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Heddy-Pierre NKULU MPIANA

est Juriste chercheur, encadreur et


Avocat au Barreau de Kinshasa / Matete

JURISTESPACE-RDC

PRECIS DES SERVICES ET


ENTREPRISES PUBLIQUES
Théorie générale

THEORIE GENERALE DES SERVICES ET ENTREPRISES


PUBLICS.

Titre I
Heddy-Pierre NKULU MPIANA
NOTION DES SERVICES ET ENTREPRISES PUBLICS.

Heddy-Pierre NkuluMpiana est Avocat au Barreau de Kinshasa (Matete),


juriste chercheur et encadreur en droit

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Heddy-Pierre NKULU MPIANA
est Juriste chercheur, encadreur et
Avocat au Barreau de Kinshasa / Matete

Les ouvrages de Heddy-Pierre sont


distribués en ligne (par e-mail)
parJuristEspace-rdc
Facebook : JuristEspace-rdc

H eddy-Pierre NKULU MPIANA


Juriste chercheur, Avocat au Barreau de Kinshasa (Matete), encadreur en droit

PRECIS DES SERVICES ET


ENTREPRISES PUBLIQUES
THEORIE GENERALE
CET OUVRAGE A ETE ELABORE SUR BASE DES OUVRAGES ET DES
ENSEIGNEMENTS MAGISTRAUX DES EMINENTS PROFESSEURS SUIVANT : Félix
VUNDUAWE te PEMAKO et KABANGE NTABALA

N’ayant pas été à la hauteur des conditions IL ENCADRE EN : DROIT CONSTITUTIONNEL ; DROIT
relatives au recrutement des assistants ADMINISTRATIF ; DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ;
arrêtées par son université -UPC- (il a obtenu
CONTENTIEUX ADMINISTRATIFS ; ORGANISATIONS
soixante neufs pourcent trois fois, dont
soixante neufs pourcent en terminal), INTERNATIONALES ; SERVICES PUBLICS ET ENTREPRISES
Heddy-Pierre tient tout de même PUBLIC ; DROIT FISCAL ; DROIT DES SOCIETES ; REGIMES
à emporter un jour le titre de docteur en droit. MATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBERALITES ;
DEONTOLOGIE DES MAGISTRATS, DES AVOCATS ET
FONCTIONNAIRES INTERNATIONAUX, PRINCIPAUX
SYSTEMES JURIDIQUES ET TANT D’AUTRES.
Tél : 0991276140 / 0811632770
Facebook : Heddy-Pierre NKULU
E-mail : chercheur.juriste@gmail.com

Ouvrage élaboré en 2008, saisie


et mise en forme en 2016.
JuristeSpace -2016

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SOMMAIRE

SIGLES ET ABREVIATIONS – P 5

LIVRE I : DES NOTIONS DU SERVICE PUBLICS ET DE L’ENTREPRISE


PUBLIQUE- P 6
Titre 1 : Du service public – P 6
Chapitre 1 : Services publics dans l’activité des personnes publiques – P 6
Chapitre 2 : Services publics dans l’activité des personnes privées – P 7
Titre 2 : Le régime juridique des services publics : conséquences attachées à
la notion de service public – P 8
Chapitre 1 : Existence d’un régime juridique commun à tous les services publics –P8
Chapitre 2 : Service public à gestion publique et service public à gestion privée :
distinction des deux grandes catégories des services quant a leur régime
juridique – P 15
S / Chapitre 1 : Principe de distinction – P 15
S/ Chapitre 2 : régime juridique des services publics à gestion publique – P 16
Chapitre 3 : Services publics à gestion privé – P 17
Titre 3 : Notion d’entreprise publique- P 23
Chapitre 1 : Généralités – P 23
Chapitre 2 : Problème de la définition de l’entreprise publique – P 26
LIVRE II : DU MODE DE GESTION DES SERVICES PUBLICS – P 30
Titre 1 : La régie – P 30
Chapitre 1: Gestion des services de l’Etat – P 30
Titre 2 : Etablissements publics – P 32
Chapitre 1 : Notion d’établissement public – P 33
Chapitre 2 : Raison d’être de l’établissement public – P 34
Chapitre 3 : Critère d’établissements publics – P 35
Chapitre 4 : Etablissements publics administratifs – P 37
Chapitre 5 : Etablissements publics industriels ou commerciaux – P 42
Chapitre 6 : ordres professionnels – P 45
Titre 3 : Concession de service public – P 50
Chapitre 1 : Observations générales - P 50
Chapitre 2 : Formation de l’acte de la concession – P 53
Chapitre 3 : Droits et obligations des parties – P 54
S / Chapitre 1 : Droits et obligations nés de la gestion du service – P 54
S / Chapitre 2 : Droits et garanties du concessionnaire – P 58
Chapitre 4 : Le contentieux de la concession – P 62
Titre 4 : Les sociétés publiques – P 64
Chapitre 1 : Techniques de développement des sociétés publiques – P 64
Chapitre 2 : Statut des sociétés publiques – P 65
LIVRE III : REGIME JURIDIQUE DES ENTREPRISES PUBLIQUES – P 66
Titre 1 : Création et suppression des entreprises publiques – P 66
Chapitre 1 : Création – P 66
Chapitre 2 : La suppression des entreprises publiques – P 68
Titre 2 : L’organisation de la gestion – P 69
S / Titre 1 : Solutions possibles – P 69
S / Titre 2 : Gestion confiée a une direction collégiale – P 70
Chapitre 1 : Conseil d’administration – P 70
S / Chapitre 1 : Composition – P 70

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S / Chapitre 2 : fonctionnement et pouvoirs du conseil d’administration – P 73


Chapitre 2 : Le comité de gestion – P 74
Titre 3 : Régime du personnel – P 76
Chapitre 1 : Observations générales sur la notion du personnel des entreprises
publiques – P 76
Chapitre 2 : Rapports individuels du travail – P 76
Chapitre 3 : Rapports collectifs du travail – P 78
Titre 4 : Activités juridiques des entreprises publiques – P 78
Chapitre 1 : Gestion commerciale des entreprises publiques – P 79
Chapitre 2 : Régime des biens des entreprises publiques – P 81
Chapitre 3 : Régime financier – P 84
Titre 5 : Contrôle des entreprises publiques – P 86
Chapitre 1 : Les organes du contrôle – P 86
Chapitre 2 : Procédés de contrôle – P 101

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SIGLES ET ABREVIATIONS

CB : Congo belge

Congo : République Démocratique du Congo

EPA : établissement public administratif

EPIC : établissement public industriel et commercial

OL : Ordonnance-loi

RDC : République Démocratique du Congo

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LIVRE I
DES NOTIONS DU SERVICE PUBLICS ET DE L’ENTREPRISE PUBLIQUE

Titre 1
Du service public.

 Définition du service public.

Un service public peut être défini comme une activité qui répond à un besoin
d’intérêt général et qui en principe est assurée par l’Etat et exceptionnellement par
les particuliers.

Une analyse des éléments de cette définition s’impose afin de nous permettre
d’avoir une nette compréhension de la notion de service publique. Ainsi allons-nous
examiner les deux éléments suivants :
- Service public dans l’activité des personnes publiques ;
- Service public dans l’activité des personnes privée.

Chapitre 1 : Services publics dans l’activité des personnes publiques.

Puisque les activités des personnes publiques tendent presque exclusivement à la


réalisation de l’intérêt général, il y a lieu de considérer qu’elles constituent en principe
des services publics. On présume ainsi le caractère de service public attaché à ces
activités. Mais, il ne s’agit là que d’une simple présomption. D’où, il importe de
rechercher les éléments de qualification du service public dans les activités des
personnes publiques. Ces éléments peuvent être le but, l’objet et le régime juridique
de l’activité visée.

Section 1. Le but de l’activité.

Le but d’intérêt général est presque unanimement admis comme caractérisant tout
service public. On exclu ainsi du cercle des services publics tout activité qui ne
poursuit pas un tel but. Les cas sont sans doute rares. Car presque toutes les
activités de l’Administration sont centrées au tour de l’intérêt général. On peut
cependant à la rigueur citer l’exemple de certaines entreprises industrielles ou
commerciales qui appartiennent à l’Administration et qui, faute d’intérêt général, ne
font pas partie de la catégorie des services publics, mais s’alignent purement et
simplement sur les entreprises privées.
Certains auteurs vont jusqu’à faire entrer dans cette catégorie la gestion du
domaine privée de l’Etat. Cette conception est contestable car la gestion du domaine
privé poursuit en général un but d’intérêt général et fait partie des services publics.

Section 2. L’objet de l’activité.

D’aucun ont parfois soutenu que l’on ne considère comme services publics que
les activités inhérentes aux fonctions de l’Administration, excluant ainsi les activités
susceptibles d’être exercées par les particuliers. Ce point de vue n’est pas
soutenable pour la bonne raison que l’accroissement de l’interventionnisme a

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introduit l’Etat dans presque tous les secteurs de la vie nationale, notamment dans le
domaine industriel et commercial.
D’autres ont prétendu que ne constituent des services publics que les activités qui
ont pour objet la fourniture des prestations au public, excluant ainsi les activités de
police qui s’exercent par prescriptions et non par des fournitures de prestations.
Cette conception est aussi inexacte, voir factice car le service public ne sous-entend
pas nécessairement la fourniture des prestations (par ex. le service fiscal). Ce qu’il
faut plutôt admettre c’est que tout au moins le terme prestation doit être pris au sens
large (par ex. cas des services de la défense nationale). Dans cette mesure, la police
doit être considérée comme un service public ou tout au moins comme un moyen
d’action du service public.

Section 3. Le régime juridique.

Du fait que le service public existe avant son régime juridique, il apparaît quelque
peu illogique de chercher le critère du service public dans son régime juridique, celui-
ci pouvant être considéré comme la conséquence de la qualification plutôt que sa
cause.
Il convient de noter cependant que souvent, avant de catégoriser une activité
(c'est-à-dire d’en déterminer la qualification juridique) on dispose de quelques
éléments concernant son régime juridique, notamment les textes qui créent ou
organisent l’activité en question. Mais, la question qu’il faut se poser est de savoir si
ces éléments sont suffisants pour faire ressortir d’une manière certaine la nature de
l’activité. Une partie de la doctrine voit dans le service public une activité soumise à
un régime juridique exorbitant du droit commun. L’objection à cette thèse vient de ce
qu’il existe des services publics à gestion privée, dont le régime juridique est
essentiellement de droit privé, les éléments exorbitants du droit commun étant sinon
absent du moins très réduits (limités).
D’autres parts il n’est pas impossible que des activités administratives sans
caractère de service public soient soumises à des règles de droit public. Il résulte de
tout ce qui précède que la présence dans le régime juridique d’éléments exorbitants
ne peut pas fournir un critère. Toutefois, il importe d’admettre que ces éléments
peuvent constituer des indices du caractère de service public d’une activité
administrative. Dans ce cas, le juge pourra ainsi tenir compte par exemple du fait que
le service s’opère au moyen de prérogatives de puissance publique ou que l’acte de
création ou d’organisation de service contient des dispositions qui dérogent au droit
privé. Par tous ces indices, le juge peut déceler l’intention de créer un service public.
Mais puisse qu’il ne s’agit que des indices et non des critères, leur application doit
être relative et non absolue.
La conclusion qui s’impose est que le critère de service public dans l’activité des
personnes publiques paraît devoir être recherché dans le but d’intérêt général de
l’activité et que la qualification peut aussi s’appuyer dans certains cas, sur des
indices tirés des règles exorbitantes applicables à l’activité.

Chapitre 2 : Services publics dans l’activité des personnes privées.

En principe et au contraire des activités des personnes publiques, les activités


des personnes privées ne constituent pas des services publics, sauf à titre
exceptionnel et dans les deux cas suivants : le service public dit virtuels et la mission
de service

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Section 1. Cas de services publics dits virtuels.

Certaines jurisprudences étrangères (cas notamment de celle du Conseil d’Etat


français) considèrent que certaines activités des personnes privées s’exerçant sur le
domaine public à la suite d’une autorisation domaniale constituent ce qu’on appel
des services virtuels. Le caractère de service public que l’on reconnaît à ces activités
se base sur le caractère accentué d’intérêt général qui s’y attache et qui postule un
régime juridique de droit public. Cette exigence est nécessaire pour pouvoir
sauvegarder la régularité et la continuité dans le fonctionnement ainsi qu’un
traitement égal des usagers.
La doctrine a vivement critiqué cette conception des services publics virtuels et
son application demeure limitée.

Section 2. Mission de service public.

L’Administration peut, en effet charger un particulier, personne physique ou


morale, de la gestion d’une activité considérée comme service public. Mais, dans
cette hypothèse, à quoi peut-on reconnaître le caractère de service public de cette
activité ? Plusieurs éléments ou indices peuvent êtres pris en considération :
- L’acte chargeant une personne privée d’une mission de service public
doit émaner d’une personne publique. Ainsi, il n’y a pas de service
public si l’intervention de l’Administration se borne à une approbation
(par exemple à une approbation d’enlever des immondices dans
l’agglomération urbaine donnée à une société privée) ou simplement à
la fourniture des facilités matérielles (ex. fourniture de titres de transport
gratuits-libres parcours).
- En outre, la personne privée à qui l’on confie la mission de service
public doit effectivement se prendre en charge, c'est-à-dire en assumer
la direction, le financement, l’exécution et la responsabilité. Cette
exigence de prise en charge permet de distinguer le cas où la personne
privée assure l’exécution du service public et celui où elle ne fait
qu’apporter sa collaboration à l’exécution d’un service directement
assurée par une personne publique.
- L’activité concernée doit répondre aux besoins d’intérêt général.
- En vertu de cette mission qui lui est confiée, la personne privée doit
être soumise à un régime de droit public. Cette condition est réalisée si
la personne privée jouit des prérogatives de puissance publique ou si
l’Administration exerce sur elle un certain contrôle.

Titre 2
Le régime juridique des services publics : conséquences attachées à la
notion de service public.

Chapitre 1 : Existence d’un régime juridique commun à tous les services publics.

Section 1. Observation.

Il n’existe pas des règles juridiques précises qui constitueraient le régime commun
de tous les services publics. Ce qu’on peut dire, c’est qu’en soit le service public

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peut être considéré comme source potentielle de diverses règles, mais ces règles
sont ou non adoptées selon le cas.
On est ainsi obligé d’estimer que le régime commun des services publics se réduit
à quelques principes généraux qui peuvent donner naissance à des règles juridiques
mais sans pour autant en entraîner nécessairement l’application ni leur donner un
caractère identique.

Section 2. Principes fondamentaux des services publics.

A défaut des règles communes, il existe des principes fondamentaux dont


l’application est généralisée à tous les services publics. Cette application généralisée
permet à l’Administration, dans le cas où la gestion d’un service public est confiée à
un particulier, de pouvoir suivre et l’organisation et le fonctionnement en vue de
sauvegarder l’intérêt général. Ainsi, l’Administration peut user, à l’égard de ce
particulier, des prérogatives de puissance publique pour assurer le respect de ces
principes, cela bien entendu, dans les limites de l’activité de service public de
l’entreprise privée.
Ces principes dénommés parfois « lois de Roland » (du nom du juriste qui les a
formulés) sont au nombre de trois : le principe de continuité ; le principe d’adaptation ;
le principe d’égalité.
Le deuxième principe étant considéré comme le corollaire du principe de
continuité, les trois lois de Roland peuvent être ramenées à deux : 1) Le principe de
continuité et d’adaptation constante du service public 2) le principe de l’égalité
devant les services publics et son corollaire le principe de neutralité du service public.

A. Le principe de continuité.

La continuité trouve sa justification dans un principe constitutionnel et politique, la


permanence de l’Etat et dans une préoccupation sociologique : la nécessité d’éviter
les désordres sociaux. Le principe de continuité doit s’analyser à plusieurs niveaux :

I. La continuité au niveau des autorités administratives.

Lorsqu’elles exploitent elles mêmes un service public, les autorités administratives


sont tenues d’en assurer le fonctionnement régulier et continu. Même si tel n’est pas
le cas, elles sont obligées de fournir ponctuellement aux usagers la satisfaction de
leurs besoins par la création et le bon fonctionnement des services publics, sous
peine de voir engager leur responsabilité en raison d’une défaillance de leur part.
Sous cet angle, l’obligation de l’Administration est double : celle d’action et celle
d’adaptation.

a. Obligation d’action.

Les devoirs qui incombent aux autorités administratives en matière de régularité et


de continuité des services publics se manifestent dans divers sens :
- L’autorité administrative doit d’abord prendre l’initiative de créer les
services et d’en assurer un fonctionnement régulier et continu.
- Tenue de prendre l’initiative, elle est aussi obligée de briser la carence
ou l’inertie éventuelle des autorités sous tutelle.

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- Elle doit également prendre des mesures qui s’imposent pour assurer
l’exécution des lois et règlements.
En matière des services publics, l’inaction des autorités administratives peut
engager leur responsabilité dans les différentes hypothèses déjà étudiées dans le
cours de droit administratif général : inexistence du service ; fonctionnement tardif du
service public ; défaut de fonctionnement du service public ; mauvais
fonctionnement du service public.

b. Obligation d’adaptation

Obligé d’assurer la régularité et la continuité du service public, l’autorité


administrative est également tenu à ce que le service public s’adapte constamment
aux circonstances et à tous les contingences, notamment à l’évolution des besoins
du public. Cette obligation impose à l’Administration de pouvoir modifier le service en
fonction des circonstances de fait et de l’évolution juridique. Il peut en effet, y avoir
des changements dans le fait ou dans le régime juridique.
Le changement dans le régime juridique peut résulter de la modification d’un texte
actuellement en vigueur régissant un service public par une loi ou un règlement
hiérarchiquement supérieur. Le changement peut aussi résulter des circonstances de
faits. Il entraîne aussi une modification des dispositions réglementaires qui par le fait
de l’évolution sociale et économique, ont subi un certain fléchissement.

II. La continuité au niveau du personnel administratif.

L’obligation de continuité au niveau du personnel a deux volets : 1) obligation


d’assurer le service 2) obligation d’accepter les modifications qui s’imposent à la
gestion du service.

a. Obligation d’assurer le service.

Elle s’impose aussi bien au personnel administratif qu’au personnel des


entreprises privées, dans la mesure où ce personnel assure la gestion d’un service
public. C’est ainsi que le droit de grève peut être strictement réglementé à l’égard de
ce personnel.

b. Obligation d’accepter les modifications imposées par l’adaptation du


service.

Du moment que les circonstances de droit ou de fait l’exigent ou les rendent


nécessaires, les modifications doivent intervenir et doivent être acceptées. Elles
doivent être acceptées en premier lieu par les fonctionnaires qu’elles visent à titre
principal et par les non fonctionnaires, notamment les agents contractuels.
La situation des agents de l’Etat étant fixée par voie générale et réglementaire,
ceux-ci ne sont pas autorisés à s’opposer aux modifications apportées à leur statut.
Ils ne peuvent pas invoquer les droits acquis en cette matière. De la même manière
les agents contractuels doivent se plier à cette obligation d’adaptation et ne doivent
s’opposer ni à une réorganisation du service ni même à sa suppression éventuelle.

c. Continuité au niveau des cocontractants de l’Administration.

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L’obligation de continuité contient également deux volets ici :

1) Obligation d’assurer le service.

Ainsi, le concessionnaire d’un service public est tenu d’assurer le fonctionnement


du service quelles que soient les circonstances, c'est-à-dire, quels que soient les
obstacles naturels, financiers ou autres. Seule la force majeure peut le délier de
cette obligation.

2) Obligation d’accepter les modifications imposées par l’Administration.

L’Administration peut à tout moment, modifier les conditions du contrat et le


cocontractant est tenu de se plier à ces modifications.

En définitif, ces obligations à trois niveaux traduisent l’exigence d’un


fonctionnement efficace du service. Si l’on s’en tient à la théorie classique, l’efficacité
ne veut pas dire nécessairement la rentabilité financière, mais elle signifie au
contraire que le service public qu’il soit ou non rentable pour les personnes qui
l’assument doit être le plus efficace possible pour les usagers, du point de vue des
prestations qu’il a à fournir. L’exigence de l’efficacité s’impose aussi bien aux
collaborateurs du service, aux agents qu’aux dirigeants du service. C’est ainsi que
pour tenir compte de cette exigence, les concessionnaires doivent adapter
constamment leurs méthodes de gestion afin de faire bénéficier les usagers du
progrès technique. Dans le même ordre d’idées, si les agents du service n’ont pas un
droit au maintien de leur statut, c’est en vertu de ce principe d’efficacité, car ces
modifications sont présumées faites dans l’intérêt de la meilleure efficacité du service.
Enfin, c’est sur base de ce principe que les dirigeants du service sont tenus
constamment d’utiliser des compétences qui leur sont conférées par la loi. Ils
peuvent y être juridiquement contraints en cas de carence. C’est ce qui explique le
pouvoir de substitution prévu dans le cadre des rapports de tutelle administrative.
D’autre part, l’exigence de continuité et d’efficacité entraîne les conséquences
suivantes :

a) Nécessité de la sauvegarde des moyens du service public.

Les biens du domaine public sont inaliénables. Cette inaliénabilité s’explique par
le fait que ces biens sont affectés au service public. La jurisprudence relative à la
théorie de l’imprévision s’inscrit dans le même ordre d’idées. Elle procède, en effet,
de la volonté du juge de chercher une procédure permettant d’éviter l’interruption du
service public.

b) Nécessité de la permanence du service.

Lors de l’entrée dans la fonction publique, le principe de continuité peut expliquer


et rendre légitimes, c'est-à-dire légales certaines nominations anticipées. Pendant la
carrière des agents des services publics, le même principe constitue la base
justificative des limitations apportées à leur droit de grève. A la sortie des fonctions,
c’est encore la règle de continuité qui explique que toute démission, pour devenir
effective, soit au préalable acceptée, ainsi que la survivance des compétences
illustrées par le principe de l’expédition des affaires courantes.

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c) Habilitation des particuliers pouvant porter secours au service public.

En effet, il est admis que les particuliers peuvent juridiquement porter secours au
service public lorsque celui-ci est hors d’état de fonctionnement. C’est ce souci qui
explique la théorie des fonctionnaires de fait et le statut des collaborateurs bénévoles
du service public.

B. Le principe d’égalité.

L’article 12 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 consacre l’égalité des


citoyens devant la loi et par ricochet devant les services publics qui sont une création
de la loi (entendu ici au sens large). Cette égalité joue aussi bien en ce qui
concerne les droits qu’en ce qui concerne les charges devant les services publics.

I. L’égalité des droits.

Elle peut avoir une double portée : une portée générale et une portée limitée.
Vis-à-vis du service public, l’Administration peut se trouver dans deux situations
juridiques selon qu’il participe à l’exécution du service ou qu’il en est un simple
usager. Dans la première hypothèse, l’égalité se limite à certaines personnes (les
agents du service), dans la seconde, elle revêt une portée générale.

a. La participation des administrés à l’exécution du service public.

Ici, l’égalité peut s’exercer et se manifester de différentes manières.


- Elle peut consister, dans la participation à la désignation des autorités,
notamment par voie électorale. Le principe d’égalité apparait ici comme
un des éléments de base du régime de suffrage universel.
- Elle peut aussi se traduire par l’occupation d’un emploi public. C’est ici
précisément que le constituant pose le principe de l’égal accès aux
services publics et prohibe toute discrimination qui serait basée sur des
critères étrangers à la loi, notamment des considérations d’ordre tribal,
religieux ou autres. Pour respecter ce principe, l’on doit tenir compte
uniquement des vertus et des talents de chacun.
- L’Administration peut confier les services publics à des particuliers par
voie contractuelle et l’égalité va alors jouer dans la désignation des
cocontractants (que l’on se réfère à l’adjudication par exemple, Cf. les
marchés publics).

b. Le droit de l’usager à bénéficier des prestations du service public.

1) Droit au bon fonctionnement du service public.

Le principe de continuité impose à l’Administration un certain nombre d’obligations


que nous avons déjà eu l’occasion d’étudier. Le droit des usagers qui découle de ce
principe peut être considéré comme un élément complémentaire et en quelque sorte
réciproque de ce principe. Le problème qui se pose est de définir la situation
juridique des usagers et la nature de leurs droits vis-à-vis des services publics
administratifs et à l’égard des services publics industriels ou commerciaux.

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Vis-à-vis des services publics administratifs, l’usager se trouve dans une situation
légale et réglementaire de droit public. De cette situation découle un certain nombre
de conséquences, notamment le droit pour l’usager d’attaquer les décisions
administratives illégales qui lui font grief, et le cas échéant, obtenir réparation des
préjudices subis. En contre partie, l’usager doit accepter les modifications apportées
au fonctionnement du service et par ricochet, à sa situation juridique, lorsque
l’Administration le juge nécessaire.
A l’égard des services publics industriels ou commerciaux, la situation juridique de
l’usager pose les mêmes problèmes ; mais ceux-ci sont résolus de manière
différente et nuancée suivant les modes de gestion des services publics (régie,
établissement public et concession). Ce qu’il faut souligner, c’est que contrairement à
l’usager des services administratifs, l’usager des services industriels ou commerciaux
se trouve dans une situation contractuelle de droit privé ; étant précisé que, dans
certains cas, et notamment dans le cas de la concession, les rapports contractuels
sont assortis de clauses réglementaires. Cette dualité entraîne des conséquences
sur le plan juridique. Dans ce sens, le gestionnaire a le droit de modifier
unilatéralement la situation de l’usager. Celui-ci est tenu d’accepter ces
modifications : ex. en matière des tarifs pour les polices d’abonnement en cours.
Mais, l’usager jouit d’un droit acquis dans le cas où la prestation est effectuée et qu’il
est devenu débiteur de sa valeur.

2) Droit à la non-discrimination des usagers.

Crées pour satisfaire les besoins collectifs de la communauté nationale et locale,


les services publics doivent être ouverts à tous les usagers et dans les mêmes
conditions. Ce qui signifie, d’un point de vue positif, que tous les citoyens ont droit au
même titre à l’accès au service public et aux prestations, et d’un point de vue négatif
qu’est illégale toute discrimination qui est fondée sur des critères étrangers à la loi,
qu’elle soit personnelle ou par groupe. D’assez rigoureuse application devant les
services publics administratifs, ce principe postule néanmoins une certaine
souplesse devant les services industriels ou commerciaux.

a) La non-discrimination dans les services publics administratifs.

Le principe est ici d’une application assez générale. Il est complété plus souvent
par le principe de neutralité ou par celui de gratuité.
Le principe de neutralité interdit au gestionnaire de pratiquer le favoritisme ou de
faire sa propre propagande. Il ne signifie pas que le service et ses agents ne doivent
présenter aucune prise de position politique, philosophique, religieux etc.
Il signifie que toutes les opinions, qu’elles soient politiques, philosophiques,
religieuses etc. ont une vocation identique à l’accès au service public : la neutralité
c’est l’égalité.
Le principe de gratuité : ce principe est d’une application limitée. Hormis les cas
où la loi le prévoit expressément, le service a intérêt à percevoir une certaine
rémunération pour son fonctionnement optimum, dans le cas notamment (le dit le
Conseil d’Etat français) où les prestations excèdent les besoins normaux. Ce principe
trouve son application généralement dans le domaine de l’enseignement et en
matière d’accès au domaine public (ex. l’article 43 al 4 de la Constitution de la RDC
du 18 février 2006 dispose que « l’enseignement primaire est obligatoire et gratuit
dans les établissements publics. »).

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b) La non-discrimination dans les services publics industriels et


commerciaux.

Il faut ici tenir compte du fait que vis-à-vis des services publics industriels ou
commerciaux, l’usager est un client. En conséquence, dans la mesure où le service
ne jouit pas d’un monopole, des dérogations peuvent être apportées à ce principe,
ne serait ce que pour tenir compte de cette considération que l’activité industrielle et
commerciale doit, à certains degrés et vis-à-vis de certains clients être en quelque
sorte personnalisée.
Cette admission des discriminations a pour conséquence que la masse d’usagers
n’est pas envisagée dans sa globalité, mais les usagers sont plutôt catégorisés.
L’élément déterminant de cette catégorisation, c’est la différence des situations dans
lesquelles les usagers peuvent se trouver au regard du service (sur ce point, que l’on
se réfère au cours de droit administratif général).

c) Lanon-discrimination en matière d’intervention économique de l’Etat.

L’interventionnisme est devenu de nos jours une règle d’application universelle. Il


s’agit d’une manière de plus en plus envahissante qui se trouve aux confins des
deux précédentes activités de l’Administration et qui mettra fortement en cause le
principe de la non-discrimination (sur ce point, que l’on se réfère au cours de Droit
administratif général).
L’interventionnisme est devenu tellement pénétrant que d’aucuns ont cru qu’il
avait ébranlé la liberté du commerce et de l’industrie en tant que principe général du
droit et en tant que liberté reconnue. Mais, en réalité, il n’en est rien. Cette liberté
existe toujours et est consacrée officiellement par des textes solennels telle que la
Constitution (ex. art. 35 Constitution de la RDC de 2006). Les limites que peut
connaitre cette liberté s’expliquent notamment dans les pays sous-développés où
l’Etat joue le rôle primordial en matière d’orientation économique et sociale. Cela dit,
le choix des objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs
expliquent que le principe de non-discrimination puisse être sérieusement ébranlé ici.
On applique les règles retenues en matière de services publics industriels et
commerciaux : on proclame, en effet, le principe général de l’égalité des citoyens.
Mais, on y apporte des tempéraments fondés d’une part par la notion des situations
non comparables, et d’autre part, par la référence au but d’intérêt général des
mesures en cause. Tout cela explique et justifie les discriminations en matière
d’intervention économique.

II. L’égalité des charges.

L’égalité des charges se fonde sur l’égalité des citoyens devant la loi et peut être
considéré comme son corollaire. Cette égalité peut revêtir deux aspects différents :
elle peut concerner les sujétions que le service peut imposer dans la vie des
administrés ; elle peut aussi concerner les obligations financières.

a. Obligation de subir les sujétions du service.

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Il est difficile de dégager une liste exhaustive de ces obligations étant donné
qu’elles sont nombreuses et variées. On peut seulement citer, à titre d’exemple, les
obligations militaires, les obligations civiques, les obligations professionnelles etc.

b. Obligation de supporter les charges financière du service public.

Tirant égal profit du service public, les administrés ont l’obligation de supporter de
manière égale, les sacrifices pécuniaires nécessités par le fonctionnement du
service public. C’est ce principe qui a donné naissance à la règle d’égalité devant
l’impôt. Signalons que l’inobservation de cette règle peut entraîner l’annulation
d’actes administratifs et susciter la responsabilité de l’Administration.

Chapitre 2 : Service public à gestion publique et service public à gestion privée :


distinction des deux grandes catégories des services quant a leur
régime juridique.

S/ Chapitre1 : Principe de distinction.

Mis à part les principes généraux qui constituent ce que l’on peut appeler le
régime juridique commun des services publics, les régimes juridiques des services
publics sont variables et différent d’un service à l’autre. La distinction fondamentale
que l’on opère à ce propos est celle des services publics à gestion publique et des
services publics à gestion privée.
D’emblée, disons que les services publics à gestion publique sont soumis en
principe à un régime juridique de droit public, le droit privé y étant appliqué d’une
manière exceptionnelle. A l’inverse, les services publics à gestion privée sont
essentiellement régis par le droit privé, le droit public y intervenant à titre
exceptionnel.
Mais, comment distinguer d’une manière précise ces deux catégories de services
publics ?
La première observation à faire est que la qualité des personnes qui gèrent le
service est indifférente, car les personnes privées peuvent, comme les personnes
publiques, gérer l’une ou l’autre de ces catégories des services publics. D’aucuns
ont voulu situer cette distinction dans l’objet du service soutenant que les services à
gestion publique se caractérisaient par leur objet, en ce qu’ils rentraient dans les
attributions exclusives de la puissance publique, ou en d’autres termes, qu’ils sont
érigés en une espèce de monopole au bénéfice exclusif des personnes publiques.
Rien n’est moins vrai pourtant, car les services publics à gestion publique peuvent
trouver leurs équivalents dans les activités des personnes privées, ex.
l’enseignement.
Pour une autre opinion, l’on pourrait reconnaître les services publics à gestion
publique par le fait qu’ils utilisent les prérogatives de puissance publique. Cet
argument non plus ne saurait emporter la conviction, car les services publics gérés
par des particuliers font également appel, quoique dans une proportion limitée, à des
prérogatives de puissance publique.
Ainsi, on peut conclure que la meilleure solution est de considérer que les services
publics à gestion publique constituent la règle, tandis que les services publics à
gestion privée constituent l’exception.

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S/ Chapitre 2 : régime juridique des services publics à gestion publique.

Section 1. Géré par une personne publique.

C’est en principe un régime juridique de droit public. Ce régime s’applique


successivement à l’exécution et à l’organisation du service.

A. Application du régime à l’exécution du service public.

L’exécution d’un service public à gestion publique se réalise pour la plupart du


temps au moyen des actes unilatéraux, réglementaires ou particuliers. Il s’agit des
actes administratifs soumis à un régime de droit public. Les litiges qu’ils soulèvent
relèvent en principe de la compétence du juge administratif. D’autre part, cette
exécution peut postuler que l’Administration passe des contrats avec des particuliers.
Ces contrats ne sont pas nécessairement des contrats administratifs. Ils n’auront ce
caractère, sauf détermination légale que s’ils contiennent des clauses exorbitantes
de droit commun ou s’ils ont pour objet de confier l’exécution même du service au
cocontractant particulier.
Dans le cas où cette exécution causerait des préjudices à des particuliers, la
responsabilité qui en résulte est soumise à un régime de droit public dont
l’appréciation relève de la juridiction administrative.

B. Application du régime à l’organisation du service.

C’est aussi un régime de droit public. Il est illustré par le fait que la majeure partie
du personnel se compose d’agents publics. Il s’applique également à certains biens
utilisés par le service et à des travaux publics exécutés par le service.
Toutefois, sur certains points, le service public à gestion publique peut faire appel
à l’application du droit privé et ce en matière d’exécution et d’organisation.

I. Exécution.

En ce qui concerne l’exécution, le service public peut passer des contrats civils.
Dans l’hypothèse où un agent du service cause un dommage par sa faute
personnelle, c’est au juge judiciaire qu’il appartient de mettre en jeu la responsabilité
personnelle de cet agent (voir le cours de droit administratif général).

II. Organisation.

En matière d’organisation, il est possible que celle-ci comporte un personnel


(généralement peu nombreux) de salariés privés soumis au doit commun. Le régime
juridique de droit privé s’applique aussi à certains biens utilisé par le service,
notamment les biens du domaine privé de l’Etat.

Section 2. Géré par une personne privée.

Il s’agit ici surtout des services publics professionnels ou d’économie dirigée. Le


problème du régime juridique s’y pose dans les termes différents du cas précédent,
car il importe de tenir compte du caractère privé de la personne du gérant et ce
caractère privé peut justement appeler des solutions opposées. La jurisprudence

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résout ce problème en opérant la distinction entre l’exécution du service et


l’institution qui est chargée de cette exécution.

A. Exécution du service.

L’exécution du service est soumise à un régime de droit public. Ainsi par exemple,
si le gérant prend des décisions exécutoires à l’égard des agents du service, ces
décisions ont le caractère d’actes administratifs dont l’appréciation revient au juge
administratif. De même, la responsabilité pour les dommages qui résulteraient de
l’exécution du service public est une responsabilité de droit public laissé à
l’appréciation du juge administratif.

B. Institution qui gère le service.

Le gérant étant une personne privée, son caractère privé réagit sur le régime
juridique. Ainsi, sa structure, son organisation interne et son fonctionnement
échappent au régime de droit public pour être soumis au régime de droit privé et à la
compétence du juge judiciaire. C’est le cas notamment de l’admission des membres
de l’organisme, de son personnel et de son patrimoine.
Il faut noter enfin que les principes fondamentaux du service public sont
applicables aussi bien aux services publics gérés par des personnes publiques qu’à
ceux gérés par des personnes privées. La conséquence en est que l’Administration
peut imposer à ces services certaines obligations du service public : continuité et
égalité, et cela même sans aucun texte qui le prévoit. Dans un de ses arrêts, le
Conseil d’Etat français avait indiqué que parmi les obligations qui pèsent sur un
organisme privé gérant un service public, il y a l’obligation de « réserve » qui interdit
aux dirigeants de ces organismes d’adopter des attitudes de violence à l’égard de
l’Administration.

Chapitre 3 : Services publics à gestion privé.

A l’opposé du service public à gestion publique, les services à gestion privée sont
soumis à un régime de droit privé et leur contentieux relève de la compétence du
juge judiciaire. Mais, comment reconnaitre un service public à gestion privée ? C’est
la jurisprudence qui a dégagé les éléments de distinction d’un service public à
gestion privée. Toutefois, il faut préciser que cette qualification s’applique dans des
hypothèses relativement limitées qui doivent être considérées comme constituant
une exception en dehors de laquelle les services publics se rattachent à la gestion
publique.
En d’autres termes, la gestion la plus courante des services publics est la gestion
publique, la gestion privée est exceptionnelle. Pour découvrir cette catégorie, on ne
peut pas se référer à la nature des personnes chargées de gérer le service. En effet,
les personnes privées comme les personnes publiques peuvent gérer l’une ou
l’autre de ces catégories des services publics. L’élément de distinction le plus
important (qui est du reste le plus ancien) est la similitude entre certaines activités
administratives et les activités privées analogues.
Dans cet ordre d’idées, la similitude qui existe ou qui parait exister entre les
activités domaniales des personnes publiques et la gestion des biens privés par les
particuliers a amené la jurisprudence à soumettre à un régime de droit privé la
gestion du domaine privé. Ensuite, la même considération (de similitude) a conduit la

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jurisprudence à retenir la même solution pour les services publics industriels et


commerciaux ainsi que pour certains services publics à caractère social. Ce sont
donc ces trois cas qui constituent les hypothèses des services publics à gestion
privée.

Section 1. Gestion du domaine privé.

A. Il existe, en cette matière, une conception traditionnelle qui compte un


certain nombre d’adeptes. Selon cette conception, en effet, la gestion
du domaine privé de l’Etat ne constitue pas un service public. C’est tout
simplement une activité patrimoniale de l’Etat. A l’appui de cette idée,
on argue le défaut d’intérêt général qui, normalement, caractérise un
service public.
Selon une autre opinion, la gestion du domaine privé constitue bel et
bien un service public, mais un service public à gestion privée (donc
soumis à un régime de droit privé). Cette dernière opinion nous paraît
plus réaliste et plus adéquate pour la raison majeur que toute activité
administrative même celles exercées dans les mêmes conditions que
les activités des particuliers, tourne toujours autour de l’idée d’intérêt
général. Dans cet ordre d’idées, on peut, pour appuyer cette opinion,
invoquer les raisons suivantes :
- Le domaine privé peut être le siège d’activités administratives d’intérêt
général (travaux publics, services publics) ;
- Il peut faire l’objet d’une affectation d’intérêt général (cas des biens
affectés à un service public et ne comportant pas « l’aménagement
spécial » qui les rattacherait au domaine public) ;
- La gestion des biens du domaine privé est souvent dominée par des
considérations d’intérêt général. D’autre part, cette gestion ne manque
pas de faire appel à des éléments exorbitants du droit commun, et
l’Administration, dans cette gestion, échappe à toute voie d’exécution
forcée.

B. Le régime juridique de la gestion du domaine privé est, en principe, un


régime de droit privé, le contentieux relève de la compétence du juge
judiciaire. Ainsi, par exemple, le droit privé s’applique aux contrats
comportant utilisation du domaine privé, la réparation des dommages
résultant d’actes de gestion domaniale, ou causés par des biens
domaniaux.
C. Exceptionnellement cependant, la gestion du domaine privé peut faire
appel à l’application du droit public. Ainsi par exemple, l’Administration
peut dans cette gestion, conclure des contrats administratifs contenant
des clauses exorbitantes du droit commun.

Section 2. Services publics industriels et commerciaux.

C’est la catégorie la plus importante des services publics à gestion privée.

A. Critère du service public industriel ou commercial.

I. Qualification législative.

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On se trouve dans cette hypothèse lorsque la loi décide que le service public
obéira aux règles et méthodes en usage dans le commerce privé. Il convient de
noter toutefois qu’il ne s’agit pas là d’un critère explicite. Au surplus, ces services
sont souvent soumis à des régimes juridiques très différents. Que faire lorsque la loi
n’a pas qualifié ?

II. Position doctrinale.

En cas de silence de la loi, la recherche d’un critère du service public industriel ou


commercial a donné lieu à des controverses doctrinales. Plusieurs critères ont, en
effet, été avancés :

a. Le critère de la nature de l’activité.

Pour les uns, le service public industriel ou commercial serait celui qui, par sa
nature, n’entrerait pas dans les activités de l’Etat, mais qui pourrait être aussi bien
une activité privée qu’une activité publique. En d’autres mots, c’est un service qui se
situerait en dehors des activités normales et essentielles ou spécifiques de l’Etat et
qui ne constituerait que l’expression accidentelle ou exceptionnelle des activités
normales de l’Etat.
Mais, cette notion de spécificité est difficile à déterminer. Quelles sont, en effet,
les taches spécifiques de l’Etat ? On a parfois tenté de répondre négativement en
disant qu’il s’agirait des activités érigées en monopole au bénéfice de la seule
puissance publique. Mais cette idée de monopole ne correspond pas à la réalité, car
il existe des monopoles industriels ou commerciaux en faveur de la puissance
publique. Citons, en République Démocratique du Congo, l’exemple de l’énergie
(production et distribution).
De même, il est difficile de définir exactement les tâches qui incombent
normalement à l’Etat, étant donné que la rapidité des évolutions socio-économiques
a introduit l’Etat dans presque tous les secteurs de la vie nationale.

b. Le critère de la réalisation des bénéfices.

D’autres auteurs ont, en effet, voulu fonder le critère du service public industriel ou
commercial sur un but spéculatif, dans ce sens que le service public industriel ou
commercial poursuit la réalisation des bénéfices. Mais, cette opinion devait par la
suite se raviser en admettant que la réalisation des bénéfices peut être concomitante
avec la réalisation d’un but d’intérêt général.
Mais, on peut craindre que ce critère ne repose sur une confusion ; car le
« bénéfice » réalisé par les services publics industriels et commerciaux n’est en rien
semblable au profit des entreprises privées. Car du fait même qu’il y a service public,
il ne peut qu’être affecté à des activités d’intérêt général, et non à des satisfactions
privées. Dès lors, on peut dire que le « bénéfice » des services publics industriels et
commerciaux ressemble plus à l’excédent comptable de certains services publics
administratifs qu’au profit des entreprises privées.

c. Le critère de la commercialité.

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Selon une troisième opinion, les services publics industriels ou commerciaux sont
ceux qui accomplissent habituellement les actes de commerce au sens du code
commercial.
Cette conception qui parait avoir le mérite de la logique juridique la plus stricte ne
rend cependant pas compte de toute la réalité, car un établissement public
administratif peut aussi faire des actes de commerce.
La conclusion, c’est que toutes ces opinions sont restées fluctuantes et ont connu
des applications plus ou moins sporadiques. Aucune d’elles n’est parvenue à
s’imposer.
III. Position jurisprudentielle.

Pour reconnaître le service public industriel ou commercial, la jurisprudence


semble s’attacher à trois éléments : le but ; l’objet ; la similitude avec les activités
privées.

a. Le but.

Le service public industriel ou commercial est un service public et comme tel, il


doit poursuivre un but d’intérêt général sans quoi, il ne constituerait pas un service
public mais une activité privée de l’Administration. Ainsi par exemple, les entreprises
publiques nationalisées gérées uniquement dans l’intérêt financier de l’Administration
n’entreraient pas dans cette catégorie des services publics industriels ou
commerciaux.

b. L’objet.

Le service public industriel ou commercial doit normalement exercer son activité


dans le domaine industriel ou commercial susceptible d’être exercée par des
particuliers.

c. La similitude avec les activités privées.

Le service public industriel ou commercial doit d’abord avoir le caractère d’une


entreprise. Ce qui implique une organisation interne particulière, des procédés de
commandement, des méthodes de travail, des rapports humains qui ne sont pas
ceux du service administratif.
- Le service doit avoir une organisation et un fonctionnement semblable à
ceux applicables dans les entreprises privées ;
- Il doit comporter une rémunération de ses prestations pour les usagers.
Sa gestion doit comporter l’éventualité des bénéfices (même si ce n’est
pas le cas en fait) ;
- Les relations avec ses usagers doivent être semblables à celles qui
existent dans les entreprises privées ;
- On notera enfin que ce qualificatif « industriel » ou « commercial » a un
caractère relatif en ce sens qu’une même activité peut avoir le
caractère d’un service public administratif et industriel ou commercial
(et inversement). Par voie de conséquence, un même organisme peut
gérer un service public à la fois administratif, industriel et commercial
(ex. le Domaine de la N’sele).

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B. Régime juridique des services publics industriels ou commerciaux.

I. En principe, ces services sont soumis à un régime juridique de


droit privé.

Le droit privé s’applique notamment :

- Aux relations du service avec son personnel. En effet, les agents du


service sont placés dans une situation juridique de droit privé. Ils sont
régit, en principe et moyennant quelques dérogations, par le droit
commun du travail ;
- Aux relations du service avec ses usagers. Dans ce sens, les contrats
passés par le service avec ses usagers sont des contrats de droit
commun : selon une certaine jurisprudence, ces contrats gardent
toujours leur caractère de contrat de droit privé même s’ils contiennent
des clauses exorbitantes du droit commun ;
- De même, les dommages subis par les usagers et imputables au
service, qu’ils proviennent d’un travail public ou d’un ouvrage public,
sont réparés par application des règles du droit civil (ex. un usager qui
serait victime d’un accident dans la piscine du domaine de la N’sele) ;
- Aux relations avec les tiers : la responsabilité du service envers les
tiers est appréciée selon les règles du droit commun, sauf en cas de
dommages causés aux tiers par un travail public ou par un ouvrage
public affecté à un service public industriel ou commercial ; les contrats
passés par le service avec les tiers sont des contrats de droit privé
(sauf s’ils contiennent des clauses exorbitantes de droit commun).

II. exceptionnellement, cependant, les services publics


industriels ou commerciaux peuvent être soumis à un régime
juridique de droit public :

- il en est ainsi pour certains membres du personnel, notamment des


dirigeants (par exemple les déléguées généraux qui sont nommés par
ordonnance présidentielles) ;
- les actes des dirigeants d’un service public industriel ou commercial,
s’ils sont réglementaires et portent sur l’organisation même du service,
sont des actes administratifs (relevant du droit public) et ce, même si le
service est géré par une personne privée.
- Le service peut conclure des contrats administratifs avec des tiers dans
la mesure où ces contrats contiennent des clauses exorbitantes.
- De même, des dommages causés aux tiers par un travail public ou un
ouvrage public affecté à un service public industriel ou commercial sont
réparés selon les principes et les règles de droit public.
- Dans le même ordre d’idées, le service public industriel ou commercial
peut bénéficier des prérogatives de puissance publique tels que le droit
d’exproprier, de dresser des procès verbaux, de recouvrer des
créances par voies d’état exécutoire.
- Lorsque le service public industriel ou commercial est géré par un
établissement public, l’application du droit privé rencontre des limites
supplémentaires tenant à l’interférence de la notion de l’établissement

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public. Cette notion implique, en effet, l’existence de « prérogatives


personnelles » incompressibles, exorbitantes du droit commun :
absence de qualité de commerçant, impossibilité d’être mis en faillite et
de voies d’exécution forcée, interdiction de compromettre etc.
CONCLUSION.

On peut conclure en disant que la croissance de l’industrie et celle du commerce


public sont liées à la nature même de l’Etat et à l’évolution socio-économique.
Techniquement, il est apparu impossible d’y appliquer le droit administratif. Les
techniques de droit privé se sont avérées mieux indiquées pour régir les activités
industrielles et commerciales publiques. Nous pouvons affirmer que la notion de
service public industriel ou commercial n’a pu naître que de la conjonction d’un fait
socio-économique (le commerce public) et d’une volonté juridictionnelle de traduire
ce fait en termes de droit privé. La nature même de ces activités a joué un rôle non
négligeable dans ce sens.

Section 3. Service publics sociaux à gestion privé.

On peut les définir comme des services ayant pour objet de fournir à leurs
bénéficiaires des prestations sociales, c'est-à-dire des prestations visant à garantir
des catégories de citoyens, considérés comme plus ou moins favorisés contre les
risques inhérents à leurs conditions sociales.
Ainsi définis, ces services forment, de par leur objet, une unité logique. Mais, cette
unité n’entraine pas pour autant l’unité du régime juridique. Certains, en effet, sont à
gestion publique, d’autres à gestion privée. C’est cette dernière catégorie qui nous
intéresse ici. Elle concerne certains services destinés à assurer la garantie des
risques sociaux : il s’agit essentiellement du service de la sécurité sociale.
Ces services concernent les rapports de droit privé. Parmi les services publics à
gestion privée, on range également (mais cette catégorie est plus discutée) les
services publics sociaux semblables à des activités privées.

A. Services publics sociaux concernant les rapports de droit privé.

I. Ces services sont considérés comme relevant de la gestion privée en


dépit du fait que différentes prérogatives de puissance publique
s’appliquent à leur exécution.
On pourrait en effet, avoir des hésitations à affirmer qu’il s’agit des
services publics à gestion privée lorsqu’on sait que, dans leur exécution,
les services utilisent, dans des nombreux cas, des procédés de droit
public, de prérogatives de puissance public, notamment l’affiliation
d’office, et le recouvrement de leurs créances par voie d’état exécutoire.
Mais, leur objet reste l’élément déterminant qui milite en faveur de
l’application de principe du droit privé et de la compétence judiciaire,
l’activité de ces services est en effet relative aux rapports de droit privé
qui lient les salariés privés à leurs employeurs. Ainsi, les privilèges
conférés à ces services ne modifient pas leur nature juridique.

II. Ces services sont donc soumis en principe à un régime juridique de


droit privé.

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Ce régime s’applique aux relations du service avec ses usagers, avec


les tiers (contrats, responsabilité), avec son personnel.
III. A titre exceptionnel et d’une manière limitée, on y applique le droit
public. Il y va, par exemple ainsi des prestations sociales servies aux
agents publics et inhérentes à leur statut, des décisions prises par les
autorités administratives pour réglementer ou contrôler le service public,
de certaines décision administratives particulières prises par des
autorités administratives à propos de l’exécution du service public.

B. Service publics sociaux semblables à des activités privées.

C’est la similitude qui existe ou qui paraît exister entre le service public et
l’entreprise privée qui explique tout au moins partiellement, la théorie des services
publics industriels et commerciaux. Cette méthode « de similitude » qui, au départ,
ne semblait pas pouvoir être étendue à d’autres services, devait l’être par la suite à
certains services publics de caractère social.
Le problème s’est posé concrètement à propos des colonies de vacances
organisées par l’Administration. La question fut, en effet, posée en France au
Tribunal des conflits à propos de l’accident causé par un moniteur à un enfant qui
participait à une colonie de vacances organisée par un Ministère (Cf. arrêt Naliato de
1955). A cette occasion, le Tribunal des conflits trancha le problème de la nature
juridique de ces services et celui de leur régime juridique. Il admet que si le but
d’intérêt social de la colonie de vacances organisée par une collectivité publique lui
imprimait le caractère d’un service public, l’organisation de celle-ci ne représentait en
l’espèce aucune particularité de nature à distinguer juridiquement des organisations
similaires relevant des personnes privées et que, par conséquent, la juridiction
judiciaire devait connaître de la responsabilité de l’Administration en cas de faute
commise par un moniteur dans la surveillance des enfants.
Toutefois, à propos des services publics sociaux, il importe de signaler le
revirement de la jurisprudence française tendant à supprimer cette catégorie des
services publics. En effet, dans un arrêt du Tribunal des conflits (de 1983) il a été
décidé que le service public social créé et géré par une personne publique est
présumé, de façon irréfragable, ne pas fonctionner dans les mêmes conditions
qu’une activité privée similaire.

Titre 3
Notion d’entreprise publique.

Chapitre 1 : Généralités.

 Si l’on interroge l’histoire, l’on constatera que l’entreprise publique a une


origine lointaine. On en rencontrait déjà du temps des romains (ex. mines de
l’antiquité romaine) et sous les monarchies françaises (ex. manufactures
royales de l’ancien Régime).
Mais, avec l’apparition et le développement du libéralisme économique, les
idées sont émises selon lesquelles l’Etat doit s’interdire d’intervenir en matière
économique et que, s’il intervient, son intervention doit se limiter à la
règlementation et au contrôle, mais ne peut pas aller jusqu’à la participation.
Sur base de ces idées on arrive à considérer que ces entreprises qui existaient
dans le temps et que l’on considérait comme entreprises publiques, avaient un

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caractère exceptionnel et anormal. Il s’ensuit que sans disparaître


complètement l’entreprise publique n’occupa pendant la période libérale
qu’une place très limitée. Seules les raisons particulières pouvaient expliquer
et fonder l’existence de quelques entreprises publiques pendant cette période.
C’était soit des raisons d’ordre fiscal (ex. monopole de tabac), soit des raisons
de police et d’ordre public (ex. fabrication des armes, poudres, explosifs etc.).
 Au XX ème siècle et plus particulièrement à partir de la 2e Guerre mondiale, on
assiste à un renversement des tendances et au développement des
entreprises dans presque tous les Etats du monde. Les raisons de ce
développement sont les suivantes :
Si l’on met de côté le hasard qui fait que certaines entreprises privées tombent
dans les mains de l’Etat par suite des mesures pénales (confiscation) ou par
suite de l’absence des héritiers, ou pour des raisons de politique internationale
(conséquence d’un traité de paix etc.) on peut invoquer les raisons
fondamentales suivantes :

1) Raisons de politique économique.

L’évolution des idées et l’apparition des nécessités nouvelles ont mis hors de
discutions la légitimité de l’intervention de l’Etat en matière économique. A partir de
ce moment, l’intervention de l’Etat, loin de se limiter, comme dans le temps, à la
réglementation et au contrôle s’étend à la gestion directe d’activités économiques.
Idées nouvelles, principes nouveaux, en effet ce changement d’attitude
s’accompagne de nouveaux principes directeurs. Dans les pays capitalistes, ces
principes se sont dégagés lentement mais ont fini par s’imposer. Quelles sont ces
idées nouvelles ?
- La première est que la gestion des activités économiques essentielles à la
nation peut revenir de droit à l’Etat et que cette gestion publique est à la fois
juridiquement licite et économiquement raisonnable.
- La seconde, qui prolonge d’ailleurs la première, est que cette gestion est, non
pas une faculté pour l’Etat mais bien une obligation. C’est une obligation
d’autant plus impérieuse que le rôle du secteur public comme on l’a justement
souligné est de favoriser le fonctionnement d’une économie nationale dans les
conditions voisine de l’optimum économique. Un des aspects de cette théorie
est la doctrine de la nationalisation qui tire souvent son fondement dans la
Constitution. Ainsi par exemple l’article 34 de la Constitution de la RDC de
2006 dispose « (…) l’Etat garantit le droit de propriété individuelle ou collective
conformément à la loi ou à la coutume. Nul ne peut être privé de sa propriété
que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable
indemnité octroyée dans les conditions fixées par la loi ».
Ainsi, grâce à l’entreprise publique, l’Etat peut tenir en main les leviers de
l’économie nationale, orienter celle-ci vers les objectifs et les idéaux
préalablement définis.
Toutefois, s’il revient à l’Etat de définir sa politique économique, si le secteur
public constitue pour lui un paramètre et un instrument de rationalisation des
voies et moyens à mettre en œuvre pour réaliser un développement
harmonieux et intégré, il convient de ne pas perdre de vue que la création et
le développement d’un secteur public ne va pas sans friction. Sa réussite est
fonction d’un certain nombre de facteurs.

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Marcel Rudolff souligne que sa gestion est entièrement fonction de la capacité


et de l’honnêteté des fonctionnaires responsables » et qu’un secteur
économique public est condamné à partir du moment où il devient un centre
de placement ou de recasement des politiciens malchanceux ou simplement
sous employés. C’est dire que l’Etat entrepreneur doit rester toujours très
vigilant en exigeant des dirigeants des entreprises une gestion saine et en
instaurant un contrôle rigoureux.

2) Raison de politique sociale.

Le développement des besoins sociaux peut être la base de la naissance des


entreprises publiques. En effet, l’initiative privée demeurant étroitement liée à la
notion de rentabilité et à la recherche des profits financiers, il faut s’attendre à ce que
les besoins non rentables selon l’optique des hommes d’affaires ne soient pas
satisfaits. D’où l’Etat est obligé d’intervenir pour suppléer cette carence de l’initiative
privée. Cette intervention se concrétise par la création d’entreprises publiques.
Dans d’autres circonstances, l’intervention de l’Etat peut être appelée par des
tensions au sein même de l’entreprise privée. Dans ce cas, l’Etat doit se substituer à
l’entrepreneur privé pour résoudre ces difficultés et sauvegarder ainsi une unité du
développement économique. Cette intervention s’avère d’autant plus nécessaire
qu’au sein d’une entreprise, l’ordre et la paix sociale sont tributaires de la justice
dans la répartition des produits du travail, ce qui n’est possible qu’au prix d’une
profonde transformation des relations économiques et sociales à l’intérieur de
l’entreprise.
Des considérations d’ordre idéologiques peuvent aussi expliquer la diffusion des
entreprises publiques. Il en va ainsi lorsqu’on adopte l’idéologie socialiste qui exclut
l’appropriation privée des moyens de production. Ceci explique que le
développement des entreprises publiques aient coïncidées avec l’apparition des
régimes socialistes ou à tendance socialiste.
Notons cependant qu’on ne se trouve en présence d’une entreprise pleinement
socialiste que lorsque sa gestion est confiée à une tripartite (l’Etat, usagers,
personnel) ou à une quadripartite (l’Etat, usagers, personnel et techniciens). Si l’Etat
ne fait que se substituer à l’employeur privé, il s’agit alors d’une application du
capitalisme d’Etat.

3) Raison de politique générale.

Il peut s’agir des raisons de politique internationale ou nationale :


- Raison de politique internationale : dans ce cadre, la défense nationale,
la sécurité ou même le prestige peuvent expliquer que l’Etat prenne en
main la gestion des activités économiques.
- Raison de politique nationale : ici, l’Etat peut estimer qu’il serait
dangereux de laisser dans les mains privées certains moyens ou
certaines activités essentielles qui ont un impact profond sur la
politique nationale (cas de la radiodiffusion et de la TV). Il peut aussi
intervenir pour empêcher un monopole privé d’agir à l’encontre de
l’intérêt général ou de gêner une politique de développement ou encore
pour réorganiser des entreprises et des secteurs léthargiques.
-

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Chapitre 2 : Problème de la définition de l’entreprise publique.

Section 1. Généralités.

Il importe de faire remarquer tout d’abord qu’à la base de l’expression « entreprise


publique », il y a un effort d’unification et de simplification qui tend à donner un
aspect d’unité à des réalités parfois différentes. La seconde observation est que
l’étude de la notion d’entreprise publique est rendue malaisée par le fait qu’aucun
des textes officiels qui traitent de la matière ne donne une quelconque définition.
Pour prendre l’exemple de chez nous (en RDC), les textes officiels qui fixent les
statuts des entreprises publiques n’apportent aucune précision sur la question qui
nous occupe. Certains parlent d’établissements publics à caractère industriel ou
commercial, d’autres encore des sociétés nationales ou d’offices etc. (Cf. par
exemple, la loi de 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises
publiques).
La conséquence de cette lacune des textes officiels est que les efforts dans la
recherche d’une définition sont les faits essentiellement de la doctrine. Ceci oblige
de faire remarquer que l’absence d’une définition officielle incite souvent les auteurs
à des controverses et à des prises des positions variées sinon divergentes. On peut
s’en rendre compte à propos de sociétés d’économie mixte. En effet, d’aucuns
excluent ces sociétés de la catégorie d’entreprises publiques. D’autres les y
englobent mais seulement dans la mesure où la participation de l’Etat y est
majoritaire. D’autres estiment, par contre, que même les sociétés d’économie mixte
dans lesquelles l’Etat est minoritaire peuvent prendre place parmi les entreprises
publiques dès lors que l’Etat jouit de la prépondérance dans la société.

Section 2. Recherche d’une définition de l’entreprise publique.

Pour dégager une définition d’une entreprise publique, on doit procéder de la


manière suivante :
- Considérer d’abord la notion d’entreprise ;
- Chercher ensuite ce que représente le qualificatif « public » appliqué à
l’entreprise.
Cela ne peut mieux ressortir que d’une comparaison entre l’entreprise publique et
l’entreprise privée d’une part, entre l’entreprise publique et le service administratif
traditionnel d’autre part. A travers cette comparaison se dégagent aussi les
caractéristiques de l’entreprise publique.

A. La notion de l’entreprise.

L’entreprise doit d’abord être considérée comme une unité économique, c'est-à-
dire une mise en œuvre coordonnée et organisée des moyens humains et matériels
en vue d’assurer la production et la répartition des biens et services économiques.
Elle constitue aussi une unité juridique. Elle est, en effet, dotée de la personnalité
juridique. Ce qui lui permet de participer au commerce juridique (c'est-à-dire d’être
sujet de droit, avoir un patrimoine, ester en justice).

B. Le qualificatif « public ».

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La portée exacte du caractère public d’une entreprise ne peut être dégagée que
par comparaison avec l’entreprise privée et le service public administratif traditionnel.

I. Comparaison avec l’entreprise privée.

Etant donné qu’il s’agit dans les deux cas d’une unité économique et juridique, il
existe forcément des ressemblances entre les deux. Celles-ci peuvent, pour
l’essentiel, être résumées de la manière suivante :
D’une part, en effet, les entreprises publiques sont soumises aux règles en usage
dans les sociétés privées en ce qui concerne leur gestion financière et comptable.
D’autres parts, elles sont comme les sociétés privées, soumises, par principe et sauf
exception, au droit privé en ce qui concerne le crédit, la fiscalité, le régime de leur
personnel, de leurs biens et de leur responsabilité. Mais, l’important étant d’opposer
l’entreprise publique à l’entreprise privée, c’est sur les différences qu’il faut mettre
l’accent. Celles-ci peuvent être relevées dans les buts poursuivis, dans la propriété et
la direction de l’entreprise.

a. Le but de l’entreprise.

L’entrepreneur privé est un homme d’affaires qui poursuit avant toute chose des
bénéfices financiers, c'est-à-dire un but d’intérêt privé. Ceci explique que dans la
finalité de son activité, l’intérêt général soit indifférent ou tout au moins indirect. En
revanche, l’action de l’Etat étant centrée sur l’intérêt général, l’entreprise publique est
nécessairement vouée à la poursuite d’un but d’intérêt général. Cet objectif reste
primordial pour elle, même si, en tant qu’une unité économique, l’entreprise publique
poursuit aussi le profit et la rentabilité.
On notera, à propos de la rentabilité des entreprises publiques, que trois principes
sont généralement admis :

1) L’entreprise publique peut poursuivre une gestion bénéficiaire en


s’inspirant des pratiques des entreprises privées ;
2) Elle peut viser une gestion équilibrée, en vendant ses produits au prix
de revient ;
3) Elle peut parfois accepter une gestion déficitaire (couverte par des
subventions) afin de fournir aux consommateurs, pour des motifs
sociaux, des biens essentiels à des bas prix (à ne pas confondre avec
une gestion déficitaire non voulue).

b. La propriété et la direction de l’entreprise.

L’entreprise privée est un bien patrimonial des personnes privées, l’entrepreneur


lui-même ou indirectement les actionnaires lorsqu’il s’agit d’une société propriété
privée. Elle est gérée également par une direction privée. Par contre, l’entreprise
publique est une propriété publique (de l’Etat ou des autres personnes publiques).
En conséquence, elle est confiée à une direction publique. Elle est, à l’instar de
l’entreprise privée, dotée de la personnalité juridique.
La qualité de propriété publique à laquelle s’ajoute la personnalisation fait de
l’entreprise une personne publique. Il en va évidemment ainsi des établissements
publics et plus précisément des établissements à caractère industriel ou commercial.
Si cette évidence s’impose dans le cas des établissements publics, la question se

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pose cependant de savoir si des entreprises qui ont la forme juridique d’une société
peuvent être rangées parmi les entreprises publiques ?
L’on doit, il semble, répondre par l’affirmative et admettre que la forme juridique
d’une entreprise est indifférente eu égard à son appartenance à la catégorie
d’entreprise publiques, l’élément essentiel demeure le caractère de propriété
publique attachée à son patrimoine. Cela dit, la difficulté apparaît cependant pour les
sociétés d’économie mixte et plus particulièrement pour celle dans lesquelles la
participation de l’Etat au capital social est minoritaire.
Il semble que l’élément déterminant ici puisse être la maîtrise de l’Etat vis-à-vis de
l’entreprise. Si cette maîtrise est bien établie, on peut estimer que l’on se trouve en
présence d’une entreprise publique. Il en est ainsi dans le cas où l’Etat possède la
majorité des actions (en RDC, toutes les sociétés d’économie mixte sont considérées
comme des sociétés privées, et ce, quelle que soit la participation de l’Etat au capital
social).
Et même dans les sociétés à participation étatique minoritaire, le principe sera
maintenu si l’on se trouve dans les deux hypothèses suivantes :
- La participation au capital, tout en étant minoritaire, assure
incontestablement à l’Etat la maîtrise de l’entreprise, l’appréciation est à
faire dans chaque cas d’espèce pour savoir si réellement l’Etat à la
mainmise sur la société ; ce serait le cas par exemple si les
représentants de l’Etat au Conseil d’administration y disposent des
pouvoirs, et notamment un pouvoir de veto ;
- Les statuts eux-mêmes de la société assurent à l’Etat minoritaire un
rôle prépondérant dans la gestion, hypothèse réalisée si l’Etat par
exemple, a la majorité des administrateurs garantie par les statuts eux-
mêmes. Mais, cette opinion n’est pas partagée par tous le monde (Cf.
notamment certaines législations africaines).
Le caractère de propriété publique de l’entreprise publique a comme conséquence
que sa gestion est confiée à une direction publique. Que faut-il alors entendre par
direction ici ?
Par direction d’une entreprise publique, il faut entendre non seulement celle qui
est confiée aux représentants de l’Administration ou aux personnes nommées par
elle, mais aussi celle qui peut être confiée aux représentants des intérêts en
présence, l’Administration pouvant d’ailleurs n’avoir qu’une part minoritaire dans
cette représentation. Il en serait ainsi par exemple, si dans une entreprise la gestion
est confiée à une tripartite (Etat, personnel, usagers) et la direction aux représentants
élus des usagers ou du personnel par exemple.

II. Comparaison avec le service administratif traditionnel.

La première remarque à faire est qu’il importe peu que le service administratif soit
personnalisé ou pas. La comparaison peut être établie autour de l’objet et du statut.

a. L’objet.

Dans sa conception traditionnelle, le service public administratif s’assigne comme


objectif la réglementation et le contrôle. Il n’est pas chargé de fournir des biens ou
des services économiques, ce qui est, en revanche, l’objet d’une entreprise publique
qui, en cela, s’aligne sur l’entreprise privée.

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Cette activité économique de l’entreprise publique s’exerce dans un certains cadre


tracé par les textes ou les statuts. La conséquence en est que l’entreprise ne doit
pas normalement sortir de ce cadre, elle est soumise, à l’instar de toutes les
personnes morales aux principes de « spécialité ».

b. Le statut.

A propos du statut, il convient de rappeler tout d’abord que la forme juridique des
entreprises est très variable. Certaines sont revêtues du moule juridique
d’établissement public industriel et commercial alors que d’autres ont celui des
sociétés. D’autre part, par rapport au service administratif traditionnel, l’entreprise
publique est, sauf exception, limitée quant à ses activités. Elle correspond, en effet, à
une activité spécialisée d’intérêt général qui s’affirme à travers son fonctionnement ;
elle est soumise à un régime juridique de droit privé. Il en est ainsi notamment de
ses relations avec son personnel ou avec ses clients, du statut de ses biens. Au
surplus, elle doit, en principe, avoir la qualité de commerçant. Celle-ci ne fait aucun
doute pour les entreprises publiques constituées sous forme de société.
Pour ce qui est des entreprises publiques ayant la forme d’établissement public,
cette qualité peut également leur être reconnue dans la mesure où elles peuvent être
soumises à l’immatriculation au Registre du commerce qui fait présumer le caractère
de commerçant. En fait, cette qualité parait peu compatible avec celle
d’établissement public. Mais, il est exact de soutenir que concrètement,
l’établissement public industriel ou commercial peut agir, dans la vie juridique,
comme s’il avait cette qualité.
De tout ce qui précède, il résulte que l’on puisse définir l’entreprise publique
comme étant une unité économique dotée de l’autonomie financière et dont le
capital est soit exclusivement, soit partiellement constitué des apports faits par
l’Etat (ou par une personne publique territoriale) et destinée à être affectés à
une exploitation commerciale, industrielle ou agricole.

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LIVRE II
DU MODE DE GESTION DES SERVICES PUBLICS.

Nous allons analyser successivement la régie, l’établissement public, les


organismes privés gérant un service public et les sociétés publiques.

Titre 1
La régie.

 Notion.

Un service public est géré en régie lorsque l’Etat le gère directement avec son
personnel et ses deniers, c'est-à-dire sans passer par l’intermédiaire de la
personnification juridique du service. Lorsqu’un service public est exploité en régie, il
ya donc confusion, pour son organisation et son fonctionnement, avec les règles
régissant les autorités administratives et leurs moyens d’actions.
La régie constitue le mode de gestion le plus normal du service public. Il englobe
des services publics nombreux et très importants, notamment dans les domaines qui
concernent l’ordre public et la sécurité : armée, police, justice ainsi que des services
publics traditionnels et fondamentaux tels que les postes et télécommunications.

Chapitre 1: Gestion des services de l’Etat.

Section 1. Organisation et gestion des services au niveau du gouvernement.

Dans le droit administratif général, certaines autorités de l’Etat font partie de


l’Administration tout en n’ayant pas la qualité d’agents publics. Ce sont des autorités
qui sont placées au sommet de la hiérarchie administrative et qui sont en même
temps des autorités politiques. C’est le cas du Président de la République et des
ministres. Ces autorités jouent un rôle administratif important. Elles sont en effet
détentrices du pouvoir exécutif et partant sont responsables de l’Administration du
pays.
Si l’on met de côté le Président de la République, les Ministres sont placés chacun
à la tête des services spécialisés dont ils assurent la direction et assument la
responsabilité. Tous ces services sont exploités en régie. Mais, tout en étant
spécialisés, les Ministères sont obligés de collaborer.

A. Spécialisation des Ministères.

La spécialisation traduit une véritable division du travail, une répartition rationnelle


des tâches revêtant un caractère empirique.

I. Caractéristique principale de la spécialisation : c’est d’être


contingent.

En effet, il n’existe pas de définition constitutionnelle de la tâche et du nombre des


Ministères. Ainsi, le nombre des Ministères variant, la répartition de services entre
différents Ministères tient compte de plusieurs facteurs : politiques, économiques,
administratifs, sociaux. Il se forme et se transforme selon des procédés différents ; il

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peut s’agir d’une création de toute pièces rendue nécessaire par les besoins de
l’époque : ex. création du Ministère du tourisme et de l’environnement.
Il peut s’agir aussi d’une promotion d’un service dont l’importance justifie qu’il soit
élevé au rang d’un Ministère : ex. transformation de l’IGP en Ministère de Portefeuille.
Il peut s’agir également de la division (ou de la scission) d’un Ministère : ex. division
ou scission de l’ancien Ministère de l’Education nationale et de la culture et des arts
en Ministère de l’éducation et en Ministère de la culture et des arts.
Enfin, il peut s’agir d’un regroupement de deux ou plusieurs Ministères pour
aboutir en un seul Ministère : ex. finances, budget et portefeuille.

II. Conséquence de la spécialisation.

a. Obligation de respecter la compétence des Ministères.

Chaque Ministère est tenu de respecter les attributions des autres, qu’il s’agisse
de la compétence « ratione matériae » ou de la compétence « ratione temporis ».
Ainsi, un Ministre démissionnaire ne peut qu’assurer l’expédition des affaires
courantes et ne peut pas dépasser le seuil des affaires courantes sans violer cette
obligation.

b. Compétence contentieuse.

Quoique les ministères ne jouissent pas de la personnalité juridique, étant


confondue dans celle de l’Etat, ils n’en constituent pas moins des centres de droits et
d’intérêt individualisés. Ce qui permet à chaque ministre de jouir du monopole de
représentation en justice pour ce qui concerne les affaires de son Ministère et
d’attaquer éventuellement les actes de ses collègues qui seraient pris en violation de
la règle de la spécialisation.
A côté de ces principes, il est admis que lorsqu’une affaire concerne un ministère
bien déterminé, on assigne ce ministère. Mais on peut aussi assigner n’importe quel
Ministère, donc l’Etat par l’entremise du Ministère de la justice.

B. Collaboration entre les Ministères.

Du fait de la spécialisation, la collaboration peut paraître difficile à établir. Pourtant,


elle est inévitable en raison des interférences administratives qui jouent de service à
service.

Section 2. Organisation interne des Ministères.

Pour les questions qui concernent les pouvoirs des Ministères, la composition et le
fonctionnement des cabinets, on se référera aux cours de Droit constitutionnel et de
Droit administratif général. Nous allons ici analyser surtout la partie que l’on peut
qualifier « administratif » des Ministères. Mais avant cela, il ne serait pas superflu de
rappeler en grands trais la détermination juridique des pouvoirs du Ministre :

- Il est, en effet, ordonnateur des dépenses de l’Etat pour tous les


services placés sous son autorité ;
- Il a autorité sur tous les agents de son Ministère : il a le pouvoir de
nomination pour tous les agents du Ministère ayant le grade inférieur à

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celui de chef de bureau ; Il a le pouvoir hiérarchique ; Il a le pouvoir


disciplinaire ;
- Il peut détenir éventuellement le pouvoir réglementaire : pour
l’organisation interne de son service vis-à-vis des usagers si la loi le lui
confère expressément ; il faut y ajouter un pouvoir règlementaire de fait
qui s’exerce par voie de circulaires ;
- Il signe les contrats de son Ministère ;
- Il est habilité à représenter son Ministère en justice, sauf si l’Etat est
assigné par le canal du Ministère de la justice.
Cela étant, procédons à l’analyse de la structure administrative du Ministère dans
son aspect interne et dans son aspect externe.

A. Structure interne des ministères.

C’est l’Ordonnance n°82/027 du 19 mars 1982 qui fixe cette structure actuellement.
On distingue trois catégories des fonctions au sein du Ministère : les fonctions de
commandement, les fonctions de collaboration et les fonctions d’exécution. Bien
avant cela nous tenons à signaler que nous ne parlerons pas des exigences pour
leur recrutement et de leurs tâches respectifs pour lesquels nous recommandons la
lecture del ‘Ordonnance sus mentionnée

a. Les fonctions de commandement.

Elles sont exercées par les agents revêtus du grade allant du Secrétaire Général
au Chef de bureau. Il s’agit, selon l’ordre décroissant : du Secrétaire général ; du
directeur ; du chef de division ; du chef de bureau.

b. Les fonctions de collaboration et d’exécution.

Elles sont exercées par les attachés de bureau de première et de deuxième


classe, les agents de bureau de première et de deuxième classe, les agents
auxiliaires et les huissiers. Ceux-ci ont pour tâche principale d’assurer l’exécution des
ordres, des mesures d’ordre administratif, légal ou réglementaire sous l’autorité du
chef de bureau.

B. Structure extérieure des ministères.

Les Ministères ont leurs prolongements extérieurs dans les provinces assurés par
le directeur provincial et les chefs de division.

Titre 2
Etablissements publics.

La régie est un mode de gestion qui correspond très généralement à l’Etat ou à


d’autres personnes publiques territoriales. Mais, l’on peut concevoir que la gestion du
service soit confiée à d’autres personnes différentes de l’Etat et d’autres personnes
publiques territoriales. Ce mode de gestion se réalise alors par le procédé
d’établissement public.

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Chapitre 1 : Notion d’établissement public.

En dépit des quelques controverses doctrinaux sur l’existence de la notion


d’établissement public, il sied de retenir ce qui suit (en vue de la reconnaissance de
cette institution, car la loi est parfois ambigüe) :

Section 1. L’établissement public est une personne juridique publique.

Ce caractère comporte un certain nombre de conséquences, à savoir :


- L’existence d’un patrimoine, propriété de l’établissement et affecté à la
réalisation du but auquel il est destiné ;
- L’existence d’un personnel géré par les autorités de l’établissement et
des actes desquels ce dernier est responsable ;
- La participation de l’établissement au commerce juridique et le cas
échéant sa responsabilité à l’égard des tiers.

Section 2. L’établissement public une personne dont la forme juridique échappe


au droit privé.

Il s’agit d’une forme particulière du droit public qui n’a pas d’équivalent en droit
privé. Il s’en suit que l’établissement public jouit des privilèges personnels, c'est-à-
dire de privilèges juridiques attachés à sa forme de droit public. Le principal est
l’impossibilité des voies d’exécution forcée, particulièrement les saisies.

Section 3. L’établissement public est appelé à remplir une fonction spécialisée qui
est la plus part du temps un service public.

Cette spécialisation peut être plus ou moins étroite suivant les cas et les secteurs
d’activités.
- Lorsque la spécialisation est moins rigoureuse, l’établissement public
peut exercer une activité connexe à la sienne propre, même si cette
activité n’est pas prévue par son statut. Ainsi par exemple l’Institut
géographique du Congo peut effectuer des opérations de location des
avions pour procéder à des recherches géographiques aériennes.
- Dans d’autres cas, la spécialisation est très poussée. Il y a alors
exclusion d’exercice d’activités connexes. Par exemple, l’ancienne
Ecole Nationale d’Administration (ENA) qui était chargée de
l’enseignement et de la formation des fonctionnaires de l’Etat n’était pas
habilitées à défendre en justice d’autres intérêts que ceux prévus par la
loi qui l’avait créée. Dans cet ordre d’idées, elle ne pouvait pas par
exemple, intenter une action en justice en matière du statut des agents
de l’Etat. De même l’INPP ne peut pas s’ériger en un syndicat pour
formuler des revendications salariales.
L’établissement public gère généralement un service public. Il peut s’agir d’une
gestion privée dans le cas d’un établissement public industriel ou commercial. Mais
l’établissement public peut ne pas gérer un service public. Il y a alors décalage entre
l’organe et la fonction. Ce décalage peut s’expliquer par un certain nombre de
raisons.
D’une façon générale, le recours à la forme d’établissement public est une
invitation à la commercialité lorsqu’il s’agit d’un établissement qualifié d’industriel ou

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commercial. D’une façon plus précise et toujours dans l’hypothèse d’un


établissement qualifié d’industriel ou de commercial, on recourt à ce procédé pour
échapper aux règles de la comptabilité publique et de droit public en général, ex. la
Gécamines.

Section 4. L’établissement public est subordonné aux collectivités publiques


territoriales.

Chaque établissement public est, en effet, rattaché à une collectivité publique


territoriale. Ce rattachement se traduit par une tutelle administrative, certains liens
financiers et même, dans certains cas, par la responsabilité de cette collectivité en
cas de faute dans l’exercice de la tutelle. De ce point de vue, l’on distingue les
établissements publics nationaux et les établissements publics régionaux ou locaux.
Mais, le critère de rattachement aux personnes publiques territoriales n’est pas assez
précis. On s’attache essentiellement aux pouvoirs de contrôle et de tutelle exercés
par les autorités d’une collectivité publique sur l’établissement. A cet égard, le
rattachement peut se traduire par une subordination plus ou moins étroite vis-à-vis
de la collectivité de rattachement.
La subordination est très poussée lorsqu’elle est marquée par une dépendance
prononcée des dirigeants de l’établissement vis-à-vis de la collectivité publique de
rattachement. Cette hypothèse se réalise lorsque les dirigeants de l’établissement ou
la majorité d’entre eux sont nommés par l’Etat. Certains ont alors proposé dans ce
cas l’appellation d’établissement public déconcentré.
Le rattachement est lâche lorsqu’il est nuancé par une large autonomie et se
traduit par un simple pouvoir de tutelle. C’est ici l’exemple classique d’établissement
public décentralisé.

Chapitre 2 : Raison d’être de l’établissement public.

La plus part des services publics sont géré en établissements publics. L’emploi de
ce mode de gestion constitue soit la décentralisation, soit la déconcentration par
service qui se distinguent de la décentralisation et de la déconcentration territoriale.
En effet, ces deux dernières expressions se réfèrent au problème de la répartition
des compétences dans l’Etat.
On peut à cet égard avoir plusieurs conceptions :

1. On peut, en effet, concevoir que l’Etat gère lui-même tous les services
publics, les autorités publiques se réservent toutes les décisions
importantes. On parle dans ce cas de la centralisation.
2. Dans d’autres cas, l’Etat peut confier à ses représentants locaux le
pouvoir de prendre certaines décisions : il s’agit, dans cette hypothèse,
de la déconcentration.
3. Certains services peuvent fonctionner dans un cadre plus restreint que
l’Etat et être gérés par des personnes qui ne représentent pas le
pouvoir central mais sont élus par les administrés concernés. C’est
l’hypothèse de la décentralisation territoriale.
A côté de ces modalités, qui concernent la répartition des compétences dans l’Etat,
il existe la technique de la décentralisation (ou la déconcentration) par service qui se
réalise précisément par l’établissement public. Ce procédé peut s’expliquer par
diverses raisons :

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- Il peut s’agir d’un groupe d’individus possédant des intérêts communs


propres distincts des intérêts nationaux ou régionaux et qui méritent
d’être juridiquement protégés (ex : commerçants ou agriculteurs). On
crée alors un organisme doté de la personnalité juridique.
- Dans une seconde hypothèse, on peut avoir à faire à un établissement
public ne correspondant pas à un groupe humain distinct. Dans ce cas,
le recours à cette forme de gestion est purement formel et répond à des
fins très variables qui peuvent être :
 Soit attirer les libéralités. En effet, certains donateurs peuvent
exiger que leurs dons ne soient versés qu’aux organismes dotés
d’une large autonomie financière. En effet, la personnification
budgétaire permet au donateur de ne pas craindre que ce qu’il
donne se fonde dans le budget général de l’Etat.
 Soit alléger les fonctions d’un ministère en détachant un service
jusque là exploité en régie directe pour en faire un organisme
doté de la personnalité juridique ;
 Soit pour soustraire l’activité aux influences parlementaires.
- Dans une troisième hypothèse, la création d’un établissement public
répond au souci de doter un organisme des modalités de gestion
similaires à celles d’une entreprise privée. L’établissement public
industriel ou commercial rentre dans cette catégorie (c'est-à-dire répond
à cette motivation).

Chapitre 3 : Critère d’établissements publics.

Section 1. Position du problème.

Poser le problème des critères de l’établissement publics, c’est poser le problème


de la distinction entre l’établissement public et les institutions voisines : personnes
privées ou autres personnes publiques qui ne sont pas des établissements publics.

A. Détermination de la loi.

La première démarche à faire est de se référer au texte qui a crée l’établissement


public, car ce texte peut contenir la qualification de l’organisme, qui peut se présenter
sous deux aspects :
- De façon positive, lorsque le législateur détermine lui-même la nature
de l’établissement ;
- De façon négative, lorsque la loi adopte pour l’organisme une
qualification qui exclus celle d’établissement public et qui en fait un
établissement d’utilité publique par exemple.

B. Silence du législateur.

En cas de silence de la loi, la démarche à faire est la suivante :


- Déterminer d’abord s’il s’agit d’une personne administrative, ce qui
revient à distinguer l’institution en cause des personnes privées ;
- S’il s’agit d’une personne publique, déterminer si l’on a affaire à un
établissement public.

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En fait, la jurisprudence opère autrement. Pour distinguer l’établissement public et


les personnes privées, elle oppose l’établissement public à l’établissement d’utilité
publique, c'est-à-dire une personne privée (association ou fondation) qui poursuit un
but d’intérêt général et s’est vu reconnaître un statut dit « d’utilité publique » qui lui
confère des droits et lui impose des obligations.
L’établissement public se distingue des autres personnes publiques. C’est le cas
des personnes publiques territoriales et des autres personnes publiques qui n’ont
pas la qualité d’établissement public.
(NB : plusieurs critères ont été proposés par la doctrine ainsi que des solutions.)

Section 2. Classification des établissements publics.

On peut envisager plusieurs classifications en prenant en considération un certain


nombre d’éléments : élément géographique, statut financier, l’objet.

A. Classification fondée sur l’élément géographique.

Est prise ici en considération, la collectivité territoriale à laquelle est rattaché


l’établissement public. Cette classification a comme avantage de permettre de situer
l’établissement quant à sa tutelle, le statut du personnel, le régime des dons et legs,
la dévolution des biens en cas de suppression de l’établissement.
On distingue à cet égard :
- Les établissements nationaux ou d’état ;
- Les établissements régionaux ou locaux.
Signalons l’existence possible d’établissements internationaux, par exemple des
bases militaires sur un territoire national, ou des aéroports.

B. Classification fondée sur le statut financier.

La première observation à faire est que si généralement l’expression


établissement public implique une personnalité morale et une autonomie financière,
cela ne signifie pas qu’il y ait forcément entre les deux un lien indissoluble. Il existe,
en fait, une gamme d’établissements publics allant d’établissements publics au sens
strict, c'est-à-dire des établissements publics dotés de la personnalité juridique et de
l’autonomie financière, aux simples services dotés de l’autonomie financière mais
sans personnalité juridique (ex. Cliniques universitaires).
En ne s’en tenant qu’aux établissements publics, on constatera que ceux-ci ont
toujours la personnalité morale, mais leur autonomie financière est plus ou moins
affirmée selon les cas.
On distinguera ainsi de ce point de vue :
- Les établissements publics dotés de l’autonomie financière pleine ;
- Les établissements publics dotés seulement d’un budget annexe ;
- Les établissements publics dotés de l’autonomie financière réduite.

C. Classification fondée sur l’objet de l’activité.

On prend en considération ici essentiellement la nature générique de l’activité en


cause. On distinguera ainsi les établissements publics administratifs, les
établissements publics commerciaux et industriels.

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Chapitre 4 : Etablissements publics administratifs.

C’est l’établissement public administratif qui constitue le régime de droit commun


des établissements publics, les autres catégories ne sont que des adaptations de la
notion administrative.

Section 1. Observation générales.

D’une façon générale, disons que l’établissement public administratif exerce,


comme l’indique son nom, une activité typiquement administrative à l’exclusion des
activités industrielles. De manière plus précise, faisons remarquer que :
- L’établissement public administratif qui présente les caractères de
l’établissement public à l’état pur, dispose d’un statut fonctionnel
soumis au droit public. Ceci signifie que l’essentiel de ses activités se
déploie sous un régime de droit public, l’appel au droit privé n’étant
qu’exceptionnel.
- Il convient de préciser toutefois qu’il n’existe pas d’incompatibilité
absolue entre l’établissement public administratif et l’établissement
public industriel ou commercial. En conséquence, il est possible qu’un
établissement public administratif gère une activité industrielle ou
commerciale et qu’il soit soumis dans cette mesure au droit privé. A
l’inverse, un établissement public industriel ou commercial peut exercer
des activités administratives (ex. ONATRA). On parle dans ce cas des
établissements publics à double visage.
Et puisqu’il est admis que les établissements publics industriels ou commerciaux
sont des adaptations, il faut déduire que, sauf pour ce qui est des particularités
impliquées par leur activité spécifique, les règles générales de l’établissement public
administratif s’appliquent aux établissements publics industriels ou commerciaux.
D’une part, la diversité de régimes que l’on note entre les établissements publics
industriels ou commerciaux correspond à la diversité des régimes juridiques des
services publics.

Section 2. Statut de l’établissement public administratif.

L’étude du statut de l’établissement administratif s’ordonne autour de sa création,


de sa structure et de sa disparition éventuelle.

A. Création de l’établissement public administratif.

Il s’agit ici du problème de la compétence pour créer un service public. Avant la


révision de la défunte constitution de 1967, les principes étaient les suivants :
- La création des services publics était de la compétence de l’autorité
disposant du pouvoir réglementaire ;
- La compétence devait revenir au pouvoir législatif :
 Lorsque la création d’un service public nécessitait une autorisation
budgétaire ;
 Lorsque cette création nécessitait la mise sur pied d’une catégorie
d’établissements publics (voir les art. 46 et 47 Const. 1967).
L’article 59 de l’Acte Constitutionnel de la Transition attribuait la compétence de
créer les catégories d’établissements publics au pouvoir législatif.

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La notion de catégorie d’établissement public peut se définir de la manière


suivante : constitue une même catégorie, les établissements publics :
- Dont l’activité a le même caractère (ou la même nature) administratif,
industriel ou commercial ;
- S’exerce territorialement sous la même tutelle administrative ;
- Et qui ont une spécialité étroitement comparable.
Il faut noter qu’un seul établissement public peut constituer à lui seul toute une
catégorie lorsqu’il n’a pas d’équivalent déjà existant.

B. Structure de l’établissement public administratif.

Il existe généralement au sein des établissements publics un organe collégial et


un organe monocratique chargé de la gestion. Ainsi, la structure est variable et peut
présenter un développement plus ou moins achevé et un équilibre différent selon les
cas entre les autorités collégiales et celles monocratiques qui se partagent sa gestion.
Cette coexistence pose deux séries de problèmes :

I. Le recrutement de l’organe collégial et de l’organe monocratique.

Ces organes sont recrutés différemment et cette différence atténue ou renforce la


décentralisation. Trois solutions sont à cet égard possibles et pratiques : l’élection, la
nomination et la combinaison de l’élection et de la nomination. En effet, il peut y avoir
soit élection des membres par le groupe que représente l’établissement (ex.
membres des chambres professionnelles) soit élection pour une partie, et nomination
pour une autre partie, soit nomination discrétionnaire par les pouvoirs publics. Leur
liberté d’action est évidemment tributaire de ce mode de recrutement. Les élus
jouissent toujours de plus de liberté d’action que les nommés.

II. Les rapports de l’organe collégial et de la direction.

Ces rapports peuvent être envisagés du point de vue structurel et du point de vue
fonctionnel.

a. Du point de vue structurel.

La question qui se pose ici est de savoir si l’organe de direction est élu ou non par
l’organe collégial. Il y a effectivement des cas où l’organe de direction est élu par
l’organe collégial (cas surtout des organismes professionnels). Dans d’autres cas. Il
peut être nommé sur proposition de l’organe collégial. Mais, dans la majeure partie
des cas, il est purement et simplement nommé.

b. Du point de vue fonctionnel.

Il s’agit du problème de la répartition des compétences entre les deux organes. A


cet égard, on sera en présence d’une structure achevée et perfectionnée lorsque
l’établissement peut comprendre un organe délibérant ayant un pouvoir décentralisé
grâce auquel il gère véritablement l’établissement. En pratique, trois solutions sont
concevables :

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1. Première solution : la dévolution des compétences essentielles à


l’organe collégial, l’organe monocratique ne détenant qu’un pouvoir
d’exécution. Sous cet angle, l’organe délibérant bénéficie des pouvoirs
très larges : il vote le budget, mène l’action générale de l’établissement,
crée des services, gère le patrimoine de l’établissement, passe les
contrats, élabore le statut du personnel etc.
2. Deuxième solution : l’organe monocratique détient la substance des
compétences, l’organe collégial étant réduit à un rôle consultatif direct.
La prédominance de l’organe monocratique peut se comprendre et se
justifier lorsqu’on tient compte de la permanence de ses fonctions, de
sa connaissance des problèmes et de son autorité sur les services
d’exécution.
3. Troisième solution : le partage selon un dosage variable : c’est la
solution la plus fréquente.

Il faut tenir aussi compte des rapports de ces deux organes, car selon les cas
l’organe monocratique se confond avec la présidence de l’organe collégiale, ou est
extérieur à l’autorité collégiale.

C. Dissolution de l’établissement public administratif.

I. Forme de la dissolution.

En application de l’acte contraire ou de la réciprocité des formes, la dissolution


d’un établissement public ne peut intervenir que dans les formes qui ont présidé à sa
création et par l’autorité qui l’avait crée.

II. Modalités.

A côté de la dissolution proprement dite, il peut intervenir le retrait de la


personnalité civile. Dans cette hypothèse, l’activité continue d’exister mais est
transformée en régie directe. En ce qui concerne la dévolution des biens de
l’établissement dissout, celle-ci est réglée par l’acte de dissolution de l’établissement.

Section 3. Fonctionnement de l’établissement public administratif.

Le fonctionnement d’un établissement public administratif est assuré par


l’existence d’un personnel, la soumission aux régimes juridiques, financier et
comptable essentiellement de droit public, ainsi qu’à un contrôle de tutelle.

A. Personnel de l’établissement administratif.

Il peut provenir de diverses origines et être placé sous des régimes différents. On
peut trouver en effet :
- Des fonctionnaires, c'est-à-dire agents soumis au statut du personnel
de carrière de l’Etat (ex. agents de l’Etat qui seraient détachés auprès
des établissements publics ;
- Des agents non fonctionnaires mais placés sous un statut très proche
du statut des agents de l’Etat (ex. agents de la Banque du Congo) ;

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- Des agents placés sous contrat de droit public : en absence d’un statut,
les agents peuvent être considérés comme liés par un contrat
administratif, du seul fait qu’ils participent à une mission de service
public et prennent part à la gestion de celui-ci.
- Les salariés de droit privé constitués du personnel d’exécution, du
personnel subalterne, du personnel temporaire ou du personnel
spécialisé selon le contenu des contrats qui les lient à l’établissement.

B. Régime juridique.

L’établissement public administratif est soumis à un régime juridique de droit


public, comportant ou pouvant comporter des prérogatives de puissance publique :
- Prérogatives personnelles, inhérentes à la notion d’établissement
public qui soustraient l’établissement public à toute voie d’exécution,
notamment les saisies) ;
- Prérogatives fonctionnelles dont l’étendue dépend des besoins de
chaque établissement. Citons à titre d’exemple, le pouvoir de lever
des taxes obligatoires, celui de bénéficier des procédures
d’expropriation et des travaux publics.
Le régime juridique de l’établissement public administratif concerne ses actes, ses
biens, la responsabilité et le contentieux auquel son fonctionnement peut donner lieu.

I. Les actes juridiques de l’établissement administratif.

Ils peuvent être à caractère unilatéral ou contractuel.

a. Actes unilatéraux :

Les dirigeants des établissements publics peuvent prendre les décisions


obligatoires, règlementaires et susceptibles de recours pour excès de pouvoir.

b. Actes contractuels.

Les établissements publics passent des contrats. Ceux-ci peuvent, par application
des principes généraux, être administratifs ou civil.

II. Les biens de l’établissement public administratif.

Les établissements publics jouissent de l’autonomie patrimoniale, ce qui revient à


dire qu’il possède un patrimoine comportant des biens meubles et des biens
immeubles. Le problème qui se pose au sujet de ce patrimoine et qui a donné lieu à
des controverses est celui de savoir si les établissements publics peuvent avoir un
domaine public.
Certains auteurs ont affirmé que les biens des établissements publics ne peuvent
constituer qu’un domaine privé. Mais, certaines jurisprudences étrangères admettent
la possibilité, pour les établissements publics, d’avoir un domaine public (cas de la
France).

III. La responsabilité de l’établissement public administratif.

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L’établissement public est responsable sur son patrimoine.

IV. Le contentieux.

L’établissement public administratif a la capacité d’ester en justice. Celle-ci


résulte du fait qu’il a la personnalité juridique. Selon certaines législations étrangères,
les établissements publics peuvent transiger moyennant autorisation donné par le
gouvernement (transiger : faire des concessions réciproques de manière à régler, à
terminer un différend). Mais, il leur est absolument interdit de compromettre
(compromettre : s’en remettre à l’arbitrage d’un ou plusieurs juges).

C. Régime financier et comptable.

I. Régime financier.

Les établissements publics sont alimentés par des ressources diverses :

- Revenus du patrimoine ;
- Produits des taxes fiscales ou parafiscales ;
- Rémunération de services ;
- Subventions versées par l’Etat ou par la collectivité territoriale à laquelle
l’établissement est rattaché ;
- Emprunts, dons et legs.

II. Régime comptable

- Les établissements publics administratifs relèvent des règles de la


comptabilité publique avec, cependant, quelques aménagements pour
tenir compte de certaines particularités de chaque établissement public.
- Leurs comptables sont soumis au régime général de la responsabilité
des comptables publics.
- Leurs comptes sont soumis au contrôle des inspecteurs des finances.
- Les rapports financiers des établissements publics et des particuliers
font intervenir les procédures de droit public, notamment le recours à
l’état exécutoire en matière de recouvrement des créances.

III. Régime fiscal.

Le régime fiscal fait une très large place aux exemptions fiscales au bénéfice des
établissements publics administratifs.

IV. Régime de tutelle.

La tutelle est ici la contrepartie de l’autonomie dont jouit l’établissement public.


Elle est très proche de celle qui s’exerce sur les collectivités territoriales ; à ceci près
qu’elle n’est pas exercée par le Ministre de l’intérieur, mais par le Ministre dans les
attributions duquel entre l’activité de l’établissement (ex. UNIKIN : tutelle du Ministre
de l’ESURS).

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A l’instar de la tutelle sur les collectivités territoriales, cette tutelle peut porter sur le
personnel et sur les actes de ce personnel.

a. Tutelle sur les personnes.

Elle se manifeste dans la nomination ou la désignation des autorités exécutives de


l’établissement. Mais, cette tutelle diffère du contrôle hiérarchique.

b. La tutelle sur les actes.

Elle consiste essentiellement en une approbation a posteriori exercée par l’autorité


de tutelle. Mais, elle a des limites. En effet, les pouvoirs de tutelle doivent être prévus
par un texte et s’exercer selon les normes définies par ce texte ; l’autorité de tutelle
ne saurait aller au-delà, par exemple : étendre les pouvoirs de tutelle par voie
règlementaire au cas où ceux-ci sont prévus par la loi.
Le contrôle de tutelle peut s’exercer sur le plan administratif en ce qui concerne la
spécialité, c'est-à-dire de son objet. Il peut s’exercer également sur le plan financier :
l’approbation du budget de l’établissement
On notera enfin qu’en matière de tutelle, l’autorité de tutelle peut engager sa
responsabilité dans le cas de faute lourde commise dans l’exercice de son pouvoir
de tutelle. Ce serait le cas par exemple si l’autorité de tutelle se compromet avec les
dirigeants d’un établissement pour commettre un détournement des deniers publics
ou pour admettre, moyennant un pot-de-vin, des failles dans le fonctionnement.

Chapitre 5 : Etablissements publics industriels ou commerciaux.

Section 1. Caractères généraux.

 Notion.

La notion d’établissement public industriel et commercial est née de la


combinaison de deux catégories de base de droit administratif : les services publics
industriels ou commerciaux, et les services publics administratifs. D’où, il importe de
préciser les incidences et de délimiter les confrontations avec le nouvel organisme.

A. Etablissement public industriel et commercial et services publics


industriels et commerciaux.

L’établissement public est le mode de gestion qui permet l’épanouissement de la


notion de commercialité en ce sens qu’il lui confère la personnalité morale et par là
même, en le détachant de la collectivité territoriale, lui permet d’avoir une activité
commerciale à titre principal, alors que le service industriel ou commercial d’une
personne administrative ne peut jamais être qu’une activité annexe.
Le caractère essentiel de l’établissement public industriel ou commercial découle
de cette observation. En effet, si les actes des services publics industriels ou
commerciaux non personnalisés peuvent, à certains égards, être considérés comme
des actes de commerce, ces services ne peuvent pas être considérés comme
commerçants. Par contre, si un service est personnalisé, il en découle qu’il devient
une personne morale ayant par sa nature une vocation principale, voire exclusive à

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accomplir des actes de commerce. On peut donc le considérer, en toute logique


comme commerçant.

B. Etablissement public industriel et commercial et service public


administratif.

La différence fondamentale entre les deux catégories d’établissements réside


dans ce qui constitue leur activité principale.

- Etablissement public industriel ou commercial : activité principale :


commerciale ou industrielle.
- Service public administratif : activité principale : administrative.

Autres différences :

- Dans leurs régimes administratifs et financiers internes ;


- Dans la composition du personnel : agents publics contre salariés de
droit privé, exception faite du personnel de direction.

Section 2. Critère de distinction de l’établissement public industriel ou commercial.

Pas de problème lorsque la loi donne une qualification. Le problème se pose en


cas de silence ou en cas de qualification imprécise ou ambigüe, par exemple : la loi
utilise les termes tels que l’office, société, régie sans qu’on puisse en déduire la
nature exacte de l’organe. D’où le critère est à chercher dans l’objet de l’activité ou
dans l’organisation.

A. Critère tiré de l’objet ou critère fonctionnel.

But : déceler si l’on est en présence d’un établissement public administratif ou


d’un établissement public industriel ou commercial. Tentatives à faire dans les quatre
directions suivantes : nature de l’activité, réalisation des bénéfices, accomplissement
habituel d’actes de commerce, similitude avec les entreprises privées.

I. Critère fondé sur la nature de l’activité.

L’on soutient ici que les activités d’un établissement public industriel ou
commercial seraient celles qui n’entreraient pas dans les activités normales de l’Etat.
Objection :
La faiblesse de l’argument est manifeste :
- Il confine l’activité de l’Etat dans le rôle de l’Etat gendarme et,
- Ignore le fait que certains organes peuvent gérer à la fois les activités
industrielles ou commerciales et administratives

II. Critère fondé sur la réalisation des bénéfices.

On soutient ici que le but principal de l’établissement public industriel ou


commercial est de réaliser des bénéfices, c'est-à-dire de constituer une sorte de
revenu pour l’Administration.

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Critique :

S’il est vrai qu’en sa qualité d’unité économique, l’établissement public industriel
ou commercial est par nature appelé à réaliser des bénéfices, ce n’est pas là son but
principal. Son but principal est de rendre certains services d’intérêt général, et cette
considération peut amener à une gestion déficitaire (Cf. « supra »).

III. Critère basé sur l’accomplissement habituel d’actes de


commerce.

On part de l’analyse des actes de l’établissement. Si les actes habituellement faits


par l’établissement sont des actes de commerce, c'est-à-dire de spéculation
consistant à acheter ou à fabriquer pour vendre, on est en présence d’un
établissement public industriel ou commercial.

IV. Critère tiré de la similitude avec les entreprises privées.

La comparaison avec l’entreprise privée complète le troisième critère et se


combine avec le critère organique.

B. Critère de l’organisation ou critère organique.

La distinction est à cet égard à établir entre :

- Etablissement public industriel ou commercial et service en régie ;


- Etablissement public industriel ou commercial et entreprise privée sous
contrôle administratif.

I. Etablissement public industriel ou commercial et service en régie.

On a déjà vu la différence qu’il faut établir entre le service industriel ou commercial


d’une collectivité territoriale et l’établissement public industriel ou commercial. La
différence essentielle réside dans la possession de la personnalité morale et
l’étendue de l’autonomie financière.

II. Etablissement public industriel ou commercial et entreprise


privée sous contrôle administratif.

Ici, on fait appel aux éléments de critère de l’établissement d’utilité publique


(origine, but, régime juridique, tutelle). On se référera alors aux divers critères
permettant d’établir que l’intention du législateur, dans la mesure où elle n’a pas été
exprimée formellement, était bien de créer un établissement public industriel ou
commercial.
Les critères accessoires (initiatives de création, prérogatives de puissance
publique, degré du contrôle exercé, procédé de financement public, élaboration
publique du statut du personnel) peuvent aussi entrer en ligne de compte mais sans
pour autant leur accorder la même importance. La prééminence de l’un ou l’autre
critère accessoire dépend de la distinction que l’on veut établir, soit :

- Différence entre établissements publics et entreprises privées.

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- Différence entre établissements publics et entrepreneur ou fournisseur


de l’Administration ;
- Différence entre établissements publics et concessionnaires ou société
d’économie mixte.

Section 3. Quelques applications du procédé des E.P.I.C (établissements publics


industriels et commerciaux).

- Energie : SNEL ; REGIDESO ;


- Transport : ACP ; ONATRA ;
- Finances et crédits : BCA ; BCCE ;
- Mines : GECAMINES.

Section 4. Régime juridique.

On le verra dans l’étude du régime juridique des entreprises publiques.

Chapitre 6 : Ordres professionnels.

Section 1. Notion de l’ordre professionnel.

A. Définition.

Un ordre professionnel est une personne morale spécialisée constituée par


l’ensemble des membres d’une profession organisée selon une structure corporative
pour représenter celle-ci et assurer son organisation et sa discipline. C’est en fait une
personne morale spécialisée qui gère un service public professionnel.

B. Analyse de la définition.

I. Ordre professionnel : personne morale spécialisée.

A ce titre, il jouit de divers attributs juridiques propres, normalement attachés à


une personne morale. Il est chargé de la gestion d’un service public dont les actes
sont, sauf exception, soumis à un régime de droit public. La personnalité juridique de
l’ordre professionnel est fractionnée entre les différents ordres professionnels.
Il n’y a donc pas une personnalité juridique pour l’ensemble des ordres
professionnels, ex. Ordre des Avocats : personnalité juridique par ordre qui sont
organisés suivant le ressort des cours d’appels et la Cour suprême de justice.

II. Ordre professionnel est organisé selon une structure corporative.

C’est dire qu’il est géré par des professionnels désignés par l’ensemble des
membres de la profession. Son régime juridique (statut du personnel, régime
financier) relève du droit privé. Il en est de même de ses relations avec les tiers.
Mais, ses relations avec ses membres relèvent du droit public. Ainsi, par exemple,
l’Ord-loi n° 79/08 de 1979 portant organisation du Barreau, du Corps des défenseurs
judiciaires et du Corps des mandataires de l’Etat, prévoit dans son article 124 que :
« sauf s’il s’agit de sanctions disciplinaires, lorsqu’une décision ou un règlement du

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Conseil National de l’Ordre ou de l’Assemblée générale de l’ordre National est


entaché d’excès de pouvoir, est contraire aux lois ou a été adopté de manière
irrégulière, il peut faire l’objet d’un recours en annulation devant la Cour suprême de
Justice par le Procureur Général de la République, le Bâtonnier National ou par tout
Avocat intéressé dans les formes ordinaires des recours en annulation ».
Il s’agit là, de toute évidence, des recours de caractère administratif relevant de la
compétence de la section administrative de la Cour Suprême de justice.

III. Ordre professionnel a un objet caractéristique.

Car, il s’agit des organes chargés uniquement des activités corporatives relatives
à un groupe professionnel. En conséquence, leurs compétences sont limitées
rationae personae et rationae materiae.

a. Rationae personae.

Seuls les membres de la profession sont concernés à l’exclusion des non


professionnels. Mais, il faut préciser toutefois que les règles établies par ces organes
s’appliquent aux transactions avec les tiers, mais sans créer des obligations pour les
tiers. D’une manière générale, les membres de la profession sont tenus de s’affilier à
l’organisme.

b. Rationae materiae.

Seuls les actes de la profession sont concernés, c'est-à-dire que les compétences
sont limitées à la représentation et à la défense de la profession devant les pouvoirs
publics et devant les Cours et tribunaux, ainsi qu’à la discipline et à l’organisation de
la profession. Mais, dans certains cas, il y a possibilité de prolongement des
compétences de l’organe dans la vie privée des membres. Ainsi, par exemple, des
principes du Barreau appliqués par l’ordre des Avocats à la Cour d’appel de
Kinshasa, on relève le principe de la dignité tant dans la vie professionnelle que dans
la vie privée. Et, c’est en vertu de ce principe que les autorités disciplinaires (c'est-à-
dire le Conseil de l’ordre) peuvent parfois intervenir dans la vie privée lorsque les
faits sont matière à scandale (par ex. insolvabilité notoire).

Section 2. Rapport entre ordre professionnel et institutions voisines.

A. Ordre professionnel et établissement d’utilité publique.

A titre de rappel, Les établissements publics sont essentiellement soumis à un


régime de droit public et exceptionnellement au droit privé. Les établissements
d’utilité publique, par contre, sont essentiellement soumis à un régime de droit privé
marqué parfois par certaines prérogatives de droit public. Le régime de droit privé est
le régime de principe de l’ordre professionnel.

B. Ordre professionnel et syndicat.

Elément commun : défense des intérêts généraux de la profession. Distinction ou


différence : dans l’adhésion et dans la reconnaissance des pouvoirs de
réglementation.

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I. Adhésion.

Obligatoire pour l’ordre professionnel pour tous les membres de la profession, le


contraire pour le syndicat.

II. Pouvoir de réglementation.

Dans le cadre d’une profession, les pouvoirs de réglementation sont officiellement


reconnus par les pouvoirs publics pour l’exercice de la profession, alors que pour le
syndicat, ces pouvoirs ne concernent que les membres du syndicat et ne visent que
la discipline interne des membres du syndicat.
Un problème peut cependant se poser : celui de la distinction des syndicats et de
l’ordre professionnel dans la représentation et la défense des intérêts de la
profession en justice, ex. un médecin fonctionnaire appartient à l’ordre et à un
syndicat.

- Pour certains, le rôle primordial doit être réservé au syndicat et un rôle


limité à l’ordre ;
- Pour d’autres, c’est la solution contraire qui s’impose ;
- Le troisième point de vue s’efforce d’organiser la coexistence des deux
organisations en leur impartissant des rôles différents ;
- La pratique, elle, adopte une solution nuancée et équilibrée qui tient
compte chaque fois des intérêts en présence.

Ainsi, lorsqu’une action en justice met en présence les deux représentants, la


jurisprudence s’efforce d’accueillir chaque demande en tenant compte du préjudice
que chacun des organismes peut invoquer : syndicat : défense des intérêts matériels ;
ordre : celle des intérêts moraux. Si un seul se présente, son action est recevable et
il peut défendre les deux catégories d’intérêts.

C. Ordres professionnels et organismes corporatifs.

Ordres professionnels : une catégorie des organismes corporatifs. En effet, le


groupe corporatif s’entend d’une structure sociale assurant la gestion d’intérêts
communs qui ne sont pas forcément ceux d’une profession. Ex. les propriétaires des
galeries présidentielles peuvent s’organiser en un groupement corporatif.

Section 3. Régime juridique.

Il est mixte, fait de droit public et de droit privé. Le droit public s’applique à l’activité
du service et à la partie administrative de son organisation et de son fonctionnement.
Le droit privé régit l’aménagement et le fonctionnement internes : attributions
sociales ou patrimoniales étrangères au service public proprement dit. La dualité
semble se retrouver dans tous les établissements publics industriels ou commerciaux,
mais elle est plus prononcée ici.

Section 4. Organisation et fonctionnement de l’ordre professionnel.

A. Composition de l’ordre professionnel.

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Deux principes de base :

- Nul ne peut exercer la profession s’il n’est inscrit au tableau ; l’affiliation


est obligatoire ;
- L’ordre est maître de son tableau.

I. Conditions d’aptitude à l’inscription.

Il y a des conditions d’ordre technique, moral et des formalités à remplir. Si nous


nous référons à l’exemple du barreau, l’article 7 de l’Ordonnance-loi n° 08 de 1979
déjà citée, impose les conditions générales suivantes :
- Etre congolais (l’étranger peut aussi être admis mais sous la condition
de réciprocité ou en vertu des conventions internationales) ;
- Etre titulaire d’une licence ou d’un doctorat en droit délivré par une
université congolaise ou d’un diplôme équivalent délivré par une
université étrangère en justifiant, en ce cas, de la connaissance du droit
congolais ;
- N’avoir pas été condamné pour des agissements contraires à l’honneur,
à la probité et aux bonnes mœurs, à moins d’en avoir été amnistié ou
réhabilité ;
- N’avoir pas été auteur de faits de même nature que ceux prévus ci-
dessus et ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou à une
décision administrative de destitution, radiation ou révocation, sauf
autorisation expresse du Ministère de la justice ;
- Justifier d’une bonne conduite par la production d’un certificat de
bonnes vie et mœurs (délivré par l’autorité administrative du lieu de
résidence) durant les cinq dernières années.
Pour accéder au barreau près la Cour suprême de justice, la loi ajoute deux
conditions supplémentaires, à savoir :
- Avoir exercé la profession pendant dix ans, au moins ;
- Avoir réalisé une ou plusieurs publications dans le domaine du droit (Cf.
art 105).

II. Procédure d’admission.

D’abord, devant les instances ordinales qui reçoivent et examinent la candidature.


Leur refus est susceptible de recours.

B. Organisation de l’ordre professionnel.

L’organisation de l’ordre professionnel se fait selon des modalités diverses. Elle


peut comprendre un organe national et des organes locaux.
- Organe local : élu par les professionnels locaux, il constitue la
juridiction disciplinaire de premier degré ;
- Ordre national : il coiffe l’ensemble des organes locaux, jouit des
pouvoirs très étendus et constitue la juridiction disciplinaire de second
degré.Sinous nous référons encore une fois à l’exemple des barreaux
congolais, la loi nous renseigne que les barreaux sont établis près les
Cours d’Appel et la Cour suprême de Justice et que l’ensemble des

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barreaux de la République forme l’Ordre National des Avocats, qui est


administré par un Conseil National de l’Ordre présidé par le Bâtonnier
National (lequel est en même temps et de droit, Bâtonnier du barreau
près la Cour suprême de justice (Cf. Art. 44 et 119 al 2 de l’OL de
1979).

C. Discipline des ordres professionnels.

I. Les caractères du contentieux disciplinaire.

Le pouvoir disciplinaire s’exerce à l’égard de tous les professionnels inscrits à


l’ordre, et ce, même à l’égard de ceux qui ont cessé de faire partie de l’Ordre, à
propos des faits qu’ils ont commis au moment où ils en faisaient encore partie.
Il existe des analogies entre le contentieux disciplinaire et le contentieux pénal ; de
même qu’entre le contentieux disciplinaire et le contentieux civil. Mais, chacun de ces
contentieux reste autonome l’un vis-à-vis de l’autre. Ainsi, par ex., un même fait peut
être générateur d’une faute pénale et d’une faute disciplinaire. Mais, la procédure
pénale n’a pas d’incidence sur la procédure disciplinaire, par ex. le classement sans
suite effectué au pénal laisse intacte l’action disciplinaire. Le juge disciplinaire n’est
lié que par l’autorité de la chose jugée lorsque statuant sur la matérialité des faits, le
juge pénal conclut au non lieu. Le même principe d’autonomie s’applique aux
rapports entre les instances civiles et les instances disciplinaires.

II. La procédure disciplinaire.

La procédure disciplinaire se déroule selon les règles propres à chaque discipline


et les principes généraux applicables en matière de l’Administration publique.
L’organe de discipline peut être saisi soit par un membre, soit par un organe de
l’ordre (ex. organe local), soit par un représentant des pouvoirs publics. Dans
l’ensemble, la procédure est de type juridictionnel. On y trouve, en effet, la
convocation, la communication du dossier à l’intéressé, l’audition de ce dernier, le
droit de la défense (se défendre seul ou être assisté), le droit de récuser un membre
de l’organe qu’il soupçonne de la partialité.
Cependant, devant cet organe, la procédure n’est pas publique comme devant les
tribunaux et étant administrative, elle revêt un caractère écrit. La décision à laquelle
elle aboutit est susceptible de recours. Toutefois, la loi sur les barreaux précise, dans
son article 97, que les décisions du Conseil National de l’ordre rendu en matière
disciplinaire ne sont susceptibles d’aucun recours.

III. Faute disciplinaire.

On y applique les mêmes principes qu’en matière de l’Administration publique.


C’est ainsi que le principe « nullum crimen sine lege » n’est pas applicable. Il suffit
qu’il s’agisse d’une faute professionnelle quelconque et il n’est pas nécessaire que
cette faute figure dans le code de déontologie, ex : le refus de payer la cotisation, le
racolage de la clientèle, le fait de procéder à une publicité tapageuse etc.
Mais, on peut aussi poursuivre les professionnels pour les faits commis dans la vie
privée. Il peut s’agir des faits antérieurs à l’inscription au tableau lorsqu’ils paraissent
de nature à porter atteinte à la dignité et à l’indépendance de la profession et milite
en faveur de l’exclusion de l’intéressé. Il peut s’agir des faits commis et qui, bien que

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commis dans la vie privée, portent atteinte à la dignité et à l’indépendance de la


profession. Ex. : émission d’un chèque sans provision, exploitation d’une maison
malfamée.

IV. La sanction disciplinaire.

Le principe « nullapoena sine lege » s’applique ici. Mais, les sanctions ont un
caractère purement professionnel. Elles consistent dans des mesures qui sont à peu
près les mêmes selon les ordres. Il s’agit soit de l’avertissement, de la réprimande,
de l’interdiction temporaire ou de la suspension, soit de la radiation du tableau ou
l’interdiction définitive d’exercer la profession.
Titre 3
Concession de service public.

Chapitre 1 : Observations générales

La concession de service public est un contrat par lequel une personne publique
administrative (le concédant) confie à une personne physique ou morale privé ou
parfois publique (le concessionnaire) la gestion d’un service public en lui permettant
de se rémunérer au moyen des redevances perçues sur les usagers.
Section 1. Concession parmi d’autres modes de gestion des services publics.
A. Concession et régie.
Il y a deux types de régies : la régie directe et la régie intéressée.
I. Concession et régie directe.
Dans la régie directe, l’Etat exploite lui-même directement le service public à ses
risques et périls, en utilisant son personnel et ses deniers propres. Par contre, en
recourant à la concession, les personnes publiques se déchargent des frais et des
risques du service, de la direction du personnel, du coût des investissements,
totalement ou partiellement, mais laissent l’exploitant disposer du revenu du service
aux fins de la rémunération des frais et du profit d’un bénéfice.
II. Concession et régie intéressée.
Dans la régie intéressée, l’exploitation du service est assurée par un particulier
appelé « régisseur » et lié à l’Administration par un contrat (comme pour la
concession). Mais, au contraire de la concession, les risques de l’exploitation
demeurent principalement à charge du concédant, le régisseur étant rémunéré par
des primes calculées selon les prévisions du contrat.
B. Concession et établissement public.
La concession et l’établissement public renferme une idée commune : le transfert
à un tiers d’un service public appartenant à une collectivité territoriale. Une
différence traditionnelle réside dans le fait que le concessionnaire est une personne
privée tandis que l’établissement public est une personne publique.

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Cette différence tend cependant à s’estomper car actuellement, la concession


peut aussi être confiée à des collectivités publiques. Mais, dans ce dernier cas, il y a
superposition des deux modes de gestion (concession et société d’économie mixte).
Toutefois, malgré cette superposition, la différence existe, car la société d’économie
mixte demeure quelle que soit l’importance de la participation financière de l’Etat au
capital social, une société régie essentiellement par les règles du droit privé
commercial. Même dans le cas où le concessionnaire est une collectivité publique,
le régime de la concession n’est que faiblement entamé dans ce sens que seul le
choix du concessionnaire est imposé par le législateur.
Section 2. Concession et autres contrats de l’Administration.
A. Concession et contrat de droit privé.
La concession est un contrat administratif type qui diffère des contrats de
l’Administration essentiellement régie par le droit privé.
B. Concession et autres contrats administratifs.

I. Concession et marchés de fournitures et de services.


Les éléments de distinction sont notamment les suivants :
- Dans les marchés de fournitures ou de services, les fournitures ou les
services sont fournis à l’Administration alors que dans la concession les
bénéficiaires sont des particuliers.
- D’autre part, le concessionnaire est rémunéré par les usagers tandis
que le fournisseur l’est par l’Administration.

II. Concession de services publics et concession de travaux


publics.
Sans doute, la concession de service public comprend-t-elle souvent la
concession des travaux public parce que le concessionnaire procède à la
construction d’un ouvrage public grâce auquel le service va être exploité (ex :
construction d’une autoroute). Mais, la plupart du temps, l’une existe sans l’autre.
III. Concession de service public et concessions domaniales.
Il existe en droit administratif plusieurs termes utilisant le mot concession, mais qui
n’ont que des rapports lointains avec la concession de service public. On rencontre
ainsi les expressions telles que : concession de terres abandonnées, concession de
lais et relais de la mer (il s’agit des terres que les eaux de la mer laissent en se
retirant), concession funéraire, concession de mines etc.
Dans ces diverses situations, il s’agit des concessions domaniales qui sont
l’ensemble des contrats par lesquels on confie à un particulier un droit spécial sur le
domaine public. En pratique, le concessionnaire de service a souvent besoin de
concessions domaniales. Mais, juridiquement il ne s’agit pas de la même procédure.
On peut distinguer concession de service public et concession d’occupation du
domaine public à laquelle il convient d’assimiler la concession des mines.

a. Concession de service public et concession d’occupation du domaine


public.

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Il peut y avoir concession domaniale sans concession de service public. Ce serait


l’hypothèse des concessions d’emplacements dans les marchés ou des concessions
funéraires.
De même, on peut rencontrer des concessions de service public sans concession
domaniale :
Exemples :

 Cas où le concessionnaire n’a pas besoin d’occuper


privativement le domaine public (transports automobiles) ;
 Cas où le concessionnaire occupe le domaine public sur la base
d’un acte unilatéral (permission de voirie)

b. Concession de service public et concession d’exploitation du domaine


public.
Ces deux concessions sont juridiquement différentes. En outre, elles ne sont pas
simultanées. Mais, il existe entre les deux des ressemblances que nous allons
illustrer à propos de la concession de mines.
c. Concession de mines.
La concession de mines peut être comparée à une véritable exploitation d’un
service public qui est réglée par un cahier des charges. Ainsi, il existe un net
rapprochement entre la concession de mines et la concession de services publics du
fait que dans les deux cas, les ouvrages du concessionnaire font en principe retour
au concédant à la fin de la concession.
Section 3. Evolution de l’emploi de la concession.
Ce mode de gestion des services publics a connu successivement une grande
faveur, un déclin et regain.
A. Période favorable.
La période favorable fut la période libérale et d’exploitation coloniale. C’était, en
effet, le mode le plus adapté pour gérer les services publics à caractère industriel et
commercial ou pour exploiter les colonies.
Ce mode d’exploitation évite aux collectivités publiques ou à la colonie d’assumer
les risques inhérents à ce genre de gestion et présente l’avantage pour
l’Administration de tirer profit de l’initiative industrielle et commerciale des particuliers,
mieux placés qu’elle pour obtenir du crédit auprès du public et techniquement mieux
outillés pour édifier des travaux d’aussi grande importance.
Par ailleurs, cette situation correspondait au contexte socio-politique de l’époque.
En effet :
 L’Etat libéral comme l’Etat colonial qui reposait politiquement sur
la force des grandes entreprises privées (ex : compagnie à
charte au C.B) ne pouvait pas envisager de priver ces
entreprises des bénéfices correspondant aux investissements
entrepris dans divers secteurs de l’économie.

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 Au surplus, du point de vue idéologique, le libéralisme s’opposait


à l’intervention active de l’Etat dans les secteurs industriels et
commerciaux.
 La concession était donc la traduction juridique de cette situation
dans la mesure où elle permettait à la fois de maintenir la
qualification de service public et de confier la gestion du service
à des personnes privées.

B. Le déclin.
Mais, au fur et à mesure que l’Etat amplifiait son intervention dans le domaine
économique, il apparut qu’il ne pouvait plus se désintéresser des risques courus par
le concessionnaire dans la mesure où ces risques étaient susceptibles de freiner la
continuité du service. De là, résulte l’élaboration de la théorie de l’équation financière
qui oblige l’Etat à venir au secours du concessionnaire lorsque l’équilibre est rompu.
De plus, dans certains cas, l’intervention de l’Etat ne se limite pas au rétablissement
de l’équilibre mais s’étend jusqu’aux subventions et garanties (ex : subventions de
premier établissement).
Par ce fait, le schéma initial et théorique de la concession se trouvait bouleversé.
D’où ce mode d’exploitation devait perdre du terrain. On lui préférait alors d’autres
modes de gestion, notamment les offices ou les techniques dans lesquelles les
rapports entre les collectivités et les particuliers sont mieux organisés.

C. Regain.

Loin de disparaître par suite de ces vicissitudes, la concession a subsisté et a


connu un regain assez spectaculaire. Elle peut aujourd’hui être utilisée d’une
manière complémentaire dans les relations entre l’Etat et les sociétés d’économie
mixte, soit entre les collectivités publiques et les établissements publics.
A la base de ce regain, il y a un certain nombre de raisons :

 Tenant compte des ordres des priorités déterminées au niveau


politique, l’Etat se décharge de certaines prestations sociales ;
 Les entreprises privées au contraire retirent des bénéfices
substantiels de leurs investissements dans ces services. Et cela
dans la mesure où :
- Elles assurent un meilleur service que celui auquel l’Etat
serait tenu. Par exemple il n’y a pas actuellement de
commune mesure entre le service assuré par les
dispensaires de l’Etat et les dispensaires privés. Ainsi, si les
premiers étaient concédés à des particuliers, le
fonctionnement s’en trouverait amélioré ;
- Elles bénéficient éventuellement du concours de fonds
publics.
Chapitre 2 : Formation de l’acte de la concession.
Section 1. Choix du concessionnaire.
Le concessionnaire est choisi de manière discrétionnaire par l’autorité concédante
pour la raison suivante :

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Le caractère intuitu personae attaché à la concession, le fait qu’elle s’adresse le


plus souvent à un nombre de candidats assez restreint en raison des moyens
financiers qu’elle suppose chez le concessionnaire et de peu d’intérêt qu’elle
présente pour les finances publiques, ont pour effet d’exclure l’obligation du recours
à l’adjudication. Il importe en effet, avant tout, de choisir l’exploitant qui puisse
garantir la meilleure exécution du service à la fois par sa compétence technique et
ses possibilités financières.

Section 2. Conclusion de la concession.

La concession résulte d’un actes écrit et signé et dans certains cas soumis à
l’approbation. Celle-ci est souvent exigée lorsque le concédant est lui-même soumis
à une tutelle. Cette approbation peut être tacite ou expresse.
Section 3. Nature juridique de la concession.
Avant de déterminer la nature juridique de la concession, il importe de dire un mot
sur la structure de la concession.
La concession est d’une structure complexe. Elle comporte deux documents
essentiels : la convention elle-même et le cahier des charges. La convention est
l’acte qui constate l’accord des parties, détermine l’objet du contrat et ses éléments
essentiels ainsi que les modalités financières particulières.
Le cahier des charges détermine les règles générales de la concession, les
modalités de construction de l’ouvrage, les règles de l’exploitation et les principes de
solution des litiges éventuels. Quant à la nature juridique de la concession, c’est un
acte d’une nature mixte : elle est mi-réglementaire, mi-contractuelle. L’aspect partiel
réglementaire de certaines clauses de la concession s’explique par le fait qu’elles
concernent la gestion du service public et justifie le rôle que peut jouer le recours
pour excès de pouvoir dans le contentieux de la concession.

Chapitre 3 : Droits et obligations des parties

S / Chapitre 1 : Droits et obligations nés de la gestion du service.


Section 1 : Prérogatives du concessionnaire.
A. Prérogatives générales et communes du concessionnaire.
Ces prérogatives peuvent porter sur le domaine de l’Administration, soit sur les
propriétés des particuliers.
I. Utilisation du domaine public.
Cette utilisation peut provenir de plusieurs sources :

 La voie amiable ;
 Le contrat lui-même ou les concessions d’occupation du
domaine public (qui peuvent être accordées par d’autres
autorités que l’autorité concédante) ;
 Autorisations de voirie (ex : implantation de pylônes des lignes
électriques)

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S’agissant du domaine concédé, le concessionnaire n’a pas le droit de priorité,


celui-ci appartenant toujours au concédant. Le concessionnaire a seulement le droit
exclusif de jouissance. Ce droit lui permet d’exercer des actions possessoires et
pétitoires vis-à-vis des tiers.
Dans le cas d’un préjudice subit par le concessionnaire et résultant des travaux
publics, il peut réclamer des dommages et intérêts à l’autorité concédante, sauf si
ces travaux ont été effectués dans l’intérêt du domaine de la concession.
S’agissant des autorisations (ou permissions de voirie), la concession prévoit
normalement qu’elles peuvent être postulées par le concessionnaire auprès de
l’autorité de police (qui n’est pas forcément l’autorité concédante). Ces autorisations
sont donc liées au contrat en raison de l’intérêt que représente celui-ci. D’où se pose
le problème des dommages et intérêts auxquels le concessionnaire peut
éventuellement prétendre dans le cas où ces autorisations unilatérales peuvent lui
être retirées en raison de l’exécution des travaux publics.
Parfois, le contrat envisage lui-même l’hypothèse à l’avance et y donne une
solution. En cas de silence du contrat, la pratique se charge d’examiner chaque cas
et de trancher à la lumière des éléments du dossier en ayant toujours en vue l’intérêt
général.
II. Atteintes à la propriété privée.

Les atteintes à la propriété privée sont justifiées par le fait que le concessionnaire
gère un service public ; il peut bénéficier de ce fait :

 De la procédure d’expropriation ;
 Du régime des travaux public (ex : droit d’occupation
temporaire) ;
 De servitude de droit public (ex : implantation des pylônes
électriques).

B. Privilèges particuliers de certains concessionnaires.

I. Protection par monopole.


Ce monopole peut revêtir deux formes :
a. Monopole légal et absolu.
Dans ce cas, il y a prohibition de toute activité concurrente qui répondrait aux
mêmes besoins (ex : SNEL, REGIDESO).
b. Privilège d’exploitation.
Dans le cas où le concessionnaire utilise le domaine public, il peut bénéficier d’un
privilège d’exploitation dans ce sens que l’autorisation d’utiliser le même domaine
public. Et, en cas d’une méconnaissance de cette obligation, l’autorité concédante
engage sa responsabilité.
II. Protection contre la concurrence.
Même s’il n’y a pas de monopole et même si le contrat ne contient aucune clause
de privilège d’exploitation, l’autorité concédante est obligé de protéger le
concessionnaire contre un certain type de concurrence.

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Section 2. Obligations nées de la gestion du service public.


A. Obligations découlant du contrat.
De par le contrat, le concessionnaire est tenu :
1° d’assurer le fonctionnement régulier du service ;
2° de respecter le caractère intuitu personae qui s’attache à la concession et qui
exige que le concessionnaire exécute personnellement le service ; au surplus,
ce caractère intuitu personae lui interdit de sous-traiter ou de céder la
concession sans l’autorisation du concédant ; et lorsqu’il y a substitution, le
nouveau cessionnaire demeure soumis aux droits et obligations du cédant, et
demeure en outre solidairement responsable des fautes de ce dernier ;
3° de protéger les usagers quant aux prix et tarifs et quant aux dispositifs de
sécurité et de salubrité prévus par les lois et les règlements de police ;
4° de subir des mesures de contrôle comptable et financier dans l’hypothèse où il
y a eu participation financière du concédant (garantie d’intérêts ou de
dividendes, participation aux bénéfices) ; en dehors de ce cas, le concédant ne
peut pas demander la communication de la comptabilité du concessionnaire.
B. Obligations découlant du droit commun.
En dehors du contrat, les obligations du concessionnaire ont pour source soit les
règles écrites du droit commun, soit les principes généraux du droit.
I. Règles écrites.
Le concessionnaire est tenu de respecter les lois et les règlements en vigueur,
ex : le droit du travail, le droit fiscal.
II. Principes généraux du droit.
Il doit observer les principes généraux du droit qui forment, comme nous l’avons
vu, l’ossature commune de tous les services publics. Citons particulièrement le
principe de continuité qui exige ici une double adaptation du point de vue quantitatif
et du point de vue qualitatif.
Qualitativement, il est tenu d’adapter le service aux progrès techniques.
Section 3. Sanctions des obligations du concessionnaire.
Ces sanctions s’appliquent même en dehors de toute stipulation contractuelle. Il
existe deux types de sanctions :
A. Sanctions propres à la concession.

I. Déchéance.
C’est la sanction la plus grave puisqu’elle met fin à la concession. De ce fait, elle
ne peut intervenir que pour des motifs graves et selon une certaine procédure.
a. Motifs de la déchéance.

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La déchéance n’est prononcée que pour des motifs d’une réelle gravité portant
atteinte au fonctionnement même du service. Parmi ces motifs citons :

 La faillite entraînant la cessation du service ;


 L’interruption, par décision unilatérale, du concessionnaire,
quelles que soient les difficultés de l’exploitation ;
 La méconnaissance systématique des obligations contractuelles ;
 Le désintéressement du concessionnaire vis-à-vis de
l’exploitation qui demeure, de ce fait, très au-dessous du
minimum contractuel ;
 L’utilisation d’un outillage entrainant un fonctionnement
défectueux du service.

b. Procédure.
Deux hypothèses sont possibles ici :

 Le contrat de concession prévoit la déchéance. Dans ce cas,


l’autorité concédante la prononce sans qu’il soit nécessaire de
recourir au juge du contrat, mais moyennant mise en demeure.
 Le contrat ne prévoit pas la compétence de prononcer la
déchéance au profit du concédant, la compétence revient alors
au Tribunal qui la prononce, mais toujours moyennant une mise
en demeure préalable.

II. Mise sous séquestre.


Tandis que la déchéance est une mesure définitive comparable à la résiliation des
marchés publics, la mise sous séquestre revêt au contraire un caractère temporaire.
Son but n’est pas tellement de pénaliser le concessionnaire, mais surtout d’assurer
d’urgence le fonctionnement du service.
C’est une mesure qui permet de faire fonctionner le service par substitution soit de
l’Administration, soit d’un tiers au concessionnaire défaillant. Mais, elle constitue
souvent l’antichambre de la déchéance, car elle est souvent complément d’une
demande de déchéance.

a. Motifs de la mise sous séquestre.

Elle peut intervenir à la suite d’une simple interruption du service, et cela, sans
que le concessionnaire ait nécessairement commis une faute.
b. Procédure.
Prévue ou non par le contrat de concession, la mise sous séquestre est toujours
prononcée de façon unilatérale par l’autorité concédante. La mise en demeure n’est
pas ici indispensable.
B. Sanctions pécuniaires.
Elles peuvent avoir pour origine le contrat lui-même ou le droit commun.
I. Sanctions d’origine contractuelle.

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Le contrat peut, en effet, prévoir des clauses pénales qui pourront, le cas échéant,
faire condamner le concessionnaire défaillant à des dommages et intérêts au profit
du concédant, sans préjudice des sanctions spécifiques telles que la déchéance ou
la mise sous séquestre.
On peut même admettre que l’autorité concédante puisse se faire prévaloir de
« l’exceptio non adimpleti contractus » et user à l’égard du concessionnaire du
procédé de « trait pour trait » qui permet à l’autorité concédante de suspendre le
paiement des redevances contractuelles qui peuvent être dues au concessionnaire.

II. Sanctions découlant du droit commun.

En application du droit commun, l’autorité concédante peut être autorisée à faire


appel aux règles générales de la responsabilité administrative pour obtenir la
réparation du préjudice subi.
S / Chapitre 2 : Droits et garanties du concessionnaire.
Le concessionnaire a droit à une rémunération qui lui est assurée par les usagers
sous forme de redevances. Il a également droit à une protection qui lui est assurée
par le concédant.
Section 1. Redevances par les usagers : la question de la tarification du service.
Le tarif est établi par le contrat lui-même. Cependant, la tarification soulève des
problèmes de deux ordres :

 Le problème de la détermination initiale des tarifs et ;


 Celui de la variation des tarifs en cours d’exécution.

A. Détermination initiale des tarifs.


Elle pose trois ordres de questions :

 Procédure d’établissement des tarifs ;


 Nature juridique des tarifs et,
 Le contrôle des polices d’abonnements.

I. Procédure d’établissement des tarifs.


Par crainte des éventuels abus de la part du concessionnaire, il s’avère
indispensable de fixer un plafond aux tarifs pratiqués par le concessionnaire. Celui-ci
peut pratiquer des tarifs inférieures à condition toutefois de maintenir l’égalité entre
les usagers.
Les tarifs sont généralement déterminés par l’acte de concession, qui peut sur ce
point, s’écarter des clauses du cahier des charges ; mais il faut alors l’approbation de
l’autorité de tutelle compétente et l’engagement de ne pas dépasser les prix
maximum fixés par une règlementation autoritaire. Les tarifs établis s’impose bien au
concessionnaire qu’au concédant et aux usagers. C’est ce qui permet d’établir
l’équilibre financier ou l’équation financière.

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II. Nature juridique des tarifs.

Le tarif a-t-il une nature contractuelle ou règlementaire ?


Le problème a donné lieu à des discussions doctrinales. Mais, la majorité de la
doctrine a fini par se rallier aux deux idées essentielles suivantes :

 Le tarif a en principe une nature réglementaire. Cela a pour


conséquence que l’autorité concédante peut relever
unilatéralement le tarif et que l’usager est tenu de subir les
modifications du tarif sans pouvoir invoquer un quelconque droit
acquis.
De ce caractère réglementaire découle la possibilité pour
l’usager d’intenter un recours pour excès de pouvoir en
invoquant la violation des clauses du cahier des charges dont le
tarif fait partie, et pour l’autorité concédante de majorer les tarifs
et même les tarifs des polices d’abonnement en cours
d’exécution.

 Par ailleurs, étant un élément essentiel de l’équation financière,


le tarif participe de ce fait, et dans une certaine mesure, au
caractère contractuel de la concession. C’est ce qui explique que
le concédant ne peut pas abaisser le tarif sans l’accord du
concessionnaire.

III. Contrôle des polices d’abonnement.


L’autorité concédante a le droit de contrôler le contenu des polices d’abonnement
en vue de déceler des contractions éventuelles avec l’acte de concession. Ce
contrôle cependant ne permet pas à l’autorité concédante d’obtenir le
remboursement des sommes indûment versées par les usagers au concessionnaire ;
et il ne peut pas non plus discuter les clauses des contrats particuliers non prévus
par l’acte de concession.
B. Variations des tarifs.

I. Modalités de variation.

a. Variation par voie contractuelle.


Il s’agit ici de l’hypothèse dans laquelle les deux parties se mettent d’accord pour
modifier les tarifs. La modification intervient alors au moyen d’un avenant au contrat.
Cet ‘accord des parties peut prendre une forme particulière : celle de « clause
d’indexation » figurant dans le contrat et permettant, grâce au jeu d’un paramètre
(mesure de valeur), une variation des tarifs. Si les parties ne se mettent pas d’accord
sur la variation, on recourt alors au juge du contrat et celui-ci apprécie et détermine le
taux de la variation. Parfois, pour éviter cette procédure, on peut insérer dans le
contrat une clause compromissoire par laquelle les parties conviennent déjà dans le
contrat initial de s’en remettre à un arbitre en cas de conflit.
b. Variation par voie réglementaire.

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On admet qu’il s’agit ici d’une prérogative exclusive de l’autorité concédante, car ni
le juge ni le concessionnaire ne saurait décider de l’augmentation des tarifs. Tout ce
que peut faire le concessionnaire, c’est soumettre sa demande de majoration des
tarifs à l’homologation de l’autorité compétente.
En cas de refus d’augmentation, le concessionnaire peut introduire une action en
indemnité en vue de maintenir l’équilibre financier. Mais, en cette matière, la
tendance contemporaine va dans le sens de donner au concessionnaire une certaine
liberté tarifaire. Pour ce faire, le contrat prévoit généralement non un tarif, mais une
« fourchette ». Cependant les augmentations unilatérales par le concessionnaire ne
sont possibles que dans la limite d’un certain pourcentage.

II. Application de la variation des tarifs.

Le nouveau tarif s’applique immédiatement et ce, même aux bénéficiaires des


contrats d’abonnement. Ceux-ci ne peuvent pas se prévaloir d’un droit acquis aux
anciens tarifs, sauf pour des prestations ou services fournies ou déjà exécutés qui
demeurent soumis aux anciens tarifs en raison du principe de non rétroactivité.
Section 2. Garanties du concessionnaire.
Les garanties du concessionnaire sont exclusivement d’ordre pécuniaire. Elles
peuvent être prévues au début du contrat et d’une manière permanente, ou bien en
cours d’exécution ou au terme de la concession.
A. Garanties spéciales prévues au début du contrat et pour la durée du
contrat.
La concession met en jeu beaucoup de capitaux et le concessionnaire court seul
les risques de l’exploitation. D’où pour convaincre le concessionnaire hésitant à
s’engager, l’autorité concédante peut l’assurer de supporter une partie des charges
par diverses techniques.
I. Les clauses de garanties d’intérêts.
Il s’agit d’une technique par laquelle le concédant s’engage à l’avance à payer, en
cas de défaillance du concessionnaire, les intérêts fixes des obligations ou une
dividendes minimum aux créanciers et associés du concessionnaire. L’inconvénient
de cette technique est de faire peser sur le concédant les risques qu’il voulait éviter
sans lui assurer une part dans les bénéfices éventuels.
II. Les clauses d’association financière.
Cette technique permet au concédant de compenser sa prise en charge du risque
par le partage de superbénéfices.
B. Garanties contre les risques survenant en cours d’exploitation ou
garanties contre l’aggravation des charges.
Des variations peuvent en effet, intervenir au cours de l’exécution du contrat soit
pour aggraver, soit pour bouleverser les conditions du contrat.
L’indemnité réparatrice est variable selon que l’acte générateur du déséquilibre
financier se situe dans les rapports contractuels ou en dehors du contrat.

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I. Déséquilibre provenant des rapports contractuels.

Il y a deux hypothèses :
a. Faute de l’autorité concédante.
On peut considérer comme acte fautif de la part du concédant le fait d’avoir induit
le concessionnaire en erreur sur les recettes auxquelles celui-ci s’attendait, ou
encore le fait de favoriser la concurrence au détriment du concessionnaire. On
appliquera ici le droit commun de la responsabilité contractuelle.
b. L’exercice par le concédant de ses prérogatives contractuelles.
Que l’on se rappelle qu’en matière de contrat administratif, l’Administration est un
cocontractant privilégié qui jouit d’un certain nombre de prérogatives dont notamment
le pouvoir de modification unilatérale des conditions du contrat. Et sur ce point, il est
actuellement hors de discussion qu’on ne peut parler d’une quelconque intangibilité
des clauses financières car il est admis que toutes les clauses d’un contrat
administratif sont modifiables unilatéralement. Mais, en contrepartie, l’Administration
est tenue d’aider le cocontractant pour rétablir l’équilibre au cas où celui-ci parvient à
être interrompu. Dans les deux hypothèses que nous venons d’envisager, cette aide
doit être totale.
II. Déséquilibre se situant en dehors du contrat.
L’aggravation des charges peut résulter soit de l’exercice par l’autorité concédante
de ses pouvoirs généraux extra-contractuels (ex : pouvoir de taxation, fait du prince)
soit d’un événement extérieur (imprévision).
L’indemnité sera, sous certaines conditions, totale dans la première hypothèse,
partielle dans la seconde.
Cette réparation pourra prendre les formes diverses :
 Soit la réduction des travaux à accomplir ;
 Soit l’autorisation accordée au concessionnaire de relever les
tarifs ;
 Soit l’octroi des subventions par le concédant.

C. Garanties au terme de la concession.


L’indemnité sera variable suivant la date à laquelle se termine la concession.
I. A l’expiration du terme prévu.
Le concessionnaire perçoit une indemnité qui représente la valeur de l’ouvrage, du
matériel et de l’outillage et des approvisionnements qui seront sa propriété
personnelle pour avoir été acquis par lui. L’indemnité sera calculée soit au prix fixé
par le contrat, soit au prix fixé par les experts.
II. Avant l’expiration du terme prévu.
Il peut y avoir une indemnisation spéciale et ce, dans plusieurs hypothèses :
a. Première hypothèse.

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La résiliation anticipée intervient pour cause d’un cas de force majeur (ex : décès
du concessionnaire). Le juge apprécie alors s’il y a lieu à des dommages et intérêts,
au profit de quelle partie et pour quel montant.
b. Deuxième hypothèse.
La résiliation anticipée intervient par la suite de l’accord amiable des parties :
l’accord doit normalement régler la question d’indemnité s’il y a lieu, ainsi que la
reprise des biens du concessionnaire.
c. Troisième hypothèse.
Le rachat par le concédant qui peut se réaliser soit en vertu des clauses du cahier
des charges, soit en vertu du droit commun de la concession.
Chapitre 4 : Le contentieux de la concession.
Le contentieux de la concession peut faire intervenir soit le juge administratif, soit
le juge judiciaire, tout dépend des rapports en présence.
Section 1. Répartition des compétences entre le juge administratif et le juge
judiciaire.
A. Rapports entre le concessionnaire et le concédant.
Il s’agit des rapports de droit public intéressant l’organisation et le fonctionnement
du service public.
En conséquence, la compétence revient aux juridictions administratives.
B. Rapports entre le concessionnaire et les tiers.
Par tiers ici, on entend toute personne qui n’est ni usager, ni lié au
concessionnaire par contrat de travail.
Les rapports ici sont des rapports de droit privé du fait qu’ils mettent en présence
des particuliers à l’occasion d’une activité industrielle ou commerciale. C’est donc le
juge judiciaire qui doit en connaître. Il en serait autrement toutefois si le tiers
invoquait la violation du cahier des charges ou d’un acte administratif. Dans ce cas, il
y aurait une question préjudicielle qui obligerait le juge judiciaire de suspendre la
cause et de renvoyer, pour solution, la question préjudicielle au juge administratif.

C. Rapports entre le concessionnaire et les usagers.

Il y a compétence de principe du juge judicaire qui sera saisi des litiges portant sur
des réclamations adressées au concessionnaire par un usager lié par contrat
d’abonnement qui est forcément un contrat de droit privé, ou par un candidat usager,
ou aussi des actions en responsabilité. Mais, le juge administratif retrouve la
compétence lorsqu’il y a une question préjudicielle touchant par exemple à
l’interprétation du contrat de concession.
D. Rapports entre le concessionnaire et son personnel.
Ces rapports sont régis par le droit privé et relèvent donc de la compétence du
juge judiciaire.

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§2. Recours spécifiquement portés devant le juge administratif.


Il s’agit de :

 Recours de pleine juridiction ;


 Recours pour excès de pouvoir ;
 Recours en interprétation.

A. Recours de pleine juridiction (ou de plein contentieux).


Il a lieu devant le juge du contrat et il est ouvert :
I. Au concessionnaire contre l’autorité concédante, à cette dernière
contre le concessionnaire pour la partie contractuelle de leurs
rapports.
Il s’agit d’un recours qui comporte un éventail très large puisqu’il vise diverses
actions en indemnités notamment :

 Celles qui sont fondées sur le fait du prince ou l’imprévision ;


 Celles qui sont fondées sur l’organisation et le fonctionnement du
service ;
 Le contentieux de sanctions et de rachat.
Il peut entrainer aussi bien une condamnation pécuniaire que
l’annulation d’un acte à condition qu’il s’agisse d’une stipulation
contractuelle pour laquelle le contentieux de l’excès de pouvoir
est exclu.
On peut y ajouter les conséquences des violations de la partie
réglementaire du cahier des charges considérée comme
contractuelle entre parties et règlementaire uniquement à l’égard
des usagers.

B. Recours pour excès de pouvoir.


Il peut être exercé par :
I. Le concessionnaire contre :

 Les actes distincts du contrat ou considérés comme


« détachables du contrat »,
 Les mesures prises par le concédant à un autre titre que celui de
l’exécution du contrat, par exemple, au titre de ses pouvoirs de
police.

II. L’usager.
L’usager peut s’adresser à l’autorité concédante ou l’autorité de tutelle pour
solliciter leur intervention en vue de contraindre le concessionnaire à appliquer les
règles du service. Si l’autorité concédante refuse d’intervenir, l’usager peut alors
attaquer ce refus par voie de recours pour excès de pouvoir.
III. Le personnel contre :

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Les mesures prises par l’autorité concédante et qui sont susceptibles de porter
atteinte au droit du personnel.
C. Recours en intervention.
Il peut intervenir :

 Soit pour l’interprétation du contrat de concession, soit d’un acte


administratif quelconque dans le recours d’une procédure civile ;
 Soit à titre principal, devant le juge du contrat dans la mesure où
il existe un litige résultant d’un désaccord entre les deux parties
et créant de sérieuses difficultés pour l’application des
stipulations contractuelles.
Titre 4
Les sociétés publiques.

Nous avons vu que parmi les personnes juridiques autonomes qui sont
susceptibles de gérer un service public, il fallait placer entre l’établissement public et
les personnes privées une catégorie intermédiaire des personnes publiques
empruntant une forme juridique de droit privé. Il s’agit précisément des sociétés
publiques.
En attendant d’approfondir cette question dans l’étude du régime juridique des
entreprises publiques, nous allons ici donner quelques indications sommaires sur les
techniques de développement des sociétés publiques et sur leur statut.

Chapitre 1 : Techniques de développement des sociétés publiques.

Section 1. Les techniques financières.


On s’en tient ici uniquement au point de vues financier :

 L’Etat possède toutes les actions d’une société (ex :


GECAMINES ? SONAS).
A ce cas, l’on peut assimiler le cas des sociétés dans lesquelles
l’Etat détient 99 % des actions.
 Les sociétés d’économie mixte.
Celles-ci sont considérées comme des sociétés publiques dans
la mesure où l’Etat y est majoritaire ou y joue un rôle
prépondérant selon certaines législations.

Section 2. Les fonctions économiques.

Ici, ce sont des considérations d’ordre économique qui sont à la base du


développement des sociétés publiques.
Le thème général est celui d’une association du capital privé et de l’Etat. Mais, il
ne s’agit là que d’une simple constatation. L’important, c’est donc de se demander
quel est le sens de cette association.
Si l’on se place au point de vue historique, on constatera qu’il y a eu, du moins
dans les vieux pays capitalistes, une évolution. C’est qu’au départ, l’Etat est allé au
secours des sociétés privées alors qu’actuellement la situation paraît plus complexe.

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Dans certaines circonstances, en effet, ces formules capitalistes sont une aide pour
l’Etat dans la mesure où elles facilitent son intervention.

A. L’Etat, relais du capitalisme privé.


Ici, c’est l’Etat qui apporte des capitaux dans les sociétés privées, et ce pour
plusieurs raisons.
1. Raison d’ordre financier : le but visé ici est de faire fructifier les deniers
publics.
2. Raisons d’ordre politique : l’Etat investit des capitaux publics dans les
sociétés privées dans le but de contrôler ces dernières car l’importance
de certaines sociétés privées peut être dangereuse pour l’Etat.
3. Raison d’ordre économique : l’intervention de l’Etat ici s’explique surtout
par le souci de sauver les grandes entreprises généralement
concessionnaires de service public qui se trouvent en difficultés du fait
de la crise.

B. Le capitalisme, modalité de l’intervention publique.


L’appel au capitalisme privé vise un double objectif : accorder certains avantages
au capitalisme privé et le faire concourir à certaines tâches. L’appel au capitalisme
privé va se traduire ici par la création des sociétés d’économie mixte.
Parfois, l’Etat peut même passer par le capitalisme public. L’hypothèse envisagée
ici est celle dans laquelle plusieurs collectivités publiques désirant s’associer pour la
réalisation d’une tâche déterminée forment une société.
Le cas peut se concevoir au Congo (RDC). En effet, dans le discours qu’il avait
prononcé le 21 décembre 1976 devant le Conseil législatif, le défunt Président
Mobutu avait exhorté les grandes sociétés publiques (telles que la SONAS …) à
sortir de leur objet pour investir dans d’autres secteurs économiques. On peut ainsi
concevoir que la SONAS et d’autres établissement publics tels que la CADECO et la
BCA S’associent avec la ville de Kinshasa et forment une société en vue de réaliser
des tâches bien déterminées (par ex : créer une entreprise de construction).

Chapitre 2 : Statut des sociétés publiques.

L’étude du statut des sociétés publiques s’ordonne autour de la forme juridique et


des conséquences qu’elle entraîne ainsi que le régime de ces sociétés. Nous allons
revenir sur ce point dans l’étude du régime juridique des entreprises publiques. Pour
le moment, indiquons tout simplement que de par leur forme, les sociétés publiques
peuvent être considérées comme possédant la qualité de commerçant et
essentiellement soumises à la règle du jeu des sociétés privées.

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LIVRE III
REGIME JURIDIQUE DES ENTREPRISES PUBLIQUES.

Deux traits dominent ce régime :

1. Les entreprises publiques correspondent à une activité spécialisée


d’intérêt général qui s’affirme à travers leur fonctionnement.
En dépit du caractère d’intérêt général qui s’attache à l’activité de l’entreprise
publique, celle-ci ne saurait cependant pas s’identifier complètement avec le service
public. Si certaines entreprises peuvent revendiquer les privilèges qui résultent d’un
service public, ce n’est pas le cas pour toutes.
Mais, même dans le cas où il n’y a pas de service public, l’appropriation publique
qui peut être totale ou partielle trouve néanmoins son application et sa justification
dans une certaine acception de l’intérêt général. Et c’est cette appropriation publique
qui motive l’intervention financière de l’Etat ainsi que le contrôle que celui-ci exerce
sur les entreprises publiques.
Cette mission d’intérêt général postule en outre, le maintien de l’activité dans sa
spécialité industrielle ou commerciale. Mais, il s’agit d’une spécialité relative, d’où on
l’a définie comme « spécialité économique ».

2. Les entreprises publiques sont soumises aux règles en usage dans les
sociétés industrielles ou commerciales en ce qui concerne leur gestion
financière et comptable.

Du point de vue du crédit, du régime de leur personnel et de leur fiscalité et


responsabilité, les entreprises publiques sont soumises, sauf exception, au droit
commun. Ces différents éléments vont être développés dans l’analyse du régime
juridique des entreprises publiques dont l’étude portera sur : la création et la
suppression des entreprises publiques ; le régime du personnel ; l’activité juridique ;
le régime du contrôle.
Titre 1
Création et suppression des entreprises publiques.

Chapitre 1 : Création.
Section 1. Règles générales de compétence.
Que l’on se réfère ici à ce que nous avons déjà dit à ce sujet (en cette matière, il y
a répartition des compétences entre le pouvoir législatif et l’exécutif).
Section 2. Modalités particulières de constitution.
L’étude des modalités particulières de constitution concernera les nationalisations,
les établissements publics industriels et commerciaux, les sociétés d’économie mixte,
les filiales et participations des entreprises et leurs fusions.
A. Nationalisation.

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Les biens touchés par la mesure de nationalisation deviennent la propriété de la


Nation. Le transfert peut s’effectuer sous certaines formes et revêtir des modalités
diverses.
I. Détermination des biens à nationaliser.
Dans certains cas, c’est le législateur lui-même qui indique les entreprises privées
devant être nationalisées. Dans d’autres cas, il se borne à poser des critères plus ou
moins généraux sur l’activité visée et laisse à l’exécutif le soin d’en faire application.
Il peut s’agir des critères d’ordre soit quantitatif, soit qualitatif, soit géographique.

 Critère quantitatif : on se réfère à la production de l’entreprise,


par exemple cent milliards de francs congolais.
 Critère qualitatif : on se réfère à la qualité de la production, par
ex. une entreprise de transformation.
 Critère géographique : on se réfère à la situation géographique,
c'est-à-dire à l’endroit où se situe l’entreprise.

II. Forme de transfert.


Le transfert est également prévu pour une date fixée par la loi. Il peut s’agir d’une
date correspondant à l’entrée en vigueur de la loi ou d’une date rétroactive ou d’une
date ultérieure.
III. Objet du transfert.
Le transfert peut être intégral sans mettre en cause la forme juridique de
l’entreprise. Dans le cas où il n’y a pas création d’une nouvelle personne morale,
l’ensemble des droits et obligations est transféré après inventaire, même si la loi ne
l’a pas dit expressément.
IV. Le sort de l’ancienne entreprise.

a. La liquidation.
Il y a convocation d’une assemblée générale des anciens actionnaires pour
liquider la gestion. Dans le cas du maintien de la personne juridique, l’assemblée se
bornera à arrêter les comptes et à donner quitus. Si certains biens doivent être
restitués aux anciens actionnaires, on créera une commission de restitution qui
statuera sur leur sort.
b. L’indemnisation.
Elle doit être juste et préalable (ex : article 34 de la Constitution du 18 février
2006).
L’évaluation se fait suivant des modalités diverses. On peut se référer à la loi sur
les paiements des indemnités par les acquéreurs (loi n° 78/003 du 20 janvier 1978
portant mesures de recouvrement des sommes dues à l’Etat par les acquéreurs des
biens zaïrianisés de l’époque).

B. Les établissements publics industriels et commerciaux.

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Selon l’article 123 de la Constitution du 18 février 2006, il revient au pouvoir


législatif de créer les établissements publics.
C. Les sociétés d’économie mixte.
Il y a une diversité des modalités juridiques et financières de constitution. Elles
varient selon l’origine de la société. Car la société d’économie mixte peut avoir
plusieurs origines.
1. Substitution à une entreprise privée concessionnaire d’un service public
qui avait reçu une garantie financière de l’Etat (devant les difficultés
financières) ;
2. Constitution à titre originaire ;
3. Transformation d’une activité privée en service public tout en
maintenant une certaine participation des particuliers ;
4. Transformation d’une entreprise publique dont l’Administration détenait
tout le capital en une société d’économie mixte.
Une autre diversification provient de l’importance financière de la participation. En
cas d’une participation majoritaire, l’Etat contrôle. En cas d’une participation
minoritaire, il y a aide et contrôle.
D. Les participations et les filiales.
Ces situations correspondent à un phénomène que l’on pourrait qualifier de
«reproduction des entreprises publiques ». Il peut s’agir des activités plus ou moins
analogues ou complémentaires de celles de l’entreprise publique. Parfois, il s’agit
des filiales de pure forme dont l’entreprise est, en fait, le seul actionnaire ou des
filiales communes avec une ou plusieurs autres entreprises publiques ou privées.
Ces sociétés sont soumises au droit commun.
E. Les fusions.
Elles se réalisent par concentration des entreprises (publiques ou privés).
Chapitre 2 : La suppression des entreprises publiques.
Deux problèmes se posent concernant l’une la dissolution de la personne juridique
et l’autre la liquidation de ses biens.
Section 1. Dissolution.
Sont exclus les modes de liquidation forcée : la faillite et la liquidation judiciaire.
La dissolution peut s’opérer selon divers procédés :
1. Par un texte de même nature que celui qui avait créé l’entreprise. Dans
le cas des sociétés d’économie mixte, il y a combinaison des
procédures de droit commun (assemblée générale extraordinaire) et
des règles du droit public (approbation administrative) ;
2. Transfert d’entreprise du secteur public au secteur privé ;
3. Apport fusion ;
4. Perte de la personnalité juridique à la suite d’une mise en régie dans le
cas où l’entreprise est concessionnaire.

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Section 2. Liquidation.
Il n’existe pas de règles communes ni d’organismes liquidateurs de principe,
chaque cas étant régi par la décision qui ordonne la dissolution. En principe, on
applique la règle du droit commun selon laquelle les sociétés dissoutes se survivent
pour les besoins de leur liquidation. Mais, cette règle se combine avec des
dispositions spéciales.
Un liquidateur est désigné. On peut lui adjoindre un comité de surveillance ou de
liquidation. Les fonds de liquidation sont remis à l’agent comptable, s’il en existe un
et, c’est le Trésor qui est bénéficiaire ou débiteur du solde actif ou passif de la
liquidation.

Titre 2
L’organisation de la gestion.

L’organisation de la gestion varie d’une entreprise à l’autre et dépend de la


catégorie à laquelle appartient l’entreprise, de son importance, du rôle qu’y joue l’Etat
et de la période de sa création. Même s’il n’y a pas des règles communes, on peut
cependant formuler quelques observations d’ordre général :
1. Dans la plupart des cas, la gestion est confiée à plusieurs organes : un
organe délibérant (Conseil d’administration) et un organe exécutif.
Parfois, il existe une Assemblée Générale dans les entreprises
constituées sous forme de société.
2. L’existence de l’organe délibérant n’est pas obligatoire pour toutes les
entreprises. On peut s’en passer.
3. L’entreprise publique est souvent du type unitaire et décentralisé. C’est
le cas du Congo.
On évite la formule fédérale selon laquelle l’entreprise peut avoir
plusieurs ramifications jouissant d’une certaine autonomie.

S / Titre 1 : Solutions possibles.

En étudiant la structure de l’établissement public administratif qui est le droit


commun des établissements publics, nous avons vu qu’il existe généralement au
sein des établissements publics un organe collégial et un organe monocratique de
gestion.
Mais, nous avons précisé que la structure est variable et peut présenter un
développement plus ou moins achevé, et un équilibre différent selon les cas, entre
les autorités collégiales et monocratiques qui se partagent sa gestion et qu’à cet
égard, trois solutions étaient théoriquement concevables :
 Dévolution des compétences essentielles à l’organe collégial,
l’organe monocratique ne détenant qu’un pouvoir d’exécution ;
 Dévolution de la substance des pouvoirs à l’organe
monocratique, l’organe collégial étant réduit à un rôle consultatif ;
 Le partage, selon un dosage variable qui est la solution la plus
fréquente. Le Congo ayant opté pour une gestion collégiale, c’est
donc sur cette formule que nous allons nous appesantir.

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S / Titre 2 : Gestion confiée a une direction collégiale.


Le Congo a effectivement adopté cette formule. En effet, l’article 5 de la loi N° 78
/002 du 6 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises
publiques telle que modifiée à ce jour, retient comme structures organiques : le
Conseil d’Administration ; le Comité de gestion et le Collège des Comités au comptes,
étant précisé toutefois que le Collège des commissaires aux comptes est plutôt un
organe de contrôle que de gestion.
Chapitre 1 : Conseil d’administration.
Nous allons en étudier successivement la composition et le fonctionnement.
S / Chapitre 1 : Composition.
Concernant la composition du Conseil d’Administration, trois conceptions sont
théoriquement possibles :

 La solution étatique, qui correspond au droit public traditionnel,


considère que tout patrimoine public doit être géré par une
autorité publique malgré la possession, par ce patrimoine, d’une
personnalité juridique ;
 La solution autonomiste (conception congolo-saxon) : selon elle,
les entreprises publiques doivent être gérées comme des
entreprises capitalistes, mais sous le contrôle étroit de l’Etat.
 La conception dite de représentation des intérêts expressifs de la
finalité des entreprises. C’est la synthèse des deux premières et
elle se rapproche de la doctrine de la nationalisation.
Section 1. Constitution.
Il y a lieu de distinguer les sociétés d’économie mixte et les autres, c'est-à-dire
celles dont l’Etat détient la totalité du capital social.
Dans les sociétés d’économie mixte, la constitution du Conseil d’Administration ne
présente aucune particularité par rapport aux sociétés privées. Mais, il peut y avoir
une inflexion dans un double sens. La première inflexion résulte de la disproportion
de la représentation de l’Etat par rapport à sa participation financière.
1. Cette disproportion est, en effet, flagrante dans le cas où l’Etat est
minoritaire. Dans ce cas, c’est le texte qui détermine la part de l’Etat
sans se référer au pourcentage des actions de l’Etat. Dans cette
hypothèse, l’Etat est généralement sur-représenté dans le Conseil
d’Administration. Mais, pour des motifs politiques, l’Etat peut souhaiter
limiter sa participation à la mesure de son apport. Il peut même en
même temps multiplier les moyens de contrôle de sorte qu’en définitive,
il y ait la mainmise sur la société. L’Etat peut ne pas être actionnaire,
mais il peut pourtant être représenté au Conseil d’Administration.
2. La seconde inflexion : l’Etat est actionnaire majoritaire. Ici, il détient le
contrôle interne de l’entreprise en tant qu’actionnaire majoritaire.
Par application du droit commun, on peut concevoir que l’Etat ait la
majorité des administrateurs. Mais, il n’est pas toujours ainsi et deux
situations peuvent se présenter dérogeant au droit commun. L’Etat peut

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avoir un nombre de représentants supérieurs à son apport ; l’inverse


est aussi possible : il peut avoir un nombre de représentants inférieur à
son apport. Ce qui fait que la seconde inflexion, c’est l’organisation par
l’Etat de la représentation des intérêts en présence (personnel, usagers,
personnalités compétentes). Cette situation peut se présenter non
seulement dans les sociétés d’économie mixte, mais aussi dans celles
où l’Etat détient l’intégralité du capital social, et cela dans un double
objectif :
 On veut assurer la représentation des intérêts en présence ;
 On voudrait confier la gestion de l’entreprise à une gestion
collective non étatique, mais comportant l’expression de divers
intérêts.

Cette organisation peut cependant poser des problèmes en ce


qui concerne la manière dont la représentation de tous ces
intérêts peut être assurée.

A. Représentation de l’Etat.
C’est la plus facile à réaliser parce que l’Etat est propriétaire. Néanmoins, elle
pose des problèmes. Cette représentation est destinée à défendre l’intérêt général,
mais elle se trouve aussi en face des intérêts opposés : ceux des usagers et du
personnel.
La conséquence en est que la représentation étatique est appelée à jouer un rôle
d’arbitre. Pour remplir efficacement ce rôle d’arbitre, la représentation de l’Etat doit
être homogène. Or, il arrive souvent que cette représentation ait plusieurs porte-
parole désignées par des autorités différentes. Pour pallier à cet inconvénient, l’on
peut recourir à la formule des commissaires du Gouvernement.

B. Représentation du personnel.

Le problème est de savoir par quel moyen est désigné le représentant du


personnel. Ce problème peut être résolu par nominations du pouvoir public. Ces
nominations peuvent se faire sans ou sur propositions des organisations ouvrières.
C. Représentation des usagers et consommateurs.
C’est la plus difficile à réaliser pour les raisons suivantes :

 Il est mal aisé de distinguer les consommateurs des usagers ;


 Les usagers se confondent avec l’ensemble de la population.
Ces difficultés peuvent amener l’Etat à se charger de la désignation de ces
représentants ou alors ce sont des groupements jugés représentatifs qui s’en
chargent (par exemple, au niveau de la collectivité, commune, ville ou province).
D. Représentation des personnalités compétentes.
Elle peut résoudre la difficulté ci-dessus évoquée. Les personnalités compétentes
sont choisies en dehors de l’entreprise en raison de leurs compétences techniques.

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Section 2. Statut des administrateurs.


A. Nomination.
Les administrateurs sont nommés par les pouvoirs publics. En République
démocratique du Congo, la loi confie cette compétence au Président de la
République (Cf art 7 loi n° 002 de 1978 déjà cité).
Sur le plan théorique, observons que le Président du Conseil d’Administration peut
être désigné selon les modalités diverses, soit par :
 Nomination pure et simple des pouvoirs publics ;
 Nomination parle Gouvernement, mais sur proposition (ou sur
avis) du Conseil d’Administration ;
 Election par le Conseil d’Administration ;
 Election par le Conseil d’Administration avec approbation de
l’autorité de tutelle.

B. Mandat.
Les administrateurs sont nommés pour un mandat limité dans le temps. Selon
l’article 7 de la loi susvisée, la durée de ce mandat est de cinq ans, mais
renouvelable. Ils peuvent être relevés de leurs fonctions pour faute constatée dans
leur gestion, et leur mandat peut aussi prendre fin par suite de décès, démission
volontaire, limite d’âge (60 ans) ou d’ancienneté (30 ans de service) [art.8 de la loi de
1978].
Un administrateur nommé en remplacement d’un autre ne demeure en fonction
que pendant le temps restant à courir sur le mandat de son prédécesseur (Cf le
même article 8).

C. Rémunération.

Elle peut être réglée, selon les cas, sous forme de jetons de présence ou de
tantième ou d’une rémunération fixe perçue mensuellement. Aux termes de l’article
16 de la loi de 1978, « les membres du Conseil d’Administration reçoivent à titre de
jetons de présence, une allocation fixe dont le montant est déterminé par le
Président de la République », à charge de l’entreprise.
D. Responsabilité.
La mise en jeu de la responsabilité des membres du Conseil d’Administration
combine les règles de droit public et de droit privé. Le droit public s’applique au
régime disciplinaire, ex : un administrateur peut encourir la sanction disciplinaire de
révocation s’il s’est conduit ouvertement d’une façon incompatible avec sa qualité,
par ex : s’il s’oppose ou critique la politique du Gouvernement dans l’entreprise.
Le droit privé s’applique à la responsabilité civile que les administrateurs peuvent
engager selon les règles du droit commun des sociétés. Mais, cela dépend surtout
des pouvoirs effectifs qui peuvent être dévolus aux administrateurs dans la gestion
de l’entreprise. Au Congo, la situation de droit public dans laquelle se trouvent placés
les administrateurs a été renforcée par la loi n°73 / 017 du 5 janvier 1973 qui,
modifiant et complétant la section II du Code pénal a étendu aux administrateurs
l’application des dispositions du Code pénal relatives aux détournements et

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concussions commis par des personnes revêtus de mandat public ou chargées d’un
service ou d’une mission de l’Etat ou d’une société étatique.
L’article 35 de la loi de 1978 confirme cette responsabilité, cependant que l’article
38 énumère les cas où elle peut être engagée, aussi bien pour les membres du
Conseil d’Administration que pour ceux du comité de gestion. Les cas retenus sont
les suivants :
 Employer les fonds de l’entreprise pour des destinations non
conformes à l’objet social de celle-ci ou pour des intérêts
personnels ;
 Présenter ou publier un bilan et un compte des profits et pertes
sciemment inexacts en vue de dissimuler la situation véritable de
l’entreprise ;
 Procéder à des affectations fictives de l’excédent des recettes ;
 Utiliser les biens ou le crédit de l’entreprise contre l’intérêt de
cette dernière dans un but personnel ou pour favoriser une autre
entreprise dans laquelle ils ont un intérêts personnel ;
 S’approprier des biens de l’entreprise à quelque titre que ce soit.
S / Chapitre 2 : Fonctionnement et pouvoirs du Conseil d’administration.
Section 1. Réunions et délibérations.
Plusieurs modalités peuvent être envisagées en ce qui concerne la périodicité des
réunions, leurs convocations, la préparation de l’ordre du jour, la désignation des
personnes qui peuvent y prendre part, les modalités de vote, de quorum etc.
En règle générale, on applique le droit commun avec cependant possibilités
d’adaptation. La loi cadre de 1978 prévoit dans son article 12 que le Conseil
d’Administration se réunit sur convocation de son président ou, en cas
d’empêchement de ce dernier, sur celle de son délégué, chaque fois que l’intérêt de
l’entreprise l’exige et chaque fois que la demande en a été faite, par écrit, soit par la
moitié des administrateurs en exercice, soit par l’autorité de tutelle.
Mais, dans tous les cas, il se réunit au moins une fois tous les deux mois. Les
convocations contenant l’ordre du jour, doivent parvenir aux administrateurs, en
principe, huit jours au moins avant la date de la réunion. Le quart au moins des
administrateurs ou l’autorité de tutelle peuvent faire inscrire un point à l’ordre du jour,
mais à condition d’adresser leurs propositions par écrit au président, quinze jours au
moins avant la date de la réunion.
Tout administrateur peut, par simple lettre ou par télégramme donner à l’un de ses
collègues pouvoirs de le représenter à une séance du Conseil d’Administration et d’y
voter en son nom, mais aucun mandataire ne peut représenter plus d’un
administrateur (art.13).
Le Conseil d’Administration ne peut valablement délibérer que si la moitié au
moins de ses membres est présente ou représentée, et ses décisions sont prises à la
majorité absolue des présents ou représentés, avec, bien entendu, prépondérance
de celle du Président en cas de partage des voix (art.14).

Section 2. Pouvoir du Conseil d’Administration.

Le Conseil d’Administration a les pouvoirs les plus étendus pour poser tous les
actes d’administration et de disposition en rapport avec l’objet social de l’entreprise.

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L’article 10 de la loi-cadre de 1978 précise que sous réserve des autorisations ou


approbations requises et sauf dispositions expresses, auquel cas, le Président de la
République pourra statuer par voie d’ordonnance, le Conseil d’Administration prend
toutes décisions intéressant notamment :
 Les opérations d’acquisition, de vente, de prise de participation ;
 Les transactions, les cessions et, en général, tous les actes
nécessaires pour la réalisation de l’objet social de l’entreprise ;
 L’élaboration et la présentation du bilan.
Chapitre 2 : Le Comité de gestion.
Section 1. Composition.
Aux termes de l’article 17 de la loi de 1978, le Comité de gestion comprend un
délégué général, deux directeurs et un représentant du personnel. Dans cette
formule de la direction collégiale, seul le délégué général et, le cas échéant, le
délégué général adjoint, est nommé par le Président de la République. A ce titre, il a
la qualité d’agent public même s’il n’est pas régi par le statut des agents de l’Etat en
raison de l’exclusion formelle de l’article 2 de la loi n° 81 / 003 du 17 juillet 1981
portant statut du personnel de carrière des services de l’Etat.
Les deux directeurs, membres du Comité de Gestion sont nommés par le Conseil
d’Administration en vertu de l’article 24 de la loi-cadre de 1978 tandis que le
représentant du personnel est nommé par le Délégué Général.

Section 2. Incompatibilités.

Les membres du Comité de Gestion sont soumis à certaines incompatibilité selon


l’article 33 de la loi-cadre, les fonctions de membres du Comité de Gestion sont
incompatibles avec l’exercice d’un mandat politique et avec toute activité
commerciale, sauf, dans ce dernier cas, celle qui aurait été spécialement autorisé par
le Conseil d’Administration. D’autre part, il leur est interdit d’exercer une quelconque
fonction de gestion au sein d’une entreprise dans laquelle l’entreprise aurait des
intérêts, sauf, encore une fois, dérogation expresse accordée par le Conseil
d’Administration.
Mais, il n’y a pas d’incompatibilité avec la qualité d’agent de l’Administration
publique, car les agents de l’Administration peuvent être détachés pour exercer les
fonctions de délégué général dans les entreprises publiques.

Section 3. Traitement et avantage accessoires.

En sus des jetons de présence qu’ils perçoivent en qualité d’administrateurs, le


délégué général et le cas échéant, le délégué général adjoint, et les deux directeurs
reçoivent à charge de l’entreprise, un traitement dont le montant est fixé par le
Président de la République pour le délégué général (et son adjoint s’il en existe un)
et par le Conseil d’Administration, pour les deux directeurs. Le représentant du
personnel qui siège au sein du Comité de Gestion a droit à une indemnité forfaitaire
dont le montant est fixé par l’autorité de tutelle.

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Section 4. Cessation des fonctions.


Le délégué général (et son adjoint s’il en existe un) peut être relevé de ses
fonctions par le Président de la République. La fin de leur mandat peut aussi
intervenir par révocation, démission, nomination à un autre poste, fin du détachement
pour les agents publics, mise à la retraite.
Pour les deux directeurs ça peut être la révocation par le Conseil d’Administration
ou pour toutes autres causes de fin de carrière. Le représentant du personnel peut
être relevé de ses fonctions par le délégué général. Mais, il faut noter pour le
délégué général et les deux directeurs qui sont membres du Conseil d’Administration,
que leurs fonctions au sein du Comité de Gestion prennent également fin
automatiquement avec la fin de leur mandat d’administrateur qu’à ce titre aussi, ils
peuvent, à tout moment, être relevés de leurs fonctions par le Président de la
République (art.19 al.2).

Section 5. Responsabilité.

Le régime de responsabilité est le même que celui des administrateurs et des


commissaires aux comptes (nous y reviendrons).
Section 6. Les pouvoirs du Comité de gestion.
Dans l’hypothèse d’une direction monocratique, tous les pouvoirs de gestion sont
concentrés dans les mains du Directeur général (ou délégué général) ou du
Président-directeur général. Dans la formule collégiale adoptée par le législateur
congolais, le Comité de gestion agit par délégation du Conseil d’Administration. En
effet, au terme de l’article 11 de la loi-cadre de 1978, le Conseil d’Administration
délègue au Comité de Gestion tous les pouvoirs nécessaires pour lui permettre
d’assurer la gestion des affaires courantes de l’entreprise.
La loi dispose que le Comité se réunit au moins une fois par semaine et toutes les
fois que l’intérêt de la société l’exige sous la présidence du délégué général.
Il ne peut délibérer ou statuer valablement que si au moins 3 de ses membres
sont présents. Donc, ici on exclut le système de représentation organisé dans le cas
du Conseil d’Administration. Le Comité prend ses décisions à la majorité des voix et
en cas de partage, la voix du Délégué général est prépondérante. L’analyse des
dispositions de cette loi-cadre donne à penser que l’essentiel du pouvoir dans
l’entreprise publique congolaise revient au Conseil d’Administration. Nous en avons
déjà donné les raisons.
Mais, la réalité est toute différente compte tenu de la composition du Conseil
d’administration. En effet, selon l’article 17 de la loi-cadre de 1978, le Délégué
général et les deux directeurs du Comité de gestion sont de droit membres du
Conseil d’administration. Ce qui signifie que dans tous les Conseils d’administration
au moins un quart des membres sera constitué par l’organe chargé de la gestion
courante de l’entreprise. Ainsi, usant de l’influence de ses membres au sein du
Conseil d’Administration, le Comité de Gestion pourra renverser la vapeur et avoir
l’essentiel des pouvoirs dans l’entreprise. De plus, il a la maîtrise des dossiers et
l’emprise sur le personnel de l’entreprise.

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Titre 3
Régime du personnel.

Le personnel se divise en personnel de direction et en personnel subalterne. Le


problème qui se pose est de déterminer les règles qui permettent de qualifier cette
catégorie des salariés. Du point de vue juridique, on peut diviser ce personnel en
deux catégories :

 Personnel régi par le droit commun ;


 Personnel régi par un statut particulier.
Mais, nous allons commencer par des observations générales.
Chapitre 1 : Observations générales sur la notion du personnel des entreprises
publiques.
Section 1. Personnel de direction et personnel subalterne.
En matière de gestion des entreprises publiques, le personnel de direction est
conçu dans un sens très étroit. En effet, est considéré, sur le plan juridique, comme
personnel de direction, la personne qui occupe le plus haut emploi dans l’entreprise.
Chez nous ce sont uniquement les personnes nommées par ordonnances
présidentielles (ou décrets présidentiels).
La conséquence en est que le personnel subalterne est, lui, entendu au sens très
large du terme, incluant même les cadres supérieurs de l’établissement, notamment
les directeurs.

Section 2. Personnel sous statut et personnel de droit commun.

Cette différence tient compte des sources même du régime juridique du personnel.
Mais, il convient de noter que l’existence ou la non-existence d’un statut n’a pas
d’influences sur la qualification du personnel. Ces observations générales données,
le régime du personnel des entreprises publiques peut être étudié autour des deux
points principaux, à savoir : les rapports individuels du travail et les rapports
collectifs du travail.
Chapitre 2 : Rapports individuels du travail.
Les règles générales relatives à l’organisation sont fixées par les articles 23 et 24
de la loi du 6 janvier 1978.
Section 1. Recrutement du personnel.
Le recrutement du personnel s’effectue soit selon les règles du droit commun,
c'est-à-dire du Code du travail ; soit selon les modalités du statut des agents publics.
Le cadre et le statut du personnel de l’entreprise publique sont fixés par le Conseil
d’Administration sur proposition du Comité de gestion.
Le statut détermine, notamment, les grades, les conditions de recrutement, la
rémunération, les règles d’avancement, la discipline, les voies de recours. Il est
soumis à l’approbation de l’autorité de tutelle.
Le personnel de l’entreprise publique, exerçant un emploi de commandement, est
nommé, affecté, promu et le cas échéant, licencié, révoqué par le Conseil
d’administration sur proposition du Comité de Gestion, tandis que le personnel de

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collaboration et d’exécution est nommé, affecté, promu, et, le cas échéant, licencié,
révoqué par le Délégué général.

Section 2. Rémunération.

1. La rémunération peut être composée des éléments suivants :


 Salaire proprement dit ou traitement de base et des primes ;
 Primes, c'est-à-dire des compléments pécuniaires au salaire
destinés à rétribuer des prestations spéciales ou des
qualifications rares ou d’autres mérites de l’agent ;
 Avantages divers :
Financiers ou en nature : logement, transport, frais funéraires,
soins de santé, allocations familiales etc.

2. Les problèmes possibles.


La rémunération peut porter deux sortes de problèmes :

 Etablissement : la compétence générale revient aux dirigeants


de l’entreprise, mais avec approbation de l’autorité de tutelle ;
 Uniformisation : quant au problème de la parité et des décalages,
une solution a été tentée au moment de la radicalisation par la
catégorisation des entreprises suivant leur importance et leur
impact sur le plan économique. Mais, il faut reconnaître qu’il
s’agit d’un problème délicat et complexe.
Section 3. Le contentieux.
A l’exception des problèmes touchant au plus haut emploi, et, le cas échéant, aux
administrateurs, les litiges individuels ou collectifs sont de la compétence des
chambres du travail et sont à régler selon les dispositions du Code du travail. La
raison en est que les entreprises publiques industrielles et commerciales agissent
suivant les règles du commerce et de l’industrie privée et l’existence du statut
n’exclut pas celle de contrats de travail individuels dans le cadre de ce statut.
Section 4. La responsabilité.
On peut concevoir l’uniformité des règles pour toutes les entreprises publiques et
l’application combinée des règles du droit commun ainsi que certains emprunts au
statut des agents publics, notamment en matière pénale et disciplinaire.
A. Responsabilité civile.
Il y a application de l’article 260 du Code Civil Livre III et de la jurisprudence du
droit de travail. D’où on envisage les rapports des commettants et des préposés.
B. Responsabilité pénale.
Il y a application du droit commun. Rappelons à titre d’exemple la loi n°73/017 du
5 janvier 1973 qui a modifié et complété les dispositions du Code pénal relatives aux
détournements et concussions. On pourrait aussi s’inspirer de certaines législations
étrangères.

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C. Responsabilité disciplinaire.
On applique ici le droit commun et éventuellement certaines règles particulières.
Chapitre 3 : Rapports collectifs du travail.
Commençons par remarquer que le régime des conventions collectives peut être
applicable dans les entreprises publiques, dans la mesure où leur statut n’est pas
législatif ou réglementaire. Dans ce cas, c’est le statut qui tient lieu de convention
collective qui lie l’entreprise à son personnel, ou alors le statut se combine avec la
convention collective (ex : SNEL).
Cela dit, les rapports collectifs du travail peuvent être étudiés à propos de la
participation du personnel à la gestion des entreprises et à propos de l’exercice du
droit de grève.

Section 1. Participation du personnel à la gestion de l’entreprise.

Elle peut s’articuler au tour d’un certain nombre de catégories d’interventions :

 Représentation au Conseil d’Administration ;


 Participation au Comité de Gestion ;
 Recours aux procédures de droit commun ;
 Intéressement du personnel sous des formes diverses :
- Soit en fonction des résultats de l’exploitation (prime de bilan,
prime de rendement, prime de gestion) ;
- Soit en fonction des progrès de la productivité (prime de résultat).
Section 2. Exercice du droit de grève.
Le droit de grève est prévu par la Constitution, mais son exercice est subordonné
à une réglementation législative. Dans d’autres services publics, onpeut limiter ou
aménager l’exercice du droit de grève.
Ainsi par exemple, pour prendre l’exemple d’une législation étrangère, une loi
française du 3 janvier 1963 relative à certaines modalités de grève dans les services
publics prévoit les dispositions suivantes :
 La grève doit être précédée d’un préavis obligatoire donné cinq
jours francs avant son déclenchement à la direction de
l’établissement, de l’entreprise ou de l’organisme intéressé et
précisant les dates, heures et durée de la grève envisagée.
 Sont interdites, les grèves tournantes, que ce soit les grèves par
roulements successifs ; en cas d’inobservation de ces règles,
une procédure de révocation simplifiée est prévue.
 La grève entraîne une réduction du traitement proportionnel au
temps de cessation du travail, la retenue ne pouvant être
inférieure à une journée de travail.
Titre 4
Activités juridiques des entreprises publiques.

La soumission des entreprises publiques au régime de droit privé accentué peut


leur conférer une originalité par rapport aux services publics industriels et

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commerciaux. Cette originalité tend à assimiler leurs activités à celles du secteur


privé et à dominer leurs activités commerciales.
Toutefois, elles demeurent bénéficiaires de certaines prérogatives et soumises à
certaines sujétions de droit public dans le régime de leurs biens et de leurs contrats.

Chapitre 1 : Gestion commerciale des entreprises publiques.

Etant donné que les opérations des entreprises publiques s’effectuent suivant les
mêmes méthodes et usages que dans les entreprises privées industrielles ou
commerciales, elles sont régies de ce fait par les statuts des commerçants et sont
assujettis aux obligations fiscales qui en découlent.
Section 1. Statut de commerçant.
Pas de doute pour les sociétés d’économie mixte ou pour les entreprises qui
seraient organisées sous forme de sociétés nationales.
Cependant, il faut signaler que certaines sociétés d’économie mixte peuvent agir
soit comme des bureaux d’études mis à la disposition, soit d’autres sociétés, soit des
administrations, soit des particuliers et cela sans que leurs activités puissent
répondre au critère de l’activité commerciale.
On peut alors considérer qu’elles exercent une profession libérale, sauf si elles
agissent comme mandataire salarié ou comme sous-traitant. Le problème se pose à
propos des établissements publics en particulier et toutes les entreprises publics en
général. Sont-ils commerçant ?
Une réponse de principe semble être difficile à donner. D’où il importe de se
référer aux éléments concrets qui peuvent se déduire de l’application du statut et
surtout aux conséquences pratiques qui en découlent. Ces éléments sont les
suivant :
A. Existence d’un fonds de commerce.

L’entreprise publique constitue-t-elle un fonds de commerce ? La réponse est, à


première vue et en théorie, négative, car il y a incompatibilité avec la notion de
service public. D’autre part, on pourrait aussi invoquer le fait que les entreprises
publiques jouissent souvent d’un monopole. Mais, ce monopole peut n’être que de
pure fait. Il est admis donc qu’une entreprise publique peut être bénéficiaire d’une
propriété commerciale et ceci ne fait aucun doute lorsque le législateur prend
expressément position dans ce sens.
B. Inscription au registre de commerce.
Exerçant une activité analogue à celle des sociétés commerciales privées, les
entreprises publiques devraient se faire inscrire au registre de commerce sous
réserve toutefois de l’avis contraire du législateur.
C. Régime du contentieux.
En général, ce contentieux relève du droit privé, c’est le cas notamment des
problèmes relatifs :

 Au fonctionnement des entreprises publiques en ce qui concerne


par exemple les actions en responsabilité intentées soit par les
usagers, soit par les tiers, soit par les agents ;

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 Aux décisions prises par les autorités publiques relatives à


l’accès au service (ex. le renvoi d’un stagiaire) ;
 Aux contrats passés par l’entreprise avec ses clients et usagers
même s’ils contiennent des clauses exorbitantes.
Exceptionnellement cependant, un appel peut être fait à l’application d’un régime
de droit public. Exemples : litige concernant les agents ayant la qualité d’agent
public ; contrats administratifs par détermination de la loi, litige portant sur l’exécution
d’un travail public ou sur une dépendance du domaine public.
D. Les voies d’exécutions et la faillite.

I. Le problème qui se pose ici est de savoir si les voies d’exécution,


par exemple les saisies-arrêts, peuvent être exercées contre les
entreprises publiques. Certaines jurisprudences étrangères,
notamment la Cour de cassation française, se sont prononcées
négativement quant à l’application des voies d’exécution contre
les établissements publics, raisons : principe d’insaisissabilité
des deniers publics, la continuité du service public et la nature de
l’établissement public.
Cette position est cependant critiquée par la doctrine. Certains
auteurs ont proposé que l’on fasse une distinction selon les
catégories des entreprises. Dans ce sens, on appliquerait une
solution nuancée lorsque le service public préexistait à la
création de l’établissement public ; l’hypothèse visée ici est celle
de la transformation d’une activité gérée en régie en un
établissement public. Dans ce cas, l’insaisissabilité serait retenue
pour les biens essentiels au fonctionnement du service, tandis
que les autres seraient saisissables.
Il faut signaler toutefois que l’interdiction de saisir ne concerne
que les établissements publics et non les entreprises ayant la
forme d’une société (ex : les banques ou les assurances), ni les
sociétés d’économie mixte.
Au Congo, la jurisprudence de la Cour suprême de justice n’a
pas encore pris position sur ce problème. Cela vaudrait dire qu’il
n’existe jusqu’à ce jour, aucun arrêt de principe en la matière.

II. La faillite.
Une entreprise publique, peut-elle être mise en faillite ?
Sur le plan théorique, certains l’admettent pour ce qui concerne
les entreprises publiques ayant la forme de sociétés et pour les
sociétés d’économie mixte. Mais, la question paraît délicate en ce
qui concerne les établissements publics et nous affirmons que la
faillite doit, en tout cas, être exclue à l’égard des établissements
publics qui exploitent un service public.

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Section 2. Les obligations fiscales.


Normalement, c’est le régime de droit commun applicable aux sociétés privées qui
régit cette matière. La plupart des textes organiques des établissements publics
industriels ou commerciaux se prononcent d’ailleurs dans ce sens.
Chapitre 2 : Régime des biens des entreprises publiques.
Les entreprises publiques ont la possibilité de détenir un patrimoine considérable
dont l’origine peut être diverse et dont le statut et la gestion peuvent parfois poser
des problèmes de gestion délicats.
Section 1. Origine des biens.
Il peut s’agir des biens :

 Transférés à l’entreprise à l’occasion des nationalisations ;


 Acquis par l’entreprise elle-même depuis son existence ;
 Confiés par l’Etat à l’entreprise.

A. Biens acquis par nationalisation.


Plusieurs formules sont possibles ici :
I. Transfert à l’Etat.

 De la propriété de l’entreprise et des actions ;


 De la propriété des actions seules ;
 De l’actif seul ;
 De l’actif et du passif.

II. Transfert à la Nation.


Les biens sont transférés au profit de la Nation.
III. Transfert aux nouvelles entreprises du solde des biens, droits et
obligations.
Lorsque le transfert se fait au profit de l’Etat ou de la Nation, les biens sont ensuite
dévolus par le bénéficiaire aux entreprises. Quant l’Etat devient propriétaire
d’actions, l’entreprise subsiste sans changer de forme juridique, il y a continuité de la
personne morale de l’ancienne société privée. Ce qui change, c’est simplement le
propriétaire.
Le problème se pose seulement dans le cas des sociétés concessionnaires de
service public. Il y a ici, en effet, deux catégories de biens : les biens propres au
concessionnaire et ceux mis à sa disposition par l’autorité concédante.

B. Biens acquis par l’entreprise elle-même.

Les entreprises peuvent acquérir des biens par divers procédés de droit commun :
dons, legs, achats etc., ou par des procédés d’exception telle que la réquisition,
l’expropriation, des servitudes spéciales qui ne comportent pas des biens mais des
droits immobiliers qui sont parfois un élément important dans l’activité de

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l’entreprise : ex : servitudes intéressants la SNEL et la REGIDESO pour le transport


et la distribution de l’eau et de l’électricité.
C. Biens confiés par l’Etat à l’entreprise.
L’opération peut s’effectuer de diverses manières : par ex, à l’occasion de services
publics ou par dotation en capital par laquelle l’Etat abandonne ou confie à
l’entreprise la fraction du capital lui appartenant.
Section 2. Statut des biens de l’entreprise publique.
Deux problèmes se posent ici, celui de la propriété des biens et celui de la nature
des biens.
A. Problème de la propriété.
A qui appartiennent les biens des entreprises publics ?
Ce problème est discutable et a donné lieu à des controverses. Les opinions
émises sont les suivantes :

 La première soutient le dédoublement de la propriété en


domaine éminent et en domaine utile, le premier consacrant une
sorte de nue-propriété au bénéfice de l’Etat, et le second le
pouvoir de gestion appartenant à l’entreprise ;
 Pour la deuxième opinion, c’est l’Etat qui est propriétaire ;
 La troisième opinion soutient que la propriété revient à
l’entreprise pour la bonne raison que les entreprises sont des
personnifications juridiques de la Nation et gèrent leurs activités
au nom et pour le compte de la nation.
Notre opinion est que dans les jeunes Etats, il convient de consacrer dans un
premier temps, le principe de la propriété de l’Etat pour éviter la confusion entre la
gestion et la propriété.
B. Le problème de la nature des biens.
La question se pose de savoir si les biens des entreprises publiques relèvent de la
domanialité publique ou privé ?
Différentes opinions sont également émises ici.
La première est pour l’appartenance au domaine public, à cause de leur
affectation au service public.
Cette opinion présente cependant quelques inconvénients :
 Elle rend le capital inaliénable alors que l’entreprise peut avoir
intérêt à aliéner une partie du capital ;
 Elle est d’application malaisée aux concessions qui comprennent
deux groupes de masse des biens, l’une appartenant au
domaine public et l’autre au domaine privé.
La seconde opinion se prononce pour l’appartenance au domaine privé de l’Etat,
mais avec les nuances suivantes :
 Première nuance : ces biens relèvent du domaine privé par le fait
qu’ils auraient été purement et simplement hérités des anciennes
entreprises par les nouvelles personnes juridiques.

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La jurisprudence, surtout la judiciaire, penche pour la propriété


privée. Les solutions jurisprudentielles et les interprétations
doctrinales sur ces deux problèmes de la propriété et la nature
des biens peuvent être combinées pour arriver à la classification
suivante :
 Certains biens appartiennent à l’Etat :

- Cas des entreprises concessionnaires : que ces biens relèvent


du domaine public ou du domaine privé ;
- Cas des sociétés dont l’Etat est le seul actionnaire (ex :
Gecamines, Sonas etc.) ils relèvent du domaine privé.

 Certains biens appartiennent à l’entreprise.

- Soit ceux qui appartiennent à l’entreprise mais qui n’étant pas


essentiels à son fonctionnement constituent son domaine privé ;
- Soit ceux qui sont essentiels à son fonctionnement, qui lui ont
été cédé en pleine propriété ou qui ont été acquis par elle-même
et qui constituent un domaine affecté à son but.
Section 3. Gestion des biens.
La gestion des biens des entreprises publiques soulèvent divers problèmes, les
uns se rattachant au régime financier ou au contrôle des établissements publics, les
autres au statut des concessions. Les premiers seront étudiés dans le régime
financier et dans le contrôle des entreprises publiques ; les seconds l’on déjà été à
l’occasion de l’étude de la concession.
Du point de vue de l’activité proprement juridique de la gestion, on peut étudier les
règles s’ordonnent au tour des deux formes de gestion : l’une générale qui s’exprime
sur la base du droit commun, l’autre exceptionnelle qui relève de catégories
juridiques exorbitantes du droit commun.

A. Gestion soumise au droit commun.

 Cas de contrats passés avec le personnel ou avec les usagers ;


 Cas de la responsabilité, au sujet des litiges avec les usagers
résultant de l’exécution du contrat d’abonnement ou des
dommages causés par les biens de l’entreprise.

B. Application exceptionnelle d’un régime de droit public.


Certains contrats peuvent être administratifs :

 Par détermination de la loi ;


 Contrats de concession des services publics ou des travaux
publics.

C. Responsabilité.
Elle concerne les dommages causés aux tiers par les travaux publics ou ouvrage
appartenant à l’entreprise.

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Section 4. Protection des biens.


En principe, il n’y a pas de protection spéciale comme celle qui est appliquée à
certains biens publics notamment aux biens du domaine public et aux ouvrages
publics. Mais, ils jouissent du régime de protection générale des biens publics à
l’exception toutefois de leurs ouvrages publics et de la partie de leur patrimoine qui
relèvent de la domanialité publique.
Chapitre 3 : Régime financier.
Il s’agit d’un régime de droit placé sous le signe de l’équilibre et soumis au
contrôle de l’Etat. Il demeure néanmoins public par la participation de l’Etat aux
investissements et par la mission exemplaire que l’Etat peut confier aux entreprises
publiques dans la réalisation de sa politique économique.
Section 1. Les règles financières générales.
Elles reposent sur une sorte d’obligation légale d’équilibre financier de l’entreprise
à travers deux moyens : l’autonomie financière et le contrôle des ressources. Il faut,
en effet, que l’entreprise soit à même de faire face à toutes les charges d’exploitation,
de capital et d’investissements. Ce qui revient à dire que l’entreprise doit faire des
bénéfices pour demeurer dans l’état normal de l’économie qui est un état
d’expansion continue.
Mais, elle doit tenir compte en même temps de l’intérêt qui s’attache au service
public qu’elle rend (dans la mesure où elle gère un service public).

A. L’autonomie financière.

L’autonomie financière est la conséquence logique de l’autonomie juridique dont


jouit l’entreprise. Elle a pour but de dégager un bénéfice dont la destination est
prévue soit selon le droit commun des sociétés, soit selon des dispositions
règlementaires.
Il s’agira généralement de la constitution des réserves, des versements au Trésor
et de l’autofinancement. En cas de déficit, il y a certains mécanismes bancaires pour
rétablir l’équilibre, et ce, avec d’autant plus de facilités qu’elles peuvent avoir la
garantie de l’Etat. Dans l’hypothèse où le déficit résulte des sujétions imposées par le
caractère de service public de l’entreprise ou imposées par l’Administration,
l’entreprise peut obtenir des subventions de l’Etat ou au moins des avances du
Trésor, si les mécanismes bancaires classiques s’avèrent insuffisants.
En termes plus explicites le déficit peut être couvert par l’Etat (c’est la solution
classique) ou par l’entreprise elle-même.

I. Couverture du déficit par l’Etat.

L’intervention de l’Etat ici peut viser un double rééquilibrage :


a. Assurer l’équilibre du compte d’exploitation par :

 Des compensations pour charges supplémentaires ou pour


obligations spéciales ;
 Des compensations pour manque à gagner (ce serait le cas si
l’Etat refuse d’augmenter les tarifs).

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b. Assurer l’équilibre des investissements par :

 Des dotations en capital ;


 Des garanties d’emprunt ;
 Des subventions.

II. Couverture en déficit par l’entreprise elle-même.


Cette solution part de l’idée que les entreprises publiques doivent être des unités
économiques autonomes, dynamiques et se suffisant à elles-mêmes. Sa réalisation
postule :

 La réduction des dépenses considérées comme non rentables


même si elles sont afférentes aux obligations de service public ;
 L’augmentation des ressources propres, ce qui implique un
déplacement des modes de financement ; dans ce sens ;
 Le budget de l’Etat doit être relayé par les tarifs, c'est-à-dire le
contribuable par l’usager ;
 L’emprunt doit être relayé par l’autofinancement.

B. Le contrôle des recettes.


Il s’ordonne autour du contrôle des prix et de l’octroi des subventions.
I. Contrôle des prix.
Il se fait suivant des modalités diverses qui varient avec la conjoncture
économique. On peut recourir soit à une fixation règlementaire, soit à l’homologation
des prix proposés par les entreprises, ou à la fixation des barèmes maxima qu’on ne
peut pas dépasser. Et dans certains cas, il faut tenir compte de fixations
conventionnelles internationales (ex : transports aériens).
II. Octroi des subventions.
En principe et dans la logique de l’autonomie financière, les subventions ne
devraient être octroyées que de manière limitée. Mais, la conjoncture économique
peut parfois conduire à ce qu’elles soient accordées de façon régulière. Cependant,
la réduction progressive peut être une solution pour obliger les dirigeants des
entreprises à réaliser une gestion saine et équilibrée.
Section 2. Dispositions spéciales.
Elles peuvent être destinées à engager l’Etat ou les collectivités publiques dans la
participation aux investissements ou à confier aux entreprises publiques un certain
rôle dans la politique économique de l’Etat.
A. Participation de l’Etat aux investissements.
En principe, les entreprises publiques doivent pratiquer leurs investissements
d’une manière autonome. Mais, l’Etat est appelé à participer à ces investissements
en raison de l’intérêt public que représentent les entreprises publiques et du fait qu’il

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en est totalement ou en partie propriétaire. Cette participation peut se présenter sous


forme d’investissements à titre définitif, soit sous forme d’emprunts.
I. Investissements à titre définitif.
Ils peuvent être concrétisés par :

 Le financement des équipements dans les établissements


publics ;
 Les augmentations de capital dans les sociétés d’économie
mixte ;
 Les dotations en capital, réalisées par le versement de fonds
effectués par l’Etat pour remplacer un autofinancement
généralement défaillant ou insuffisant des investissements ; ces
dotations peuvent être effectuées à fonds perdus ou assortis
d’un remboursement purement éventuel.

II. Emprunts.
Il peut s’agir des crédits consentis soit directement, soit par l’entremise
d’organismes financiers de l’Etat ou par des organismes financiers privés, avec la
garantie de l’Etat (ex : garantie d’intérêts).
B. Participation à la réalisation de la politique économique de l’Etat.
Les entreprises publiques peuvent être appelées à jouer un rôle important dans la
réalisation du plan économique. Elles peuvent alors solliciter et obtenir des prêts
spéciaux ou une aide financière spéciale.
Par ailleurs, l’Eta peut se servir des entreprises publiques pour réaliser un certain
contrôle des prix pratiqués sur les marchés et aboutir ainsi à une certaine
stabilisation, bref pour réaliser une certaine politique commerciale.
Titre 5
Contrôle des entreprises publiques.

Le contrôle constitue le moyen le plus puissant dont dispose l’Etat pour


concrétiser sa main mise sur les entreprises publiques. C’est par ce moyen qu’il peut
se servir des entreprises publiques pour réaliser certains objectifs de sa politique
économique, par exemple, en matière des prix. On va étudier les organes et les
procédés de contrôle.

Chapitre 1 : Les organes du contrôle.


Les organes essentiels du contrôle sont le Gouvernement et le Parlement.
Section 1. Le contrôle par le Gouvernement.
Le contrôle du Gouvernement s’exerce par voie de tutelle. Il se présente sous
deux aspects : aspect technique et aspect économique ou financier.
A. La tutelle administrative ou technique.

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La tutelle administrative ou technique est exercée généralement par les ministres.


L’autorité de tutelle détient les pouvoirs les plus étendus sur les décisions des
dirigeants des entreprises, notamment le pouvoir d’autorisation préalable (budget,
bilans, affectations des bénéfices etc.), approbation (prises de participations) et le
pouvoir de veto en ce qui concerne la fixation des tarif par exemple.
Il peut s’exercer aussi sur les éléments des rémunérations, sur le statut ainsi que
le régime de retraite du personnel.
D’une manière générale, il peut s’exercer sur les matières particulières prévues
par les textes organiques des entreprises. C’est la raison pour laquelle l’article 40 de
la loi-cadre de 1978 laisse aux statuts propres de chaque entreprise publique le soin
de déterminer le ou les organes sous la tutelle desquels elle sera placée. L’autorité
de tutelle détient les pouvoirs les plus étendus sur les décisions des dirigeants des
entreprises, notamment le pouvoir d’autorisation préalable (acquisitions, aliénations
immobilières, marchés de travaux et de fourniture d’un montant égal ou supérieur à
un certain chiffre, emprunts à plus d’un an de terme, prises et cessions de
participations financières, établissements d’agences et bureaux), d’approbation
(organisation des services, cadre organique, statut du personnel, barèmes de
rémunérations etc.) et d’opposition (ex : droit de veto en ce qui concerne la fixation
des tarifs) (article 41 de la loi de 1978).
Le contrôle de tutelle est d’autant plus renforcé que la loi de 1978 décide que
l’autorité de tutelle ou son délégué, a le droit d’assister avec voix consultative, aux
réunions du Conseil d’Administration et faire inscrire des points à l’ordre du jour
(article 12 et 42).
Par ailleurs, copies des délibérations du Conseil d’Administration et
éventuellement celles du Comité de gestion doivent lui être adressées. Il peut
s’opposer à leur exécution. En effet, sauf si elle en autorise l’exécution immédiate,
les décisions du Conseil d’Administration et, le cas échéant, celles du Comité de
gestion ne sont exécutoires que cinq jours francs après leur réception par l’autorité
de tutelle.
Pendant ce délai, elle peut donc exercer son droit d’opposition (décision contraire
à la loi, à l’intérêt général ou à l’intérêt particulier de l’entreprise). En effet, notifié par
écrit au Président du Conseil d’Administration ou du Comité de gestion, selon le cas,
la décision d’opposition doit être communiquée, accompagnée d’un rapport au
Président de la République. Celui-ci doit la confirmer dans un délai de 15 jours francs
à dater de la notification à l’organe intéressé, sinon l’opposition est caduque et la
décision devient exécutoire.
D’autres part, et toujours dans le souci d’éviter la paralysie de l’entreprise, le
législateur a prévu la possibilité d’une approbation tacite, car il (le législateur) décide
que l’approbation sera réputée acquise si aucune décision n’est intervenue dans un
délai d’un mois à compter du dépôt d’un acte soumis à approbation (article 43 loi
cadre de 1978).

B. Le contrôle financier.

Il est normalement exercé par le département des finances par l’intermédiaire des
inspecteurs des finances et par les Commissaires aux comptes. Il faut préciser qu’en
matière de contrôle financier des entreprises publiques, ce sont les Commissaires
aux comptes qui jouent le rôle le plus déterminant. D’où nous allons nous arrêter un
peu plus sur les Commissaires aux comptes.
I. Le collège des Commissaires aux comptes.

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Le collège des commissaires aux comptes est le troisième organe des structures
organiques prévues par la loi-cadre de 1978 (article 5). Nous allons étudier la
composition du collège des commissaires aux comptes, le statut des Commissaires
et leurs pouvoirs.
a. Composition.
La loi prévoit, par entreprise, deux commissaires aux compte et quatre au
maximum.
b. Statut des Commissaires aux comptes.
Les Commissaires aux comptes sont nommés par le Président de la République
pour une durée de deux ans, renouvelables, et peuvent être relevés de leurs
fonctions par le Président de la République pour une faute constatée dans
l’exécution de leur mandat (art.26 de la loi de 1978). Leur rémunération est fixée par
le chef de l’Etat sur proposition de l’autorité de tutelle, mais laissée à charge de
l’entreprise.
Le collège des Commissaires aux comptes des entreprises publiques est placé
sous la coordination du Conseil Permanant de la Comptabilité au Congo, en sigle
« C.P.C.C ». Il est constitué des agents du Conseil Permanent de la Comptabilité au
Congo et de l’inspection Générale des Finances (voir article 26 bis, 26 ter ajouté à
l’article 1e de l’O-L n°89/051 du 17 septembre 1989 modifiant et complétant le
chapitre V de la loi de 1978. En ce qui concerne la responsabilité, il convient de se
référer à ce que nous avons dit à propos des administrateurs et des membres du
Comité de Gestion.

C. Pouvoirs.

Le collège des Commissaires aux comptes a les pouvoirs les plus étendus en
matière de contrôle financier des entreprises publiques. Ils bénéficient en effet, seuls
ou en collège, d’un droit illimité de surveillance et de contrôle sur toutes les
opérations de l’entreprise. A cet égard, ils ont mandat de vérifier les livres, la caisse,
le portefeuille et les valeurs de l’entreprise, de contrôler la régularité des inventaires
et des bilans ainsi que l’exactitude des informations données sur les comptes de
l’entreprise dans les rapports du Conseil d’Administration. Ils ont le pouvoir de
prendre connaissance, sans les déplacer, des livres, de la correspondance, des
procès verbaux et généralement de toutes les écritures de l’entreprise.
Si au niveau du contrôle, les commissaires aux comptes peuvent agir parfois seuls,
il leur est cependant interdit de prendre seuls une décision.

II. Des précautions supplémentaires en matière de contrôle et de


gestion.

Dans le but de renforcer le contrôle et de rendre la gestion plus saines, des


précautions supplémentaires ont été prises à l’égard des organes d’administration,
de gestion et de contrôle. En effet, les membres des trois organes de l’entreprise et
leurs délégués éventuels sont considérés comme des mandataires publics et comme
tels ils sont passibles des peines prévues par le Code pénal pour réprimer le
détournement et la concussion.

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Par ailleurs, la loi interdit à l’entreprise de consentir directement ou indirectement


des prêts, sous quelque forme que ce soit aux membres du Conseil d’Administration
et aux personnes qui participent à la gestion journalière de l’entreprise. De même,
l’entreprise ne peut se porter caution en leur faveur (article 32).
Dans le même ordre d’idée, pour éviter des détournements déguisés ou des
opérations louches, il est interdit à quiconque prenant part à la gestion courante
d’exercer des fonctions de gestion au sein d’une entreprise dans laquelle l’entreprise
publique aurait des intérêts, sauf dérogation expresse du Conseil d’Administration
(art.32).
Un administrateur ou un Commissaire aux comptes qui a un intérêt opposé à celui
de l’entreprise dans une opération soumise à l’approbation du Conseil
d’Administration doit aviser celui-ci et faire mentionner cette déclaration au procès-
verbal de la séance. Il ne peut prendre part ni à la délibération ni au vote (Art. 34
al.1).
De même, la loi subordonne à l’autorisation expresse du Conseil d’Administration
ou du Comité de Gestion suivant le cas, toutes opérations, tous mandats
susceptibles d’être traités par l’entreprise publique avec toute autre entreprise dans
laquelle un membre du Conseil d’Administration ou du Comité de gestion possède
directement ou indirectement des intérêts, exerce un mandat ou une fonction
quelconque. Dans cette éventualité, le membre intéressé ne peut prendre part ni à la
délibération, ni au vote, et son abstention doit être actée au procès-verbal.
Toutes ces mesures, pensons-nous, sont destinées à éviter le jeu d’influence et
de pression dans les conclusions des marchés par l’entreprise publique, ou dans
quelconque opération qu’elle serait amenée à effectuer.
Aucun administrateur, aucun membre du Comité de Gestion, aucun Commissaire
aux comptes, leurs délégués ou subdélégués ne peuvent contracter aucune
obligation personnelle relative aux engagements de l’entreprise.
Il faut ajouter, et à titre de rappel, les dispositions de l’article 37 de la loi-cadre qui
interdit aux membres du Conseil d’Administration, du Comité de gestion ainsi qu’aux
Commissaires aux comptes d’employer les fonds de l’entreprise contre l’intérêt de
celle-ci ou enfin, de s’approprier les biens de l’entreprise à quelque titre que ce soit.

Section 2. Contrôle du Parlement.

Le Parlement peut aussi jouer un certain rôle en matière de contrôle, surtout à


l’occasion du vote du budget si celui-ci prévoit des subventions en faveur des
entreprises publiques. C’est ainsi qu’en plus de ses moyens classiques de contrôle
(questions écrites, orales, commissions d’enquête, interpellation), le défunt Conseil
législatif avait institué, par la loi n° 83/011 du 12 janvier 1983, un organisme spécial
de contrôle, dénommé « Commission Parlementaire de Contrôle des Finances et des
biens Publics ».
Aux termes de l’article 3 al.1 de la dite loi, cette Commission disposait d’un
pouvoir général et permanent de contrôle sur la gestion des finances et des biens
publics. Ce contrôle pouvait être à priori, concomitant ou a posteriori (voir les articles
8 et suiv).
Mais, le Parlement dispose actuellement d’un instrument de contrôle permanent,
c’est la Cour des Comptes dont nous allons procéder à une analyse approfondie
compte tenu de l’importance du rôle qu’elle est appelée à jouer en matière de
contrôle.

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Section 3. Contrôle de la Cour des comptes.

La Cour des comptes repose sur deux lois, toutes promulguées en 1987 : l’une sur
son organisation et l’autre relative à la procédure. Et à celles là, il faut ajouter une
autre loi de la même année : celle sur le statut des magistrats de la Cour des
Comptes.
Sans plus tarder, voyons successivement la composition, l’organisation, le
fonctionnement, la compétence, la procédure et le statut des magistrats.

A. Composition.

La Cour des comptes est composée d’un Président, des vice-présidents et des
Conseillers. Les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats. Ils
sont régis par un statut particulier.
Le rôle du Ministère Public est assuré par un Procureur Général, assisté d’un ou
de plusieurs Avocats Généraux.

B. organisation de la Cour des comptes.

I. Structure de la Cour des comptes.


La Cour des comptes est composée de trois sections pouvant être subdivisées en
chambres.
La première section est chargée des comptes et services de l’Etat et des entités
décentralisées.
La deuxième section est chargée des établissements publics comprenant les
entreprises mixtes où l’Etat ou les entités décentralisées détiennent une participation.
La troisième section est chargée des fautes en matière de discipline budgétaire et
financière.

II. Organisation administrative.

La direction générale de la cour des comptes est assurée par le Président de la


Cour, assisté d’un ou plusieurs Vice-présidents et d’un Secrétaire Général. Cette
organisation comprend aussi un certain nombre de directions administratives.
Actuellement, on en compte six.
C. Fonctionnement de la Cour des comptes.
Tout en ne nous attardant pas sur le fonctionnement de la Cour des comptes,
disons un mot sur le rôle du Procureur et les audiences de cette juridiction.
En fait, c’est le Procureur général qui dresse un état des comptables qui doivent
faire parvenir les comptes à la Cour. A cet effet, il doit veiller à ce que les comptes
soient produits dans les délais prescrits, et en cas de retard, il requiert l’application
des amendes prévues par la loi.
C’est lui qui défère à la Cour des comptes les opérations présumées constitutives
de gestion de fait. Il exerce son ministère par voie de conclusion, d’avis ou de
réquisition. Il dispose d’un Secrétariat.
Quant aux audiences, la Cour des comptes se réunit en audience solennelle, soit
toutes sections réunies, soit en chambres, soit en Comité des rapports. Les

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audiences solennelles sont publiques. Elles ont lieu normalement pour l’installation
des magistrats. La Cour siège toutes sections réunies dans les cas suivants :
 Pour examiner et arrêter le compte général de l’Etat ;
 Pour se prononcer sur des questions de procédure ou de
jurisprudence ;
 Pour connaître des affaires qui lui sont déférées directement par
le Président, sur renvoi d’une section, à la requête du Ministère
Public ou sur renvoi après cassation.
Le Comité des rapports est chargé de la préparation et de l’approbation des
rapports prévus par les lois et règlements relatifs à la Cour des comptes.
D. Compétence de la Cour des comptes (art.21).
La Cour des comptes dispose d’un pouvoir général et permanent de contrôle de
gestion des finances et des biens publics ainsi que de ceux de tous les
établissements publics définis à l’article 3 de la présente ordonnance-loi (art.21).
A ce titre, elle est chargé notamment :

 D’examiner le compte général du Trésor ;


 D’examiner les comptes des comptables publics ;
 De contrôler et de vérifier la gestion et les comptes des
Etablissements Publics. En outre, la Cour juge les comptes que
lui rendent les personnes qu’elle a déclarées comptables de fait.
Aux termes de l’article 22 de l’ordonnance-loi n° 87 / 005 de
1987, cette expression désigne « toute personne qui, sans y être
habilitée, par l’autorité compétente :
- Effectue des opérations des recettes, des dépenses,
de détention et de maniement de fonds ou de
valeurs appartenant à l’Etat, aux entités
décentralisées et aux établissements publics ;
- Procède à des opérations portant sur des fonds ou
valeurs n’appartenant pas aux personnes publiques
désignées ci-dessus, mais dont les lois et
règlements chargent les seuls comptables publics ».

 Le comptable de fait est soumis aux même


obligations que le comptable public.

En matière de discipline budgétaire et financière, la loi soumet à la compétence


de la Cour des comptes tous fonctionnaires ou agents de l’Etat et des entités
décentralisées, tous responsables ou agents des établissements publics, auteurs
d’une faute de gestion.
Tous ces justiciables de la Cour de comptes peuvent être condamnés à une
amande qui n’excède pas le double de leur traitement annuel.

Qu’entend-t-on par faute de gestion ?

Par faute de gestion, on entend les faits ci-après :

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 Le non-respect des règles d’engagement des dépenses ;


 L’engagement des dépenses sans en avoir le pouvoir ou reçu
délégation ;
 L’engagement des dépenses sans disponibilité de crédits ;
 La dissimulation de nature à permettre la fausse imputation
d’une dépense ;
 La procuration à soi même ou à autrui d’un avantage non justifié,
sous toute forme entraînant un préjudice pour l’Etat, les entités
décentralisées ou les établissements publics ;
 L’omission, en méconnaissance de la loi financière, de remplir
les obligations qu’elle impose, aux fins d’avantager indument les
contribuables ;
 De façon générale, tout acte contraire aux règles d’exécution des
recettes et des dépenses de l’Etat, des entités décentralisées et
des établissements publics.

La Cour des Comptes vérifie la régularité de versement des recettes dues à l’Etat
ainsi que celle des dépenses.
Elle a le pouvoir de contrôler tout organisme qui n’est pas assujetti aux règles de
la comptabilité publique et qui reçoit un concours financier de l’Etat ou de tout autre
service public.
L’organisme en question tient un compte d’emploi à la disposition de la Cour. Mais,
il faut préciser que, dans ce cas, la vérification se limite au compte d’emploi.
La Cour des comptes surveille le remboursement des sommes dues à l’Etat au
titre des prêts et des garanties d’emprunts.
En matière de marché public, la Cour des Comptes examine la légalité et la
régularité des marchés publics de travaux et de fournitures de biens et services de
l’Etat et des organismes visés par la loi (art.3). A cet effet, il est fait obligation à
l’autorité adjudicatrice ou à l’autorité de tutelle, selon le cas, de transmettre à la Cour
un exemplaire du dossier du marché dans le mois de la signature. Elle surveille
l’annulation des marchés et l’application des pénalités prévues par la loi, lorsqu’il est
établi que les marchés sont contraires à la loi ou portent préjudice à l’Etat.
La Cour des Comptes arrête les sommes à recouvrer à charge des ordonnateurs
délégués, lorsqu’ils ont engagé les crédits en violation de la loi ou lorsque le Trésor
en a subi préjudice.
Elle peut leur infliger une amende qui n’excède pas la moitié de leur traitement et
proposer leur suspension ou leur destitution.
La Cour des comptes apure les comptes des comptables publics et établit par des
arrêts définitifs qu’ils sont quittes ou en débet. Dans le premier cas, elle leur accorde
le quitus de leur gestion, dans le second, elle les condamne à solder leur débit dans
le délai qu’elle prescrit.
Une expédition de l’arrêt est adressée pour exécution au Ministre des Finances s’il
s’agit d’un compte qui intéresse l’Etat, ou à l’autorité de tutelle dans le cas d’un
établissement public. Et la Cour doit être informée de l’exécution.
Chaque trimestre, la Cour des comptes vérifie sur place les pièces justificatives
des recettes et des dépenses effectuées au titre du budget général, des budgets
annexes ainsi que ceux des entités décentralisées.
La Cour des Comptes établit chaque année un rapport sur la gestion des finances
et des biens publics. Ce rapport est adressé au Président de la République et au
Parlement.

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Le projet de loi portant arrêt des comptes pour l’exercice budgétaire écoulé est
accompagné des observations et considérations de la Cour.
Le Président de la République ou le Parlement peut demander à la Cour des
comptes de procéder à tout contrôle de la gestion des finances et des biens publics.
La Cour publie chaque année un rapport public.

E. Procédure devant la Cour des comptes (O.L n° 87 / 031 de 1987).

La procédure devant la Cour des Comptes est à examiner successivement en


matière juridictionnelle, en matière de contrôle budgétaire et de gestion, en matière
de discipline budgétaire et financière.
I. En matière juridictionnelle.

a. Dépôt des comptes.


Tout comptable public doit rendre compte de sa gestion. A cet effet, l’obligation lui
est faite de présenter à la Cour des Comptes son compte appuyé des pièces
justificatives et ce, dans un délai bien déterminé, c'est-à-dire selon l’article 3 de l’O.L
n° 87 / 031, au plus tard le 30 juin de l’année suivant celle à laquelle il se rapporte.
Quant aux pièces justificatives, elles sont adressées chaque trimestre à la Cour
des Comptes et peuvent être accompagnés de toutes observations que le comptable
estime susceptibles d’éclairer la Cour des Comptes.
Le non respect des délais prescrits pour la présentation du compte et des pièces
justificatives ou le refus de le faire expose le comptable à une amende qui ne peut
excéder le double de son traitement mensuel. Il importe de noter que la procédure
d’instruction et de jugement des comptes est écrite et contradictoire.
Pour des enquêtes à caractère technique, la Cour des Comptes peut faire appel à
des experts désignés par le Président.

b. Instruction des comptes.

Une fois que le compte a été produit, le Vice-président désigne un Conseiller-


Rapporteur qui procède à l’instruction. Après examen du compte, le Rapporteur
rédige un rapport appuyé des pièces justificatives. Il y consigne ses propositions
quant à la suite à réserver. Il communique des observations au comptable qui
dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses avis. A l’expiration de ce délai, le
dossier est transmis au Vice-président et au Procureur Général, accompagné, le cas
échéant, des réponses du comptable. Le Vice-président peut soumettre le rapport et
les pièces à un contre-rapporteur.
c. Jugement des comptes.
Le Conseiller-rapporteur est appelé à présenter son rapport devant la section,
suivi, s’il échet, des avis du Contre-rapporteur sur les propositions formulées et des
conclusions du Ministère Public.
La section se prononce à huit clos. Elle ne peut siéger valablement que si quatre
au moins de ses membres sont présents. Les décisions sont prises à la majorité des
voix avec, bien entendu, la prépondérance de celle du Président en cas de partage
des voix.

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Les comptables ne sont pas admis à discuter en séance, en personne ni par


mandataire, les articles de leurs comptes.

d. Forme et effets des arrêts de la Cour des comptes.

La Cour des comptes se prononce soit par des arrêts provisoires, soit par des
arrêts définitifs. Les arrêts provisoires interviennent dans le cas où la Cour constate
des irrégularités, une dépense non ou insuffisamment justifiée, ou une recette non
recouvrée.
Ils ont pour objet d’ordonner au comptable de présenter ses justifications par écrit
ou, à défaut, de reverser les sommes correspondantes dans le délai qu’elle
détermine. Ce délai, qui ne peut pas être inférieur à deux mois, court à dater de la
notification de la décision au comptable. Les arrêts définitifs interviennent lorsque la
Cour ne retient aucune charge à l’endroit du comptable, ou lorsque les réponses
fournies par le comptable ne sont pas satisfaisantes.
En d’autres termes, les arrêts définitifs ont pour objet de déclarer le comptable,
soit quitte, soit en débet. Dans le premier cas, la Cour prononce la décharge
définitive ; dans le second, elle arrête le montant du débet dès la notification et cela,
nonobstant tout recours accordé par la Cour jusqu’à décision définitive sur le recours.

e. Recours contre les arrêts de la Cour.

Les arrêts de la Cour des comptes sont susceptibles de pourvoi en cassation


devant la Cour suprême de justice ou de révision (article 21 à 24).
La cassation est ouverte au comptable ou au Procureur Général près la Cour des
Comptes. En cas de cassation, le compte est renvoyé devant la Cour des comptes
qui doit alors siéger toutes sections réunies.
Quant aux recours en révision, il est ouvert contre les arrêts définitifs, aux
comptables, mais aussi au Procureur Général près la Cour des comptes. Le
comptable peut exercer un recours en révision en cas de découverte d’un fait
nouveau. Il dispose pour cela d’un délai de 10 ans à dater de la notification de l’arrêt.
Le Procureur Général ne dispose que d’un délai de 3 ans pour exercer son
recours en révision. Mais, il convient de noter que la révision peut aussi intervenir
d’office ou sur réquisition du Procureur Général, notamment pour cause d’erreur (par
exemple, condamnation du successeur alors que les faits sont imputables au
prédécesseur), d’omission, faux ou double emploi.
Dans cette hypothèse, la révision a lieu même après expiration du délai lorsqu’il
est établi que le compte a été arrêté sur production des pièces fausses.
Les arrêts de la Cour sont notifiés au Ministère des finances et du Budget ainsi
qu’à l’autorité de tutelle. Lorsque l’intéressé est introuvable, l’arrêt est déposé au
bureau de la Commune du dernier domicile connu ou déclaré, et la notification se fait
alors par voie d’affichage au bureau de la Commune où un avis est affiché pendant
un délai de 3 mois à l’expiration duquel la notification est réputée avoir été faite à
l’intéressé, et avec toutes les conséquences de droit.
Dans le cas où la Cour des comptes relève des faits susceptibles de constituer
des infractions (par ex. du détournement), le Procureur Général en informe le
Procureur Général de la République près la Cour suprême de justice qui saisit, s’il
échet, les Cours et tribunaux compétents.

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f. Pouvoirs de la Cour des Comptes en matière d’investigation.

La Cour des comptes dispose des pouvoirs très larges en matière de contrôle. Elle
organise des contrôles sur place ou sur pièces. Elle a le droit de se faire
communiquer tous documents, pièces, renseignements et éclaircissements qu’elle
voudrait obtenir en ce qui concerne les recettes ou les dépenses de l’Etat et de tous
les organismes soumis à son contrôle.
Elle a accès à tous lieux, peut citer et entendre toutes personnes susceptibles de
l’aider dans l’accomplissement de sa mission. Elle peut correspondre directement
avec les services et établissements publics ainsi que toutes personnes susceptibles
de comptabilité envers l’Etat.
Aucune obligation de secret professionnelle n’est opposable aux magistrats et aux
agents de la Cour à l’occasion de leurs investigations.

II. En matière de gestion de fait.

La gestion de fait est une situation qui peut conduire la Cour des Comptes à
déclarer une personne comptable de fait. Elle est conçue spécialement dans le chef
des autorités politiques et administratives ainsi que des responsables des
établissements publics. Ceux-ci sont tenus de communiquer au Procureur Général
près la Cour des Comptes les gestions de fait qu’ils relèvent dans leurs services et le
Procureur Général saisit la Cour qui, du reste, peut aussi se saisir d’office des
gestions de fait, qu’elle peut découvrir elle-même.
Après examen du dossier, la Cour peut soit déclarer l’absence de gestion de fait
ou retenir la gestion de fait. Dans ce dernier cas, elle enjoint par arrêt provisoire, le
comptable de fait de produire son compte appuyé des pièces justificatives dans le
délai qu’elle prescrit, lequel ne peut excéder deux mois. Si le comptable de fait
satisfait aux injonctions de la Cour dans le délai imparti, la gestion est alors
confirmée par la Cour qui rend un arrêt définitif statuant sur le compte.
Dans le cas où le comptable de fait écrit des réserves sur l’arrêt provisoire, la Cour
examine les moyens invoqués et si elle les rejette, elle renouvelle son injonction au
comptable de fait de produire le compte et les pièces justificatives.
Si la Cour ne reçoit pas de réponse dans le délai imparti, elle statue d’office à titre
définitif.
Lorsqu’une gestion de fait met en cause plusieurs personnes, elles sont déclarées
conjointement et solidairement responsables et sont tenues de produire un compte
unique. La solidarité peut porter sur tout ou une partie de la gestion de fait, suivant la
participation de chacune aux opérations.

III. En matière de contrôle budgétaires et de gestion.

La Cour des comptes examine les pièces justificatives des recettes et des
dépenses effectuées au titre du budget et des budgets annexes de l’Etat et des
entités décentralisées.
Pour lui permettre d’accomplir cette mission, les ordonnateurs délégués sont
tenus de lui faire parvenir :
 Dans le dernier mois de chaque trimestre, les situations des
dépenses engagées revêtues du visa du contrôleur des
dépenses engagées ;

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 Dans le premier semestre de chaque année, et au plus tard le 30


juin, la situation générale des dépenses engagées et
ordonnancées durant l’année précédente, revêtue du visa du
contrôleur des dépenses engagées.
Les autres pièces qui ont servi à la préparation et à la réalisation de l’engagement
et de la liquidation de la dépense sont conservées par les ordonnateurs-délégués et
tenues à la disposition de la Cour des comptes. La Cour des comptes examine ces
situations toutes sections réunies.
Elle se prononce sur la conformité ou non entre les comptes individuels et le
compte général de l’Etat ou des entités décentralisées. La décision de la Cour et ses
annexes accompagnée des observations sur l’exécution de la loi financière, sont
transmises au Président de la République, en même temps que le projet de la loi
portant arrêt du compte général de la République.
Si, au cours de l’examen des comptes de l’Etat et des entités décentralisées, la
Cour des Comptes relève des irrégularités, des lacunes dans la réglementation ou
des insuffisances dans l’organisation administrative et comptable, le Président de la
Cour des comptes les porte, par voie de référé à la connaissance des Ministres
intéressés et leur demande de lui faire connaître des mesures prises pour y remédier.
Les Ministres sont tenus de répondre aux référés dans les deux mois de leur
réception.
La Cour des comptes doit signaler au Président de la République et au Parlement
les référés qui n’ont pas reçu de suite adéquate.
Il faut souligner le fait que le contrôle de la Cour des Comptes ne se limite pas à
l’aspect purement comptable. Elle est appelée aussi à apprécier la qualité de la
gestion et à formuler des suggestions sur les moyens susceptibles d’en améliorer les
méthodes et d’en accroître l’efficacité et le rendement (art.44). C’est dire que le
contrôle porte sur tous les aspects de la gestion. Car, la Cour doit apprécier la
réalisation des objectifs assignés, les moyens utilisés, les coûts des biens et services
produits, les prix pratiqués et les résultats financiers. Le contrôle porte aussi sur la
régularité et la sincérité des comptabilités ainsi que sur la matérialité de leurs
opérations.
Vis-à-vis des établissements publics, la Cour des comptes jouit des mêmes
pouvoirs. En effet, les établissements publics visés à l’article 3 de l’O-L n° 87/05 de
1987, sont tenus de faire parvenir à la Cour, dans le mois de leur adoption par le
Conseil d’Administration ou l’organe en tenant lieu, les documents suivants:

 Le bilan de l’exercice écoulé ainsi que les comptes de production,


d’exploitation et d’affectation des résultats ;
 Le compte « Pertes et Profits » de l’exercice écoulé ;
 Les états détaillés concernant les amortissements, les provisions,
le chiffre d’affaires, les dettes, les créances et les engagements
hors bilan ;
 Les prévisions des dépenses de fonctionnement et
d’investissement de l’exercice en cours ;
 Tous autres documents requis par la Cour des comptes.
De même, la Cour des comptes reçoit les procès-verbaux des Conseils
d’Administration, les rapports des commissaires aux comptes et tous les autres
rapports de contrôle initiés notamment par l’autorité de tutelle.

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A la réception des documents communiqués par l’établissement public, le Vice-


président charge un Conseiller-Rapporteur de les examiner, et l’on suit la même
procédure que celle que nous avons vue à l’égard des comptables publics.
La Cour des Comptes adresse au Président de la République et au Parlement un
rapport annuel sur les établissements publics soumis à son contrôle.

IV. En matière de discipline budgétaire et financière.

En cette matière, la Cour des comptes est saisie d’office, soit par le Procureur
Général ou à l’initiative des autorités politiques et administratives pour les fautes
relevées à charge des personnes placées sous leur autorité, tutelle ou contrôle en
conformité avec les lois et règlements qui les régissent.
La Vice-président désigne un Conseiller-rapporteur pour examiner le dossier et lui
faire un rapport qu’il transmet au Président. Si le rapporteur estime qu’il y a des
charges à retenir, le Président communique ce rapport au Procureur Général pour
ses conclusions dans les 15 jours.
Dans le cas contraire, il peut proposer le classement sans suite au Vice-président
et au Procureur Général. La proposition de classement sans suite est transmise,
avec avis du Vice-président et du Procureur Général, à l’autorité dont dépend la
personne mise en cause ainsi qu’à celle-ci.
En cas des charges retenues, l’intéressé est avisé par lettre recommandée avec
accusé de réception. Il peut prendre connaissance du dossier à la Cour,
personnellement ou par l’entremise d’un mandataire. Il dispose d’un délai d’un mois
pour produire sa réponse à la Cour. Les audiences se déroulent à huis clos.
Enfin, il importe de noter que les fautes de gestion définies à l’article 24 de l’O-L n°
87 / 005 ne peuvent plus être poursuivies à l’expiration d’un délai de 5 ans à compter
du jour où elles ont été commises (article 66 de l’O-L n° 87 / 031).

V. Statut des magistrats de la Cour des comptes (O-L n° 87 / 032


du 22 / 07 / 1987).

Il convient de faire observer, de prime à bord, qu’il ne s’agira pas de l’étude


intégrale de ce statut, mais de quelques uns de ces points que nous considérons
comme saillants, notamment le recrutement, les incompatibilités, les droits et les
devoirs, le régime disciplinaire et la cessation des fonctions.
a. Recrutement et stage.
Pour être nommé magistrat de la Cour des comptes, il faut remplir les conditions
suivantes :

 Etre de nationalité congolaise ;


 Etre âgé de 30 ans au moins ;
 Jouir de la plénitude de ses droits civiques ;
 Jouir d’une parfaite moralité attestée par un extrait de casier
judiciaire ;
 Etre titulaire d’un diplôme de licencié ou de docteur en droit, en
sciences économiques, commerciales ou financières, ou en
science administratives ;
 Posséder une expérience d’au moins dix ans dans l’une des trois
disciplines énumérées ci-dessus ;

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 Et avoir satisfait à un concours de recrutement et être classé en


ordre utile eu égard aux nombre des postes mis en compétition.
Toutefois, les candidats non admis mais qui ont satisfait au concours, sont portés
pendant un délai de deux ans sur une liste de réserves de postes avant
l’organisation d’un nouveau concours.
A ces conditions, deux dérogations sont cependant prévues concernant le titre
académique et le concours. En effet, aux termes des articles 1 et 2 de l’O-L n° 87 /
032, toutes les fois que les circonstances l’exigent, les personnes non détentrices
des diplômes énumérés ci-dessus, pourront être nommés membres de la Cour des
Comptes sur proposition motivée du Président, et pour autant que les disciplines
considérées auront un rapport établi avec les comptes et la gestion des organismes
soumis au contrôle de la Cour des comptes. (Pas de recrutement sur titre).
Tout magistrat nouvellement recruté est soumis à un stage d’un an au moins. Et
sous la direction et la responsabilité des Magistrats de la Cour, les Magistrats
stagiaires participent aux activités de la Cour, sans pouvoir délibérer.
Les membres de la Cour des comptes ont la même préséance que ceux de la
Cour suprême de justice.

b. Incompatibilités.

- Les membres de la Cour des comptes ne peuvent pas être parents ou


alliés entre eux jusqu’au quatrième degré inclusivement ;
- Ils ne peuvent être membres ni du Parlement, ni du gouvernement, ni
des entités décentralisées ;
- Ils ne peuvent occuper un emploi donnant lieu à un traitement ou une
indemnité à charge du Trésor.
- Ils ne peuvent être employés directement ou indirectement dans une
entreprise publique, privée, ou d’économie mixte.

c. Droits et devoirs.
Parmi les devoirs qui incombent aux membres de la Cour des Comptes, on peut
épingler les suivants :

 Servir l’Etat avec fidélité, dévouement, dignité, loyauté et


intégrité ;
 Veiller à la sauvegarde de l’intérêt général et accomplir
personnellement toutes les obligations qui, en raison de ses
fonctions, lui sont imposées par les lois et règlements ;
 Répondre, en toutes circonstances, à l’obligation de réserve,
d’intégrité et de la dignité que requière la nature de leur fonction ;
 S’abstenir d’avoir par lui-même ou par des personnes
interposées et sous quelque dénomination que ce soit, des
intérêts dans un organisme sous lequel s’exerce le contrôle de la
Cour des Compte ;
 Garder le secret des délibérations et des investigations, et
s’interdire de communiquer à quiconque, en dehors des cas
prévus par la loi, ni copies, ni extraits de documents, ni
renseignements concernant les dossiers de la Cour des
Comptes.

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Les membres de la Cour des Comptes ont droit aux traitements, indemnités et
autres avantages déterminés par le Président de la République. Leur rémunération
comprend le traitement, les prestations familiales et tous autres indemnités, primes
ou avantages reconnus par l’O-L fixant leur statut ou autres lois et règlements.
Et au titre de primes, l’article 15 de leur statut précise qu’ils ont droit aux frais de
représentation, à la prime de diplôme et à celle des risques professionnels. En sus
des avantages d’ordre matériel, les membres de la Cour des Comptes ont aussi droit
à la protection contre les menaces, attaques, injures ou diffamations dont ils peuvent
être l’objet, et ce, conformément aux dispositions du Code pénal et des lois spéciales
en vigueur.

d. Régime disciplinaire.

Il y a ici application des règles et des principes généraux du droit public,


notamment l’exclusion du principe nullum crimen sine lege et l’application par contre
du principe nulla poena sine lege et celui de la juridictionnalisation de la procédure,
par l’affirmation du principe du contradictoire.
Ainsi, en application des principes sus invoqués, la faute disciplinaire est
constituée par tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à
l’honneur ou à la dignité de ses fonctions (article 42).
Les sanctions, elles, sont énumérées d’une manière exhaustive et limitative. En
effet, suivant la gravité des faits, le magistrat de la Cour des Comptes peut encourir
des peines suivantes : le blâme, la retenue d’un tiers du traitement pour une durée
ne dépassant pas un mois, la suspension de trois mois au maximum avec privation
de toute rémunération, et enfin la révocation (art.43).
Tout magistrat poursuivi a droit à la communication du dossier et à présenter ses
moyens de défense, seul ou avec l’assistance d’un défenseur.
Le pouvoir disciplinaire est exercé par la Chambre du Conseil, composée du
Président de la Cour, du Procureur Général, des Vice-présidents, d’un Conseiller et
d’un Avocat, suivant un ordre de roulement annuel établi par le Président.
La Chambre du Conseil est saisie soit par le Président de la Cour ou le Procureur
Général qui constate toute faute disciplinaire commise par les Magistrats placés sous
leur autorité.
Il importe de préciser, à titre de rappel, que l’action disciplinaire demeure distincte
de l’action répressive à laquelle peuvent donner lieu les mêmes faits. L’action
disciplinaire se prescrit un an révolu après la commission des faits. Les causes
d’interruption prévues en matière pénale sont applicables mutatis mutandis à l’action
disciplinaire (art.57).

e. Cessation des fonctions.

1) Causes.
La carrière d’un membre de la Cour des comptes peut prendre fin pour plusieurs
causes, notamment la révocation, la démission, le décès et la mise à la retraite.
2) Effets.
Les effets sont tributaires de la manière dont la carrière a pris fin. Ils consistent
dans l’octroi d’un certain nombre d’avantages d’ordre matériel ou d’ordre moral.

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Du point de vue matériel, un membre de la Cour des Comptes qui cesse


définitivement ses fonctions aura droit soit à la pension de retraite, soit à une pension
d’inaptitude, soit à une allocation de fin de carrière.

 La pension de retraite.

La pension de retraite peut intervenir soit par anticipation, soit à la limite d’âge ou
à l’ancienneté.
- La retraite anticipée intervient lorsque le Magistrat a atteint l’âge de 50
ans ou lorsqu’il a accompli une carrière de 20 ans.
- La retraite à la limite d’âge a lieu dans le cas où le Magistrat a atteint
l’âge de 55 ans.
- La retraite par ancienneté intervient lorsque le Magistrat a accompli une
carrière de 30 ans de service ininterrompu.
Dans ces trois hypothèses, la pension de retraite est égale aux deux tiers du
dernier traitement annuel d’activité.

 Pension d’inaptitude.
La pension d’inaptitude intervient lorsque le Magistrat est reconnu définitivement
inapte à continuer ses services ou à les reprendre ultérieurement et cela à condition
que l’inaptitude résulte d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail,
d’une maladie non professionnelle ou d’un accident autre qu’un accident de travail.
Dans les deux premières hypothèses, la pension est accordée, quelle que soit la
durée de la carrière, tandis que dans les deux dernières, elle n’est octroyée que si
l’intéressé compte au moins dix ans de carrière.
La pension d’inaptitude est exclue dans tous les cas où l’inaptitude résulte d’un
risque auquel le Magistrat s’est volontairement exposé ou si elle est imputable au
refus ou à la négligence de l’intéressé de se soumettre à un traitement médical
préventif.
 Allocation de fin de carrière.

L’allocation de fin de carrière est octroyée au Magistrat qui, pour une cause autre
que le décès, la démission d’office ou la révocation, cesse définitivement ses
services après une carrière d’au moins dix ans.
Du point de vue moral, les membres de la Cour des Comptes peuvent bénéficier
de l’éméritat et de l’honorariat.
L’éméritat est accordé à un Magistrat qui a atteint l’âge de 55 ans et qui a
accompli au moins 15 ans d’activités ininterrompues en qualité de Magistrat. Ceci
sous-entend que l’éméritat ne sera pas accordé si par exemple, de ces quinze
années d’activités, deux ont été accomplies dans un autre secteur d’activités, public
ou privé.
En cas de l’éméritat, la pension de retraire est égale au dernier traitement
d’activités qui, le cas échéant, pourra être revalorisé. Ce qui revient à dire que le
magistrat admis à l’éméritat bénéficiera chaque fois de mêmes réajustements des
traitements que les magistrats en activités de service.
L’honorariat est le droit pour un ancien Magistrat de porter après la cessation
définitive de ses fonctions, le titre de son dernier grade au moment où intervient la fin

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de sa carrière, conformément à l’article 67 de l’O-L portant statut des Magistrats de la


Cour des comptes. L’allusion est faite ici à la fin de la carrière due à l’inaptitude.
Toutefois, le Président de la République peut admettre au bénéfice de l’honorariat,
tout ancien Magistrat qui, bien que n’ayant pas atteint une fin de carrière
conformément à l’article 61, aura rendu d’éminents services à la Nation.

Chapitre 2 : Procédés de contrôle.

On peut utiliser plusieurs procédés. En gros, on distingue les techniques de droit


privé et celles de droit public.
Section 1. Technique de droit public.
Avant d’expliciter cette étude, il convient de noter que nous sommes en matière
économique et qu’en cette matière, toute action étatique doit tenir compte de
l’exigence de la souplesse. Cela entraine comme conséquence que tout procédé
imitant fidèlement le contrôle hiérarchique doit être écarté.
Cela précisé, l’on peut expliciter les techniques de contrôle de droit public à
travers le contrôle que l’Etat peut exercer sur les particuliers et sur les
établissements publics industriels et commerciaux.

A. Contrôle sur les particuliers.

Les techniques utilisées ici sont celles qui vont du contrôle exercé sur les
professions organisées en passant par le moyen de l’autorisation conditionnée.
I. Contrôle sur les professions organisées.
Certaines activités exercées par des particuliers sont d’une importance sociale
telle que l’Etat ne peut pas se passer de les assujettir à un certain contrôle. C’est le
cas, par exemple des banques d’affaires.
L’Etat peut exercer son contrôle en nommant un représentant dont la mission
serait précisément d’exercer un contrôle permanant sur l’établissement (ex : BCC).
En vue de rendre cette mission plus efficiente, on peut concevoir que le
représentant de l’Etat soit assisté d’un comité de contrôle composé de lui-même, des
représentants syndicaux et ceux des organismes financiers publics (ex : Banque du
Congo) ou semi-public (ex : SOFIDE). Les documents essentiels doivent lui être
communiqués et il doit disposer d’un droit de veto contre toute mesure qui serait
contraire à l’intérêt national.

II. Contrôle par le moyen de l’autorisation conditionnée.

Certaines entreprises privées peuvent solliciter et obtenir de l’Etat certains


avantages comme par exemple l’utilisation du domaine public. A cette occasion,
l’Etat peut imposer à cette entreprise des limites à son action et s’assurer de leur
respect au moyen de l’autorisation conditionnée.
Par le biais de l’autorisation conditionnée, on établit sur l’entreprise un contrôle
continu. Car, l’autorisation peut être subordonnée à des conditions telles qu’elles
deviennent la source de nombreuses obligations de service public. Ce qui veut dire
que le fonctionnement se fera sous l’autorité de l’administration pour répondre à un

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besoin d’intérêt général. Le contrôle se présente ici à la fois comme un moyen de


vérification a posteriori et une autorisation préalable.

III. Le contrôle de la concession.

Par le contrat de concession, le particulier concessionnaire est souvent appelé à


collaborer à un service public. A ce titre, et dans cette mesure, l’autorité concédante
exerce un certain contrôle sur la personne privée concessionnaire. Ce contrôle revêt
deux aspects :
a. Contrôle financier.
Dans le domaine financier, l’autorité concédante doit veiller à ce que la concession
soit gérée dans les conditions les plus économiques possibles et que le
concessionnaire respecte les obligations financières que lui impose le contrat de
concession.
Sur le plan pratique, l’on peut ainsi prévoir que le concessionnaire soit à tout
moment en mesure de communiquer la comptabilité de la concession à l’autorité
concédante ou à son délégué lorsque la demande en a été faite.
A cette surveillance plus ou moins permanente, l’on peut ajouter le contrôle a
posteriori qui peut être exercé par les inspecteurs des finances. Ces deux contrôles
sont accompagnés d’une direction de la politique de l’entreprise sous forme de la
fixation de tarifs maxima.
Par ce biais, le contrôle s’entremêle avec un certain pouvoir de gestion car
l’autorité concédante décide en faite du prix de revient de l’entreprise
concessionnaire qu’elle contrôle.

b. Contrôle technique.

Il vise la construction et l’exploitation de la concession. Il peut être exercé


généralement par le Ministre des Travaux Publics. Normalement, c’est le
concessionnaire qui doit supporter les frais de contrôle. Dans le cahier des charges,
l’on peut prévoir qu’un compte rendu soit établi « pour faire connaître les résultats
généraux de l’exploitation et faire ressortir notamment que cette exploitation se
poursuit conformément à l’objet principal de la concession ».
Ce contrôle peut ainsi se définir à la fois comme une action de surveillance et
comme un véritable droit de direction « se manifestant au moyen d’injonctions,
d’ordre exécutoires, d’interdictions ».

B. Contrôle sur les établissements publics industriels et


commerciaux.

C’est par le procédé de l’établissement public que l’Etat ou les autres collectivités
publiques assurent ordinairement la gestion d’un service économique.
L’établissement public qui est doté de la personnalité juridique agit dans le domaine
économique en son nom, mais pour le compte de l’Etat ou d’une collectivité
territoriale à laquelle il est rattaché.
L’intervention de l’Etat ou de la collectivité de rattachement reste extérieure, ce qui
signifie que le contrôle se trouve séparé de l’action. En cette matière, le principe
général est que tous les établissements publics restent soumis au contrôle supérieur

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du Gouvernement. L’instrument essentiel de contrôle est la tutelle dont il convient de


dire un mot sur le but et les moyens.

I. Le but de la tutelle.

Le but essentiel de la tutelle exercée sur les établissements publics industriels et


commerciaux est de garantir la bonne exécution de la politique économique de l’Etat.
Elle constitue une arme dont dispose le pouvoir central à l’encontre des entités
décentralisées que constituent ces établissements, dans l’intérêt de l’unité
spécialement économique de l’Etat.
C’est par la tutelle que l’Etat veille à ce que les obligations de « service public » de
l’organisme décentralisé soient bien observées. Il doit veiller ainsi par exemple, à ce
que l’égalité des citoyens devant le service et le principe de la spécialité des
organismes décentralisés soient respectés. D’autre part, l’établissement public
industriel et commercial ayant été créé pour répondre à un besoin d’intérêt général,
la tutelle doit viser à ce que l’intérêt général soit satisfait.
Mais, puisque l’établissement public jouit de l’autonomie, il ne faut pas que la
tutelle constitue un obstacle à l’exercice de cette autonomie. Elle doit, au contraire,
tendre à concilier le contrôle et la liberté. C’est ce qui apparaît dans les moyens
d’action dont elle dispose.

II. Ses moyens.

Considérée comme une technique générale de surveillance d’une unité


décentralisée, cette tutelle administrative est d’une ampleur variable. Elle peut aller
d’une simple vérification a posteriori de certains actes jusqu’à un véritable pouvoir
hiérarchique.
En ce qui concerne les établissements publics industriels et commerciaux, le
contrôle de tutelle se manifeste par le pouvoir de nomination et de révocation du
personnel dirigeant d’une part, par l’autorisation ou l’approbation de certains actes,
d’autre part.
La nomination entraine comme conséquence, le placement du personnel de
direction sous la dépendance de l’autorité de tutelle.
Les pouvoirs reconnus à l’autorité de tutelle sur les actes des dirigeants des
établissements publics sont variables. D’une manière générale, il s’agit d’autorisation
préalable ou d’approbation a posteriori, et l’acte à approuver ne peut entrer en
vigueur qu’après avoir été approuvé. Mais, l’élément essentiel de cette tutelle réside
dans l’opportunité. La tutelle comporte en effet deux aspects de nature et de portée
différente. Elle peut se traduire en un contrôle de la légalité de la mesure prise ou en
une appréciation de l’opportunité de celle-ci.
Les établissements publics traditionnels, c'est-à-dire les établissements
administratifs, sont soumis au contrôle de la légalité tandis que les établissements
publics industriels et commerciaux sont soumis aux deux aspects du contrôle. Mais,
les violations de la légalité étant plus rares dans leurs activités que dans celles des
établissements publics traditionnels, il s’ensuit que le contrôle de l’opportunité
constitue pour eux l’essentiel. Et comme ce contrôle vise surtout la gestion financière,
il va de soi qu’il ne peut être efficace que dans la mesure où l’autorité de tutelle a le
pouvoir d’apprécier l’opportunité des décisions prises par les dirigeants des
entreprises dans ce domaine.

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Sans pouvoir confondre la tutelle et le contrôle de l’opportunité, l’on doit remarquer


néanmoins que cet aspect domine dans la surveillance des établissements publics
industriels et commerciaux, et cela peut entraîner une diminution sensible de
l’indépendance de l’organisme, ce que l’autonomie budgétaire et l’application d’une
comptabilité commerciale ne peuvent suffire à compenser.

Section 2. Techniques de contrôle de droit privé.

La production au moindre coût et le rendement le plus élevé possible, tels sont les
objectifs que poursuit normalement la gestion d’une entreprise. Cette recherche de
l’efficacité, loin d’être l’apanage de la seule entreprise privée, est au contraire
commune à l’entreprise capitaliste à l’entreprise publique ou à l’entreprise national, et
elle n’affecte en rien le mobile théorique de l’activité qui est le profit ici et l’intérêt
général là.
Or, les techniques du droit privé ont précisément pour but au moins supposé,
d’assurer cette efficacité. En conséquence, la surveillance d’une entreprise publique
ou nationale peut s’effectuer dans un cadre de droit privé.

A. Entreprise publique et droit privé.

Le recours aux modes de gestion publique ou aux modes de gestion privée n’est
pas fonction de la recherche plus ou moins grande de l’intérêt général, car dans les
deux cas celui-ci reste l’objectif essentiel. Il n’est donc pas incompatible de faire une
large application des procédés du droit privé aux établissements publics industriels et
commerciaux.
L’Etat peut exproprier les capitalistes, non seulement de leurs entreprises mais
aussi de leurs expériences et de leurs recettes. Il n’est pas interdit que l’Etat se
comporte à l’égard des entreprises publiques comme un actionnaire ou un
propriétaire de droit commun. Au surplus, l’adoption de la gestion privée peut
répondre à la volonté de confier le pouvoir dans l’entreprise à la compétence
technique plutôt qu’à l’Administration. Le statut des sociétés par action passe sans
doute pour être le plus propre à permettre une gestion aussi autonome que possible.

B. Contrôle des sociétés par action.

L’ossature de la société par action est constituée par trois organes : de gestion, de
contrôle et de délibération. Le contrôle est assuré par un corps des contrôleurs
appelés commissaires aux comptes, et par les assemblées générales ordinaires. De
nature essentiellement interne, ce contrôle doit fonctionner dans l’intérêt des
actionnaires.
I. Les commissaires aux comptes.
Les commissaires aux comptes qui constituent l’organe de contrôle sont nommés
par l’assemblée générale des actionnaires pour une durée déterminée. Pour éviter
des collusions entre les contrôleurs et les contrôlés, c'est-à-dire les administrateurs,
des précautions peuvent être prises par le législateur, par exemple en interdisant au
commissaires de devenir administrateurs dans les sociétés qu’ils contrôlaient dans
un délai à compter de la cessation de leurs fonctions de contrôleurs, par exemple un
délai de cinq (5) ou six (6) ans.

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En tant que mandataires de la société, c’est sur leur patrimoine qu’ils répondent
de leurs fautes personnelles. Ils sont placés sous la dépendance complète de
l’organe délibérant (l’Assemblée Générale).
L’activité des commissaires est essentiellement comptable. Ils ont la faculté
d’opérer à tout moment et bénéficient des pouvoirs très larges. Ils vérifient la
comptabilité des administrateurs et se portent garants de son exactitude, mais leur
intervention s’effectue toujours a posteriori. Ce qui laisse aux gérants toute la liberté
d’action et d’initiative, mais dans la limite des impératifs légaux. Comme on le voir, il
n’existe donc pas de confusion entre le contrôle et la direction dont les organes
respectifs sont nettement précisés et dotés de fonctions définies.
Il convient de noter toutefois que tout en se portant essentiellement sur les
résultats financiers, ce contrôle ne se limite pas à cet aspect. Les commissaires
doivent en effet, faire un rapport sur toute convention passée par la société avec un
membre du Conseil d’Administration de celle-ci. C’est au moins autant un contrôle
d’opportunité qu’un contrôle de régularité.

II. L’assemblée générale.

C’est l’organisme supérieur du contrôle. C’est elle qui nomme et révoque les
administrateurs, et ce pouvoir lui confère un droit de surveillance sur leur action.
C’est elle qui doit se prononcer sur leur gestion au vu du rapport rédigé par les
commissaires aux comptes. Après vérification de ce rapport, elle leur accorde le
quitus pour l’exercice écoulé ou, au contraire, les démet de leurs fonctions en cas de
faute.
Section 3. Les sanctions de contrôle.
Il existe ici deux types de sanctions, l’un d’origine légale, l’autre d’origine
économique. Les mécanismes légaux visent à écarter un administrateur indélicat :
celui-ci engage sa responsabilité pénale et civile dans les conditions du droit
commun. Les commissaires aux comptes peuvent prendre l’initiative de le faire
révoquer. Les mécanismes de l’économie libérale fournissent un système de
récompenses et de sanctions qui, à l’inverse des précédents, sont spontanés et sont
commandés par l’idée de profit.
Le marché, dans l’hypothèse théorique de libre concurrence, tend à rapprocher le
prix de revient et le prix de vente. C’est donc une sanction indirecte mais efficace. En
effet, une société bien administrée obtient une prime sous l’aspect des bénéfices
qu’elle retire de ses ventes de biens ou de services, une mauvaise administration du
patrimoine social au contraire, entraîne des pertes pour celui-ci, et éventuellement
pour celui des gérants.
Le contrôle suprême est en définitive assuré par le client ; sa sanction est la faillite.
Mais, c’est une punition qui frappe la victime de la mauvaise gestion plutôt que la
coupable.
L’utilisation des contrôles de droit privé pour surveiller une entreprise publique
permettrait ainsi d’assurer la mise en jeu de la responsabilité personnelle des
administrateurs auxquels appartient la réalité du pouvoir de décision. Mais, elle
suppose un maintien des conditions théoriques du marché capitaliste, sans
lesquelles les sanctions disparaissent.

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