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Cours de Droit de l’entreprise individuelle. Licence 3 Droit privé.

2011-2012
Animateurs : Prof. D. NZOUABETH et Dr. M. GUEYE, Enseignants à la FSJP, UCAD.

INTRODUCTION
L’objet de ce cours porte sur cet agent économique qu’est l’entreprise. Quand on
emploie le terme entreprise, on n’est jamais sûr que l’interlocuteur ou le public auquel
on s’adresse entend le terme de la même manière. Les aspects de l’entreprise sont
tellement nombreux, variés, complexes et importants que chacun tend à privilégier
l’angle de son observation au détriment de la perception d’ensemble.
Il suffit de changer d’interlocuteur pour mesurer l’ampleur des différences de
perception et de vision ; selon qu’on est patron, employé, syndicaliste, expert
comptable, conseiller juge ou banquier le discours sur l’entreprise change. Cette
diversité rend difficile la possibilité d’avoir une perception unique de l’entreprise. En
effet, l’entreprise c’est aussi bien le petit garage de mécanique générale qui n’emploie
que les apprentis que la grosse société de télécommunication qui emploie des centaines
de personnes.
A ce propos, il est nécessaire de considérer l’entreprise comme le point focal du droit
des affaires, car au sein de la société industrielle et urbaine organisée sur le modèle de
l’économie de marché, l’entreprise joue le rôle de cellule socio-économique. C’est la
cellule de base de l’activité économique ; c’est elle qui permet la création et la
circulation des richesses dans nos sociétés contemporaines.
La notion d’entreprise concerne non seulement le droit social, mais aussi le droit
fiscal, le droit administratif et le droit commercial. Quelle que soit la définition
retenue, on a tendance à insister sur le caractère organisé de l’entreprise, ce qui lui
donne une certaine nature institutionnelle.
L’entreprise n’est pas un sujet de droit ; les sujets de droit sont les personnes
physiques et les personnes morales. En conséquence, pour être sujet de droit, une
entreprise considérée comme une structure d’organisation doit être dotée de la
personnalité morale. Or le droit positif (droit en vigueur actuellement) se refuse à
accorder un tel attribut à l’entreprise.
En effet, c’est soit la loi, soit le juge qui, au regard de la réunion d’un certain nombre
de conditions, décident de l’existence de la personnalité morale pour les groupements.
Il s’est élevé une discussion pour savoir si la personnalité morale était une réalité ou
une fiction.
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Si c’est une réalité, sa création ne dépend pas de la loi ; il suffit alors qu’il y ait un
groupement de personnes, un intérêt collectif distinct des intérêts des membres qui
composent ce groupement et un organe capable de représenter ces intérêts.
En revanche, s’il s’agit d’une fiction, seuls entrent en jeu les avantages techniques
reconnus aux sujets de droit, c'est-à-dire la capacité d’agir en justice, de contracter et
d’une manière générale, c’est loi qui crée la personnalité morale.
Les solutions du droit positif ne sont pas tranchées en faveur de l’une ou l’autre thèse
(fiction ou réalité). En effet, au vue de la manière dont la loi attribue la personnalité
morale à certaines institutions ou organisations, on peut considérer que ce n’est pas
l’intérêt collectif qui sert de base à la personnalité morale, mais plutôt la volonté du
législateur.
L’absence de personnalité morale entraîne deux conséquences :
► d’abord la capacité juridique appartient à l’entrepreneur personne physique ou à la
personne morale. Donc l’entreprise n’aura pas de patrimoine propre, ne pourra pas agir
entant que telle en justice. En un mot, n’aura aucun des attributs de la personnalité
morale.
► ensuite, l’entreprise n’a pas la capacité décisionnelle, car le centre autonome de
décision se situe chez l’entrepreneur personne physique ou dans les organes légaux de
gestion (Directeur Général, Conseil d’Administration) qui représente l’Entreprise.
Par exemple, les salariés de l’entreprise sont exclus de cette décision ; ils n’ont aucun
droit à surveiller le fonctionnement de la structure.
Il y a entreprise partout où il y a activité économique organisée, partout où des
personnes travaillent à leurs risques pour fournir à d’autres des produits ou des
services.
La distinction des personnes physiques et des personnes morales fait apparaître
d’abord une distinction entre deux types d’entreprise : celles qui sont exploitées par
une personne physique (entreprise individuelle) et cette qui sont exploitées par une
personne morale ou par une société (entreprise sociétaire), ensuite une distinction qui
recoupe la première car l’entrepreneur a parfois la qualité de commerçant (l’entreprise
est alors commerciale ), mais pas toujours, (l’entreprise est alors civile).
C’est pourquoi, on peut distinguer :
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► les entreprises individuelles civiles ;


► les entreprise individuelles commerciales ;
► les entreprises sociétaires civiles ;
► les entreprises sociétaires commerciales.
Dans le cadre de ce cours, seul l’entreprise individuelle commerciale fera l’objet nos
préoccupations.
Il existe deux critères alternatifs de la commercialité d’une entreprise : l’objet de
l’activité poursuivie, la forme de la société adoptée.
Le premier critère est général, mais est en pratique surtout utilisé à l’égard des
personnes physiques. Le second n’intéresse que les personnes morales.
C’est l’étude du critère général de la commercialité qui retiendra notre attention à
travers l’analyse des règles du droit commercial général applicables à l’entrepreneur
individuel commerçant.
Il n’est pas simple de dire ce qu’est le droit commercial car celui-ci a toujours été et se
trouve encore à la recherche de son identité « c’est un trait caractéristique du droit
commercial que sa difficulté d’être »1.
Le mot "commerce" dans l’expression droit commercial a un sens juridique qui n’est
pas le sens usuel. Pour l’homme de la rue, le commerce entre les hommes veut dire les
rapports entre les hommes (tel homme est de ce commerce agréable). Pour les
économistes, le commerce comprend seulement la circulation et la distribution des
richesses. Il exclut donc la production et, partant l’industrie. Pour les juristes, ce mot
conserve un sens large englobant aussi bien la production des biens et des services que
la distribution. Ainsi l’industriel au sens juridique du terme est considéré comme un
commerçant.
S’il faut en définitive, prendre une définition, contentons-nous en première approche
de supposer que le droit commercial est celui qui régit le monde des échanges
économiques exclusion faite des entreprises agricoles, artisanales et des professions
libérales.

1
Ch. Atias, Hypothèses sur la doctrine en droit commercial, Mélanges Roblot, LGDJ 1984, P.29.

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Ce cours n’a pas pour ambition d’examiner l’ensemble du droit commercial. Il se


propose simplement d’étudier quelques aspects généraux de la matière. Ainsi après un
chapitre préliminaire, notre démarche consistera à étudier les acteurs de la vie de
l’entreprise (TITRE I) et l’exercice de la fonction d’entrepreneur (TITRE II).

Eléments bibliographiques (cherchez toujours l’édition la plus récente)


- Yves Guyon, Droit des affaires, tome 1, éd. Economica.
- Françoise Dekeuwer Défossez, Droit commercial, éd. Montchrestien.
- Ronnald Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, précis Domat, Montchréstien.
- Cl. Champaud, Droit des affaires, Que sais-je ?
- Hilaire, Introduction historique au droit commercial, PUF, coll. « Droit
fondamental ».
- E. Alfandari, Droit des affaires, éd. Litec, 1993.
- Hamel, Lagarde et Jauffret, Traité de droit commercial, tome 1, 1er vol., LGDJ.
- Y. Toé et A. P. Santos, OHADA. Droit commercial général, éd. Juriscope, Bruylant,
Bruxelles, 2002.
- Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, tome 1, LGDJ.

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Chapitre préliminaire : Généralités sur le Droit commercial général


Section 1 : L’émergence du droit commercial
Le droit commercial est intimement lié à l’apparition et au développement de
civilisations marchandes comme l’atteste le célèbre code d’Hammourabi (vers 1700
avant J.C.) issu de la civilisation mésopotamienne où l’ensemble de la société
s’adonnait au commerce.
Dans l’antiquité, la société égyptienne était trop agraire pour créer un droit
commercial. Cependant, l’écriture égyptienne dut se simplifier pour pouvoir être
utilisée dans des transactions commerciales. C’est ainsi que vers 1400 avant J.C. des
marchands Syriens, dans le but de faciliter les opérations commerciales, créèrent une
écriture alphabétique des hiéroglyphes. Ce fait historique témoigne de la nécessité
impérieuse d’instruments pour passer rapidement les transactions et de la tendance de
la vie commerciale à influencer la vie civile.
L’échange marchand ayant connu une renaissance entre le 12ème et le 16ème siècle, des
voyages s’organisaient et il existait entre les villes un perpétuel va-et-vient de
commerçants (les foires) ; ce qui suscita des besoins juridiques spécifiques : la
rapidité et la sécurité.
Paragraphe 1 : La rapidité dans les transactions
« Les bonnes affaires se font dans de brefs délais », c’est-à-dire qu’en affaires, il faut
aller vite. Or les règles de droit civil ne peuvent pas satisfaire cette exigence, car c’est
un droit lourd et conservateur avec une organisation méticuleuse et tatillonne, non
adapté à la circulation des richesses2.
Pour que les transactions soient rapides, il fallait des règles souples dans une sphère de
liberté puisque la liberté est l’élément constitutif de la rapidité. C’est pourquoi après
la Révolution française de 1789 deux textes furent adoptés en France en réaction
contre le système de corporation :
- Le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791, proclamant la liberté de commerce (qui
est devenu un principe général de droit).
- La loi Le Chapelier des 14 et 15 juin 1791, abolissant le système des corporations.

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Le droit civil est le droit des propriétaires terriens, de leurs héritiers et de leurs notaires.

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Ainsi libéré, le monde du commerce et de l’industrie allait pouvoir entrer dans la voie
de l’industrialisation et dans la construction du système économique capitaliste.
Ce souci de rapidité se manifeste aussi à travers certaines règles originales : le droit
civil retient un système de preuve écrite (acte authentique ou sous seing privé) alors
que le principe est celui de la liberté de preuve en matière commerciale3.
Aussi, on ne doit pas trop s’embarrasser du formalisme du droit civil, d’où
l’émergence des contrats commerciaux par téléphone, télécopie et de plus en plus
l’informatisation des signatures…
Autre manifestation de la rapidité du droit commercial est la brièveté des délais les
prescriptions. Celles-ci y sont plus courtes qu’en droit civil (5 ans au lieu de 10 ou 30
ans). De même, la mise en demeure résulte en droit commercial de toute manifestation
de volonté réclamant paiement sans aucune autre forme obligatoire.
Cette rapidité doit s’accompagner de la sécurité des transactions.
Paragraphe 2 : La sécurité des transactions
Les risques que comporte la vie des affaires nécessitent une sécurité particulière pour
ceux qui y participent. La sécurité est nécessaire pour la protection du crédit et des
créanciers. Ainsi le droit commercial est sévère à l’égard du mauvais débiteur.
Egalement et contrairement au droit civil où la solidarité doit être prouvée, elle se
présume en matière commerciale. Effet, lorsqu’il existe plusieurs débiteurs, la
solidarité se présume entre eux, ce qui permet au créancier de poursuivre l’un
quelconque des débiteurs pour réclamer la totalité du paiement de sa créance.
Il existe toute une série de sûretés commerciales (nantissements ou gages sans
dépossession, warrants…). On peut aussi rattacher à la sécurité le particularisme du
contentieux commercial qu’est l’arbitrage.
Le passage de l’échange de proximité (entre ville) à l’échange marchand généralisé
(entre pays) est à la base des règles fondées sur la rapidité et la sécurité et qui
constituent le droit commercial, un droit original. Cette originalité se vérifie lorsque
l’on étudie ses sources.

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V. AUDCG, Art. 5.

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Section 2 : Les sources du droit commercial


Il n’y a pas à revenir ici sur les distinctions à propos de la place respective de la loi, de
la coutume et de la jurisprudence entant que sources de la règle de droit dès lors que
les solutions adoptées en droit civil sont applicables en droit commercial. L’originalité
de ces sources se remarque par la coexistence à côté des sources de droit émanant des
autorités publiques, de véritables sources privées de droit commercial.
Mais en approfondissant l’analyse, on constate la prépondérance accrue des sources
privées qui concurrencent fortement les sources publiques dans la production des
normes et dans les sources publiques elles-mêmes, on constate un déclin de la loi
nationale au profit des lois internationales.
Paragraphe 1 : Le droit émanant des autorités publiques
Ce sont la loi nationale et la loi internationale. Le mot loi a deux significations ; dans
un sens large, ce mot désigne toute règle écrite dont la violation entraîne une sanction
organisée par l’Etat. On parle aussi dans ce cas de loi au sens matériel. Dans un sens
technique, le mot loi désigne le texte qui émane de l’Assemblée Nationale ; on parle
aussi de loi au sens formel. La loi ainsi définie s’oppose aux règlements qui émanent
du pouvoir exécutif.
Lorsque l’on parle de loi en tant que source de doit commercial, on pense à la loi au
sens large. La loi ainsi entendue recouvre plusieurs réalités. Elle désigne d’abord la
constitution et les principes fondamentaux du droit. Ces normes supérieures sont, il est
vrai, exceptionnellement appliquées au droit commercial, mais il arrive qu’on fasse
appel à elles pour trancher certains litiges mettant en cause les libertés fondamentales 4.
A. Le déclin de la loi nationale
En dehors des règles de droit civil, de nombreux textes sont venus enrichir le droit
commercial national. Il serait fastidieux d’en dresser la liste ici.
Les textes à caractère règlementaire d’origine gouvernementale occupent une place
importante en droit commercial, ce qui justifie la descente dans les abysses (abîmes
marin) des sources légales du droit commercial. Ces textes règlementaires sont des "
infra-sources" du droit, de légalité discutable, de nature juridique douteuse, mais

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Par exemple, la liberté de commerce.

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d’autorité certaine, ce qui ne fait que corroborer le recul du parlement en tant que lieu
de formation de la norme juridique.
Les exigences de la construction de l’Afrique ont amplifié et légitimé le mouvement
de recul de la loi nationale au profit de la loi internationale.
B. La prépondérance de la loi internationale
Le droit commercial ne pouvait ignorer la mondialisation des échanges économiques.
Ainsi sur le plan strictement africain, la nécessaire intégration économique en vue de
la construction de grands ensembles régionaux afin de faire face aux difficultés de
tous ordres, a commandé l’élaboration d’un droit africain commun aux pays
appartenant à tel ou tel ensemble5.
a. Le traité de l’UEMOA
Il a été signé le 10 janvier 1994 entre les différents Etats de l’Union Monétaire Ouest
Africaine(UMOA) : Guinée Bissau, Sénégal, Niger, Togo, Mali, Bénin, Burkina Faso,
Côte d’Ivoire. Le traité se fixe dans son préambule l’objectif de favoriser le
développement économique et social des Etats membres grâce à l’harmonisation de
leur législation, l’unification de leur marché intérieur et la mise en œuvre de politique
sectorielle, commune dans les secteurs essentiels de leur économie.
Les organes directeurs mis en place par le traité sont la Commission et le Parlement de
l’Union qui est chargé de participer au processus décisionnel de celle-ci.
Le traité a créée deux juridictions : la Cour des Comptes et la Cour de justice. La Cour
des comptes a pour mission d’assurer le contrôle de l’ensemble des organes de
l’Union. Alors que la Cour de Justice est chargée de veiller au respect du droit quant à
l’interprétation et à l’application du traité.
Les traités dérivés du traité UEMOA sont :
► Le règlement : c’est la principale source dérivée du droit communautaire. L’article
43 UEMOA en donne une définition complète et sans ambiguïté, lui conférant une
nature et une efficacité comparables à celle de la loi dans les systèmes nationaux. Il

5
Union Economique et Monétaire Ouest Africaine(UEMOA), Organisation pour l’Harmonisation du Droit des
affaires en Afrique(OHADA) ou la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique
Centrale(CEMAC).

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dispose : « les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs
éléments et sont directement applicable dans tout Etat membre ».
Appelé à jouer une fonction normative dans le système du traité, le règlement contient
des prescriptions générales et impersonnelles. « Le règlement, de caractère
essentiellement normatif, est applicable non à des destinataires limités, désignés et
identifiables, mais à des catégories envisagées abstraitement et dans leur ensemble »6.
Le règlement a donc un caractère normatif erga omnes.
► La directive communautaire : elle repose sur une répartition des tâches et une
collaboration entre les instances communautaires et les autorités nationales. Aux
termes de l’art. 43 al. 2, « les directives lient tout Etat membre quant aux résultats à
atteindre ». La directive fixe donc des résultats obligatoires pour les Etats, mais leur
laisse une marge de manœuvre quant à la forme et aux moyens de l’instrument de
réception. Les Etats disposent donc d’une certaine liberté dans le choix de l’acte
juridique de transposition de la directive. A ce titre, la directive apparaît comme un
instrument de rapprochement, d’harmonisation des législations à la différence du
règlement qui uniformise le droit.
► La décision : c’est un acte obligatoire en tous ses éléments pour les destinataires
qu’elle désigne. Acte individuel ou collectif, elle n’a pas de portée générale.
Lorsqu’elle est adressée à un particulier (individu, entreprise), elle vise à l’application
des règles du traité à un cas particulier. Elle s’adresse, également, aux Etats membres à
l’égard desquels elle ne produit toutefois pas d’effet direct puisque ces Etats doivent
prendre des mesures d’application, comme pour les directives. Cependant, dans ce cas,
les Etats ne conservent que le choix des formes juridiques de la mise en œuvre dans
l’ordre national.
► Les avis et recommandations : A la différence des autres actes, ils n’ont pas
d’effet contraignant ou décisoire. Elles formulent de simples propositions, sans
pouvoir exprimer des prescriptions. A ce titre, ils ne sont pas, au sens complet du
terme, des sources de droit.

6 CJCE, 14.12.1962, Fédération nationale de la boucherie, aff. jtes. 19-22/62, Rec. 943.
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b. Le traité de l’OHADA
Signé à Port-Louis le 17 Octobre 1993 et révisé au Québec le 17 octobre 2008, c’est
un traité extrêmement important qui intéresse les activités commerciales. Il a pour
objectif principal de favoriser l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats
signataires par l’élaboration des règles communes simples et adaptées à la situation de
leur économie par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées et enfin par
l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels.
La réalisation des objectifs précisés par le traité est assurée par une organisation
supranationale dénommée OHADA comprenant un Conseil des Ministres et une Cour
Commune de Justice et Arbitrage(CCJA).
Le Conseil des Ministres est assisté d’un secrétariat permanent auquel est rattachée
une Ecole Régionale de la Magistrature.
Il ressort des articles 5 à 12 du traité que l’harmonisation du droit des affaires est
préparée par le secrétariat permanent en concertation avec les gouvernements des Etats
signataires qui disposent d’un délai de 90 jours pour faires leurs observations écrites
pour les projets d’actes uniformes qui leur sont soumis. A l’expiration de ce délai, le
projet d’acte uniforme accompagné des observations des gouvernements est transmis
par le secrétariat permanent pour avis à la CCJA. Cette dernière doit donner son avis
dans un délai de 30 jours à compter de la réception du document. A l’expiration de ce
délai, le secrétariat permanent met au point le texte définitif et inscrit sa discussion à
l’ordre du jour du prochain Conseil des Ministres.
Il faut signaler que cette procédure met entre parenthèse les parlements nationaux qui
ne sont même pas représentés au niveau des comités nationaux OHADA, chargés de
procéder à l’analyse des projets d’actes uniformes.
L’adoption des actes uniformes par le Conseil des ministres requiert l’unanimité des
représentants des Etats Parties présents et votants. L’adoption des actes uniformes
n’est valable que si les deux tiers au moins des Etats Parties, sont représentés.
L’internationalisation croissante du droit commercial se fait à travers deux techniques.
La première technique est l’harmonisation qui est l’opération consistant à rapprocher
les systèmes juridiques d’origine différente en cherchant à supprimer leurs différences
et leurs contradictions de façon à atteindre les objectifs communautaires recherchés.
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La seconde technique est l’unification du droit qui consiste à instaurer dans une
matière juridique donnée une législation unique dans laquelle il n’y a aucune place
pour la différence ou des divergences. C’est un procédé brutal et sévère d’intégration
juridique ; elle entame considérablement la souveraineté des Etats.
Organisation d’intégration juridique, l’OHADA utilise un instrument particulier de
législation : l’acte uniforme.
Les actes uniformes sont directement applicables dans les Etats parties. Leur
application ne nécessite aucune intervention législative ou règlementaire nationale. De
même, ils sont obligatoires dans ces Etats et s’imposent contre toute disposition de
droit interne, fût-elle adoptée postérieurement à leur entrée en vigueur. Il en découle
que les Actes uniformes sont supra législatifs. Les Etats parties ont donc consenti à
l’OHADA une délégation qui soustrait aux parlements et aux organes exécutifs
nationaux leurs pouvoirs législatifs et réglementaires dans les domaines concernés.
Mais en vérité, la concession de souveraineté faite dans le cadre de l’OHADA est telle,
qu’en lieu et place d’une harmonisation, on est en présence d’une uniformisation des
législations… d’où les Actes uniformes. L’harmonisation est la « réalisation, dans le
respect de la pluralité des droits étatiques, d’une équivalence des règles nationales, ou
plus précisément d’une équivalence des coûts et avantages socio-économiques ou des
situations juridiques ». Elle consiste donc en un rapprochement des législations
appartenant à des systèmes juridiques différents sur la base d’un socle de normes
communes dont la généralité permet aux Etats concernés d’évoluer dans un cadre
souple. Or, les actes uniformes … unifient les législations. Ils substituent à la diversité
des législations nationales une réglementation unique. L’unification doit être
distinguée de l’uniformisation qui consiste en une « insertion dans des droits nationaux
demeurant distincts la matière concernée et dont la compétence ne subit aucun
retranchement, de règles identiques et non uniques puisqu’elles sont incorporées à
chacun de ses droits »7. De ce fait, ces dispositions conservent chacune leur identité.
La différence se situe dans le fait que le droit uniformisé s’analyse en un droit interne,
un droit national puisqu’il fait l’objet d’une réception par le droit national alors que le
droit unique ne prend pas cette qualification, il demeure un droit communautaire.
7
A. Jeammaud, op. cit., p. 41.
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Ainsi, les règles du droit uniformisé restent distinctes même si elles sont identiques.
Autrement dit, l’uniformisation consiste en une coexistence de règles nationales
identiques.
Dans le cadre de l’OHADA, tel n’est pas le cas. Les actes uniformes ne sont pas reçus
en droit interne. Comme en dispose l’article 10 du Traité, ils sont directement
applicables et obligatoires.
c. Le traité CEMAC
IL a été signé à N’djamena le 16 mars 1994 entre les Etats de l’Union Economique et
Douanière des Etats de l’Afrique Centrale (UDEAC). Ce traité étant particulièrement
bref dans son énoncé, il faut chercher dans l’acte additif et les quatre Conventions qui
le complètent. Il s’agit des conventions portant création de l’Union Monétaire de
l’Afrique centrale, de l’Union Economique de l’Afrique Centrale, de la Cour de Justice
et du parlement communautaire.
A travers ces instruments, les Etats membres de la CEMAC affirment la nécessité de
développer ensemble toutes les ressources humaines et naturelles au service du bien-
être général des peuples. L’article 1er de ce traité définit l’objectif double d’une union
économique et d’une union monétaire.
Les traités dérivés du traité CEMAC sont les règlements, les directives, les décisions et
les avis et recommandations.
Paragraphe 2 : La concurrence des sources privées
L’espace juridique n’est pas occupé seulement par le droit étatique d’autres ordres
viennent compléter l’ordre étatique et on voit dans le monde des affaires, un milieu
favorable à l’apparition d’un ordre juridique spontané. En dehors des sources privées
classiques (coutume et usage), le droit des affaires connaît d’autres sources relevant de
l’ordre juridique privé contemporain et des nouveaux lieux de régulation de
l’économie.
A. Coutumes, usages et pratiques
Ce sont des normes ayant une origine commune : la pratique d’un milieu. On distingue
deux sortes de pratiques :
►Les usages de fait ou conventionnels

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Ce sont des pratiques répétées qui finissent par acquérir un caractère obligatoire. Ils
varient selon les milieux professionnels et ne s’appliquent qui s’il y a acceptation des
parties. Ces usages de fait ou conventionnels reposent sur une présomption de volonté
tacite des cocontractants et ne sont applicables qu’entre professionnels supposés les
connaître. Ils ne sont donc opposables ni aux non-commerçants, ni aux professionnels
d’une autre branche d’activité qui ignorent l’usage en cause. Celui qui invoque un
usage conventionnel doit apporter la preuve de son existence et de son contenu au
moyen d’une attestation délivrée par la chambre de commerce et appelée parère.
►Les usages de droit ou coutume
Ils s’appliquent indépendamment de la volonté des parties, c’est-à-dire que les parties
ne peuvent écarter leur application. Elles n’ont pas à prouver leur existence et leur
contenu, car le juge est sensé les connaître.
Il existe trois différences entre la coutume et l’usage :
▬ alors que la coutume est généralement connue du juge, c’est à celui qui
allègue l’existence d’un usage d’en rapporter la preuve ;
▬ la violation d’une coutume par les juges de fond donne ouverture à cassation
alors que la violation d’un usage conventionnel ne donne pas ouverture à cassation. Ce
qui veut dire que les juges de fond constatent souverainement l’existence d’un usage ;
▬ du point de vue de leur opposabilité, la coutume étant du droit elle est
impérative et les parties ne sauraient y déroger. En revanche, la nature conventionnelle
de l’usage fait que son opposabilité est subordonnée à l’acceptation expresse ou tacite
de celui-ci. Les professionnels qui contractent dans leur branche d’activité sont censés
connaître les usages qui y sont admis. S’ils veulent écarter l’usage, ils peuvent le faire
mais à la condition que ce soit de façon expresse.
B. Les autres sources privées
Des personnes privées élaborent des normes de portée internationale qui s’imposent
aux professionnels du milieu : les codes de conduite. Ces codes de conduite traduisent
la consécration à côté de l’ordre public, d’un ordre privé économique contemporain,
d’un système de contrôle par le milieu lui-même, un auto-contrôle.

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Certains auteurs ont dénoncé le « pouvoir privé » de créer du droit que détiennent ainsi
certains agents économiques8.
A côté de ces codes de conduite, on rencontre des lieux de régulation de l’économie. Il
s’agit des organismes à composition mixte : magistrats professionnels et personnalités
choisies dans la société civile qui font des suggestions et prennent des directives qui ne
peuvent être ignorées par les praticiens du droit commercial 9.
Paragraphe 3 : La jurisprudence
Elle peut être définie comme étant l’ensemble des décisions rendues par les
juridictions sur une question de droit déterminée. Certains auteurs ont soutenu que la
jurisprudence n’est pas une source de la règle de droit. Trois arguments ont été mis en
avant :
▬ D’abord, le principe de la séparation des pouvoirs s’oppose au pouvoir
normatif du juge. Il y a trois (3) pouvoirs : le pouvoir législatif, exécutif et le pouvoir
judiciaire. Le rôle du pouvoir judiciaire n’est pas de créer une norme mais d’appliquer
une norme préalablement établie.
▬ Ensuite, il est interdit au juge de rendre des arrêts de règlement.
▬ Enfin, le caractère relatif de l’autorité de la chose jugée est incompatible
avec le caractère général de la règle de droit.
Malgré la force de ces arguments, on est obligé de considérer que le juge a un pouvoir
normatif. En effet, le juge ne peut pas s’abriter derrière le silence, l’absurdité ou les
lacunes de la loi pour se soustraire à l’obligation de trancher le conflit qui lui est
soumis. S’il le faisait, il commettrait ce qu’on appelle un déni de justice. Dans ces
conditions, le juge est amené parfois à créer la régler de droit dans les hypothèses où
la loi n’a rien prévu. Il faut souligner, par ailleurs qu’il existe une juridiction
supérieure chargée d’unifier l’interprétation de la règle de droit (Cour de cassation ou
Cour Suprême). Les juridictions inférieures ne sont, certes, pas tenues de suivre
l’interprétation de la Haute juridiction, mais dans la pratique, elles suivent cette

8
V. Kahn, Le rôle de la pratique dans la formation du droit, Travaux Capitant, 1983, P. 237.
9
Nous pensons aux Autorités Administratives Indépendantes telles que le Haut conseil de l’audiovisuel, la
Commission de la concurrence, l’Agence de régulation des télécommunications…

14
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interprétation pour ne pas voir leurs décisions censurées. Dès lors, la jurisprudence est
une source de droit même si c’est une source indirecte.
Au-delà de ce problème général, il y a une spécificité de la jurisprudence commerciale.
Cela tient au fait que la plupart des décisions en la matière ne sont pas rendues par les
autorités publiques, mais par des particuliers qu’on appelle des arbitres. L’arbitrage est
très développé en matière commerciale parce qu’il présente deux avantages : la
rapidité et la discrétion.
L’arbitrage présente une particularité par rapport à la justice étatique. Cette
particularité tient au fait que les arbitres tirent leur pouvoir de la volonté des parties. Il
faut en effet une convention d’arbitrage qui peut prendre deux formes : le compromis
et la clause compromissoire.
Le compromis est la convention par laquelle deux personnes qui ont un litige décident
de le soumettre à un arbitre. Pour que le compromis soit valable, il faut un certain
nombre de conditions :
- Les parties doivent avoir le droit de disposer du droit litigieux ;
- elles doivent avoir la capacité d’ester en justice ;
- l’objet du compromis doit être dans le commerce juridique10.
La clause compromissoire quant à elle est la clause par laquelle les parties à un
contrat s’engagent à soumettre à des arbitres les litiges pouvant résulter de l’exécution
de ce contrat. Autrefois et en raison des dangers qu’elle présentait, la clause
compromissoire n’était valable que si elle était insérée dans un acte passé entre les
commerçants. Mais depuis l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sur l’arbitrage, la
clause compromissoire est valable dans les opérations contractuelles quelles soient
civiles ou commerciales.
S’il y a une convention d’arbitrage valable, les juridictions étatiques sont
incompétentes. Mais cette incompétence est relative puisque le juge saisi ne pourra se
déclarer incompétent que si le défendeur soulève une exception d’incompétence in
limine litis, c’est-à-dire avant la conclusion au fond. Si le défendeur commence par
opposer une défense au fond, il ne pourra plus soulever l’exception d’incompétence.

10
Les litiges liés à l’état et à la capacité des personnes ne peuvent être soumis à des arbitres.

15
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Lorsque les arbitres sont saisis, ils doivent respecter les règles de procédure, sauf si les
parties en ont décidé autrement. Ils doivent aussi trancher le litige en appliquant les
règles de droit. Mais les parties peuvent les autoriser à statuer en équité ; on dit dans ce
cas qu’ils ont statué en amiables compositeurs.
La sentence arbitrale11 est dotée de l’autorité de la chose jugée, mais elle n’a pas force
exécutoire ; elle ne peut pas faire l’objet d’une exécution forcée, c’est ce qui constitue
sa faiblesse. Toutefois, la partie qui a gagné peut obtenir du président du tribunal de
grande instance l’ordonnance d’exequatur qui permet de procéder à l’exécution forcée.
Section 3 : Le champ d’application du droit commercial
Pendant longtemps, déterminer le domaine du droit commercial a fait l’objet de
controverse ; on s’est demandé si le droit commercial est le droit des commerçants ou
celui des opérations commerciales.
Une conception objective en fait le droit des actes de commerce, car la loi définit un
certain nombre d’actes auxquels elle donne un caractère commercial. Une conception
subjective du droit commercial en fait le droit des commerçants. Seules les personnes
qui ont cette qualité sont assujetties à ce droit particulier qu’est le droit commercial.
Nous constatons que le droit commercial de l’OHADA a un champ plus étendu à tel
point qu’il devient plus difficile de dresser la liste de ce qui relève du droit
commercial. On assiste à une commercialisation de la vie publique et de la vie civile.
Paragraphe 1 : La commercialisation de la vie publique
L’Etat, représentant de l’intérêt général n’avait aucune raison d’intervenir dans le
domaine de l’activité économique. Mais aujourd’hui, l’Etat et les collectivités
publiques s’insèrent dans les échanges marchands, ils interviennent dans la vie
économique soit en se réservant le monopole de certains activités, soit comme
concurrents du secteur privé. C’est ce qui justifie la soumission des personnes morales
de droit public au droit commercial 12.
Paragraphe 2 : La commercialisation de la vie civile
Il y a toujours eu une division entre le droit civil et le droit commercial, mais le droit
privé contemporain se caractérise par une extension du droit commercial dans le
11
C’est la décision rendue par les arbitres.
12
V. AUDCG et AUDSC-GIE, Art. 1er.

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champ du droit civil. Cette extension est due à l’échec tiré de la définition du droit
commercial et des critères de l’activité commercial.
A. L’échec et l’incertitude des premiers critères
L’article 2 AUDCG définit le commerçant comme celui qui accomplit des actes de
commerce par nature et en fait sa profession. Ceci n’est qu’une reprise de la tradition
issue du code de commerce français. Or dans cette tradition toujours, la nature des
actes de commerce dépend de la qualité de celui qui les effectue 13. Cette définition a
été à la base de la fameuse querelle entre la conception objective et la conception
subjective du droit commercial.
Le compromis fut trouvé selon lequel le droit commercial était aussi bien le droit des
commerçants que celui des actes de commerce. Et Alain PIROVANO dira que le droit
commercial s’applique aux activités commerciales en général qu’elles soient ou non le
fait des commerçants14.
Malgré cela, le problème ne sera pas toujours réglé car on s’interrogera toujours sur la
possibilité de découvrir un critère général de la commerciale.
Pour délimiter le champ d’application du droit commercial trois critères furent
proposés, mais tous se révèleront très tôt incertains. Il s’agit des critères de circulation,
de spéculation et d’entreprise.
B. L’extension du droit commercial aux activités civiles
Par tradition, l’immeuble relève du droit civil. Mais aujourd’hui l’article 3 AUDCG
estime que les opérations immobilières sont des actes de commerce. Même le monde
de nature n’y échappe pas, car l’exploitation des mines, carrières et autres gisements
naturels sont aussi des actes de commerce.
Traditionnellement, l’agriculteur n’est pas un commerçant, mais la modernisation des
techniques agricoles appelle l’application du droit commercial à certaines exploitations
d’élevage, aux transformations de produits agricoles…

13
Ce qui fait tourner dans un cercle vicieux et on peut se demander "qui a fait l’œuf ?", c’est-à-dire entre la
poule et l’œuf qui est l’aîné ?
14
V. A. Pirovano, Introduction critique au droit commercial contemporain, R.T.D.com, 1985, P. 219.

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Section 4 : L’existence et l’essence du droit commercial


Le droit commercial existe-t-il encore ? Deux séries de causes peuvent expliquer la
contestation dont le droit commercial fait l’objet à travers cette question :
- le manque de rupture totale avec le droit civil et l’incertitude des frontières entre les
deux disciplines. En effet, le droit commercial n’est pas autonome par rapport au droit
civil car le droit commercial repose sur le droit des obligations et celui des biens. Et le
droit civil se commercialise à l’envie ;
- la mauvaise adéquation ou l’insuffisance du droit commercial en tant que technique
juridique d’organisation des rapports économiques.
Le droit commercial est dit-on, beaucoup trop étroit pour faire face aux problèmes
juridiques. Trop étroit quant à son domaine d’application dès lors qu’on assiste à une
commercialisation de la vie civile. Trop étroit même quant à la matière régie ; le droit
commercial seul est impuissant à parvenir à l’organisation et la structuration des
rapports économiques.
De ces observations, deux notions sont nées : le droit des affaires et le droit
économique.
Paragraphe 1 : Le droit économique
Il peut être considéré comme un droit dont le centre de gravité est l’entreprise 15. C’est
aussi le droit de l’intervention de l’Etat dans l’économie 16. Cette conception est étroite
parce qu’elle exclut l’entreprise privée.
Le droit économique dans sa conception moderne est la nouvelle branche du droit dont
l’objet est l’étude des rapports nés de la concentration et de l’organisation de
l’économie par les pouvoirs publics ou privés 17. Le droit économique est considéré par
d’autres auteurs comme étant le nouveau droit commun des sociétés néo libérales
reposant sur la reconnaissance des pouvoirs ; c’est le droit du pouvoir18.

15
V. Cl. Champaud, Contribution à la définition du droit économique, D. 1967, chr, 215.
16
V. Jeantet, Aspect du droit économique, Mélanges Hamel, P. 33et s.
17
V. G. Farjat, Droit économique, PUF.
18
V. dans ce sens, A. Sakho, Les groupes de sociétés (contribution à la définition de la notion de pouvoir en
droit privé), thèse d’Etat en droit privé, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 1993.

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Paragraphe 2 : Le droit des affaires


Le droit des affaires est né du souci de regrouper tous les mécanismes d’organisation
de la vie "des affaires" en négligeant les clivages arbitraires entre "affaires" civiles et
"affaires" commerciales. Mais que sont les "affaires" et le "droit des affaires" ?
Les affaires sont « les opérations de toute nature liées à l’exercice d’une activité
industrielle, commerciale ou financière »19. Or ceci correspond exactement à l’étendue
du droit commercial. Pour Yves Guyon, les affaires, sont, non seulement l’argent des
autres, mais aussi le travail ou la peine des autres.
La notion de droit des affaires n’est pas aisée à définir. Et nous dirons à la suite de Elie
Alfandari que le droit des affaires « est une véritable auberge espagnole et chacun y
trouvera ce qu’il y apportera ».
Certes, le droit commercial a un domaine à certains égards irrationnel et le terme
utilisé n’évoque qu’imparfaitement son contenu réel : le droit des affaires peut
englober des problèmes et adopter des solutions qui sont généralement hors du champ
du droit commercial. Ainsi, il accueille les règles pénales, sociales, fiscales, il réalise
la synthèse des approches publicistes et privatistes du droit.
Mais par rapport aux notions plus riches et plus innovantes, le droit commercial a le
mérite d’être tourné vers la pratique et étroitement lié aux commerçants. C’est « la
branche du droit privé qui régit un certain nombre d’activités économiques et de
personnes qui s’y livrent »20.
Le droit commercial est un droit mouvant ; il change parce que le contexte technique
et économique change aussi. Il est efficace économiquement et juridiquement dès lors
que la vie économique est compétition, recherche de synergies et nécessite de façon
permanente une adaptation. Il est enfin ouvert aux influences internationales ; cette
dimension internationale a été mentionnée au niveau des sources (traités, usages
internationaux…).

19
V.G. Cornu, vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 4 ème éd., 1994.
20
V. F. Dekeuwer-Défossez, Droit commercial, Montchréstien, 4ème éd., 1998.

19
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TITRE I : LES ACTEURS DE L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE

Pendant longtemps, et jusqu’au Code de commerce de 1807, le terme commerçant se


rapportait presque uniquement aux personnes physiques. On désignait ainsi le petit
boutiquier de quartier ou le petit industriel21. Cette perception des choses a changé
avec l’avènement de l’économie moderne qui exige de plus en plus de capitaux et
autres moyens qu’une personne physique ne peut toute seule réunir.
Ce sont ces exigences de l’économie moderne qui expliquent en partie l’émergence
des sociétés commerciales dont la puissance économique et financière est parfois
considérable.
Le législateur OHADA, prenant en compte la réalité des économies des Etats membres
caractérisée par l’informel, a organisé un nouveau statut applicable à certains acteurs
de la vie des affaires de son espace, élargissant ainsi la catégorie des personnes
physiques qui participent au même titre que les personnes morales à la vie des affaires.
Ce droit d’exception qu’est le droit commercial n’est apparu que pour répondre aux
exigences du commerce et pour régir les relations qu’entretiennent ceux qui le
pratiquaient. On comprend alors qu’il est nécessaire pour étudier le droit commercial
de découvrir qui sont les commerçants auxquels ce droit est destiné. A côté des
personnes physiques traditionnellement considérées comme commerçantes (chapitre
2), le législateur a adjoint un nouvel acteur dénommé entreprenant (chapitre 1).
Chapitre 1 : L’ENTREPRENANT
Tout laisse à croire que l’entreprenant est inspirée de la loi française du 1er janvier
2009 dite « loi de modernisation de l’économie » (LME) créant ce que la pratique a
appelé l’auto-entrepreneur. Le droit OHADA est allé plus loin dans la reconnaissance
de ce nouvel acteur du monde économique en mettant en place un véritable statut de
professionnel indépendant.
Dans l’encyclopédie de la langue française, « l’entreprenant » signifie agissant,
amorçant, attaquant, audacieux, aventureux, commençant, démarrant, dynamique,
enclenchant, entamant, galant, hardi, intentant, s’engageant, tentant.

21
V. Yves Guyon, Droit des affaires, II, 1, 12ème éd., Economica, 2003, n° 35, p. 35.

20
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En un mot, l’entreprenant est celui qui vient de commencer une initiative : ouverture
d’un fonds de commerce, d’un fonds civil ou artisanal ; bref, une activité économique
de quelque nature que ce soit.
La définition juridique que l’AUDCG nous propose de la notion de l’entreprenant ne
s’écarte pas de cette explication littéraire. En effet, l’article 30 de ce texte dispose:
« l’entreprenant est un entrepreneur individuel, personne physique qui, sur simple
déclaration prévue dans le présent acte uniforme, exerce une activité civile,
commerciale, artisanale ou agricole ».
Le mot « entreprenant » est un substantif autant qu’un adjectif ; il désigne un
professionnel indépendant dont la qualité la plus marquante est celle d’un acteur
dynamique de la vie économique. Sortant du cadre étroit des activités commerciales. Il
est un entrepreneur individuel, personne physique, qui exerce une activité
professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole.
Le développement de la para commercialité, la prise de conscience de la lourdeur des
textes et même de l’impossibilité pour certaines personnes de se soumettre à ces textes
relatifs à l’activité commerciale et le besoin de sortir davantage de l’informel une
catégorie d’acteurs de la vie économique expliquent l’érection du statut de
l’entreprenant qui est un statut intermédiaire entre le statut de commerçant et le statut
de civil. C’est un statut de faveur, souple mais précaire tel que le démontrent les
conditions d’accès ainsi que les effets qui en découlent.
A la lecture des dispositions relatives à l’entreprenant, il apparaît que son statut est
conditionné (section1), mais il est aussi circonscrit (section 2).
Section 1 : Les conditions d’acquisition du statut d’entreprenant
L’entreprenant est une personne qui a expressément opté pour ce statut : la notion
d’entreprenant fait appel à une idée de petit entreprenariat. Toutefois, c’est un statut
particulier qui ne s’applique pas de plein droit à tout petit entrepreneur. Le statut de
l’entreprenant n’est pas un statut contraignant, mais plutôt un statut incitatif. L’acteur
économique qui veut bénéficier des faveurs de ce statut, doit tout simplement en faire
la demande au Tribunal compétent par une simple déclaration de son activité au
RCCM. S’il choisit de ne pas le faire il va demeurer dans le secteur informel,
jusqu’aux seuils fixés par l’article 13 de L’AUOHC.
21
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Le législateur fixe des conditions dont l’une est relative à la personne de l’entreprenant
tandis que l’autre tient aux chiffres d’affaires.
Paragraphe 1 : La condition tenant à la personne
L’entreprenant est un entrepreneur individuel, personne physique : la notion
d’entreprenant suppose ici une personne qui est à ses débuts dans l’exercice d’une
activité économique, ou alors quelqu’un qui a commencé l’activité économique, ou
alors quelqu’un qui a commencé l’activité économique depuis un certain temps, mais
qui n’a pas encore eu la chance de progresser. C’est somme toute, un détaillant ou un
petit prestataire dont l’activité n’a pas encore atteint un certain seuil d’épanouissement.
L’entreprenant, c’est l’acteur économique dont l’activité n’est pas encore
scientifiquement organisée. Il est encore à l’étape rudimentaire. C’est ce qui explique
que le législateur exclut de la notion d’entreprenant, les personnes morales. Celles-ci
supposant un minimum d’organisation, ne sont pas concernées par ce statut.
L’entreprenant, c’est donc un acteur économique qui n’est pas encore organisée ;
mieux encore, qui n’est pas encore connu.
Pour tout dire, c’est jadis celui-là qui était communément appelé « le commerçant
informel » ou l’acteur de la para commercialité.
L’entreprenant n’est pas, forcement, le petit commerçant : bien que le statut de
l’entreprenant soit défini par l’acte uniforme relatif au Droit commercial général,
l’entreprenariat ne se limite pas à l’activité commerciale. L’article 30 précité indique
que l’activité de l’entreprenant peut être de nature civile, commerciale, artisanale ou
agricole. Bref, ce qui est en vue, c’est le critère de profession.
Paragraphe 2 : La condition tenant au chiffre d’affaires
Le chiffre d’affaires de l’entrepreneur ne doit pas aller au-delà du minimal fixé par la
loi comptable pour la tenue d’un système minimal de trésorerie : le statut de
l’entreprenant est une transition et non une fin en soit : la loi n’est tenue de porter
assistance qu’aux faibles. Dès l’instant que l’entreprenant devient capable, il doit
s’assumer et assurer les obligations légales requises d’un professionnel. La preuve de
cette capacité, c’est son chiffre d’affaires. C’est ce que dispose l’article 30 al 2 :
« L’entreprenant conserve son statut si le chiffre d’affaires généré par son activité
pendant deux exercices successifs n’excède pas les seuils dans l’acte uniforme portant
22
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organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises au titre du système


minimal de trésorerie ». Les seuils de ce système minimal de trésorerie sont définis par
l’art 13 al 2 de l’AUOHC comme ci-après en tenant compte de la nature de l’activité :
- 30 000 000 FCFA pour les entreprises de négoce ;
- 20 000 000 FCFA pour les entreprises artisanales ;
- 10 000 000 FCFA pour les entreprises de service.
Section 2 : Les conditions de jouissance du statut de l’entreprenant
L’entreprenant a un statut circonscrit puisque aux termes de la loi, la jouissance de ce
statut est enfermée dans les limites du territoire de chaque Etats membres de
l’OHADA et le maintien de ce statut est subordonné aux résultats de l’activité exercée
par l’entreprenant.
Paragraphe 1 : Limite géographique
Le statut de l’entreprenant s’impose dans tous les Etats parties, ceux-ci ayant
seulement la mission de fixer les mesures incitatives pour l’activité
d’entreprenant, notamment en matière d’imposition fiscale et d’assujettissement
aux charges sociales 22. Il revient donc à chaque Etat de fixer la nature de ces
incitations pour faciliter le développement de ces nouveaux professionnels sans
créer d’excessives distorsions économiques entre les métiers.
Tenu de déclarer son activité au greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle il
exerce cette activité23, il ne peut exercer que dans l’Etat partie dans lequel il s’est
déclaré et non dans un Etat voisin ou dans un autre Etat, qu’il soit ou non partie à
l’OHADA. Il ne peut en effet ouvrir un établissement, à la différence de ce qui est
prévu24 en matière d’immatriculation au RCCM.
Paragraphe 2 : Limite tenant aux résultats
Lorsque, durant deux années consécutives, le chiffre d’affaires de l’entreprenant
excède les limites ainsi fixées, il est tenu, dès le premier jour de l’année suivante et
avant la fin du premier trimestre de cette année de respecter toutes les charges et

22
AUDCG, Art. 30 in fine.
23
AUDCG, Art. 62.
24
AUDCG, Art. 44 et 46.

23
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obligations applicables à l’entrepreneur individuel. Dès lors, il perd sa qualité


d’entreprenant et ne bénéficie plus de la législation spéciale applicable à
l’entreprenant. C’est un statut précaire qui comporte aussi un risque de fraude.
De ce qui précède il ressort que le statut de l’entreprenant est une main-tendue au
entrepreneur de très petite taille pour une meilleure professionnalisation de leurs
activités. Ceci se confirme à travers les effets qui se déduisent de ce statut.

24
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Chapitre 2 : LE COMMERÇANT, PERSONNE PHYSIQUE


L’AUDCG reprend, en la modernisant, la définition classique du commerçant. Il
adapte surtout au contexte socio économique des Etats membres, les conditions
d’accès au commerce, ainsi que les actes de commerce.
L’élaboration du statut du commerçant est sous tendue par l’objectif de sécurisation
des activités économiques.
Section 1 : La définition juridique du commerçant
Aux termes de l’article 2 AUDCG « est commerçant celui qui fait de
l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession ». S’impose alors la
nécessité de définir, non pas de façon générale les actes de commerce, mais plus
précisément les actes de commerce par nature ; tel est l’objet de l’article 3 tandis que
les actes de commerce par la forme sont évoqués à l’article 4. Mais ces actes doivent
être exercés dans le cadre d’une profession et de manière indépendante.
Paragraphe 1 : L’exigence de l’accomplissement d’actes de commerce par nature
L’accès à la profession commerciale est subordonné à l’accomplissement d’actes de
commerce par nature. De fait l’acte de commerce qui sert à définir le commerçant,
requiert aussi une capacité particulière pour produire des effets juridiques. Mais il ne
se distingue pas fondamentalement des actes régis par le droit commun civil. Par
exemple, un contrat conclu par un commerçant sera réputé commercial ou civil, selon
qu’il est lié à l’exercice de l’activité commerciale ou pas. Il importe par conséquent,
au-delà de la définition énumérative légale, de replacer chaque acte du commerçant
dans son contexte, afin de déterminer, s’il relève exclusivement du droit commercial
ou du droit civil, ou s’il s’agit d’un acte de nature mixte.
A. Détermination légale des actes de commerce par nature
L’AUDCG consacre ses articles 3 et 4 à la définition et à l’énumération des actes de
commerce par nature, à travers la distinction entre d’une part, les actes de commerce
par nature et, d’autre part, les actes de commerce par la forme.
Aux termes de l’article 3 l’acte de commerce par nature est celui « par lequel une
personne s’entremet dans la circulation des biens qu’elle produit ou achète ou par
lequel elle fournit des prestations de service avec l’intention d’en tirer un profit
pécuniaire ». Les activités portant sur les biens comme sur les services sont ainsi de
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nature à constituer le fondement de la profession commerciale. L’entrepreneur de


services est un commerçant comme le vendeur de biens corporels. Cette définition
nouvelle autorise ainsi la reconnaissance du contrat d’entreprise par le droit OHADA.
Quoi qu’il en soit, l’activité commerciale se caractérise, aussi bien dans le commerce
des biens que dans celui des services, par la recherche d’un profit pécuniaire. Dans les
deux cas, c’est bien l’intention d’obtenir des profits et non le fait d’en réaliser qui
marque de son empreinte le statut particulier du commerçant.
1. Critère définitoire de l’acte de commerce par nature
De la définition proposée par le législateur OHADA, il ressort un critère général de
l’acte de commerce par nature qui, appliqué à de nouveaux actes permettrait de
qualifier ceux-ci de commerciaux. Les critères suivants ont été proposés :
► Le critère de la circulation
Le commerce consiste dans la transmission et la distribution des richesses. Selon les
auteurs qui mettent en avant les critères de la circulation25, l’acte de commerce c’est
l’acte qui s’interpose entre l’acte de production et l’acte de consommation. L’avantage
de ce critère c’est la simplicité ; il permet d’exclure de la commercialité l’acte même
de production car il n’est pas entré dans le commerce. Il permet également d’exclure
l’acte de consommation finale des biens, car cet acte n’est plus dans le commerce.
Mais ce critère est dépassé aujourd’hui car le secteur de l’exploitation des mines est
commercial. Aussi, il existe des actes de commerce qui échappent au droit commercial
car ils ne sont pas orientés vers le profit. Exemple : la coopérative qui achète des
marchandises pour les revendre au prix coûtant à ses adhérents.
Le critère de la circulation des richesses est donc insuffisant d’où le critère de
spéculation.
► Le critère de spéculation
Le critère de spéculation permet de dire que l’acte de commerce, c’est l’acte fait dans
le but de réaliser des bénéfices. Ce qui est pris en compte, c’est l’intention de la
personne. Même si ce critère traduit parfois la réalité, il faut reconnaître qu’il est
d’application difficile car il n’est pas toujours aisé de rechercher l’intention de la

25
Pour Thaller, Hamel et Lagarde, l’acte de commerce est un acte de circulation.

26
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personne. Aussi, certains actes accomplis dans le but de réaliser les bénéfices ne sont
pas des actes de commerce. Ex : la promotion immobilière entreprise par les sociétés
civiles (SCI), les membres des professions libérales.
► Le critère d’entreprise
L’idée d’entreprise a été avancée et selon elle, l’acte de commerce c’est l’acte
accompli dans le cadre d’une entreprise, car un tel acte suppose une répétition et une
certaine organisation. Ce critère, comme les précédents, n’est pas satisfaisant. En effet,
certains actes sont considérés comme les actes de commerce alors qu’ils ne sont pas
accomplis dans le cadre d’une entreprise Exemple : émission d’une lettre de change. Et
inversement, certains actes sont considérés comme civils alors qu’ils sont accomplis
dans le cadre d’une entreprise Exemple : les entreprises artisanales.
Au total, aucun de ces critères pris isolement n’est satisfaisant pour définir l’acte de
commerce par nature. Chacun d’eux contribue à en expliquer un aspect sans
véritablement le caractériser. Ripert et Roblot faisaient remarquer que « dans la vie
civile moderne, la circulation des biens est devenue active, et l’esprit de spéculation
souffle partout. La société tout entière prend l’esprit commercial »26. Ces auteurs ont
alors proposé de revenir à l’idée selon laquelle, l’acte de commerce par nature est celui
qui est fait dans l’exercice du commerce. C’est donc un acte professionnel.
2. Enumération légale des actes de commerce par nature
La plupart des actes figurant dans la liste légale indicative ont le caractère d’acte de
commerce par nature, c’est-à-dire qu’ils sont réputés comme tels, à raison de leur seul
objet, ou du statut personnel de celui qui les accomplit, et quel que soit le contexte
dans lequel ils sont accomplis.
Ils sont divers, mais malgré cette diversité, on peut les regrouper en 3 catégories :
l’achat pour revendre, les services et les activités industrielles.
► L’achat pour revendre
C’est le premier de la liste légale et c’est aussi le prototype des actes de commerce. Il
faut souligner l’importante innovation introduite par l’AUDCG. Sous l’empire de
l’ancien code de commerce français, seul l’achat pour revendre portant sur les meubles

26
G. Ripert et R. Roblot, Traité de Droit commercial, T. 1, 18 ème éd. L.G.D.J., par Louis Vogel, n° 337-345.

27
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était considéré comme acte de commerce. Avec les nouvelles dispositions, l’achat pour
revendre est un acte de commerce quel que soit l’objet de l’opération. Donc l’achat
pour revendre un immeuble est devenu un acte de commerce 27. L’achat pour revendre
implique 3 éléments :
- L’achat : ce terme désigne toute acquisition à titre onéreux. Cela peut être une
acquisition moyennant le paiement d’un prix, donc un échange. Si la vente n’est pas
précédée d’un achat, on ne peut pas parler d’acte de commerce. C’est pourquoi celui
qui produit pour vendre n’accomplit pas l’acte de commerce. Mais quelques difficultés
subsistent néanmoins surtout dans le secteur agricole et celui des œuvres de l’esprit.
L’activité agricole est traditionnellement de nature civile, tout comme l’est aussi la
production intellectuelle. Mais il est des cas où c’est délicat de maintenir ces activités
dans le champ civil28.
- pour revendre : la revente est le but de l’achat. Les achats non suivis de revente ne
sont pas des actes de commerce. Si le commerçant ne parvient pas à écouler son stock,
cette mévente n’a aucune incidence sur la commercialité de l’achat de ce stock. Si, au
contraire, une personne achète un objet puis, pour une raison quelconque, décide de le
revendre, l’opération n’est pas commerciale.
- L’intention de réaliser le bénéfice : celui qui achète pour revendre sans vouloir
réaliser des bénéfices n’accomplit pas les actes de commerce. Ainsi les coopératives
ou groupements d’achats de consommateurs n’ont pas une activité de nature
commerciale.
► Les services
Certaines opérations qui étaient visées dans l’article 632 du code de commerce
français ne figurent plus dans la liste dressée par l’article 3 AUDCG. C’est le cas des
entreprises de fourniture, des bureaux d’affaires, les entreprises de spectacle public et
les entreprises de vente à l’encan. Il ne faudrait pas en déduire cependant que ces
opérations ont cessé d’être des actes de commerce. L’adverbe notamment qui est
utilisé dans l’article 3 indique que la liste n’est pas limitative.

27
Avec l’AUDCG, l’immeuble a franchi le seuil de la commercialité.
28
V. M. Cozian, Le statut de l’élevage industriel, J.C.P 1971, I, 2381 ; A. Couret, Activités agricoles et
activités commerciales, R.T.D com 1980, P. 277.

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Ceci dit, on peut, en essayant de faire le regroupement, dégager deux types de services
ayant le caractère d’acte de commerce. D’une part, les actes ayant pour objet d’offrir à
la clientèle l’usage temporaire d’un bien 29. D’autre part, les actes ayant pour objet
l’exécution de certaines prestations au profit de la clientèle. C’est le cas des :
- opérations financières telles que les opérations de bourse, de banque, de change et
d’assurance ;
- actes des intermédiaires de commerce (opérations de courtage, de commission
d’agence commerciale) et les opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription,
la vente ou la location d’immeuble, d’actions ou de parts de société commerciales ou
immobilières ;
- prestations de service de caractère matériel tel que les opérations de transport et de
télécommunication.
► Les activités industrielles
L’article 3 AUDCG vise les opérations de manufacture. Il faut entendre par là, les
activités industrielles. De telles activités ont le caractère d’acte de commerce même si
elles ont pour objet l’exploitation des mines, carrières et gisements des ressources
naturelles.
B. Les actes de commerce par accessoire
Les actes de commerce par accessoire ou en vertu de la théorie de l’accessoire sont des
actes juridiques dont l’objet n’est pas commercial, mais qui sont accomplis par un
commerçant à l’occasion, ou pour les besoin de son commerce. C’est l’attraction dans
le domaine du droit commercial des actes civils accomplis par le commerçant. Tous les
actes accomplis par un commerçant pour les besoins de son commerce sont considérés
comme les actes de commerce par nature : c’est l’application du principe général selon
lequel l’accessoire suit le principal. Lequel principe a été décrit pat Thaller dans une
formule célèbre : « la commercialité part de l’acte, frappe la personne, puis en vertu
d’un choc en retour, elle retombe sur les actes afin d’en saisir un plus grand
nombre ».

29
Par exemple la location de bien meuble.

29
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Pour l’application de cette théorie, il faut deux conditions; l’auteur de l’acte doit être
commerçant et cet acte doit être en relation avec son commerce.
1. Conditions liées à la qualité de l’auteur de l’acte
Pour qu’un acte civil soit considéré comme un acte de commerce par nature par
application de la théorie de l’accessoire, il faut que celui qui l’accomplit ait la qualité
de commerçant. Autrement dit, il n’est pas nécessaire que toutes les parties à l’acte
soient commerçantes, l’acte pouvant être mixte. Il suffit donc que l’une d’elles soit
commerçante pour que l’acte soit commercial à son égard. Ceci ne pose pas de
problèmes pour les personnes physiques puisque la qualité de commerçant s’apprécie
selon les critères du droit commun, c’est-à-dire accomplissement d’actes de commerce
et l’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM).
Pour les personnes morales et notamment les sociétés commerciales, la situation est un
peu complexe car il faut faire une distinction :
─ il y a des sociétés qui sont commerciales par leur objet, les actes accomplis par de
telles sociétés sont des actes de commerce. En effet, l’activité principale étant
commerciale, les actes accomplis accessoirement à cette activité deviennent les actes
de commerce par nature.
─ il y a aussi les sociétés qui sont commerciales pour leur forme ; de telles sociétés
peuvent avoir une activité civile. Exemple : S.A.R.L (forme commerciale) qui a pour
objet la location d’immeuble (objet civil). La question est de savoir est ce qu’il faut
faire prévaloir la forme ? Dans ce cas, les actes accomplis sont des actes de commerce
par accessoire ou alors faut-il faire prévaloir le fond, c’est-à-dire la nature civile ?
Dans ce cas les actes accomplis sont des actes civils30.
Aux termes de l’Article 3 AUDCG les actes effectués par les sociétés commerciales
sont des actes de commerce par nature31. La loi ne distingue pas selon qu’il s’agit de
sociétés à forme commerciale ou de sociétés à objet commercial. Ce qui veut dire que

30
V. W. Jeandidier, L’imparfaite commercialité des sociétés d’objet civil et à forme commerciale, D. 1979, chr.,
p. 7 ; A Dekeuwer, Le problème des rapports entre la forme et l’objet des sociétés, J.C.P. éd. CI, 1977, II, 12392.
31
L’AUDCG prend ainsi position ici dans une vieille controverse doctrinale, en considérant comme acte de
commerce par nature, les actes des sociétés commerciales.

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la forme prime sur le fond. Ainsi, les conventions passées entre une société anonyme
d’expertise comptable sont considérées comme étant commerciales 32.
2. Conditions relatives au but de l’acte
L’acte civil par nature ne devient acte de commerce par application de la théorie de
l’accessoire que s’il est accompli par un commerçant pour les besoins de son
commerce. La question qui se pose c’est de savoir comment déterminer l’acte
accompli pour les besoins de son commerce? En réponse à cette question, la
jurisprudence a établi une présomption. Elle considère en effet que l’acte accompli par
un commerçant est présumé avoir été accompli pour les besoins du commerce. Cette
présomption est simple pour les personnes physiques et elle est irréfragable lorsqu’il
s’agit des personnes morales.
La théorie de l’accessoire peut se combiner avec celle de l’anticipation et jouer en
faveur du futur commerçant. On peut considérer comme acte de commerce par
anticipation des actes conclus par une personne qui n’est pas encore commerçante,
mais qui se prépare à le devenir. Par exemple, l’achat d’un fonds de commerce a pu
être considéré par anticipation comme un acte de commerce accomplit par un futur
commerçant pour les besoins de son futur commerce 33.
C. Les actes mixtes
L’acte mixte est celui qui est conclu entre un commerçant et une personne non
commerçante. Il a par conséquent le caractère d’acte de commerce par nature pour le
commerçant, mais demeure un acte civil pour son cocontractant. Ainsi par exemple, la
vente au détail est commerciale pour le vendeur et régie par les dispositions du droit
civil pour le consommateur qui achète. La question fondamentale que soulèvent les
actes mixtes est relative à la détermination de leur régime juridique. La solution
jurisprudentielle est fondée sur le principe de la distributivité.
D. Les actes de commerce par la forme
1. La Lettre de change, le billet à ordre et le warrant
Pendant longtemps, seule la lettre de change était considérée parmi les effets de
commerce comme un acte de commerce par la forme. La lettre de change est
32
V. Com. 18 fév. 1975, RTDCom 1975, p. 466, obs. Jauffret et 1976, p. 124, obs. Houin.
33
V. Com. 19 juin 1972, JCP 1973, II, 17356, note Calais-Auloy.

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considérée comme un acte de commerce par la forme pour les considérations


historiques. Cet effet de commerce était un titre permettant de constater un contrat de
change qui n’était pratiqué que par des commerçants.
Avec l’entrée en vigueur de l’AUDCG, la liste des actes de commerce par la forme
s’est allongée. Selon l’article 4 AUDCG « ont notamment le caractère d’actes de
commerce par leur forme, la lettre de change, le billet à ordre et le warrant ».
La lettre de change est le titre par lequel une personne appelée tireur donne un ordre à
une autre personne appelée tiré de payer à une troisième personne appelée bénéficiaire
ou à son ordre, une somme d’argent déterminée à une échéance déterminée.
Le billet à ordre est le titre par lequel une personne appelée souscripteur s’engage à
payer à une échéance déterminée, une somme d’argent déterminée à une personne
appelée bénéficiaire.
Le warrant est un dérivé du billet à ordre qui permet de constituer et de transmettre un
gage garantissant l’engagement du souscripteur.
L’article 4 AUDCG ne vise pas le chèque ; on doit déduire de ce silence observé à
propos du chèque que c’est un instrument de paiement qui n’est pas l’acte de
commerce par la forme. Le caractère civil ou commercial du chèque dépend donc de la
qualité de celui qui l’a émis.
2. Les sociétés commerciales par la forme
Certaines sociétés sont considérées comme des sociétés commerciales en raison de
leur seule forme indépendamment de leurs activités. C’est ce qui résulte de l’article 6,
al. 2 AUDSC.
Paragraphe 2 : L’accomplissement d’acte de commerce à titre de profession
Lorsqu’une personne accomplit des actes de commerce isolés, elle n’acquiert pas de ce
fait la qualité de commerçant 34. L’acquisition de cette qualité suppose l’exercice du
commerce à titre professionnel.
La profession peut être définie comme étant l’activité habituellement exercée par une
personne pour se procurer les ressources nécessaires à son existence35. Il doit s’agir
d’une « occupation sérieuse de nature à produire des bénéfices et à subvenir aux
34
V. Com. 2 oct 1985, J.C.P. 1985. IV, p. 352.
35
V. Y. Guyon, Droit des affaires, T. 1, Paris, Economica, 12ème éd., n° 74.

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besoins de l’existence »36 . Cependant, il existe des habitudes non professionnelles qui
ne sont pas du domaine du droit commercial. Ainsi, la personne qui accomplit des
actes de commerce de façon répétée n’acquiert pas la qualité de commerçant dès lors
que l’accomplissement des actes ne lui procure pas de revenus. Par exemple
l’accomplissement d’acte de commerce par la forme ne confère pas la qualité de
commerçant même s’il y a répétition. Il a été jugé par exemple qu’un bailleur qui tire
des lettres de change pour percevoir ses loyers n’a pas la qualité de commerçant. Ce
qui permet à ce bailleur de vivre, ce sont les loyers perçus et non l’émission de lettres
de change. Cet acte n’est qu’un moyen de percevoir les loyers.
L’activité commerciale doit aussi être réelle, et pas seulement formelle. Il ne suffit pas
de se déclarer commerçant ou d’accomplir certaines obligations statutaires des
commerçants, telles que le paiement de la patente, ou l’immatriculation au RCCM37,
pour être considéré comme tel.
L’accomplissement d’acte de commerce doit être fait à titre principal. Cela ne veut pas
dire que la profession commerciale doit être exclusive. On peut en effet exercer à la
fois une profession commerciale et une profession civile, on est alors commerçant
parce que l’une des professions est commerciale38. C’est ce qu’on appelle la pluri-
activité.
Parfois, cette pluri-activité est contraire à la loi. Ainsi, le notaire qui exerce aussi le
commerce de banque se verra appliquer à titre de sanction certaines règles du droit
commercial, par exemple la faillite qui est propre aux commerçants 39. L’exercice
simultané de ces deux professions ne doit pas être confondu avec l’exercice à titre
principal d’une profession et l’accomplissement accessoire d’actes relevant
normalement d’une autre profession. Ainsi, lorsque l’intéressé exerce à titre principal
une profession commerciale, il est commerçant même s’il accomplit accessoirement
les actes civils. Ces actes civils deviennent des actes de commerce par application de

36
V. C.A. Paris, 30 avril 1906, Jeannequin c/Vve Creusillat, DP 1907, somm., p. 9.
37
L’article 59, al. 1 AUDCG fait découler une présomption de la qualité de commerçant de l’immatriculation au
RCCM. Mais cette présomption peut être écartée par la preuve contraire.
38
V. Pousson Petit, Pluri activité et activité mixte en quête de statut, R.T.D. Com 1984, P.15.
39
V Com.2.fév.1970, N. c/ Dame D. 1970, 430 ; JCP, G. 1970, II, 16313, obs. J.A.

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la théorie de l’accessoire s’ils ont été accomplis par cette personne pour les besoins de
son commerce.
A contrario lorsque l’intéressé exerce à titre principal un acte civil, il reste un civil
même s’il a accompli accessoirement les actes de commerce 40. Exemple un artisan qui
est amené à acheter les matières premières pour revendre accomplit des actes civils
sauf s’il dépasse le besoin de la profession. C’est encore le cas du médecin,
propriétaire d’une clinique, qui fait payer aux patients internés, des frais
d’hébergement et de restauration, ou encore d’un établissement scolaire avec un
internat payant. Ces activités commerciales sont simplement considérées dans ce cas
comme des supports nécessaires à l’activité principale du médecin ou de
l’établissement d’enseignement.
Paragraphe 3 : L’accomplissement d’acte de commerce de façon indépendante et
personnelle
Même si le législateur ne le dit pas expressément on considère toujours que la qualité
de commerçant suppose une certaine indépendance. Celui qui accomplit des actes de
commerce pour le compte d’autrui n’est pas commerçant. C’est pourquoi les
auxiliaires des commerçants qui ne justifient pas de cette indépendance n’ont pas la
qualité de commerçant alors que les intermédiaires indépendants ont la qualité de
commerçant.
A. Les auxiliaires non commerçants
Ceux qui accomplissent des actes de commerce pour le compte d’autrui n’ont pas la
qualité de commerçant. Cela s’explique par le fait qu’ils ne sont pas indépendants.
C’est le cas des salariés qui accomplissent des actes de commerce pour leur
employeur. Cela permet d’écarter la qualité de commerçant des gérants succursalistes
(gérants de magasins) soit parce qu’ils sont salariés, soit parce qu’ils sont mandataires
de leur entreprise et qu’ils exercent le commerce au nom et pour le compte de celle-ci
sans en courir les risques. C’est aussi le cas des organes sociaux, qui agissent pour le
compte de la société qu’ils représentent. Il en résulte que si la société est bien
commerçante, ceux-ci ne le deviennent pas.
40
V. Com. 4 oct. 1994, Cts Navant c/ Epx Celle, D. 1995, p. 456, note V. Barabé-Bouchard ; Com., 30 janv.
1996, Jollin c/ Proc. gén., JCP, E, 1997.

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L’idée d’indépendance permet de faire la distinction entre les Voyageurs


Représentants Placiers (V.R.P.) qui ne sont pas des commerçants et les autres
intermédiaires qui le sont. Les Voyageurs Représentants Placiers peuvent être définis
comme les intermédiaires chargés de préparer et de conclure des opérations
commerciales pour le compte d’un ou plusieurs commerçants en vertu d’un lien
permanent sans s’engager personnellement. Bien qu’en situation de subordination, ils
disposent d’une grande autonomie dans l’organisation de leur travail. Ils perçoivent
une rémunération.
B. Les intermédiaires de commerce
L’AUDCG contient un certain nombre de disposition applicables aux intermédiaires
de commerce définis comme étant ceux qui ont le pouvoir d’agir ou qui entendent agir
habituellement ou professionnellement pour le compte d’une autre personne,
commerçante ou non, afin de conclure avec un tiers un acte juridique à caractère
commercial41.
Trois types d’intermédiaires sont visés par l’AUDCG : les commissionnaires, les
agents commerciaux et les courtiers. Ces intermédiaires sont soumis à deux types de
règles : les règles communes et les règles propres.
1. Les règles communes aux intermédiaires
Elles sont fixées par les articles 169 à 191 AUDCG et concernent les statuts des
intermédiaires, l’étendue de leur pouvoir, la nature et les effets des actes accomplis et
la fin de leur mandat.
Les intermédiaires sont tous commerçants ; ils doivent à ce titre remplir les conditions
prévues par les articles. 6 à 12 AUDCG, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir la capacité
d’exercice, ne doivent pas être frappés d’interdiction ou de déchéance, ni exercer une
profession incompatible. Des conditions particulières à chaque catégorie
d’intermédiaire de commerce peuvent, en outre, compléter les exigences communes à
tous les intermédiaires.
Ils sont des mandataires, ce qui explique l’application des règles du mandat dans leur
relations avec les représentés et les tiers. Ils tirent leur pouvoir du mandat qui peut être

41
AUDCG, Art. 169.

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écrit ou verbal. En l’absence d’écrit, le mandat peut être prouvé par tous moyens y
compris le témoignage.
En ce qui concerne l’étendue des pouvoirs, elle est fixée en l’absence des stipulations
contractuelles par la nature de l’affaire. D’après l’article 178 AUDCG, les
intermédiaires peuvent accomplir tous les actes nécessaires pour l’exécution du
mandat. Toutefois, l’intermédiaire ne peut, sans un pouvoir spécial, engager une
procédure judiciaire, transiger, compromettre, souscrire des engagements de change,
aliéner ou grever des immeubles, ni faire des donations.
Les effets des actes accomplis par les intermédiaires s’analysent à partir de trois
situations :
- l’intermédiaire a agi pour le compte du représenté dans la limite de ses pouvoirs
et dans des conditions telles que les tiers connaissaient ou devraient connaître sa
qualité d’intermédiaire. Dans ce cas, ses actes lient directement le représenté et le tiers
à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’intermédiaire a entendu
s’engager personnellement42 ;
- l’intermédiaire a agi pour le compte du représenté dans les limites de ses
pouvoirs, mais le tiers ne connaissait pas ou n’était pas censé connaître sa qualité
d’intermédiaire. Dans ce cas, c’est l’intermédiaire qui est personnellement engagé 43 ;
- l’intermédiaire a agi sans pouvoir ou a excédé ses pouvoirs. Dans ce cas, ses
actes ne lient ni le représenté, ni le tiers. Il n’en serait autrement que si le
comportement du représenté conduit le tiers à croire raisonnablement et de bonne foi
que l’intermédiaire a le pouvoir d’agir pour le compte du représenté. Dans cette
dernière hypothèse, le représenté ne peut se prévaloir à l’égard du tiers du défaut de
pouvoir de l’intermédiaire 44. Lorsqu’il agit sans pouvoir ou en dehors de ses pouvoirs,
l’intermédiaire est tenu d’indemniser le tiers afin de rétablir celui-ci dans la situation
qui aurait été la sienne si l’acte avait été conclu avec les pouvoirs nécessaires 45.

42
AUDCG, Art. 180.
43
AUDCG, Art. 181.
44
AUDCG, Art. 183.
45
AUDCG, Art. 185.

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Le représenté peut cependant ratifier l’acte accompli par l’intermédiaire qui a agi sans
pouvoir ou qui a excédé ses pouvoirs. En cas de ratification, l’acte ratifié produit les
mêmes effets que s’il avait été accompli en vertu d’un pouvoir. Le contrat fait naître
les obligations à la charge du représenté et de l’intermédiaire46.
Le représenté doit rembourser à l’intermédiaire en principal et intérêts, les avances et
frais que celui-ci a engagés pour l’exécution régulière du mandat. Il doit le libérer des
obligations contractées47.
Les causes de cessation du mandat sont visées par les articles 188 et 189 AUDCG.
Elles sont les suivantes :
- l’accord entre le représenté et l’intermédiaire ;
- l’exécution complète de l’opération pour laquelle le pouvoir a été conféré ;
- la révocation de l’intermédiaire par le représenté ;
- la renonciation par l’intermédiaire de son mandat ;
- le décès de l’une des parties ;
- la survenance d’une incapacité chez l’une des parties ;
- l’ouverture des procédures collectives de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens contre l’une des parties.
2. Les règles propres à chaque intermédiaire
► Le commissionnaire
Les règles sont fixées par les articles 192 et 207 AUDCG. Selon l’article 192 AUDCG,
le commissionnaire est un professionnel qui se charge de conclure en son propre nom,
mais pour le compte du commettant, tout acte juridique48 moyennant une commission.
Le contrat fait naître des obligations à la charge du commissionnaire. Il doit exécuter,
conformément aux directives du commettant, les opérations faisant l’objet du contrat.
Il doit agir loyalement pour le compte du commettant. Il ne peut, notamment, acheter
pour son propre compte, les marchandises qu’il est chargé de vendre, ni vendre ses
propres marchandises au commettant. Il doit donner au commettant tous
renseignements utiles relatifs à l’opération. Il doit sauvegarder les droits et recours

46
AUDCG, Art. 184.
47
AUDCG, Art. 186.
48
Il peut s’agir d’une location, d’un prêt, d’une vente ou d’un achat.

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contre le transporteur lorsque les marchandises expédiées pour être vendues se


trouvent dans un état manifestement défectueux. Il doit vendre au prix fixé par le
contrat ; s’il vend à un prix inférieur, il est tenu de la différence envers le commettant,
sauf s’il prouve qu’en vendant, il a préservé le commettant d’un dommage, et que les
circonstances ne lui ont pas permis de prendre ses ordres.
Par ailleurs, le commissionnaire qui achète à plus bas prix, ou qui vend plus cher que
ne le portaient les ordres du commettant, ne peut bénéficier de la différence49.
Le contrat fait naître également des obligations à la charge du commettant. Celui-ci
doit payer une rémunération ou commission. Cette commission est due lorsque le
mandat est exécuté et ceci quelque soit le résultat de l’opération. Il doit rembourser les
frais et débours normaux exposés par le commissionnaire à condition qu’ils soient
nécessaires.
Le droit à la commission est perdue si le commissionnaire a commis des actes de
mauvaise foi envers le commettant, notamment s’il a indiqué à ce dernier un prix
supérieur à celui de l’achat ou inférieur à celui de la vente.
► Les courtiers
Leur statut est fixé par les articles 208 à 215 AUDCG. Selon l’article 208, le courtier
est celui qui fait habituellement profession de mettre en rapport les personnes en vue
de faciliter ou de faire aboutir la conclusion de conventions, opération ou transaction.
Les obligations du courtier sont fixées par les articles 209 à 211. Il doit demeurer
indépendant à l’égard des parties et doit s’abstenir d’intervenir personnellement dans
une transaction sans l’accord des parties. Il doit faire tout ce qui est utile pour
permettre la conclusion du contrat, en donnant aux parties tout renseignement utile à
leur consentement libre et éclairé.
Les droits du courtier sont organisés par les articles 212 à 215. Ainsi le courtier a droit
à une rémunération constituée par le pourcentage sur le montant de l’opération. Cette
rémunération est supportée par le donneur d’ordre. Si c’est le vendeur qui est donneur
d’ordre, la rémunération ne peut être supportée même partiellement par l’acheteur.
Elle vient en déduction du prix normal encaissé par le vendeur.

49
AUDCG, Art. 200.

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Si c’est l’acquéreur qui est donneur d’ordre, la rémunération lui incombe, en plus du
prix payé au vendeur.
Si les deux parties sont donneuses d’ordre, le pourcentage correspondant à la
commission due au courtier est fixé e réparti entre elles par accord commun avec lui.
La rémunération est due dès que l’indication donnée ou la négociation conduite aboutit
à la conclusion du contrat.
Le courtier a droit au remboursement des dépenses effectuées si cela avait été
convenu ; le remboursement est dû dans ce cas même si le contrat n’est pas conclu.
► L’agent commercial
Son statut est fixé par les articles 216 à 233 AUDCG. Selon l’article 216, c’est un
mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé d’une façon permanente
de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de location
ou de prestation de service au nom et pour le compte de producteurs, industriels, de
commerçants ou d’autres agents commerciaux, sans être lié envers eux par un contrat
de travail.
L’agent commercial a une obligation de loyauté et un devoir d’information à l’égard
de son mandant. Il ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente sans
l’accord de son mandant. Il ne peut même après la fin du contrat, utiliser ou révéler les
informations qui présentent un caractère confidentiel. Il a l’obligation de restituer à la
fin du contrat tout ce qui lui a été remis pour la durée du contrat soit par le mandant,
soit par les tiers pour le compte du mandant.
L’agent commercial a droit à une rémunération qui, dans le silence du contrat, prend la
forme d’une commission calculée conformément aux usages en vigueur dans le secteur
d’activité couvert par le mandat. Il a droit au remboursement des frais et débours qu’il
a assumés en vertu d’instruction spéciale du mandant. Ces droits au remboursement ne
couvrent pas cependant les frais et débours résultant de l’exercice normal de son
activité. Il a droit en cas de cessation des ses relations avec le mandant, à une
indemnité compensatrice sauf dans les trois cas présentés par l’article 230 AUDCG.
Section 2 : Les conditions d’accès au commerce
A la lecture des dispositions de l’article 2 AUDCG, on a l’impression qu’il suffit
d’accomplir des actes de commerce pour accéder à la profession commerciale en vertu
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du principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Ce principe n’est pas


seulement un principe législatif, il est aussi un principe général de droit 50.
Ce principe ayant valeur constitutionnelle, le législateur ne saurait y porter atteinte en
prenant des mesures contraires au caractère libéral de l’économie. Cependant, il existe
des limites à ce principe car l’accès à la profession commerciale est subordonné à
certaines conditions qui constituent des limites au principe de la liberté du commerce
et de l’industrie. Ces limites tiennent à la personne qui souhaite exercer le commerce, à
l’activité envisagée et à l’intérêt général.
Parfois, la liberté du commerce et de l’industrie cède devant les monopoles de l’Etat et
des collectivités locales. Elle se restreint en cas d’activités soumises à autorisation
administrative51. Le caractère de service public national, le souci de sécurité ou de la
moralité publique justifie le monopole étatique 52. De même, les Etablissements publics
à caractère industriel et commercial (EPIC) auxquels a été concédée l’exclusivité
d’une activité peut avoir le monopole.
Ceci dit, les conditions d’accès à la profession commerciale peuvent être destinées soit
à protéger le candidat à la profession (A), soit à assainir la profession (B).
Paragraphe 1 : Les conditions visant à protéger le candidat à la profession
Ce dernier doit satisfaire un certain nombre de conditions, car il est nécessaire de
protéger certaines personnes contre leur inexpérience ou contre la défaillance de leur
faculté d’où l’exigence d’une pleine capacité.
Pendant longtemps, la femme mariée était dans une situation proche de celle des
incapables. Elle était frappée d’une incapacité générale et par conséquent, ne pouvait
par faire le commerce. Mais avec l’évolution des législations, rien ne s’oppose
désormais à ce que la femme puisse accéder à la profession commerciale. La femme

50
V. C.E. 28 oct. 1960, Martial de Laboulaye, Rec. Lebon, p.570 ; Droit des sociétés, 1961, p.141.
51
Certaines activités ne s’exercent qu’avec une autorisation administrative. C’est notamment le cas de
l’ouverture des salles de spectacle, des agences de voyages, des débits de boisson, des officines pharmaceutiques
et les agences immobilières.
52
Par exemple, le monopole de la fabrication de poudre du PMU, des timbres poste ou des cartes téléphoniques.

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qui ne fait que détailler le commerce de son mari n’a pas la qualité de commerçant 53. A
l’inverse, ne peuvent pas être commerçants les mineurs et majeurs incapables.
A. La situation du mineur
La majorité civile étant désormais fixée à 18 ans, dans la plupart de nos Etats, est
mineure, la personne de l’un ou l’autre sexe qui n’a pas encore 18 ans accomplis 54. Il
paraît alors trop dangereux de permettre l’exercice du commerce à des personnes plus
jeunes.
Son père, sa mère ou son tuteur ne peut pas non plus le faire en son nom, car il n’y a
pas de représentation possible dans l’exercice d’une profession, commerciale de
surcroît.
Il est impossible de retenir la qualité de commerçant d’un mineur même si, en fait, il
exerce des actes de commerce par nature et mieux les actes accomplis par lui sont
annulables sur sa demande sans qu’il ait à établir une lésion55. Cette solution résulte
de l’application des règles du droit commun de la validité des contrats. Si l’acte est
annulé, les parties devront, en principe procéder à des restitutions. Le mineur pourra
obtenir restitution de ce qu’il a payé en exécution du contrat annulé mais ne sera lui-
même tenu à restituer que dans la limite de son enrichissement56.
Il ne peut non plus être associé dans une société en nom collectif dont tous les associés
sont nécessairement commerçants et répondent solidairement et indéfiniment des
dettes sociales. Si un mineur hérite d’un fonds de commerce, il ne peut pas l’exploiter
lui-même ; il doit soit mettre le fonds en location gérance, soit l’apporter à une société
autre qu’une société en nom collectif ou le vendre. Le parent survivant qui a un droit
de jouissance légale sur le fonds de commerce et les autres biens de son enfant mineur,
pourra aussi exploiter à titre personnel le fonds de commerce en vertu de son droit
d’usufruit. Toutefois, cette jouissance légale devra prendre fin dès l’âge de la majorité
du mineur ou par suite de son émancipation.

53
V. AUDCG, Art. 7, al. 2.
54
V. Code des personnes et de la famille du Bénin, Art. 120 et 123.
55
Civ. 7 mars 1922, D. 1922, 1, 169.
56
COCC, Art. 92 ; Code civil, Art. 1241 et 1312.

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Cependant si le mineur est émancipé, il peut, selon l’article 7, al. 1 AUDCG, avoir la
qualité de commerçant et effectuer des actes de commerce. L’émancipation est l’acte
par lequel le mineur est affranchi de l’autorité parentale et devient capable, comme un
majeur, des actes de la vie civile 57. Il y a deux types d’émancipation : l’émancipation
par le mariage et l’émancipation volontaire par décision des père et mère ou du conseil
de famille.
B. Les majeurs incapables
L’acte uniforme ne contient pas de dispositions relatives aux incapables majeurs et
pourtant cette situation peut se produire, par exemple lorsqu’un commerçant déjà
installé subit une altération de ses facultés mentales.
Le majeur dont les facultés mentales sont altérées, c’est-à-dire qui est dans un état
habituel d’imbécilité, de démence ou de fureur, est incapable et assimilé au mineur,
pour sa personne et ses biens. Cela signifie qu’il doit être représenté d’une façon
continue pour tous les actes de la vie juridique. Il ne peut donc pas être commerçant ni
faire des actes de commerce par nature isolés.
Alors que l’incapacité est la règle chez les mineurs, la capacité l’est chez les majeurs.
On distingue deux types d’incapacités : les incapacités de défiance et les incapacités de
protection.
Les incapacités de défiance ont pour but d’empêcher certains majeurs d’agir à titre de
sanction. Ainsi les majeurs condamnés à une peine afflictive et infamante sont soumis
au régime de la tutelle.
Les incapacités de protection qui nous intéressent ont pour but d’assurer la protection
de certaines personnes présumées hors d’état d’exprimer leur volonté en raison de la
défaillance de leur faculté mentale ou corporelle.
Il existe différents régimes d’incapacité applicables aux majeurs.
1. La tutelle
Ce régime s’applique aux majeurs dont les facultés mentales sont durablement altérées
par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge. L’altération doit être
telle que l’intéressé a besoin d’être représenté de manière continue dans les actes de la

57
V. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, PUF, 2000, p ; 327.

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vie civile. Lorsque la mise en tutelle est décidée, la personne qui en fait l’objet est
représentée par son tuteur qui est seul habilité à agir en son nom.
Le majeur en tutelle est en principe assujetti au même régime que le mineur. Privé de
capacité civile, il ne peut être commerçant.
Cependant, la cour de cassation française, a jugé que l’incapacité ne faisait pas
obstacle à une action en comblement de passif58. Cette action est fondée sur la
responsabilité civile du dirigeant et en matière civile, il est prévu que tout acte peut
obliger l’auteur du dommage à réparation ou être pris en compte pour l’exonération
partielle ou totale…
2. La curatelle
Ce régime s’applique aux individus qui, sans être hors d’état d’agir eux-mêmes, ont
besoins d’être conseillés ou contrôlés dans les actes de la vie civile. Ce régime
s’applique également aux majeurs qui, en raison de leur prodigalité, de leur
intempérance ou de leur oisiveté s’exposent au risque de tomber dans le besoin ou de
compromettre gravement l’exécution de leurs obligations familiales.
Le majeur en curatelle, pour accomplir les actes les plus importants de la vie civile,
doit se faire assister de son curateur. Alors cet incapable ne peut pas être commerçant.
3. La sauvegarde de justice
Ce régime temporaire est appliqué aux malades internés ou soignés à domicile. Le fait
de placer un individu sous le régime de la protection de justice, laisse présumer
l’absence de consentement, et cette situation est très inadaptée aux exigences du
commerce. Ce régime prend fin soit par la guérison du malade, soit par la
transformation en tutelle.
Paragraphe 2 : Les conditions protégeant l’intérêt général
Il faut protéger l’intérêt général en assainissant les professions commerciales. Deux
procédés sont utilisés pour parvenir à cette fin : les incompatibilités et les interdictions.
A. Les incompatibilités
Elles empêchent d’exercer simultanément deux professions dont on estime que l’une
(le commerce) nuirait à l’autre. L’article 8, al. 2 AUDCG pose le principe selon lequel

58
Civ1ère, 9 nov. 1983, 1er arrêt, D 1984, p. 139, note Derrida.

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« il n’y a pas d’incompatibilité sans texte » et l’article 9 du même texte énumère les
professions incompatibles avec la profession commerciale.
Alors, il est radicalement interdit d’avoir une activité commerciale lorsque l’on a la
qualité de fonctionnaire ou personnel des collectivités publiques et des officiers
ministériels et auxiliaires de justice59.
Ne peuvent, non plus, être commerçants les membres des professions libérales :
Experts Comptables agrées, Comptables agrées, Commissaires aux comptes et aux
apports, Conseil juridiques, Courtier maritime.
Il apparaît que certaines incompatibilités sont traditionnelles et générales ; elles
s’appliquent aux fonctionnaires et assimilés. D’autres sont particulières à certaines
professions commerciales. Mais l’Etat peut en éditer de nouvelles.
L’article 8 AUDCG prévoit les effets des incompatibilités, mais la sanction du non
respect des incompatibilités doit être principalement recherchée du côté de la
profession non commerciale ; il s’agit de sanctions disciplinaires60.
Du point de vue du droit commercial, il appartient à celui qui invoque l’incompatibilité
d’en apporter la preuve. L’existence d’une incompatibilité n’empêche pas celui qui fait
des actes de commerce d’être considéré comme un commerçant de fait, et de se voir
appliquer les règles des procédures collectives61. Les actes accomplis en violation de
l’incompatibilité sont valables. Les tiers de bonne foi, s’ils le souhaitent, peuvent s’en
prévaloir mais la personne qui les a accomplis ne peut pas s’en prévaloir62.
B. Les interdictions
En raison de leur passé douteux, certaines personnes indésirables doivent être écartées
du monde commercial et ses clients protégés : c’est ce que visent les interdictions et
déchéances. Il résulte de l’article 10 AUDCG que l’activité commerciale ne peut être
exercée par les personnes coupables de certains agissements.

59
Avocat, Huissier, Commissaire priseur, Agent de change, Notaire, Greffier, Administrateurs et Liquidateurs
Judiciaires.
60
L’interdiction d’exercice, la suspension ou la radiation.
61
V. Com, 2 fév. 1970, J.C.P., 1970, II, 16313.
62
V. Civ. 21 oct., 1968, D.1969, p. 91.

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Il s’agit tout d’abord des personnes qui ont fait l’objet d’une interdiction générale,
définitive ou temporaire prononcée par une juridiction professionnelle.
Il s’agit également des personnes à l’égard desquelles a été prononcée une
condamnation définitive à une peine privative de liberté pour crime de droit commun
ou à une peine d’au moins trois (3) mois d’emprisonnement non assortie du sursis pour
un délit contre les biens, ou une infraction en matière économique ou financière.
Au total, les interdictions sont de deux ordres : celles prononcées par une juridiction
professionnelle, c’est-à-dire limitées à la profession63 et celles prononcées par une
juridiction civile ou répressive, qui sont plus générales. C’est le cas lorsqu’un
commerçant, débiteur défaillant, a commis des fautes graves, telles que l’omission de
tenir une comptabilité conforme à la loi ou l’emploi de moyens ruineux pour se
procurer des fonds. Une telle personne ne peut plus ni être commerçant, ni diriger une
société commerciale64.
L’interdiction découlant d’une condamnation pour crime de droit commun est
discutable. Certes, on peut comprendre qu’une personne ayant fait l’objet d’une
condamnation pour une infraction en relation avec les affaires soit exclue de la
profession commerciale65. Mais on peut difficilement comprendre qu’une personne
condamnée pour une infraction sans rapport avec les affaires fasse l’objet d’une
interdiction de faire le commerce. L’auteur d’un meurtre peut parfaitement être un
excellent commerçant ; lui interdire l’exercice du commerce après l’exécution de la
peine, c’est l’empêcher de reprendre sa place dans la société. A ce propos, Yves
Guyon relève, non sans une dose d’ironie, qu’ « à une époque où la pornographie est
reine, l’auteur d’un viol ou d’un outrage public à la pudeur peut être un excellent
commerçant. En lui interdisant de reprendre ses activités commerciales à l’expiration

63
Par exemple, assureurs, banquiers ou débitants de boisson…
64
V. AUPC/AP, Art. 203.
65
L’interdiction de la profession peut être prononcée lorsque l’infraction commise a une relation directe avec
l’exercice de cette profession, ou s’il y a de graves craintes que cet exercice ne constitue un danger de rechute
pour le condamné.

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de sa peine d’emprisonnement, on complique sa réinsertion sociale, sans profit pour la


collectivité »66.
La violation des interdictions est sanctionnée par l’inopposabilité des actes accomplis
par l’interdit aux tiers de bonne foi, mais ces actes sont opposables à l’interdit. Ainsi,
le commerçant interdit doit supporter toutes les obligations découlant de la qualité de
commerçant, mais il ne peut se prévaloir des règles commerciales qui lui seraient
favorables. La bonne foi se présumant toujours 67. D’autres sanctions peuvent aussi être
prononcées68.

66
Y. Guyon, Droit des affaires, t. 1, Droit commercial général et sociétés, Economica, 11 ème éd., 2001, p.42.
67
V. AUDCG, Art. 12.
68
V. Com. 11 mai 1976, J. C. P. 1976, II, 18452, note Rodière.

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TITRE 2 :L’EXERCICE DE LA FONCTION D’ENTREPRENEUR


La qualité de commerçant ou d’entreprenant confère un statut juridique qui s’articule
autour d’un certain nombre de règles dont la plupart se rapportent aux actes de
commerce ou aux activités commerciales et non au commerçant lui-même. Car
l’acquisition de la qualité de commerçant est liée à l’accomplissement d’acte de
commerce par nature, tandis que l’acquisition de la qualité d’entreprenant est un acte
volontaire subordonné au respect de certaines conditions.
Parmi les règles particulières applicables aux actes de commerce par nature, on
mentionne généralement, les règles de compétence, le régime de la preuve, la
présomption de solidarité, l’absence de formalisme de la mise en demeure, la courte
prescription, etc. Il est d’un grand intérêt de faire la distinction entre le commerçant et
le simple particulier, et les conséquences découlant de la qualité de commerçant
peuvent être envisagées de plusieurs manières.
En vertu de son statut, il y a des droits qui ne sont reconnus qu’au commerçant et/ou à
l’entreprenant (Chapitre 1) et des obligations spécifiques leur sont destinées
(Chapitre 2). Son activité s’exerçant dans un cadre juridique bien déterminé
(Chapitre 3), ces droits et obligations forment la condition du commerçant ou de
l’entreprenant.
Chapitre 1 : LES DROITS RECONNUS AUX ENTREPRENEURS
Ils sont de deux ordres et s’analysent tantôt comme des facilités, tantôt comme une
véritable protection de l’entrepreneur.
Section 1 : Les facilités reconnues aux entrepreneurs
Le commerçant peut bénéficier de la liberté de la preuve et de la courte prescription.
Le domaine de cette règle de la liberté de preuve et de la brève prescription est
d’autant plus étendu que les actes civils accomplis par le commerçant pour les besoins
de son commerce sont considérés comme les actes de commerce en vertu de la théorie
de l’accessoire.
Quant à l’entreprenant, l’objectif visé par le législateur à travers son statut est de
mettre sur pied, un régime plein de faveurs économiques et fiscales qui inciterait les
acteurs économiques du secteur informel à en solliciter le bénéfice. Mais ce régime de

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faveur n’a pas été défini par législateur OHADA qui a plutôt choisi de laisser à la
discrétion de chaque Etat membre.
Paragraphe 1 : La liberté de la preuve
Il existe deux systèmes convenables en matière de preuve. Il y a d’abord le système de
l’intime conviction ou système de la preuve morale. C’est le système appliqué en
matière pénale ; ici le juge a une large marge de manœuvre car tous les modes de
preuve sont admis et il n’y a pas une hiérarchisation des modes de preuve. Ensuite, il y
a le système de la légalité de la preuve qui est appliqué en manière civile. Dans ce
système, la loi énumère de façon limitative les différents modes de preuve69.
La loi détermine pour chaque cas le mode de preuve admissible ; ainsi pour les actes
juridiques dont le montant de l’obligation dépasse un certain seuil fixé par la loi 70, il
faut une preuve écrite à défaut, il faut un serment décisoire ou un aveu judiciaire. Il en
serait autrement s’il y a commencement de preuve par écrit, impossibilité matérielle ou
morale de pré constituer ou produire un écrit.
Dans cette hiérarchie des modes de preuve, il y a d’une part, des preuves parfaites
(écrit, serment décisoire, l’aveu judicaire). Lorsque ces preuves sont administrées, le
juge doit s’estimer convaincu. Il y a d’autre part, les preuves imparfaites et lorsque de
telles preuves sont administrées, le juge apprécie souverainement leur pertinence ou
leur concordance.
Toutes ces règles sont écartées en matière commerciale où on constate l’absence de
formalité. En effet, l’article 5, al. 1 AUDCG dispose : « Les actes de commerce se
prouvent par tous moyens même par voie électronique à l’égard des commerçants ». Il
résulte de ce texte que la liberté de preuve ne s’applique que s’il s’agit d’une acte de
commerce d’une part et si les parties ont la qualité de commerçant d’autre part. En
d’autres termes, la liberté de la preuve n’existe que si l’acte est commercial et les
parties commerçantes. La preuve contre un commerçant, n’agissant pas dans le cadre
de sa profession commerciale, est soumise aux règles du droit civil 71.

69
Il s’agit de l’écrit, le témoignage, l’aveu, le serment et les présomptions.
70
D’après le COCC en son article 14, la somme doit être supérieure à 20.000Fcfa et depuis 2005 en France, le
décret pris en application de l’article 1341 Code civil fixe le montant à 1500 euros.
71
V. Civ. 1er 23 mai 1977, RTD. Com 1977, p. 711, obs. Derrupé.

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Cette liberté de preuve se justifie par la rapidité et la répétition des transactions


commerciales, mais aussi par le fait que les commerçants sont assujettis à une
comptabilité rigoureuse qui exclut toute incertitude quant à leurs dettes et créances.
Dès lors, il est inutile de se pré constituer une preuve écrite, même pour des opérations
dont les obligations ont un montant très élevé. Alors que le civil ne peut recouvrir
qu’aux cinq modes de preuve énumérés par la loi, le commerçant lui peut recouvrir
aux livres de commerce, télex, disquettes informatiques, photocopies 72. L’écrit, s’il
existe, n’a pas prééminence sur les autres modes de preuve 73. Ainsi, il a été jugé qu’en
présence d’un bon de commande écrit portant mention d’un prix, l’acheteur est admis
à prouver que le vendeur lui avait accordé verbalement une remise sur ce prix 74.
Conformément à la pratique courante, les documents électroniques et les états
financiers de synthèse constituent aujourd’hui des moyens de preuve comme les
autres. Ainsi adaptées, toutes ces règles de preuve sont de nature à accroître la sécurité
juridique du commerçant en lui donnant la possibilité d’utiliser tous les moyens
commerciaux et financiers qui sont aujourd’hui à sa disposition, notamment les
moyens électroniques, et ceci sans nuire aux droits des non-commerçants.
Que se passe t-il lorsqu’il s’agit d’une acte mixte, c’est-à-dire une acte civil pour l’une
des parties et commercial pour l’autre ? Tout dépend de la qualité de celui qui doit
prouver. Contre le débiteur commerçant, le non commerçant peut exciper de tout
moyen de preuve75. En revanche, le commerçant qui entend prouver à l’encontre d’un
débiteur non commerçant doit le faire selon les règles du droit civil : c’est le principe
de la distributivité.
Afin de mieux souligner les différences avec les règles de preuve du droit commun,
l’alinéa 2 de l’article 5 ajoute que « tout commencement de preuve par écrit autorise le
commerçant à prouver par tous moyens contre un non-commerçant ». Cette

72
V. J.HUET, Aspects juridique de l’EDI (Echange de données Informatiques), D. 1991, chr., p. 181.
73
CCJA, arrêt n° 053/2005 du 15 décembre 2005 ayant considéré qu’une lettre par laquelle une société
commerciale s’engage à apurer sa dette à l’égard d’une autre société vaut reconnaissance de dette de première à
l’égard de la seconde, et que la Cour d’appel d’Abidjan qu l’avait admis s’était en cela conformé aux
dispositions de l’article 5 de l’Acte uniforme, Rec. de jurisp., CCJA, Arrêt n° 6, juillet-décembre 2005, p. 35.
74
V. Com 3 mai 1984, Bull civ., IV, n° 145.
75
V. Civ. 26 nov. 1974, D1975. IR, 36.

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disposition vise à surmonter la contradiction entre les règles applicables aux


commerçants et celles dont bénéficient les non-commerçants lorsqu’il s’agit de
prouver contre un commerçant. On sait que la liberté de preuve reconnue aux
commerçants tend à leur éviter de conserver des moyens de preuve préconstitués mais
la règle, appliquée sans précaution, aurait pour conséquence de dispenser le non-
commerçant de conserver les preuves écrites qu’il détient contre un commerçant
(puisque la preuve à l’égard des commerçants se fait par tout moyen) et d’obliger le
commerçant à réunir et conserver toutes les preuves écrites à l’égard d’un non-
commerçant (puisque la preuve contre un non-commerçant se fait en principe par
écrit). Le recours aux commodités du commencement de preuve par écrit est de nature
à surmonter cette irritante difficulté pratique pour les commerçants et à leur permettre
de rapporter plus aisément la preuve à l’égard d’une partie non commerçante, et ceci
dans le respect des pratiques couramment observées
Notons aussi que la facture a un rôle juridique dans la mesure où elle est
essentiellement un moyen de preuve à la disposition du commerçant qui l’émet.
Elément de la comptabilité du commerçant, la facture a la même valeur probante que
les autres modes de preuve.
Cette liberté de preuve telle que évoquée à l’article 5 AUDCG profite aussi à
l’entreprenant qui en sus des facilités fiscales que chaque Etat-membre se doit de lui
accorder, bénéficie également d’une dispense des frais de déclaration de son activité
au registre de commerce et de crédit mobilier 76. Autrement dit l’entreprenant déclare
sans frais son activité au RCCM.
Paragraphe 2 : La courte prescription extinctive
Les articles 16 à 29 AUDCG organisent le régime général de la prescription extinctive
en matière commerciale et précisent l’attitude du juge et des parties au regard des
effets de la prescription. Comme pour les obligations nées à l’occasion de l’activité de
l’entreprenant, la prescription applicable à la vente commerciale renvoie à ce régime
général et se borne à quelques dispositions particulières.

76
AUDCG, Art. 62, al. 1.

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A. Définition et domaine régime général de la prescription


La prescription est traitée au regard des règles générales applicables aux opérations et
activités commerciales d’une manière aussi simple et claire qu’il est possible.
L’objectif est de guider les parties et le juge dans l’application de ces règles pour une
meilleure sécurité juridique et une prévisibilité mieux assurée. Ainsi, selon l’article 16,
alinéa 1er sauf si elles sont soumises à des prescriptions plus courtes, les obligations
commerciales ou mixtes se prescrivent par cinq ans77.
L’alinéa 2 de l’article 16 précise d’emblée le domaine de cette prescription : il ne
s’agit que de la prescription extinctive des obligations, non de la prescription
acquisitive, et ces règles ne s’appliquent que si l’obligation dont l’extinction est en
cause est elle-même soumise à la loi de l’OHADA.
● Calcul des délais de prescription : L’article 17 fixe le point de départ du délai de
prescription en disposant que le délai court à compter du jour où le titulaire du droit
d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action en
justice interruptive de la prescription, mais l’article 19 expose trois cas dans lesquels le
point de départ de la prescription est retardé.
L’article 17 est aussi l’occasion de comparer le régime de la prescription à celui de la
forclusion : en ce dernier cas, le délai court dès la survenance de l’événement que la
loi fixe comme point de départ de la forclusion.
La prescription se compte par jours et non par heures et elle est acquise lorsque le
dernier jour du terme est accompli78.
L’article 20 décrit la suspension de la prescription par ses effets : le cours du délai de
prescription est arrêté sans effacer le délai déjà couru. En ceci la suspension se
différencie de l’interruption79 qui a pour effet d’effacer le délai de prescription acquis
et de faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

77
Pour l’application de ce délai à la créance de loyer dans le bail commercial, voir notamment, CCJA, Arrêt n°
020/2004 du 17 juin 2004, Rec. Jurisp, CCJA, n° 3 janvier-juin 2004, p.69.
78
AUDCG, Art. 18.
79
AUDCG, Art. 22.

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L’article 21 expose, dans son alinéa 1 er, les cas de suspension puis développe, dans les
deux alinéas suivants, le régime applicable, d’une part, à une conciliation ou à une
médiation, d’autre part, à une mesure judiciaire d’instruction.
La prescription peut être interrompue 80 en cas de reconnaissance par le débiteur du
droit de celui contre lequel il prescrivait, en cas de demande en justice, même en
référé. Il en est de même en cas d’incompétence ou d’annulation de l’acte introductif
d’instance81.
Afin d’éclaircir les incertitudes de ce que l’on appelle parfois l’« interversion » de la
prescription, l’article 24 pose pour principe qu’un acte d’exécution forcée interrompt
le délai de prescription comme le délai de forclusion.
En présence de codébiteurs, d’héritiers ou de cautions, l’interpellation faite à l’un des
débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la
reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt
le délai contre tous les autres82.
● Le juge et les parties face à la prescription : la prescription ne peut pas être
relevée d’office mais, sauf renonciation, elle peut être opposée en tout état de cause et
le paiement d’une dette prescrite ne peut être répété83/84.
Lorsqu’une prescription est acquise, le bénéficiaire peut y renoncer de façon expresse
ou tacite. La renonciation est tacite lorsqu’il résulte des circonstances une volonté sans
équivoque de ne pas se prévaloir de la prescription85. L’article 29, fixe la liberté des
parties pour aménager, par accord commun, le régime de la prescription future ou en
cours. Ainsi, elles peuvent réduire ou allonger la durée de la prescription. Toutefois
cette durée ne peut être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans.

80
AUDCG, Art. 23.
81
V. Cour d’appel d’Abidjan, ch. civ. et com., Arrêt n° 436 du 15 avril 2005, Aff. B. Y. c/ SIFCA-SA, Ohada J-
06-36 ; Le juris-Ohada, n° 4/2006, p. 43.
82
AUDCG, Art.25.
83
AUDCG, Art.26.
84
AUDCG, Art.27.
85
AUDCG, Art.28.

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B. Applications du régime général de la prescription


L’AUDCG contient deux applications du régime général de la prescription, l’une à
l’égard de l’entreprenant, l’autre pour la vente commerciale.
● L’entreprenant : il bénéficie au même titre que le commerçant, de la courte
prescription ; la tendance du législateur de l’OHADA étant de faire de l’entreprenant
un petit commerçant. Cette tendance se caractérise par le régime de la prescription des
obligations de l’entreprenant tel que prévu par l’article 33 AU. DCG. Ce texte
dispose : « les obligations nées à l’occasion de leurs activités entre entreprenants ou
entre entreprenants et non entreprenants se prescrivent par cinq si elles ne sont pas
soumises à des prescriptions plus courtes ».
Ce délai de prescription quinquennale des obligations de l’entreprenant rappelle celui
de l’article 16 applicable au commerçant. En un mot, l’entreprenant et ses
cocontractants doivent déjà commencer par respecter la diligence et la célérité qui
caractérise les affaires.
● La vente commerciale : L’application du régime général de la prescription à la
vente commerciale devient aussi aisée : il suffit d’y renvoyer et, pour le reste, il est
précisé aux articles 301 et 302 que le délai de prescription en matière de vente
commerciale est de deux ans, sauf dispositions contraires en cette matière, et qu’en cas
de garantie contractuelle, le délai de prescription ne court qu’à l’expiration de la
garantie. Pour les autres contrats, il conviendra à l’avenir de procéder ainsi par renvoi
et de préciser les quelques règles d’adaptation.
Section 2 : Les prérogatives reconnues aux entrepreneurs pour assurer leur
protection
Les commerçants tout comme les entreprenants doivent être protégés contre deux
catégories de personnes : contre les concurrents qui utilisent parfois des méthodes
déloyales mais aussi contre leurs bailleurs.
Paragraphe 1 : La protection contre les concurrents
Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie proclamé par l’article 7 de la loi
Le Chapelier des 2-17 mars 1791, a pour corollaire nécessaire celui de la libre
concurrence. Pour assurer son rôle de régulateur des échanges économiques, la

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concurrence doit répondre à deux exigences : elle doit être loyale et elle doit être libre,
c’est-à-dire ne pas être entravée par des comportements anticoncurrentiels.
En effet, il n’est pas tolérable que certains acteurs de la vie des affaires s’éloignent des
règles du jeu et s’approprient par des manœuvres frauduleuses la clientèle de leurs
concurrents. C’est pourquoi, l’entrepreneur est protégé contre le détournement de sa
clientèle par une action particulière appelée action en concurrence déloyale.
L’action en concurrence déloyale n’est pas réservée exclusivement aux commerçants ;
les membres de toutes professions peuvent agir en concurrence déloyale. Ainsi
l’entreprenant bénéficie lui aussi de l’action en concurrence déloyale.
La concurrence déloyale est celle qui n’est pas conforme aux usages de la profession et
les atteintes à la loyauté sont diverses, tout comme le sont leurs sanctions.
A. L’action en concurrence déloyale
L’article 118 COCC l’équivalent de l’article 1382 du code civil est le fondement
traditionnel de l’action qui est une action en responsabilité civile pour faute qui
nécessite l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité.
1. La faute
Elle peut résulter d’un dénigrement du concurrent. Il consiste à jeter du discrédit soit
sur la personne du concurrent, soit sur la qualité des produits qu’il fabrique ou vend. Il
est constitutif de concurrence déloyale quand bien même les critiques formulées contre
le concurrent seraient fondées. Il faut néanmoins que les concurrents critiqués soient
nommément désignés ou identifiables. Exemple : mon concurrent est un voleur, il est
insolvable.
La publicité comparative peut constituée une concurrence déloyale, car qui compare
dans un but publicitaire, souvent dénigre.
La faute peut aussi résulter de l’accomplissement d’un acte de nature à créer la
confusion dans l’esprit de la clientèle du concurrent afin de l’attirer à soi. Exemple :
Un commerçant utilise un nom commercial sous lequel était exploité un fonds de
commerce où on vend des produits similaires.
La faute peut, enfin, résulter de la désorganisation soit de l’entreprise concurrente, soit
du marché. Exemple : Un commerçant révèle les secrets de fabrique de son concurrent

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ou débauche irrégulièrement le personnel de son concurrent. De même, l’espionnage


industriel est une technique de désorganisation de l’entreprise du concurrent.
La désorganisation du marché consiste à utiliser des méthodes de vente ou de travail
qui créent un avantage illicite. Exemple : La vente à perte ("Le dumping").
2. Le dommage
Il consiste en une perte de clientèle subie par la victime. Cette perte de clientèle peut
prendre deux formes :
▬ il peut s’agir du transfert pur et simple de clientèle, car la clientèle va passer du
fonds de commerce du commerçant victime de la concurrence déloyale au fonds de
commerce de l’auteur de la concurrence déloyale ;
▬ il peut s’agir d’une perte pure et simple de clientèle. Dans ce cas, la clientèle perdue
par la victime n’est pas récupérée par l’auteur.
3. Le lien de causalité
Il faut que la perte de clientèle soit directement le résultat de la concurrence déloyale.
Il n’est pas toujours facile d’apporter la preuve que le préjudice est le résultat direct de
la concurrence déloyale, car la perte de clientèle peut être liée à l’évolution du marché.
C’est pourquoi dans l’appréciation du préjudice on tient compte du chiffre d’affaire
avant la concurrence déloyale et du chiffre d’affaire après la concurrence déloyale en
pondérant la différence avec l’évolution du marché.
B. Les résultats de l’action en concurrence déloyale
L’action en concurrence déloyale, peut aboutir à un triple résultat :
▬ La cessation des agissements déloyaux, c’est-à-dire que le juge peut ordonner au
besoin sous astreinte, toutes mesures de nature à faire cesser la concurrence déloyale.
Exemple : Suppression d’une dénomination illicite, la saisie d’objets imités.
▬ La condamnation à des dommages intérêts ; leur montant est évalué selon les
circonstances de la cause et peut même être réduit au franc symbolique.
▬ La cessation des agissements déloyaux peut aussi être assortie des dommages et
intérêts.
Paragraphe 2 : La protection contre les bailleurs
Dans la plupart des cas, le commerçant ou l’entreprenant est simple locataire des
locaux où il exerce son activité. Or cette situation lui fait courir le risque de perdre son
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fonds de commerce ou son fonds professionnel s’il est expulsé de son local. C’est
pourquoi la prérogative essentielle reconnue au commerçant ou à l’entreprenant est
constituée par le droit d’exiger le renouvellement de son bail arrivé à expiration. Mais
le bailleur peut refuser le renouvellement à condition de payer une indemnité
d’éviction en compensation du préjudice qui est ainsi causé au locataire.
En ce qui concerne l’entreprenant, la loi lui reconnaît, certes, le bénéfice des
dispositions propres au bail professionnel86 mais il ne peut invoquer ni un droit au
renouvellement du bail, ni un droit à la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé
que s’il y a eu accord entre le bailleur et lui87. Ce qui veut dire que le droit au
renouvellement du bail de l’entreprenant est subordonné à un accord préalable du
bailleur.
Les articles 123 et suivants de l’AUDCG règlent le droit au renouvellement du bail
professionnel qui est un droit personnel qui s’exerce, sous certaines conditions, contre
le bailleur et dont la mise en œuvre peut aussi présenter un intérêt économique pour
des tiers.
A. Les conditions de renouvellement du bail professionnel
Le droit au renouvellement du bail commercial s’exerce dans un cadre légal bien
déterminé. Les dispositions relatives au bail professionnel sont d’ordre public. Ce droit
n’est garanti au locataire que si les conditions liées à la nature des locaux loués et à la
durée du bail sont remplies.
1. Les conditions relatives aux locaux
Les règles régissant le bail commercial et donc le droit au renouvellement ne
s’appliquent qu’aux baux portant sur des immeubles rentrant dans l’une des catégories
prévues par l’article 101 AUDCG :
▬ les locaux ou immeubles d’usage commercial, industriel, artisanal ou
professionnel ;
▬ les locaux accessoires dépendant d’un local ou d’un immeuble à usage
commercial, industriel, artisanal ou professionnel. Il faut préciser cependant que si ces
locaux accessoires appartiennent à une personne autre que le propriétaire du local
86
AUDCG, Art. 65.
87
AUDCG, Art. 134, al. 2.

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principal, il faut que la location ait été faite en vue de l’utilisation jointe que leur
destinait le preneur et que cette destination ait été connue du bailleur au moment de la
conclusion du bail ;
▬ les terrains nus sur lesquels ont été édifiées, avant ou après la conclusion du
bail, des constructions à usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel, si ces
constructions ont été élevées ou exploitées avec le consentement du propriétaire ou à
sa connaissance.
2. Les conditions relatives à la durée du bail
Le droit au renouvellement du bail est accordé au preneur, personne physique ou
morale exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle
qui justifie d’une exploitation de son activité pendant une durée de deux ans sans qu’il
soit nécessaire de distinguer selon qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée ou d’un
contrat à durée indéterminée88. Ce délai fixé par l’Acte uniforme est considéré comme
le temps nécessaire, en pratique, pour s’attacher une clientèle, et pouvoir bénéficier
ainsi de la protection légale.
B. La mise en œuvre du droit au renouvellement du bail professionnel
1. Les diligences attendues du preneur
Il faut faire une distinction selon qu’il s’agit d’un bail à durée déterminée ou d’un bail
à durée indéterminée.
Le preneur qui a droit au renouvellement du bail doit faire une demande de
renouvellement. Cette demande doit être faite par signification d’huissier de justice ou
notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le
destinataire, au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail, à défaut, il est
déchu de son droit89.
S’il s’agit d’un bail à durée indéterminée, l’initiative du congé n’appartient plus
exclusivement au bailleur. Toute partie envisageant la résiliation du bail peut donner
congé à l’autre par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen
permettant d’établir la réception effective par le destinataire au moins six mois à
l’avance. Le preneur qui a reçu congé du bailleur, mais qui souhaite son maintien dans
88
V. AUDCG, Art. 123.
89
V. AUDCG, Art. 124.

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les lieux loués, peut exiger le renouvellement en notifiant au bailleur, dans les mêmes
formes, avant la fin du préavis ou du congé, la contestation du congé. A défaut, il est
mis fin au bail90.
Le bénéfice du statut des baux professionnels est réservé aux locataires commerçants
ou entreprenants inscrits en cette qualité au registre de commerce et de crédit mobilier.
2. L’attitude du bailleur
Le bailleur qui a reçu la demande de renouvellement du bail dans les formes et délais
prescrits, doit faire parvenir sa réponse au preneur au plus tard un mois avant
l’expiration du bail, faute de quoi le contrat sera réputé reconduit pour une nouvelle
période. L’article 123, al. 3 AUDCG fixe à trois ans la durée du nouveau bail, consenti
expressément ou reconduit tacitement.
L’article 124 AUDCG, impose une attitude passive au bailleur qui doit se contenter
d’attendre que le preneur formule sa demande de renouvellement d’un bail à durée
déterminée et, ensuite seulement, lui faire parvenir sa réponse dans le délai légal. Le
bailleur n’a donc aucune obligation de donner congé au preneur, et dont le
manquement serait sanctionné par l’inopposabilité de la déchéance du droit au
renouvellement du bail à durée déterminée.
Sous l’empire de l’ancienne législation, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage en
a pourtant décidé autrement, en considérant que la déchéance du droit au
renouvellement du bail prévue par l’article 92 (actuel article 124) ne joue pas en faveur
du bailleur qui a omis de donner congé au locataire dans un bail à durée déterminée, et
contre lequel est retenue une tacite reconduction du bail pour une nouvelle période91.
Certes, l’arrêt fonde l’obligation de donner congé dans ce cas, sur une clause du
contrat, de même qu’il admet que le bail a été tacitement reconduit pour une période
d’un an, contrairement à la règle de l’article 97 (actuel article 123, al. 3) selon lequel la
durée du nouveau bail est de trois ans. Cette solution ne saurait cependant être justifiée
par la seule liberté contractuelle.

90
V. AUDCG, Art. 125.
91
CCJA, Arrêt n° 014/2002 du 18 avril 2002, (Aff. Halaoui Issam c/ CIDE Sarl), jurisprudence OHADA de la
CCJA-Abidjan, Centre de Documentation et de Recherches Juridiques et Judiciaires, ERSUMA, juin 2002.

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En effet, si le législateur a laissé la détermination de la durée du bail à la discrétion des


parties qui peuvent alors conclure un contrat à durée déterminée ou indéterminée, cette
liberté n’autorise pas les parties à déroger, par leur contrat, aux règles relatives à
l’exercice du droit au renouvellement du bail92/93.
C. Le contentieux du droit au renouvellement du bail
Le rejet de la demande de renouvellement du bail à durée déterminée, et la
contestation du congé dans le bail à durée indéterminée, sont parfois source de
difficultés juridiques. Le traitement de ces difficultés relève de la compétence de la
juridiction statuant à bref délai dans le ressort de laquelle sont situés les locaux donnés
à bail94. Ainsi, par exemple, le bailleur peut subordonner le renouvellement du contrat
à une augmentation de loyer.
En application du principe de droit commun de la force obligatoire des conventions, la
révision du loyer devra se faire conformément aux stipulations contractuelles. Dans le
silence du contrat, les dispositions supplétives de l’article 116 de l’Acte uniforme
prévoient une révision lors de chaque renouvellement. Et, en cas de désaccord entre
les parties sur le niveau du réajustement à opérer, la juridiction compétente saisie,
tranchera en tenant compte de la situation des locaux, la superficie occupée, l’état de
vétusté, le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage par
les locaux similaires95/96.
Une autre difficulté est relative au refus du bailleur de renouveler le contrat. En effet,
le bailleur peut, de façon justifiée, refuser le renouvellement En cas de refus non
justifiée, le bailleur est tenu de payer une indemnité d’éviction. A défaut d’accord des

92
D’ailleurs, l’article 123, al. 2 ne dit pas autre chose lorsqu’il dispose : « Aucune stipulation du contrat ne peut
faire échec au droit au renouvellement ».
93
CCJA, Arrêt n°005/2006 du 30 mars 2006 (Aff. Sté Ponty Sarl c/ Sté Ponty immobilière SA), Rec. Jurisp.
CCJA, n° 7, janv. 2006, p. 24 ; TPI de Bafoussam, jugt., n° 101 du 22 septembre 2006, Aff. Mission catholique
du sacré cœur c/ Texaco, Ohadata J-07-68.
94
Cour d’appel du Centre (Cameroun), arrêt n°124/De du 19 mars 2004, Groupe SOCOPAC-FOMUP c/SCI des
frères réunis, Ohadata J-04-207.
95
AUDCG, Art. 117.
96
Cour d’appel de Ouagadougou, ch. civ. et com., arrêt n° 84 du 16 juillet 2004, Burkina & Shell c/ Ouédraogo
Sibiri, Ohadata J-05-228.

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parties sur le montant de l’indemnité, celle-ci est fixée par le tribunal en tenant compte
du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur et de la
situation géographique du local97.
Il existe des hypothèses dans lesquelles le bailleur peut refuser le renouvellement sans
avoir à payer une indemnité :
▬ s’il justifie d’un motif légitime à l’encontre du locataire. Exemple : inexécution par
le locataire d’une obligation substantielle du bail ou la cessation de l’exploitation de
l’activité98 ;
▬ s’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les locaux loués et de le
reconstruire. Il est tenu cependant de verser l’indemnité si les nouveaux locaux ont une
destination différente de celle des locaux objets du bail initial ou s’il n’est pas offert au
preneur un bail dans les nouveaux locaux99.
Le bailleur est dispensé du versement de l’indemnité d’éviction lorsqu’il reprend les
locaux d’habitation accessoires des locaux principaux pour y loger lui-même ou y
loger les membres de sa famille.
Même s’il n’a pas droit à une indemnité d’éviction, le preneur pourra obtenir
remboursement des coûts des aménagements et construction qu’il a réalisés dans les
locaux avec l’autorisation du bailleur. Le montant est fixé d’accord parties, à défaut, il
est fixé par le tribunal à la demande du preneur100.

97
V. AUDCG, Art. 126.
98
V. AUDCG, Art. 127-1.
99
AUDCG, Art. 127-2.
100
AUDCG, Art. 131.

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Chapitre 2 : LES OBLIGATIONS DES ENTREPRENEURS


Le commerçant est soumis à de nombreuses obligations. On évoque souvent les
obligations fiscales et sociales. Mais celles-ci en raison de leur ampleur, ne seront pas
étudiées dans le cadre de ce cours. D’ailleurs ces obligations ne sont pas liées au
caractère commercial de l’activité, sauf exception.
En revanche, il existe des obligations propres aux commerçants. Ainsi, le commerçant
est tenu d’utiliser des instruments de constatation des opérations commerciales afin
d’assurer la sécurité des tiers et le contrôle des pouvoirs publics. Il est soumis, tout
comme l’entreprenant, à l’obligation de tenir une comptabilité correcte et des livres de
commerce (section 1) et à l’obligation de s’inscrire au registre de commerce et de
crédit mobilier (section 2).
Section 1 : Les obligations de tenir une comptabilité correcte et des livres de
commerce
Certaines de ces obligations résultent des règles sur les prix, la concurrence et le
contentieux économiques, c’est-à-dire des règles de la concurrence et du droit de la
consommation et les autres résultent de l’AUDCG.
Paragraphe 1 : Les obligations résultant des règles du droit de la consommation
Ces règles font obligations aux commerçants de réunir en liasse les originaux et les
copies des factures revêtues des mentions obligatoires, par ordre de date.
La facture est un écrit par lequel un commerçant rappelle à son client l’opération qu’il
a effectuée avec lui, détaille le montant des prestations qu’il lui a fournies et lui en
demande règlement. Obligation est faite aux vendeurs et aux prestataires de services
de délivrer des factures dans certains cas.
Les commerçants doivent conserver les copies des factures pendant une période de
trois ans à compter de la transaction.
Les achats des produits destinés à la vente à l’état ou après transformation et les achats
pour le compte ou au profit d’un industriel ou d’un commerçant pour les besoins de
son exploitation doivent faire l’objet de factures comportant certaines mentions. De la
même manière, les prestations de service effectuées par un professionnel pour les
besoins d’un commerce ou d’une industrie doivent faire l’objet d’une facture. Quant

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aux acheteurs professionnels, ils sont astreints à l’obligation de réclamer les factures,
sous peine de sanctions.
Paragraphe 2 : Les obligations résultant de l’AUDCG (articles 13 et suivants)
Aux termes de l’article 1 de l’Acte uniforme relatif au droit comptable, « toute
entreprise en activité doit mettre en place une comptabilité destinée à l’information
externe, comme à son usage propre ». Au-delà de l’obligation de tenir une
comptabilité, il ressort de ce texte que la comptabilité est un instrument d’information
et comme telle, elle doit être fiable et sécurisante.
Il s’agit essentiellement de la tenue des livres de commerce dont l’importance n’est
plus à démontrer ; ils peuvent servir de preuve en cas de contestations à propos des
opérations commerciales effectuées. En dehors de cet intérêt strictement privé, il y a
un intérêt fiscal car l’administration fiscale peut vérifier les déclarations effectuées par
les commerçants en examinant les livres de commerce.
La refonte de droit comptable et du plan comptable général a notamment pour
objectifs :
▬ de donner une image fidèle de la situation et des opérations traitées eu égard aux
obligations légales de ces entreprises en matière comptable et compte tenu de leur
activité et de leur taille ;
▬ de permettre des comparaisons fiables dans le temps au sein d’une même entreprise
et dans l’espace entre entreprise ou ensemble d’entreprises ;
▬ de permettre un contrôle des comptes assurant aux associés, à l’état et aux autres
utilisateurs privilégiés (banque, prêteurs) toutes garanties de leur régularité, de leur
sincérité et de leur transparence.
Le commerçant doit disposer de documents comptables pour lui permettre de faire
l’enregistrement des traitements comptables des données relatives à son activité. La
tenue des documents ci-après est obligatoire :
● le livre journal qui enregistre au jour le jour les opérations commerciales, effectuées
par le commençant. Il constitue la mémoire comptable de l’entreprise.
● le grand livre avec balance générale récapitulative qui regroupe l’ensemble des
comptes de l’entreprise. Il constitue en quelque sorte un répertoire des inscriptions
portées sur le livre journal.
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● le livre d’inventaire qui regroupe les données de l’inventaire qui est un état descriptif
et estimatif de l’ensemble des divers états de l’actif et du passif.
Ces livres doivent être tenus sans blanc ni altération et la correction d’erreurs doit se
faire par la technique de la contre-passation d’écriture ou l’inscription en négatif des
éléments erronés, suivis de l’enregistrement exact de l’opération concernée101. Ces
livres sont côtés et paraphés par le président du tribunal compétent en matière
commerciale ou les juges délégués à cet effet.
Les livres de commerce doivent mentionner le numéro d’immatriculation au registre
du commerce et du crédit mobilier du commerçant102. Les livres comptables et les
pièces justificatives doivent être conservés pendant une période de dix ans.
A côté des livres obligatoires, il y a des livres facultatifs. Ce sont des livres tenus à la
convenance du commerçant. Il s’agit par exemple du livre de caisse qui récapitule les
paiements faits ou reçus et du livre des effets à payer ou à recevoir dans lequel le
commerçant indique les traites et leurs échéances.
Les entreprises ont aussi l’obligation d’établir des états financiers de synthèse, encore
appelés états financiers annuels. Il s’agit d’un ensemble de documents comptables
élaborés par les commerçants qui « forment un tout indissociable et décrivent de façon
régulière et sincère les évènements, opérations et situations de l’exercice pour donner
une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de
l’entreprise »103. Mais cette obligation ne comporte pas les mêmes exigences ; le
législateur tient compte de la taille des entreprises pour mettre en place trois systèmes
comptables. Il s’agit du système normal de comptabilité 104 pour les entreprises de
grande taille, du système allégé 105 pour les entreprises de taille petite ou moyenne et du
système minimal de trésorerie106 pour les entreprises de très petite taille.
Contrairement au commerçant, les obligations comptables de l’entreprenant sont plus
allégées. Ces obligations sont définies en un chapitre aux articles 31 et 32 AUDCG.
101
AUOHCE, Art. 20.
102
AUDCG, Art. 14.
103
AUOHCE, Art. 8.
104
AUOHCE, Art. 11.
105
AUOHCE, Art. 27.
106
AUOHCE, Art. 28.

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Aux termes de l’article 31 AUDCG, l’entreprenant est tenu d’établir, dans le cadre de
son activité, au jour le jour, un livre mentionnant chronologiquement l’origine et le
montant de ses ressources en distinguant les règlements en espèces des autres modes
de règlement d’une part, la destination et le montant de ses emplois d’autre part. Ledit
livre doit être conservé pendant cinq ans au moins. L’article 32 AUDCG prévoit qu’en
outre, l’entreprenant qui exerce des activités de vente de marchandises, d’objets, de
fournitures et de denrées ou de fourniture de logement doit tenir un registre, récapitulé
par année, présentant le détail des achats et précisant leur mode de règlement et les
références des pièces justificatives, lesquelles doivent être conservées.
En somme, il s’agit d’une comptabilité de trésorerie de type recettes dépenses
dégageant le résultat de l’exercice. Dès lors, de très petites entreprises dont les moyens
matériels ne permettent guère la tenue d’une comptabilité fiable et qui naguère, étaient
contraintes de demeurer dans l’informel trouvent ainsi une chance d’améliorer leur
gestion comptable.
Sa qualité professionnelle ne le dispense que de ces obligations comptables et
d’immatriculation et il doit respecter les règles d’exercice propres à son activité
d’agriculteur, d’artisan, de commerçant ou de professionnel libéral. S’il exerce une
activité commerciale, il peut être titulaire d’un fonds de commerce mais il doit alors
l’exploiter directement et ne peut le donner en location-gérance. Il ne peut davantage
prendre un fonds en location-gérance107.
Paragraphe 3 : L’utilisation des livres en justice
A. La valeur des livres de commerce en tant que mode de preuve
Selon l’article 5 AUDCG, les livres de commerce régulièrement tenus peuvent être
admis par le juge pour constituer une preuve entre commerçants ou entre
entreprenants. Il faut cependant un certain nombre de conditions. Il faut d’une part,
que les livres soient régulièrement tenus. Il s’ensuit qu’un livre tenu en violation des
règles ne peut servir de preuve. Il faut d’autre part, que le litige à propos duquel le
commerçant prétend se servir de ce livre l’oppose à un autre commerçant ou
entreprenant.

107
AUDCG, Art. 138.

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Que se passe-t-il lorsqu’il s’agit d’une contestation opposant un commerçant ou


entreprenant à un non commerçant ou entreprenant ? Il ne fait pas de doute que le
commerçant ou l’entreprenant ne peut pas utiliser ses livres contre un non commerçant
ou entreprenant. En revanche, la jurisprudence a toujours admis la possibilité pour les
civils d’opposer au commerçant les livres que celui-ci a tenus.
B. Les techniques d’utilisation des livres en justice
Il y a deux techniques d’utilisation possibles. D’une part, la représentation qui consiste
à extraire du livre ce qui intéresse le litige. Ainsi, le commerçant ne sera pas tenu de
communiquer l’ensemble de ses livres à son adversaire qui pourrait connaître ses
secrets. D’autre part, la communication qui consiste à communiquer l’ensemble des
livres à l’adversaire, lequel pourra les consulter dans toutes les parties. Dans le souci
de préserver les secrets des affaires, l’article 5, al. 5 AUDCG ne consacre que la
technique de la représentation.
Section 2 : L’inscription au registre du commerce et du crédit mobilier
Celle-ci est parfois présentée, eu égard à son importance particulière, comme une
condition d’accès à la profession commerciale. Cela n’est pas vrai, car il s’agit d’une
véritable obligation qui pèse sur les personnes physiques commerçantes.
Selon l’article 44, al. 1 AUDCG « toute personne physique dont l’immatriculation est
requise par la loi doit, dans le premier mois de l’exercice de son activité, demander au
greffe de la juridiction compétente ou à l’organe compétent dans l’Etat Partie, dans le
ressort de laquelle son activité se déroule, son immatriculation au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier ».
Il apparaît que l’immatriculation est beaucoup plus qu’une formalité légale ou une
simple condition d’accès à l’activité commerciale. Elle doit s’analyser en une véritable
obligation incombant à tout commerçant dès son entrée en activité.
Si le commerçant est tenu de s’immatriculer, selon les articles 34, 39 et 62 AUDCG,
l’entreprenant quant à lui doit déclarer son activité au registre du commerce.
Organisé par les articles 34 à 81 AUDCG, le Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier (R.C.C.M) est une institution fondamentale dont le but est de pallier les
difficultés d’avoir des renseignements précis sur les commerçants ou les entreprenants.
Le registre de commerce est important car c’est un instrument d’information pour les
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pouvoirs publics qui ont besoin de renseignement et de statistiques pour diriger


l’économie.
C’est aussi un instrument d’information pour les tiers, il est nécessaire en effet que le
tiers appelé à faire crédit à des commerçants ou entreprenants puisse obtenir
rapidement les renseignements susceptibles de justifier l’octroi de ce crédit ou de
légitimer une prudente réserve.
Il répond aussi à la nécessité de mettre en place un système efficace permettant
d’atteindre les objectifs suivants :
● centralisation de l’information ;
● accessibilité des renseignements pour la transparence et la loyauté dans les affaires ;
● fiabilité des informations pour une meilleure sécurité et célérité des affaires.
Paragraphe 1 : L’organisation du R.C.C.M
Les articles 37, 75 et 77 de l’AUDCG indiquent avec précision les divers registres,
répertoires et dossiers qui doivent être tenus tant pour l’immatriculation des
commerçants que pour la déclaration d’activité de l’entreprenant et pour les
inscriptions des sûretés mobilières et du crédit-bail.
Ainsi, l’ensemble des RCCM et des fichiers nationaux de la zone OHADA devraient
tenir les mêmes registres et répertoires, demander les mêmes informations et
documents aux assujettis. Par voie de conséquence, le fichier régional devrait recevoir
les mêmes informations et documents des fichiers nationaux de chaque Etat partie.
L’objectif étant que les informations données par les registres et fichiers pour chaque
assujetti et pour chaque Etat partie soient équivalentes et que les assujettis ne soient
plus soumis à des demandes d’information et de pièces d’information différentes dans
les Etats parties. Cette harmonisation était enfin indispensable pour l’informatisation,
la mise en place de l’utilisation des procédures électroniques pour l’exécution de ses
missions par le RCCM et les fichiers, ainsi que pour l’accomplissement de leurs
obligations par les assujettis.
Il y a trois éléments, le RCCM proprement dit que l’on appelait autrefois le registre
local, le fichier national qu’on appelait le registre central et le registre régional.

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A. Le fichier local
Il est tenu au greffe du tribunal compétent en matière commerciale ou par un organe
compétent dans chaque Etat partie sous la surveillance du président du tribunal ou
d’un juge commis à cet effet. Il comprend quatre éléments :
▬ un registre d’arrivée mentionnant dans l’ordre chronologique la date et le numéro
de chaque déclaration acceptée, les noms, prénoms, raison ou dénomination sociale du
déclarant ainsi que l’objet de la déclaration ;
▬ un répertoire des personnes immatriculées et des entreprenants tenu par ordre
alphabétique ;
▬ un répertoire par numéro des personnes immatriculées et des entreprenants ;
▬ une collection de dossiers individuels pour chaque entreprenant et chaque personne
immatriculée tenue par ordre alphabétique.
B. Le fichier national
Il est tenu dans chaque Etat partie un fichier national. Le fichier national est quant à lui
tenu par l’organe désigné par chaque Etat partie, sous la surveillance du ministère de la
Justice108. Il centralise les renseignements consignés dans chaque Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier109.
C. Le fichier régional
Il est tenu au greffe de la C.C.J.A. Ce fichier centralise les renseignements contenus
dans chaque fichier national.
Paragraphe 2 : Le fonctionnement du R.C.C.M.
A. L’opération initiale
1. Les personnes assujetties
L’AUDCG étend à plusieurs types de personnes la possibilité de faire des demandes
d’immatriculation. Au-delà des catégories classiques que sont les personnes physiques
commerçantes et les sociétés commerciales, le texte mentionne également les sociétés
civiles par leur forme et commerciales par leur objet, le groupement d’intérêt
économique, les succursales au sens de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC-GIE), toute personne
108
AUDCG, Art. 74.
109
AUDCG, Art. 36.

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physique exerçant une activité professionnelle ou tout groupement doté de la


personnalité juridique que la loi soumet à l’immatriculation au RCCM, les
établissements publics ayant une activité économique et bénéficiant d’une autonomie
juridique et financière110. L’introduction des derniers cités est la preuve d’une réelle
volonté de transparence, y compris pour les operateurs du secteur public. Le but
recherché est que toutes les entités soient répertoriées.
Les personnes physiques ont l’obligation d’introduire une requête dans le premier
mois de l’exploitation.
La demande d’immatriculation doit être introduite dans le mois de la constitution du
groupement commercial.
Sont enfin concernés les entreprenants qui sont tenus de déclarer leur activité au greffe
de la juridiction compétente ou à l’organe compétent dans l’Etat partie, dans le ressort
duquel ils exercent.
L’entreprenant ne peut commencer son activité qu’après la réception de son numéro de
déclaration d’activité, lequel sera mentionné sur ses factures, bons de commande, tarifs
et documents ou correspondances professionnels.
L’immatriculation et la déclaration d’activité de l’entreprenant sont incompatibles, car
le régime juridique de l’entreprenant est distinct de celui du commerçant immatriculé.
2. Les modalités
La demande d’immatriculation est déposée au greffe de la juridiction compétente ou à
l’organe compétent dans l’Etat partie, dans le ressort de laquelle se trouve le
commerce lorsqu’il s’agit de personnes physiques. Pour les personnes morales, la
demande est déposée au greffe de la juridiction compétente ou à l’organe compétent
dans l’Etat partie dans le ressort de laquelle se trouve le siège social ou le principal
établissement.
Toute demande doit mentionner les indications prévues aux articles 44 et 45 AUDCG
(pour les personnes physiques) et aux articles 46 et 47 AUDCG (pour les personnes
morales).

110
AUDCG, Art. 35.

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La révision des dispositions relatives aux modalités est intervenue dans un souci de
simplification. Dans la même logique, les articles 45 et 47 ont été pris afin de résoudre
une difficulté particulière qui était celle de l’obtention du casier judiciaire pour les
commerçants et dirigeants sociaux.
Désormais, ils pourront, lors du dépôt du dossier, fournir une déclaration sur l’honneur
et fournir ultérieurement le casier judiciaire ou le document qui en tient lieu.
L’article 39 AUDCG prévoit l’utilisation d’un seul formulaire pour la déclaration
d’activité de l’entreprenant ou la demande d’immatriculation. Par ailleurs, le
formulaire s’inscrit dans l’objectif d’utilisation de la voie électronique pour la
transmission des documents111 et la diffusion des informations112.
L’immatriculation a un caractère personnel et il est interdit d’être immatriculé à titre
principal dans plusieurs registres ou dans un même, registre sous plusieurs numéros 113.
Le greffier en charge du RCCM examine le formulaire et les pièces qui lui sont remis à
l’occasion d’une formalité requise par la loi, et, suivant le cas, immatricule, radie ou
effectue d’autres opérations accessoires ou complémentaires à l’immatriculation.
L’action du greffier est déclenchée sur la saisine d’un assujetti, d’un requérant, d’une
juridiction ou d’office.
L’article 50, al. 1 AUDCG dispose que dès que la demande est en l’état, « le greffier
ou le responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie délivre au demandeur un
accusé d’enregistrement qui mentionne la date de la formalité accomplie et le numéro
d’immatriculation ». Il énonce ainsi le principe de la délivrance immédiate au
demandeur de l’immatriculation d’un accusé d’enregistrement qui mentionne la date
de la formalité accomplie et surtout le numéro d’immatriculation. L’immatriculation
est dorénavant immédiate, c’est-à-dire qu’elle est acquise dès le dépôt au greffe du
formulaire dûment rempli et des pièces prévues.
En d’autres termes, que ce soit au niveau de la définition des missions, de l’objet ou de
la description des formalités (article 50, al. 1er, pour l’immatriculation ; article 62, al.
2, pour la déclaration d’activité, article 40, pour l’inscription des sûretés), l’AUDCG

111
AUDCG, Art.86 et s.
112
AUDCG, Art. 97 et s.
113
AUDCG, Art.49.

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prescrit au RCCM de délivrer le numéro d’immatriculation ou le numéro de


déclaration d’activité ou l’attestation d’inscription d’une sûreté dès le dépôt des
éléments requis.
Cette disposition nouvelle et sur laquelle l’accent est mis dans différentes dispositions
de l’AUDCG est une des plus importantes innovations de la reforme dans laquelle les
Etats parties placent beaucoup d’espoir afin d’accroître la rapidité de
l’accomplissement des formalités.
Bien qu’acquise dès ce dépôt, l’article 50, al. 2 AUDCG soumet l’immatriculation à un
contrôle a posteriori du greffier, pouvant aller d’une demande de complément
d’information à une radiation motivée de l’immatriculation, laquelle est susceptible de
recours devant la juridiction compétente.
Le greffier ou le responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie en charge du
Registre du Commerce doit d’assurer, sous sa responsabilité que la demande et la
déclaration sont complètes. Il doit également vérifier la conformité de leur énonciation
avec les pièces justificatives produites. S’il constate des inexactitudes, il saisit le
tribunal. Il en est de même s’il rencontre des difficultés.
Le greffier dispose d’un délai de trois mois pour vérifier la conformité des mentions
des formulaires avec les pièces fournies 114. Ce contrôle porte sur la régularité formelle
et non sur le fond des documents fournis.
Si le greffier décide de procéder à la radiation, sa décision doit être motivée,
notamment en se fondant sur le constat d’inexactitudes ou de difficultés dans
l’accomplissement de sa mission 115. L’assujetti radié peut contester ladite décision
devant la juridiction compétente.
3. L’organisation du contentieux
Les articles 66 et 69 l’AUDCG organisent le contentieux entre le greffier et les
assujettis, mais aussi entre les tiers et le greffier.
L’organisation du contentieux permet de rendre effectifs les droits résultant des
missions, et notamment celui d’avoir, dès le dépôt, le numéro d’immatriculation et de
déclaration d’activité ainsi que, pour les tiers, leur droit à obtenir l’information détenue
114
AUDCG, Art. 50.
115
AUDCG, Art. 66.

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par le RCCM. Dans la logique de permettre l’accès des tiers aux informations détenues
par le greffe, l’AUDCG donne le droit à ces derniers de saisir la juridiction compétente
ou l’autorité compétente dans l’Etat partie, statuant à bref délai, en cas de manquement
à une formalité prescrite par l’AUDCG 116. Les tiers deviennent ainsi des acteurs
importants dans l’exactitude et l’actualisation des informations répertoriées.
L’intérêt de tous étant que l’information fournie soit exacte, les articles 66 et 68
prévoient que tout requérant peut saisir la juridiction compétente pour obliger
l’assujetti à accomplir les formalités mises à sa charge.
De même, lorsque certaines décisions de justice devraient être transcrites d’office et
qu’il y a carence, l’article 43 AUDCG permet à toute personne intéressée d’en
demander la transcription au RCCM.
Enfin, toute personne qui entend se prévaloir d’une décision de justice dont la
transcription doit être faite d’office doit établir que cette dernière a été faite à charge
pour elle d’en demander la transcription au RCCM compétent.
L’ensemble des dispositions maintenues, réaménagées ou nouvelles vise à
l’instauration d’un système d’informations juridiques, économiques et financières
sincères et à jour permettant la facilitation et la rapidité de l’accomplissement des
formalités. L’informatisation est un des éléments phares indispensables pour
l’aboutissement ultime de ces innovations. Cependant, le texte n’est que la base, un
changement d’approche des responsables en charge du RCCM mais aussi des
assujettis et des praticiens conduira à une efficience totale de la reforme. Les
opérateurs économiques de l’espace OHADA ne peuvent qu’y gagner, car la
transparence de l’information apportera un climat de confiance et de sécurisation qui
ne pourra que favoriser les relations entre les différents acteurs économiques, attirer
les investisseurs étrangers et inciter l’investissement national.
B. Les opérations ultérieures
L’inscription initiale doit être constamment mise à jour. C’est pourquoi le commerçant
doit demander une inscription modificative chaque fois qu’il y a un changement de sa
situation. Il doit également demander sa radiation lorsqu’il cesse ses activités.

116
AUDCG, Art. 68.

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1. Les inscriptions modificatives


Une immatriculation secondaire doit être requise dans le délai d’un mois à compter du
début de l’exploitation si l’assujettie exploite des établissements commerciaux
secondaires ou des succursales dans le ressort d’autres juridictions117.
De la même manière, les éléments qui jalonnent la vie du commerçant doivent être
constatés par la rectification ou le complément des énonciations portées sur le registre
de commerce. Il en est ainsi des modifications concernant l’état civil, le régime
matrimonial ou la capacité de l’assujetti.
La demande de mention rectificative ou complémentaire doit être présentée au greffier
ou au responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie dans un délai de trente (30)
jours à compter de la modification survenue. Elle est signée par l’assujetti lui-même ou
par tout mandataire dûment constitué à cet effet, c’est-à-dire justifiant d’une
procuration en bonne et due forme.
Le greffier ou le responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie dès réception de
la demande rectificative ou modificative délivre un accusé d’enregistrement qui
mentionne la formalité accomplie ainsi que sa date118.
L’entreprenant qui change d’activité ou de lieu d’exercice de son activité doit en faire
une déclaration modificative, sans frais, au greffe ou à l’organe compétent dans l’Etat
partie du Registre de Commerce et de Crédit Mobilier compétent 119.
2. La radiation
L’article 55 AUDCG envisage les cas de radiation de la personne physique
immatriculée au Registre de Commerce et de Crédit Mobilier. Ainsi, lorsque le
commerçant cesse les activités, la radiation doit être demandée. Il peut s’agit de
cessation volontaire, dans ce cas c’est l’intéressé lui-même qui doit demander sa
radiation dans un délai d’un mois à compter de cette cessation d’activité.
Il se peut aussi que la cessation soit involontaire, par exemple le décès du
commerçant, dans ce cas, il appartient aux héritiers de demander la radiation ou la

117
AUDCG, Art. 53.
118
AUDCG, Art.52 et 53 in fine.
119
AUDCG, Art. 65, al. 3 et 4.

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modification de l’inscription s’ils doivent continuer l’exploitation. Ils doivent le faire


dans un délai de trois mois à compter du décès.
En cas de dissolution ou de nullité d’une personne morale, l’article 58 AUDCG
prévoit que c’est le liquidateur qui doit demander la radiation dans le délai d’un mois à
compter de la clôture des opérations de liquidation. A défaut, le greffe du tribunal
compétent ou l’organe compétent dans l’Etat partie procède à la radiation sur décision
du tribunal ou de l’autorité compétente dans l’Etat partie, statuant à bref délai, rendue
à la demande de tout intéressé.
L’entreprenant qui cesse son activité est tenu de faire, sans frais, une déclaration à cet
effet auprès du greffe compétent ou de l’organe compétent dans l’Etat partie 120.
La radiation emporte la perte des droits résultant de l’immatriculation ou de la
déclaration121.
Paragraphe 3 : Les effets de l’inscription ou du défaut d’inscription au RCCM
A. Les effets de l’inscription au RCCM
L’effet principal que la loi attache à l’immatriculation c’est la présomption simple de
commercialité. Celui qui est immatriculé au RCCM est présumé avoir la qualité de
commerçant. Cette présomption est simple aussi bien pour les personnes physiques
que pour les personnes morales, puisque l’article 59, al. 1 AUDCG ne fait pas de
distinction. Du fait du caractère simple de cette présomption, il doit être possible de
prouver par tous moyens que telle personne immatriculée l’a été à tort et que malgré
cette immatriculation, elle n’a pas la qualité de commerçant.
Mais cette présomption ne joue pas à l’égard des personnes physiques non-
commerçantes qui se sont immatriculées en vertu d’une disposition légale, ni à l’égard
des personnes morales non-commerçantes, ni à l’égard des Groupements d’Intérêt
Economique.
La personne physique qui a satisfait aux obligations déclaratives est présumée avoir la
qualité d’entreprenant. Par ailleurs, l’entreprenant déclaré au RCCM bénéficie de la

120
AUDCG, Art.65, al. 5 et 6.
121
AUDCG, Art. 57.

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liberté de preuve, de la courte prescription commerciale et des règles relatives au bail


professionnel122.
Toute personne physique ou morale immatriculée ou toute personne physique déclarée
au Registre du Commerce et de Crédit Mobilier est tenue de mentionner sur ses
factures, bons de commande, tarifs et documents ou correspondances professionnels,
son numéro et lieu d’immatriculation ou de déclaration123.
B. Les effets du défaut d’inscription
La situation de la personne non immatriculée est assez originale. En effet, la personne
physique assujettie à l’immatriculation et qui s’abstient d’y procéder ne peut se
prévaloir de sa qualité de commerçant à l’égard des tiers et de l’administration ; elle ne
peut donc bénéficier des droits des commerçants.
Dans le même temps, cette personne ne pourra pas invoquer ce défaut
d’immatriculation pour se soustraire aux responsabilités et aux obligations qui
découlent de la qualité de commerçant. Cette personne peut, par exemple, être déclarée
en faillite.
Au total, le commerçant non immatriculé est soumis aux obligations du commerçant,
mais ne peut pas bénéficier des droits. Il convient d’observer que si l’immatriculation
n’est pas requise dans le délai, le tribunal peut soit d’office, soit à la requête du greffe
ou de tout intéressé rendre une décision enjoignant l’intéressé de procéder à cette
immatriculation.
Il en est de même de la personne physique assujettie au régime de la déclaration qui
s’abstient d’accomplir cette formalité.
Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, le défaut d’immatriculation au RCCM ne lui
permet pas d’acquérir la personnalité juridique. Cependant, elle ne peut invoquer ce
défaut d’immatriculation pour se soustraire aux responsabilités et obligations
inhérentes à cette qualité124.

122
AUDCG, Art. 65, al.1 et 2.
123
AUDCG, Art. 59, al. 3.
124
AUDCG, Art. 60.

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C. Les effets du défaut d’accomplissement des formalités ultérieures


1. La mention des faits ou actes intéressant l’entrepreneur
Pour les inscriptions postérieures, l’AUDCG ne se préoccupe des effets que sous
l’angle de leur non accomplissement. C’est ainsi que le fait ou l’acte qui aurait dû être
mentionné et qui ne l’aurait pas été ne peut pas être opposé par le commerçant, aux
tiers et à l’administration, sauf s’il prouve que ceux-ci en ont eu connaissance par
d’autres moyens125.
Le défaut de mention n’empêche pas cependant les tiers et l’Administration de se
prévaloir de l’acte ou du fait non mentionné contre l’assujetti. Il faut souligner là aussi
la possibilité pour le tribunal de reconnaître à l’intéressé l’inscription des mentions
complémentaires ou rectificatives omises.
2. La radiation
Le commerçant qui cesse ses activités doit se faire radier du R.C.CM. Le défaut de
radiation emporte une présomption irréfragable de commercialité. Dès lors, le tiers est
fondé à considérer que le commerçant qui cesse ses activités, mais qui omet de se faire
radier conserve la qualité de commerçant avec la possibilité d’être déclaré en cessation
des paiements.
Cette personne retirée mais non radiée est donc dans l’impossibilité d’apporter par
d’autres moyens la preuve de la perte da sa qualité de commerçant et ne peut pas
bénéficier des droits de commerçant. Le greffe ou l’organe compétent dans l’Etat
partie peut procéder à la radiation après décision de la juridiction compétente ou de
l’autorité compétente dans l’Etat partie, statuant à bref délai, saisie à sa requête ou à
celle de tout intéressé126.

125
AUDCG, Art. 61.
126
AUDCG, Art. 55, al. 3 et 58, al. 5.

75

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