme elle est source de droit
civil et surtout de droit commercial. Il peut arriver, par exemple, que le parquet
laisse, pendant longtemps, un texte en sommeil sans l'appliquer. Ce texte n'est pas
abrogé pour autant. Une longue tolérance à l'accomplissement d'un acte, qui
constitue une infraction, ne confère aucun droit aux citoyens. C'est ce que décida la
Cour de cassation en matière d’avortement ; les personnes poursuivies avaient
prétendu qu'il y avait une tolérance qui leur assurait l'impunité et que la loi était
« objectivement mauvaise et immorale, caduque ». Le législateur est alors intervenu
pour mettre la loi en harmonie avec les mœurs, mais subsiste l'incrimination

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d'interruption de la grossesse sans le consentement de l'intéressée (art. 223-10 C.
pén.)

• La jurisprudence ne peut pas être une source de droit à cause du principe de


légalité car le texte jurisprudentiel est moins clair que le texte de loi. L’interprétations
des lois pénales restent nécessaires : le juge doit interpréter les lois en matières
pénales car il y a des lois obscures, incomplètes, partiellement adaptées aux
évolutions techniques ou encore il y a certains textes où l’on ne sait pas s’ils sont, ou
non, abrogés.

I. La réalité du déclin du principe de légalité ; la multiplication des sources du


droit Pénal

A. Un déclin immanquable du pouvoir législatif en faveur du pouvoir exécutif

• Le principe de la légalité criminelle connaît une évolution importante en droit pénal français.
La diversi cation des sources du droit remet en cause la conception classique qui conférait à
la loi, au sens formel, le monopole de la répression.

• A partir du moment que l’on accepte que le droit pénal provient d’une autre source que la loi, on ne
respecte pas le principe de légalité au sens strict. En revanche, si les autres sources sont écrites on
respecte le principe de textualité, qui prend essence en 1994.

• L’apparition et l’extraordinaire développement du droit international, et en particulier du


droit européen, ressurgissent sur le droit pénal. Non seulement la loi pénale subit la
concurrence d’autres normes, mais encore elle est devenue un objet de contrôle de la part
des juges internes et de la Cour européenne des droits de l’homme.

• Et le pouvoir législatif partage désormais ses prérogatives avec le pouvoir réglementaire. Ce


partage de compétences devient un principe avec la constitution de 1958. Les auteurs parle
d'humiliation faite à la loi. L'article 37 de la constitution et l'article 111–2 du code pénal
énonce que le règlement a un pouvoir autonome en matière de contraventions, le
législateur est donc dessaisi de cette compétence. Certains auteurs parle de principe de la
textualité, ce qui traduit l'importance des prérogatives du pouvoir réglementaire.

B. L’accroissement progressif du pouvoir du juge

• A l’origine le principe de légalité a amené le principe de xité de la peine. Puis, dès 1810, entrée en
vigueur du Code pénal, il y a un abandon de la xité de la peine en accordant un peu de pouvoir au
juge en lui permettant de choisir entre la peine plancher et la peine plafond.

• Une lutte se dessine entre le législateur et le juge. Il y a une atteinte aux paroles de Montesquieu qui
est exprimé que les juges sont la bouche qui prononce les paroles de la loi. Le juge est tenu au respect
des textes et une interprétation stricte de la loi mais ils utilisent des procédés qui semble affaiblir la
valeur du principe de légalité ; technique exégétique pour analyser les textes, conception large du
délit, mode d'interprétation théologique.

• Fort c'est bien de reconnaître par conséquent au juge un certain pouvoir d’appréciation. Pour le cas
d'un texte absurde on autorise le juge à ne pas s'en tenir à la lettre du texte pour en rétablir le sens.
Pour le cas d'un texte obscur qui est susceptible de plusieurs interprétations, le juge doit rechercher le
sens véritable du texte et si il n'y parvient pas il retiendra l'interprétation la plus favorable à l’accusé.
En n, pour le cas d'un texte précis, le juge n'est en principe pas de pouvoir d'appréciation pour
étendre ce texte à un cas non prévu. Pour autant, le juge pénal ne s'est jamais enfermé dans un
libéralisme étroit. Ainsi, il peut faire évoluer les incriminations et pour les adapter aux circonstances
actuelles. Il utilise pour cela le raisonnement théologique.

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