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Droit commercial général

Informations préliminaires :
Examen blanc en novembre.
Deux sujets – dissertation / cas pratique.
Le professeur note très justement, de 0 à 20.
La maîtrise du cours et de la méthode est indispensable. Mais, l’objectif est, avant tout, de réfléchir. Avant
d’apprendre, il faut comprendre.
En TD, la prise de note se fait à la main. La note de TD prend en compte l’examen blanc et la participation
(++).
Cf identifiants Moodle pour les réunions Zoom.
Traditionnellement, quatre grands cours sont dispensés en droit des affaires :
◌ Droit commercial général ;
◌ Droit des sociétés ;
◌ Droit bancaire ;
◌ Procédures collectives.

Le droit commercial général est souvent perçu comme le droit commun du droit commercial. Ce n’est pas
totalement vrai. Certes, des éléments généraux sont communs à toutes les matières du droit commercial.
Mais, ces mécanismes communs restent très réduits et ne sont, par suite, pas suffisants pour faire, à eux
seuls, un droit commun.
La suite du cours se concentrera sur une sorte de droit spécial : l’étude du statut de l’entrepreneur individuel
et de certains contrats commerciaux.
En résumé, le droit commercial, c’est un peu de droit commun et beaucoup de droit spécial.

D’un manuel à l’autre, le contenu du droit commercial diffère vraiment, même si la spécificité du
commerçant, les actes de commerce, le fonds de commerce et le bail commercial sont toujours évoqués.
Certains auteurs y ajoutent d’autres notions : du droit de la concurrence, du droit de la distribution, du droit
de la consommation et même du droit bancaire. En fait, chaque auteur est maître de la détermination de son
cours et met un petit peu ce qu’il souhaite dans son droit commercial général. Il n’y a pas vraiment de
genèse déterminée.
Ouvrages conseillés :
◌ Code de commerce, LexisNexis : c’est le plus complet ;
◌ Code de commerce, Dalloz : peu de JP à certains passages clés (cession de fonds de commerce, bail
commercial) ;
◌ Droit commercial, D. Houtcieff

Plan du cours :
Titre introductif
Titre 1 – L’activité commerciale
I – Le commerçant
II – L’acte de commerce
Titre 2 – L’entreprise commerciale
Titre introductif

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le droit commercial ?


Au XIXe siècle, le droit commercial apparaît comme un sous droit, mal construit, qui a du mal à trouver ses
marques.
La place du droit commercial alimente de nombreux débats doctrinaux. Le comportement de la doctrine, qui
cherche systématiquement à l’opposer aux autres disciplines, traduit une grande immaturité.
I – Les deux approches du droit commercial
Le droit commercial est le droit relatif au commerce.
Dans la détermination du droit commercial, deux thèses se font face :
• La thèse subjective : le droit commercial est le droit des commerçants. C’est un droit
professionnel. La raison d’être de la thèse est historique : au M-A, le droit commercial, créé par et
pour les marchands, s’apparente au droit d’une corporation. La qualité d’acteur impliquait
l’application de ce droit particulier.
Problème : aucune liste des professions commerciales n’étant dressée, on ne sait pas vraiment qui est
commerçant ou non ;
• La thèse objective : le droit commercial est le droit des actes de commerce (opérations
commerciales). C’est la qualification d’un acte ou d’une activité qui détermine l’application du
régime spécifique.
Suite à la Révolution, les corporations ont été supprimées. Il ne devait plus exister de droit appliqué à
une catégorie de personnes. Dans ce contexte, la thèse subjective perd en sens.
Ce débat n’a pas vraiment d’intérêt. En effet, une théorie juridique bien faite a des conséquences juridiques
ou, au moins, expose le droit de façon didactique. Or, aucune de ces thèses, n’a d’incidence sur le droit
positif ou ne parvient à l’expliquer.
En plus, l’efficacité de ces théories est plus que douteuse car le droit commercial, c’est à la fois le droit des
commerçants et le droit des actes de commerce. En fonction des règles que l’on applique, on a recours à l’un
ou l’autre, voire aux deux.
Ce dualisme irréductible s’illustre à travers l’article L. 121-1 du Code de commerce : « sont commerçants
ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. » Il y a une interaction
nécessaire entre le commerçant et les actes de commerce.
II – Le droit des affaires
L’expression de « droit commercial » est débattue et même réfutée par certains auteurs. On parle de plus en
plus de « droit des affaires ».
Le droit commercial, conçu au début du XIXe, dans un contexte économique très spécifique, n’est plus
représentatif. Pour certains, la société a tellement évolué qu’un nouveau droit est né et a supplanté le droit
commercial.
Des auteurs considèrent le droit commercial comme le centre du droit des affaires, autour duquel gravitent
d’autres droits.
Pour d’autres, le droit commercial n’est qu’un droit parmi d’autres à l’intérieur du droit des affaires : le droit
de la distribution, le droit de la consommation, le droit de la propriété intellectuelle, le droit comptable, le
droit fiscal, le droit pénal des affaires, le droit du travail…
Au lieu de « droit des affaires », des auteurs ont privilégié d’autres dénominations :
◦ Droit économique (années 1970) : orienté droit public, intervention de la puissance publique dans
l’économie. Vision aujourd’hui désuète ;
◦ Droit économique des affaires ;
◦ Droit commercial des affaires ;
◦ Droit de l’entreprise.
Dans la nouvelle discipline du « droit des affaires », est mise en avant l’entreprise, au détriment du
commerçant. L’entreprise est un fait purement économique reconnu par le droit en tant que réalité
économique. Le terme est tellement large et abstrait que l’on n’en a pas fait un concept juridique en tant que
tel /!\. L’entreprise est, tout de même, appréhendée à travers d’autres concepts juridiques : l’entrepreneur
individuel, la société, le fonds de commerce. Ce qui intéresse le juriste dans l’entreprise, c’est la structure
juridique.
D’un point de vue juridique, la notion de « professionnel » est plus intéressante parce que la loi la mentionne
et y attache un régime juridique spécifique.
La doctrine, riche sur cette question, ne modifie en rien l’état du droit positif et ne permet pas d’expliquer la
structuration du droit. Tout ce qui est dit, n’apprend rien de nouveau. Ces nouvelles présentations générales
ne sont qu’une façon pour les universitaires de se mettre en avant.
III – L’autonomie du droit commercial
Pour le professeur, c/ l’avis d’une majorité d’auteurs, le droit commercial n’est pas autonome par rapport au
droit civil. Il serait même totalement dépendant du droit des contrats, entre autres, même si des mécanismes
sont spécifiques au droit commercial : la présomption de solidarité passive entre les commerçants, la
dérogation à l’anatocisme, la réfaction du contrat… Ce quelques éléments de régime ne suffisent pas à
conclure à son autonomie.
Souvent, on trouve dans les manuels que le droit commercial a été créé pour satisfaire à trois exigences :
◌ Rapidité – faciliter la conclusion et l’exécution des opérations commerciales.
Ex : liberté de la preuve. Pour autant, des opérations de droit commercial, comme la vente d’un
fonds de commerce, sont beaucoup plus lourde que le droit commun. La rapidité est à relativiser car,
parfois, le formalisme du droit commercial est plus contraignant ;
◌ Sécurité – les transactions, effectuées rapidement, ne doivent pas pouvoir être contestées facilement.
Ex 1 : la théorie de l’apparence, protégeant celui qui, de bonne foi, s’est fié à la qualité annoncée
d’une personne ou à l’apparence d’un document.
Ex 2 : règles de publicité (RCS*)
* La personne physique ou la société qui devient commerçante a l’obligation de s’immatriculer au
RCS, ce qui rend publiques certaines informations
Néanmoins, l’exigence de sécurité est commune à de nombreuses branches du droit, et est plus forte
en droit de la consommation, par exemple (mentions obligatoires) ;
◌ Crédit – beaucoup d’institutions propres à la vie des affaires ont pour objet de favoriser l’octroi du
crédit aux entreprises, ne pouvant se limiter à l’offre des banques et la garantie du prêteur ou son
remboursement en cas de défaillance de l’emprunteur.
Ex 1 : la lettre de change ;
Ex 2 : le bordereau Dailly (créance professionnelle) ;
Ex 3 : l’émission d’obligation par les sociétés, qui peuvent emprunter de l’argent aux particuliers.
Pour des auteurs, il s’opère une commercialisation du droit civil. C’est vrai, le droit des entreprises en
difficulté ne s’applique pas uniquement aux commerçants mais à toutes les entreprises (commerciales,
artisanales, agricoles, libérales). Néanmoins, le droit commercial est, en réalité, un droit des contrats
appliqué. C’est en droit des affaires que l’on applique le plus, en pratique, le droit des obligations, malgré
quelques règles spécifiques.
Quand on veut faire du droit des affaires, le droit des contrats et le RGO sont des matières essentielles.
Il y a une influence des droits les uns sur l’autres, une interpénétration. Chercher quel droit domine est d’une
grande immaturité.
A l’étranger, la distinction avec le droit civil ne va pas de soi, beaucoup de pays l’ignorent. Dans les
pays anglosaxons, on ne parle pas de droit des affaires mais de droits des contres. D’autres pays qui
subissaient l’influence française et avaient adopté un droit commercial, l’ont ensuite abandonné (Italie, Pays
Bas, Québec).

Chapitre 2 – Les sources du droit commercial

I – Les sources nationales


Historiquement, au M-A, le droit commercial est un droit coutumier, issu de la coutume créée par et pour les
commerçants, dans les corporations.
A – La loi
La loi est la source principale du droit commercial.
Article 34 de la C° : « les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, des
nationalisations et privatisations d’entreprises dépendent de la loi ».
La loi fixe les principes fondamentaux et le règlement intervient pour leur application – décret, arrêté,
décision d’autorités administratives indépendantes (Autorité des marchés financiers, ACPR en matière
bancaire…).
Parmi les libertés publiques, on peut citer le principe de liberté du commerce et de l’industrie, instauré par le
décret d’Allarde (ou loi des 2 et 17 mars 1791). Le décret a supprimé les corporations, autorisant n’importe
qui à faire le commerce. La « liberté d’entreprendre » est un principe à valeur constitutionnelle et un PGD,
pouvant parfois être limité par le législateur ou le juge. Le principe est tellement souple qu’on ne sait pas
vraiment ce qu’il recouvre.
D’un point de vue historique, l’apport de la loi est relatif et controversé, parce que, dans un premier temps,
la loi a surtout été le relais des créations de la pratique : ordonnances Colbert (ou lois Savary*) du 23
mars 1673 et de 1681.
* Savary, commerçant de l’époque, a compilé des coutumes pratiquées en matière commerciale dans un
livre.
Les ordonnances ont été en partie reprises dans le Code de commerce après la Révolution ! codification des
créations normatives de la pratique.
Le Code de commerce de 1807, qualifié de Code des boutiquiers, était le Code raté. Parce que la priorité
était le Code civil, le législateur n’a pas voulu bouleverser le droit commercial et a maintenu, malgré la
suppression des corporations, les tribunaux de commerce. Le Code de commerce, adaptée à une économie
d’un autre temps, était en décalage avec le XIXe et le XXe siècles. Les bouleversements économiques des
deux siècles, n’étant pas accueil dans le Code de commerce, de grands textes sont pris en dehors. On parle
de décodification du droit commercial.
Au cours du XXe siècle, la question s’est longuement posée de refaire le Code de commerce. Un projet de
1993 a finalement abouti grâce à l’ordonnance du 18 septembre 2000 et au décret du 25 mars 2007. Partie
législative et réglementaire. Le Code de commerce est bâti selon l’architecture des nouveaux codes (partie
législative / partie réglementaire). La codification a été introduite à droit constant : le droit positif a été
repris tel qu’il existe – mêmes textes, seule la numérotation change. Une réforme générale du droit
commercial était, de toutes façons, vaine.
De nombreuses dispositions du droit commercial ne sont pas dans le Code de commerce mais dans d’autres
codes, comme le Code monétaire et financier.
B – L’usage et la coutume
Au départ, le droit commercial était un droit coutumier : les commerçants et les marchands organisaient leur
profession à partir des usages. Mais, la place des usages en droit commercial ne doit pas être exagérée car il
y a très peu de contentieux à ce sujet.
L’usage comme la coutume correspond à une pratique professionnelle habituellement suivie considérée par
tous comme la norme, dans un périmètre donné. Deux éléments coïncident :
‣ Elément matériel : une pratique / un comportement qui se répète dans un milieu donné ;
‣ Elément moral : conscience par les professionnels du caractère obligatoire de l’usage. Ex : entre
commerçants, en l’absence de convention contraire, le prix est donné hors taxe. C’est une coutume
régulièrement rappelée par la Cour de cassation (Com., 21 mars 2018).
Traditionnellement, on oppose l’usage de droit et l’usage de fait (ou conventionnel). Mais, cette opposition a
évolué au fil du temps.
Dans l’ancien droit, la coutume était, contrairement à l’usage, toujours obligatoire. La différence tenait à la
force obligatoire.
Suite à sa codification, on a ensuite caractérisé la coutume par ce qui était codifié.
Avec les Codes napoléoniens, on a voulu mettre fin à la coutume et appliquer le même droit sur tout le
territoire français. Alors qu’elle n’apparaissait plus dans le Code de commerce, la doctrine a réintroduit la
coutume.
Aujourd’hui, l’usage est une sorte de convention, de clause non écrite du contrat, à laquelle on présume que
les parties ont adhéré. L’usage est fondé sur une présomption de volonté.
La coutume a, pour la doctrine, une force normative de même nature que la loi : la coutume s’applique
directement, sans présomption ou adhésion des parties. C’est ce qui expliquerait qu’une coutume, en droit
commercial, puisse déroger à une norme impérative.
Il existe une porosité entre les deux catégories : certaines règles aujourd’hui reconnue comme de la coutume
furent auparavant des usages.
Mais à partir de quand une pratique devient-elle une coutume ? La pratique devient coutume à partir du
moment où elle est reconnue comme telle par le juge ou la Cour de cassation. Pour certains, la coutume est
la consécration jurisprudentielle d’usages auxquels on donne une force supérieure, une force normative.

Quel est le régime respectivement applicable ?


Comme il y a une différence de nature, il y a naturellement une différence de régime.
Les usages conventionnels : on estime que les parties y ont tacitement consenti. Il faut apporter la preuve de
l’usage : l’usage étant un fait juridique, il peut être prouvé par tout moyen. D’un point de vue pratique,
certaines preuves sont privilégiées :
› Le parère : attestation établie par une autorité professionnelle (chambre de commerce, syndicat
professionnel…). Au tribunal de commerce de Paris, un bureau vise à répertorier un maximum
d’usages. Il est possible de les consulter pour en obtenir la preuve.
› L’écrit : Cass., com, 12 mars 2013 – le demandeur a produit 146 connaissements (titre spécifique
utilisé dans le transport des marchandises).
Le contentieux doit rentrer dans le cadre de l’usage, car l’usage conventionnel a un champ d’application
territorial (périmètre géographique) et professionnel (périmètre matériel). Les deux parties doivent ∈ à la
même profession et intervenir sur un même territoire.
Ex : CA Rouen, 1e ch. civ., 21 mai 2015 : usage au port de Rouen – la marchandise chargée est considérée
comme acceptée.
A défaut de ces conditions, l’usage de fait peut néanmoins être opposé en cas d’acceptation expresse par
l’autre partie.
A l’inverse, si les conditions sont remplies, l’usage de fait peut être écarté, tacitement* ou expressément par
les parties. *L’ensemble des stipulations du contrat est incompatible avec l’usage en question.
On dit que l’usage de fait est supplétif.
L’usage conventionnel, expression présumée d’une volonté, peut écarter une loi supplétive mais pas une loi
impérative / d’ordre public. C’est juste une question de hiérarchie des normes.
Peut-on faire un recours en cassation si l’on considère que le juge n’a pas correctement appliqué l’usage ?
En principe, tout ce qui concerne l’interprétation du contrat n’est pas sujet à recours en cassation. On
considère que l’interprétation est une question de fait. Or, le fait ne peut être porté en cassation.
Mais, ce principe connaît une limite : la dénaturation de l’acte. Si l’acte exprime quelque chose
d’absolument clair et que le juge lui fait dire le contraire, alors le recours en cassation sera possible. C’est
une hypothèse extrêmement rare.

Les usages de droit : la coutume, qui a une nature différente, est soumise à un autre régime juridique.
L’usage de droit, ≠ présomption de volonté, a une force normative quasi légale et fait partie d’un ordre
juridique supérieur. Très souvent, au bout d’un certain temps, la Cour de cassation ne précise plus que c’est
une coutume et se contente de dire c’est une règle de droit.
Les parties n’ont pas à apporter la preuve de l’usage de droit. Comme c’est une règle de droit, le juge est
censé la connaître.
La coutume s’applique, sans distinction géographique ou matérielle, à tous les commerçants. Son champ
d’application est donc extrêmement large.
La coutume est supplétive : s’applique, sauf clause expresse contraire des parties dans le contrat.
La coutume peut-elle déroger à une disposition d’ordre public ? En général, dans les autres domaines du
droit, ce n’est pas le cas. Pourtant, des auteurs affirment qu’en droit commercial des usages de droit dérogent
à des normes impératives : l’anatocisme et la présomption de solidarité passive. Il s’agirait d’une spécificité
du droit commercial.
Code civil, anc. art. 1202 al. 2 : « La solidarité ne se présume point ; il faut qu’elle soit expressément
stipulée.
La règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi. »
En droit commercial, la solidarité passive est présumée entre les commerçants, sans clause expresse. Pour
cette raison, des auteurs ont pu dire que la règle coutumière dérogeait à la règle impérative de l’article 1202.
Mais, l’article 1202, qui prévoit, dans son alinéa 2, des exceptions à la règle posée, ne peut être considéré
comme une véritable règle d’ordre public.
En présence d’un conflit de normes (de même valeur), la règle spéciale (solidarité passive en droit
commerciale) déroge à la règle générale (obligation conjointe).
Par contre, d’un point de vue théorique, on peut imaginer qu’une coutume écarte une règle de droit
impérative. C’est une possibilité dans toutes les matières. Mais, ce n’est pas le cas pour les deux exemples
proposés par les auteurs.
En cas de non-respect de la coutume, le recours en cassation est possible. C’est logique au regard de la
nature juridique de la coutume.
C – La jurisprudence et la doctrine
Comme dans toutes les matières juridiques, la jurisprudence est une source du droit commercial.
Le droit commercial présente une spécificité au regard du contentieux et des tribunaux. On considère que les
juges doivent avoir une certaine connaissance de la pratique. Ainsi, les tribunaux de commerce sont
constitués de juges commerçants et non de magistrats.
Il existe au sein de certaines cours d’appel une (des) chambre(s) spécialisée(s) en droit commercial. C’est
notamment le cas de la cour d’appel de Paris, qui comprend au moins deux chambres commerciales. On le
comprend parce que c’est à Paris que siègent les plus grandes entreprises. La Cour d’appel de Paris traite de
questions très importantes, avant qu’elles ne soient portées devant la Cour de cassation. En l’absence de
jurisprudence de la Cour de cassation, l’attention est portée vers ces décisions de la CA de Paris.
La chambre commerciale de la Cour de cassation veille à retenir des solutions qui ne mettent pas en péril
la pratique des affaires.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a retenu des solutions innovantes, avant-gardistes, reprises
plus tard par le législateur, en créant par exemple le régime du compte courant. Pendant des années, en droit
des sûretés, c’est la Cour de cassation qui fixaient les conditions et les limites des lettres d’intention ou des
garanties autonomes, créées par la pratique. A partir du système de droit commun de la responsabilité
délictuelle, la Cour de cassation a aussi dégagé le principe de la concurrence déloyale. La nomination d’un
administrateur provisoire pour les sociétés paralysées est également une création jurisprudentielle.
! La Cour de cassation a trouvé des solutions juridiques à des problèmes très pratiques.
Il arrive que la chambre commerciale soit en désaccord avec d’autres chambres. Cela tient à la pratique du
droit des affaires qu’elle cherche à ménager le plus possible. L’attention particulière portée à la pratique
présente le risque d’un lobbying, d’une complaisance en faveur de certaines pratiques dans les affaires.
Au XIXe siècle, la doctrine en droit commercial est relativement critiquée et a valeur inférieure à la doctrine
en droit civil.
Ce n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, la doctrine commercialiste est très présente en quantité et en qualité.
La qualité se justifie par le fait que de nombreux universitaires qui rédigent des articles, ont, à côté, un rôle
de conseil juridique auprès de la pratique.
Le problème est que le lien entre les deux métiers est poreux : les auteurs, quand ils publient, écrivent aussi
pour leurs clients. L’ensemble doit être cohérent et logique. Ainsi, dans des hypothèses, toute la doctrine
s’accorde, sans que cela ne soit justifié juridiquement, parce que c’est la solution à laquelle veulent parvenir
tous les praticiens. Parfois, la diversité d’analyse de la doctrine ne se retrouve pas (Ø contradiction) en droit
commercial, alors même que, parfois, la solution retenue est fausse. C’est assez problématique…
Il ne faut pas croire que ce que dit la doctrine est forcément vrai. En droit commercial, les intérêts sont très
présents : doctrine de « mercenaires », au service des affaires, « affairistes ».
2 – Les sources internationales
A – Les traités
Les traités sont depuis longtemps présents en droit des affaires. On n’a pas attendu la globalisation de
l’économie. Souvent, les conventions internationales en droit des affaires sont multilatérales.
Des conventions internationales régissent uniquement des rapports internationaux, entre deux Etats au
moins.
Ex : Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (1980), ne modifie pas le droit
interne applicable à chaque Etat partie, mais superpose une réglementation nouvelle uniforme.
D’autres ont pour objet d’harmoniser le droit interne des Etats signataires.
Ex : Les conventions de Genève (1930 et 1931) dont le but est d’harmoniser, en droit interne, les régimes
juridiques applicables aux chèques et aux effets de commerce.
B – L’Union européenne
Le droit de l’UE a une grande importance en droit des affaires parce que son objet est d’établir :
⁎ Un marché commun : à l’intérieur du marché, suppression des droits de douane / à l’extérieur du
marché, création d’un tarif douanier unique ;
⁎ Un espace de liberté de commerce : liberté de circulation des hommes et des capitaux, liberté
d’établissement et liberté de prestation de service au sein de l’UE.
Le droit des affaires est le premier droit impacté par le droit de l’UE, des pans entiers sont subordonnés à ce
droit supranational. Le droit des sociétés, par exemple, est contraint par de nombreuses directives
européennes.
Pour les directives, les Etats disposent d’un délai de transposition en droit interne ≠ Les règlements
s’appliquent directement.
Le droit des affaires est à la fois réglementé par des directives et des règlements.
Le droit européen est essentiel en droit bancaire, en droit des sociétés et en droit financier. Ce n’est pas le
cas pour toutes les matières du droit commercial : l’entrepreneur individuel, par exemple, est moins impacté.
C – Les usages internationaux
Les usages internationaux sont nombreux (tous pays, toutes professions). Mais, leur champ d’application est
limité.
Le rôle du droit international privé est, entre autres, de résoudre les conflits de normes et de juridictions, en
cas de litiges à plusieurs points de rattachements. Chaque Etat a ses propres règles de droit international
privé. Des conventions permettent d’éviter des conflits de lois nationales.
En droit des affaires, en général, en vertu de la liberté contractuelle, le choix de la compétence est laissé aux
parties. Les parties ont également la possibilité de se référer aux usages internationaux. Mais ce n’est pas la
solution première.
La chambre de commerce international essaie de compiler et de rendre accessibles les usages internationaux.
/!\ C’est un organisme privé (≠ autorité étatique).
Dans le commerce international, il existe une lex mercatoria (loi des marchands) constituée de principes
recensés par des organismes professionnels (≠ publics), qu’il conviendrait d’appliquer. La violation de ces
règles n’entraîne pas de sanctions juridiques (, à la rigueur des sanctions morales ou disciplinaires). Plutôt
que de se référer au droit international privé d’un pays, les acteurs peuvent s’en remettre volontairement à la
lex mercatoria.
L’association unidroit publie régulièrement ces usages.
Les règles matérielles de lex mercatoria et l’arbitrage international sont étroitement liés. En cas de litige, au
lieu de saisir un tribunal classique, les parties peuvent décider de se présenter devant un tribunal arbitral,
constitués d’arbitres. Le recours à l’arbitrage peut être prévu, par avance, par les parties (clause d’arbitrage).
Dans le cadre de l’arbitrage, des juges spéciaux appliquent voire parfois même créent ces usages
internationaux.
Titre 1 – L’activité commerciale

L’article L. 121-1 du Code de commerce, qui dispose : « sont commerçants ceux qui exercent des actes de
commerce et en font leur profession habituelle », promeut une conception dualiste du droit commercial.
Chapitre 1 – Les actes de commerce
Les actes de commerce sont signalés à l’article L. 121-1 du Code de commerce.
Section 1 – La détermination des actes de commerce
Le Code de commerce n’est pas très efficace pour déterminer quels sont les actes de commerce. On aurait
aimé une liste complète des actes de commerce et / ou des critères permettant de qualifier qu’une opération
est commerciale.
Le Code de commerce de 1807 propose une liste d’actes de commerce. Depuis, le contenu n’a pas changé…
Plusieurs catégories d’actes de commerce ont été pensées.
I – Les actes de commerce par nature
Les actes de commerce visés aux articles L. 110-1 (classiques) et L. 110-2 (maritimes) sont par nature
commerciaux.
L’art. L 110-1 n’est pas très logique : la liste est incomplète et, à beaucoup d’égards, incohérente.
/!\ Le fait qu’une activité soit mentionnée dans la liste ne suffit pas à en faire systématiquement un acte de
commerce.
Ex : l’achat pour revendre fait, à titre exceptionnel, par un particulier n’est pas un acte de commerce.

En effet, il faut, en plus, que l’acte respecte deux autres critères : la répétition* et la spéculation**.
*Pour devenir commercial, l’acte doit être répété plusieurs fois. L’exigence de répétition montre que la
théorie objective de l’acte de commerce n’est pas vraiment passée en France.
A partir de quand la répétition est-elle suffisante pour que l’activité soit commerciale ?
L’exigence est plus ou moins stricte selon l’activité en cause.
La jurisprudence exige parfois une sorte d’habitude, c’est notamment le cas pour le placement en bourse.
Dans d’autres cas, « l’habitude commence au deuxième acte », la répétition est admise beaucoup plus
rapidement.
Quand la loi utilise le terme d’« entreprise » pour désigner une activité, on considère qu’elle exige une
véritable activité professionnelle.
**La spéculation est la recherche du bénéfice. Ce qui est important ce n’est pas l’obtention mais la
recherche du profit /!\
Ainsi, la jurisprudence exclut certains organismes, comme les mutuelles, qui pourtant passe des actes de
commerce, au motif qu’ils ne recherchent pas le profit mais interviennent dans l’intérêt de leurs adhérents.
En plus de ce sens général, le terme « spéculation » a un autre sens. La qualification d’une entreprise (artisan
/ commerçant) dépend, selon la jurisprudence, de l’objet de la spéculation. La distinction commerçant /
artisan a été inventée au XIXe siècle par la jurisprudence. Au XIXe siècle, le droit de la faillite était très
punitif. Le commerçant qui ne payait pas ses dettes était traité très sévèrement : son entreprise était liquidée,
il était interdit d’exercer le métier de commerçant et risquait une peine de prison. La jurisprudence, après
s’être aperçue que cela conduisait à punir les petits commerçants, a voulu les protéger en créant la catégorie
d’artisan, qui échappe aux règles du droit de la faillite. Aujourd’hui ce n’est le cas, les artisans sont soumis
au droit des procédures collectives.
L’artisan est celui qui gagne sa vie en spéculant uniquement, ou au moins principalement, sur son travail,
son savoir-faire. Par opposition au commerçant qui, s’il exerce une activité proche voire identique, crée de la
richesse sur du matériel (marchandise, outillage) ou le travail d’autrui (salariés).
Pour une même activité donnée, la jurisprudence, au regard de ce critère, peut dire qu’une personne est
commerçante ou artisan. C’est parfois source de vraies difficultés.
Ex : le chauffeur de taxi qui a dix salariés est commerçant ≠ le chauffeur de taxi seul, qui compte sur son
seul savoir-faire (permis B) est artisan.
A – L’achat en vue de la revente / la vente commerciale
C’est le principal acte de commerce : l’achat auprès d’un fournisseur pour revendre auprès de
consommateur.
1 – Biens meubles
L’article L. 110-1 vise tout achat de biens meubles pour les revendre soit en nature soit après les avoir
travaillés ou mis en œuvre.
« Pour » : le bien meuble est acheté dans l’intention d’une revente, d’effectuer une plus-value. L’élément
intentionnel est essentiel et relie deux contrats de vente :
◌ Le contrat de vente initial, c’est-à-dire l’achat
◌ Le second contrat de vente, c’est-à-dire la revente.
Dans ce cas, les deux contrats de vente sont des actes de commerce.
Parfois, dans le cadre d’une commande, la seconde vente a lieu avant la première.
La vente reste commerciale, que le bien reste intact, ou subisse une modification. Mais, à un certain degré de
modification, on va se trouver dans une autre logique, la logique industrielle. Sans le transformer
entièrement, on peut quand même le modifier un peu avant la revente.
La jurisprudence apporte un certain nombre de limites à ce principe car si on ignore certaines
transformations effectuées sur le bien, on pourrait qualifier de commerçant quelqu’un qui, en réalité, est un
artisan.
Ex : l’achat de bois, pour en faire des meubles relève de l’artisanat. Le bien est façonné, c’est le principe
même de certains artisans.
D’autres activités doivent aussi être exclues du domaine commercial :
⁃ Toutes les activités agricoles : le travailleur produit pour revendre, mais n’achète pas au préalable.
Il faut néanmoins apporter certaines nuances : dans le cadre de l’exploitation du bétail, si la
nourriture donnée aux bêtes est achetée à l’extérieur alors l’activité devient commerciale. Par contre,
si la nourriture est pour une part produite et pour l’autre achetée, on ne sait pas vraiment si l’activité
est civile ou commerciale… C’est le juge qui tranchera ;
⁃ Toute la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et propriété industrielle) ;
⁃ Les professions libérales ;

⁃ Les activités d’enseignement.

2 – Biens immeubles

Dans le Code de commerce de 1807, les opérations immobilières ne figuraient pas dans la liste des actes de
commerce. On considérait que l’immeuble, par nature, devait relever de la matière civile.
La loi a évolué en 1967 : désormais, dans l’article L. 110-1, tout achat d’un immeuble pour le revendre est
un acte de commerce, sauf si l’acquéreur l’a acheté en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiment(s) et revendre
(en bloc ou par locaux). Il faut donc distinguer les hypothèses :
▫ Le « marchand de biens », qui achète des biens immobiliers pour les revendre, a une activité
commerciale.
▫ Concernant le promoteur immobilier, qui achète pour faire construire et revend, c’est plus complexe.
La nature de l’acte dépend de la personne qui construit : si le promoteur fait appel à un tiers, l’acte
est civil ≠ s’il fait lui-même construire, il s’agit d’une opération de manufacture, qui est une
opération commerciale.
B – Les activités industrielles
L’industrie est la transformation réalisée sur des biens grâce à des moyens matériels et humains. Ce n’est pas
une profession de type intellectuel, libéral mais cela n’exclut pas pour autant un certain savoir-faire.
Il faut savoir que certaines activités, qui sont normalement industrielles, ne sont pas commerciales :
Les activités extractives (exploitation d’une carrière, d’une tourbière, d’une source minérale ...) sont civiles.
On considérait que récolter les produits / toucher au capital d’un bien caractérisait un acte civil.

Exception à l’art. L. 131-3 du Code minier : les exploitations minières sont des activités extractives mais
sont commerciales. L’activité de recherche de mine et l’extraction d’argile ou de marais salants sont, en
revanche, civiles.

L’article L. 110-1 explique que les entreprises de manufacture sont des actes de commerce. ≈ industrie,
parce que la manufacture entraîne la transformation du produit. La jurisprudence fait une interprétation
extensive de ce terme : métallurgie, chimie, textile, teinturier, promoteur qui construit lui-même sur le
terrain acheté … Exception : l’artisan (ex : plombier seul à son compte) n’exerce pas une activité
commerciale car il ne spécule pas sur du matériel ou sur le travail d’autrui.
Le critère est vague et ne permet pas distinguer catégoriquement l’artisan et le commerçant. C’est le juge
qui, au final, tranchera.
Les activités de service sont aussi des activités commerciales. L’art. L. 110-1 vise de nombreuses activités,
mais les termes employés sont archaïques. Depuis le XIXe siècle, des évolutions économiques ont fait que
des activités de service non citées par le Code sont reconnues par la jurisprudence comme des activités de
commerce.
La loi vise les activités de location de biens meubles, qu’il s’agisse d’un bail classique ou d’opérations
voisines qui recourent à un contrat de bail (crédit-bail, location de vente).
La loi ne vise que le bail portant sur des biens meubles. Le bail d’immeuble, non cité, demeure une
opération civile, que ce soit la location d’habitation classique ou la location de parking.
Contrairement à son nom, le bail commercial (location de locaux) est ainsi, en principe un acte civil. Dans
certaines conditions, il peut y avoir une requalification par le contrat commercial. Le bail commercial génère
un contentieux important, qui va devant le tribunal judiciaire.
Exception : l’hôtel – la chambre est louée avec des meubles indispensables. Du fait de l’importance des
meubles, les prestations hôtelières sont commerciales.
Les contrats de transport sont des contrats de commerce. L’article L. 110-1 mentionne le transport terrestre
/ l’article L. 110-2 le transport maritime. La jurisprudence a généralisé à tous les transports (ferroviaires,
avion, entreprise de déménagement, de remorquage …), et même au téléphérique.
Limites : auto-école – l’élève n’est pas là pour se faire transporter mais pour apprendre. C’est une activité
d’enseignement donc une activité civile.
L’activité de taxi est, en principe, une activité commerciale. Mais, sous certaines conditions, le chauffeur de
taxi pourra être considéré comme un artisan.
C – Les activités de banque et de change
Les établissements de crédit bénéficient par la loi d’un monopole bancaire pour certaines opérations. Ces
opérations, la réception et l’utilisation de fonds du public et surtout les opérations de crédit (à titre onéreux),
sont des actes de commerce.
D’autres opérations ne faisant plus partie du monopole bancaire, comme la mise à disposition de moyens de
paiement (chèque), sont aussi des activités commerciales.
En plus de ces activités principales (crédit), la banque peut porter des activités connexes, compatibles avec
ses activités principales. Les contrats de change, qui ne sont pas soumis au monopole, sont des activités
commerciales. Il existe aussi d’autres activités connexes comme la gestion financière d’entreprise dont la
nature est inconnue à ce jour (pas de jurisprudence).
Les services d’investissement (tout ce qui se rapporte au marché financier, à la bourse), non mentionnés par
la loi, sont des activités commerciales.
L’article L. 110-2 fait mention des assurances maritimes parmi les actes de commerce. En revanche, l’article
L. 110-1 ne dit rien à ce propos. La jurisprudence a étendu : l’assurance est une activité commerciale sauf en
l’absence de recherche profit (mutuelles).
D – Les entreprises de fourniture
Les entreprises de fourniture livrent des marchandises ou fournissent des services. Les activités de
distribution de produits qui n’ont pas été préalablement achetés (eau, gaz, électricité) font partie de ces
entreprises de fourniture.
La catégorie d’« entreprises de fourniture » permet à la jurisprudence d’intégrer des services extrêmement
divers, tels que l’enlèvement des ordures ménagères, les pompes funèbres, le diagnostiqueur immobilier, le
travail temporaire…
Les multiples exemples d’entreprises de fourniture sont étayés sous l’article L. 110-1 du Code de commerce.
E – Les entreprises de spectacle
Les entreprises de spectacle sont des activités commerciales. Il s’agit des théâtres, des cinémas, des cirques,
des salles de conférence ...
Exception : les spectacles gratuits sans intention spéculative.
La qualification commerciale s’étend en matière sportive. En principe, les activités sportives sont gérées par
des associations. Mais à un certain niveau, l’activité devient commerciale : certains grands clubs de
sport sont de véritables sociétés commerciales (recherche de profit).
F – Activités d’intermédiaires
A va contracter avec C mais, pour ce faire, B va intervenir pour les mettre en relation ou faciliter la
conclusion du contrat.
Le mandat n’est pas visé de façon générale à l’article L. 110-1. C’est, en principe, une opération civile, sauf
mandats particuliers.
Le critère classique est la qualification (du contrat). Les contrats d’intermédiation sont déclarés
automatiquement actes de commerce en fonction de leur objet. Toute activité d’intermédiaire pour l’achat, la
souscription ou la vente d’immeuble, de fonds de commerce ou de parts de société immobilière, est
commerciale. Seul l’objet du contrat compte, pas la nature de l’activité. (c’est automatiquement commercial
selon l’objet et non la nature de l’activité).
L’agent immobilier, qui est mandaté, est forcément un commerçant. Certains contrats précis
d’intermédiation sont automatiquement commerciaux quel que soit leur objet. En principe, le mandat de
contrat n’est pas concerné mais parfois, sous une forme spécifique, sera malgré tout commercial. Selon la
loi, ces contrats correspondent aux entreprises de commission, aux entreprises d’agence, aux bureaux
d’affaires et aux opérations de courtage.
Les agents d’affaires gèrent les biens ou les affaires d’autrui et facilitent ainsi la conclusion de contrats.
Dans certains cas, l’agent d’affaires sera un mandataire et, dans ce cas-là, il s’agira alors d’une activité de
commerce. Ainsi, selon la jurisprudence, les cabinets de recouvrement de créance, les agences de
renseignements commerciaux, les généalogistes et les agents artistiques sont des commerçants (agents
d’affaires).
La jurisprudence qualifie également les agences de voyage ou de publicité d’activités de commerce.
En revanche, l’agent d’assurance, qui est un mandataire, n’est pas un commerçant.
L’agent commercial (Code de commerce, art. L. 134-1) agit comme simple mandataire indépendant pour le
compte de commerçants. L’agent commercial n’est pas, d’après la jurisprudence, un agent d’affaires car il
n’a pas de clientèle propre. C’est donc une activité civile.
➔ La liste légale n’est, en pratique, que peu utile. Il convient de rechercher, au cas par cas, si la
jurisprudence s’est prononcée sur la nature du métier concerné.
La solution retenue pour les contrats de commission et de courtage (≠ mandat) est un peu plus fiable.
Le courtier se contente de rapproche deux personnes susceptibles de contracter et n’agit au nom et pour le
compte de personne. Le courtier immobilier, matrimonial, en assurance, banque, vin… est commerçant.
Toutes les opérations de courtage sont commerciales.
Le contrat de commission est une sorte de demi-mandat : A demande à B de passer un contrat pour son
compte mais pas en son nom (mandat) ; B passe contrat avec C en son nom propre (Ø mandat) ↔ s’engage
juridiquement pour le compte de A. C’est un contrat commercial
≠ Mandat (mandant / mandataire) : A donne à B le pouvoir de contracter avec C au nom et pour le compte de
A.
En somme, l’acte de commerce est appréhendé à partir de multiples petits critères imprécis qui se
superposent. La jurisprudence entretient le flou général. De nombreuses incertitudes demeurent quant à la
qualification d’acte de commerce, d’autant que certaines activités n’ont jamais été visées par la
jurisprudence. L’intervention du législateur n’est pas du tout convaincante.
G – Vers un critère général ?
Depuis 200 ans, la doctrine cherche en vain un critère unique qui justifierait les solutions retenues par l’art.
L. 110-1 et la jurisprudence et permettrait de trancher la nature de tout acte non visé par le droit positif.
Plusieurs critères ont été proposés, mais aucun n’est satisfaisant :
❖ La spéculation – les actes civils sont parfois portés par la recherche du profit. A l’inverse, des
activités visées par l’article L. 110-1 n’implique pas de spéculation (courtier).
❖ L’entreprise – critère beaucoup trop large, qui recouvre des réalités trop disparates.
❖ Aux XIXe et XXe siècles, la matière commerciale est caractérisée par l’entremise dans la distribution
des richesses : toutes les interventions entre la P° et la consommation d’un bien seraient de nature
commerciale, (à l’exclusion de la P° et de l’achat par le client). Là encore, le critère ne fonctionne
pas toujours : l’agent commercial, qui s’apparente à une activité d’entremise, est pourtant une
activité civile.
On n’est jamais parvenus à trouver un critère universel de qualification et on n’en trouvera jamais. Le
législateur pourrait néanmoins reprendre sa liste, l’ordonner et la simplifier.
II – Les actes de commerce par la forme
L’acte de commerce par la forme présente une commercialité plus intense que l’acte par nature. L’acte est
obligatoirement commercial, peu importe la qualité de la personne qui passe l’acte. Il n’admet aucune
nuance.
Les actes de commerce par la forme seraient des procédés réservés à la matière commerciale. Il n’y en a que
deux séries : la lettre de change et la société commerciale.
A – La lettre de change
La lettre de change (ϵ droit bancaire) est le titre de paiement et de crédit par lequel le tireur donne l’ordre au
tiré (le débiteur) de verser une somme d’argent à un tiers (le porteur / le bénéficiaire de la lettre) à une date
déterminée. La lettre de change est l’ancêtre du chèque (M.-A.). Ce sont deux titres très proches
juridiquement.

Mécanisme : émission d’un chèque par le tireur ! sur sa banque (le tiré) ! au bénéfice du tiers.
Juridiquement, le chèque et la lettre de change sont des cessions de créance :
A dispose de 1000 euros sur son compte bancaire doit 500 euros à B. A est titulaire d’une créance de 500
euros envers sa banque et la cède au bénéficiaire C.
Sur la lettre de change, il faut indiquer : qui émet la lettre de change (le tireur), le tiré et le bénéficiaire. La
lettre de change sera cédée en théorie à de nombreuses reprises.
Contrairement au chèque, la personne tenue de payer à la fin n’est pas la banque.
Également, un chèque peut être encaissé de suite, alors que la lettre de change peut très bien n’être encaissée
qu’à une certaine date (créance à terme).
Ex : un commerçant doit 1000 euros à un client ; un client lui doit 1000 euros dans trois mois. Le
commerçant rédige une lettre de change : dans trois mois, le client se fera payer les 1000 euros par son
propre débiteur.
! La lettre de change est un instrument de paiement et de crédit (lettre de change à terme).
En pratique, la lettre de change ne circule quasiment plus.
Les lettres de change, entre toutes personnes, sont des actes de commerce (présomption irréfragable de
commercialité). Peu importe la qualité des signataires, le droit commercial s’applique (solidarité passive) et
le tribunal de commerce est compétent.
Le législateur a décidé d’interdire le recours, par un consommateur, à la lettre de change dans le cadre d’une
opération de crédit à la consommation.
B – La société commerciale
La société est, en principe, un groupement de personnes doté, le plus souvent, de la personnalité morale.
Les associés se réunissent pour développer une activité et, la plupart du temps, vont créer une société, c’est-
à-dire un être juridique autonome. Souvent, la société a une activité économique et sera qualifiée de
commerciale.
La société, en tant que personne juridique, sera parfois un commerçant.
Deux critères :
‣ Objet social / activité de la société : actes de commerce par nature ;

‣ Commercialité par la forme : pour certaines formes sociales, automatiquement, la société sera
commerciale. Les sociétés concernées par la qualification sont nombreuses (SARL, SA, SASS) et
présentent un intérêt : lors de la création de l’entreprise, les associés ont une responsabilité limitée,
leur patrimoine personnel est préservé en cas de faillite.

Beaucoup optent pour les sociétés commerciales par la forme, soumises aux obligations des
commerçants (tenir une comptabilité …), sans être commerçants. Il y a, dans ce cas, une
déconnexion entre la forme (commerciale) et l’objet (civil). Ici, la forme prime sur le fond : l’activité
de la société commerciale par la forme est réputée commerciale, que cela se vérifie ou non
effectivement. Ainsi, la réglementation des actes de commerce s’applique : compétence du TC,
liberté de la preuve …

Mais, si l’activité est civile, la clientèle demeure civile, et on dira que la société gère un fonds libéral,
agricole ou artisanal (≠ fonds commerce). En cela, le statut ne sera pas identique à celui de tous les
commerçants.

Ex 1 : à défaut de clientèle commerciale, la société ne pourra pas bénéficier du bail commercial


(jurisprudence) ;

Ex 2 : la SEL, soumise au droit des sociétés commerciales, dépend des juridictions civiles.

III – Les actes de commerce par accessoire


Le critère est mentionné au 9° de l’art L. 110-1 : « sont commerciales, toutes obligations entre négociants,
marchands et banquiers. » < adage : « l’accessoire suit le principal. »
Les termes employés sont usités et renvoient simplement aux commerçants.
L’acte civil passé par un commerçant va devenir commercial par accessoire à son activité principale, elle-
même commerciale. Tous les actes qu’il va passer dans le cadre de son activité seront commerciaux.
On présume que l’acte passé par le commerçant, dans le cadre professionnel, est en rapport avec le
commerce. C’est une présomption simple, qui peut être renversée librement.
La règle s’applique aux personnes physiques (commerçants) comme aux personnes morales (sociétés
commerciales par la forme). La société commerciale par la forme est commerçante, son activité est
présumée commerciale donc, les actes passés, dans le cadre de la société, sont commerçants par accessoire.
Ce critère renforce la commercialité des sociétés commerciales.
Au cas par cas, des actes civils deviennent des actes de commerce par accessoire.
Ex 1 : Le bail d’immeuble est, en principe civil, mais, s’il est passé par un commerçant, il deviendra, pour ce
commerçant, un acte de commerce par accessoire. Pour certains actes, le contrat sera civil pour une partie et
commercial pour l’autre (commerçant).
Ex 2 : Le contrat de travail, du point de vue de l’employeur, s’il est commerçant, sera un acte de commerce.
Ici, la qualification n’a pas grand intérêt, à part pour la liberté de la preuve.
Ex 3 : Un mandat, conféré par un commerçant, sera commercial, au moins du point de vue de ce
commerçant.
La commercialité par accessoire s’étend aussi aux engagements contractuels (jurisprudence). Cela concerne
surtout la responsabilité délictuelle. En droit commercial, il existe une utilisation spécifique de la
responsabilité délictuelle : l’action en concurrence déloyale, lorsqu’un concurrent entretient la confusion.
Dans ce cas, les obligations qui vont naître de la responsabilité vont dépendre de la compétence des
tribunaux de commerce.
La jurisprudence, de son propre chef, a inversé la théorie de l’accessoire aux activités civiles.
Ex 1 : l’activité principale d’un exploitant agricole étant civile, les actes de commerce par nature qu’il va
conclure vont devenir civils par accessoire.
Ex 2 : certaines hypothèses sont plus délicates. L’exploitant agricole qui nourrit son bétail avec de la
nourriture achetée à l’extérieur passe un acte de commerce. Mais, son activité principale étant commercial,
l’acte devient civil.
Parfois, la jurisprudence isole deux fonds différents : le fonds agricole d’une part et le fonds de commerce
de l’autre par exemple. C’est le cas lorsqu’il y a suffisamment d’autonomie entre les deux activités.
IV – Les actes de commerce par extension
Le dernier type d’acte de commerce reçoit des dénominations différentes selon les auteurs. Certains opèrent,
par exemple, une distinction entre accessoire subjectif (sujet – commerçant) et accessoire objectif (activité –
commerciale). La distinction prête à confusions et, partant, n’est pas vraiment efficace …
La jurisprudence a décidé seule de qualifier ces actes d’actes commerciaux. On ne peut pas faire jouer la
commercialité par accessoire car, ici, le sujet n’est pas commerçant. Il y a un lien étroit entre les actes en
question et l’activité commerciale. C’est pourquoi, d’autres auteurs parlent de « cause commerciale ».
A – Cession d’une entreprise commerciale
L’art. L. 110-1 ne la mentionne pas parmi les actes par nature.
Il existe trois façons de vendre une entreprise commerciale :
• La vente du fonds de commerce d’un commerçant personne physique ;
• La vente des droits d’associés / droits sociaux d’une société commerciale ;
• L’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) : technique de transmission spécifique,
l’EIRL étant un patrimoine affecté.
1 – La vente d’un fonds de commerce
Un commerçant, qui exploite une activité commerciale, vend son fonds de commerce. La vente est-elle un
acte de commerce ?
La jurisprudence considère, de façon stable, que c’est effectivement un acte de commerce. C’est valable non
seulement pour la vente mais également pour la promesse unilatérale de vente. Il s’agit plutôt d’un acte de
commerce par accessoire parce que le commerçant, lorsqu’il signe, est toujours commerçant. C’est son
dernier acte de commerce.
Le commerçant décède. Ses héritiers, qui n’ont jamais exercé d’activité commerciale, récupèrent le fonds de
commerce et décident de le vendre. Qu’en est-il de l’acte ? Les héritiers, étant étrangers à l’activité
commerciale, l’acte de vente est civil.
Le commerçant prend sa retraite et confie la gestion de son fonds de commerce (location-gérance). Il va
peut-être le vendre quelques années plus tard au locataire ou à un tiers. Dans ce cas, l’acte de vente n’est pas
un acte de commerce car, au moment de la vente, il n’exerçait plus d’activité commerciale (C. com., 8 janv.
1991).
Du point de vue de l’acheteur maintenant, l’achat d’un fonds de commerce est-il un acte de commerce ?
Par accessoire ?
L’achat d’un fonds de commerce par un commerçant qui a déjà une activité commerciale et l’agrandit, est un
acte de commerce par accessoire.
Par contre, l’achat d’un fonds de commerce pour commencer une activité professionnelle n’est pas un acte
de commerce par accessoire. L’accessoire suit le principal : or, il n’y a pas, au moment de la conclusion du
contrat*, d’activité principale. *C’est à ce moment-là, et non après, que l’on qualifie un contrat, donc, la
théorie de l’accessoire est inapplicable.
La jurisprudence accepte de considérer que l’acte est commercial parce que la partie, qui n’est pas encore
commerçante, y a eu recours dans le but d’exploiter ultérieurement et personnellement une activité
commerciale et qu’il lui est indispensable pour devenir commerçant (C. com., 13 mai 1997 ; 15 novembre
2005).
Deux critères :
▫ Objectif : le lien avec l’activité commerciale future ;
▫ Subjectif : l’intention d’exploiter le fonds de commerce.
La jurisprudence applique la théorie de l’acte de commerce par extension à l’acte d’achat mais, plus
largement, à tous les contrats indispensables à l’exercice de l’activité commerciale, tel que le contrat de prêt.
La Cour de cassation a refusé, à deux reprises, la qualification d’acte de commerce pour un contrat de prêt.
En l’espèce, des époux avaient acheté un fonds de commerce grâce à un prêt. Suite à la faillite du
commerce, la banque invoquait la solidarité passive entre les époux. La Cour de cassation l’a écarté au motif
que, si les deux époux avaient signé, ensemble, le contrat de prêt (garantie supplémentaire pour la banque),
un seul avait l’intention d’exploiter le fonds de commerce. Pour l’autre, le contrat n’est pas un acte de
commerce par extension mais bien un acte civil.
2 – La cession d’une société commerciale
La société étant une personne morale, on ne peut pas la céder en tant que telle mais plutôt les droits sociaux
(parts sociales, actions). La loi considère que ces droits sont des biens incorporels, objets de propriété.
Or, c’est la société commerciale elle-même qui a le titre de commerçant, et non pas les associés (sauf SNC).
La cession d’une société commerciale n’est pas, en principe, de l’achat pour revendre. De plus, les associés
n’ayant pas la qualité de commerçant, l’acte devrait, en toute logique, être civil.
Pourtant, à partir de 1978, la jurisprudence, a admis, dans certains cas, que la cession de droits sociaux était
un acte de commerce. La vente / l’achat devient commercial(e) dès lors qu’elle / il opère cession de
contrôle* de la société commerciale, même si le vendeur / l’acheteur n’est pas commerçant. *La cession à
80%, par exemple, offre au cessionnaire les parts et la direction.
Le critère s’est élargi : l’acte de cession est commercial parce qu’il affecte l’organisation de la société :
⁎ En transférant le contrôle de la société (1978) ;
⁎ En garantissant le maintien du contrôle de la société à son titulaire (1996).
B – Le cautionnement
Le cautionnement est une sûreté réelle. C’est la garantie du paiement de la dette d’autrui, en cas
d’insolvabilité du débiteur.
Le cautionnement est normalement un contrat civil du fait de sa gratuité. Il peut néanmoins, par exception,
être à titre onéreux (service financier rendu par organisme privé). Dans certains cas, la jurisprudence a
considéré que le cautionnement accordé par une personne, ayant un intérêt patrimonial personnel (≠ libéral),
à une société commerciale, pouvait être, à certaines conditions, être requalifié d’acte de commerce par
extension.
La jurisprudence pose une présomption d’intérêt patrimonial du dirigeant d’une société. Donc, son
cautionnement est un acte de commerce (présomption de commercialité).
Pour les autres garants, tel qu’un associé, la seule qualité ne suffit pas, il faut prouver l’intérêt patrimonial.
Être le conjoint du dirigeant ne permet pas non plus de présumer un intérêt patrimonial.
Ex : les locaux de la société hébergeant le dirigeant et son épouse, celle-ci avait un intérêt personnel au
cautionnement de la dette. Une fois le preuve établie, l’acte a donc été jugé commercial. Cette qualification
a une importance pour le créancier car il pourra faire jouer la solidarité passive.
Il y a un pt commun entre les opérations qualifiées d’actes de commerce par extension : chaque fois, la
personne concernée n’a pas la qualité de commerçant, avant comme après l’acte. La qualification ne génère
pas la qualité de commerçant.
C’est important à souligner parce que certaines règles du droit commercial général s’appliquent largement
aux actes de commerce et d’autres seulement aux actes de commerce conclus par un commerçant. Dans ce
dernier cas, les actes de commerce par extension (personnes non-commerçantes) ne seront pas concernés.
Section 2 – Le régime des actes de commerce
La qualification (nature) des actes de commerce a des conséquences (régime), qui s’émoussent
progressivement.
On l’a dit, parfois, l’application du régime commercial est subordonnée à la qualification d’« acte de
commerce » + la qualité de commerçant (double critère : objectif et subjectif). On l’a vu, cela peut poser
problème pour l’acte de commerce par extension conclu par des parties non commerçantes.
En principe, un acte de commerce est conclu par un commerçant, sauf actes de commerce par la forme et par
extension.
S’agissant du bail commercial, la location du local est, pour le particulier, un acte civil / pour le propriétaire
commerçant, un acte de commerce. Une scission s’opère au sein de la qualification. C’est le problème des
actes mixtes : quel régime appliquer ?
§1 – Dérogations au droit commun
I – Les litiges commerciaux
Le droit commercial est un droit historiquement créé par les commerçants. Cela s’est traduit notamment par
des juridictions spécifiques autogérés par les commerçants, que l’on a, par la suite, conservées de l’ancien
droit.
Un autre mode de résolution des litiges est particulièrement développé en droit commercial : l’arbitrage.
A – Les tribunaux de commerce
Les tribunaux de commerce sont des juridictions de premier degré. La Cour d’appel prend le relais en
deuxième instance et la Cour de cassation en cassation.
Les tribunaux de commerce ont été créés, sous l’ancien droit (corporatiste), entre le XVIe et XVIIe.
Les juridictions consulaires auraient été conservées après la RF car les professionnels qui y siègent
comprennent mieux les impératifs du commerce et les usages commerciaux.
L’argument ne vaut pas grand-chose car il s’agit, avant tout, d’appliquer le droit. De plus, les usages
commerciaux, et notamment leur nombre, doivent être relativisés.
! En réalité, le tribunal de commerce existe toujours car les juges consulaires sont bénévoles et donc non
rémunérés. L’Etat y gagne économiquement.
Le tribunal de commerce fait difficulté à plusieurs niveaux :
▫ Formation : à contentieux équivalent, les commerçants et les chefs d’entreprises du tribunal de
commerce n’ont que quelques jours de formation / les magistrats du tribunal judiciaire étudient le
droit pendant cinq ans, avant d’intégrer l’ENM (très sélectif). Les juges du tribunal de commerce
n’ont pas les compétences requises. Le même problème se pose en droit du travail, pour les
juridictions prud’hommales, mais le degré de spécialisation est plus grand. En droit commercial, les
juges n’ont aucune connaissance juridique en la matière.
▫ Partialité – esprit corporatiste. La f° de juge au tribunal de commerce est une position très
recherchée pour le prestige et surtout l’influence. Parfois, les solutions retenues sont faussées par le
réseau (en faveur de la partie ϵ au même groupement). Ex : devant le TC, le plus souvent, les
banques gagnent le procès / en appel, c’est l’inverse.
A. Montebourg, sous J. Chirac, s’était saisi de la question, avec un groupe parlementaire. Le rapport
était chaotique et proposait soit la suppression des tribunaux de commerce soit d’en faire des
juridictions échevinales (juges commerçants + magistrats professionnels). D’autant que de nombreux
pays ne connaissent pas les tribunaux commerciaux et que d’autres, qui les avaient adoptés sous
l’influence de Napoléon (Italie, Pays-Bas, Québec), les ont abandonnées.
Un courant inverse se dessine. Le président de la Conférence générale des juges consulaires de France, dans
son rapport Du tribunal de commerce au tribunal des affaires économiques, soutient l’extension de la
compétence du tribunal de commerce aux artisans et, plus largement, à toutes les activités économiques.
Cela permettrait d’alléger le contentieux devant le tribunal judiciaire sans augmenter le budget de la justice.
C’est une manière de privatiser le pouvoir …
Parallèlement, un projet propose de renvoyer tout le contentieux des baux (dont le bail commercial) devant
le tribunal de commerce. Or, le bail commercial, de par son régime très complexe, est impossibles à traiter si
l’on n’est pas juristes ...
1 – L’organisation des tribunaux de commerce
Les tribunaux de commerce sont composés de juges élus, qui ne sont pas issus de l’ENM. Ce sont des
commerçants / chefs d’entreprises nommés.
Conditions d’accès à la f° :
▪ 30 ans ;
▪ Immatriculation au RCS depuis au moins cinq ans.
Aucune connaissance juridique n’est exigée.
Election :
▫ Scrutin a deux degrés – les commerçants élisent des délégués consulaires, qui vont eux-mêmes élire,
avec les anciens membres des tribunaux de commerce, les nouveaux juges consulaires (sorte de
cooptation).
▫ Mandat renouvelable. Au bout de 14 ans, le juge doit arrêter d’exercer pendant un an au moins
(éviter la corruption).
Le secrétariat du tribunal est assuré par le greffier, qui a le statut très particulier d’officier ministériel public
(comme un notaire). Il est chargé des tâches de secrétariat mais également de tous les registres du commerce
(au premier plan RCS).
2 – La compétence des tribunaux de commerce
a – La compétence matérielle, le contentieux
Le tribunal de commerce est une juridiction d’exception, uniquement compétente quand le texte le prévoit
expressément. La compétence de principe est au TJ.
Les articles L. 721-1 à L. 721-6 du Code de commerce organisent la compétence du tribunal de commerce.
Les tribunaux de commerce connaissent – art. L. 721-3 :
▫ Contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre
établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux. Ce n’est pas précisé mais
c’est évident : le contentieux doit, en plus, être commercial.
La loi du 18 nov. 2016, en réintégrant les artisans dans le champ de compétence du tribunal de
commerce, a introduit un grand changement. Il ne sera effectif qu’à l’adoption d’un décret
d’application ou, à défaut, au plus tard le 1er janv. 2022.
/!\ Ce n’est pas parce que le tribunal de commerce est compétent qu’on leur appliquera le droit
commercial et le statut de commerçant. Le droit civil continuera de s’appliquer. Il convient de
distinguer le tribunal compétent du droit applicable.
▫ Contestations relatives aux sociétés commerciales. En tant que commerçant, la société commerciale
entre dans l’hypothèse précédente. Ici, ce qui est visé, ce sont plus précisément les contestations
« relatives » aux sociétés commerciales : à leur constitution, leur fonctionnement (demande
d’administrateur judiciaire), la cession de leurs titres (qui, pourtant, ne sont pas toujours des actes de
commerce par extension) … Le contentieux intègre les litiges entre associés, associé c/ société,
associé c/ le gérant, c’est-à-dire entre des personnes non commerçantes. Normalement, c’est de la
matière civile, qui devrait relever du tribunal judiciaire. Le législateur a opéré une extension.

Il y a quand même une exception avec les SEL.


▫ Actes de commerce entre toutes personnes : contentieux relatif aux lettres de changes et aux billets
à ordres, aux actes de commerce par extension (cession de contrôle, achat de fonds de commerce …)
Dans cette hypothèse, la qualité des parties est indifférente. C’est assez gênant parce que des
commerçants jugent des non commerçants ! risque de partialité.
▫ En matière de procédures collectives, le tribunal de commerce est compétent si le débiteur exerce
une activité commerciale ou artisanale (art. L. 621-2, C. com.). Pour les procédures collectives, la
compétence du tribunal de commerce est depuis longtemps étendue aux entreprises artisanales. Les
professions libérales dépendent, quant à elles, toujours du TJ.
Il y eut beaucoup de fraudes en matière de procédures collectives dans les années 1980. Mais,
désormais, c’est plus contrôler.
Peut-on prévoir dans un contrat une clause d’attribution de la compétence matérielle au tribunal de
commerce (avec les risques d’impartialité qui accompagne la procédure) ?
Les règles d’attribution de la compétence matérielle sont d’ordre public. Il n’est donc pas possible d’étendre
la compétence d’une juridiction spécialisée. Dans un arrêt du 10 juin 1987, la Cour de cassation a ainsi jugé
une telle clause inopposable au défendeur non commerçant.

Des auteurs expliquent qu’on pourrait faire l’inverse et se mettre conventionnellement d’accord pour se
présenter devant le TJ. Beaucoup de commerçants et de chefs d’entreprise seraient ravis et c’est une clause
que les avocats recommanderaient. Mais, la question n’est pas remontée à la Cour de cassation.
b – La compétence territoriale
En principe, le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. Pour les sociétés commerciales, on
regarde le siège social (équivalent du logement).
Exception : la jurisprudence des gares principales – en présence d’une société a plusieurs activités, avec
notamment des succursales*, le demandeur peut saisir soit le siège social de la société soit celui de la
succursale. * Etablissement, qui dépend d’un siège central, tout en jouissant d’une certaine autonomie
(gérant indépendant)
Autre aménagement possible : le lieu de livraison de la chose ou d’exécution de la prestation.
Les règles d’aménagement territorial ne sont pas d’ordre public. L’art. 48 du CPC autorise les clauses y
dérogeant dès lors qu’elles ont été convenues entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de
commerçant. Donc, de telles clauses seront réputées non écrites dans les actes mixtes.
Le texte précise, en plus, que la clause doit être spécifiée de façon très apparente (en gros caractères).
B – L’arbitrage
Ce n’est pas une question propre au droit commercial. L’arbitrage peut s’utiliser en droit commun et s’étudie
en procédure civile.
L’article L.721-3, dans son dernier al., énonce néanmoins une spécificité du droit commercial : « les parties
peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus
énumérées. »
L’arbitrage est utilisé beaucoup plus couramment en droit commercial, et le champ d’application est plus
large.
Les art. 1442 à 1503 du CPC fixe le régime de l’arbitrage interne (≠international), en sus de quelques
dispositions du Code civil.
L’arbitrage a fait l’objet d’une réforme en 2012 : on parle désormais de tribunal arbitral.
Dans le cadre de l’arbitrage, les parties à un litige décide de le soumettre, non pas à un tribunal étatique,
mais à un tiers.
1 – La convention d’arbitrage
La convention est le contrat par lequel les parties conviennent, pour les litiges, de s’en remettre à un arbitre
(et non un juge).
La convention d’arbitrage existe sous deux formes :
⸭ Le compromis d’arbitrage (art. 2059, C. civ.), qui permet recourir à un arbitre, une fois que le litige est né.
Le contractant renonce à son droit d’aller devant le tribunal. Ce compromis d’arbitrage n’est pas réservé aux
commerçants : « toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition »
(art. 2059). Cependant, il ne peut être prévu pour tous les droits : le compromis ne peut être contracté sur
l’état ou la capacité des personnes et, plus généralement, l’ordre public. En dehors de ces matières sensibles,
commerçants comme non commerçants peuvent réaliser un compromis d’arbitrage, après qu’un litige ait
éclaté. Le CPC impose que le compromis d’arbitrage prenne la forme d’un écrit établissant précisément
l’objet du litige et le mode de désignation de l’arbitre à peine de nullité.
⸭ La clause compromissoire (art. 2060, C. civ.). La différence est d’ordre chronologique : la clause
compromissoire est insérée ab initio dans le contrat. Dès le départ, alors même qu’il n’y a pas encore de
contentieux, les parties prévoient à l’avance que le litige sera réglé par un tribunal arbitral. C’est un
mécanisme plus dangereux.
L’art. 2061 détermine son champ d’application : « Sous réserve des dispositions législatives particulières, la
clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle. »
Pendant très longtemps, l’article indiquait que la clause compromissoire était nulle sauf entre commerçants
↔ historiquement, son champ d’application était limité aux relations entre commerçants. En 2001, le texte a
été réécrit : la clause compromissoire est désormais valable dans les contrats conclus à raison d’une activité
professionnelle. Cela ne concerne pas le contrat de travail mais les activités professionnelles indépendantes
(commerçants, agriculteurs, artisans, professions libérales…). C’est encore une illustration de la tendance
contemporaine à la substitution du concept plus large de professionnel (indépendant) à celui de commerçant.
Le texte a de nouveau été modifié par la loi J21 (18 nov. 2016) : « lorsque l’une des parties n’a pas contracté
dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée » (art. 2061, al. 2). C’est la
partie non professionnelle qui choisit si on peut lui opposer ou non la clause = sorte d’option.
Néanmoins, à la lecture des travaux parlementaires, on découvre que l’objectif était d’autoriser la clause
dans les relations entre non-professionnels. Entre ce qui était planifié et l’article tel que rédigé, on n’a du
mal à saisir le contenu du texte. On retiendra que le critère reste celui de l’activité professionnelle.
Il faut additionner à la loi J. 21, l’art. L. 721-3 (dernier al.) : tout ce qui concerne la compétence du tribunal
de commerce peut donner lieu à une clause compromissoire. L’apport n’est pas considérable mais on ajoute
tout de même : des actes de commerce entre toute personne et les contestations relatives aux sociétés
commerciales (entre associés, associé / société qui ne sont pas des commerçants). L’art. L. 721-3 étend non
seulement la compétence du tribunal de commerce mais également, par voie de conséquence, le champ
d’application de la clause compromissoire.
Le régime de la clause compromissoire est à peu près similaire à celui du compromis d’arbitrage : l’écrit est
imposé mais l’objet du litige n’a pas à être indiqué car on ne peut l’anticiper. La loi a repris les solutions qui
avaient été fixées par la jurisprudence et notamment celle de l’autonomie de la clause compromissoire par
rapport au contrat principal qui l’accueille (art. 1447, CPC) *. *La nullité de la clause compromissoire (ex :
conclue avec un non professionnel) n’entraîne pas la nullité du contrat principal : la clause est seulement
réputée non écrite (Ø délai de prescription). L’indépendance joue dans les deux sens : si le contrat principal
est frappé de nullité, normalement, la nullité n’affecte pas la clause elle-même. Ainsi, pour demander la
nullité du contrat, il faudra que les parties se rendent devant le tribunal arbitral.
Il n’est, tout de même, pas impossible que la nullité s’étende et au contrat et à la clause.
L’art. 2061 du Code civil traite la question de la transmissibilité de la clause. La clause compromissoire doit,
en principe, être acceptée par la partie à laquelle on l’oppose. Toutefois, en cas de cession de contrat ou de
créance, la clause est transmise automatiquement avec le contrat : le cessionnaire succède aux droits et
obligations du cédant.
2 – Le tribunal arbitral
Le tribunal arbitral, désigné comme telle par la loi (2012), est composé d’arbitres (que des personnes
physiques) et non de juges et remplace le tribunal étatique dans le règlement du litige.
Le tribunal arbitral est désigné dans la clause compromissoire ou dans le compromis. On peut :
⁃ Le désigner immédiatement ;
⁃ Prévoir une procédure de nomination des arbitres, par l’association française d’arbitrage par
exemple ;
⁃ Chaque partie désigne un arbitre et les deux arbitres choisissent ensemble un président
La liberté contractuelle prévaut. Par contre, on exige, en droit français, que les arbitres soient en nombre
impair pour que le partage de voix soit impossible.
La loi n’exige pas que les arbitres aient une compétence en matière juridique ou d’affaires.
L’arbitre doit être indépendant et impartial, à défaut de quoi il pourra être récusé et la décision prononcée
remise en cause.
Si la procédure peut être régie quasi intégralement par le contrat, certains principes impératifs doivent être
respectés : le principe du contradictoire et des droits de la défense, l’obligation de communiquer les pièces à
la partie adverse, de délibérer à la majorité, de motivation de la décision arbitrale.
D’autres principes, d’une moindre portée, ont été posés : la célérité, la loyauté et la confidentialité. Plus
récemment, de nouveaux principes sont tirés du droit anglosaxon : l’interdiction de se contredire dans la
demande … Ce sont des principes théoriques, qui ne s’appliquent pas toujours en pratique.
Le tribunal arbitral n’est pas toujours de grande qualité.
Un des grands avantages de l’arbitrage est d’éviter les tribunaux de commerce où les juges ne sont pas
vraiment compétents. Or, en pratique, on retrouve parfois les mêmes dans les chambres arbitrales, sauf que
l’arbitrage est bien plus coûteux…
Le tribunal arbitral peut-il statuer en amiable compositeur, c’est-à-dire en équité ? Il faut regarder la clause
compromissoire ou le compromis d’arbitrage. En principe, le tribunal arbitral statue en droit, mais on peut,
conventionnellement, lui permettre de statuer en équité, sauf pour les règles d’ordre public. Il va pouvoir
ignorer les règles de droit supplétives, s’il y est autorisé par le contrat.
La sentence arbitrale, alors même qu’elle n’est pas rendue par un tribunal étatique, est considérée comme un
véritable jugement bénéficiant de l’autorité de la chose jugée. Pour contre, elle n’a pas force exécutoire :
pour la faire exécuter, les parties doivent demander, devant le TJ, une décision d’exequatur. Ce n’est qu’une
fois l’exequatur obtenue que la sentence pourra faire l’objet d’une exécution forcée.
A l’occasion de l’exequatur, normalement le juge ne reprend pas le fond de l’affaire. Il vérifie, avant tout,
que les règles de forme sont respectées et que la sentence n’est pas manifestement contraire à l’ordre public
(↔ entachée de de graves irrégularités de fond).
Une sentence n’est pas susceptible d’appel, sauf volonté expresse contraire des parties. Dans la plupart des
cas, il n’y a pas d’appel prévu.
La loi prévoit, non pas un appel classique permettant de réexaminer le fond, mais un appel en nullité. Si la
cour d’appel annule la sentence arbitrale, sauf clause contraire, elle devra aussi juger sur le fond.
L’art. 1492 du CPC dresse la liste des hypothèses dans lesquelles la nullité peut être demandée : le tribunal
arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ; est irrégulièrement constitué ; a statué sans se
conformer à la mission qui lui a été confiée ; le principe de contradiction n’a pas été respecté ; la sentence
est contraire à l’ordre public ; des règles de forme ont été violées (absence de motivation, de date …) …
Ex : l’arbitrage rendu dans l’affaire Tapie a été déclaré nul car l’un des arbitres n’était pas neutre.
Les avantages de l’arbitrage :
▫ La rapidité, encore que ce n’est pas toujours le cas ;
▫ Le secret des affaires : le litige et la décision ne sont pas rendus publics ;
▫ Eviter la compétence du tribunal de commerce et l’incompétence de ses juges.
L’inconvénient majeur est le coût.
Des conditions de désignation peuvent être insérées dans la clause pour garantir un arbitrage efficace :
exigence d’une maitrise en droit, par exemple.
II – La preuve des contrats commerciaux
La preuve en matière commerciale déroge aux solutions classiques du droit commun.
1 – La règle générale
On trouve la règle générale à l’article L. 110-3 du Code de commerce : « à l’égard des commerçants, les
actes de commerce peuvent se prouver par tout moyen, à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi. »
Le principe de liberté de la preuve prime en droit commercial, sauf exception.
En matière civile, au contraire, un système de la preuve légale / de hiérarchie des preuves est mis en place :
pour prouver, il faut se soumettre à des contraintes. Il ne s’agit pas, toutefois, d’un système d’ordre public.
Ex 1 : art. 1359, C. civ. : pour tout acte d’une valeur supérieure à 1500 euros, il faut un écrit ;
Ex 2 : art. 1375, C. civ. : pour les contrats synallagmatiques, il faut autant d’exemplaires de contrat que de
partie ;
Ex 3 : art. 1326, C. civ. : dans les contrats unilatéraux, la somme doit être indiquée en chiffres et en lettres.
C’est le cas pour le cautionnement pour s’assurer que le garant a pleinement conscience à ce à quoi il
s’engage.
Ex 4 : art. 1377, C. civ. sur la date certaine : « l’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l'égard
des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d’un signataire, ou du jour où sa substance est
constatée dans un acte authentique. »
En droit commercial, la preuve étant libre, tout moyen de preuve peut être utilisé. C’est le juge qui, au final,
appréciera la qualité de la preuve.
Une preuve ne fait pas difficulté et est toujours reçue par le juge : l’écrit. Par suite, même en droit
commercial, en règle générale, on recourt à l’écrit pour prouver.
Il est vrai qu’en droit commercial on peut produire des factures, utiliser la comptabilité, les présomptions ou
les témoignages. Mais, là encore, le juge validera ou non. La liberté de la preuve est un avantage relatif car
la meilleure des preuves reste l’écrit.
L’art. L. 110-3 subordonne la liberté de la preuve à deux conditions cumulatives :
▪ L’acte de commerce ;
▪ La qualité de commerçant du défendeur c/ qui le demandeur veut prouver librement.
En présence d’un acte mixte, l’acte sera commercial pour le commerçant mais pas pour le
consommateur. Ainsi, le consommateur pourra prouver librement c/ le vendeur commerçant alors
que, de son côté, le vendeur commerçant ne le pourra pas.
Même si le principe est la liberté de la preuve, dans nombre d’hypothèses, il y a un formalisme très
contraignant. C’est le cas surtout pour la vente et le nantissement d’un fonds de commerce, le contrat de
transport terrestre de marchandise ...
Des effets de commerce comme la lettre de change doivent s’accompagner des mentions obligatoires. Le
contrat de société commerciale doit prendre la forme d’un écrit.
Également, pour certaines opérations, en principe, la liberté de la preuve commande mais, en pratique, ce ne
sera jamais le cas.
Ex : la cession de droits sociaux s’organise toujours par écrit car c’est un contrat très complexe, qui implique
de rentrer dans le détail.

2 – La règle spéciale en matière de gage


Le gage est une sureté réelle sur un bien normalement corporel : un bien est remis en garantie du paiement
d’une dette.
L’art. L. 521-1 du Code de commerce établit une règle spéciale en matière de preuve du gage commercial :
« le gage, constitué, soit par un commerçant, soit par un non commerçant pour un acte de commerce, se
constate à l’égard des tiers comme entre les parties conformément à L. 110-3 ». Là encore, la liberté de la
preuve régit les rapports entre les parties mais les conditions diffèrent de l’art. L. 110-3.
Le gage commercial pourra être prouvé librement en f° la nature de la créance garantie. Si la créance
garantie est commerciale, le gage est commercial, et la liberté de la preuve s’applique, que le constituant soit
ou non commerçant.
III – L’exécution des contrats commerciaux
En droit commercial, le droit commun des obligations trouve à s’appliquer. Par exception, quelques
dérogations, avec un champ d’application assez limité, s’y substituent. Ces exceptions s’amenuisent
progressivement ...
1 – La solidarité passive
Par principe, l’obligation à plusieurs débiteurs est divisible et conjointe ↔ le créancier ne peut demander à
chaque débiteur que leur part respective, avec une modalité de répartition qui dépend du contrat.
Les cocontractants peuvent quand même prévoir conventionnellement une obligation solidaire « passive »
entre débiteurs (≠ solidarité « active » entre créanciers).
L’anc. article 1202 du Code civil, à ce propos, disposait : « la solidarité ne se présume point, il faut qu’elle
soit expressément stipulée, sauf quand la solidarité a lieu de plein droit ou en vertu d’une disposition de la
loi. »
La disposition a été remplacée par l’article 1310 qui indique, plus largement : « la solidarité est légale ou
conventionnelle, elle ne se présume pas. » L’exigence de la stipulation expresse de la solidarité n’y figure
plus.
En matière commerciale, il existe une coutume selon laquelle la solidarité passive est automatique ! le
créancier peut demander le paiement intégral de la dette à tous ses débiteurs.
A partir de la solidarité passive, la doctrine a expliqué qu’il existait, en droit commercial, des coutumes qui
contredisaient des lois d’ordre public. C’est, en réalité, plus complexe que cela :
‣ L’article 1310 ne peut être regardée comme une règle d’ordre public. La Cour de cassation ne tirait
aucune conséquence du passage de l’art. 1202 qui a été retiré et acceptait de déduire la solidarité
passive de l’économie générale du contrat (clause implicite) ;
‣ L’article 1310 pose que la solidarité est d’origine légale ou conventionnelle. Or, la coutume ayant ≈
même force normative que la loi, peut logiquement, comme la loi, prévoir de la solidarité. Partant, la
coutume ne déroge pas à l’art. 1310 mais, plutôt, en fait application.
La solidarité passive s’applique en matière commerciale, à condition que :
▪ L’opération rentre dans l’activité d’un commerçant, se rattache à un acte de commerce. La nature de
l’acte de commerce est indifférente (par nature, par la forme ou par extension) ;
▪ L’opération soit commune aux débiteurs (codébiteurs).
Deux personnes peuvent être tenues au paiement d’une même créance sans être codébitrices car elles
ne sont pas débitrices en vertu d’un même contrat (« débiteur subsidiaire », droit des sûretés). La
jurisprudence a écarté la solidarité de plein droit entre les débiteurs qui ne sont pas codébiteurs (C.
com., 5 juin 2012) ;
Les codébiteurs doivent-ils, en plus, être des commerçants ?
La question est assez complexe et divise la doctrine. Quand on analyse le droit positif, on s’aperçoit que la
jurisprudence n’a jamais posé la condition. Au contraire, la Cour de cassation a parfois même appliqué la
solidarité passive à des débiteurs non commerçants.
Ce fut le cas en matière de cautionnement commercial par exemple : le cautionnement est commercial pour
toute personne qui, garantissant la dette d’une société commerciale, trouve un intérêt patrimonial. L’intérêt
était la solidarité passive entre le dirigeant et les cautions.
La question ne se pose plus car des articles dans le Code de la consommation exigent non seulement une
mention manuscrite quand l’engagement de caution est souscrit par une personne physique au profit d’un
créancier professionnel (L. 331-1) mais aussi une mention complémentaire en cas de cautionnement
solidaire (L. 331-2). La coutume n’a plus d’effet devant ce texte spécial, qui plus est d’ordre public.
La jurisprudence applique également la solidarité passive a d’autres hypothèses dont la cession de droits
sociaux (de contrôle). Dans le cadre d’une cession de droits sociaux, une garantie de passif (≈ garantie des
vices cachés) peut être stipulée par les parties : le cédant s’engage à rembourser au cessionnaire tout passif
(dettes) révélé après la transmission et dont la cause est antérieure. Dès lors que plusieurs vendeurs sont liés
par la garantie, ils sont tenus solidairement, qu’ils soient ou non commerçants.
En droit positif, la solidarité passive s’applique, en matière commerciale, indépendamment de la qualité de
commerçant. Mais, son domaine est extrêmement limité : les actes de commerce par la forme (lettre de
change ; société commerciale par la forme).
Ex 1 : dans l’hypothèse de la lettre de change, si un signataire est insolvable, le bénéficiaire peut poursuivre
le paiement auprès de tous les signataires tenus solidairement. La solution est posée par la loi.
Ex 2 : la société en nom collectif (très petite taille) est la seule société commerciale par la forme dont les
associés sont obligatoirement commerçants. Si un associé est insolvable, les autres associés sont tenus
solidairement de la dette. La solution est retenue par la loi.
/!\ La solidarité passive ne s’applique pas systématiquement en présence d’un acte de commerce. En effet, la
qualification de l’acte peut différer selon la partie. C’est l’hypothèse des actes mixtes : l’acte est commercial
pour le commerçant / civil pour le non-commerçant. Les non-commerçants, pour qui l’acte est civil, ne
pourront être tenus solidairement. En revanche, les commerçants, pour qui l’acte est commercial, le
pourront.

Il ne faut pas confondre :


› L’acte mixte : l’acte est civil pour la partie non-commerçante ;
› L’acte par extension : l’acte est commercial pour les parties qui n’ont pas la qualité de commerçant.

La solidarité passive est une coutume commerciale supplétive. Rien n’interdit les cocontractants d’insérer
une clause contraire prévoyant que les débiteurs seront tenus conjointement.
2 – La capitalisation des intérêts
La capitalisation des intérêts, aussi appelée « anatocisme », est encadrée par l’article 1343-2 du Code civil.
L’anatocisme consiste à faire produire des intérêts à des intérêts.
On peut faire une comparaison avec le droit des biens. En droit des biens, le capital produit des fruits et,
normalement, le fruit, n’étant pas du capital, ne produit pas, à son tour, de fruit. L’anatocisme consiste à
transformer les intérêts (fruits) produits par la créance en capital afin qu’ils produisent à nouveau des
intérêts (fruits). C’est une technique ancienne, que l’on considérait comme dangereuse car le montant de la
dette augmenter de façon exponentielle.
Conscients du danger qu’elle représentait pour le débiteur, les rédacteurs du Code civil l’ont encadrée
strictement. L’art. 1343-2, d’ordre public, prévoit un régime spécifique : « les intérêts échus, dus au moins
pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. »
Deux conditions cumulatives :
⁎ Clause expresse ou décision du juge ;
⁎ Rythme de capitalisation ⩾ 1 an.
En droit commercial, une coutume permettrait de déroger à la règle impérative de l’art. 1343-2. L’exception
est très limitée car elle ne concerne qu’une opération : le compte courant entre commerçants. C’est un
mécanisme de règlement simplifié de créance entre commerçants : des commerçants, en relation d’affaires
suivies, ont des créances réciproques ; pour simplifier le paiement, ils décident de mettre toutes ces créances
sur un compte, dont le solde est unique. La Cour de cassation a expliqué, il y a longtemps, que le compte
courant n’est pas soumis à la règle du Code civil : la capitalisation des intérêts est automatique.
En réalité, la solution retenue n’a rien à voir avec une coutume spéciale dérogeant à un texte d’ordre public.
Avant la réforme du droit des obligations, le Code civil était ordonnancé suivait une logique précise. L’art.
1343-2 était l’anc. art. 1154, suivant l’art. 1153 (nouvel art 1231-6), qui traitait des dommages-intérêts
moratoires (destinés à réparer le préjudice lié au retard dans le paiement) *. *Après mise en demeure du
débiteur, le créancier aura droit à des intérêts au taux légal. L’art. 1154 était, en fait, une dérogation à
l’art.1153.
Le terme « intérêts » couvre deux sens :
⁑ Les intérêts moratoires = dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice qui fait suite à
l’inexécution d’une obligation (faute contractuelle) ;
⁑ Le prix du contrat de prêt d’argent : l’emprunteur paie, tous les mois, dans le remboursement, des
intérêts. Le contrat est normalement exécuté, c’est prévu. On parle, cette fois, d’intérêts
rémunératoires.
La question se pose de savoir si : nos intérêts peuvent, en cas de non-paiement, eux-mêmes produire des
intérêts moratoires ?
C’est ce dont traite l’article 1154 du Code civil (nouvel article 1343-2). Il prévoit, en raison de leur nature
particulière, une exception propre aux intérêts moratoires : leur capitalisation n’est valable qu’à une double
condition.
En dépit du changement de numérotation, le fond est demeuré inchangé : l’article 1343-2 ne renvoie qu’à la
capitalisation des intérêts moratoires.
Les intérêts rémunératoires, on l’a vu, présentent une logique tout à fait différente. L’emprunteur a une
autorisation de découvert et n’est pas en faute : les intérêts sont prévus ab initio par le contrat de prêt. Ce
sont ces intérêts qui jouent dans le cadre du compte courant des commerçants (et des particuliers). Partant, le
mécanisme échappe à l’hypothèse de l’art. 1343-2. Il ne déroge pas à un texte d’ordre public car les intérêts
rémunératoires n’ont rien à voir avec les intérêts moratoires.
3 – La modification du contrat en cas d’inexécution
En cas d’inexécution, les solutions de droit commun (exécution forcée, résiliation / résolution, dommage-
intérêts …) sont valables en droit commercial. On enseigne néanmoins, traditionnellement, que le juge, en
droit commercial, essaie plutôt de sauver le contrat.
1er mécanisme : La jurisprudence prévoit, lorsque l’inexécution du contrat commercial n’est que partielle,
que le demandeur puisse demander la réduction du prix ou de la prestation promise (↓ quantités). On parle
de « réfaction du contrat ». Parfois, c’est plus opportun que l’annulation du contrat.
Il y a un processus semblable en droit de la vente avec l’action estimatoire (réduction de prix en cas
d’inexécution partielle) et en droit de la consommation.
Le principe de réfaction doit pouvoir s’appliquer pour toute la matière commerciale, dans tous les contrats
commerciaux. Sa mise en œuvre est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, au moins pour ce
qui est de la proportion.
Cette spécificité jurisprudentielle s’amenuise avec l’introduction du nouvel art. 1223 (C. civ.) : « En cas
d’inexécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore
payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de
manière proportionnelle le prix. »

La différence avec le droit commercial, c’est qu’ici la réfaction ne concerne que le prix. La réduction de la
prestation promise reste réservée au droit commercial.
2e mécanisme : En droit commercial, traditionnellement, dans le cadre d’une vente de chose de genre,
l’acheteur, qui n’est pas livré après mise en demeure, dispose d’une faculté de remplacement : il peut, sans
autorisation du juge, acheter le bien auprès d’un autre fournisseur au frais du vendeur initial (même si le prix
est plus élevé). La faculté de remplacement est limitée aux choses de genre.
Le nouvel art. 1222 reprend la même solution, sans la réserver aux choses de genre : « après mise en
demeure, le créancier peut, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou,
sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au
débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. » Le champ d’application est beaucoup plus
large que la coutume classique en droit commercial.

4 – La q de la prescription
En 2008, une réforme est intervenue en matière de prescription.
Pendant très longtemps, la grande différence entre le droit civil et le droit commercial était la prescription.
En matière civile, la prescription était de trente ans en matière contractuelle et dix ans en matière délictuelle.
En matière commerciale, la prescription était, dans tous les cas, de dix ans.
Depuis la réforme de la prescription (2008), le délai de prescription de droit commun est de cinq ans en
matière civile et commerciale. Le législateur a procédé à un alignement des délais de prescription.
L’art. L. 137-2 du Code de la consommation prévoit que « les actions des professionnels pour les biens et
les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrivent par deux ans ». Cet article fixe un délai de
prescription raccourci par rapport au droit commun pour l’action du professionnel contre le consommateur.
Avant d’être déplacé dans le Code de la consommation en 2008, l’article était dans le Code de commerce et
ne concernait que les actions du commerçant contre le consommateur. C’était une spécificité du droit
commercial, un mécanisme propre au commerçant. Désormais, le texte fait plus largement référence au
professionnel.
Une des rares règles spécifiques au droit commercial a été supprimé. Dès le départ, les règles propres aux
actes de commerce étaient peu nombreuses et aujourd’hui, elles disparaissent progressivement.
Ce mouvement de recul n’est pas récent, d’autres différences n’existent plus :
› Les règles sur l’imputation légale des paiements. Pendant un temps, la chambre commerciale de la
Cour de cassation avait exclu les règles civiles de l’imputation légale des paiements en matière
commerciale. Elle est revenue sur la solution : les règles du Code civil s’applique ;
› Les règles relatives à la mise en demeure. Le débiteur n’est mis en faute qu’une fois que son
créancier l’a mis en demeure.
Avant 1991, la mise en demeure était formaliste en matière civile et libre en matière commerciale.
Depuis 1991, la mise en demeure peut résulter d’une simple lettre missive en matière civile, dès lors
que l’interpellation est suffisante. Aujourd’hui, même si la preuve est libre, en pratique, la mise
demeure s’opère de la même façon dans les deux matières : par lettre recommandée avec accusé de
réception. En matière de bail commercial, dans certaines hypothèses, la mise en demeure est très
formaliste.
› Historiquement, les procédures collectives étaient réservées aux commerçants et avaient un rôle
essentiellement punitif. Les procédures collectives sont désormais étendues à tout l’univers
économique et ne sont plus vraiment d’essence punitive, l’objectif principal étant de sauver
l’entreprise. Il y eut, sur ce point, une harmonisation : on ne distingue plus entre les entreprises, les
procédures s’étendent à toutes les entreprises.
§2 – Le régime des actes mixtes
L’acte mixte est l’acte passé d’un côté par un commerçant, pour qui l’acte est commercial / de l’autre par un
non-commerçant, pour qui l’acte est civil.
Les actes mixtes sont très nombreux. Dès qu’un commerçant passe un acte avec un consommateur, il s’agit
d’un acte mixte.
Ex 1 : un commerçant vend un bien à un consommateur. Pour le commerçant, le contrat de vente est un acte
de commerce ; pour le consommateur, ce n’est pas un acte de commerce.
Ex 2 : un commerçant engage un salarié. Le contrat de travail est commercial du point de vue du
commerçant (n’a pas grand intérêt en termes de régime).
Ex 3 : un commerçant conclu un bail commercial, qui n’est pas par nature un acte de commerce. Quand il
est conclu par un commerçant devient un acte de commerce par accessoire ou par extension. Si le bailleur
n’est pas commerçant, pour lui, c’est un acte civil.
En règle générale, la qualification est la même pour les deux parties : « contrat de vente ».
Pour les actes de commerce, la qualification est particulière car elle peut varier d’une partie à l’autre.
Applique-t-on ou non le régime des actes de commerce à l’acte mixte ?
C’est assez gênant … pourquoi appliquerait-on le régime spécial à la partie non-commerçante ?
/!\ Il ne faut pas confondre l’acte mixte et l’acte par extension, pour lequel les parties ne sont pas
commerçants mais l’acte est commercial.
S’agissant du régime applicable, il convient de distinguer :
› Parfois, on va appliquer à chaque partie, de façon distributive, son régime = règles dualistes ;
› Dans d’autres hypothèses, prévoir une règle dualiste est trop complexe, on va appliquer sur un point
spécifique la même règle = régime unitaire.
I – Les règles dualistes
L’objectif est d’appliquer à chacune des parties le régime qui lui est propre.
A – La compétence matérielle du tribunal en cas de contentieux
La compétence dépend de la situation du défendeur :
⁃ Si le défendeur n’est pas commerçant, le tribunal judiciaire est automatiquement compétent ;
⁃ Si le défendeur est commerçant, il a le choix de porter l’affaire devant le tribunal judiciaire
ou le tribunal de commerce. En pratique, on lui conseillera le tribunal judiciaire.
B – La preuve du contrat
Il n’y a pas de grande difficulté, il suffit d’appliquer l’art. L. 110-3 : « à l’égard des commerçants, les actes
de commerce peuvent se prouver par tous moyens ». Il en résulte que, dans le cadre d’un acte mixte, le
commerçant qui veut prouver contre le professionnel non-commerçant devra respecter les règles de la
preuve civile (écrit à partir de 1 500 €) / le professionnel non-commerçant bénéficiera de la liberté de la
preuve à l’égard du commerçant. L’application est, à nouveau distributive.
La règle s’applique sauf en cas de gage commercial : la qualité de la preuve va dépendre de la nature de la
créance garantie.
C – La solidarité passive
Pour la solidarité passive, c’est plus complexe : dans plusieurs hypothèses, elle s’applique aux actes de
commerce par extension conclus par un professionnel non commerçant.
C’est la situation dans laquelle les parties sont non commerçantes mais pour l’une l’acte est civil et pour
l’autre l’acte est commercial par extension.
Ex : A passe un bail commercial auprès de B pour exploiter un fonds de commerce. Pour le preneur à bail,
l’acte est commercial par extension / pour le bailleur, l’acte est civil.
Dans ce cas, la solidarité passive s’applique à la partie pour qui l’acte est commercial, qu’elle soit ou non
commerçante.
S’agissant de la solidarité passive, la jurisprudence n’exige pas la qualité de commerçant.
D’autres règles nécessitent le cumul de la qualité de commerçant et de la qualification d’acte de commerce.
II – Les règles communes
Les règles communes s’appliquent à la partie commerciale comme à la partie civile.
On applique une règle unique pour protéger le professionnel non-commerçant ou parce que dissocier la règle
amène à des solutions trop complexes.
Ex : avant 2008, lorsque la prescription était plus courte en matière commerciale, on appliquait, en matière
d’actes mixtes, la prescription abrégée de dix ans.
Peut-on librement choisir le tribunal sur le territoire français (question de la compétence territoriale) ?
L’art. 48 du CPC n’autorise la clause attributive de compétence territoriale qu’entre commerçants. Dès
qu’une partie n’a pas la qualité de commerçant, la clause n’est pas valable. La qualité de commerçant est
nécessaire : la règle ne s’étend pas aux actes de commerce par extension.
Pendant longtemps, la clause compromissoire (art. 2061, C. civ.) n’était autorisée qu’entre commerçants.
Mais le texte a évolué, la clause est désormais valable à raison d’une activité professionnelle. Donc, si un
non-professionnel est partie à l’acte, la clause compromissoire n’est pas valable.
La solution n’est plus très claire depuis la modification apportée par la loi du 18 nov. 2016, qui prévoit que
la clause est inopposable au non professionnel. Cela signifie-t-il que le non professionnel peut l’invoquer ?
On ne saisit pas bien la portée du texte … La doctrine a préféré éviter la problématique.
Des actes mixtes peuvent être passés entre un commerçant et un artisan. La liberté de la preuve bénéficiera
seulement à l’artisan contre le commerçant.
Il faut bien comprendre que le non commerçant n’est pas forcément un consommateur ou un particulier, ce
peut être un professionnel.
Pour des règles, comme celle de la clause compromissoire, le critère a évolué : c’est désormais la qualité de
professionnel.
Depuis que la règle s’étend aux professionnels, la clause est valable dans le contrat entre un commerçant et
un artisan. Cela ajoute en complexité.
Il faut toujours s’interroger sur les critères : qualité de commerçant ou de professionnel ? si la règle est
commerciale, l’acte de commerce suffit-il ? Faut-il, en plus, la qualité de commerçant ?
Pour chaque règle, c’est au cas par cas.
Pour supprimer la référence au commerçant, il faut d’abord et avant tout supprimer le tribunal de commerce.
C’est le plus délicat … Les autres règles ne posent pas grande difficulté.
Pour mettre fin au droit commercial, deux possibilités :
▪ Le tribunal de commerce est supprimé et il n’existe plus de juridiction spécialisée (mais des chambres
spécialisées) ;
▪ Le tribunal de commerce intervient dans tout le domaine économique, pour tous les professionnels
indépendants ! très dangereux.
Le tribunal est le principal obstacle à la suppression du droit commercial.
Aujourd’hui, le droit commercial présente beaucoup de complexité pour pas grand-chose (quelques
spécificités d’une importance relative).
Section 1 – La qualité de commerçant
L’art. L. 121-1 du Code de commerce indique : « sont commerçants ceux qui exercent des actes de
commerce et en font leur profession habituelle. » Actes de commerce et commerçants sont étroitement liés.
Pour des raisons historiques, le droit commercial est formé d’éléments objectifs (actes de commerce) et
subjectifs (qualité de commerçant).
Toutefois, sur des questions, le législateur a prévu des règles applicables aux seuls commerçants, sans faire
référence à l’acte de commerce.
La perte progressive des spécificités de l’acte de commerce affecte aussi le commerçant. Une grande partie
des règles s’applique plus largement au professionnel.
§1 – La détermination de la qualité de commerçant
La définition de l’article L. 121-1 renvoie d’une part à la théorie de l’acte de commerce et d’autre part au
caractère professionnel de l’activité commerciale.
I – La nature de l’activité : l’accomplissement d’acte de commerce
Pour être qualifié de commerçant, il faut accomplir des actes de commerce par nature.
On ne peut prendre en compte la commercialité par accessoire ou par extension pour délivrer la qualité de
commerçant. Elle se définit par rapport à une activité principale qui suffit à déterminer la qualité de
commerçant.

De même, d’après la jurisprudence, la répétition d’actes de commerce par la forme ne suffit pas pour avoir la
qualité de commerçant. Un non commerçant peut, par exemple, signer une lettre de change.
Il faut rappeler que l’on devient commerçant uniquement si l’on exerce de façon personnelle, à titre
indépendant l’activité commerciale, ce qui permet d’exclure un certain nombre de situations. Ainsi, le
représentant d’un commerçant n’est pas lui-même commerçant.
En conséquence, le dirigeant d’une société commerciale, l’agent commercial (mandataire du commerçant)
ou encore le salarié d’un commerçant ne sont pas commerçants.
! Pour être commerçant, il faut exploiter en son nom propre et à ses propres risques.

II – Le caractère professionnel : l’accomplissement d’actes de commerce à titre habituel


Il s’agit de la deuxième condition exigée au titre de l’art. L. 121-1.
L’activité ne doit pas être occasionnelle mais répétée et continue. Aucun seuil n’est néanmoins prévu.
Cela ne veut pas dire que l’activité doive être principale ou exclusive. Il suffit qu’elle soit habituelle.
Ex : achats pour revente suffisamment réguliers pour devenir une habitude.
De ce fait, plein de commerçants s’ignorent et sont censés respecter les obligations du commerçant (dont
l’immatriculation au RCS). Le véritable danger concerne le redressement fiscal, lorsque les actes ne sont pas
déclarés.
Le fait qu’une association puisse accomplir des actes de commerce a donné lieu à contentieux. C’est la
question de la para-commercialité des associations.
Deux hypothèses envisageables :
‣ L’association exerce une activité économique accessoire. Ex : une association de retraités organise
quelques événements annuels (loteries) pour gagner de l’argent en sus des cotisations des adhérents.
Bien entendu, l’activité de l’association n’est pas commerciale. Néanmoins, si ces événements se
multiplient et que l’activité commerciale secondaire devient trop importante, l’association peut être
requalifiée de commerçant.
‣ L’association exerce une activité commerciale à titre principal. Dans l’esprit de beaucoup,
l’association ne peut avoir de but lucratif et protège contre la qualification de commerçant. Certains
ont eu l’idée de créer une activité économique sous forme d’association spécialement pour éviter les
impôts.
Une association peut pourtant passer des actes de commerce et être qualifiée de commerçant.
Simplement, c’est un groupement qui ne permet pas la répartition des bénéfices entre les membres.
Contrairement à la société, elle est créée dans un but autre que le versement des dividendes à ses
membres. Mais cela ne l’interdit pas de réaliser du bénéfice, à travers une activité économique de
nature commerciale.
Le problème est que certains s’en servent pour des abus …
En cas de contentieux, l’association qui exerce une activité commerciale va être requalifiée en
commerçant. Seulement, une association ne peut être immatriculée au RCS car elle a déjà la
personnalité morale accordée par la déclaration à la préfecture. En l’absence d’immatriculation,
l’association sera qualifiée de commerçant de fait (≠ de droit) et ne bénéficiera d’aucun avantage du
commerçant (bail commercial) et devra supporter les inconvénients du régime (liberté de la preuve,
solidarité passive).
Ce n’est donc pas forcément une bonne stratégie de fraude, d’autant que le risque de redressement
est grand.
En somme, l’association a un aspect trompeur car des associations ont une activité économique
professionnelle indépendante et paient des impôts.
NB : la preuve de la qualité de commerçant est libre car c’est un fait juridique. Mais, l’opération de
qualification est contrôlée par la Cour de cassation.
§2 – L’accès à la qualité de commerçant
Des personnes ne peuvent pas devenir commerçantes car c’est dangereux pour elles ou pour les autres
(capacité, interdiction, incompatibilité). La loi prévoit des hypothèses particulières pour les protéger ou pour
protéger les autres.
Selon les textes, soit le commerçant soit le professionnel indépendant est visé. La loi a parfois évolué du
commerçant vers le professionnel indépendant.
I – Les incapacités
Les relations entre le droit des incapacités et le droit commercial ne sont pas correctement traitées par le
législateur.
L’article 1128 du Code civil exige, au titre de la validité du contrat, la capacité juridique des parties de
contracter. L’exercice d’une activité commerciale est également subordonné à la capacité juridique.
A – Les mineurs
Il faut combiner des dispositions du Code de commerce et du Code civil.
Avant 1974, la minorité était fixée à 21 ans et le mineur qui avait entre 18 et 21 ans pouvait être commerçant
et exercer des actes de commerce isolés.
Après l’abaissement de la minorité à 18 ans, permettre à un mineur de - de 18 ans d’exercer une activité
commerciale (avec les risques que cela comporte) ne paraissait pas raisonnable.
Le principe était que le mineur de - de 18 ans ne pouvait pas exercer une activité commerciale, qu’il soit
émancipé ou non. C’était une mesure de protection des tiers : le laisser intervenir était dangereux pour leur
sécurité juridique car il n’a pas forcément les compétences pour intervenir dans le domaine professionnel / et
du mineur car il engage son patrimoine personnel.
A l’occasion de la loi du 15 juin 2010 sur l’EIRL, les art. L. 413-8 et L. 121-2 du Code de commerce ont été
modifiés : « le mineur émancipé peut devenir commerçant sur autorisation du juge des tutelles ou du
président du TGI. » Deux hypothèses :
• Le juge émancipe le mineur et, au même moment, l’autorise à devenir commerçant ;
• Le mineur est dans un premier temps émancipé et, quelques temps plus tard, souhaite devenir
commerçant et saisit à nouveau le juge.
Mais ce n’est pas une autorisation automatique. Le juge apprécie au cas par cas la maturité et les
compétences du mineur.
La règle faisait partie d’une batterie de mesures destinée à renforcer le travail des jeunes. Dix ans plus tard,
bilan de l’efficacité de la mesure n’est pas convaincant : les juges n’ont jamais autorisé de mineur émancipé
à devenir commerçant.
Mais désormais, au moins en théorie, un mineur émancipé peut devenir commerçant par une autorisation
judicaire.
Pour le reste, le principe demeure que le mineur non émancipé ne peut pas exercer d’activité commerciale,
directement comme par représentation.
Il s’agit d’une incapacité non pas d’exercice mais de jouissance c’est-à-dire que le mineur n’est pas titulaire
du droit, même par représentation.
Si le mineur conclut des actes de commerce malgré l’interdiction, le risque est l’annulation des actes de
disposition ou la rescision pour lésion des actes d’administration.
B – Les majeurs incapables
Le Code civil ne prévoit rien concernant l’exercice d’une activité commerciale par le majeur incapable.
La difficulté est qu’il n’y a pas de texte clair à propos de la compatibilité entre l’activité commerciale et les
différentes incapacités.
1 – La tutelle
L’art. 509, 3° du Code civil prévoit que « le tuteur ne peut, même avec une autorisation, exercer le
commerce ou une profession libérale au nom de la personne protégée. » Il en résulte que la personne en
tutelle ne peut jamais être représentée par son tuteur pour exercer le commerce = incapacité de jouissance.
Les actes de commerce conclus dans ces circonstances seront sanctionnés par la nullité.
Deux personnes placées sous tutelle (ou curatelle) ne sont pas forcément dans le même état. Donc, le juge a
la possibilité d’adapter l’assistance et le champ de l’incapacité.
2 – La curatelle
Le curateur ne représente pas le curatélaire mais l’assiste : le curatélaire va émettre un consentement (quand
c’est possible) qui sera par la suite autorisé par le curateur.
Le champ d’application de l’incapacité varie en fonction de ce que prévoit le juge : au mieux le curatélaire
est frappé d’une incapacité d’exercice. En théorie, il pourrait passer des actes de commerce et même sans
l’assistance du curateur, quand le juge l’autorise. Seulement, il est difficile d’imaginer qu’un commerçant
soit en permanence assister d’un curateur : d’un point de vue pratique, l’intervention du curateur ne pourra
avoir lieu.
Les règles du Code civil et du Code de commerce sont déconnectées. L’art. R. 123-46 al. 1 du Code de
commerce impose que les décisions de placement d’un majeur sous tutelle ou curatelle soient mentionnées
au RCS. Cet article porte l’idée que le majeur incapable ne peut pas être commerçant. La tutelle et la
curatelle sont traitées comme équivalentes.
Des textes précis organisant l’articulation entre le droit des incapacités et l’exercice d’une activité
commerciale manquent vraiment …
3 – La sauvegarde de justice
La sauvegarde de justice n’est pas un régime d’incapacité : le majeur sous sauvegarde conserve sa pleine
capacité juridique.
Normalement, il peut devenir commerçant. Sauf décision contraire expresse du juge, cela implique
l’intervention d’un mandataire. Ce qui, on l’a vu, n’est pas vraiment adapté à l’activité …
Même si la loi ne prévoit pas la publicité des mesures de sauvegarde au RCS, des actes de commerce
peuvent être rescindés pour lésion ou réduits en cas d’excès.
II – Les incompatibilités
Au XIXe siècle, l’accès à la qualité de commerçant était interdit à certaines professions pour les préserver de
l’esprit intéressé des affaires, de profit.
Aujourd’hui, l’interdiction a pour but de prévenir des conflits d’intérêts.
Diverses professions sont concernées par l’interdiction :
◦ Les fonctionnaires ne peuvent pas en principe exercer une activité lucrative à titre professionnel, en
sus de leur activité. L’incompatibilité dépasse la seule activité de commerçant. Par contre, un
fonctionnaire peut exercer une activité accessoire, à condition qu’elle soit compatible avec la
fonction et n’en affecte pas l’exercice ;
◦ Les officiers ministériels : notaires, huissiers de justice, certains greffiers, commissaires-priseurs …
pour éviter d’éventuels conflits d’intérêt, lorsqu’ils interviennent en tant qu’officiers ministériels ;
◦ De nombreuses professions libérales : les avocats, les experts comptables, les commissaires au
compte, les architectes … Il faut prêter attention à chaque texte spécifique pour connaître le détail.
◦ Les parlementaires : pour limiter le poids du lobbying de dirigeants de sociétés financières, qui font
appel public à l’épargne et, plus largement, prévenir des conflits d’intérêt.
L’incompatibilité n’est pas destinée à protéger l’intéressé. Donc, sa qualité de commerçant de fait peut lui
être opposée mais il ne peut s’en prévaloir.
Ex : celui qui veut prouver librement contre lui parce qu’il se comporte en commerçant peut lui opposer le
statut de commerçant de fait. Il va ainsi subir les inconvénients du statut de commerçant sans pouvoir en
demander les avantages. La nullité ne s’applique pas ici.
La loi peut prévoir des sanctions pénales et/ ou disciplinaires en cas d’incompatibilité.
III – Les interdictions
L’objectif est d’isoler du monde des affaires des personnes nuisibles, condamnées pour certains
comportements.
Un fichier automatisé, tenu par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, répertorie les
personnes interdites d’exercer le commerce.
L’interdiction peut avoir deux causes :
▪ La condamnation pénale (cf Code de commerce et CGI). Avant 2008, l’interdiction d’exercer une
activité commerciale, industrielle ou artisanale était automatique en cas de condamnation à certaines
infractions pénales. La loi a été assouplie pour favoriser la réinsertion des condamnés. La sanction n’est
plus automatique mais doit être prévue expressément par des textes spécifiques. L’interdiction devient
une peine complémentaire, qui n’est pas nécessairement prononcée.
Le juge peut même décider d’en faire une peine alternative c’est-à-dire la peine principale qui remplace
une amende. Pour les délits fiscaux notamment, il peut interdire la personne physique de gérer, diriger,
administrer ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle.
! Le juge est plus libre quant au prononcé de l’interdiction ;
▪ La faillite personnelle : sanction qui peut être infligée dans le cadre d’une procédure collective.
Aujourd’hui, les procédures collectives ne visent plus à sanctionner mais à sauver l’entreprise. Pour
autant, le juge peut toujours venir sanctionner des comportements fautifs graves ayant contribué à la
faillite d’une société. Ainsi, le prononcé de la faillite personnelle emporte parfois interdiction de gérer ou
diriger, directement ou indirectement, une entreprise commerciale, artisanale, agricole ou indépendante.
Le juge dispose également d’autres sanctions, comme l’interdiction d’exercer une profession indépendante
dans un domaine spécifique.
La violation d’une interdiction se traduit par des sanctions pénales.
L’interdiction n’est pas une mesure de protection de l’intéressé mais des tiers. Donc, celui qui se livre,
contre l’interdiction, à une activité commerciale pourra être considéré comme commerçant de fait et en
supporter les inconvénients attachés sans pouvoir se prévaloir des avantages de la qualité de commerçant.
IV – Les autorisations
Les autorisations concernent deux situations :
▪ Le droit pour une étranger d’exercer le métier de commerçant en France. Il faut distinguer :
▫ Les ressortissants de l’UE ou de l’EEE ont le droit d’exercer librement toute activité licite sur le
territoire européen ;
▫ Les autres étrangers :
‣ Qui, en principe, doivent être titulaires d’une carte de séjour temporaire autorisant
l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale. Pour obtenir
l’autorisation, ils doivent démontrer que l’activité envisagée sera suffisante pour vivre ;
‣ Les étrangers qui bénéficient d’un visa longue durée ou peuvent se prévaloir d’une
convention Etat / France sont dispensés de l’autorisation expresse.
▪ L’exercice de quelques activités commerciales spécifiques est soumis à une autorisation, liée à la
personne ou au fonds de commerce.
Ex 1 : le pharmacien est un commerçant : achète des médicaments pour les revendre. Le diplôme de
pharmacien est nécessaire à l’acquisition d’un fonds de commerce de pharmacie et la densité
pharmaceutique (nombre de pharmacies / habitant) est limitée en France.
Ex 2 : une licence est nécessaire pour le débit de boisson (4 pour les alcools forts). Le nombre de bars
par habitants est aussi restreint : maximum donné pour un périmètre déterminé.
Les autorisations font partie des éléments incorporels du fonds de commerce.
Section 2 – Le statut du commerçant (pris indépendamment de la notion même d’acte de commerce)
Le commerçant est tenu d’obligations et bénéficie, en contrepartie, d’avantages (bail commercial,
procédures collectives, protection du patrimoine personnel) au titre de l’immatriculation au RCS.
De plus en plus d’éléments du statut ne concernent pas que le commerçant.

Paragraphe 1 – Les obligations du commerçant


L’article L. 123-24 du Code de commerce dispose que : « tout commerçant est tenu de se faire ouvrir
un compte bancaire » dédié à l’activité commerciale. L’objectif est d’identifier les flux propres à l’activité
de commerce. Le législateur était revenu sur l’obligation pour l’auto-entrepreneur.
C’est extrêmement réglementaire.
Cf la partie du cours sur l’ENT pour compléter.
I – L’immatriculation au RCS
L’immatriculation au RCS est une mesure de publicité essentielle pour identifier le commerçant et lui ouvrir
certains droits.
En matière de droit des affaires, on est confronté à deux logiques un peu contraires : le secret des affaires
(loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires) d’une part et la transparence totale sur
un certain nombre d’éléments d’autre part (plus anglosaxon).
Ces deux contraintes s’affrontent en permanence.
Le commerçant est tenu de s’immatriculer au RCS (registre légal) c’est-à-dire d’enregistrer son activité
commerciale. Le commerçant doit fournir quelques informations.
L’immatriculation est ancienne (loi du 18 mars 1919). Au départ, l’immatriculation n’avait qu’un rôle
administratif. Aujourd’hui, après plusieurs réformes (notamment en 1984), l’enregistrement a des effets
juridiques. La matière est codifiée aux art. L. 123-1 et s. et R. 123-31 et s. du Code de commerce.
La loi définit le rôle du RCS : « être porté à la connaissance du public » (art. L. 123-1, 2°). Il s’agit d’un
instrument légal de publicité au bénéfice du tiers : il va pouvoir obtenir les informations collectées pour en
savoir davantage sur une entreprise donnée.
Normalement, il y a un RCS par tribunal de commerce : chaque greffe tient un RCS. Les informations sont
collectées au niveau local et transférées au niveau national à l’INPI. L’INPI a notamment pour mission de
centraliser les informations que l’on trouve dans les RCS.
Le RCS se modernise petit à petit en se dématérialisant : les formalités se font de plus en plus à distance. Il y
a notamment une volonté européenne de mettre en réseau les RCS au niveau européen pour qu’à terme on
puisse obtenir des informations, à partir d’un site, sur n’importe quelle entreprise du territoire européen.
A – La collecte de l’information légale
L’objectif est de mettre à disposition des tiers un certain nombre d’informations. Les commerçants et les
sociétés doivent les déposer auprès du greffe du tribunal de commerce, qui va les trier pour les mettre à
disposition du public.
Le RCS est un système déclaratif : c’est au commerçant / à la société d’envoyer les documents, de faire les
démarches nécessaires pour les rendre publics.
D’un point de vue pratique, l’exigence connaît de nombreux aménagements. Un entrepreneur, lorsqu’il crée
une entreprise, est tenu de contacter un grand nombre d’administrations, ce qui peut être assez complexe à
gérer. Pour soulager cette charge, on a créé des centres, dont le rôle est de collecter les documents et de les
redistribuer auprès des administrations, et notamment le RCS. Ces structures intermédiaires sont des centres
de formalités des entreprises (CFE).
Il existe différents types de CFE selon la localisation et le type d’activité ≈ 1400 points de CFE. Il est parfois
complexe de savoir où se rendre … alors qu’ils ont été créés pour simplifier la tâche de l’entrepreneur.
Les CFE ont fait l’objet d’une réforme avec la loi Pacte : l’objectif est de parvenir à un guichet unique, qui
redistribue les informations à toutes les administrations.
En août 2020, il a été décidé que l’INPI allait gérer un guichet unique à distance. Cela va être simplifié pour
les inscriptions à distance.
Pour les entrepreneurs qui veulent continuer de s’y rendre physiquement, la loi n’est pas très claire. La
suppression officielle des CFE est pour janvier 2022. Mais, en pratique, pour les inscriptions physiques, on
risque de toujours passer par les CFE. Cela ne changera pas grand-chose matériellement…
Les chambres de commerce accueillent souvent des CFE dans leurs locaux. Mais, ils peuvent aussi être
accueillis par l’URSAFF par exemple.
Deux types de personnes déposent des informations au RCS :
▫ Les commerçants personnes physiques sont tenus de s’immatriculer au RCS dès qu’ils débutent une
activité ;
▫ Certaines personnes morales : toutes les sociétés civiles et commerciales qui veulent avoir la
personne morale + les GIE doivent s’immatriculer. L’immatriculation leur confère la personnalité
morale (à partir de la date d’immatriculation) ;
▫ Les sociétés étrangères qui ont un établissement en France sont obligées d’immatriculer cet
établissement en France ;
▫ Les EPIC (Etablissement Public du Commerce et de l’Industrie) ;
▫ Certaines associations : mais très rarement.
Des informations doivent être déposés à différents moments : à la création de l’entreprise (statuts
constitutifs), à la création d’un établissement secondaire, à la modification de la situation professionnelle, à
l’arrêt de l’activité. Pour les précisions cf moodle.
Le greffier va ensuite traiter les informations assez rapidement : une fois qu’une demande est déposée, elle
doit être traitée dans un délai d’un jour franc, sauf difficultés.
Le greffier va intégrer les informations dans différents fichiers afin de pouvoir les retrouver par la suite et en
diffuser certaines aux tiers. Il va, dans le même temps, effectuer certaines vérifications de régularité : des
éléments doivent être présents nécessairement.
B – Les effets juridiques
Le fait de déposer des informations légales entraine un certain nombre de conséquences juridiques, dont
l’attribution de la personnalité morale des sociétés.
1 – La diffusion des informations
Chaque entreprise va avoir un identifiant (n° SIREN, mention du RCS, et le n° de la ville du tribunal de
commerce correspondant). Ce numéro SIREN doit être porté à la connaissance des tiers sur tous les
documents (factures …) pour qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, obtenir des informations.
Le tiers peut également demander un extrait d’immatriculation pour en savoir plus sur l’entreprise, sur
certaines opérations
D’un point de vue pratique, la diffusion d’information pose problème. Depuis la loi Macron, il existe une
certaine concurrence dans la diffusion de l’information. L’accession à des informations sur la santé de
l’entreprise notamment sert aux partenaires sociaux. Un marché très important (et derrière des bénéfices)
correspond à cela.
Le problème concerne la rémunération et l’accès (ou non) aux informations.
Le greffier du tribunal de commerce n’a pas le même statut que celui du tribunal judiciaire : c’est un officier
ministériel public (≈ notaire). Pour devenir greffier au tribunal de commerce, il faut passer un concours
(simple) mais aussi être associé à la charge. La profession est très particulière du fait de ces charges.
Il gère les registres spécifiques dont le RCS. Toutes les modifications sont tarifées, ce qui génère beaucoup
d’argent grâce à l’information légale … Le greffier de tribunal de commerce, reçoit en moyenne 30 000
euros de revenus par mois. Tous les greffes appartiennent à quelques familles en France (survivance de
l’ancien régime, corporation). C’est dénoncé par les journaux.
La situation est assez problématique : pour la moindre modification au RCS, les coûts sont importants
(notamment car ils financent les greffes). Les auteurs qui ont une vision très libérale veulent les supprimer,
pour que les entreprises n’aient plus ou peu à payer pour mettre les informations à disposition des tiers.
La loi Macron a mis en place l’open data : l’INPI peut mettre la source des informations à destination du
public. Des sites qui proposent gratuitement les informations font désormais concurrence aux greffes. A
terme, cela risque de remettre en cause la profession de greffe au tribunal commercial.
L’art. L. 123-7 dispose : « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de
commerçant. » L’article instaure un double régime quant à la portée de la présomption :
⁃ La présomption est simple pour les tiers et les administrations : ils peuvent en apporter librement la
preuve contraire ;
⁃ Par contre, la personne immatriculée, en principe, ne peut pas prouver qu’elle n’est pas commerçant,
sauf à ce qu’elle démontre que le tiers savait qu’elle n’était pas commerçant (élément subjectif).
L’art. L. 123-8 évoque l’hypothèse du commerçant de fait : « la personne assujettie à immatriculation qui
n’a pas requis cette dernière à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter du commencement de son
activité, ne peut se prévaloir, jusqu’à immatriculation, de la qualité de commerçant (et des avantages qui lui
sont attachés (ex : insaisissabilité automatique de la résidence principale)) à l’égard des tiers et des
administrations publiques. »
En revanche, elle en supporte les inconvénients : « elle ne peut invoquer son défaut d'inscription au registre
pour se soustraire aux responsabilités et obligations inhérentes à cette qualité. »
En vertu de l’art. L. 123-9 du Code de commerce, la personne assujettie à un dépôt d’actes ou de pièces (ex :
modification des statuts d’une société) ne peut les opposer aux tiers et aux administrations que si elle les a
déposées.
Par contre, le tiers a le choix de s’en prévaloir ou non : il peut dire que l’acte, n’était pas publié, lui est
inopposable ou, si c’est à son avantage, il peut invoquer l’existence de l’acte.
II – Les obligations comptables du commerçant
Les documents comptables sont la traduction chiffrée des mouvements de valeur dans l’entreprise.
L’objectif de ces obligations est de permettre à l’entrepreneur de gérer correctement son entreprise. C’est,
pour lui, un instrument essentiel.
Mais, les documents comptables ont aussi un intérêt pour les tiers et administrations, notamment fiscales,
qui peuvent accéder à certaines informations.
Normalement, tous les commerçants, personnes physiques et morales, ont l’obligation de tenir une
comptabilité. Les obligations comptables figurent aux art. L. 123-12 et s. et R. 123-172 et s. du Code de
commerce.
Il ne faut pas confondre l’obligation de tenir une comptabilité et l’obligation de publier la comptabilité.
Normalement, les commerçants personnes physiques n’ont pas à publier leur comptabilité. Il n’y a que les
sociétés commerciales qui doivent la publier. Par contre, tous ont l’obligation de tenir une comptabilité.
Les documents comptables étaient anciennement nommés « livres de commerce ». Parmi ces documents,
certains doivent être remplis de façon régulière pour retranscrire les différents mouvements de valeur de
l’entreprise (le livre journal et le grand livre) et être complétés, une fois par an, par l’inventaire. A partir de
tous ces documents, à la fin de l’exercice comptable, le commerçant doit tenir les comptes annuels dont le
bilan de l’entreprise, le compte de résultat et l’annexe.
Les obligations comptables sont très lourdes pour les commerçants, et surtout les entreprises de petite taille.
De nombreux allègements ou suppressions ont dont été prévus. La loi a créé, sur le fondement du droit
européen, différents types d’entreprises concernant les obligations comptables : les moyennes entreprises ;
les petites entreprises (dérogations plus importantes) ; les micros entreprises (comptabilité encore plus
simplifiée).
La comptabilité peut également avoir une fonction juridique. Ce peut être un élément utilisable au titre de la
liberté de la preuve ! art. L. 123-23 du Code de commerce : « la comptabilité régulièrement tenue peut être
admise en justice pour faire preuve entre commerçants. » La preuve peut jouer dans les deux sens : le
commerçant peut l’invoquer / un tiers peut lui opposer. Le juge apprécie à chaque fois l’élément de preuve.
III – Le statut de l’auto-entrepreneur
On parle normalement plutôt de « micro-entrepreneur ».
Des allégements sont prévus sur plusieurs points.
Le statut de l’auto-entrepreneur a été institué par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.
L’objectif était de permettre à ceux qui le souhaitent de développer de toutes petites entreprises, soit pour
développer une activité autonome modeste dans l’espoir qu’elle prenne de l’ampleur, soit pour débuter une
activité secondaire autonome pour avoir un complément de revenu. Comme elle est modeste, il faut en
simplifier la gestion, donc c’est un statut simplifié.
Depuis leur création, les micro-entreprises alimentent de nombreuses critiques, notamment parce qu’elles ne
sont nécessairement pas viables. La plupart du temps cinq ans après sa création, l’entreprise ne s’est pas
développée et l’activité prend fin.
Des entrepreneurs ont dénoncé une distorsion de concurrence. Les artisans notamment se sont opposés à la
loi de modernisation de l’économie, en ce qu’elle permettait de ne pas respecter des obligations auxquelles
ils étaient soumis.
La technique de l’auto-entrepreneur est parfois utilisée pour déguiser sous l’apparence d’une activité
indépendante, une activité professionnelle qui devrait être salariée. Auparavant, l’auto-entrepreneur
bénéficiait d’une présomption de non salarié.
La pratique du micro-entreprenariat a pu être utilisée pour des abus et entraîner des problèmes sociaux. Au
RU, on s’était aperçu que des entreprises avaient continué à faire travailler des salariés mais en auto-
partenariat, de façon à ce que, quand elles n’avaient plus besoin d’eux, elles ne les fassent pas travailler et ne
paient ni salaires ni charges. L’autonomie n’était que théorique : en pratique, le lien de subordination existait
toujours. Des étudiants travaillaient ainsi en tant que des travailleurs indépendants sous la subordination
juridique, matérielle, économique d’un employeur.
Les situations, lorsqu’elles sont portées devant le tribunal, sont de plus en plus requalifiées en contrat de
travail.
Pour bénéficier du régime de l’auto-entrepreneur, des conditions doivent être satisfaites. Pour autant, ce
n’est pas un régime autonome : l’auto-entrepreneur est un entrepreneur comme les autres. Simplement, du
fait de la faiblesse de son activité en termes de bénéfices, ses obligations, notamment fiscales et sociales
(prélèvements sociaux), sont simplifiées.
L’entrepreneur peut décider, en dessous d’un certain montant de chiffre d’affaire, qui dépend du type
d’activité, de se soumettre au régime de l’auto-entrepreneur.
Ce régime spécifique est réservé aux personnes physiques pendant un temps. Une fois que l’activité se
développe et que les seuils sont dépassés, la microentreprise devient une entreprise soumise au droit
commun.
L’objectif est notamment de simplifier les formalités de création de l’auto-entrepreneur. Depuis la loi Pinel,
il doit quand même s’immatriculer au RCS. Un certain nombre de mesures favorables a disparu avec la loi
Pinel entre autres.
L’avantage principal est au niveau des charges sociales, avec le régime du micro social simplifié : les
différentes cotisations sociales sont payées en une fois à partir d’un pourcentage du chiffre d’affaires.
Pour l’impôt sur le revenu, il existe deux modalités de simplification :
• Le commerçant paie selon le barème de l’impôt sur le revenu comme tout le monde ;
• Le commerçant paie en une fois l’impôt sur le revenu et les versements de nature sociale =
prélèvement libératoire. En fonction du type d’activité, un taux est calculé pour payer l’impôt et les
charges sociales.
Un allègement est enfin prévu concernant la comptabilité en fonction des seuils présentés au niveau de
l’entreprise.
Paragraphe 2 – Le régime de protection du patrimoine personnel du commerçant
C’est une grande préoccupation du législateur que d’éviter qu’une personne physique, qui risque tout, se
retrouve dans le dénuement le plus total.
Tout un régime de protection du patrimoine personnel du commerçant est mis en place pour inciter les
particuliers à se lancer dans une activité indépendante.
La protection concerne les commerçants personnes physiques et la plupart des professionnels indépendants
personnes physiques (agriculteurs, artisans). Pendant longtemps, le régime était réservé aux commerçants.
La création d’une activité indépendante s’accompagne de risques : quand les dettes se présentent, une fois
qu’il n’y a plus d’argent dans l’entreprise, le commerçant est tenu de payer avec ses biens personnels. En
principe, il n’y a qu’un patrimoine par personne, de sorte que l’entreprise exploitée par l’indépendant se
retrouve dans son patrimoine (l’actif comme le passif). On mélange aussi bien les biens personnels et
professionnels que les dettes personnelles et professionnelles. Les créanciers peuvent tout à fait se faire
payer sur les biens personnels de l’entrepreneur.
Le risque patrimonial menace l’entrepreneur. Des personnes refusent de développer une activité
professionnelle indépendante en raison de ces risques sur le patrimoine personnel, d’où la volonté du
législateur de mettre en place des mécanismes de protection du patrimoine familial. L’idée, notamment
soutenue par A. Madelin (ultra-libéral), est d’encourager le développement des activités indépendantes.
La première réponse s’appuie sur le droit des régimes matrimoniaux et, plus spécifiquement, le régime de
séparation des biens.
Le régime légal est la communauté. Mais, les époux ont le choix avec d’autres régimes, tel que le régime de
séparation des biens (chacun conserve son patrimoine). La séparation des biens peut être une solution
lorsqu’un conjoint a une activité professionnelle indépendante à risque pour éviter que les biens de la famille
soient saisis par la procédure collective. Dans ce cas précis, le régime de communauté n’est pas forcément
opportun car il peut conduire à la liquidation de tout l’actif de la communauté …
Dans le cadre de la séparation des biens, le conjoint non-commerçant peut acheter les biens principaux du
couple (logement familial), afin qu’ils soient dans son patrimoine et qu’en cas de faillite du commerçant, les
créanciers n’y aient pas accès. Le droit commun s’applique sur des biens très précis. Le propriétaire du bien
est le signataire du contrat de vente et non pas le conjoint qui a fourni les fonds ! la propriété ne dépend pas
de l’origine des fonds mais du titre d’acquisition.
Le régime de séparation est une technique extrêmement efficace, qui existe depuis le droit romain.
En droit romain, la pratique a été neutralisée par la présomption mucienne, qui existait en France jusqu’en
1967. La présomption mucienne s’appuyait sur l’incapacité de la femme mariée : on présumait que les biens
acquis par l’épouse pendant le mariage appartenaient au mari. Pour un commerçant, les biens achetés par
l’épouse sont présumés avoir été acquis par lui. Le recours au régime de la séparation des biens se heurtait à
la présomption mucienne.
A partir de 1967, le droit des procédures collectives l’a conservée sous une forme atténuée : l’administrateur
de la procédure collective pouvait démontrer que l’argent utilisé pour acquérir les biens provenait du
commerçant et, de cette façon, les biens étaient réintégrés dans la procédure collective. Le régime de
séparation des biens était donc inefficace ici.
En 2012, à l’occasion d’une QPC, le Conseil constitutionnel a décidé que ce mécanisme était contraire à la
Constitution, la propriété étant à celui qui dispose d’un titre de propriété. Cette décision renforce l’efficacité
du régime de séparation des biens. Aujourd’hui, il s’agit même de la technique de protection du patrimoine
personnel la plus efficace.
La limite est le divorce … Mais, même dans ce cas, il existe un système de créance entre époux et il est
possible d’obtenir la restitution d’une partie ou de la totalité des sommes.
La société est un autre moyen encouragé par le législateur, qui fonctionne assez bien, pour protéger le
patrimoine personnel du commerçant.
Deux types de sociétés :
• Les sociétés « simples » : les associés sont tenus de payer les dettes sociales, lorsque la société ne
peut plus payer ;
• Les sociétés à risque limité : pour entrer dans la société, l’associé doit faire un apport. En dehors de
cet apport, il n’est tenu à aucun paiement (Ø dettes de la société). Ainsi, nombre de commerçants
personnes physiques ont utilisé la technique sociétaire pour protéger leur patrimoine personnel.
L’entreprise qui était sous forme individuelle prend la forme sociétaire : le commerçant apporte son
fonds de commerce en société et reçoit en retour des droits sociaux.
Pendant longtemps, il y eut des abus. La règle étant que pour s’associer, il fallait être deux, les commerçants
désignaient comme associé leur épouse ou leur(s) enfant(s). La technique était détournée par la création
d’associés factices.
Devant ce constat, le législateur a lui-même créé des formes sociales à un seul associé : l’EURL (≠ l’EIRL),
SARL à un associé et la SASSU, SASS unipersonnelle. Le but est d’encourager la mise en société des
entreprises individuelles notamment en facilitant la cession et en protégeant le patrimoine privé par la
séparation patrimoniale.
Le problème est que le commerçant, s’il est surprotégé, ne prendra plus de risque, ce qui peut créer un
déséquilibre. Si, après création d’une société à partir d’un emprunt pour financer le fonds de commerce et
l’activité, le commerçant fait faillite, il n’a rien à craindre car il n’aura pas à rembourser personnellement.
La difficulté est que, dans ce cas, les risques professionnels sont intégralement supportés par la société et le
banquier.
La responsabilité limitée peut être contournée par le contrat : le banquier, qui estime que le patrimoine de la
société n’est pas suffisant, va conditionner le prêt au cautionnement par le dirigeant ou à la solidarité entre
associés majoritaires.
Des mécanismes permettent également en cas de faute de gestion de mettre à la charge du commerçant une
partie du passif de l’entreprise.
L’introduction excessive de sécurité gêne les partenaires sociaux, qui vont refuser de contracter. Il va falloir,
en contrepartie, leur apporter des garanties (suretés personnelles et réelles).
Il convient de trouver un équilibre entre l’intérêt de l’entrepreneur individuel (protection du patrimoine
personnel) et l’intérêt des créanciers, l’idée n’étant pas de reporter la totalité des risques sur les autres
partenaires sociaux.
Deux autres techniques sont envisageables :
◦ La création d’un patrimoine d’affectation : l’entrepreneur aurait deux patrimoines, son patrimoine
personnel d’une part et son patrimoine professionnel d’autre part, avec les biens et dettes respectifs.
Dans un premier temps, en 2003, l’idée a été écarté et le législateur a accordé à certains immeubles à
usage personnel l’insaisissabilité ;
◦ En 2010, la question a été reposée car l’insaisissabilité n’était pas suffisamment convaincante. On a
créé un patrimoine affecté réservé au domaine professionnel : l’EIRL.
A – L’insaisissabilité des immeubles à usage personnel
L’insaisissabilité des immeubles à usage personnel est instaurée par la loi du 1er août 2003 sur l’initiative
économique. Le législateur a décidé de protéger un bien particulier : la résidence principale de
l’entrepreneur.
A l’époque, on autorisait les entreprises à faire une déclaration spéciale devant le notaire qui, une fois
publiée, sera opposable aux créanciers, alors interdits de saisir la résidence de l’entrepreneur. Au départ, ce
n’était pas une déclaration automatique, un certain nombre de formalités devaient être respectées.
La déclaration rend le bien insaisissable pour les créanciers postérieurs à la publication. En effet, cela aurait
été anormal d’imposer cela aux créanciers antérieurs qui, à la conclusion du contrat, avait en vue la
résidence principe de l’entrepreneur, sans laquelle le patrimoine serait vide.
Le régime de l’insaisissabilité a évolué avec la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.
En sus de changements techniques, la loi a, pour l’essentiel, étendu l’insaisissabilité à tous les immeubles
dont l’usage n’est pas professionnel (résidence secondaire, immeuble de rapport…). Le législateur a procédé
à une extension du domaine de la déclaration.
L’insaisissabilité des immeubles à usage non professionnel a alimenté de nombreux débats. Certains
souhaitaient la supprimer.
Pour autant, la loi Macron (2015), reprenant une proposition formulée par un congrès de notaires, a renforcé
la protection de la résidence principale : désormais l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit,
automatique. Il n’est plus nécessaire de recourir à une déclaration pour en bénéficier.
Les mécanismes d’insaisissabilité figurent aux art. L. 526-1 à L. 526-3 du Code de commerce. Deux
coexistent depuis la loi Macron : l’insaisissabilité automatique de la résidence principale et l’insaisissabilité
soumise à déclaration expresse des autres immeubles.
1 – Les conditions d’application de l’insaisissabilité
a – Les conditions de fond
Qui a droit à cette protection ?
L’art. L. 526-1 ouvre l’insaisissabilité à toute « personne physique immatriculée à un registre de publicité
légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante ».
Dès 2003, l’insaisissabilité de la résidence principale n’est pas réservée au commerçant mais concerne tous
les professionnels indépendants inscrits à un registre (artisans, agents commerciaux…) et ceux pour qui il
n’existe pas de registre de publicité (professions libérales).
Qu’en est-il de l’auto-entrepreneur ?
En principe, lorsqu’il y a un registre, le professionnel n’a le droit à la protection que s’il est immatriculé.
Initialement, l’auto-entrepreneur n’était pas tenu de s’enregistrer. Désormais, comme il a l’obligation de
s’immatriculer, la question ne se pose plus : le micro-entrepreneur bénéficie de l’insaisissabilité.
N’étant pas immatriculé, le commerçant de fait n’est pas protégé.
Quels immeubles sont concernés ?
En 2003, l’insaisissabilité ne concerne que la résidence principale. En 2008, elle s’élargit à tous les biens
fonciers bâtis ou non bâtis non affectés à l’usage professionnel.
Tous types de droits réels (droit propriété exclusif, usufruit, droit indivis …) peuvent justifier la protection.
En cas de régime de communauté, le bien commun pourra être protégé.
Une limite a été posée : la mise en société civile immobilière d’un immeuble confère la propriété de
l’immeuble à la société civile, en tant que personnalité autonome. Le commerçant a des droits sociaux mais
ne possède pas l’immeuble à travers ces droits.
On s’est rendu compte que pour certains immeubles, il était complexe de déterminer s’il fallait accorder la
protection : les immeubles à usage mixte.
Ex : le magasin est au rez-de-chaussée / l’appartement à l’étage.
L’idée est de protéger la partie de l’immeuble qui sert à l’habitation, en le scindant en deux : la partie
professionnelle pourra être saisie par les créanciers, alors que la partie privée demeure insaisissable. Pour
répartir ce qui est insaisissable et ce qui ne l’est pas, le notaire doit faire une déclaration descriptive de
division.
Seulement, certains immeubles (en copropriété) ne peuvent être divisés (un seul accès). Toutes les difficultés
ne sont pas résolues.
La loi Macron reporte à plus tard la difficulté en supprimant l’obligation d’état de division pour la résidence
principale. En 2008, il fallait de toutes façons passer par un acte notarié. Depuis la loi Macron, la protection
étant automatique, imposer un état de division revient à réintroduire une formalité. Le législateur n’a pas
voulu de cela.
Il faudra diviser l’immeuble au moment où le créancier va saisir.
Ce n’est pas parce que l’on domicilie son entreprise à son domicile que le bien est à usage mixte. Il reste à
usage purement privé.
b – Les conditions de forme
Depuis 2015, s’agissant de la résidence principale, l’insaisissabilité est de droit. En revanche, l’exigence
d’une déclaration est maintenue pour les autres immeubles à usage personnel.
La déclaration d’insaisissabilité prend la forme d’un acte unilatéral soumis à un formalisme spécifique :
◦ La déclaration doit être reçue par un notaire (acte notarié), à peine de nullité ;
◦ Son contenu est imposé : les biens doivent être détaillés précisément, immeuble par immeuble, ainsi
que la nature des droits réels (propriétaire ? usufruitier ? en indivision ? bien commun ?).
◦ La déclaration devra ensuite être publiée au fichier immobilier.
L’opposabilité d’un droit réel constitué sur un bien immobilier est subordonnée à la publicité au fichier
immobilier (bureau des hypothèques). Seul le notaire peut procéder à la publication de la déclaration
d’insaisissabilité au fichier immobilier.
Le professionnel indépendant immatriculé à un registre professionnel (RCS, répertoire des métiers), doit
également y publiée la déclaration.
Mais, il n’existe pas toujours de registre professionnel de publicité. Le professionnel indépendant doit, dans
ce cas, publier un avis dans un journal d’annonce légale. Aujourd’hui, cela n’a plus vraiment de sens : la
transmission des informations se fait en ligne. Son efficacité pour informer les tiers est limitée, d’autant
qu’ils ne se trouvent pas facilement (ne se vendent pas, sont imprimés et distribués par la poste). Personne
n’en prend connaissance … La preuve de l’utilisation de ce journal légal doit être conservée pour que ce soit
opposable.
La formalité de publicité imposée au titre de l’opposabilité est double : la déclaration doit être publiée au
fichier immobilier et au registre principal ou, à défaut, dans un journal d’annonce légale. Les deux sont
nécessaires pour que l’acte soit opposable aux tiers.
2 – Les effets de l’insaisissabilité
La Cour de cassation retient une interprétation stricte de l’article L. 526-1 du Code de commerce : l’article,
qui interdit la saisie d’un bien déclaré insaisissable, n’exclut pas qu’un créancier professionnel inscrive une
hypothèque judiciaire à titre conservatoire sur ce même bien (C. com., 11 juin 2014 ; 13 sept. 2016). L’effet
principal reste l’insaisissabilité.
C’est une solution qui peut paraître assez étonnante : le créancier peut avoir une sureté sur le bien, alors
même qu’il n’est pas en droit de le saisir. En pratique, la solution peut, en plus, donner lieu à des
incompatibilités (cf TD).
L’hypothèque judiciaire est la sureté, accordée par le juge, sur un immeuble, lorsque la créance risque de ne
pas être recouvrée.
Seuls les créanciers professionnels n’ont pas le droit de saisir le bien déclaré insaisissable. Les créanciers
personnels le peuvent.
L’opposabilité de l’insaisissabilité rencontre des limites temporelles et, dans certaines hypothèses, prend fin
(de manière volontaire ou forcée).
a – L’opposabilité de l’insaisissabilité
Le principe de la déclaration d’insaisissabilité est de faire en sorte que certains tiers ne puissent pas saisir un
bien. L’insaisissabilité doit, donc, pour être efficace, être opposable aux tiers.
Deux types d’insaisissabilité :
▫ Loi Macron (2015) : l’insaisissabilité de la résidence principe est automatique ! Ø formalité ;
▫ Loi du 4 août 2008 : pour les autres immeubles à usage non professionnel, la déclaration et le respect
d’un certain formalisme, sont maintenus.
Le législateur cherche à protéger les intérêts de l’entrepreneur individuel et des créanciers.
Depuis 2003, en dehors de la résidence principale, le professionnel indépendant doit faire une déclaration,
pour que les créanciers, qui lui sont postérieurs, ne puissent pas saisir le bien objet de la déclaration
d’insaisissabilité ≠ Les créanciers antérieurs le pourront toujours.
Une distinction de l’opposabilité est faite par rapport au facteur temps pour tous les immeubles à usage non-
professionnel, à l’exclusion de la résidence principale. Depuis la loi Macron et l’automaticité de
l’insaisissabilité de la résidence principale, le principe est que la résidence principale est insaisissable pour
tous les créanciers, sans distinction temporelle (sauf créanciers antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi
Macron).
La loi du 8 août 2015 n’est pas rétroactive : pour les créanciers dont la créance est née avant la loi,
l’insaisissabilité n’est pas automatique. La loi Macron leur est inopposable car, à la naissance de la créance,
le mécanisme n’existait pas.
La distinction créanciers antérieurs / postérieurs, qui n’a plus lieu d’être pour la résidence principale, revient
sous une autre forme : la non-rétroactivité de la loi Macron. Pour chaque créance, on détermine si la loi est
opposable.
Quand une déclaration est requise (créances antérieures à la loi Macron, autres immeubles à usage non-
professionnel), il faut une double publicité au fichier immobilier et au registre professionnel / JAL.
Le créancier, pour savoir si une chose est saisissable, doit comparer deux choses : la date de naissance de la
créance et la date de publicité d’opposabilité de la créance.
Il ne faut pas confondre la date de naissance de la créance et la date d’exigibilité. Pour certains contrats, et
notamment les contrats à exécution successive, la date de naissance de la créance est difficile à déterminer.
Ex : le bail commercial de 9 ans. Le preneur peut résilier tous les 3 ans, sans payer d’indemnité. On ne sait
pas quand le bail va s’arrêter. L’exécution est continue, les créances de loyer naissent tous les mois dès lors
que le preneur à bail continue d’occuper le local…
Malgré les critiques, la Cour de cassation reste fidèle à la théorie classique selon laquelle dans un contrat,
même à exécution successive, toutes les créances naissent au moment de la conclusion du contrat. C’est un
principe de droit commun, qui peut être aménagé en droit des procédures collectives.
En cas de renouvellement, un nouveau contrat est conclu et le créancier devra se rapporter à la date de
conclusion de ce nouveau contrat.
S’agissant de la date d’opposabilité, le problème est que deux formalités d’opposabilité sont exigées : la
publication au fichier immobilier et au RCS / JAL. Si tout se passe bien, la déclaration est publiée
simultanément au fichier immobilier et au registre légal / JAL. Mais, en cas d’oubli, si le déclarant ne
s’acquitte que d’une publicité, le droit positif ne dit rien. La logique veut que la déclaration d’insaisissabilité
ne soit opposable qu’à la date de la seconde publicité.
La loi prévoit un aménagement très favorable à l’administration fiscale : la déclaration d’insaisissabilité ne
lui est pas opposable quand le professionnel a recours à des manœuvres frauduleuses (intention dolosive) ou
est responsable d’une inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.
Comme l’élément intentionnel est difficile à prouver, la Cour de cassation a créé une sorte de faute lourde :
l’inobservation grave et répétée, tellement énorme qu’on a l’impression que le professionnel l’a fait exprès.
La déclaration ne produit plus d’effet à l’égard de l’administration fiscale, de sorte qu’elle pourra récupérer
les impôts sur les biens protégés.
La déclaration d’insaisissabilité peut donner lieu à une subrogation réelle*. *Une chose prend la place d’une
autre par rapport à un effet juridique donné.
Ex : le bénéficiaire de l’insaisissabilité sur un immeuble a le droit de le vendre. Il n’a plus une résidence
principale mais un prix. Le bénéfice de l’insaisissabilité est-il maintenu sur la somme d’argent (le prix de
vente ? S’ils n’ont pas eu le temps, il achète un immeuble. Doit-il faire une nouvelle déclaration ? Le
bénéfice de l’insaisissabilité est-il reporté sur l’immeuble acheté avec la même date d’opposabilité ? Doit-il
faire une nouvelle déclaration ? La résidence ne sera-t-elle protégée qu’à compter de cette nouvelle
déclaration et les créanciers antérieurs pourront-ils la saisir ?
L’article L. 526-3 du Code de commerce énonce que le prix est insaisissable pendant un an. L’insaisissabilité
se reporte sur l’immeuble, s’il est acquis dans un délai d’un an.
Initialement, l’article ne précisait pas quels immeubles étaient concernés par la subrogation. En 2015, la loi
Macron a tranché : le bénéficie de la subrogation réelle ne joue que pour la résidence principale.
Ex : si le bénéficiaire de l’insaisissabilité vend sa résidence principale pour acheter une nouvelle résidence
principale et une résidence secondaire, la résidence secondaire ne bénéficie pas de la subrogation réelle. Il
devra faire nouvelle déclaration, qui ne la protégera qu’à compter de sa date de publication.
D’une certaine façon, la subrogation réelle ne sert pas à grand-chose car une fois que la résidence principale
est rachetée l’insaisissabilité est automatique. La subrogation ne sert qu’à rendre insaisissable le prix de
vente ou présente un avantage si la date de naissance de la créance est antérieure à la loi Macron.
2 – Cessation des effets de la déclaration l’insaisissabilité

Les effets de la déclaration d’insaisissabilité cessent, en cas de :


▪ Décès. Jusqu’à la réforme Macron (2015), la déclaration ne produisait plus d’effets au décès du déclarant.
On pouvait se dire que c’était normal car le défunt professionnel n’avait plus besoin de protection. Mais, il a
une famille et c’est gênant que les créanciers professionnels puissent venir saisir ses biens. C’était d’autant
plus contestable pour les époux mariés sous le régime de la communauté. La solution aurait dû être pensée
au regard du droit patrimonial de la famille …
La loi Macron retient désormais que la déclaration produit ses effets jusqu’à la liquidation de la succession.
En droit des successions, la liquidation est la période où les héritiers, en indivision successorale, vont
liquider pour le partage. Quand s’ouvre une succession, le principe est que les biens reviennent aux héritiers
et qu’il faudra liquider pour savoir à qui revient quoi. Les dettes sont également transmises.
La déclaration pourra produire effet aussi longtemps que la succession n’est pas liquidée (peut être très
long). Les héritiers ont tout intérêt à prolonger la période de la liquidation pour maintenir les effets de la
liquidation.
En cas de décès, il faudrait plutôt maintenir l’insaisissabilité pour l’épouse ou les enfants qui vivent dans la
résidence principale.
▪ Dissolution du régime matrimonial. Que se passe-t-il si l’immeuble était en communauté ? La loi prévoit
qu’en cas dissolution du régime matrimonial, on doit déterminer qui va récupérer le bien et, s’il s’agit du
professionnel, l’insaisissabilité continue à produire ses effets. A contrario, si le bien est dans le lot du
conjoint non-professionnel, l’insaisissabilité s’arrête. En régime de communauté, pour toutes les dettes nées
pendant le mariage, les créanciers peuvent, après le divorce, demander la moitié de la dette (dont la dette
professionnelle) à chacun des époux.
La solution est déséquilibrée : les créanciers peuvent aller chercher l’époux non-professionnel pour une dette
qu’il n’a pas contractée et saisir la résidence principale qu’il a conservée. Il conviendrait plutôt d’étendre le
maintien de l’insaisissabilité au conjoint non-professionnel.
▪ Volonté du bénéficiaire de l’insaisissabilité. Il doit suivre un formalisme spécifique, qui est le même que
celui de la déclaration (parallélisme des formes) : l’acte notarié doit être publié aux registres immobilier et
professionnel. Il est possible de renoncer à l’insaisissabilité des immeubles déclarés insaisissables et des
immeubles protégés automatiquement par la loi Macron.
En 2003, il était prévu que celui qui renonçait à l’insaisissabilité, y renonçait erga omnes (à l’égard de tous
les créanciers). La loi de modernisation de l’économie de 2008 a introduit une nuance : le bénéficiaire de
l’insaisissabilité peut y renoncer seulement à l’égard d’un ou plusieurs créanciers. Mais la loi va plus loin
encore : si le débiteur renonce au bénéfice de la déclaration dans l’intérêt d’un créancier, l’avantage sera
attaché à la créance et, en cas de cession, le cessionnaire aura le même avantage. L’insaisissabilité va suivre
la créance.
Le problème est que l’innovation de 2008 permet de créer des inégalités entre créanciers qui ne sont pas
justifiées et une sorte de sûreté au profit de certains créanciers, qui vont bénéficier d’un avantage par rapport
aux autres. Ce peut être une façon de favoriser un créancier. La technique serait réservée aux créanciers qui
auraient un pouvoir de fait suffisant pour l’imposer au débiteur.
Le régime primaire impératif s’applique à tous les époux, quel que soit le régime matrimonial choisi.
L’article 215 al. 3 du Code civil interdit à un époux de disposer, sans l’autre, de ses droits sur le logement
familial, même s’il en est le seul propriétaire. Il doit avoir l’accord du conjoint. La Cour de cassation en fait
une interprétation extensive à propos de l’insaisissabilité : la renonciation, étant un acte de disposition sur le
logement familial, nécessite l’accord des deux époux, à peine d’inopposabilité.
La loi Macron (2015) permet de révoquer la renonciation pour bénéficier à nouveau de l’insaisissabilité :
une fois la publicité de la révocation faite, l’immeuble est à nouveau insaisissable pour l’avenir. La
révocation n’est pas rétroactive : cela revient à faire une nouvelle déclaration d’insaisissabilité opposable
pour l’avenir. La loi ne précise pas si le débiteur peut révoquer la renonciation pour un seul créancier. La
logique voudrait que ce soit possible.
3 – La déclaration d’insaisissabilité et les procédures collectives
Une mesure de protection du patrimoine n’est efficace que si elle sert en cas de procédures collectives.
Pendant des années, le législateur n’a rien dit concernant l’application de la déclaration en cas de procédures
collectives.
La Cour de cassation a préservé la technique de l’insaisissabilité, en lui donnant une valeur telle qu’elle
constitue un instrument très efficace en cas de procédures collectives.
En situation de procédure collective, les créanciers ne peuvent plus gérer leur créance en autonomie. Les
organes de la procédure s’occupent des différentes créances collectivement. Tant que l’entreprise n’est pas
en liquidation, le but est de la sauver, d’où cet aspect collectif. Les créanciers perdent la majorité des
prérogatives relatives à leur créance et doivent attendre.
En principe, lorsque les organes de la procédure prennent une décision, ils le font dans le respect de l’égalité
entre créanciers.
Mais, les créanciers postérieurs à la déclaration d’insaisissabilité, contrairement aux créanciers antérieurs, ne
peut se faire payer sur le bien insaisissable. Dans ce cas, qu’est-ce que les organes de la procédure peuvent
faire ? Le problème est que s’ils saisissent le bien, le prix est réparti entre les créanciers … La Cour de
cassation a décidé de préserver l’efficacité de la déclaration : à partir du moment où il y a ne serait-ce qu’un
créancier postérieur, les organes ne peuvent pas saisir le bien. Il faut considérer que l’immeuble en question
est hors procédure collective. On continue de lui appliquer le droit commun, à savoir, les créanciers
professionnels postérieurs ne peuvent rien faire ; les créanciers professionnels antérieurs et les créanciers
personnels peuvent saisir le bien librement.
La procédure collective peut entraîner le dessaisissement du débiteur de ses biens. Même dans ce cas, le
débiteur est toujours libre de disposer du bien objet de l’insaisissabilité.
! Le bien insaisissable échappe à la fois au traitement collectif et au dessaisissement.

L’avantage est d’autant plus important pour le créancier qui a obtenu seul révocation parce qu’il peut
bénéficier de la saisie du bien, hors procédure collective.
Pendant la période suspecte (de cessation de paiement), qui précède le jugement d’une procédure collective,
si l’entrepreneur a eu recours à une déclaration d’insaisissabilité, elle sera déclarée nulle. On applique la
nullité des actes passés pendant la période suspecte.
II – L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
L’EIRL a été introduit par la loi du 15 juin 2010, alors selon le constat qu’il fallait proposer une technique
susceptible de recevoir davantage l’adhésion des entrepreneurs individuels. En 2010, le législateur crée un
patrimoine affecté au bénéfice de l’entrepreneur individuel, alors détenteur de deux patrimoines : un
patrimoine personnel (composé des biens et des dettes de nature personnelle), un patrimoine professionnel
(constitué des biens et des dettes de nature professionnelle).
L’EIRL figure aux articles L. 526-6 et s. du Code de commerce.
L’EIRL se veut plus simple que l’EURL et la déclaration d’insaisissabilité dans le principe. Néanmoins, la
simplicité ne se vérifie pas en pratique ... Après une publicité sur le registre professionnel de la volonté de
devenir EIRL, le patrimoine affecté est créé. La protection de l’EIRL est plus large que la déclaration
d’insaisissabilité : tous les biens à usage personnel sont concernés.
La technique n’a pas rencontré le succès escompté : en 2018, les 60 000 EIRL n’étaient même pas atteints
(alors qu’on en attendait 200 000). Le législateur est intervenu plusieurs fois pour rendre la technique plus
attractive avec les lois Pinel (2014), Sapin II (2017), Pacte (2019). Cela n’a pas fonctionné. Deux objectifs
contradictoires s’affrontent : la protection d’une part et le crédit d’autre part, que l’on obtient souvent par la
mise à disposition de garanties…
A – Les conditions d’application du statut
1 – Les conditions relatives à l’entrepreneur
L’EIRL est un ajout de la loi Pacte, mentionné à l’article L. 526-5-1 : « toute personne physique souhaitant
exercer une activité professionnelle en nom propre déclare, lors de la création de l'entreprise, si elle souhaite
exercer en tant qu’entrepreneur individuel ou sous le régime de l’EIRL. »
L’alinéa 2 ajoute, plus largement : « l’entrepreneur individuel peut également opter à tout moment pour le
régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. »
a – Les personnes éligibles
Seules les personnes physiques sont éligibles au statut : l’objectif est de protéger les professionnels
personnes physiques et non les personnes morales.
Le professionnel personne physique doit avoir une activité indépendante, qui n’est pas précisée par la loi
(commerciale, libérale, agricole, artisanale). Jamais la loi n’a réservé l’application de la technique aux
commerçants.
Un mineur non émancipé peut créer et gérer une EIRL, s’il a l’autorisation des parents (ou du conseil de
famille). Ceux-ci doivent dresser la liste des actes d’administration qu’il peut conclure seul. En revanche, les
actes de disposition doivent être faits par les représentants. En pratique, c’est impossible...
/!\ Le mineur ne peut pas devenir commerçant, sauf autorisation expresse. Donc, la règle de l’EIRL n’est pas
transposable en matière commerciale.
b – Les obligations à la charge de l’entrepreneur
Pour constituer un patrimoine affecté, l’entrepreneur va devoir déposer une déclaration d’affectation au
registre de publicité légale (RCS, répertoire des métiers, registre de l’agriculture) ou, à défaut, au registre
spécial accueilli par le greffe du TC.
Le professionnel indépendant peut dépendre de deux régimes : dans ce cas, il doit choisir le registre qui
accueillera sa déclaration principale et faire une mention à l’autre registre.
Dans la déclaration, figurent des éléments concernant le déclarant, son activité professionnelle (objet,
localisation …) et l’état descriptif des biens.
La mention « EIRL » doit être indiquée sur des documents de l’entreprise (factures …), pour que les co-
contractants soient informés de la limitation de la responsabilité.
L’EIRL doit tenir une comptabilité pour chaque activité et donc patrimoine affecté. Il est tenu aux mêmes
obligations comptables que le commerçant, quelle que soit la nature de son activité (sauf, éventuellement,
dans certains cas, régime simplifié). La loi prévoit qu’il doit publier, tous les ans, au registre concerné son
bilan. Le bilan doit absolument être publié parce qu’il permet de tenir les tiers informés de l’évolution de la
composition du patrimoine affecté. C’est devenu l’élément le plus important pour connaître le contenu du
patrimoine affecté.
Le bilan va valoir juridiquement actualisation du patrimoine affecté. L’état descriptif, mis en avant en 2010,
existe toujours mais en réalité ne sert plus à grand-chose.
2 – Les conditions relatives au patrimoine affecté
Les créanciers professionnels, qui n’ont aucun droit sur le patrimoine personnel, doivent connaître de la
composition du patrimoine affecté pour en évaluer la surface financière.
Pour ce faire, les créanciers ont accès à la déclaration initiale et au bilan.
a – Les biens inclus dans le patrimoine affecté
Matériellement, on trouve d’abord les biens du patrimoine affecté dans l’état descriptif lors de la création de
l’EIRL, puis dans le bilan (art. L. 526-12).
Le patrimoine affecté est un ensemble de biens, de droits, d’obligations et de sûretés. Il y a un actif et un
passif.
A l’article L. 526-6 du Code de commerce, la loi distingue :
⁃ Les biens nécessaires à l’activité, qui doivent obligatoirement figurer dans le patrimoine affecté ;
⁃ Les biens utiles à l’activité, qui peuvent y être inscrits ;
⁃ Les biens inutiles à l’activité, en dehors du patrimoine professionnel.
La répartition n’est pas libre.
Un bien ne peut être que dans un patrimoine à la fois. La distinction est, en pratique, difficile à mettre en
œuvre.
L’art. R. 526-3-1 définit le bien nécessaire à l’exercice de l’activité professionnelle comme « celui qui, par
nature, ne peut être utilisé que dans le cadre de cette activité. »
Le bien utile peut, quant à lui, être utilisé dans le cadre de l’activité professionnelle comme dans une autre
activité.
Ex : la voiture est indispensable à l’activité professionnelle mais peut être utilisée dans la vie privée.
La marge de manœuvre ne concerne que les biens utiles, qui pourraient être utilisés dans l’activité
professionnelle en question, dans une autre activité professionnelle ou dans la vie privée.
Le patrimoine affecté doit toujours contenir quelque chose. En 2018, devant un état descriptif vide, la Cour
de cassation a considéré que l’absence de patrimoine professionnel devait justifier la perte du patrimoine
affecté.
Mais, la loi Pacte de 2019 retient une solution partiellement contraire : à défaut de bien, droit, obligation ou
sûreté dans le patrimoine affecté, l’entrepreneur n’a pas à donner d’état descriptif.
Parfois, des règles particulières sont imposées :
▪ L’affectation d’un immeuble au patrimoine professionnel nécessite une mesure de publicité au fichier
immobilier ;
▪ La loi Pinel prévoit un allègement : celui qui, ayant déjà une entreprise individuelle, la transforme en
EIRL peut déposer son bilan de clôture au lieu d’une déclaration (avec état descriptif des biens).
▪ L’EIRL doit ouvrir un compte bancaire dédié à son activité. Le compte bancaire comportera les
créances et les dettes directement rattachées au patrimoine affecté.
▪ La loi prévoit des règles spécifiques pour les biens qui font l’objet d’une propriété collective :
‣ Biens indivis (quotes-parts) ;
‣ Biens communs (régime de la communauté).
Le transfert ne remet pas en cause la collectivité de la propriété : l’autre personne est toujours
propriétaire. Mais, le bien collectif devient plus facilement saisissable, du fait de l’affectation.
L’article L. 526-11 du Code de commerce pose deux séries d’obligations cumulatives :
› Informer préalablement le conjoint / l’indivisaire des risques inhérents à l’opération ;
› Obtenir l’accord exprès du conjoint / de l’indivisaire.
A défaut de l’une de ces conditions, la sanction est l’inopposabilité de l’affectation (imprescriptible).
Le non-respect de ces formalités est assez simple à démontrer : il suffit d’avancer que le conjoint n’a
pas été informé. C’est, de ce point de vue, assez dangereux car cela facilite la fraude des droits des
créanciers…
Malgré l’affectation, la propriété demeure partagée entre le patrimoine affecté et le patrimoine du
conjoint / indivisaire. Toute la propriété n’est pas affectée, seule la part de l’EIRL de la propriété
collective est concernée. Il n’y a pas d’adaptation suffisante pour le régime de communauté, donc
c’est extrêmement dangereux.
L’évolution des biens du patrimoine affecté / son traitement est une des grandes lacunes de la loi de 2010. Il
paraît logique de permettre de modifier le patrimoine affecté. La loi Pacte a développé, pour ce faire, le
document d’actualisation consultable par les tiers. Mais, il aurait fallu mettre en avant le fait que, en dehors
de ce document, le patrimoine affecté évolue régulièrement : de nouveaux biens nécessaires, même non
précisés dans le papier, peuvent être saisis.
Concernant les biens nécessaires, il faudrait interpréter que dès qu’un nouveau bien est acquis, il est
automatiquement intégré dans le patrimoine affecté, même s’il ne figure pas dans le document.
S’agissant des biens utiles, la loi dit clairement qu’on peut librement en ajouter et en retirer. C’est assez
contestable car le créancier peut avoir accepté le contrat en vue d’un bien utile initialement affecté. Dans
l’intérêt des créanciers, il serait préférable d’interdire le retrait de biens.
A chaque mouvement, l’entrepreneur est tenu de respecter les mesures de publicité immobilière. Pour
affecter ou retirer un bien commun ou indivis, il doit de nouveau informer et obtenir l’accord du conjoint ou
du coindivisaire.
Enfin, de plein droit, sont affectées, par l’effet d’une subrogation réelle, les créances et indemnités
remplaçant un bien affecté ou les biens acquis en emploi ou remploi de biens affectés (loi Pacte).
Ex – indemnité : lorsque, après affectation, l’immeuble brûle, la prime d’assurance est de plein droit dans le
patrimoine affecté. Mais, l’indemnité versée va peut-être servir à l’achat d’un bien utile…
Ex – créance : le prix de vente d’un bien affecté va directement dans le patrimoine affecté.
Ex – emploi ou remploi : lorsque, avec le prix de vente d’un immeuble affecté, l’entrepreneur en achète un
autre, il remploie le prix.
La loi ne dit pas ce qu’il advient lorsqu’un bien utile apparaît et que l’entrepreneur ne se prononce pas. Il
existe une « présomption » de non-affectation des biens utiles au patrimoine affecté.
Initialement, pour modifier le contenu du patrimoine affecté, l’entrepreneur devait faire une déclaration
modificative et la publier au RCS. C’était assez complexe à mettre en œuvre parce que, chaque fois qu’il
ajoutait ou retirait un bien au patrimoine, il devait faire une déclaration. La formalité n’était pas forcément
respectée.
Depuis la loi Pinel, c’est le bilan publié chaque année qui tient lieu d’actualisation et expose aux tiers le
contenu du patrimoine affecté (notamment l’actif). Le dépôt du bilan* est obligatoire pour que les tiers
puissent prendre connaissance de la consistance du patrimoine affecté. *L’entrepreneur doit, de toutes
façons, tenir une comptabilité.
Il ne faut, toutefois, pas extrapoler l’importance du bilan : entre deux bilans, la composition du patrimoine
évolue. Ce qu’il y a dans le bilan n’est pas valable pour un an : entre les deux bilans, le patrimoine peut
accueillir de nouveaux biens, qui ne sont pas inscrits au bilan.
Que fait-on des biens simplement utiles qui apparaissent ? Dans la période intermédiaire, ils n’entrent pas
dans le patrimoine affecté. Ce doit être le fait de la volonté de l’entrepreneur.
Par contre, le bien simplement utile acheté par l’argent du patrimoine affecté intègre automatiquement le
patrimoine affecté.
Mais, il peut y avoir des problèmes de preuve… Comment le tiers fait-il pour prouver que l’argent utilisé est
celui du patrimoine affecté ?
On pourrait considérer que le bien utile est présumé être dans le patrimoine professionnel, sauf déclaration
expresse contraire. Cela faciliterait la compréhension par les tiers.
L’absence de règles explique en partie l’échec de l’EIRL.
b – L’évaluation des biens
Depuis 2010, la loi exige une liste des biens mais également leur évaluation.
Le principe est que tous les biens du patrimoine professionnel doivent faire l’objet d’une évaluation par
l’entrepreneur. L’évaluation doit être portée à la connaissance des tiers : à côté de la désignation de chacun
des biens, doit être indiquée leur valeur.
Lors d’une modification du patrimoine, l’entrepreneur doit indiquer la valeur des nouveaux biens. L’intérêt
du bilan* est que, à côté de l’actif et du passif, il y a, à chaque fois, une valorisation. *Obligation
professionnelle
Auparavant, pour les biens dont la valeur excédait 30 000 €, la loi exigeait une vérification par un
professionnel. L’obligation a été supprimée par la loi Pacte.
Si, dans la déclaration initiale ou dans le bilan, l’entrepreneur attribue à un bien une valeur supérieure à la
valeur réelle, il est responsable sur son patrimoine personnel de la différence de valeur pendant une durée de
5 ans (art. L. 526-12).
La loi Pacte a considérablement simplifié l’évaluation des biens. Mais, cela reste un travail important, par
rapport à la création des sociétés, même si, dans le cadre de l’EURL comme de la SASSU, des obligations
comptables sont imposées.
Le législateur a aligné l’évaluation des biens sur l’obligation de comptabilité (dépôt du bilan au registre
professionnel).
B – Les effets attachés au statut de l’EIRL
Une fois opposable, la déclaration entraîne limitation de la responsabilité.
1 – L’opposabilité de la déclaration et la limitation de la responsabilité
L’objectif est de rendre opposable aux créanciers la destination du patrimoine. Pour respecter les droits des
créanciers professionnels, la déclaration ne prendra effet qu’à compter du respect de la procédure (et
notamment de la publicité).
L’opposabilité dépend de l’antériorité ou de la postériorité du créancier à la déclaration de l’EIRL :
⁕ Pour le créancier antérieur, la déclaration n’existe pas ;
⁕ Pour le créancier postérieur, la déclaration est opposable.
Il convient, à ce titre, de comparer la date de publicité au registre professionnel et la date de conclusion du
contrat.
Deux patrimoines différents : le patrimoine personnel (biens et dettes personnels – pour les créanciers
personnels) ; le patrimoine affecté (biens et dettes professionnels – pour les créanciers professionnels).
Contrairement à la déclaration d’insaisissabilité, la déclaration de l’EIRL intéresse également les créanciers
personnels, qui ne pourront saisir que les biens du patrimoine personnel. Pour les créanciers postérieurs,
personnels ou professionnels, il y a deux patrimoines. Chaque créancier ne peut se servir que sur un seul des
patrimoines.
La séparation des patrimoines, telle que prévue par la loi, connaît des exceptions :
▫ L’article L. 526-12 al. 8 dispose que : « en cas d’insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de
gage général des créanciers personnels peut s’exercer sur le bénéfice réalisé par l’entrepreneur
individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice (dans le patrimoine professionnel). »
L’entrepreneur individuel peut choisir de transférer une partie de l’argent de son patrimoine
professionnel à son patrimoine personnel pour se rémunérer. Mais, il pourrait ne pas le faire pour
frauder les droits des créanciers personnels. Donc, comme cet argent a vocation à alimenter le
patrimoine personnel, les créanciers personnels pourraient saisir ce bénéfice. On regarde si
l’entrepreneur s’est versé le bénéfice sur le patrimoine personnel : s’il prouve qu’il l’a déjà transféré,
on ne pourra pas aller chercher au-delà.
La sanction retenue par la loi peut être contestable. En effet, la société, lorsqu’elle fait des bénéfices,
ne distribue pas toutes les dividendes aux associés, une partie sert à investir dans la société : de ce
point de vue, il n’est pas normal que les créanciers personnels viennent saisir la totalité du bénéfice
créé par l’exercice. On pourrait plutôt laisser les créanciers personnels intenter une action paulienne
(pour fraude).
▫ Le fisc bénéficie d’un régime de faveur qui ressemble à ce qui est prévu pour la déclaration
d’insaisissabilité. Si l’entrepreneur a recours à des manœuvres frauduleuses dans ses déclarations
fiscales ou commet une inobservation grave et répétée des obligations fiscales, empêchant le fisc de
procéder au prélèvement normal des impôts, ce dernier pourra prélever l’impôt sur l’intégralité du
patrimoine (personnel + professionnel).
2 – La transmission du patrimoine affecté
On peut transmettre une entreprise sous forme sociétaire, par la vente de droits sociaux.
Pour une entreprise individuelle classique, le transfert s’opère par la vente du fonds de commerce.
Ici, comme l’entreprise est dans un patrimoine affecté, l’entrepreneur peut choisir de céder le patrimoine
affecté, qui comprend le fonds de commerce.
Le patrimoine affecté est une universalité de droits formée d’actif et de passif. En transférant le patrimoine
affecté, l’entrepreneur transfère en même temps l’actif et le passif.
(≠ La cession du fonds de commerce opère uniquement transfert de l’actif.)
L’art. L. 526-17 I. présente les modes de transmission du patrimoine affecté : « l’entrepreneur individuel à
responsabilité limitée peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société
l'intégralité de son patrimoine affecté. »
Le cédant doit respecter des conditions de forme :
▫ Déclaration au BODACC ;
▫ Déclaration de transfert au registre professionnel.
Dans le même temps, le cessionnaire doit aussi faire une déclaration au registre professionnel dont il dépend
(dans 99% des cas, c’est le même registre que le cédant).
La déclaration ne produit effet à l’égard des tiers qu’une fois ces formalités réalisées.
Normalement, le transfert du patrimoine affecté entraîne le maintien du patrimoine affecté, quand c’est
possible. Mais, dans certaines hypothèses, c’est impossible : comme une personne morale n’a pas le droit
d’avoir deux patrimoines, en cas de transfert, il y aura fusion des deux patrimoines.
Dès le moment où la publicité est accomplie, si le patrimoine affecté est conservé, le cessionnaire devient le
nouveau débiteur des créanciers de l’EIRL, à la place du cédant. Les créanciers professionnels vont suivre le
patrimoine affecté et changer de débiteur. Mais, ils changent de débiteur sans changer de droit de gage
(patrimoine affecté). Après publication de la déclaration, les créanciers ne peuvent plus rien demander au
cédant, à moins qu’il leur ait accordé des suretés personnelles.
Certains biens sont soumis à des formalités de publicité spécifiques :
› Les immeubles : publicité foncière au fichier immobilier ;

› Les biens indivis ou communs : l’EIRL a mis sa part de l’indivision ou de communauté sur un bien dans le
patrimoine affecté. Il faut, dans ce cas, l’accord du coindivisaire ou du conjoint pour transférer le patrimoine
affecté (avec ce bien) à un tiers. Mais, la nature même d’un bien commun est une propriété collectives entre
deux époux. Or, en cas de cession, sur le bien commun, le conjoint et le tiers seraient en communauté …
C’est impossible.
› Dans un patrimoine affecté, il y a des éléments essentiels à l’activité, qui sont autre chose que l’actif et le
passif : les contrats. Un contrat n’est pas un bien, mais un accord de volontés qui génère des obligations. De
ce fait, il ne peut être cédé comme un bien : pour le céder, il faut obtenir l’accord du cessionnaire et du
contractant cédé.
› La cession de fonds de commerce est lourde, les formalités sont nombreuses (article L. 141-1 et s). Mais la
loi autorise l’entrepreneur, pour le transfert du patrimoine affecté (avec fonds de commerce), à ne pas se
soumettre au formalisme exigé au titre de la cession de fonds de commerce.
› Dans certains cas, pour des créanciers, l’opération est dangereuse donc la loi a reconnu un droit
d’opposition, qui ne remet pas en cause le transfert de patrimoine affecté en lui-même mais leur permet de
préserver leur droit (art. L. 526-17 III.).
Dans deux situations, la loi accorde un droit d’opposition aux créanciers :
▫ Les créanciers professionnels, auxquels la déclaration initiale est opposable et dont la créance est
antérieure à la publicité de la cession, bénéficient d’un droit d’opposition. Le droit de gage ne
change pas, c’est toujours le patrimoine affecté, mais l’exploitant n’est plus même. Si le cessionnaire
est incompétent, cela peut changer beaucoup de choses … (faillite de la société).
Au contraire, les créanciers ayant contracté une créance après la publicité de la cession n’ont pas de
raison de faire opposition. En cela, ils ne sont pas concernés par le droit d’opposition ;
▫ En cas de donation du patrimoine affecté, les créanciers auxquels la déclaration est inopposable
(droits nés antérieurement au dépôt de la déclaration initiale) ont un droit d’opposition. Ils ont un
avantage : ils peuvent se servir sur les deux patrimoines (même si pour eux, il n’y en a qu’un seul,
comprenant les biens personnels et les biens professionnels). Lorsque le patrimoine affecté est
transmis, dans le droit de gage de ces créanciers, tous les biens du patrimoine professionnel
disparaissent du patrimoine unique. En cas de donation, c’est problématique car le patrimoine
s’appauvrit, pour les créanciers antérieurs, sans contrepartie. Le risque est que le patrimoine se vide
d’un bien à valeur importante.
Au contraire, les même créanciers antérieurs n’ont pas de droit d’opposition en cas de transmission à
titre onéreux. Il n’y a pas d’appauvrissement au niveau de la valeur : l’entreprise sort du patrimoine,
mais le prix de vente rentre (contrevaleur). Un équilibre patrimonial se réalise, par la compensation
avec le prix ;
Le doit d’opposition a été mal conçu et rappelle le droit d’opposition supprimé par la loi Sapin II.
Les créanciers ont le droit de faire opposition dans un délai d’un mois après la publication (assez court). Le
plus souvent, ils ne feront pas car l’opposition ne remet pas en cause la transmission du patrimoine affecté
dans sa globalité.
Quand le tribunal est saisi, le juge a un pouvoir souverain d’appréciation :
• S’il estime qu’il n’y a pas de risque de non-remboursement, il rejette l’opposition ;
• Si, au contraire, il y a, selon lui, un risque (futur), il peut décider le remboursement immédiat des
créances (= déchéance du terme) ou imposer la constitution de garanties.
La sanction, en cas de non-respect de la décision du juge, est l’inopposabilité du transfert du patrimoine
affecté au créancier opposant.
Mais, pour ceux qui suivent le patrimoine, dire que le transfert est inopposable ne change rien : le droit de
gage est intact, seules la personne et la qualité de l’exploitation vont évoluer. Ce que dit la loi n’a, ici, aucun
sens. Dans cette situation, la seule chose que peut obtenir le créancier est la déchéance du terme (paiement
immédiat), la garantie n’apporte rien.
La loi complexifie encore davantage en prévoyant ces deux hypothèses. Il faudrait, pour simplifier le régime
de l’EIRL, supprimer cet article.
Certes, il y a un risque pour la qualité de l’exploitation mais c’est vrai aussi pour la cession d’un fonds de
commerce… Ce n’est pas propre aux entreprises sous la forme de l’EIRL et surtout l’opposition n’apporte
presque rien aux créanciers postérieurs. La sanction est plus adaptée aux créanciers antérieurs.
En appliquant le droit commun, on a normalement suffisamment de protection pour les créanciers, avec
l’action paulienne.
3 – La fin du patrimoine affecté
La fin du patrimoine affecté peut être volontaire ou imposée.
a – Les renonciations volontaires
L’entrepreneur peut renoncer librement à l’affectation patrimoniale : la déclaration cesse de produire ses
effets. Cela peut se retourner contre ces créanciers. En effet, dans l’hypothèse où le patrimoine personnel est
riche, cela pose un problème dès lors que, tout à coup, les créanciers professionnels peuvent saisir.
Inversement, du point de vue des créanciers professionnels, il y a plus de biens.
De toutes façons, le patrimoine affecté n’est pas un avantage pour les créanciers mais pour l’entrepreneur.
Ainsi, il peut librement y mettre fin, même si cela nuit à des créanciers.
La renonciation volontaire met fin rétroactivement à la séparation des patrimoines : tous les créanciers sont
mélangés et ont accès au patrimoine unique. Les deux patrimoines fusionnent à l’égard de tous.
Mais, on maintient l’affectation patrimoniale pour les créanciers antérieurs, en cas de renoncement pour
cessation d’activité.
Ex : si l’entrepreneur se met en retraite, la renonciation ne vaudra que pour le futur. Pour les créanciers
antérieurs, la séparation des patrimoines perdure.
Pour le futur, il n’y aura plus, de toutes façons, de créanciers professionnels car l’activité a cessé, donc plus
non plus de séparation de patrimoines. Les créanciers personnels futurs auront accès à tout le patrimoine, à
l’inverse des créanciers personnels antérieurs, limités au patrimoine personnel. On a intérêt de maintenir
l’affectation pour les créanciers professionnels antérieurs.
La renonciation n’est prévue par la loi que lorsqu’elle produit ses effets erga omnes. Contrairement à la
déclaration d’insaisissabilité, il n’est donc pas possible de prévoir une renonciation au profit d’un seul
créancier. C’est une bonne chose, parce que cela reviendrait à accorder une sureté au créancier bénéficiaire
et non pas à protéger l’entrepreneur.
b – Les renonciations imposées
La fin de la dissociation des patrimoines peut être prévue si l’entrepreneur commet certaines fautes / adopte
un comportement, qui n’est pas suffisamment respectueux des obligations légales. C’est le cas notamment
de la fraude : l’entrepreneur se sert du patrimoine affecté pour organiser son insolvabilité.
L’article L. 526-12 II. énonce les hypothèses justifiant l’anéantissement des affectations patrimoniales. Il
s’agit, ici, d’une sorte de sanction :
◦ En cas de fraude ;
◦ En cas de manquement grave à l’article L. 526-13 du Code de commerce. Cet article pose deux
obligations : la tenue d’une comptabilité et l’ouverture d’un compte en banque spécifique pour
l’activité professionnelle en question. Si le juge considère que le manquement est grave, il pourra
souverainement prononcer l’anéantissement. Il faut prouver que, dans la tenue de la compatibilité,
l’erreur constitue un manquement grave : toute erreur ne peut justifier une telle mesure. Il n’y a pas
d’élément intentionnel dans le manquement grave.
Avant la loi Pacte, un autre cas de manquement était mentionné : la violation de l’art. L. 526-6, à
savoir l’obligation d’utiliser la mention d’EIRL et de faire état de la composition du patrimoine
affecté. Mais cela a été supprimé.
Les modifications de la loi Pacte permettent, indirectement, de sanctionner le non-respect des règles de
composition du patrimoine affecté : désormais, celle-ci figure dans la déclaration d’affectation ou le bilan.
L’évolution du patrimoine est enregistrée, chaque année, par le bilan. La loi Pacte vise la comptabilité. Or,
dans le cadre de la comptabilité, l’entrepreneur doit respecter les règles de répartition de l’article L. 526-6
(et notamment mentionner les biens nécessaires à l’activité). A défaut, la comptabilité n’est pas tenue
correctement.
! Le changement n’est que formel : Ø modification sur le fond.
En droit des procédures collectives, l’art. L. 621-2 al. 3 prévoit l’application de la technique de la confusion
des patrimoines. La confusion des patrimoines est une invention jurisprudentielle reprise par le législateur.
Contexte : après la création d’une société pour exercer une activité professionnelle, avec un intérêt et un
patrimoine propres, on s’aperçoit que l’entrepreneur a utilisé les biens de la société comme les siens pour
s’acquitter de ses dettes. En cas de procédure collectives, la confusion va être maintenue, de telle sorte que
l’entrepreneur sera aussi redevable des dettes de la société.
La loi ne fait qu’une application de la logique des procédures collectives à l’EIRL, qui doit respecter
l’étanchéité entre les deux patrimoines. A défaut, la sanction pourra, sous certaines conditions, être la
confusion et, d’une certaine façon, l’anéantissement de l’affectation.
Également, la renonciation peut être imposée par le décès de l’entrepreneur. En principe, la déclaration
d’affectation cesse de produire ses effets pour le futur. Les créanciers antérieurs seront encore divisés entre
deux patrimoines : les créanciers professionnels seront payés sur le patrimoine professionnel / les créanciers
personnels sur le patrimoine personnel. Seulement, en droit des successions, les héritiers qui accèdent à la
succession récupèrent toutes les dettes du défunt : normalement, les patrimoines disparaissent avec le décès.
Il n’y a pas, en principe, de liquidation préalable destinée à payer le passif. En réalité, tous les biens et les
dettes sont automatiquement transmis aux héritiers donc les créanciers peuvent se faire payer par tous les
héritiers, sur leur patrimoine.
La loi aurait pu imposer que le patrimoine professionnel soit maintenu et que les dettes professionnels ne
soient pas transmises aux héritiers : liquidation – paiement des créanciers – transmission de ce qu’il reste
aux héritiers. Mais, la loi ne dit rien à ce propos… En l’état du droit, les créanciers professionnels peuvent
se faire payer sur le patrimoine personnel des héritiers.
En cas de décès (Ø séparation des patrimoines), l’EIRL ne présente pas d’avantage par rapport aux
entreprises classiques.
Néanmoins, une exception est envisagée mais n’est pas délimitée par la loi. Le patrimoine affecté peut être
transmis à cause de mort quand un des héritiers veut poursuivre l’activité. Dans ce cas, le patrimoine affecté
est maintenu. Mais, l’héritier doit mentionner, dans un délai de trois mois à compter du décès, au registre
professionnel sa volonté de poursuivre l’activité. Seulement, après le décès, le patrimoine doit être réparti
entre les héritiers. Cela pose problème, car ce ne peut être fait en trois mois (longues négociations). Dès que
les héritiers sont plusieurs, ces questions prennent beaucoup de temps. Cela ne fait pas difficulté quand
l’héritier est unique.
En plus, le législateur ne précise pas, dans ce cas-là, que les dettes professionnels ne seront pas transmises à
tous les héritiers … Il aurait fallu l’évoquer.
≠ Lorsque l’entreprise est sous forme sociétaire, les droits sociaux sont transmis aux héritiers sans le passif.
Les héritiers sont moins bien protégés qu’en cas de transmission de parts sociales. Donc, l’EIRL n’a
définitivement pas d’avantage de ce point de vue (très dangereux) … Cela constitue une raison pour ne pas y
avoir recours.
On voit, par rapport au fonctionnement du droit des successions et du droit matrimonial, que c’est n’importe
quoi…
D’un point de vue pratique, les chiffres sont très bas parce que sur certains points, le régime est inadapté. De
plus, son articulation avec le droit patrimonial de la famille est hasardeuse.
Il y a quelques années, un projet de loi rendait ce statue obligatoire / automatique pour les entrepreneurs
individuels. Pour l’instant, l’EIRL concerne peu de monde néanmoins, si l’idée était reprise, cela pourrait
concerner tous les entrepreneurs individuels…
§3 – Le statut protecteur du conjoint du commerçant
Le statut concerne largement les conjoints des professionnels indépendants.
La loi Pacte l’a fait évoluer. C’est un phénomène très ancien.
La problématique est double :
▫ Le patrimoine du conjoint doit être protégé contre les procédures collectives. A partir du moment où
le conjoint travaille dans le commerce, il y a-t-il un risque pour que les créanciers se retournent
contre lui ? ;
▫ Le conjoint n’est pas payé et n’a droit à aucune protection sociale, parce qu’il n’a pas cotisé. C’est
problématique au moment de la retraite (Ø retraite spécifique) ou du divorce…
Les deux questions apparaissent dans le statut protecteur du conjoint du commerçant.
Le phénomène est pris en compte par plusieurs branches du droit de façon mesurée.
Le droit des successions, en cas de décès du conjoint, donne maximum trois années de salaires minimum.
Le droit social et le droit commercial apportent aussi des réponses. Dans un premier temps, pour protéger la
femme mariée contre les procédures collectives, l’anc. article 4 du Code de commerce énonçait : « la femme
mariée n’est pas réputée commerçante si elle ne fait que détailler les marchandises du commerce de son mari
; elle n’est réputée telle que lorsqu’elle fait un commerçant séparé. »
La jurisprudence a fait une application très stricte de l’article : l’épouse ne pouvait jamais être qualifiée de
commerçante quand elle intervenait dans le commerce de son mari.
Progressivement, la Cour de cassation a accepté d’écarter la présomption de non commerçant, notamment
quand l’épouse décidait de coexploiter le fonds de commerce.
La loi du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans l’entreprise
familiale a mis au point un statut de conjoint avec pour objectif de mettre en place une protection sociale.
Le régime du statut a été modifié notamment par la loi Pacte.
Le conjoint de commerçant doit nécessairement opter pour un statut prévu par la loi (I). Mais, il est, tout de
même, des hypothèses où il n’a pas à opter pour un statut (II).
I – L’obligation d’adopter un statut
L’article L. 121-3 du Code de commerce reprend l’idée de l’ancien article 4 du Code de commerce, mais
sans distinguer entre l’homme et la femme mariés : « le conjoint d’un commerçant n’est réputé lui-même
commerçant que s’il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux. »
On aurait pu dire qu’à partir du moment où il collabore, le conjoint pourrait être responsable des dettes de
l’entreprise. Or, la loi dit non.
Le fait que le conjoint ne soit pas responsable des dettes va se traduire par le choix du statut : aujourd’hui (≠
1982), l’obligation de choisir un statut concerne le commerçant mais également le conjoint du chef d’une
entreprise artisanale ou libérale.
Dans la liste, on ne vise les activités agricoles, alors que c’est dans le monde agricole, que la collaboration
est la plus fréquente. Cela résulte sûrement d’un lobbying …
La loi a étendu le bénéfice du statut au partenaire pacsé mais pas au concubin, aucun lien de droit ne les
unissant (lien de fait).
L’article L. 121-4 I. impose au conjoint, qui exerce régulièrement une activité professionnelle dans le
commerce, de choisir un statut auprès d’un CFE. Il ne peut rester silencieux.
L’article propose trois options : le statut de conjoint collaborateur (le + important et courant), le statut de
conjoint salarié et le statut de conjoint associé.
La statut de « conjoint associé » suppose l’existence d’un associé : ce n’est pas évident dans une entreprise
individuelle.
Le statut de salarié n’est pas choisi car le commerçant doit payer un salaire au conjoint et des cotisations
sociales, alors que l’argent est déjà dans le patrimoine familial.
Le statut de conjoint collaborateur est le plus retenu.
A chaque fois, pour chacun de ces statuts, le conjoint n’exerce pas lui-même le commerce.
A – Le conjoint collaborateur
Le statut de conjoint collaborateur est le seul qui fait l’objet d’une publicité au RCS.
Peut en bénéficier, le « conjoint qui exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans
percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé. » (article R. 121-1, Code de commerce). Le
conjoint doit exercer une activité à titre habituelle. Le conjoint, qui a lui-même une activité indépendante,
ou une activité régulière à l’extérieur de l’entreprise au moins à mi-temps, est présumé ne pas exercer une
activité régulière dans le commerce de son époux.
L’article rend licite le travail non rémunéré.
Le statut peut, sous certaines conditions, être choisi par le conjoint du gérant d’une SARL. Parfois, la SARL
est de la même taille qu’une entreprise individuelle et le conjoint du gérant y travaille gratuitement. Dans ce
cas, la loi lui permet d’opter pour le statut de collaborateur, alors qu’il n’y a pas d’entreprise individuelle.
Le choix en faveur de ce statut est inscrit au registre professionnel. Ce peut être important au regard des
effets attachés au statut. Le conjoint collaborateur n’est pas commerçant et est protégé des procédures
collectives : n’étant pas qualifié de commerçant, les biens sont séparés (régime séparation des biens) et son
patrimoine est préservé des créanciers.
La présomption de « non-commerçant » n’est pas irréfragable : la preuve contraire peut être apportée. Mais,
cela est complexe : il faut démontrer que le conjoint fait + que collaborer, qu’il coexploite le fonds.
Les conjoints collaborateurs bénéficient d’un mandat pour les actes de gestion et d’administration (mais pas
de disposition). Les tiers savent, grâce à la publicité*, qu’il a reçu un mandat de la loi pour passer ces actes.
Les tiers pourront se prévaloir du mandat en question. Ce mandat peut être révoqué par un des deux époux
(mandant ou mandataire). *Le mandat ne produit d’effets que s’il est publié.
Le mandat ne concerne que les conjoints d’artisans et de commerçants (et non de professionnels libéraux).
L’époux n’est pas commerçant parce qu’il n’est que mandataire : celui qui exerce un acte de commerce en
tant que mandataire n’est jamais lui-même commerçant.
Le statut présente un avantage spécifique pour les époux mariés sous le régime de communauté. Le plus
souvent, l’entreprise est elle-même en communauté et le conjoint collaborateur a des pouvoirs sur certains
actes. Dans ce cas, l’entrepreneur individuel ne peut pas « sans le consentement exprès de son conjoint […]
aliéner ou grever de droits réels les éléments du fonds de commerce (ou de l’entreprise artisanale) ni donner
à bail. » (article L. 121-5, Code de commerce).
Ce pouvoir de cogestion ne s’applique qu’aux conjoints commerçants et artisans.
L’article retient que, pour une entreprise en communauté, l’accord des deux époux est requis pour céder le
fonds de commerce, même si un seul l’exploite. L’article va plus loin encore en étendant l’exigence à la
cession de certains éléments du fonds de commerce (ou de l’entreprise artisanale).
Sur le plan de la sécurité sociale, le conjoint collaborateur doit être affilié au régime d’assurance vieillesse.
Même si le conjoint n’est pas salarié, le commerçant (/ l’artisan) doit verser des cotisations sociales. Le
conjoint pourra ainsi bénéficier de la retraite et de l’assurance maladie. Tout cela a un coût… Bien que la loi
oblige à opter pour un statut, des entrepreneurs individuels ne le font pas pour éviter ce coût.
Le statut de collaborateur est le moins coûteux.
B – Le conjoint salarié
Un contrat de travail est conclu entre le commerçant (employeur) et son conjoint (salarié).
D’un point de vue juridique, cela a longtemps posé problème. La jurisprudence y était réticente : peut-il y
avoir un lien de subordination entre deux personnes mariées ? La réponse avancée était négative… Un autre
argument était qu’il existait, entre époux, un devoir d’assistance, justifiant que l’épouse aide, gratuitement,
son époux.
Aujourd’hui, on n’a plus de doute sur la validité de ce contrat de travail : l’article 121-4 reconnaît le statut.
La consécration par la loi évite que ce type de contrat soit remis en cause.
Le conjoint salarié pourra bénéficier de tous les avantages du salarié (salaires, cotisations sociales). Les
salaires pourront être déduits du bénéfice réalisé par le chef d’entreprise.
En pratique, pour faire des économies, peu de professionnels indépendants optent pour le statut de conjoint
salarié.
C – Le conjoint associé
Le statut de conjoint associé suppose qu’une société ait été créée.
Pendant très longtemps, le législateur, méfiant à l’égard de cette pratique, interdisait à deux époux de
s’associer dans une société. On considérait que cela pouvait perturber le jeu du régime matrimonial, et
notamment le principe d’immutabilité du régime matrimonial. En effet, d’un certain point de vue, le contrat
de société venait modifier le régime matrimonial.
Aujourd’hui, les époux peuvent être associés dans toutes les formes de société et participer à l’exploitation.
Mais, la suspicion demeure.
Le commerçant doit cotiser pour le conjoint associé, participant effectivement à la gestion : assurances
vieillesse et maladie.
! L’objectif de la loi est de protéger le conjoint. Quel que soit le statut choisi, le conjoint, qui participe
régulièrement à l’activité, doit être affilié à un régime de protection sociale (point commun).
Comme cela représente un coût, des chefs d’entreprise refusent de déclarer le travail du conjoint.
II – L’absence d’option pour un statut
Qu’en est-il si le conjoint collabore mais qu’aucun des trois statuts n’est choisi ?
Plusieurs réponses :
L’absence d’option pour un statut s’apparente à l’infraction pénale de travail dissimulé, sanctionnée par le
Code du travail. Mais, la solution pratique n’est pas à rechercher de ce côté car il y a peu de contentieux…
Quand les professionnels indépendants n’optent pour aucun statut, cela se retourne très souvent contre le
conjoint. Donc, l’article L. 121-4 du Code de commerce prévoit une sanction (modification apportée par la
loi Pacte) : « à défaut de déclaration d’activité, le conjoint qui exerce une activité de manière régulière est
réputée avoir exercé cette activité sous le statut de salarié. »
Potentiellement, beaucoup de personnes peuvent faire des recours : les organismes de sécurité sociale
peuvent redresser sur toutes les années et le conjoint demander remboursement des salaires, dans le délai de
prescription.
La contrainte prévue par la loi est très importante : le statut de salarié est le plus protecteur et le plus
exigeant financièrement.
Pour éviter la qualification de salarié, les professionnels optent pour le statut moins contraignant de
collaborateur. A défaut, en cas de requalification du conjoint en salarié, les salaires et les cotisation sociales
devront être remboursés.

La loi Pacte a pris en compte la gravité de la situation de certains conjoints sans droits. Si ce modèle du
conjoint renvoie à une société d’un autre temps, il est, tout de même, encore présent. Pour que les choses
évoluent, la loi Pacte a prévu une sanction.
Parfois, aucun statut n’est choisi, parce que le conjoint est, en réalité, coexploitant. La jurisprudence admet
que la présomption de non-commercialité du conjoint puisse être renversée par la preuve de la cogérance du
commerce.
Dès lors que les époux assument la coexploitation et s’inscrivent tous deux au RCS, cela ne pose pas de
difficulté.
Il arrive que des conjoints, inscrits en tant que collaborateurs, fassent plus que collaborer et soient
coexploitants. Également, des conjoints ne sont inscrits nulle part et on s’aperçoit qu’ils sont coexploitants
(commerçants de fait).
La preuve inverse peut être invoquée par un créancier. Dans ce cas, le conjoint sera personnellement
responsable d’un certain nombre de dettes et la procédure collective sera, éventuellement, étendue. Cela
permet au créancier d’accroitre son gage.
Mais, la preuve inverse pourrait être invoquée par l’époux qui s’estime coexploitant (contentieux entre
époux).
Pour être qualifié de coexploitant, le conjoint doit participer de manière régulière à l’exploitation du
commerce. Les simples actes d’administration peuvent être accomplis par le collaborateur. Il faut donc
invoquer plusieurs actes de disposition ou de gestion exceptionnels doivent être invoqués. Un acte de
disposition ou de gestion accompli de manière inhabituelle ne suffit pas.
En cas de requalification, le conjoint sera tenu des obligations du commerçant et ne bénéficiera d’aucun
avantage car il n’est pas immatriculé.
/!\ Il faut faire une différence entre la mention au RCS (conjoint collaborateur), et l’immatriculation au RCS
(commerçant). Pour bénéficier des avantages, le conjoint doit être lui-même immatriculé en tant que
commerçant.
Section 3 – La distinction du commerçant et des autres professionnels
Il y a une sorte de concurrence entre les notions de commerçant et de professionnel.
Le commerçant est un professionnel particulier, qui réalise des actes de commerce. En tant que commerçant,
on lui applique un régime spécifique. Néanmoins, ce régime est de moins en moins étendu et on voit, à la
place, apparaître un régime propre à tous les professionnels indépendants (notamment en matière de
procédures collectives, d’EIRL (n’a jamais été réservé aux commerçants). Il existe, aujourd’hui, une sorte de
statut de droit commun du professionnel.
Le statut de droit commun du professionnel indépendant pourrait être complété par les statuts spéciaux du
commerçant, de l’agriculteur, de l’artisan…
Parfois, quand on parle de commerçant ou de professionnel, on fait référence, largement, à l’entrepreneur
personne physique (ex : EIRL). D’autres fois, on mentionne les commerçants (personnes physiques et
morales) par opposition aux autres professionnels.
Vers un régime commun ? Pour certaines catégories de professionnels, la réponse pourrait être positive.
I – L’artisan
L’artisan n’existe pas tel quel dans le Code de commerce, puisque c’est la jurisprudence qui l’a créé au XIXe
siècle. Normalement, il entrait dans l’article L. 110-1. Toutefois, la jurisprudence a décidé de le sortir du
domaine de la commercialité pour le faire échapper aux graves conséquences qui étaient attachées aux
procédures collectives.
Deux conceptions de l’artisan coexistent :
• L’artisan, auparavant commerçant, que la jurisprudence a fait sortir de la commercialité : statut de
droit privé des artisans ;
• L’artisan, disposant d’un statut spécifique, inscrit au répertoire des métiers : statut administratif des
artisans.
Souvent, les deux coïncident.
Mais, une même personne physique pourra, selon les cas, être considérée artisan et/ou commerçant. Il arrive
qu’une personne soit artisan du point de vue administratif et commerçant du point de vue du droit privé
(immatriculation au RCS).
A – Le statut administratif des artisans
Nombre de textes concernent le statut des artisans.
La loi du 5 juillet 1996 a réformé le statut de l’artisan. Elle a, elle-même, été modifiée par les deux décrets
du 2 avril 1998.
L’article 19 de la loi de 1996 , prévoit que : « doivent être immatriculées au répertoire des métiers les
personnes physiques et morales qui n’emploient pas plus de 10 salariés et qui exercent à titre principal ou
secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de
prestation de service, figurant sur la liste établie par décret. »
Deux conditions doivent être remplies pour qu’une entreprise soit qualifiée d’artisanale :
▪ Maximum 10 salariés (à certaines conditions, le seuil pourra être dépassé). Cette condition rappelle
l’absence de spéculation sur le travail d’autrui fixée par la jurisprudence ;
▪ Exercice d’une activité précise mentionnée dans une liste établie par décret (du 2 avril 1998).
Si les deux conditions sont réunies, le professionnel doit s’immatriculer au répertoire des métiers et devient
artisan au sens administratif.
Une fois que l’artisan est immatriculé, il y a des différences au moment de la qualification. La loi fait état de
plusieurs types d’artisans :
▫ En f° des qualifications personnelles (diplôme …) ;
▫ A un certain niveau et sous certaines conditions, l’artisan classique devient artisan d’art ou maître
artisan. Ces qualités (qualification supérieure) peuvent être affichées et permettent à l’artisan de
bénéficier d’avantages administratifs (prêt bonifié en cas d’installation à la campagne, seuil supérieur
à 10 salariés (à certaines conditions)).
B – Le statut de droit privé de l’artisan
On l’a dit, la jurisprudence a créé ce statut pour que les procédures collectives ne leur soient applicables.
Aujourd’hui, les procédures collectives s’appliquent à tous.
Il n’y a pas forcément de corrélation entre la qualification d’artisan au sens administratif et la qualification
d’artisan au sens privé. L’art. 19 II. de la loi de 1996 précise que l’immatriculation au répertoire des métiers
ne dispense pas de l’immatriculation au RCS. Une personne inscrite au répertoire des métiers peut donc être
qualifiée de commerçant et immatriculée au RCS.
Dans l’idée, les critères sont assez proches mais les seuils sont différents.
L’artisan, au sens privé, ne spécule pas sur le travail d’autrui, le matériel : il doit retirer l’essentiel de ses
gains de son travail, sa connaissance et sa technique. Au sens administrative, l’idée est un peu la même mais
on détermine précisément les professions concernées (décret 1998) ≠ Pour le statut de dt privé, le juge
apprécie au cas par cas.
La conception de droit privé autorise l’artisan à avoir un nombre très limité de salarié. Il est certain que si le
professionnel a 10 salariés, la Cour de cassation va écarter la qualification d’artisan.
! La Cour de cassation est plus stricte dans son interprétation. Le statut de droit privé d’artisan est plus
exigeant.
Ex : le fabricant de pâte alimentaire qui utilise une machine pour la fabriquer est un commerçant au sens du
dt privé, alors même qu’il est immatriculé au répertoire des métiers.
Dans le secteur privé, l’artisan est, la plupart du temps, celui qui travaille dans le vêtement (couturier,
teinturier), le bâtiment (menuisier, plombier), la réparation (garagiste), l’alimentation*. *Ce n’est pas
automatique, le boulanger n’est artisan que s’il prépare lui-même la pâte de son pain.
La qualification de droit privé est complexe…
A chaque fois que l’on se pose la question de la qualification droit privé, c’est pour une personne physique.
Aucun arrêt ne fait mention d’une personne morale. Une société n’est jamais artisan, au sens où l’entend la
Cour de cassation, d’autant qu’au départ, le statut a été créé pour protéger les personnes physiques. Si on ne
s’est jamais posé la question, la jurisprudence est, semble-t-il, limitée aux personnes physiques.
Si l’artisan au sens administratif est commerçant au sens du droit privé, on ne lui applique pas, pour autant,
les règles relatives aux commerçant. L’artisan n’est pas soumis aux obligations du droit commercial
(comptabilité, solidarité). Mais cette spécificité s’estompe :
‣ Un certain nombre de règles s’appliquent à tous les professionnels ;

‣ Des règles, initialement réservées aux commerçants, s’étendent aux artisans :


› Le statut des baux commerciaux ;

› Le nantissement du fonds artisanal ;

› Le régime de la location-gérance ;

› Au 1er juin 2022, le tribunal de commerce sera, normalement, compétent pour les litiges entre
artisans.

II – L’exploitant agricole
L’exploitant agricole est un professionnel mais n’est pas commerçant.
L’article L. 311-1 du Code rural définit les activités agricoles.
L’activité agricole est par nature civile, ce qui exclut l’application du droit commercial : le contentieux
agricole dépend du contentieux civil. L’exploitant agricole, qui bénéficie d’une procédure collective, va
devant le tribunal civil.
L’exploitant agricole bénéficie à la fois des textes propres aux professionnels indépendants (EIRL,
déclaration d’insaisissabilité, ...) et spécifiques à la profession (bail rural, fonds agricole).
/!\ Les exploitants agricoles n’ont pas le droit au statut du conjoint.
Dans certains cas rares, les entreprises agricoles ont une activité, non pas agricole, à titre principal mais
commerciale. Donc, on doit procéder à une requalification. C’est le cas notamment des entreprises qui
pratiquent l’achat pour revendre. Ex 1 : pépiniériste dont la majorité des plantes vendues sont achetées à
l’extérieur.
Ex 2 : jurisprudence sur l’élevage – l’éleveur de bétail est, en principe, agriculteur. Mais, si la nourriture du
bétail est achetée à l’extérieur, on considère qu’il est commerçant.
Ex 3 : la scierie est une activité civile lorsqu’elle est l’accessoire d’une coupe forestière (activité civile). En
revanche, si le bois coupé sert à construire des meubles, qui seront vendus, on estime que l’activité est
commerciale.
III – Le professionnel libéral
Les professions libérales ne relèvent pas du droit commercial. Normalement, elles sont liées à une activité
intellectuelle et ne spéculent pas (ou peu) sur les produits et le travail d’autrui. Elles auraient un lien de
confiance particulier avec le client.
Ces activités n’entrent pas dans la définition des actes de commerce. Certains éléments du professionnel
indépendant s’appliquent (EIRL, déclaration d’insaisissabilité, statut du conjoint …).
Les professions libérales sont définies à l’article 29 de la loi du 22 mars 2012 : « les professions libérales
groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une
activité de nature généralement civile ayant pour objet d'assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des
prestations principalement intellectuelles […], dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie
professionnelle. »
Cette définition est tellement large qu’elle ne veut rien dire… Aucune conséquence n’en a été tirée : pas un
seul élément de régime n’a été posé.
Les professions libérales regroupent des professions très différentes : toutes les professions médicales (sauf
pharmaciens), les officiers publics ministériels (notaires, huissiers), les auxiliaires de justice (avocats,
administrateurs judiciaires), les experts comptables, les commissaires au compte, les géomètres experts, les
architectes, les enseignants indépendants … C’est assez complexe d’imaginer un régime univoque.
Une règlementation spécifique (statut particulier, Code de déontologie propre) est prévue pour chaque
profession.
En tant que professionnels indépendants, ils ont droit aux procédures collectives et à la déclaration
d’insaisissabilité.
Il existe des sociétés spécifiques pour accueillir les professions libérales : les SCP (sociétés civiles
professionnelles) et les SEL (sociétés d’exercice libéral).
Les SEL présentent une particularité : ce sont des sociétés commerciales par la forme mais que l’on réserve
à des activités que l’on sait civiles. La société commerciale exerçant une activité civile peut faire difficulté :
le droit commercial ne s’applique que jusqu’à un certain point. Il y a des limites à la commercialité par la
forme : la clientèle demeure civile ; le fonds exploité est un fonds libéral.
Titre 2 – L’entreprise commerciale
La commercialité sera, dans ce titre, appréhendée autrement qu’à partir de la notion d’actes de commerce et
de commerçant : notamment par le droit des biens.
L’entreprise n’est qu’une réalité économique, que le droit prend en compte. En dépit des prétentions de
certains auteurs, on n’a jamais pu créer une notion juridique.
Le droit n’ignore pas l’entreprise : des textes s’y réfèrent en tant que réalité économique et mettent à sa
disposition des éléments juridiques.
L’entreprise ne se restreint pas au commerçant : le commerçant est une personne physique qui dépasse le
champ d’application de l’entreprise. Il n’est pas qu’une entreprise et, inversement, l’entreprise n’est pas que
le commerçant : des éléments ne figurent pas dans le patrimoine affecté (contrats) et sont, pour autant,
indispensables à la vie de l’entreprise. Réduire l’entreprise au seul entrepreneur individuel est, dans certains
cas, insuffisant.
Dans les sciences de gestion, ce qui fait l’essence de l’entreprise est le client. Le juriste peine à comprendre
que l’on définisse l’entreprise par rapport à un élément qui lui extérieur. Le droit a d’autres concepts, tel que
le fonds de commerce, pour l’appréhender. Le fonds de commerce est un concept assez ancien, qui permet
de saisir l’entreprise en tant que réalité objective, même quand il n’y a pas de société créée.
Le fonds de commerce est l’ensemble de biens meubles, corporels et incorporels, du commerçant affectés à
une exploitation commerciale, dans le but de conquérir et conserver une clientèle. Une diversité de biens va
être affectée à un objectif unique et commun : la clientèle. Dans une certaine mesure, on va pouvoir les
concevoir comme une unité : le fonds de commerce. Ici, l’entreprise est un bien, c’est une approche réelle.
Histoire du fonds de commerce :
La notion de fonds de commerce est apparue au début du XIXe siècle. On parlait autrefois de « fonds de
boutique » (↔ marchandise entreposée dans le fonds de boutique). La notion de fonds de boutique ne
correspond pas au fonds de commerce actuel.
C’est dans la pratique que l’on a commencé à parler de fonds de commerce pour désigner l’entreprise. La
doctrine commercialiste n’a compris et accepté la notion qu’à la fin du XIXe siècle. Il y eut un décalage
important entre la doctrine et la pratique de l’époque.
Le Code de commerce de 1807 ne comporte aucune référence au fonds de commerce. Le législateur attend
les lois de 1872 (sur la vente de fonds de commerce) et 1898 (sur le nantissement du fonds de commerce)
pour le mentionner. A partir de ces deux lois, la doctrine a été forcée de s’interroger sur la notion de fonds de
commerce.
La loi du 17 mars 1909 réorganise la matière en réglementant trois opérations : la vente, l’apport en société,
et le nantissement de fonds de commerce.
La loi du 20 mars 1956 est, ensuite, venue préciser le régime de la location gérance de fonds de commerce.
Ces deux lois ont été retranscrits dans le Code de commerce. La structure reste celle des lois. On peut,
d’ailleurs, le reprocher au législateur qui aurait pu donner plus de maturité à la notion : Ø définition précise,
Ø statut d’ensemble. On ne l’étudie que par ces opérations spécifiques.
C’est une notion très XIXe siècle, le problème est que l’économie a changé depuis.
Il faut distinguer la notion de fonds de commerce d’autres notions voisines :
⁕ ≠ Entreprise : l’entreprise n’est pas une notion juridique, mais surtout le fonds de commerce est un
élément essentiel de l’entreprise et non la totalité de l’entreprise. Des éléments cardinaux sont exclus du
fonds de commerce : les immeubles et les contrats ;
⁕ ≠ Succursale : La succursale est une structure bénéficiant d’installations permanentes et dirigée par une
personne habilitée pour traiter directement avec les tiers et engager l’entreprise. S’il y a une succursale, c’est
qu’il y a une entreprise principale. La succursales comprend les moyens spécifiques pour gérer l’entreprise,
dont un dirigeant, qui la représente et l’engage. Parfois, la succursale d’une entreprise sera un fonds de
commerce autonome mais pas toujours.
A l’inverse, une personne peut avoir deux fonds de commerce autonomes : le deuxième ne sera pas
forcément la succursale du premier.
La succursale se caractérise, avant tout, par l’autonomie de gestion ;
⁕≠ Etablissement secondaire : celui qui ouvre un établissement, en tant qu’établissement secondaire, doit le
préciser au RCS. L’établissement secondaire est, soit le même fonds, soit un fonds autonome.
⁕≠ Branche d’activité : le droit des sociétés et d’autres branches du droit des affaires ont recours à la notion
plus moderne de « branche d’activité ».
Ex : la notion de branche est utilisée dans l’apport partiel d’actifs. Une société, à activités multiples,
transfère l’une de ses branches d’activité. Une branche constitue une universalité de droit. Mais, la
spécificité de l’opération est que l’actif comme le passif sont cédés.
Pour autant, la « branche d’activité » ne prend pas la place du « fonds de commerce ». En effet, on ne parle
de branche d’activité qu’en cas de cession et la loi ne dit rien sur la gestion d’une branche d’activité. De
plusieurs la cession d’une branche n’a de sens que si l’entreprise a plusieurs activités : cession d’une partie
de l’activité.
⁕ ≠ Société : l’entreprise peut être exploitée sous forme société ou individuelle. /!\ La notion de fonds de
commerce n’est pas limitée à l’entreprise individuelle : une société peut avoir un fonds de commerce.
Toutefois, il est vrai que, la plupart du temps, le contentieux du fonds de commerce concerne des personnes
physiques. En principe, celui qui veut céder l’entreprise, cède les droits sociaux (parts sociales / actions) et
non le fonds de commerce. Il n’est pas nécessaire de céder le fonds de commerce. Le chef d’entreprise, qui
veut accorder une sureté réelle sur la société, peut accorder un nantissement sur les droits sociaux.
Également, s’il veut louer l’entreprise, il existe un contrat de location de parts sociales ou d’actions.
Pour les divers contrats envisageables, on peut faire porter les actions sur les droits sociaux. C’est, en cela,
que l’on a l’impression que le fonds de commerce se limite aux entreprises individuelles.
Cependant, il est parfois très utile d’utiliser la notion de fonds de commerce en société : pour des raisons
fiscales notamment, il peut être plus intéressant de céder le fonds de commerce que les parts sociales.
La cession de fonds de commerce a également été utilisée pour contourner les droits de préemption dans le
réseau de franchise.
Le chef d’entreprise, qui souhaite vendre une société constituée pour exploiter une franchise, doit, en vertu
d’un droit de préemption, proposer prioritairement ses droits sociaux dans le réseau. Pour l’éviter, des
dirigeants ont cédé le fonds de commerce. Ce n’est pas constitutif d’une fraude car le droit de préemption
n’est pas accordé sur le fonds de commerce.
Le fonds de commerce a servi d’exemple à de nouvelles constructions. La loi a également prévu :
• Un fonds artisanal (1996) : ≈ fonds de commerce au niveau de la structure ainsi que pour certaines
opérations ;
• Un fonds agricole (2006) : ≈ fonds de commerce sur la structure. En revanche, le contenu diffère.
Parallèlement, la jurisprudence se réfère à un fonds libéral.
La multiplication de ces fonds soulève une question : ne devrait-on pas, à terme, créer une notion de fonds
d’entreprise, s’il y a suffisamment d’éléments de régime communs ? On trouve cette position en doctrine.
Chapitre 1 – Les éléments constitutifs du fonds de commerce
Section 1 – La structure du fonds de commerce
Comment analyse-t-on un fonds de commerce en droit ? Le fonds de commerce comprend des biens meubles
corporels et incorporels. C’est la question du contenu.
Mais, au préalable, il faut s’intéresser au contenant : quel est le mécanisme juridique qui va permettre
d’accueillir ces biens meubles ? Qu’est-ce que le fonds de commerce en tant que concept juridique ?
Paragraphe 1 – La nature juridique du fonds de commerce
La question se pose depuis la fin du XIXe siècle : à partir du moment où sont apparues avec la pratique les
notions de fonds de commerce et de clientèle. Depuis, on n’a jamais eu de réponse totalement satisfaisante.
Le législateur ne traite que des opérations portant sur le fonds de commerce et ne l’a jamais défini en tant
que tel.
On doit toujours concilier deux aspects différents dans le fonds de commerce. Le fonds de commerce est un
bien dual :
⁎ En tant qu’unité, c’est un bien meuble incorporel unique ;
⁎ En même temps, tous les éléments qui le constituent continuent d’avoir leur propre existence
juridique, de façon relativement autonome. Les éléments peuvent être vendus séparément.
! L’unité d’un côté, la diversité de l’autre, avec tout un tas de biens, qui ont un régime spécifique. Ce
dualisme crée une complexité.
Le fonds de commerce n’est pas une universalité de droit parce qu’une universalité de droit comprend, à la
fois un actif et un passif (patrimoine).
La notion de fonds de commerce a été forgée à la fin du XIXe s. avec le dogme de l’unicité du patrimoine.
Donc, il a fallu chercher autre chose : on l’a conçue comme quelque chose qui n’est pas une universalité de
droit, qui ne comprend pas de passif. Certes, un passif est généré par l’entreprise mais, du point de vue du
droit des biens, le fonds de commerce n’intègre pas le passif. Les créanciers professionnels ont accès à la
totalité du patrimoine du commerçant.
La doctrine définit le fonds de commerce comme une universalité de fait. L’idée est qu’on assemble un
certain nombre de biens, normalement autonomes, qui vont avoir une relation spécifique entre eux. Il y a,
derrière, la volonté du propriétaire du fonds de commerce de les réunir pour atteindre un objectif. Deux
éléments coïncident :
⁃ Objectif : les éléments s’agencent d’une certaine façon vers un résultat ;
⁃ Subjectif : la volonté humaine, le propriétaire a décidé de rassembler ces biens pour parvenir à un
résultat.
Ex 1 : une bibliothèque peut parvenir à une certaine unité parce qu’elle a été constituée par une personne,
selon ses goûts.
Ex 2 : un troupeau est plus que la somme de chaque animal. Le troupeau peut être considéré comme un
ensemble que l’on peut traiter de façon indivisible.
Ex 3 : le portefeuille de valeurs mobilières – placement de l’argent en bourse pour créer un portefeuille de
valeurs mobilières. Ce sont des actions à part, mais le propriétaire opte pour une stratégie de gestion de
sorte que le portefeuille peut être appréhendé comme une unité.
En utilisant la technique de l’universalité de fait, on ne parvient pas, sous certains aspects, à faire du bien
quelque chose d’unique : on prend en compte la diversité. On l’a dit, le fonds de commerce est à la fois un
tout unique et une multitude.
Il existe un régime unique pour la vente, l’apport ou le nantissement du fonds de commerce. Néanmoins,
l’unité a des limites parce qu’on va devoir, dans le contrat, recenser tout ce que comprend le fonds de
commerce et il faudra, parfois, respecter les règles spécifiques aux meubles qui sont dans le fonds de
commerce (ex : le brevet).
Certains auteurs critiquent ce concept mais ne proposent rien à la place. C’est vrai, l’analyse du fonds de
commerce en une universalité de fait pose problème sur certains points. Mais, ce qui est critiquable, ce n’est
pas tant le fait que le fonds de commerce soit défini par une universalité de fait mais la théorie même de
l’universalité de fait.
Pour la jurisprudence, depuis longtemps, le fonds de commerce est une universalité de fait. C’est le droit
positif.
Paragraphe 2 – Les éléments du fonds de commerce
La loi n’est pas d’un grand secours pour comprendre ce qu’inclut le fonds de commerce. Mais, on y trouve
des indices dans les textes relatifs aux opérations sur le fonds de commerce :
‣ L’article L. 141-1 du Code de commerce sur la vente du fonds de commerce fait référence au bail
commercial, à des éléments incorporels, à des marchandises et au matériel ;
‣ L’article L. 141-5 sur le nantissement du fonds de commerce mentionne l’enseigne, le nom
commercial, le droit au bail (, qui peut signifier uniquement le droit au renouvellement), la clientèle
et l’achalandage.
Les deux articles présentent des listes non exhaustives et, en plus, un fonds de commerce peut ne pas
comprendre certains des éléments mentionnés. Ces listes ne sont qu’indicatives, d’autant que ces textes sont
anciens. Le premier, sur la vente, date de 1909.
Il faut regarder la jurisprudence et la doctrine pour voir ce que l’on peut inclure ou non dans le fonds de
commerce.
I – Les éléments inclus dans le fonds de commerce
Quand on rédige un contrat relatif à un fonds de commerce, il convient d’indiquer ce qu’il comprend pour
éviter les discussions sur son contenu. A défaut, c’est le juge qui tranche. Il faut bien vérifier que tous les
éléments, dont on pense qu’ils sont dans le fonds de commerce, apparaissent explicitement dans le contrat.
Les éléments du fonds de commerce sont nécessairement des biens meubles car l’universalité de fait est
considérée comme un bien meuble incorporel. A l’intérieur d’un meuble, on ne peut mettre que des biens
meubles. Si on allait au bout de cette logique, on dirait qu’un bien incorporel ne peut contenir que des biens
incorporels. Mais, ces biens meubles peuvent être corporels ou incorporels.
A – Les éléments corporels
Parmi les éléments corporels, on distingue le matériel et les marchandises. D’un point de vue théorique et
pratique, la distinction est assez simple à opérer, sauf cas limites.
Le matériel correspond aux meubles corporels utilisés de façon permanente, durable.
Ex 1 : pour un fonds de commerce de taxi, les véhicules.
Ex 2 : pour une usine, les machines et les outils.
Ce matériel a plus ou moins d’importance selon le type de fonds de commerce. Pour une usine, il est
indispensable ; pour un fonds de commerce de vente commerciale (achat pour revendre) qui, par définition,
ne produit pas et ne modifie pas, le matériel a peu d’importance.
Dans certaines hypothèses, certains meubles vont être qualifiés d’immeubles par destination.
Ex : le propriétaire de l’usine est propriétaire de l’usine et de machines très complexes soudées au sol.
Dans ce cas, le matériel ne sera pas compris dans le fonds de commerce.
La loi emploie désormais le terme de « stock » plutôt que « marchandise ». Mais, les deux termes ont cours.
Les marchandises sont des biens meubles n’ayant pas vocation à être utilisés dans le temps, car ils sont
destinés, soit à être revendus, soit à être transformés dans le cadre de l’activité commerciale.
On trouve, concernant les marchandises, des différences dans la loi :
• En général, les marchandises sont vendues en même temps que le fonds.
• En revanche, la solution retenue pour le nantissement* du fonds de commerce diffère. *Sûreté sur le
fonds, que l’on met en œuvre en cas de difficulté. Les marchandises ne sont pas comprises dans
l’assiette du fonds de commerce puisqu’elles sont amenées à disparaître.
Le contentieux sur la distinction matériel / marchandise relève de l’appréciation souveraine des juges du
fonds (fait). La Cour de cassation n’a donc pas dégagé de critères (droit).
Le contentieux est, de toutes façons, faible.
Dans la vente de fonds de commerce, un privilège est accordé au vendeur, qui s’exerce d’abord sur les
marchandises, et ensuite sur le matériel. Le droit des sûretés a développé des concepts, à partir de la
distinction: le gage sur stock et le nantissement sur le matériel et les outillages.
B – Les éléments incorporels du fonds de commerce
L’article L. 141-5 du Code de commerce cite, parmi les éléments incorporels du fonds de commerce,
l’enseigne, le nom commercial, le bail et la clientèle.
Pour le bail, qui est un contrat, c’est très contestable. N’étant pas un bien, il ne peut être dans le fonds de
commerce. Cela n’empêche pas que, très souvent, le bail commercial est cédé, en même temps, que le fonds
de commerce.
On peut contester la qualification de bien incorporel ∈ fonds de commerce pour la clientèle. Un débat
important existe en doctrine. Pour certains auteurs, la clientèle est un bien incorporel compris dans le fonds
de commerce. Pour d’autres, ce serait le produit du fonds de commerce s’il est bien exploité. Donc, il ne
serait pas compris dans le fonds de commerce mais lui serait extérieur.
Là encore, la liste légale n’est pas limitative. La jurisprudence a admis l’ajout d’un grand nombre de biens
incorporels.
1 – Les éléments d’individualisation du fonds de commerce
Des éléments sont utilisés pour que la clientèle puisse distinguer le fonds de commerce concerné des autres
fonds.
On peut évoquer ici le nom commercial et l’enseigne.
Le nom commercial désigne le commerçant. Quand le commerçant est une société, on parle de « raison
sociale » ou de « dénomination sociale » : c’est le nom tel qu’indiqué dans les statuts et publié.
Comment le nom commercial s’articule-t-il avec le nom civil du commerçant ?
Le nom et le prénom se rattachent à l’état des personnes. Or, l’état des personnes est indisponible, c’est-à-
dire qu’il ne peut être cédé.
Le nom commercial peut être le nom civil ou un nom inventé pour l’exploitation du commerce. L’emploi
de son nom civil, dans le cadre de son activité, est autorisé car il se produit un détachement. En effet, le
commerçant peut librement utiliser, pour son nom commercial, son véritable nom / prénom. Il y a, dans ce
cas, un détachement avec le nom civil, si bien que le nom commercial peut être cédé avec le fonds, et que le
cessionnaire peut l’exploiter. Le cédant ne peut pas, dans cette hypothèse, se plaindre qu’un tiers utilise ce
nom commercial. Le cessionnaire peut changer le nom commercial, il en fait ce qu’il veut.
Le nom commercial n’a pas à être déposé. Aucun formalisme n’est imposé, la preuve est libre. Au RCS, on
peut faire référence à un nom de domaine, mais ce n’est pas obligatoire.
Un principe en droit commercial veut qu’une personne physique a toujours le droit, dans le cadre de
l’exploitation de son fonds de commerce, d’utiliser son nom civil, dans la limite de la concurrence
déloyale.
L’enseigne ne se rapporte pas au commerçant mais individualise le fonds de commerce. Elle est perçue
comme un signe de ralliement de la clientèle. Ce peut être un nom ou un logo.
L’enseigne pourra être cédée en même temps que le fonds de commerce.
Là encore, c’est très factuel : la protection n’est pas subordonnée à un dépôt obligatoire car l’enseigne ne
relève pas de la propriété industrielle.
Le dépôt est, au contraire, obligatoire pour la marque.
Le principe est la liberté. Mais, il connaît certaines limites : l’abus de droit et le droit commun de la
responsabilité délictuelle. Une action en responsabilité spécifique a été dégagée par la jurisprudence, à partir
des textes de la responsabilité civile : l’action en concurrence déloyale. Cette action permet également de
protéger un nom de domaine.
Parfois, l’enseigne et le nom commercial peuvent être identiques.
2 – Les autorisations d’exploitation
Les autorisations ne sont pas envisagées aux articles L. 141-1 et L. 141-5 parce qu’elles n’existaient pas au
début du XXe siècle.
Un accord de l’administration est parfois nécessaire pour exploiter un fonds de commerce : la licence,
l’agrément, l’autorisation.
Ex 1 : la licence 4 pour le débit de boisson (alcool fort) ;
Ex 2 : le diplôme de pharmacien.
Certaines autorisations sont strictement personnelles et sont incessibles.
Ex : la carte d’agent de voyage.
D’autres n’ont, au contraire, rien de personnel et sont cessibles individuellement ou avec le fonds de
commerce.
Ex : la licence 4 peut être cédée à part ou avec le fonds de commerce.
Enfin, entre les deux, des autorisations sont qualifiées de personnelles (extra-patrimoniales, normalement
attachées à la personne) mais pourtant peuvent être cédées indirectement. Pour certaines autorisations, le
successeur est présenté à l’administration qui peut l’agréer ou refuser la demande (≈ droit de présentation).
Pour la licence de taxi, l’agrément est quasiment systématique (, sauf si le successeur a été condamné
pénalement). La réalité est que des autorisations, de prime abord personnelles, peuvent être agréées par
l’administration, et, dans certains cas, le sont toujours.
En présence d’un agrément, les parties ont intérêt à convenir d’une cession sous condition suspensive de
l’obtention de l’autorisation.
Parfois, l’autorisation est d’une grande importance : si elle est retirée, le fonds de commerce disparaît.
Ex : le fonds de commerce de boîte de nuit.
Si le fonds de commerce est cédé mais que le cédant n’obtient pas la cession de l’autorisation parce qu’il ne
l’avait plus et l’a caché, le cessionnaire pourra invoquer la nullité du contrat pour réticence dolosive. Dès
lors que l’autorisation est indispensable pour transmettre le fonds, ce doit être impérativement mentionné
dans le contrat de cession.
La Cour de cassation considère que des éléments (autorisation indispensable) doivent, même s’ils
n’apparaissent pas dans le contrat, obligatoirement être délivrés, sans quoi le cédant commet une
inexécution de l’obligation de délivrance.

3 – La propriété industrielle
Les droits de la propriété industrielle, s’il y en a, sont inclus dans le fonds de commerce.
On emploie le terme de propriété industrielle parce que ces droits sont des biens incorporels objets de
propriété créés par la loi.
La marque est une propriété industrielle créée par la loi. Elle peut être comparée à l’enseigne et au nom
commercial (, qui sont plutôt factuels). On en trouve la définition à l’art. L. 711-1 du CPI : « signe servant à
distinguer les produits ou les services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres concurrents ».
L’objectif est d’identifier un produit mais pas forcément une entreprise, même si cette dernière a souvent le
même nom. L’article précise également qu’une marque peut consister en une dénomination mais aussi un
signe sonore ou figuratif.
Pour être protégée, la marque doit être un signe distinctif ; licite, respecter l’ordre public ; ne pas être
déceptive, trompeuse (faire croire en des qualités que le produit n’a pas) ; tout ne peut être déposé comme
marque (appellation d’un Etat…) ;
Le créateur d’une marque doit la déposer auprès de l’INPI. Si les conditions sont respectées, il obtient le
droit exclusif d’exploiter la marque pendant 10 ans (renouvelables).
Il existe un principe de spécialité de la marque : le déposant doit normalement enregistrer sa marque, dans
un domaine spécialisé, parmi les 45 répertoriés. Il est possible de trouver des appellations identiques mais
dans des domaines différents car cela n’entrainera pas de confusion.
Toutefois, ce principe connaît une exception : les marques notoires n’y sont pas soumises.
Ex : Pepsi couvre les 45 domaines répertoriés.
La loi permet au propriétaire d’une marque de la céder, puisque c’est un bien, mais aussi d’accorder des
licences d’exploitation.
Ex : le propriétaire de Marvel accorde des licences d’exploitation pour la vente de figurines Marvel.
Lorsque le marché s’étend au-delà de la France, une protection internationale (convention de Paris) et
européenne de la marque est prévue, avec, à chaque fois, des régimes un peu différents.
La deuxième hypothèse est le brevet. L’article L. 611-10 du CPI le définit comme : « une invention nouvelle
impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle. »
Trois conditions cumulatives : l’invention, la nouveauté, la possibilité d’une application industrielle.
Des choses ne sont pas brevetables.
Ex : le corps humain.
Là encore, la protection est subordonnée à un enregistrement auprès de l’INPI, lequel accorde un droit
d’exploitation exclusive du brevet pendant 20 ans non renouvelables. Au-delà, on considère que le brevet
tombe dans le domaine public = tout le monde peut l’exploiter.
En tant que propriété industrielle, on peut le céder, le nantir et accorder des licences d’exploitation.
Le brevet est protégé pour sa contribution éventuelle au développement et au progrès. La protection n’est
pas là pour geler l’invention mais pour qu’elle soit exploitée. Au bout de trois ans de non-exploitation
industrielle du brevet, un tiers peut donc exiger l’obtention d’une licence d’exploitation obligatoire.
Il existe, là aussi, un brevet international (conventions de Munich et de Paris) et européen.
Les dessins et modèles font également l’objet d’une protection propre. L’art. L. 511-1 du CPI permet de
protéger l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit, qui serait caractérisée par ses lignes, ses
contours, sa couleur, sa forme… La forme du produit peut être le produit lui-même ou son emballage. Un
dépôt est requis et une protection internationales est prévue.
On peut également citer, parmi les propriétés intellectuelles, les obtentions végétales (art. L. 623-1, CPI),
créations végétales nouvelles issues de croisements.
Une protection propre aux droits de la propriété industrielle est accordée en droit commun : l’action en
contrefaçon. S’il est plus complexe de faire reconnaitre la protection (conditions exigeantes), une fois
admise, elle est beaucoup plus avantageuse et efficace que l’action en concurrence déloyale. Cette action
légale, qui permet de protéger uniquement les droits de propriété industrielle, comprend à la fois un volet
pénal (infraction pénale) et civil (cessation de l’illicite : arrêter l’activité contrefaisante).
Souvent, le propriétaire d’une marque, lorsqu’il forme une demande en justice, double sa demande : une
première action en contrefaçon (propriété industrielle), une seconde, si la première n’a pas abouti (problème
avec la marque), en concurrence déloyale (droit commun).
4 – Les créances
Certaines créances peuvent être appropriées, ∈ patrimoine c’est-à-dire sont des biens objets de propriété. En
tant qu’objets de propriété, les créances sont des biens meubles incorporels pouvant faire partie du fonds de
commerce.
Dans un arrêt de principe du 21 juin 1950, la Cour de cassation a expliqué que les créances du commerçant
pouvaient entrer dans le fonds de commerce mais qu’elles ne devenaient pas nécessairement un élément du
fonds de commerce. Le droit positif ne prévoit pas de règle les excluant ou les incluant automatiquement.
Ce n’est pas, en tout cas, une impossibilité, qui tient à la nature des créances : on peut les inclure dans le
fonds de commerce. Les parties doivent, au moment de la rédaction de l’acte de cession, préciser
expressément que les créances sont dans le fonds de commerce. Il n’y a pas d’automaticité.
Dans ce cas, la formalité est double : la formalité de la cession de créance s’ajoute à celle du fonds de
commerce. Les textes sur la cession de créance (articles 1321 et s. du Code) et du fonds de commerce
s’appliquent cumulativement.
Exception : une créance particulière est cédée automatiquement (, sans qu’il ne soit nécessaire de la
mentionner) et activement avec le fonds de commerce à l’acquéreur, comme au sous-acquéreur : la clause
de non-concurrence. C’est la solution retenue par la jurisprudence classique de la Cour de cassation. Elle
est fondée sur la théorie de l’accessoire et des chaînes de contrats : dans les chaînes de contrats homogènes*,
des garanties sont transmises automatiquement avec le contrat. *(produisent le même effet : ici, transfert de
propriété). Le sous-acquéreur va, ainsi, récupérer la clause de non-concurrence (Cass., 30 mai 1963).
Ex : A vend à B son fonds de commerce et s’engage à ne pas le concurrencer sur un domaine et un espace
géographique pendant 5 ans. B cède le fonds de commerce à C. B, n’ayant plus d’utilité à la clause de non-
concurrence, celle-ci est automatiquement cédée à C, qui pourra l’invoquer contre A.
II – Les éléments exclus dans le fonds de commerce
Les exclusions s’expliquent par la nature juridique du fonds de commerce. Il est des éléments, que l’on ne
peut pas mettre dans un bien meuble incorporel ou une universalité de fait.
Deux types d’éléments sont exclus : les contrats et les dettes ; les immeubles.
A – Les contrats et les dettes
1 – Les dettes
Etant une universalité de fait, le fonds de commerce ne peut inclure du passif, des dettes. Pour ce faire, il
aurait fallu qu’il soit considéré comme une universalité de droit.
En conséquence, on ne trouve pas de dettes dans le fonds de commerce et la cession n’entraîne pas
transmission des dettes. C’est, sur ce point, assez dangereux pour les créanciers du vendeur donc on leur
reconnaît une protection spécifique : le droit d’opposition.
D’une certaine façon, s’il suffisait de céder le fonds de commerce pour transmettre les dettes, ce serait aussi
potentiellement dangereux pour les créanciers, à qui l’on imposerait un changement de débiteur.
L’exclusion des dettes du fonds de commerce permet aux créanciers du vendeur de conserver le débiteur
initial, c’est le plus logique au regard du principe de responsabilité : celui qui contracte des dettes, doit les
payer auprès des créanciers.
Si la cession de fonds de commerce n’emporte pas cession de dettes, rien n’interdit de prévoir
conventionnellement la cession de dette. La cession de dette (art. 1327, Code civil) peut être analysées de
plusieurs façons :
› Normalement, c’est une opération à trois personnes : le cédant, le cessionnaire et le cédé. La cession
de dette doit se réaliser avec l’accord du créancier cédé :
‣ Soit il est prévu au contrat que le cédant reste tenu à la dette, n’est pas libéré. C’est une
garantie pour le créancier cédé, qui peut agir contre le cessionnaire et cédant.
‣ Soit, avec l’accord du créancier cédé, le cédant est libéré : la cession de dette emporte
libération du cédant. Le cédé ne peut agir que contre le cessionnaire.
Dans les deux cas, la cession de dettes est une opération à trois personnes ;
› Si l’accord du créancier cédé n’est pas recueilli (refus ; silence) ou s’il n’est pas informé, le cédant et
le cessionnaire peuvent réaliser une sorte de « cession de dette » très imparfaite. Dans ce cas, le
créancier, qui n’est pas partie au contrat, garde pour débiteur unique le cédant.
Le cédant n’a pas vraiment pu céder la dette mais il pourra demander au cessionnaire le
remboursement du montant de la dette : quand il devra s’acquitter du paiement, il l’indiquera au
cessionnaire, qui va supporter la charge finale de la dette.
Il y a toujours la possibilité de transmettre les dettes à côté du fonds de commerce. Mais, il faut que ce soit
une transmission expresse, en sus de la cession du fonds de commerce.
2 – Les contrats
Pour les contrats, la réponse se fait en deux temps. Quand on lit les articles du Code de commerce, on a
l’impression qu’ils sont cédés avec le fonds de commerce : il est notamment indiqué que le bail commercial
∈ fonds de commerce.

En réalité, le contrat n’est pas inclus dans le fonds de commerce pour la simple et bonne raison que ce n’est
pas un bien. Or, seul un bien peut en intégrer un autre. Le contrat est qui plus est un accord de volontés qui
génère de l’actif et du passif, des créances, des dettes et des droits potestatifs. Il est donc faux de dire que le
fonds de commerce, qui n’accueille pas de passif, comprend des contrats.
/!\ Par contre, il peut accueillir des créances nées d’un contrat.
En revanche, les parties peuvent, comme pour les dettes, céder des contrats en même temps que le fonds de
commerce. En droit commun, la cession de contrat requiert l’accord du cédant, du cessionnaire et du
cocontractant du cédé. Parfois, cette cession de contrat sera indispensable : il y a des contrats dont le
cessionnaire ne peut se passer pour l’exploitation du fonds de commerce (ex : le contrat de franchise).
En amont de la cession du fonds de commerce, une obligation précontractuelle d’information, créée par la
jurisprudence, pèse sur le cédant concernant le(s) contrat(s) indispensable(s) à l’exploitation du fonds.
L’inexécution de l’obligation peut être constitutive d’une réticence dolosive sanctionnée par la nullité du
contrat de cession et des dommages-intérêts (Com., 4 mai 1993). L’inconvénient est qu’il faut pouvoir
prouver l’intention dolosive.
En aval, au cours de l’exécution du contrat, la jurisprudence se sert de l’obligation de délivrance : les
contrats doivent être cédés afin que le cessionnaire puisse exploiter normalement le fonds. L’obligation de
délivrance induit l’obligation de transmettre tous les contrats nécessaires à l’exploitation. Cette fois, la
mauvaise foi, l’intention n’a pas à être prouvée au titre de l’inexécution de l’obligation de délivrance.
Dans la cession de contrats, la plupart du temps, le cédé va accepter de changer de cocontractant mais va
demander, en contrepartie, la solidarité entre le cédant et le cessionnaire.
Certains contrats sont cédés automatiquement à l’occasion de la transmission du fonds. C’est notamment le
cas du bail commercial, transmis, non pas dans le fonds de commerce (erreur dans les textes), mais avec, à
côté.
La transmission du contrat peut être forcée pour l’acquéreur du fonds de commerce ou pour le cocontractant
cédé.
Ex 1 : en application de l’article L. 1224-1 du CT, les contrats de travail sont transmis automatiquement en
cas de modification de la situation juridique de l’employeur. Le fonds de commerce est cédé, avec
l’entreprise, ce qui conduit à un changement d’employeur. L’acquéreur devient le nouvel employeur des
salariés de l’entreprise.
! Les contrats de travail suivent le fonds de commerce. Il en va de même pour la location gérance.

Ex 2 : dans le cadre de la cession du fonds de commerce d’un éditeur, les contrats d’édition sont transmis en
même temps.
Ex 3 : en droit des assurances, la cession d’un bien assuré s’accompagne du transfert du contrat d’assurance,
même si l’acheteur a le droit de résilier.
Ex 4 : le bail commercial est, à certaines conditions, transmis de plein droit en même temps que le fonds de
commerce. En effet, parfois la cession du fonds de commerce sans local ↔ la perte du fonds de commerce.
On n’a pas alors besoin de l’accord du bailleur : la cession du bail commercial est de droit. La cession est
imposée au cocontractant.
/!\ On l’a dit, le bail commercial n’est pas dans le fonds mais à côté du fonds. C’est un abus de langage.
B – Les immeubles
Deux raisons :
⁎ Les immeubles sont traditionnellement exclus du droit commercial. On considérait, au XIXe siècle,
qu’ils devaient relever du droit civil. Même, le bail commercial est, normalement, un contrat civil.
C’est une raison théorique qui ne s’appuie sur rien… ;
⁎ La nature juridique du fonds de commerce : le fonds de commerce est un bien meuble incorporel.
Comment un bien meuble (mobile) pourrait-il avoir à l’intérieur de lui-même un immeuble
(immobile) ? On se dit que c’est impossible, et qu’un meuble ne peut renfermer que des meubles.
Mais, si on allait au bout de cette logique, on dirait qu’il ne peut y avoir que des biens meubles
incorporels dans des biens meubles incorporels.
Cela prouve que la construction de l’universalité de fait n’est pas aboutie… Il faudrait plutôt établir
des liens entre des biens, et non pas en faire un autre bien.
L’exclusion des immeubles entraîne des difficultés.
Dans le cadre d’une cession d’une entreprise, lorsque l’entrepreneur est à la fois propriétaire du fonds de
commerce et de l’immeuble, il doit céder les deux : deux contrats autonomes sont conclus, avec des objets,
et des régimes spécifiques (rescision pour lésion pour la vente immobilière). Cela peut poser un problème si
l’un des contrats est annulé et pas l’autre : à quoi sert le fonds sans l’entreprise, et inversement ? Il convient
de lier juridiquement les deux contrats, en précisant que le contrat est valable sous condition que l’autre ne
soit pas résolu ↔ créer une unité économique (deux contrats mais une vente globale). Il faut, pour ce faire,
prévoir le jeu des clauses résolutoires. A défaut de quoi, l’autre contrat sera, seul, valable et ne pourra être
remis en cause.
Si le cédant est à la fois propriétaire de l’immeuble et du fonds de commerce, la règle des immeubles par
destination peut jouer. Pour que cela fonctionne, il faut être propriétaire des deux. Lors de la cession de la
totalité de l’entreprise, on cède l’immeuble et les immeubles par destination d’une part et le fonds de
commerce d’autre part. Dans cas, il n’y aura quasiment rien dans le fonds de commerce : tout est quasiment
dans l’immeuble principal...
Le risque, quand on vend l’immeuble et le fonds séparément, est que l’on multiplie les sûretés (nantissement
sur le fonds de commerce ; hypothèque sur l’immeuble). Le nantissement sur le fonds ne suffira
potentiellement pas, si l’essentiel de la valeur est sur l’immeuble. Il peut être nécessaire d’obtenir
conventionnellement, en plus, une hypothèque sur l’immeuble.
A chaque fois que l’on fait une opération sur le fonds de commerce, il faut préciser tous les biens, qu’il
contient pour que le juge n’ait pas à interpréter, et les contrats indispensables à l’exploitation du fonds
(cession de contrats en parallèle).
Section 2 – La clientèle du fonds de commerce

La clientèle est l’élément essentiel du fonds de commerce. Il y a toujours un moment où, dans la définition
du fonds de commerce, la clientèle est évoquée.
Pourtant, la notion de clientèle, et notamment sa nature (qu’est-ce ? quelle est sa place dans le fonds de
commerce ?) et son régime juridique, suscite des interrogations et des controverses en doctrine.
§1 – La nature juridique de la clientèle
Depuis la fin du XIXe siècle, des discussions portent sur ce qu’est la clientèle. Il y a des discussions
« classiques ». Mais, les modifications de la pratique impliquent de réinterroger la notion de clientèle, de
l’appréhender de nouveau.
I – Les controverses classiques
▪ Une première controverse est sémantique et concerne la distinction entre la clientèle et l’achalandage (<
chaland).
L’art. L. 141-5 du Code de commerce utilise les deux termes.
Mais, il y a-t-il vraiment une différence de nature entre les deux ?
Une partie de la doctrine a tenté de les distinguer. Selon elle, la clientèle désigne les personnes qui viennent
s’approvisionner auprès du commerçant en raison de sa compétence, son savoir-faire. C’est la personne du
commerçant qui est décisive (élément subjectif).
En revanche, quand des clients de passage se rendent dans un fonds de commerce, pour des éléments
objectifs, tel que l’emplacement du commerce, on considère que c’est de l’achalandage.
La Cour de cassation n’a jamais fait produire d’effets juridiques à cette distinction. Cela ressort notamment
d’un arrêt du 27 février 1973 : un pourvoi soutenait qu’il y avait une distinction entre la clientèle et
l’achalandage et la Cour de cassation l’a ignoré, n’y a pas répondu.
En droit positif, ces deux mots désignent une réalité. La clientèle est composée de toutes les personnes, qui
entrent en relation avec l’entrepreneur, peu importe la raison pour laquelle elles viennent s’approvisionner
auprès du fonds de commerce.
▪ Une deuxième question se pose : quelle est la place de la clientèle dans le mécanisme juridique du fonds
de commerce ?
Deux grandes présentations :
⁃ Pour certains auteurs, la clientèle est un élément parmi d’autres dans l’universalité de fait. Ce serait
donc un bien meuble incorporel mais dont le statut est particulier puisqu’il faut nécessairement une
clientèle dans le fonds de commerce. C’est le seul élément indispensable, sans lequel l’universalité
de fait ne pourrait être qualifiée de fonds de commerce. Ces auteurs s’appuient sur les textes de loi,
qui mentionnent la clientèle, parmi les éléments, inclus dans le fonds de commerce. D’après ces
auteurs, au regard d’un arrêt ancien de la ch. des requêtes, un fonds de commerce pourrait n’être
constitué que d’une clientèle.
⁃ Pour d’autres auteurs, la clientèle est essentielle au fonds de commerce, justement parce qu’elle n’est
pas dans le fonds de commerce. Deux conceptions différentes :
› Pour certains auteurs, c’est le but perpétuel recherché, qui permet d’orienter le fonds de
commerce (thèse téléologique) ;
› Pour d’autres auteurs, la clientèle est le produit du fonds de commerce. La réunion de tous
les éléments du fonds permet de produire, de façon extérieure, une clientèle.
Ces deux explications ne sont pas incompatibles.
Dans les deux cas, la clientèle n’est pas un bien de l’universalité, ∉ fonds. Si elle n’est pas dans le
fonds mais qu’elle est produite par le fonds, il faut, pour qu’il y ait un fonds de commerce, qu’il y ait
quelque chose dans le fonds : a minima un meuble utilisé pour attirer la clientèle.
▪ Le troisième débat intéresse la propriété de la clientèle. Les arrêts de la Cour de cassation disent souvent
que la clientèle est appropriée ou propre à un commerçant. Cela signifie qu’il y a une clientèle spécifique
attaché au fonds de commerce exploité par le commerçant. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il existe un
lien entre la clientèle et le fonds de commerce. Pour autant, cela ne veut pas dire que la clientèle est un objet
de propriété.
Quelle est la nature de ce lien ?
Certains auteurs, on l’a vu, affirment que la clientèle est dans l’universalité de fait et en font un bien meuble
incorporel objet de propriété. Cette conception traditionnelle a été critiquée. Les commerçants ne peuvent
être propriétaires des personnes qui viennent se servir chez eux car on ne peut mettre des hommes dans un
patrimoine. Des auteurs disent, à ce titre, que la clientèle est par nature « extra-patrimoniale ».
On trouve une version plus moderne pour expliquer que la clientèle est un bien. Il s’agirait d’une réalité
objective, qui se traduit par une valeur liée au chiffre d’affaires.
Ces auteurs semblent avoir oublié que : « la clientèle n’est à personne, elle appartient à qui sait la prendre
(ex : le plus innovant). » Dire que la clientèle appartient à un commerçant ou à un fonds de commerce est
faux parce que la clientèle fluctue. Un concurrent, qui s’installe à côté d’un commerçant, risque ainsi de lui
prendre une partie de la clientèle, sans que l’on puisse lui reprocher. Le commerçant ne peut avoir
d’emprise, ou de droit sur la clientèle.
Pourtant, à force d’abstraction juridique, une partie de la doctrine a considéré que c’était un bien.
Pour conclure :
Certes, la distinction entre la clientèle et l’achalandage ne permet pas de produire des effets juridiques, mais
il y a quelque chose d’intéressant là-dedans. On peut remarquer que la clientèle attirée par le fonds de
commerce, l’est par des éléments de nature différente :
◦ Subjective : éléments en lien avec l’entrepreneur personne physique, son savoir-faire, son diplôme,
sa personnalité… ;
◦ Objective : l’emplacement de l’immeuble ou du bail commercial, l’enseigne, la marque, le brevet,
(tout ce qui relève de la propriété industrielle).
Certains éléments qui attirent la clientèle sont cessibles : la propriété industrielle ou le bail commercial.
D’autres sont incessibles : les éléments subjectifs, tels que le savoir-faire ou la personnalité.
Il convient de nuancer cette distinction : des éléments intermédiaires sont entre le subjectif et l’objectif. Par
exemple, le savoir-faire (subjectif), lorsqu’il atteint un certain degré, peut devenir un brevet (objectif).
Même si le savoir-faire ne fait pas l’objet d’une reconnaissance par la propriété industrielle (n’est pas un
élément du patrimoine), on peut le transmettre par l’enseignement (ex : recette).
On se rend compte que la clientèle est la conséquence de la conjonction des éléments subjectifs et objectifs
mise en œuvre par le commerçant.
! La clientèle n’est pas un élément du patrimoine mais est attirée par la mise en œuvre de ces éléments.
Mais, ce n’est pas non plus un élément extra-patrimonial. La clientèle n’est pas rattachée à une extra-
patrimonialité qui est celle du commerçant. Il faut plutôt la percevoir comme un fait juridique, un
phénomène, qui produit des effets de droit : le commerçant met en œuvre tous ces moyens (objectifs et
subjectifs) et, si tout se passe bien, on s’aperçoit que, dans les faits, la clientèle vient. Le fait juridique n’est
pas quelque chose que l’on peut s’approprier.
On l’a vu, la clientèle n’est pas un élément du fonds de commerce mais est produite par les éléments du
fonds. C’est à la fois l’objectif et le résultat du fonds de commerce. Si les éléments objectifs et subjectifs
sont mis en œuvre et qu’il n’y a pas de clientèle, il n’y a pas véritablement de fonds de commerce.
Vouloir en faire un élément approprié du fonds de commerce est inutile et inexacte. Si le commerçant a un
droit de propriété sur la clientèle, il devrait pouvoir exercer des actions sur cette clientèle. Or, aucun acte
juridique ne peut être opéré sur la clientèle. Le droit ne peut pas agir sur les faits. Dans le meilleur des cas,
il peut contraindre les volontés individuelles à agir d’une certaine façon pour modifier les faits.
Ex : le vol. Le droit ne peut pas dire le vol n’existe pas, car le vol existe. Il peut simplement l’interdire et le
sanctionner.
De la même façon, on ne peut pas dire la clientèle existe ou n’existe pas. Le droit peut seulement intervenir
s’agissant des éléments juridiques susceptibles de l’influencer. En tant que fait juridique, la clientèle ne peut
être cédée car le commerçant ne peut en être propriétaire. Mais, on peut intervenir indirectement sur la
clientèle en agissant sur les éléments attractifs, parce que c’est eux qui relient le droit au fait. Ce sont des
éléments juridiques que l’on peut approprier et céder.
Le cédant peut ainsi transmettre au cessionnaire les éléments attractifs de la clientèle et non la clientèle elle-
même. On peut espérer que, par la mise en œuvre de ces éléments, elle continuera de venir, peut-être plus ou
moins, parce que certains éléments subjectifs ne peuvent être cédés.
Ce sont les éléments attractifs qui concentrent les règles juridiques, et non pas la clientèle elle-même.
Ex : le cédant s’engage par une obligation de présentation de la clientèle à son successeur. On peut
transmettre une partie de la clientèle rattachée à la personne du médecin (subjectif), qui dit avoir confiance
en son successeur. La transmission repose sur l’obligation de faire.
II – Les incidences liées à l’apparition de nouvelles formes de clientèle
Depuis le XIXe siècle, une nouvelle façon de faire le commerce s’est développée et a créé de nouveaux
problèmes, qui permettent de mieux cerner la notion. L’apparition de nouvelles formes de clientèle permet
d’appréhender les débats classiques sous un nouveau jour, et d’avoir des réponses plus intéressantes.
Depuis le XIXe siècle, le commerce a connu des mutations essentielles : la façon de faire le commerce et
vendre les biens a évolué.
⁖ On pense notamment à la distribution intégrée, qui repose sur les contrats de concession et de
franchise. Celui qui crée sa marque va passer par des intermédiaires (concessionnaire ou franchisé), pour
vendre ses produits.
Dans le contrat de franchise, le franchiseur dispose de moyens pour attirer la clientèle (l’enseigne, le savoir-
faire, la propriété industrielle…), et même de produits. Pour développer son entreprise, le franchiseur
conclut un contrat de franchise avec des commerçants indépendants (franchisés), en leur permettant
d’utiliser des signes distinctifs, de ralliement.
Ex : les magasins Leclerc se développent essentiellement avec des commerçants indépendants par contrats
de franchise. Les franchisés versent une commission au titre du contrat de franchise, car la référence à
Leclerc leur permet d’attirer la clientèle.
Le franchisé indépendant exploite son commerce à ses propres risques et peut exploiter la marque en
contrepartie du versement d’une somme d’argent. Il est tenu à des obligations, pour que tous les franchisés
exploitent la marque uniformément.
Le franchiseur reste propriétaire des moyens, mais les met à disposition. Parfois, on peut dire qu’il y a
un bail. Quand c’est de la propriété industrielle, on parle plutôt de licence d’exploitation.
! Des commerçants indépendants ouvrent un fonds et mettent en œuvre des éléments attractifs de clientèle
dont ils ne sont pas propriétaires.
On s’aperçoit qu’il peut y avoir une conjonction entre plusieurs clientèles : la clientèle nationale (l’enseigne
Mcdonald’s) et local (un établissement Mcdonald’s).
⁖ Certains considèrent aussi que le e-commerce remet en cause la théorie traditionnelle de clientèle, car la
clientèle n’est pas localisée à un endroit particulier. Mais, cela n’a rien de nouveau : les grands parents
commandaient déjà par correspondance (notamment, des vêtements – Damart). La clientèle était déjà
disséminée et il n’y avait pas forcément un magasin unique. Pour ce qui est du concept juridique, le e-
commerce ne change rien. Une révolution technologique n’est pas forcément synonyme d’une révolution
juridique.
⁖ Également, des interrogations se posent concernant les clientèles non commerciales. On se demande si ce
que l’on sait sur la clientèle commerciale ne peut pas s’appliquer aux clientèles non-commerciales, dans le
sens d’une théorie unique.
On distingue plusieurs clientèles civiles :
Lien entre la clientèle commerciale et artisanale :
La distinction entre le commerçant et l’artisan ne tient pas à grand-chose : elle est davantage de degré que de
nature. Le critère est la spéculation sur le travail d’autrui ou le matériel.
Dans la définition de l’artisan, aucune différence n’est faite, pour ce qui est de la clientèle. Pour une même
activité donnée, le professionnel pourra être artisan ou commerçant (ex : taxi). On se demande alors, si l’on
ne devrait pas regrouper les clientèles.
La loi va dans ce sens. En effet, le bail commercial et le droit au renouvellement sont fondés sur la clientèle
(commerciale). Or, l’artisan bénéficie de ces mécanismes. La loi de 1996 a aussi créé un fonds artisanal,
pour lui appliquer les règles du nantissement et de la location gérance de fonds de commerce. Seuls les
textes sur la vente de fonds de commerce ne sont pas étendus à la vente de fonds artisanal.
! Il y a un rapprochement entre les fonds. Or, les fonds sont définis par la clientèle. Donc, on pourrait se
dire, par analogie, qu’il y a identité entre les clientèles commerciale et artisanale.
Mais une différence subsiste : pour l’artisan, bien souvent, la clientèle est attirée par des éléments subjectifs
(principalement, le savoir-faire). Mais, ce n’est pas propre aux artisans et l’élément subjectif n’est pas
prépondérant pour tous les artisans (ex : taxi). En plus, ce savoir-faire particulier (ex : potier) peut être
transmis au cessionnaire par l’enseignement. On peut retrouver de tels éléments chez les commerçants.
Ce n’est pas une ligne de partage absolue entre les deux.
Pour ce qui est de la clientèle artisanale, il n’y a pas de différence de nature, même si parfois il peut y avoir
une prépondérance des éléments subjectifs.
Lien entre la clientèle commerciale et agricole :
L’agriculteur n’a pas d’activité commerciale mais vend ses produits (bétail, céréales…) directement au
consommateur ou, le plus souvent, à des intermédiaires, des distributeurs (coopératives, centrales d’achat,
grandes surfaces). Il a donc une clientèle, même s’il a parfois un seul client. La clientèle ne désigne pas
forcément des consommateurs.
L’art. L. 311-3 du Code rural et de la pêche met en place un fonds agricole sur le modèle du fonds de
commerce. Son régime est proche de celui du fonds de commerce : il peut notamment faire l’objet d’un
nantissement.
La loi aménage un peu le nantissement de fonds agricole. Sont cités, parmi les éléments du fonds, le cheptel
mort ou vif, les stocks, les contrats et les droits incorporels, l’enseigne, le nom d’exploitation, le brevet et
également une clientèle. Les textes reconnaissent donc l’existence d’une clientèle agricole.
Encore une fois, même s’il y a une spécificité dans l’activité agricole (produire pour revendre), l’objectif est
le même : attirer une clientèle tout à fait comparable à la clientèle commerciale.
Lien entre la clientèle commerciale et libérale ? :
Le rapprochement avec les clientèles libérales (médecin, avocat, notaire) est le plus complexe à traiter.
On dit que le lien entre le professionnel libéral et son client est d’une nature particulière : le lien reposerait,
encore plus que pour l’artisan, sur les qualités professionnelles, qui ne sont pas transmissibles. En
s’appuyant sur cet argument, pendant très longtemps, la Cour de cassation a considéré que la clientèle d’un
médecin (, et d’un professionnel libéral plus largement) était de nature extra-patrimoniale. Elle refusait donc
les cessions de clientèles médicales. La sanction était la nullité absolue parce qu’on vendait un bien hors du
commerce. On transmettait, en réalité, les fonds libéraux. Pour ce faire, il fallait conclure, non pas une
cession de clientèle, mais une convention de présentation du successeur aux clients, qui était valable. On
avait à l’époque recours à la précaution verbale : il ne fallait pas parler de cession de clientèle mais les
effets étaient les mêmes.
La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence important et a admis la patrimonialité des
clientèles civiles, et notamment médicales (Civ. 1e, 7 nov. 2000). La clientèle civile peut être cédée à
condition que la liberté de choix du patient soit sauvegardée. Le patient a le droit de suivre le cédant, même
si une clause de non-concurrence est prévue au contrat. On peut interdire au cédant de s’installer, dans un
rayon de kilomètres, mais pas de reprendre les clients qui décident de le suivre.
La chambre civile de la Cour de cassation reconnaît que la clientèle est patrimoniale. Pourtant, jamais la
chambre commerciale ne l’a affirmé ou mis en avant. On a bâti une opposition, entre les chambres, qui
n’existait pas. En réalité, la chambre civile, dans son revirement, commet une nouvelle erreur : la clientèle,
étant un fait, ne peut être patrimoniale.
Pour que la clientèle libérale soit conservée en cas de cession, il convient d’assurer la transition sur les
éléments attractifs (local professionnel et obligation de présentation du successeur), et non pas simplement
de signer un papier sur la clientèle cédée. Comme la clientèle commerciale, la clientèle libérale est un fait
produit par des éléments attractifs, que l’on dits majoritairement subjectifs. Néanmoins, des clients vont,
souvent, chez un médecin pour sa proximité du domicile (élément objectif, contrairement à ce que l’on met
en avant).
La patientèle fonctionne exactement comme la clientèle commerciale : des éléments subjectifs et objectifs,
sont mis en œuvre par le médecin et devront être transmis pour céder la clientèle médicale. Le repreneur
récupère les éléments attractifs (local, obligation de présentation), mais on n’est pas assuré du transfert
effectif de la clientèle.
§2 – Le régime juridique de la clientèle
La clientèle n’est pas qu’une question théorique. Il y a un contentieux important en la matière, et
principalement pour la clientèle commerciale.
L’intérêt du bail commercial (9 ans) est le droit au renouvellement : la loi est très protectrice du preneur, et
fait en sorte que le bailleur accorde le renouvellement au locataire (indemnité = à la valeur du fonds). Il est
très difficile d’expulser. Au moment du renouvellement, le preneur à bail doit prouver qu’il a un fonds de
commerce propre, et donc une clientèle propre. Le contentieux sur le droit au renouvellement est dense : des
bailleurs refusent de renouveler le bail, au motif que leur preneur n’a pas de clientèle propre.
Deux questions : les critères juridiques de la clientèle (I) et le régime de protection attaché (II).
I – Les conditions nécessaires à la constatation d’une clientèle
Depuis très longtemps, on a énormément de jurisprudence en la matière. La Cour de cassation essaie de
fournir une directive pour déterminer quand le commerçant a une clientèle.
La notion est complexe à appréhender car la Cour de cassation fixe, certes, des critères, mais, sur certains
points, l’application de ces critères dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond et ne fait l’objet
d’aucun contrôle. Donc sur certains points, la jurisprudence apparait contradictoire : deux juges du fond
peuvent prendre des positions qui ont l’air contradictoires.
La Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence avec des petites inflexions progressivement. La
jurisprudence présente des assouplissements, mais jamais de rupture. Quand on analyse l’esprit de ses
décisions, on se dit qu’elle ne rendrait plus, aujourd’hui, les mêmes décisions qu’il y a 50 ans.
Un premier critère classique, que l’on retrouve encore aujourd’hui est la réalité et la certitude (A). Puis, un
deuxième critère, également classique, dit que la clientèle doit être personnelle au commerçant (B).
On verra, enfin, comment les nouvelles façons d’exercer le commerce peuvent expliquer les évolutions de la
jurisprudence (C).
A – Une clientèle réelle et certaine
Une clientèle potentielle n’est pas une clientèle.
Le caractère réel et sérieux de la clientèle peut correspondre à différents contentieux, mais quel que soit le
contentieux, l’objectif est le même : savoir à quel moment il y a une clientèle ? Pour certains contentieux, la
chronologie est essentielle et il faut prêter attention à la date d’apparition et à la date de disparition de la
clientèle.
Ex 1 : un commerçant a un fonds de commerce et veut le vendre. Mais, au moment où il le vend, la clientèle
a disparu. S’il vend le fonds de commerce alors que la clientèle n’existe déjà plus, il n’a pu le vendre parce
qu’il n’y avait plus de fonds de commerce. Donc, l’acheteur pourra demander la nullité. Il faut se demander
si, au moment de la conclusion de la vente, la clientèle existait.
Ex 2 : un commerçant veut obtenir le renouvellement de son bail commercial, ce qui suppose l’existence
d’un fonds de commerce propre et, là aussi, d’une clientèle. Si au moment du renouvellement, le
commerçant n’a pas de clientèle, alors il n’a pas droit au renouvellement.
Ex 3 : un couple est marié sous le régime de la communauté légale. Un des époux ouvre, au moment de se
marier, un commerce (pharmacie). Le commerce fait-il partie de la communauté ? A partir du mariage, tout
tombe dans la communauté. Si le commerce a été créé avant, il est dans le patrimoine personnel de l’époux.
S’il a été créé après, il tombe dans la communauté. On regarde la date à laquelle la clientèle est apparue pour
voir si le commerce est dans le patrimoine personnel (Civ., 14 déc. 2013).

On met en œuvre des moyens objectifs et subjectifs du fonds de commerce pour attirer la clientèle. Mais,
quand apparaît-elle ?
La jurisprudence considère que le fonds de commerce n’est créé en tant que tel qu’au moment où la clientèle
apparaît, et qu’il disparaît avec elle.
La clientèle, pour exister, n’a pas besoin d’être complète. De toutes façons, elle est en perpétuel mouvement.
Il suffit d’un commencement d’exploitation et que la clientèle arrive. La jurisprudence n’exige pas une
clientèle minimum, ou suffisante pour que le fonds soit rentable.
Le commencement d’exploitation est démontré à partir de l’ouverture au public. Dès que le premier client
entre, on a une clientèle. La jurisprudence est donc assez clémente. Cela paraît logique car, si un seuil avait
été fixé, le contentieux aurait été sans fin, faute de preuve. C’est une simplification.
Dans un arrêt du 14 déc. 2013, la Cour de cassation a rappelé son critère classique : le fonds de commerce
apparaît à l’apparition de la clientèle et c’est l’ouverture au public qui permet la venue des clients.
Comment la prouver ? C’est factuel, la preuve est libre (annonce dans un journal, témoignage, publicité…).
S’agissant de la disparition de la clientèle, on l’a dit, elle entraîne, normalement, la disparition du fonds, en
même temps. Mais, il faut distinguer, en pratique, entre les fermetures temporaires (vacances…), et
définitives. Le fermeture temporaire n’entraîne pas disparition du fonds de commerce car la clientèle est
encore là, simplement elle ne peut plus venir pendant un temps. Elle reviendra au moment de la réouverture.
Par exemple, le fonds de commerce ne disparait pas pendant les vacances.
A partir de quand une fermeture est-elle définitive ?
Cela paraît simple en théorie, mais, en réalité, ce peut être vraiment complexe à déterminer.
On peut, par exemple, se demander si la fermeture administrative, liée au COVID-19, est temporaire. Pour
certains commerces (les boites de nuit), la fermeture commence à s’éterniser et n’exclut pas qu’on la qualifie
de définitive parce que la clientèle peut disparaitre définitivement. Cela relève de l’appréciation souveraine
des juges.
La Cour de cassation a rendu en la matière un arrêt très contesté (Civ. 3e, 15 sept. 2010), à propos d’un
magasin, situé sur la route de la grotte, très passante, à Lourdes, qui a réouvert après des années de
fermeture. L’arrêt a retenu que dès la réouverture, la clientèle était revenue et que, donc, la fermeture n’était
que temporaire. C’est sur le fond contestable. Ici, c’est un cas extrême. C’est plus l’élément objectif qui est
mis en avant : du fait de l’emplacement du magasin, il y aura toujours une clientèle. Mais, la question est
plutôt : est-ce la même clientèle ? Des auteurs considèrent que ce n’est plus le même fonds de commerce car
ce n’est plus la même clientèle.
Des fermetures temporaires peuvent donc durer très longtemps. C’est délicat parce qu’il n’y a aucun seuil
prédéfini. On trouve des arrêts dans les deux sens, qui retiennent tantôt la fermeture définitive, tantôt la
fermeture temporaire, avec cet arrêt qui va loin, et reste exceptionnel. La Cour de cassation exerce, parfois,
un contrôle léger, ou s’en tient à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Une autre jurisprudence est contestable sur la question de la date d’apparition de la clientèle. La Cour de
cassation ne retiendrait plus la même solution aujourd’hui. Dans les années 1970, un contentieux opposait de
grandes compagnies pétrolières et des exploitants de stations de service. La compagnies trouvait un local, le
préparait et faisait appel à un commerçant pour exploiter le fonds de commerce. Quelques années plus tard,
elle souhaitait se débarrasser du fonds de commerce. L’ouverture avait-elle été faite à partir d’un fonds de
commerce qui était propre au commerçant (avec des moyens) ? Il y avait-il, dès le départ, un fonds de
commerce de la compagnie, qui accordait alors une location gérance ?
La chambre commerciale a rendu deux arrêts sur la question (27 fév. 1973). L’enjeu est que, dans le cadre
d’un contrat de location-gérance, la compagnie peut évincer le commerçant à la fin du contrat. Si le
commerçant exploite lui-même le fonds, c’est un bail commercial et il a droit au renouvellement (sauf
versement d’indemnités de la valeur du fonds de commerce). La Cour de cassation a donné raison aux deux
compagnies pétrolières : l’emplacement du local loué par la compagnie pétrolière (en ville), étant un point
de passage, il y avait une clientèle préexistante.
Le problème est que, dans ce cas, cela est vrai pour tout un tas de local commercial (ex : rue Sainte
Catherine). L’argument est un peu léger, puisque c’est le principe du local d’accorder la jouissance d’une
clientèle. Un autre argument avancé était que la compagnie était notoire et que la clientèle était attachée,
indissociable de la marque nationale.
Ces arrêts sont contestables, en ce qu’ils contredisent la jurisprudence classique selon laquelle la clientèle
apparait au moment du commencement de l’exploitation.

Un arrêt du 1er février 1984 de la chambre commerciale va dans le même sens : « la situation du local à un
point de passage obligé pour de très nombreux touristes suffisait, à elle-seule, à attirer des clients […]. Il
existait une clientèle avant la conclusion du contrat litigieux. » Là c’est une autre question, qui a été mal
traitée : la question n’était pas de savoir quand la clientèle était apparue (chronologie), mais à qui elle
appartenait. Le commerçant a-t-il vraiment une clientèle propre quand on lui impose tout ?
Aujourd’hui, suite à un certain nombre d’évolutions, la jurisprudence n’aurait pas été reproduite. D’autant
que la question a été mal posée : la Cour de cassation a confondu l’existence d’une clientèle avec l’existence
d’un élément attractif (le local et la marque). Ce qui est important pour la clientèle est la mise en œuvre des
moyens, et non pas la propriété des moyens.
B – Une clientèle personnelle
Pour être appréhendée juridiquement, la clientèle doit exister. Mais, ce n’est pas suffisant pour que le
commerçant puisse invoquer la protection de la clientèle : il faut également qu’elle lui soit attachée (, ou à
son fonds) c’est-à-dire qu’elle lui soit propre, personnelle.
La clientèle est attirée grâce à des éléments que le commerçant met personnellement en œuvre. S’il prouve
cela, il a une clientèle personnelle.
Ce critère évident pose des difficultés, quand un fonds de commerce est en état de dépendance matérielle,
ou juridique (fonds dominé) par rapport à une autre entreprise (fonds dominant). C’est la situation où le
client se déplace pour le commerce principal et, comme un autre commerce est à côté, en profite pour s’y
rendre. Parfois, un commerçant peut bénéficier, exploiter la clientèle d’un concurrent.
Cela peut poser difficulté pour le bail commercial dont le droit au renouvellement suppose d’avoir un fonds
de commerce propre, et donc une clientèle personnelle. Dans de nombreux contentieux relatifs au bail
commercial se pose la question de l’existence d’une clientèle personnelle.
Le commerçant qui n’a pas de clientèle propre a, tout de même, une entreprise : il est possible d’être
commerçant, d’avoir une activité, sans clientèle propre (ex : le mandataire). Mais, en l’absence de clientèle
propre, il n’a pas de fonds de commerce.
La jurisprudence est très abondante en la matière et présente des évolutions très nuancées.
Au départ, la jurisprudence a opté pour une position très ferme à l’égard des commerçants dominés : le
commerçant qui ne fait que bénéficier de la clientèle d’un autre commerçant, n’est pas titulaire d’un fonds
de commerce (Ass. plén., 24 avr. 1970). Il a, certes, une entreprise, mais elle ne peut être qualifiée de fonds
de commerce. Le commerçant ne peut donc pas bénéficier du bail commercial et du droit au renouvellement.
C’est une sorte de présomption simple : le petit commerçant peut apporter la preuve qu’il a une clientèle
propre, même s’il est dominé par un autre commerce.
Pour prouver l’existence d’une clientèle propre, le commerçant doit prouver qu’elle est totalement
autonome, qu’elle lui est personnellement attachée ou à son fonds de commerce.
Le problème est, qu’en plus de ces exigences rigoureuses, les juges du fond, comme la Cour de cassation,
faisaient valoir une appréciation très stricte et manichéenne* de la clientèle, de sorte que le petit commerçant
ne pouvait presque jamais démontrer le contraire. *Il ne pouvait y avoir une clientèle propre pour deux
commerçants, c’était la clientèle de l’un ou l’autre. Très souvent, la jurisprudence déduisait qu’il n’y avait
qu’une seule clientèle, et que nécessairement elle appartenait au fonds dominant.
La Cour de cassation a adopté une position extrêmement dure vis-à-vis des commerçants dépendants, en
refusant systématiquement la reconnaissance d’une clientèle personnelle au fonds de commerce intégré dans
les locaux d’une autre entreprise. De cette façon, on leur refusait le renouvellement du bail commercial.
Pour autant, il n’y a pas d’impossibilité puisque la Cour de cassation a toujours dit qu’il était possible de
prouver l’existence d’une clientèle personnelle : en démontrant que la clientèle était autonome, distincte de
la clientèle principale, et propre au fonds de commerce en question.
Cette jurisprudence s’est développée à propos de différents contentieux. Le buffet de la gare est un grand
classique. C’est valable pour tous les commerces installés dans le hall d’une gare. Les clients qui déjeunent
au buffet de la gare, ne s’y rendent pas parce qu’ils souhaitent précisément aller dans ce restaurant. C’est la
clientèle de la gare : les commerçants profitent de l’existence de la gare, et de sa clientèle.
Il faut nuancer parce qu’il existe des villes dans lesquelles le buffet de la gare peut être connu comme un
restaurant de très bonne qualité. Dans ce cas, il n’est pas inconcevable que des clients s’y rendent
uniquement pour le restaurant.
La même logique s’applique pour les commerces exploités dans un stade, un cinéma, un hippodrome, un
aérodrome… Les clients sont venus à l’hippodrome pour la buvette, ou s’y rendent-ils parce qu’ils sont à
l’hippodrome ? Dans la seconde option, l’entreprise existe, mais la clientèle n’est pas personnelle au fonds
de commerce / au commerçant qui tient la buvette.
On a eu un développement de ces questions pour les fonds de commerce exploités dans des galeries
marchandes. L’idée s’est développée que les clients fréquentent les magasins de la galerie marchande à
l’occasion de leurs courses. Le facteur d’attractivité serait principalement le centre commercial et les petits
commerce en bénéficierait par ricochet. Cette jurisprudence est très contestable. On raisonne l’a encore de
façon manichéenne, ce qui a conduit très souvent les tribunaux à reconnaître la clientèle personnelle du
supermarché, et par défaut, a nié celle des petits commerces et leur refuser le renouvellement du bail
commercial. Pourquoi la clientèle ne serait-elle pas partagée ?
C’est critiquable parce que, d’un point de vue pratique, cette coexistence entre le supermarché et les petites
boutiques profite à tous. Parfois, les clients, qui n’ont pas forcément envie d’aller en ville, se rendent dans
les galeries marchandes pour acheter des vêtements et, à cette occasion, en profite pour faire des courses. En
réalité, la pratique devrait dire qu’il existe des clientèles autonomes : celle du supermarché et des petits
magasins. Les petits magasins profitent sans doute de la clientèle du supermarché, mais l’inverse est vrai
également.
Un glissement s’est produit et les critères ont évolué. Aujourd’hui, il est beaucoup plus facile pour les petits
commerces d’avoir une clientèle personnelle, et de se faire reconnaître le renouvellement du bail
commercial.
Au début, la jurisprudence avait tendance a refusé d’admettre l’autonomie de la clientèle. Dans les années
1970, elle exigeait que l’entreprise démontre l’existence d’une autonomie de gestion avec une clientèle
personnelle (Civ. 3e, 9 juillet 1979).
Petit à petit, la jurisprudence a évolué dans un sens plus favorable au commerçant individuel. La Cour de
cassation a ainsi retenu que la seule dépendance géographique ne suffisait pas à conclure nécessairement à
l’absence de clientèle personnelle. Sur ce point, des jurisprudences peuvent paraître contradictoires, car il
n’y a pas de position de principe : les critères sont appréciés souverainement par les juges, ou avec un
contrôle léger de la Cour de cassation.
L’autonomie de gestion : pour que la clientèle soit personnelle, encore faut-il que, préalablement, elle soit
autonome. Le caractère autonome de la clientèle est une condition préalable au caractère personnel. Pour
que la clientèle soit autonome, il faut que le commerçant, lui-même, jouisse d’une autonomie dans la gestion
de son fonds de commerce. La Cour de cassation a considéré, dans un premier temps, que le commerçant ne
pouvait pas profiter du bail commercial, s’il ne prend pas les décisions sur un certain nombre d’éléments
essentiels à la gestion du fonds de commerce. L’autonomie de gestion s’apprécie par rapport à un certain
nombre d’éléments, qui dépendent du fonds de commerce : ce n’est pas une liste limitative.
Ex : autonomie dans la fixation des prix, des horaires d’ouverture / de fermeture, les opérations de publicité,
l’alimentation en électricité ; local à part pour stocker le matériel. C’est un ensemble de critères matériels.
Cette jurisprudence a évolué. Un arrêt de principe de la troisième chambre civile du 5 février 2003 semble
avoir dégagé trois conditions cumulatives au bénéfice du bail commercial :
⁎ Local stable et permanent ;
⁎ Clientèle personnelle et régulière ;
⁎ Autonomie de gestion. En lisant l’arrêt, on a l’impression que c’est une condition distincte de la
condition de clientèle personnelle et qu’elle ne concernera que le statut des baux commerciaux. Pour
d’autres contentieux sur la clientèle, sans rapport avec le statut des baux commerciaux, on aurait
peut-être pas besoin de démontrer l’existence de ce critère.
La même année, un arrêt du 1er octobre reprend les mêmes critères.
Le critère de l’autonomie de gestion a été modifié par la Cour de cassation, qui l’a remplacée par l’absence
de contrainte incompatible avec le libre exercice de l’activité (Civ. 3e, 19 janv. 2005 ; 5 sept. 2012). Ce
changement de terminologie n’emporte pas un changement de critère. Pourquoi changer les termes alors ?
Il indique simplement un changement dans la charge probatoire. Pour l’autonomie de gestion, c’était au
commerçant de prouver qu’il avait, dans le cadre de l’exploitation de son fonds, une telle autonomie.
Désormais, c’est l’inverse, c’est le bailleur qui doit prouver que, le preneur subit des contraintes
incompatibles avec le libre exercice de son activité, s’il veut refuser le renouvellement pour défaut
d’autonomie de gestion. Si le bailleur n’apporte pas cette preuve, on considère que la condition est remplie.
Une question n’est pas tranchée parce que la Cour de cassation change d’avis d’une décision à une autre. La
question de l’autonomie de gestion est-elle indépendante par rapport à la clientèle ? Dans ce cas, l’absence
de ce critère suffit pour refuser le bail commercial (Civ. 3e, 5 sept. 2012 ; 23 juin 2016). Ou, il y a-t-il un lien
entre les deux ? Dans ce cas, l’absence d’autonomie de gestion entraîne l’absence de clientèle personnelle
(Civ. 3e, 15 oct. 2014).
Pendant longtemps, la Cour de cassation exigeait également du commerçant de prouver, une fois qu’il avait
prouvé le caractère personnel de sa clientèle, que la clientèle personnelle était prépondérante (dans le
chiffre d’affaires) (Civ. 3e, 27 nov. 1991). C’était assez délicat à démontrer… La Cour de cassation est
revenue sur ce dogme de l’unicité de la clientèle en faveur du fonds dominant. Elle considère désormais que,
dès lors qu’il existe une clientèle personnelle au profit d’un commerçant indépendant, il n’est pas nécessaire
qu’elle soit prépondérante par rapport à celle du commerçant principal (Civ. 3e, 19 mars 2003). On peut
aujourd’hui avoir une clientèle partagée : le fonds dominé peut profiter de la clientèle du fonds dominant. Il
suffit, pour qu’il ait droit au renouvellement du bail commercial, qu’il ait une clientèle propre attiré par les
seuls éléments de son fonds de commerce. Cet assouplissement traduit la disparition de l’hostilité à la
reconnaissance de la clientèle des fonds intégrés.
La question de la dépendance se pose aujourd’hui, de façon plus actuelle, concernant des entreprises qui
vendent sur internet. Certains petits vendeurs, pour se développer et se faire connaître, vendent par
l’intermédiaire d’une plateforme qui appartient à une autre entreprise (ex : cdiscount, la fnac, amazon) :
c’est le phénomène du marketplace. Ces petits commerces électroniques ont-ils une clientèle propre ? On
pourrait en douter sous prétexte qu’ils ont recours à ce marketplace. Mais, il faut, sur ce point, appliquer la
position récente de la Cour de cassation : le fait de recourir à un marketplace ne suffit pas à démontrer que
l’entreprise n’a pas de clientèle propre. Il faut certes qu’elle prouve l’existence d’une clientèle personnelle,
mais pas sa prépondérance. Il ne s’agit pas simplement pour ces petites boutiques de profiter de la clientèle
de ces géants, mais également de développer une clientèle propre.
La question de la dépendance s’est également posée pour un fonds de commerce sur le domaine public. On
s’est longtemps demander si un commerçant, qui exerce une activité sur le domaine public, peut y avoir une
clientèle propre, et donc un fonds de commerce propre. Le problème est qu’il intervient sur un espace
géographique particulier : le domaine public (ex : parc), et profite des clients qui se promènent sur ce
domaine public. Le Conseil d’Etat a longtemps considéré qu’il ne pouvait pas y avoir de fonds de
commerce, de clientèle personnelle sur le domaine public. La Cour de cassation retenait la solution inverse.
La loi Pinel a tranché : l’art. L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose
qu’« un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve d’une clientèle propre. »
Ce n’est pas automatique, mais c’est possible dès lors que le commerçant prouve qu’il a une clientèle
propre, qui vient s’approvisionner auprès de lui pour sa personne, et non l’emplacement.
L’intérêt juridique est moindre : reconnaître un fonds de commerce sur le domaine public ne permet pas
d’accorder un bail commercial sur le domaine public. En vertu du principe d’indisponibilité du domaine
public, il ne peut y avoir de bail commercial sur le domaine public. Le fonds de commerce sera exploité
simplement grâce une autorisation temporaire, une convention d’occupation précaire (art. L. 145-5-1, C.
com.).
Le statut des baux commerciaux demeure incompatible avec la domanialité publique, même lorsque la
dépendance fait l’objet d’un déclassement, ce changement de régime juridique n’étant pas suffisant par lui-
même pour transformer la concession en bail commercial. Dans un tel cas, la jurisprudence est catégorique :
à défaut d’intention novatoire des parties, la concession devient certes soumise au droit privé mais n’en
devient pas pour autant un bail commercial. La convention d’origine est reconduite, dans les conditions
prévues lors de sa formation et les droits de l’occupant ne peuvent rester que précaires (Civ. 3e, 16 juin
1959 ; Civ. 3e, 5 mars 1997 ; Civ. 1e, 17 oct. 2012).
Cette solution apparaît juridiquement fondée pour deux raisons.
La première est que la validité d’un contrat s’apprécie en principe au jour de sa formation. Ainsi, le
caractère fondé du motif de précarité ne doit pas s’apprécier au jour du déclassement mais à la signature de
la convention d’occupation précaire, c’est-à-dire à une époque où le bien était soumis au régime de la
domanialité publique et où existait un motif objectif de précarité.
La seconde raison tient à l’unique réserve formulée par la jurisprudence et qui a trait à l’intention novatoire
des parties : celle-ci « ne se présume point ; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte »
(art. 1273, C. civ.).

C – L’influence de la jurisprudence récente


La jurisprudence récente répond à des questions relatives aux nouvelles façons de faire le commerce. Ce
renouvellement des formes d’exploitation de l’entreprise s’est accompagné de nouvelles interrogations
concernant la notion de clientèle.
C’est notamment la technique de la distribution intégrée qui pose le plus de q. La difficulté est assez proche
de celle des galeries marchandes et de l’intégration matérielle de petits commerces. Pour les réseaux de
distribution, c’est davantage une question d’intégration juridique et économique d’une entreprise au sein
d’un réseau.
On va prendre l’exemple de la franchise. Un franchiseur, qui possède une marque, un savoir-faire, une
notoriété (locale ou nationale), peut les exploiter dans des établissements, ou au niveau local, en permettre
l’exploitation par des commerçants indépendants, les franchisés. Les franchisés vont exploiter un certain
nombre d’éléments, mis à disposition par le franchiseur, pour attirer la clientèle. Le problème est que ces
éléments attractifs n’appartiennent pas au franchisé. Mais, il va les mettre en œuvre de façon indépendante,
parce que le contrat de franchise le lui permet.
La Cour de cassation a reconnu la possibilité de démontrer l’existence d’une clientèle personnelle. Mais, elle
a, dans un premier temps, fait prévaloir la position du franchiseur, à qui elle reconnaissait la totalité de la
clientèle. Puis, la chambre commerciale a fait évoluer sa position, en admettant que le franchisé exploitait
personnellement une entreprise à ses risques et périls et qu’il pouvait donc, tout à fait, être titulaire d’une
clientèle propre et donc d’un fonds de commerce.
Cette évolution était essentielle parce que si, par principe, le franchisé ne fait qu’exploiter la clientèle du
franchiseur, quand il conclut un bail commercial, il n’aura jamais le droit au renouvellement. C’était, sur ce
point très problématique. Donc, dans un arrêt de principe du 27 mars 2002 (Trévisan), la troisième chambre
civile de la Cour de cassation affirme que « si une clientèle est, au plan national, attachée à la notoriété de la
marque du franchiseur, la clientèle locale n’existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé
[…] » ; « cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci
n’est pas le propriétaire de la marque, la clientèle est créée avec son activité, avec des moyens qu’il met en
œuvre à ses risques et périls. »
/!\ L’arrêt Trévisan ne dit pas que, d’une façon générale, tous les franchisés ont une clientèle personnelle.
Mais, il donne les critères qui vont permettre de démontrer l’existence d’une clientèle propre au franchisé. Il
ressemble à l’arrêt de 2003, qui abandonne le critère de la prépondérance.
L’arrêt reconnaît qu’il peut y avoir une coexistence entre la clientèle nationale (franchiseur) et la clientèle
locale (franchisé) ! séparation des clientèles.
Également, la Cour de cassation met en avant le fait que la clientèle locale est obtenue à la fois par des
moyens propres, et mis à disposition (bail commercial, marque, savoir-faire). Le commerçant n’en est pas
propriétaire mais c’est lui qui les met personnellement en œuvre localement. Il n’est pas forcément
nécessaire pour être titulaire d’une clientèle d’être propriétaire de tous les éléments attractifs. Le plus
important est de savoir qui les met en œuvre, et s’il a le droit de les mettre en œuvre (propriétaire, licence
d’exploitation…).
Il y a là une évolution de la jurisprudence : la clientèle n’est pas forcément liée à des éléments dont on est
propriétaire mais à des éléments que l’on a licitement exploités personnellement. Cette jurisprudence récente
est plutôt favorable au franchisé, qui va pouvoir, dans certains cas (appréciation in concreto), obtenir le
renouvellement du bail commercial.
Il faut tout de même remarquer que, même si le franchisé a une clientèle personnelle, toutes les autres
opérations ne vont pas être facilitées (, contrairement au bail commercial).
Concernant la cession du fonds de commerce, par exemple, les choses sont beaucoup plus complexes. La
plupart du temps, dans le contrat de franchise, des clauses contractuelles précisent que les moyens mis à
disposition ne peuvent pas être transmis au cessionnaire, sans accord du franchiseur. Le cédant d’un fonds
de commerce franchisé a intérêt à obtenir l’accord du franchiseur, sans quoi il va transmettre un fonds de
commerce sans licence d’exploitation. Dans ce cas, il est en tort vis-à-vis du cessionnaire : inexécution de
l’obligation de délivrance, transmission du fonds sans certains de ses éléments ou encore transmission d’un
fonds de commerce qui n’existe plus (vidé de sa substance, Ø élément attractif de la clientèle).
En présence d’une franchise ou d’une concession, la cession du fonds de commerce reste une opération très
complexe car elle nécessite, bien souvent, l’accord du franchiseur ou du concessionnaire.
L’existence du fonds de commerce est, d’un point de vue pratique, souvent menacée à la fin d’un contrat de
franchise (terme ou résiliation unilatérale). Dans le contrat de franchise, bien souvent, le franchisé s’engage,
au terme du contrat, à respecter une clause de non-concurrence, c’est-à-dire à ne pas exercer son activité
dans un rayon géographique (région donnée) pour une durée. A l’issue du contrat, le fonds de commerce est
censé toujours exister puisque le commerçant a développé une clientèle personnelle. Seulement, il s’est
engagé à ne pas exercer d’activité concurrente, à défaut de quoi il paiera des dommages-intérêts, et le
franchiseur pourra demander la fermeture de son fonds.
Dans certaines hypothèses, le franchiseur avait, lui-même, demandé la rupture du contrat, sans qu’aucune
faute n’ait été commise par le franchisé. Il faisait ensuite jouer la clause de non-concurrence et le franchisé,
qui pourtant n’était pas fautif, devait abandonner son activité commerciale. On trouvait la situation injuste
mais, en même temps, le franchiseur ne faisait qu’exercer son pouvoir discrétionnaire de résiliation du
contrat.
Dans un arrêt du 9 octobre 2007, la chambre commerciale de la Cour de cassation a trouvé un mécanisme
juridique pour indemniser le franchisé dans ce cas très particulier. Elle a estimé que lorsque le contrat de
franchise est rompu par le franchiseur, et ne dépend d’aucune faute du franchisé, l’ancien franchisé est
dépossédé de sa clientèle, et subit un préjudice, devant être indemnisé par le franchiseur. C’est assez
exceptionnel parce que le franchiseur, qui, pourtant n’a commis aucune faute, doit verser une indemnité au
franchisé. Pour justifier le versement de cette indemnité, la Cour de cassation avait visé l’anc. article 1371
du Code civil relatif au quasi-contrat. Elle avait créé un quasi-contrat sui generis pour assurer en équité, au
franchisé qui devait perdre son fonds de commerce, une indemnité.
Par deux arrêts du 23 octobre 2012, la chambre commerciale est revenue sur cette jurisprudence et refuse
désormais d’accorder une indemnité sur ce fondement. C’est assez dommage, parce que cette solution était
justifiée du point de vue de l’équité.
II – La protection de la clientèle
La clientèle est l’élément essentiel du fonds de commerce. Il est donc normal que le droit positif se
préoccupe de la protéger.
Comment peut-on protéger cette clientèle ? La clientèle est plus une finalité du fonds de commerce, qu’un
de ses éléments. Ce n’est pas un élément patrimonialisé, mais un fait juridique. Or, le droit ne peut pas agir
directement sur un fait juridique. Donc, si on souhaite la protéger, il faut agir sur les éléments attractifs de la
clientèle, qui sont dans le fonds de commerce.
Si l’on reconnaît des meubles incorporels comme l’enseigne, le nom commercial… c’est pour protéger
indirectement la clientèle. La propriété industrielle vise le même objectif : cette nouvelle forme de propriété
protège un certain nombre de signes de ralliement de la clientèle (ex : marque). Également, dans le bail
commercial, le législateur ne protège pas le preneur en tant que tel, parce qu’il est la partie faible du contrat,
mais l’entreprise (fonds de commerce + clientèle).
Ici, on ne va pas développer le régime de protection des éléments du fonds de commerce. D’autres questions
se posent, et on va principalement se demander si on peut protéger la clientèle d’un commerce contre les
agissements de ses concurrents. Si la clientèle était vraiment appropriée, ce devrait être possible. Mais, elle
n’est pas dans le patrimoine du commerçant : « elle est à tout le monde, elle appartient à qui sait la
prendre. » Cela explique que le droit positif doit respecter le principe de liberté de la concurrence, reconnu
et protégé à la fois par le droit français et le droit européen. Finalement, ce principe n’est lui-même que le
dérivé de la liberté du commerce et de l’industrie.
Il faut trouver un compromis. Conquérir la clientèle d’un autre commerçant est de la nature même du
commerce. C’est vrai que l’on peut créer un commerce pour capter une clientèle tout à fait nouvelle, parce
que le service est inédit. Mais, la plupart du temps, la clientèle captée appartenait auparavant à un autre
commerçant. D’un point de vue juridique, cela signifie que la captation de la clientèle d’autrui est un
dommage licite, c’est-à-dire qui n’est pas fautif et ne doit pas être indemnisé.
Néanmoins, ce principe de liberté du commerce connaît un certain nombre d’exceptions, d’origine légale ou
conventionnelle. On peut mettre en place des mécanismes pour protéger la clientèle d’un commerçant,
contre l’activité de ses concurrents.
A – La protection conventionnelle de la clientèle
Le principe est celui de la libre concurrence. Il a, notamment, une valeur constitutionnelle.
Pour autant, c’est un principe à géométrie variable. Dans certaines hypothèses, sous certaines conditions, la
convention peut y faire échec. Les clauses d’un contrat peuvent y porter atteinte dans une certaine mesure.
Un acteur économique peut tout à faire s’engager à s’abstenir de certaines activités (civiles, commerciales,
salariés), de façon à ne pas concurrencer son cocontractant. C’est la question de la clause de non-
concurrence.
1 – Le domaine des clauses de non-concurrence
En matière commerciale, on peut trouver des clauses de non-concurrence dans un grand nombre de contrats.
Dans certaines hypothèses, la clause de non-concurrence fait double emploi avec une disposition légale. Un
effet, très proche d’une clause de non-concurrence, est déjà attaché au contrat.
Dans le contrat de location-gérance du fonds de commerce, le propriétaire loue son fonds de commerce à un
locataire-gérant. Puisqu’il loue le fonds de commerce, avec une clientèle, le propriétaire s’engage à ne pas
faire concurrence au locataire-gérant pendant la durée du bail. Un effet très proche de la clause de non-
concurrence est induit par le contrat de location-gérance.
Cela vaut aussi pour la vente du fonds de commerce. L’objet de cette vente est particulier : le fonds de
commerce, qui n’existe que s’il parvient à attirer une clientèle. La création, par le cédant, d’une nouvelle
entreprise pour capter son ancienne clientèle est, là encore, incompatible avec son engagement. Également,
le cédant est tenu d’une garantie d’éviction du fait personnel. A ce titre, il ne peut se rétablir en face du
cessionnaire et lui fait concurrence.
Ici, on pourrait se dire que l’on n’a pas besoin d’une clause de non-concurrence, puisque ces contrats
produisent des effets très proches. Elle semble sans objet.
Pourtant, la clause de non-concurrence présente des intérêts. Quand on met en œuvre la garantie d’éviction,
c’est le juge qui en apprécie la portée, et conclut, ou non, au non-respect de la garantie. La clause de non-
concurrence permet justement de préciser la portée de la garantie : les limites sont déterminées (un secteur,
une durée). La clause est, en plus, potentiellement plus large que la garantie légale d’éviction. Ces deux
garanties sont autonomes. On pourra, selon le cas, préférer agir sur le fondement de la garantie légale ou la
garantie contractuelle. Si la garantie conventionnelle est annulée, l’acquéreur peut encore invoquer la
garantie légale. La garantie d’éviction subsiste.
L’article 1628 du Code civil dit que la garantie d’éviction est d’ordre public, quelle que soit la garantie des
parties : les parties ne peuvent l’écarter. Renoncer à sa garantie conventionnelle, ne veut pas dire renoncer à
la garantie légale.
Dans d’autres hypothèses, une clause de non-concurrence est insérée dans un contrat, pour lequel la loi n’a
prévu aucun effet équivalent.
Contrairement à la cession de fonds de commerce, la cession de droits sociaux n’emporte pas garantie
d’éviction. Il en existe certes une, mais ses effets sont bien moindres car on considère que la vente ne porte
pas sur l’entreprise mais sur des droits, biens objet de propriété. L’intérêt d’insérer une clause de non-
concurrence, dans une cession de droits sociaux, est d’aligner les solutions en matière de cession
d’entreprise (individuelle ou société).
On peut aussi mettre à la charge des associés d’une société une clause de non-concurrence dans les statuts :
aussi longtemps qu’ils sont associés ; ou un certain temps, après qu’ils aient quitté la société.
La jurisprudence a admis la stipulation d’une clause de non-concurrence dans un règlement de copropriété,
si c’est justifié par la destination de l’immeuble.
Enfin, normalement dans le bail commercial est prévu une garantie d’éviction (art. 1619, 3°, Code civil).
Mais, cette garantie a un domaine spécifique. Le bailleur, propriétaire d’un immeuble avec plusieurs locaux,
peut valablement donner à bail un local à un commerçant A puis, quelque temps après, à un commerçant B,
qui exerce la même activité. En effet, la jurisprudence considère, de façon stable, que la garantie d’éviction,
dans le cadre du bail, impose au bailleur de garantir, au preneur, la jouissance libre et paisible des lieux
loués, mais pas d’assurer le bénéfice d’une exclusivité dans l’immeuble. On prévoit donc, fréquemment, une
sorte de clause de non-concurrence : le bailleur promet au preneur qu’il lui assurera l’exclusivité. En
contrepartie, quand il y a plusieurs locaux commerciaux, le preneur doit, quoi qu’il arrive, respecter l’objet
du bail, et ne pas concurrencer les autres exploitants qui ont un bail spécialisé. Il n’est pas question de
concurrence entre eux, mais entre le preneur et les autres locataires. Cela ressemble à la clause de non-
concurrence, même si, d’un point de vue structurel, c’est un peu différent.
2 – Les conditions de validité des clauses de non-concurrence
On peut déroger au principe de liberté du commerce et de l’industrie. Mais, dans une certaine limite. Ce
cadre a été principalement posé par la jurisprudence.
Ce système a été construit par strate par la jurisprudence.
La clause de non-concurrence doit d’abord préciser les activités interdites. L’objectif est que le débiteur de
la clause de non-concurrence ne vienne pas concurrencer le créancier mais pas qu’il ne puisse plus exercer
une activité professionnelle. La clause doit être précise sur ce point.
Ensuite, l’interdiction doit être limitée dans le temps ou dans l’espace. En pratique, les clauses sont limitées
dans le temps et dans l’espace : on a tendance à cumuler. La jurisprudence dit souvent qu’il faut désormais
que la clause soit limitée dans le temps et l’espace. Seulement, la Cour de cassation n’a pas rendu d’arrêt de
principe, affirmant que l’exigence est valable pour toutes les clauses de non-concurrence.
Ex 1 : pour le contrat de travail, par exemple, la clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace.
Ex 2 : en droit commercial, pour la cession de droits sociaux, la Cour de cassation a décidé que, lorsqu’elle
prévoyait une clause de non-concurrence, celle-ci devait être limitée dans le temps et dans l’espace.
Ex 3 : la même solution a été retenu pour une cession de fonds libéral.
Ex 4 : la clause de non-concurrence post-contractuelle, dans un contrat de franchise, doit, là encore, être
limitée dans le temps et dans l’espace.
Il est donc très probable que ce cumul des conditions, dans le temps et dans l’espèce, soit applicable à toutes
les hypothèses de clauses de non-concurrence.
On n’a jamais eu d’arrêt de principe, parce que la jurisprudence a développé, plus récemment, un troisième
critère, qui est sans doute le principal. Elle exige que l’obligation de non-concurrence soit proportionnée,
au regard des intérêts de l’entreprise créancière et des obligations qui pèsent sur le débiteur. Cette condition
n’est pas complètement autonome, car la Cour de cassation, quand elle apprécie la proportionnalité, reprend
les éléments sus-évoqués : activité(s) interdite(s), limite dans le temps, dans l’espace. La Cour se livre, en
fait, à un contrôle global : elle va vérifier que les trois éléments, pris ensemble, participent d’une
interdiction acceptable pour le débiteur et proportionnée aux intérêts du créancier.
La clause ne doit pas supprimer toute possibilité pour le débiteur d’exercer une activité professionnelle,
parce que c’est un droit essentiel. Elle ne doit pas être trop large.
Il convient d’un côté de protéger le débiteur, et de l’autre, qu’elle soit indispensable pour protéger la
clientèle du créancier.
Une dernière condition est prévue par la jurisprudence mais ne s’applique pas en droit commercial. En
droit du travail, la jurisprudence a exigé que la clause de non-concurrence comporte une contrepartie
financière, versée à la fin du contrat. Empêcher une personne d’avoir une activité salariée est assez
dangereux, donc nécessite une protection plus importante (déséquilibre manifeste).
Parfois, la loi peut fixer des limites concernant certaines clauses de non-concurrence spécifiques. L’art. L.
341-1-2 du Code de commerce interdit les clauses de non-concurrence post-contractuelles, pour les réseaux
de distribution, de commerce de détail, visés à l’art. L. 341-1-1, sauf si certaines conditions spécifiques sont
respectées. Par exemple, on pourra interdire d’exercer le même commerce mais uniquement dans les mêmes
locaux (art. L. 341-1-2). Cet article n’est pas de portée générale mais ne concerne que certains contrats.
3 – Les sanctions en cas de non-respect des clauses de non-concurrence
Les sanctions de droit commun :
En cas d’inexécution, on peut d’abord demander des dommages-intérêts, au titre de la responsabilité
contractuelle. On peut prévoir, en plus, une clause pénale en cas d’inexécution de la clause de non-
concurrence. C’est d’ailleurs assez courant.
On peut ensuite demander une réparation en nature c’est-à-dire demander au juge la cessation de l’activité
par une injonction prononcée potentiellement sous astreinte. On peut même demander en référé la
suspension de l’activité.
On pourra encore demander la résiliation ou la résolution, selon le type de contrat.
Les sanctions particulières :
Le non-respect de la clause de non-concurrence peut, dans certains cas, entraîner la mise en œuvre de la
responsabilité délictuelle.
Deux hypothèses :
⁃ Le tiers, à qui l’inexécution cause un dommage, peut engager la responsabilité extracontractuelle du
débiteur de la clause de non-concurrence (Civ. 3e, 13 juil. 2010). Le bailleur loue deux locaux dans le
même immeuble, et accorde l’exclusivité à chaque des commerçants, qui s’engagent à ne pas
concurrencer les autres commerçants de l’immeuble. Il n’y a pas de relation contractuelle entre les
deux commerçants. Mais, en même temps, ces commerçants se sont engagés à ne pas exercer
d’activités concurrentielles. Si le commerçant A change d’avis et exerce une autre activité, le
commerçant B pourrait demander réparation du dommage causé par l’inexécution de la clause sur le
fondement délictuelle. C’est la responsabilité délictuelle du fait de l’inexécution d’un contrat (Ass.
plén., 6 oct. 2006).
/!\ L’exercice du droit à la déspécialisation n’est pas constitutif d’une violation de l’obligation de
non-concurrence.
⁃ Le tiers, qui participe activement et délibérément à la violation d’une clause de non-concurrence,
peut être responsable, sur le terrain délictuel, de l’inexécution d’une clause de non-concurrence.
C’est le cas notamment de l’employeur, qui va débaucher le salarié d’un concurrent, en connaissance
de la clause de non-concurrence post-contractuelle.
La clause de non-concurrence est toujours intégrée dans le fonds de commerce. Elle est transmise avec le
fonds, uniquement à titre actif (du côté du créancier). Si A cède son fonds de commerce à B, en lui
accordant une clause de non-concurrence, et que B cède le fonds à C, C récupère automatiquement la clause
de non-concurrence contre A (théorie des chaines de contrats homogènes).
Qu’en est-il des transmissions à titre passif ? = si l’on se place du point de vue du débiteur de la clause de
non-concurrence. La clause de non-concurrence est transmise, de façon passive, aux héritiers du débiteur de
la clause. En revanche, la transmission, à titre passif, à ayant-cause à titre particulier du débiteur n’est pas
possible (Com., 1er avr. 1997 ; 11 mars 2014).
Ex : A, qui a un fonds de commerce, s’engage à ne pas concurrencer B. Un an plus tard, A cède son fonds de
commerce à C. C décide d’étendre son activité et de développer des activités, que A s’était interdit
d’exploiter dans le cadre de la clause de non-concurrence. La jurisprudence considère que B ne peut pas se
retourner contre C.
On l’a vu, le passif ne peut pas faire partie du fonds de commerce. Donc, quand on transmet le fonds de
commerce, on transfère l’actif mais pas le passif. Par conséquent, une clause de non-concurrence ne peut pas
être transmise, à titre passif, avec le fonds.
B – La protection légale de la clientèle
Le terme « légal » s’entend très largement, par opposition à « contractuel ».
On l’a dit, pour protéger la clientèle, la loi protège ses éléments attractifs. Par exemple, l’objectif de la
protection accordée dans le cadre du bail commercial est de protéger la clientèle du fonds de commerce.
C’est d’ailleurs une condition de cette protection.
Il en va de même pour la propriété industrielle.
Le principe est celui de la liberté du commerce. Mais, le droit positif prévoit des exceptions à ce principe.
Il faut distinguer au sein des exceptions légales :
‣ Les exceptions légales stricto sensu ;
‣ Les exceptions jurisprudentielles, qui s’appuient formellement sur la loi mais forment aujourd’hui un
système spécifique et autonome. Historiquement, c’est la jurisprudence qui est d’abord intervenue
pour moraliser l’activité commerciale et protéger la clientèle.
La perte de la clientèle n’est normalement pas indemnisable : c’est un préjudice licite. Simplement,
la jurisprudence a estimé qu’un certain nombre de pratiques constituait des abus du droit d’exercer le
commerce. A partir de ce moment, la jurisprudence a mis au point le système de l’action en
concurrence déloyale, qu’il faut distinguer de la concurrence illégale, prohibée par la loi.
Au départ, il n’y avait que la concurrence déloyale. Mais, progressivement, le législateur est intervenu et a
créé des hypothèses spécifiques de concurrence illégale, dans le cadre du droit de la concurrence, du droit de
la distribution et du droit de la consommation (ex : interdiction des ventes avec prime, des ventes à perte, de
la publicité mensongère…).
La concurrence illégale se développe et vient, petit à petit, se substituer à la concurrence déloyale.
Également, dans certaines hypothèses, les deux systèmes s’appliquent : on a le choix.
Illustration du glissement de la concurrence illégale sur le terrain de la concurrence déloyale :
La loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires a alimenté des discussions. Elle
protège le savoir-faire et des informations commerciales, le secret des affaires. Le nouvel art. L. 151-1 du
Code de commerce définit le secret des affaires. C’est une information, qui doit répondre à trois critères
cumulatifs :
◦ L’information n’est pas, en elle-même, généralement connue ou aisément accessible pour les
personnes familières à ce type d’informations ;
◦ L’information revêt une valeur commerciale potentielle ou effective du fait de son secret(, qu’elle
perdrait si elle devenait publique) ;
◦ L’information fait l’objet de la part de son détenteur de mesure légitime, raisonnable de protection,
compte tenu des circonstances pour en conserver le caractère secret.
Si les trois conditions sont réunies, l’information est un secret des affaires, qui bénéficie d’une protection
légale. Le texte prévoit des sanctions spécifiques en cas d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite
du secret. Le juge peut alors prescrire des mesures conservatoires, pour empêcher des atteintes à ce secret et
prononcer des dommages-intérêts en cas d’atteinte au secret des affaires.
Normalement, en droit de la responsabilité, on ne peut indemniser que le préjudice subi. Plusieurs voix se
sont élevées pour que l’on puisse aussi condamner, dans certains contentieux, la faute lucrative. Ex : une
personne, commet une faute qui coûte X € à une entreprise. En la commettant, elle gagne Y €. Si on fait
jouer, les mécanismes traditionnels de la responsabilité, celui qui forme l’action en responsabilité ne pourra
qu’obtenir X € de dommages-intérêts. Le problème est que cela reste bénéfique pour celui qui a commis la
faute, dès lors que le profit est supérieur aux dommages-intérêts.
Certains auteurs disent que le système de responsabilité n’empêche pas certains comportements
répréhensibles, parce que celui qui gagne plus que l’autre ne perd, est gagnant, même s’il est condamné.
Donc, on voudrait mettre en place, lors de la réforme de la responsabilité, des dommages-intérêts punitifs (>
dommage(s) causé(s)) ou une faute lucrative (, qui permet d’augmenter les dommages-intérêts).
La faute lucrative est prévue dans le cadre de la protection légale du secret des affaires. Le juge a, dans ce
cas-là, le droit de prendre en compte les conséquences de la faute lucrative, et donc d’être les dommages-
intérêts à un montant égal aux bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte. Le juge peut également exiger le
paiement d’une somme forfaitaire qui tient compte des droits qui auraient été dus, si l’auteur de la faute
avait demandé l’autorisation d’utiliser le secret des affaires. C’est une sanction particulière, très intéressante.
Avant, cette protection du secret des affaires était assurée par l’action en concurrence déloyale. Elle peut,
aujourd’hui encore, être garantie par le droit de la concurrence déloyale, notamment si les conditions ne sont
pas remplies.
On ne développera ici que la construction jurisprudentielle des actions en concurrence déloyale. Puisqu’il
n’y avait pas de textes pendant très longtemps, la jurisprudence a dû s’appuyer sur le droit commun de la
responsabilité délictuelle (art. 1240 et s. ; anc. art. 1382 et s., Code civil).
La doctrine distingue aujourd’hui deux types d’actions : les actions en concurrence déloyale et le parasitisme
(très proche). Désormais, ces deux actions se rapprochent très fortement.
1 – Les actions en concurrence déloyale
L’action en concurrence déloyale est une application du droit commun de la responsabilité délictuelle.
L’objectif est de sanctionner des comportements fautifs, qui ont pour conséquence l’atteinte à une clientèle
d’un commerçant.
Les trois éléments de la responsabilité délictuelle sont la faute (a), le préjudice (b) et le lien de causalité (c).
a – La faute
L’action en concurrence déloyale suppose la démonstration d’une faute. En principe, un agissement
concurrentiel est non fautif. C’est le principe même de la liberté d’entreprise. Mais, l’usage de procédés
abusifs, pour faire concurrence peut être constitutif d’une faute.
La faute n’a pas à être intentionnelle. C’est une faute classique appréciée in abstracto.
Plusieurs fautes peuvent engager une action en concurrence déloyale. La liste n’est pas limitative. Mais, en
pratique, on retrouve, peu ou prou, les mêmes fautes :
• L’imitation d’un concurrent (sur le nom commercial, l’enseigne, les produits ou services offerts)
pour capter une partie de sa clientèle. Cette imitation entraine une confusion dans l’esprit de la
clientèle, qui va s’approvisionner auprès de ce commerçant, en pensant que c’est la même entreprise.
Il faut, au préalable, une forme de concurrence entre les deux commerçants. Dans des hypothèses, on a
refusé les actions en concurrence déloyale parce que, malgré l’usage d’un même nom etc., les deux
entreprises avaient des clientèles géographiquement distinctes.
Ex : un commerçant a un commerce à Bordeaux ; un commerçant tient un commerce similaire à Lille. Il n’y
aura pas de perte de clientèle pour l’un comme pour l’autre car les clientèles sont totalement autonomes et
ne se croisent pas. On aurait pu agir, ici, plutôt sur le parasitisme.
Cela dit, la Cour de cassation a pu rappeler que la protection peut jouer dans le cas où on a d’un côté une
clientèle nationale et de l’autre une clientèle locale. Si les clientèles ne sont pas de même taille, elles
peuvent se recouper localement.
L’action est sans intérêt si, par ailleurs, on peut former une action en contrefaçon (dépôt de la marque),
beaucoup plus efficace. Parfois, on intente l’action en contrefaçon, qui peut être refusée (absence d’une
condition). Dans ce cas, on précise, dans la demande en justice, qu’en cas de refus, il demeure une action
subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale.
Par exemple, l’originalité d’un produit qui va être exigée dans le cadre de la marque, ne le sera pas dans le
cadre d’une action en concurrence déloyale.
• Le dénigrement : tenir des propos péjoratifs sur le concurrent, ou des biens / services du concurrent.
Plusieurs conditions sont exigées au titre du dénigrement :
▪ Le caractère péjoratif des propos ;
▪ La publicité des propos ;
▪ L’identification du concurrent ou des produits du concurrent dans les propos en question.
On s’en est longtemps servi pour limiter ou interdire la publicité comparative. Mais, désormais, la
publicité est réglementée par un article du droit de la consommation, qui l’autorise sous certaines
conditions.
• La désorganisation de l’entreprise : porter atteinte à l’organisation interne d’un concurrent.
Plusieurs façons de faire :
▪ Divulguer les secrets de fabrique du concurrent ;
▪ La plus connue : le débauchage de salariés. C’est difficile de montrer son caractère illicite,
parce que le principe est qu’un salarié a le droit de changer d’employeur, en vertu de la
liberté du travail. Pour la Cour de cassation, la circonstance d’engager le salarié d’un
employeur concurrent n’est pas, en elle-même, constitutive d’une concurrence déloyale. Pour
qu’il y ait concurrence déloyale, il faut qu’en plus les salariés en cause accomplissent des
actes positifs de détournement de la clientèle, du transfert de savoirs ou de dénigrement.
Par ailleurs, si le concurrent débauche un salarié, en sachant qu’il y a, dans son contrat de
travail, une clause de non-concurrence, il se rend complice de la violation d’une clause de
non-concurrence. Il faut prouver que le concurrent avait une connaissance effective et précise
de cette clause, ce qui n’est pas évident…
• La désorganisation du marché : l’atteinte porte préjudice à tous les concurrents sur le marché.
Aujourd’hui, on ne s’en sert plus car la loi a prévu des dispositions spéciales (ex : la revente à perte,
qui indirectement permet d’éliminer les concurrents qui ont le moins de ressources sur le marché).
b – Le préjudice
Normalement, le préjudice est une atteinte à la clientèle. Deux possibilités :
▫ La perte actuelle de la clientèle. L’action a causé une baisse de la clientèle. Pour prouver cette baisse,
on met, généralement, en évidence une diminution des chiffres d’affaires.
▫ Mais également, l’action peut avoir empêché une augmentation de la clientèle. L’atteinte concerne
alors une clientèle future ou potentielle. On est plus sur une perte de chance. Même dans ce cas-là, ce
préjudice peut être réparé.
Pendant très longtemps, la Cour de cassation a exigé que les actions en concurrence déloyale soit
caractérisée par une situation de concurrence entre les deux entreprises. Une partie de la doctrine a dit que
c’était lié à la faute, alors qu’une autre considérait que c’était une condition supplémentaire. Pour le
professeur, cette exigence était liée au préjudice, parce que, d’une certaine façon, comment expliquer une
atteinte à la clientèle, si les commerçants ne sont pas en situation de concurrence ?
La Cour de cassation a opéré un revirement et retient désormais que la situation de concurrence directe ou
effective n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale. Elle exige seulement des faits fautifs
générateurs d’un préjudice (Com. 12 fév. 2008 ; 25 mars 2014). Cela ne signifie pas que la situation de
concurrence n’aura pas de conséquences : en l’absence de concurrence, il sera difficile d’expliquer que
l’action de l’autre entreprise a entraîné une perte de clientèle. Ce sera le cas uniquement, lorsque l’action de
l’autre entreprise aura entrainé une atteinte à l’honneur du commerçant.
La Cour de cassation accepte d’indemniser d’autres préjudices, comme le simple préjudice moral.
Il faut remarquer qu’il est difficile de prouver le préjudice. Comment montrer une atteinte à la clientèle, qui
est un fait juridique ? La baisse du chiffre d’affaires peut avoir beaucoup de causes…
Consciente de cette difficulté, la Cour de cassation a assoupli sa jurisprudence concernant la preuve du
préjudice. La jurisprudence est tellement bienveillante que parfois elle a recours à une sorte de présomption
de préjudice, par le concept du trouble commercial.
La Cour de cassation dit, par exemple, que « les faits de concurrence déloyale, générateur d’un trouble
commercial, implique l’existence d’un préjudice. » Il y aurait forcément un préjudice.
Également, elle affirme qu’un « trouble commercial s’infère nécessairement d’un acte de concurrence
déloyale. »
Le problème est que la Cour de cassation n’a jamais défini le trouble commercial. C’est une notion
extrêmement vague, malléable par les juges. Cela sert, en réalité, d’instrument en équité, dans une situation
d’injustice, pour laquelle on n’arrive pas à prouver le préjudice. La notion n’étant pas définie, cela relève
très largement de l’appréciation des juges.
c – Le lien de causalité entre la faute et le préjudice
Le lien de causalité entre la faute et le préjudice est ce qu’il y a de plus complexe à démontrer. Comment
démontrer de façon certaine que la baisse du chiffre d’affaires est liée à la faute en question, et non à une
mauvaise gestion, ou au marché ? Il y a tellement de causes probables, que c’est impossible à prouver.
C’est pour cela que la jurisprudence est, en la matière, très conciliante. La plupart du temps, la Cour de
cassation donne le moyen aux juges du fond de présumer le lien de causalité.
Encore une fois, un trouble commercial (préjudice) s’infère (lien de causalité) nécessairement d’un acte de
concurrence déloyale. Lorsque l’on considère que c’est équitable, on utilise, à nouveau, le trouble
commercial. ! Ce dernier sert à la fois à présumer le préjudice et le lien de causalité.
d – La sanction
Si les trois conditions sont réunies, on peut sanctionner l’auteur des faits délictueux.
On peut tout d’abord demander des dommages-intérêts en matière délictuelle. Le problème est qu’ils doivent
respecter le principe de la réparation intégrale : tout le préjudice, rien que le préjudice. On ne peut, pour
l’instant, pas recourir à la faute lucrative ou aux dommages-intérêts punitifs, même si l’on démontre que
l’auteur de l’acte s’est enrichi d’un montant supérieur au préjudice.
Les cours d’appel, qui fixent le montant des dommages-intérêts sur le montant de l’enrichissement, et non
du préjudice, sont censurées par la Cour de cassation. Pour ne pas encourir la cassation, il suffit à la cour
d’appel de dire qu’elle ne regarde que le préjudice et de l’évaluer à la hausse. Il faut savoir que les juges du
fond évaluent souverainement le montant du préjudice.
Enfin, le juge peut prévoir une réparation en nature et exiger, par exemple, la fermeture du magasin ou
l’arrêt des pratiques commerciales déloyales. Pour ce faire, il peut prononcer une injonction de faire, avec ou
sans astreinte.
Le juge peut aussi être saisi en référé, pour prendre des mesures conservatoires ou de mise en état, qui
s’imposerait pour empêcher un dommage imminent ou, au contraire, faire cesser un trouble manifestement
illicite, avant le jugement au fond.
2 – Le parasitisme
On l’a dit, jusqu’à récemment, l’action en concurrence déloyale supposait que les deux entreprises soient en
concurrence.
Que se passe-t-il lorsque l’on est en présence d’un comportement répréhensible mais que les entreprises ne
sont pas en concurrence ? La question se pose principalement pour un type de faute : l’imitation, entraînant
la confusion, mais dans un domaine différent, ce qui fait que l’auteur de l’imitation ne peut capter la
clientèle de celui qui a inventé le nom ou la forme des produits. Une entreprise dite parasite prend les idées
d’une entreprise, qui n’intervient pas dans le même secteur, et profite indûment des efforts, des
investissements financiers et de la notoriété de l’autre entreprise.
La Cour de cassation définit le parasitisme économique comme : « l’ensemble des comportements, par
lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de
ses efforts et de son savoir-faire » (Com., 26 janv. 1999). Également : « c’est l’appropriation déloyale du
travail d’autrui ou l’utilisation fautive de techniques propres au concurrent. »
La Cour de cassation a récemment décidé que cette action ne nécessite pas que l’agent économique se situe
dans une relation de concurrence directe avec celui qu’il qualifie de parasite.
L’action en parasitisme divise la doctrine. Une partie considère que c’est un type particulier de concurrence
déloyale. Une autre partie dit que le parasitisme est une construction distincte.
En réalité, le rapprochement est de plus en plus certain. Les comportements d’imitation sont des fautes que
l’on peut retrouver dans la concurrence déloyale et le parasitisme. S’il n’y a pas de concurrence entre les
entreprises, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de préjudice. Quel est-il ? Ce peut être une
atteinte à l’image de l’entreprise, à sa notoriété… En matière de parasitisme, la jurisprudence est, à nouveau,
très bienveillante dans l’examen du préjudice et du lien de causalité. Là aussi, souvent, on les présume. La
Cour de cassation a pu dire que l’« acte de parasitisme génère nécessairement un préjudice, fût-il moral. »,
même si, comme pour l’action en concurrence déloyale, elle rappelle, parfois, qu’il faut démontrer une
faute, un préjudice et un lien de causalité.
La difficulté pour l’action en parasitisme, encore plus que pour la concurrence déloyale, concerne
l’interdiction de prendre en compte la faute lucrative. Dans le parasitisme, il n’y a pas d’atteinte à la
clientèle, et donc pas ce préjudice-là. Et, à l’inverse, l’entreprise qui a un comportement parasite peut gagner
beaucoup d’argent. On verra, si, dans le droit commun, après la réforme, on prend en compte la faute
lucrative / les dommages-intérêts punitifs, auquel cas l’action en parasitisme sera beaucoup plus efficace.
La distinction entre l’action en concurrence déloyale et l’action en parasitisme, en tant qu’actions
autonomes, perd ses fondements en droit positif.
Dans un arrêt du 25 mars 2014, la jurisprudence a supprimé la condition de concurrence entre les entreprises
pour l’action en concurrence déloyale. Dans le même temps, la chambre commerciale a considéré dans un
arrêt du 5 nov. 2011 que l’action en parasitisme ne nécessite pas la preuve de l’absence de concurrence entre
les parties. On peut former une action en parasitisme, même quand on est en situation de concurrence.
Dans la mesure où, en plus, l’imitation est une faute commune aux deux actions, et où on présume de la
même façon le préjudice et le lien de causalité, il y a une rapprochement étroit dans le régime juridique des
deux actions.
! Même s’il y a une spécificité du parasitisme, on ne peut pas dire qu’il y a une spécificité de l’action
fondée sur le parasitisme.
Section 3 – Le bail commercial
Normalement, la clientèle et le bail commercial devraient être vus dans la structure du fonds de commerce,
mais on les met à part parce qu’il y a énormément de choses à dire à leur sujet.
L’immeuble, en tant que bien objet de propriété, ne fait pas partie du fonds de commerce. Il n’est pas
impossible que le commerçant soit propriétaire de son immeuble. Mais, la plupart du temps, il n’est pas
propriétaire des murs, du local dans lequel il exploite son fonds de commerce : parce qu’il n’en avait pas
envie, qu’il n’en avait pas les moyens, ou qu’il a pu le dissocier juridiquement de son activité.
Celui qui achète son local commercial décide parfois de le dissocier, pour pas qu’il soit confondu avec le
fonds de commerce.
Ex : des personnes forment une société commerciale et veulent exploiter un fonds de commerce. Elles créent
une société civile immobilière qui va acheter l’immeuble et le louer à la société commerciale d’exploitation.
Les associés ont deux sociétés. Dès le départ, quelqu’un a de l’argent à investir dans une société : il investit,
pour une partie de l’activité dans une société d’exploitation, et pour une autre partie, achète un immeuble. Si
la SCI n’a pas les fonds, elle peut aussi emprunter la somme d’argent et acheter l’immeuble. Ce n’est pas
forcément de l’argent des associés.
Cela présente un intérêt fiscal : les charges sont déductibles sur la société civile immobilière. Mais aussi un
intérêt juridique : si la société commerciale d’exploitation est en faillite, et qu’elle est propriétaire de
l’immeuble tout est perdu. Par contre, s’il est dans la SCI, il n’y aura pas normalement d’extension de la
procédure à la SCI et les associés conserveront l’immeuble à travers la SCI.
Bien souvent, le commerçant n’est pas propriétaire de l’immeuble et recourt à une location par le bail
commercial. C’est un contrat essentiel car si le local est bien situé, il permet de capter la clientèle de
passage, et fidéliser la clientèle habituelle. Le législateur a décidé de le soumettre à une règlementation
particulière.
Le bail commercial n’a pas toujours existé. Il fut un temps où les commerçants concluaient des baux civils :
la durée du bail est librement fixée par les parties ; à l’expiration du bail, le propriétaire n’est pas obligé
d’accorder le renouvellement. Mais, cela conduisait à des abus pour obtenir des augmentations de loyer
indues : refus de renouveler, sauf à ce que le loyer soit doublé ou parce que quelqu’un en offrait plus. La
situation était injuste parce qu’elle menait à la perte de la clientèle, d’autant que le commerçant avait parfois
investi pour l’attirer.
Un régime protecteur a donc été mis en place par la loi 30 juin 1926, qui a créé le droit au renouvellement.
Le décret-loi du 30 sept. 1953 l’a remplacée, et est désormais codifié aux art. L. 145-1 et s. et R. 145-1 et s.
du Code de commerce. Malgré des modifications, c’est toujours le texte de référence.
Ce texte donne un statut particulièrement protecteur au bail commercial. Ce n’est pas parce que le preneur
est la partie faible au contrat. S’il arrive, en effet, que le preneur soit la partie faible (petits-commerçants), ce
n’est pas toujours le cas.
Mais alors qu’est-ce qui justifie l’existence ce statut protecteur, dès lors qu’on ne présume pas la qualité de
partie faible du preneur ? En plus, l’idée de partie faible n’existait pas au XIXe : présomption d’égalité entre
les parties.
Le bail commercial est essentiel parce qu’il permet de protéger le fonds et d’attirer la clientèle. Ce qu’on
veut protéger, c’est une clientèle et donc une entreprise. On protège l’action bénéfique qu’à une entreprise
qui prospère sur la société. C’est, de ce point de vue, de l’ordre public de direction plus que de protection.
On protège un élément essentiel de la clientèle.
On parle de « propriété commerciale ». Bien que ce terme soit inexact du point de vue juridique : le
bénéficiaire du bail commercial a un droit personnel, et non réel. Le preneur est protégé, de telle façon
qu’il est difficile de lui refuser le renouvellement du bail. La contrainte est tellement importante que l’on
parle de propriété commerciale.
Quand le bail commercial arrive à son terme, le preneur peut demander le renouvellement, et si le bailleur le
refuse, il doit lui verser une indemnité. Le montant de l’indemnité est ≈ à la valeur du fonds de commerce.
Or, il est des hypothèses où le fonds de commerce a une valeur bien supérieure à celle de l’immeuble. Le
bailleur préfère donc avoir recours au renouvellement.
Une partie de la doctrine considère que le statut du bail commercial protège trop les locataires. Mais, le
bailleur, qui accorde un bail commercial, a conscience de l’importance de la protection et va donc fixer un
loyer qui intègre cette contrainte juridique. Le loyer du bail commercial est supérieur à celui du bail civil.
Donc, globalement, on atteint un équilibre.
Quand on regarde la loi, le contrat de bail commercial n’est soumis à aucune règle de forme. On peut le
conclure librement, par acte sous seing privé ou par acte notarié, et il n’y a pas de mentions obligatoires.
L’écrit en lui-même n’est pas exigé. Donc, en théorie, dans un contrat conclu entre deux commerçants, on
pourrait prouver un bail commercial par tout moyen. Il faut tout de même faire attention sur cette question.
En dépit de sa dénomination, le bail commercial n’est pas un acte de commerce par nature. Mais, il peut
devenir un acte de commerce par accessoire : devient commercial pour le locataire commerçant, mais pas
forcément pour le bailleur. Si le bailleur est un particulier, l’acte est mixte. Également, il peut être qualifié
d’acte de commerce par extension.
Dans les faits, comme c’est un contrat complexe, la plupart du temps, un écrit est rédigé. L’hypothèse où on
devra prouver un bail commercial sans écrit est celle de la requalification : en regardant les conditions, on se
rend compte que le bail n’est pas civil mais commercial.
D’un point de vue procédural, on est dans la matière immobilière, donc le tribunal judiciaire est toujours
compétent. En matière de bail commercial, les arrêts sont rendus par la troisième chambre civile de la Cour
de cassation. Toutes les actions intentées sur le statut du bail commercial se prescrivent par un délai de
prescription raccourci de 2 ans (art. L. 145-60 du Code de commerce). Pour intenter une action en
requalification, le délai est de deux ans à partir de la conclusion du contrat initial (, sauf quelques
hypothèses exceptionnelles : 5 ans). Cela pose problème.
Les dispositions du Code de commerce sur le bail commercial sont, pour la plupart, impératives :
⁃ Parfois, la loi précise que la disposition est impérative, d’ordre public ;
⁃ D’autres fois, l’article ne le dit pas, mais la jurisprudence le dit (ordre public virtuel) ;
⁃ L’article L. 145-15 du Code de commerce prévoit expressément qu’une liste d’articles, qui sont
impératifs. Cet article a connu une modification majeure avec la loi Pinel. Les mêmes articles sont
visés, seule la solution en cas de violation de ces art. a changé : la sanction n’est plus la nullité, la
clause est désormais réputée non-écrite. La clause, étant réputée ne pas exister, elle ne remet pas en
cause le contrat dans sa globalité. L’avantage est qu’il n’y a pas de délai de prescription : le droit de
relever la clause non-écrite est imprescriptible. Cela joue de manière rétroactive. Avant, nombre
d’actions étaient prescrites dans un délai de deux ans.
C’est, normalement, de l’ordre public de protection, sauf exception (OP de direction). L’ordre public de
protection est fait dans l’intérêt exclusif d’une personne : le preneur. Une possibilité lui est, toutefois,
reconnue : une fois que le bénéfice du droit protégé est définitivement acquis, la loi permet de renoncer
de façon expresse et non équivoque, à une partie ou à tout le statut. Parfois, le preneur n’a pas besoin d’une
protection aussi importante (ex : durée de 9 ans). En revanche, il ne peut pas renoncer à des dispositions
relevant de l’ordre public de direction.
On n’évoquera pas, ici, la question de l’application de la loi dans le temps. L’application de la loi dans le
temps de la loi Pinel est très complexe. La jurisprudence intervient pour chaque disposition spécifique. Le
principe est celui de la non-rétroactivité, mais on trouve des exceptions pour les dispositions d’ordre public.
§1 – Le champ d’application des baux commerciaux
Le statut des baux commerciaux est, essentiellement, d’ordre public, et s’applique sans égard à la volonté
des parties. L’application de ce statut n’est pas négociable. Parfois, des parties, qui souhaitent l’éviter,
concluent un bail civil, et le preneur demande une requalification.
Pour bénéficier du bail commercial, des conditions doivent être réunies. Contrairement à ce que dit la loi,
certaines conditions ne sont exigées qu’au moment du renouvellement du contrat.
I – Les conditions relatives aux parties au contrat de bail
A – Les conditions relatives au bailleur
Le bailleur doit avoir la capacité juridique de passer le contrat de bail. Le bail est, en principe, un contrat
d’administration. Mais, le bail commercial est un acte très lourd, et le droit au renouvellement est très
contraignant. Donc, la loi traite le bail commercial comme un acte de disposition.
Ex 1 : le bailleur est atteint d’incapacité (mineur ou majeur incapable). Le bail commercial est traité comme
un acte de disposition : le représentant légal peut l’accorder au nom et pour le compte du mineur incapable,
mais, pendant la durée d’incapacité, le droit au renouvellement ne pourra (éventuellement) être accordé que
par le juge des tutelles et, quand l’incapacité prend fin, le droit au renouvellement n’est pas opposable au
bailleur.
Ex 2 : en droit des régimes matrimoniaux. L’immeuble fait partie de la communauté de biens des époux.
Normalement, le bail est un acte d’administration, et ne nécessite l’accord que d’un époux pour être conclu
(gestion concurrente). Mais, le bail commercial étant traité comme un acte de disposition, l’accord des deux
époux est requis.
Ex 3 : en cas de démembrement de propriété, l’usufruitier ne peut pas accorder seul un bail commercial sur
l’immeuble, il a besoin de l’accord du nu-propriétaire (≠ actes d’administration). En cas de refus abusif, il
peut solliciter l’autorisation du juge.
Ex 4 : en cas d’indivision, le bail commercial étant traité comme un acte de disposition, l’accord de tous les
coindivisaires est nécessaire (, sauf stipulation spécifique dans la convention d’indivision).
B – Les conditions relatives au preneur
Jusqu’à la loi Pinel, le preneur devait être de nationalité française. Il y avait tellement d’exceptions (EEE,
conventions de réciprocité France / Etats étrangers) que la loi Pinel a mis fin à cette exigence.
Le preneur doit avoir la qualité de commerçant et être inscrit régulièrement au RCS. Mais, la loi prévoit
des exceptions d’interprétation stricte.
Ex 1 : dans le cadre du contrat de location-gérance, le bail porte sur le fonds de commerce. Par définition, le
propriétaire du fonds de commerce ne l’exploite plus et ne peut être enregistré au RCS, contrairement au
locataire. Dans ce cas-là, on n’exige pas l’immatriculation au RCS du propriétaire bailleur du fonds de
commerce.
Ex 2 : en cas de cotitularité du bail commercial, seul le titulaire exploitant du fonds de commerce doit être
immatriculé.
Ex 3 : une association, qui exerce une activité commerciale, ne peut jamais bénéficier de droit du statut de
bail commercial, car elle ne s’immatricule pas au RCS, mais dépose une déclaration à la préfecture. En tant
que commerçant de fait, elle n’a pas le droit au bail commercial.
L’exigence d’immatriculation est requise aussi pour l’artisan, au répertoire des métiers. D’autres
professionnels ont droit au bail commercial mais n’ont pas de registre, donc l’exigence d’immatriculation
tombe d’elle-même.
Dans la présentation de la loi, l’immatriculation est exigée dès la conclusion du bail commercial. Mais, en
réalité, on s’aperçoit que ce n’est pas nécessaire dès ce moment-là. L’inscription au RCS en tant que
commerçant peut se faire dans les 15 jours qui suivent le début de l’activité. C’est toute la problématique
des actes par extension (bail commercial) : on prépare des contrats essentiels mais on n’a pas commencé
l’activité. En droit positif, selon la Cour de cassation, l’exigence de la qualité de commerçant, de
l’immatriculation ne joue, en réalité, qu’au moment du renouvellement.
La loi a décidé d’étendre le bénéfice du bail commercial à des non-commerçants. C’est le cas, notamment,
pour les artisans immatriculés au répertoire des métiers et les GIE (≠ société, groupement doté de la
personnalité morale). L’art. L. 154-2 dresse une liste des professions concernées : les établissements
d’enseignement (ex : auto-écoles, sociétés qui dispensent des cours de droit), les communes, lorsqu’elles
exploitent des services en régie (ex : distribution de l’eau), les entreprises publiques et les EPIC, les
coopératives à objet civil, certains professionnels qui exercent une activité artistique … Un certain nombre
d’acteurs en bénéficiant n’ont rien à voir avec le commerçant.
Le bail commercial peut être choisi librement par des parties qui normalement n’y ont pas accès. C’est le
principe de l’extension conventionnelle du statut des baux commerciaux : les deux parties au contrat
s’accordent pour soumettre leur relation à ce statut d’ordre public. Dans ce cas, la totalité du statut des baux
commerciaux s’applique. L’extension conventionnelle d’un statut d’ordre public n’est pas une technique
propre au droit commercial.
Ex : l’association, qui a une activité commerciale, n’a pas le droit au bail commercial, mais si le bailleur est
d’accord, ils peuvent prévoir une extension conventionnelle.
La technique est envisagée à l’article L. 145-2, 7° du Code de commerce pour les professionnels qui sont
soumis au bail professionnel. Le bail professionnel est moins protecteur. L’avantage est que la durée
minimale est de 6 ans ; le preneur peut résilier en cours de bail avec un préavis de 6 mois. Mais, au terme du
contrat, le preneur n’a aucun droit au renouvellement, aucune indemnité. Également, aucun mécanisme de
plafonnement des loyers n’est prévu.
Les professionnels libéraux sont soumis au bail professionnel, sauf si le bailleur accepte l’extension
conventionnelle au bail commercial.
II – Les conditions relatives à l’objet du bail
L’objet du bail est la mise à disposition d’un local (A) affecté à une activité commerciale (B).
A – Les locaux
Quels sont les locaux concernés par le statut ?
La loi vise les immeubles, dans un sens général : s’entendent des constructions. Pour la jurisprudence, les
terrains nus sont exclus du statut.
Exception : un bail commercial peut être conclu, si dès le départ il est prévu que le preneur y édifie des
constructions, avec l’accord du bailleur.
Ensuite, puisqu’il faut une construction, la jurisprudence exclut les constructions légères, mobiles ou
démontables (ex : tente). A partir du moment où l’installation est potentiellement mobile, on va considérer
que c’est un contrat de stand qui n’est pas commercial, faute de construction.
Pour accorder le renouvellement des baux commerciaux, la jurisprudence exige un local stable, et
permanent. La Cour de cassation est très stricte sur cette condition. Dans un avis, elle a précisé que
l’emplacement stable et permanent exigé n’implique pas nécessairement un lieu clos et couvert (QPC – Civ.
3e, 20 mars 2014).
Pour ce qui est du local à usage mixte (commerce – habitation), la totalité du local est soumise au statut des
baux commerciaux, mais en plus pour la partie d’habitation, les règles d’usage, d’hygiène et de viabilité
communes à celles qui existent en matière d’habitation s’appliquent.
La loi opère une distinction entre les locaux principaux, automatiquement soumis au statut du bail
commercial, et les locaux accessoires** qui, sauf exceptions, y échappent.
Le local principal est nécessaire à l’activité commerciale : lieu où s’exerce l’activité commerciale, où
s’élabore la politique commerciale de l’entreprise …
Le local accessoire peut être un entrepôt, un hangar, un garage, une cantine, un local de stockage, ou le
logement pour le personnel …
Les locaux accessoires ne bénéficient du régime protecteur qu’à deux conditions cumulatives assez strictes
(art. L. 145-1) :
⁃ La privation du local est de nature à compromettre l’exploitation du fonds ;
⁃ Le local accessoire appartient au propriétaire du local principal.
Ex : un parking à Bordeaux centre. S’il est indispensable parce que, sans ce parking, les collaborateurs ne
pourraient pas travailler, et que le propriétaire du parking est également celui des bureaux, alors le bail
commercial s’applique.
Dans des cas très précis, les juges apprécient souverainement, au regard des faits.
La loi ne donne pas une liste très précise et limitative qui permette de qualifier un local de local principal,
pour le bail commercial.
B – L’exploitation d’une clientèle propre
La protection du preneur à bail ne se comprend que s’il y a exploitation d’un fonds de commerce, car, à
défaut, le non-renouvellement ne lui préjudiciera pas. Pour bénéficier du statut protecteur des baux
commerciaux, le preneur doit avoir une clientèle propre.
Il faut démontrer qu’il existe un fonds de commerce propre. Pour ce faire, le preneur doit prouver qu’il a
une clientèle personnelle. C’est assez compliqué.
Même si la loi prévoit que le fonds de commerce propre doit exister au moment de la conclusion du bail
commercial, d’un point de vue pratique, le bail pourra être conclu avant l’existence de l’activité. De ce fait,
on considère que l’exigence d’une clientèle propre n’est pas nécessaire à la conclusion du bail mais sera
indispensable pour le droit au renouvellement.
Il faut, ensuite, une exploitation effective pendant les trois dernières années, qui précédent le terme du bail
ou sa reconduction. Toutefois, des nuances sont apportées par la jurisprudence. La condition de clientèle
propre ne veut pas dire que le fonds de commerce doit être exploité par le preneur. Dans la location gérance,
le fonds de commerce appartient au preneur, mais est exploité par le locataire gérant.
L’exigence d’une clientèle commerciale propre conduit à refuser le statut des baux commerciaux
notamment aux sociétés commerciales par la forme, lesquelles ont une activité civile. Elles sont traitées
comme commerçants, peu importe leur qualité effective. Mais cette commercialité connaît des limites, et ne
présume pas de l’existence d’une clientèle commerciale, donc d’un fonds de commerce.
Ex : une société par la forme, qui exploite une activité médicale, est bien un commerçant, mais sa clientèle
est civile et donc son fonds libéral. Malgré sa qualité de commerçant, on ne lui reconnaît pas la détention
d’un fonds de commerce, et d’une clientèle commerciale propres donc le statut lui sera refusé.
/!\ C’est le cas uniquement si la société commerciale par la forme exerce une activité civile.
Toutefois, une société commerciale par la forme à objet civil peut avoir droit au statut, si elle a l’accord du
bailleur pour une extension conventionnelle.
D’une façon générale, si les parties concluent un bail commercial, en procédant à une extension
conventionnelle du statut, en l’absence de clientèle propre, et donc de fonds de commerce propre (ex : fonds
libéral), au moment du renouvellement, on ne pourra pas reprocher au preneur cette absence de clientèle
propre, parce que c’est pour cette raison que les parties ont eu recours à l’extension.
(L’extension n’a de sens que pour une personne qui exerce une activité professionnelle et ne remplit pas les
conditions.)
III – Les conditions relatives à la durée du bail
L’art. L. 145-4 du Code de commerce indique que le bail commercial a, en principe, une durée de neuf ans.
C’est une durée minimale, mais le bail peut potentiellement durer plus longtemps.
Cette disposition est d’ordre public. Si dans le domaine d’application du bail commercial, un bail est
conclu pour six ans, le bail sera donc de neuf ans. On ne peut le réduire, seulement l’étendre.
La durée est longue, en faveur du preneur, afin qu’il puisse développer sa clientèle. Cela ne doit pas se
retourner contre le preneur, c’est pourquoi, il a la possibilité de mettre fin au bail tous les trois ans, s’il
s’aperçoit qu’il est inutile ou totalement inadapté à son commerce.
Cette faculté de résiliation était très peu utilisée en pratique parce que l’on considérait que l’article en
question était supplétif de volonté. Il pouvait, donc, être stipulé des clauses contraires dans le contrat. On
parlait alors de « bail ferme ». Ce bail ferme était parfois accordé contre un loyer plus faible. Mais c’était, le
plus souvent, imposé par le bailleur…
La loi Pinel de 2014 a supprimé la possibilité de prévoir une clause contraire. Désormais, la faculté de
résiliation tous les trois ans par le preneur est un droit impératif, sur lequel on ne peut plus revenir. Des
auteurs craignaient, suite à cette réforme, une augmentation des loyers. Finalement, on n’a pas vu cette
augmentation.
La loi Pinel prévoit tout de même des exceptions. Dans certains cas, la loi est supplétive donc les parties
pourraient stipuler une clause contraire. Le droit de résiliation triennale est, par exemple, supplétif pour les
baux conclus pour une durée de plus de 9 ans (régime dérogatoire sur plusieurs points) car on se dit qu’il
est certain qu’il va bénéficier au preneur, et pour les baux monovalents*. * Baux de locaux construits en
vue d’une seule utilisation, pour un seul type de commerce (ex : le bail d’une salle de cinéma).
Le droit de résiliation est également supplétif pour les locaux à usage exclusif de bureaux (où se décide la
politique de l’entreprise). On se dit qu’il est plus simple de changer de bureau que de local d’exploitation,
donc, sur certains points, la protection est moindre.
Il en va de même pour les locaux de stockage. En principe, il s’agit, pour la jurisprudence, de locaux
accessoires non soumis au statut des baux commerciaux. Mais, il manque une définition précise.
Dans les autres cas, non cités, le droit est d’ordre public.
Le preneur peut toujours résilier quand il part à la retraite. S’il décède, les héritiers du preneur peuvent
également résilier immédiatement en cas de décès du preneur du bail commercial.
Le bail commercial, du fait du droit au renouvellement, peut être cédé avec ou sans le fonds de commerce.
Donc, en réalité, le preneur, qui part à la retraite et résilie le bail commercial, c’est parce qu’il n’a pas de
clients et qu’il ne parviendra pas à le revendre.
A – Les conventions de courte durée
Les conventions de courte durée correspondent à l’hypothèse du bail d’une durée inférieure à 9 ans. Cette
question ne devrait pas se poser car le bail commercial conclu pour moins de 9 ans, dure, en réalité, 9 ans
(durée légale).
Des possibilités exceptionnelles sont toutefois prévues, et permettent d’échapper au statut des baux
commerciaux.
1 – Les baux saisonniers
La location saisonnière n’est pas soumise au statut des baux commerciaux. Une location saisonnière est un
bail consenti pour une saison ou pour une partie déterminée de l’année. La saison n’est pas
nécessairement limitée à trois mois, cela dépend du type d’activité exercé : il n’y a pas de règle générale sur
la durée de la saison.
Ce qui est certain, c’est que si le bailleur accorde un bail pour une saison, il ne sera pas soumis au statut. Il
importe peu que la clientèle soit saisonnière.
Il ne faut pas confondre un bail saisonnier, limité dans le temps à la saison et un bail continu avec
exploitation saisonnière, qui lui est soumis au statut. C’est une question de fait, qui relève de l’appréciation
souveraine des juges du fond. Par exemple, s’il est prévu au contrat que le bail dure trois mois mais que le
preneur garde les clés, paie l’abonnement téléphonique toute l’année, et laisse ses affaires, le bail sera
requalifié en bail continu avec exploitation saisonnière, soumis au statut.
2 – Les baux de moins de trois ans
L’article L. 145-5 du Code de commerce permet aux parties de conclure un (ou plusieurs) baux de courte
durée, qui échappent au statut des baux commerciaux, à condition que la durée totale des baux successifs
ne dépasse pas 3 ans. Avant la loi Pinel (2014), la durée était de deux ans. La durée a été augmentée à trois
ans par faveur au bailleur.
Ce peut être utile, à la fois au bailleur, et au preneur : le preneur va pouvoir tester le local sans être certain
qu’il corresponde à ses attentes / le bailleur, qui n’a pas d’utilité au local pendant cette durée, va pouvoir le
louer sans être soumis aux contraintes lourdes du statut des baux commerciaux.
Les baux de moins de 3 ans ne donnent pas droit au renouvellement. Le preneur à bail est conscient de la
précarité du bail : le loyer est fixé en considération de la situation, et il n’investira pas.
(La qualification de bail commercial dépend de la raison pour laquelle le preneur prend à bail le local. En
principe, un local n’est pas intrinsèquement commercial, destiné à une activité commerciale. Pour l’être, il
faut que le preneur l’ait loué en vue d’une activité commerciale et y exerce cette activité.)
Ce mécanisme présente un risque de fraude. La loi Pinel a donc modifié l’art. L. 145-5 : désormais, si le
locataire reste dans les locaux à l’expiration d’un délai de trois ans, sans l’opposition du propriétaire, la loi
reconnaît de droit au locataire un nouveau bail, un bail commercial. L’idée est de priver le bailleur de la
faculté de mettre le preneur dehors à tout moment, sans que ce dernier ne puisse rien n’invoquer.
La loi Pinel indique qu’à l’issue des trois ans, le preneur a un mois pour partir, s’il le souhaite / le bailleur a
un mois pour lui dire de partir. Si, dans ce mois, aucune mesure n’est prise, on considère que le preneur
bénéficie d’un bail commercial.
On ne prend pas en compte les trois ans : les baux étaient bien de courte durée. Une fois le délai échu, un
nouveau bail commence : un bail commercial. Ce sont deux qualifications différentes.
Pour qu’il y ait une vraie pause, le preneur doit retirer ses affaires du local. Il ne faudrait pas non plus que le
bailleur exige une pause, pour éviter le statut du bail commercial. C’est le juge qui apprécie le caractère
successif des deux baux, avec le même preneur.
Pour que ce soit un bail de courte durée, il faut que les parties prévoient un terme (< 3 ans en tout). Comme
ce sont des baux successifs, aucun ne doit être à durée indéterminée, sinon il est possible que cela dure plus
de 3 ans, et la requalification pourra être demandée.
Pendant un temps, la jurisprudence a atténué la réglementation des baux d’une durée inférieure à 3 ans. La
Cour de cassation utilisait la possibilité de renoncer à un droit d’ordre public.
Ex : le preneur conclut des baux d’une durée d’un an, puis dépasse les 3 ans. Mais, la conclusion de baux
successifs d’un an lui convient, parce qu’il voyage, et ne souhaite pas de bail commercial.
La loi relève de l’ordre public de protection, et on autorise le bénéficiaire à renoncer à la protection, une
fois qu’elle est acquise. La protection n’est acquise que lorsque l’occupation dépasse trois ans. C’est
uniquement à ce moment que le preneur peut demander à renoncer au droit d’ordre public. Dans certaines
hypothèses, ce peut être intéressant pour lui. Mais, comme c’est un acte grave, des conditions sont posées :
la demande doit être postérieure à l’acquisition définitive du droit, expresse et non équivoque. Celui qui
renonce doit être conscient de son acte. A défaut, on pourrait revenir sur sa renonciation (ex : comme étant
sans cause).
La loi Pinel est venue modifier la rédaction de l’art. L. 145-5 : « à l’expiration de cette durée, les parties ne
peuvent plus conclure un nouveau bail, qui déroge aux dispositions du présent chapitre. » Devant cette
modification, les auteurs se sont demandés si l’impossibilité pour les parties de conclure un nouveau bail de
courte durée pour une même activité signifiait que le preneur ne pouvait plus renoncer à son droit d’ordre
public.
Un arrêt récent va dans ce sens : lorsque des baux d’un an se succèdent, la renonciation du preneur, entre
chaque bail d’un an, est sans effet (Civ. 3e, 22 oct. 2020). Mais, la Cour de cassation ne l’affirme pas
clairement parce que ce n’était pas la question posée. La difficulté n’est pas totalement tranchée.
3 – Les conventions d’occupation précaire
La convention d’occupation précaire ne figure pas telle quelle dans le Code civil : c’est une convention
prétorienne. C’est ce qui fait dire à certains auteurs que la convention d’occupation précaire, si elle s’en
rapproche, n’est pas un bail : n’est pas soumise à la même règlementation.
La convention d’occupation précaire est un contrat d’une durée limitée, même sans terme, car elle va, à un
moment, s’arrêter pour un motif indépendant de la volonté des parties. Un élément de précarité extérieur
aux parties affecte la jouissance de l’immeuble. Du fait de cet élément extérieur, le bailleur ne peut pas
accorder de bail commercial de 9 ans, car il ne sait pas quand la convention prendra fin.
Cette construction jurisprudentielle est désormais reprise à l’art. L. 145-5-1 du Code de commerce.
C’est l’élément de précarité, qui justifie la qualification de COP. Pour déroger au statut d’OP, l’élément de
précarité (matériel ou juridique) doit être précisé dans la convention. Pendant un temps, la jurisprudence
exigeait des circonstances exceptionnelles pour conclure ce type de convention. Désormais, elle exige
simplement des circonstances particulières. Pour justifier la conclusion d’une COP, des circonstances
particulières, indépendantes de la volonté des seules parties, doivent empêcher le bailleur d’accorder un
bail commercial.
La précarité est normalement de nature objective, complètement extérieure aux parties.
Ex 1 : une personne veut louer un local. Seulement, une procédure d’expropriation, pour cause d’utilité
publique, est en cours. Le temps des recours, plusieurs années risquent de s’écouler. Donc, en attendant, le
propriétaire peut accorder une convention d’occupation précaire. Il s’agit d’un terme incertain : l’événement
va se réaliser, et le preneur devra partir, mais on ne sait pas quand. – Précarité juridique
Ex 2 : sur la côte bretonne, on sait qu’à tel endroit on va évacuer les habitations parce que la falaise risque
de s’effondrer. – Précarité matérielle
Il suffit que l’élément ait été certain au moment de la conclusion du contrat. Si l’élément de précarité
disparaît, cela n’a pas d’importance, dès lors qu’il existait au moment de la conclusion.
Le propriétaire d’un immeuble rédige une promesse unilatérale de vente, dans laquelle il s’engage à mettre à
disposition l’immeuble libre de tout occupation. Si une personne souhaite louer le bien, peut-il conclure une
convention d’occupation précaire, l’élément extérieur étant la levée ou non de l’option ? La précarité est ici
juridique.
La jurisprudence avait admis des éléments subjectifs de précarité : il suffisait aux parties de reconnaître la
précarité, ce qui revenait purement et simplement à rendre le régime des baux commerciaux supplétif ...
L’article L. 145-5-1 reprend les éléments jurisprudentiels : un élément de précarité objectif, extérieur,
indépendant de la volonté des parties.
La qualification d’un bail se définit au moment de la conclusion du contrat. La qualification ne change
jamais en cours de contrat. La disparition de la précarité ne remet pas en cause le contrat. Il faudrait, pour
remettre en cause la qualification, un nouvel accord de volontés. Normalement, si l’élément de précarité
disparait, la convention se transforme en contrat à durée indéterminée, qui peut être résilié à tout moment.
Il est interdit d’accorder un bail commercial sur le domaine public. C’est incompatible avec
l’indisponibilité du domaine public. Dans ce cas, l’administration peut accorder une convention précaire
sur le local en question. La collectivité territoriale peut, quand elle le souhaite, résilier unilatéralement la
COP, dans le respect d’un délai raisonnable : pas de terme, cette fois.
(Ce peut être intéressant pour le montant du loyer.)
B – Les conventions de longue durée
Le bail commercial a une durée minimale de 9 ans, mais il peut avoir une durée supérieure. Le statut
s’applique, avec des spécificités.
Le bail emphytéotique et le bail à construction vont de 18 ans à 99 ans. Applique-t-on, en plus du régime
spécial, le statut du bail commercial ? Le cumul des statuts n’est pas accordé.
L’art. L. 145-3 exclut le cumul pour le bail emphytéotique, sauf éventuellement pour la révision du loyer.
La jurisprudence a élargi l’exclusion au bail à construction. Le régime du bail commercial leur est
inapplicable.
L’art. L. 145-3 précise, toutefois, que l’emphytéote (locataire) a le droit d’accorder un bail commercial en
sous-location. Simplement, il y a une limite : le bail commercial accordé en sous-location donne droit au
renouvellement du bail dans la limite du bail emphytéotique.
Le crédit-bail immobilier (opération de crédit) est aussi un contrat de bail de longue durée.
La banque accorde un crédit à un client pour l’achat d’un immeuble : elle peut faire un prêt d’argent pour
achat, ou un crédit-bail*, lequel présente une sureté importante. * La banque achète directement le bien, le
loue pendant la durée convenue et, au terme du bail, souscrit une promesse unilatérale de vente. Le preneur
peut lever l’option et racheter l’immeuble. A défaut, la banque reste propriétaire du bien, qui lui a déjà été
remboursé. Dans la promesse unilatérale, le prix de vente a déjà été amorti : 99% des mensualités ont été
payées, donc le preneur n’a aucune raison de refuser de lever l’option. La levée d’option ne représente,
économiquement, qu’une mensualité.
L’intérêt est qu’à la fin du bail, le preneur, s’il lève l’option, devient propriétaire et la banque prend une
commission (rémunération). Si l’entrepreneur fait faillite, la banque vient en concurrence avec les autres
créanciers. Mais, elle est propriétaire de l’immeuble (sûreté), qui n’entre pas dans la procédure collective.
C’est une procédure avantageuse pour la banque : elle y recourt lorsqu’elle doute de la solvabilité du
commerçant.
La banque loue un local au commerçant donc, si on ne fait qu’appliquer la loi, a priori c’est un bail
commercial. Seulement, la banque conclut cet acte, non pas pour être bailleur, mais pour obtenir une sureté.
La loi est intervenue à l’art. 313-7 2° du CMF pour écarter certaines dispositions du bail commercial, sans
quoi les banques n’accorderaient plus de prêt. La Cour de cassation a interprété le texte comme excluant la
totalité des dispositions du statut du bail commercial (Civ. 3e, 10 juin 1980). Le crédit-bail relève donc du
droit commun du bail.
§2 – Les droits et obligations à la charge des parties
Les parties doivent respecter le droit commun des contrats, et du contrat de bail, tel qu’énoncé dans le Code
civil, sauf dans les hypothèses où le droit commercial y déroge.
La loi intervient, à titre principal, pour encadrer le loyer commercial et faire évoluer l’activité du fonds de
commerce. Plus récemment, la détermination de la répartition des charges entre les parties au contrat a posé
question.
Par ailleurs, une nouveauté a été introduite, en 2014, par la loi Pinel : le droit de préemption du locataire.
A – Le droit de préemption du locataire
La loi Pinel (18 juin 2014) instaure un droit de préférence au bénéfice du locataire commerçant ou artisan
uniquement. Si le bailleur et propriétaire des lieux décide, en cours de bail, de céder les locaux, la loi prévoit
que le preneur au bail commercial à un droit de préemption dans le cadre de cette vente. Autrement dit, il
peut préempter et acheter le bien à la place de celui qui se porte acquéreur.
Au lendemain de l’adoption de la loi Pinel, une partie de la doctrine considérait que ce droit de préemption
n’était pas d’ordre public, et qu’on pourrait le supprimer dans le contrat. La Cour de cassation a affirmé, au
contraire, que c’était un droit d’OP (Civ. 3e, 28 juin 2018).
Le bailleur qui veut céder l’immeuble doit notifier son intention de vendre selon un certain formalisme, à
peine de nullité, en précisant le prix et les modalités de la vente (art. L. 145-46-1, C. com). Si la vente finale
est conclue à un autre prix, le bailleur est obligé, de nouveau, purger le droit de préemption. La notification
vaut offre de vente, le preneur a un mois pour se porter acquéreur. En cas d’acceptation de la vente, le
locataire a deux mois pour payer le prix (↔ réaliser la vente) et quatre mois pour annoncer le recours à un
prêt.
Le droit de préemption est dans certains cas exclu : lorsque le local est cédé en même temps que d’autres
locaux ou un immeuble ; plusieurs locaux d’un ensemble commercial ; ou plusieurs locaux distincts ; un
immeuble qui contient plusieurs locaux commerciaux ; si la cession est conclue au profit du conjoint, d’un
ascendant ou d’un descendant.
B – La détermination de l’activité
L’activité est importante. Le preneur doit exploiter une clientèle propre, personnelle : objet du contrat
commun à tous les baux commerciaux.
Quelle(s) activité(s) le preneur a-t-il le droit d’exercer à l’intérieur des locaux ? Le locataire d’un bail
commercial peut-il installer le commerce de son choix dans les locaux ?
La réponse est donnée par le contrat. Les parties sont libres de déterminer l’activité, que le preneur peut
exercer. Elles peuvent, très bien, conclure un bail tout commerce : une clause spécifique dans le contrat
autorise le preneur à exercer l’activité commerciale (ou artisanale) de son choix. Cela signifie qu’il peut, en
cours de bail, changer d’activité sans demander l’accord du bailleur. C’est, de ce point de vue, un avantage
pour le preneur. Également, c’est intéressant, s’il décide de céder le bail commercial : le cessionnaire peut
changer complètement d’activité.
Néanmoins, ce n’est pas la clause la plus courante. Le plus souvent, l’activité est précisée dans le contrat et
doit être respectée par le preneur à bail.
Il est possible de prévoir certains élargissements de l’objet du bail. Les tribunaux acceptent notamment
d’interpréter les clauses du contrat et, de cette façon, peuvent intégrer des prestations extrêmement
proches, mais qui n’ont pas été expressément incluses.
La jurisprudence admet également que des activités puissent être incluses en fonction des usages locaux,
même si le contrat ne l’intègre pas expressément. L’usage conventionnel est supplétif de volonté. A défaut
de volonté contraire, le preneur peut donc s’en prévaloir. Ainsi, la Cour de cassation a considéré : à propos
des bars situés à proximité du château de Versailles, que la vente de tickets d’entrée, bien que non prévue au
contrat, pouvait être pratiquée par le preneur, en raison d’un usage localisé commun à tous les bars situés
autour du château de Versailles (Civ. 3e 16 sept. 2015).
Ce type d’élargissement reste tout de même très marginal.
Que faire quand, au regard des circonstances économiques, le commerçant doit adapter son activité ?
Le contrat de bail prévoit précisément l’activité que le preneur est en droit de réaliser. L’exploitation d’une
activité non conforme aux prévisions du contrat constitue une faute contractuelle justifiant la résiliation du
bail. Un avenant au contrat de bail (accord des parties) pourrait modifier le contrat initial.
En cas de refus du bailleur, le principe en droit commun est que le preneur ne peut pas modifier seul la
destination du bail. La loi permet toutefois, dans deux hypothèses, au preneur (volonté unilatérale) d’obtenir
la modification de la destination du bail, selon une procédure particulière : la déspécialisation du bail
commercial. On distingue principalement deux types de déspécialisation :
⁃ La déspécialisation simple (ou partielle) ;
⁃ La déspécialisation plénière (totale).
En cas de procédure collective, pour faciliter la reprise du fonds de commerce, on peut imposer au bailleur
la déspécialisation.
1 – La déspécialisation simple
Aux termes de l’art. L. 145-47, la déspécialisation simple a pour objectif d’adjoindre à l’activité prévue au
bail des activités connexes ou complémentaires. Le preneur conserve la même activité, mais y ajoute
d’autres activités proches.
L’idée est de permettre au preneur de s’adapter aux changements économiques, et à la concurrence, et de
sauver l’entreprise.
Qu’entend-on par « activités connexes ou complémentaires » ?
Ce critère est laissé à l’appréciation des juges du fond.
Ex 1 : un bar-tabac peut vendre le journal local et des confiseries ;
En général, les juges répondent surtout négativement.
Ex 2 : l’activité de sandwicherie ne permet pas de vendre des pizza ;
Ex 3 : l’activité de restauration ne permet pas d’exercer une activité de bar musical.
La Cour de cassation a rendu une décision importante en la matière : une fois que le preneur a obtenu la
déspécialisation, il importe peu que l’activité connexe (ou complémentaire) devienne plus importante que
l’activité initiale (Civ. 3e, 24 oct. 1984). Cette activité n’a pas à rester accessoire : elle peut se développer
et devenir l’activité principale. L’important est qu’au moment de la demande, elle soit connexe ou
complémentaire.
Le locataire doit avertir, par acte d’huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception, la
modification envisagée (art. L. 145-47). Le bailleur a deux mois pour répondre. S’il ne répond pas dans le
délai, son silence vaut acceptation. En cas de contestation du caractère connexe ou complémentaire de
l’activité, la partie la plus diligente (en pratique le locataire) doit saisir le juge. Si ce dernier reconnaît son
caractère connexe, la déspécialisation est de droit.
Si l’activité est acceptée (par le bailleur ou le juge), le bailleur va-t-il pouvoir demander la révision du
loyer ?
En principe, le loyer est révisé tous les 3 ans. Le bailleur ne peut donc pas demander immédiatement la
modification du loyer. En revanche, lors de la prochaine révision triennale, le bailleur, au regard de ces
nouvelles activités, pourra demander la révision du loyer. Ce pourra être une hypothèse spécifique de
déplafonnement.
Pour commencer cette seconde activité, le preneur doit attendre la fin de la procédure, c’est-à-dire
l’acceptation tacite ou expresse du bailleur ou du juge. Si le preneur la débute avant, bien qu’il ait fait une
demande, il commet une faute, pouvant justifier la résiliation du contrat ou la mise en œuvre d’une clause
résolutoire.
Le texte sur la déspécialisation simple est d’ordre public. Pour en bénéficier, le preneur n’a pas besoin
d’accorder au bailleur une contrepartie. Ce dernier ne peut exiger, en retour, une augmentation de loyer
immédiate.
La jurisprudence traditionnelle sur la renonciation à un texte d’OP de protection s’applique. Une fois la
déspécialisation acquise, les parties pourraient ensuite s’accorder sur une augmentation de loyer immédiate.
Mais, en pratique, aucun locataire ne le fait.
Le caractère d’ordre public emporte une seconde conséquence. Dans le même immeuble, il arrive que
plusieurs locaux, dont chacun a un objet spécifique, soient loués et que les preneurs exercent des activités
proches, mais qui ne sont pas les mêmes. Une sorte de non-concurrence indirecte les lie : le bailleur assure
l’exclusivité de l’activité à chacun d’eux et, en retour, ceux-ci s’engagent à s’en tenir à leur activité. Ces
clauses ne peuvent pas s’opposer à la déspécialisation partielle. C’est logique : une clause ne peut pas
s’opposer à un texte d’ordre public. Elle n’aura alors aucun effet (Civ. 3e, 15 fév. 2012)
! Changement de degré.
2 – La déspécialisation plénière
Le régime de la déspécialisation plénière est fixé aux art. L. 145-48 et s. du Code de commerce.
La déspécialisation plénière entraîne un chgt de nature complet dans l’activité. Le preneur envisage de
changer totalement d’activité : l’activité nouvelle n’a pas de rapport avec celle qu’il exerçait initialement.
En principe, pour changer d’activité, le preneur doit se mettre d’accord avec le bailleur, sans quoi, il s’agit
d’une faute susceptible d’entrainer la résiliation du contrat.
La déspécialisation plénière est une procédure, qui permet, sous certaines conditions, de changer
complètement d’activité. Elle n’est possible qu’en fonction de la conjonction économique, et des nécessités
de l’organisation rationnelle de la distribution.
Il ne faut pas, en plus, que la destination de l’immeuble fasse obstacle à cette déspécialisation. L’activité doit
compatible avec celle des autres commerces installés au même endroit.
La déspécialisation plénière n’est pas souvent accordée.
Le preneur peut, par exemple, demander déspécialisation totale si avec le temps, des services n’ont plus
d’intérêt.
Ex : la distribution de minitels n’a plus, aujourd’hui, d’intérêt, en raison de l’innovation technologique.
Le manque de rentabilité à l’inverse n’est pas une raison suffisante.
Le preneur doit, là encore, adresser une demande au bailleur par huissier, ou lettre recommandée avec
accusé de réception, indiquant l’activité qu’il souhaite exercer à la place. Cette fois, le bailleur a un délai de
3 mois pour signifier son acceptation, son refus, ou émettre des conditions (ex : oui, si le preneur réalise les
travaux nécessaires). Le silence vaut acceptation tacite.
S’il accepte, le bailleur peut réclamer une indemnité pour réparer le préjudice subi et une augmentation
déplafonnée de loyer immédiatement.
S’il refuse, le preneur peut saisir le tribunal judiciaire, lequel va vérifier les conditions et rechercher si un
motif grave permet de justifier ce refus. Le tribunal judicaire accorde rarement la déspécialisation plénière.
L’art. L. 145-51 prévoit que la déspécialisation plénière est de droit, lorsque le preneur cède le bail, lors de
son départ à la retraite. Il peut arriver que personne n’accepte de reprendre son fonds de commerce. Donc,
pour que le preneur, qui part à la retraite, puisse vendre le bail commercial seul, la loi accepte la
déspécialisation plénière au profit du cessionnaire.
III – La répartition des charges dans le bail
Le bail commercial est un bail de longue durée. La question de la répartition des charges se pose donc
naturellement.
Récemment, en 2014, la loi Pinel a posé les solutions en la matière.
Avant la loi Pinel, le droit commun s’appliquait. Dans le contrat de bail du Code civil, différentes
obligations sont à la charge du bailleur et du preneur. Le bailleur est tenu d’assurer, au preneur, la jouissance
paisible de la chose : obligation de délivrance (d’OP). Le bien est loué dans un état particulier et peut très
bien l’être dans un mauvais d’état. Si rien n’est précisé, la chose est présumée avoir été livrée en bon état
et sans nécessité de procéder à des réparations. On peut insérer une clause de location en l’état, pour éviter la
présomption.
Le bailleur est en plus tenu d’une obligation d’entretien de la chose (art. 1719-2, C. civ.). Cette obligation
d’entretien exige de procéder à toutes les réparations nécessaires, qui ne sont pas locatives (art. 1720, C.
civ.). Les réparations locatives comprennent les réparations de menu entretien et relatives à l’usage courant
de la chose (art. 1754, C. civ.). Au contraire, les autres réparations, et principalement celles qui se rapportent
à la structure de la chose, reviennent au bailleur.
Il est parfois difficile de faire le départ entre les types de réparation. Le décret sur le bail d’habitation en
prévoit une liste précise. Mais, la Cour de cassation doit parfois rendre des arrêts pour compléter cette liste.
Cette répartition n’est pas d’ordre public et peut faire l’objet d’aménagement conventionnel. On peut
mettre des réparations qui sont à la charge du bailleur au locataire.
Le preneur est tenu des réparations locatives, et doit avoir un usage normal et raisonnable du bien : il est
tenu des dégradations sauf lorsqu’elle résulte de la vétusté ou de la force majeure.
En matière de baux commerciaux, le bailleur est souvent dans la partie forte. Donc, en pratique, souvent des
clauses répartissent les charges et les transfèrent du bailleur au preneur. C’est autorisé mais comme c’est
une dérogation, la jurisprudence en fait une interprétation stricte.
Il y eut des abus, avec notamment l’utilisation par les bailleurs du bail triple net : le bail est net, pour le
bailleur, de certaines charges qui sont transférées au locataire. En plus du loyer, le bail met à la charge du
locataire, l’assurance du propriétaire, l’entretien du local (pas seulement les réparations locatives), et les
impôts afférents au local (taxe foncière).
Des clauses sont parfois rédigées de telle façon, qu’elles mettent, à la charge du locataire, les grosses
réparations de l’art. 606 du Code civil, qui touchent à la structure de l’immeuble. Peut-on réellement les
transférer ? C’est délicat parce que d’un côté la répartition des charges est supplétive et de l’autre côté, une
obligation de délivrance d’ordre public pèse sur le bailleur. Certaines réparations ne sont-elles pas
nécessairement à la charge du bailleur car ne pas les assurer reviendrait à méconnaître l’obligation de
délivrance ? La jurisprudence considère qu’un bailleur ne peut pas s’exonérer des travaux liés aux vices
inhérents à l’immeuble (Civ. 3e, 9 juil. 2008).
Pour mettre fin à ces transferts abusifs, la loi Pinel est intervenue à deux niveaux : sur la preuve et le fond.
L’art. L. 145-40-1 du Code de commerce prévoit désormais, dans le bail commercial, un état des lieux
d’entrée et de sortie obligatoire. A défaut, le bailleur ne pourra pas se prévaloir de l’article 1731 du Code
civil, qui présume le bon état de réparations locatives de la chose remise.
Sur le fond, la loi Pinel s’est prononcée sur la répartition des charges. L’art. L. 145-40-2 dispose : « tout
contrat de bail commercial doit comporter un inventaire précis et limitatif de toutes les charges pesant sur
le locataire. » Tous les ans, le bailleur doit adresser au preneur un état récapitulatif de ses charges, lui
expliquant, charge par charge, combien cela coûte. Le texte renvoie à un décret en CE, lequel identifie les
charges que le bailleur est en droit de transférer au preneur (art. R. 145-35, C. com.). Ne peuvent jamais être
mis à la charge du locataire : les dépenses relatives aux grosses réparations touchant au bâti (mur, clôture,
voute, charpente, toiture), les travaux liés à la vétusté ou à la mise au norme, les honoraires liés à la gestion
des loyers commerciaux (si le bailleur fait appel à une agence immobilière pour gérer ses aff.), les charges,
impôts, taxes, et redevances portant sur des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires. Autrefois,
des bailleurs faisaient supporter le non-paiement par un locataire de sa part des charges aux autres locataires.
Également, les impôts, taxes et redevances, dont le redevable légal est le bailleur ne peuvent plus être mis à
la charge du locataire SAUF la taxe foncière (en sachant que dans 99% des cas, le contrat précise que le
locataire supportera la taxe foncière).
Les règles de répartition relèvent de l’ordre public de protection classique : la loi protège le preneur qui est
présumé être la partie faible. Ce qui est vrai, si le bailleur parvient à lui imposer toutes les charges…
≠ OP de direction dans le bail commercial qui protège la clientèle et le relais économique.

IV – Le loyer du bail commercial


Deux caractéristiques du bail commercial :
• La propriété commerciale : droit du locataire, au terme du bail, d’obtenir le renouvellement ou, à
défaut, le paiement d’une indemnité d'éviction ;
• Le loyer : le législateur met en place des moyens pour ajuster le loyer (durée) et l’adapter aux
circonstances économiques. Mais, les augmentations de loyer ne doivent pas être excessives. La loi
instaure donc, par strate, un système de compromis très complexe.
A la conclusion du bail commercial, le bailleur exige souvent le versement d’un pas de porte, en plus des
loyers. Le pas de porte revêt deux natures différentes : indemnité qui vient compenser la perte de la libre
disposition de l’immeuble ou supplément de loyer par anticipation. Ce sont les parties, au titre de la liberté
contractuelle, qui spécifient sa nature car cela a notamment des incidences fiscales.
Comment fait-on pour modifier le loyer en cours d’exécution ? Mécanismes de réévaluation :
▪ Mécanisme légal, qui permet de modifier le loyer tous les trois ans : révision légale triennale du
loyer ;
▪ La révision peut être organisée par des clauses contractuelles.
Les règles concernant la fixation du loyer lors du renouvellement sont totalement différentes de celles de la
révision du loyer (↔ exécution du loyer). Il ne faut pas confondre les deux.

A – La révision triennale du loyer


A la conclusion du contrat, le loyer initial est fixé librement par les parties. En général, elles s’inspirent des
prix pratiqués dans le périmètre.
La loi intervient pour la révision triennale. Néanmoins, cette révision n’est pas obligatoire. Seule la faculté
tous les trois ans de demander la révision du loyer est d’ordre public pour le bailleur et le preneur : le
contrat ne peut pas prévoir que les parties n’auront pas le droit de demander la révision triennale.
Pour qu’elle ait lieu, il faut que l’une des parties la demande : à défaut d’accord entre les parties, c’est le
président du TJ qui se prononce.
L’idée est de fixer un nouveau loyer qui se rapproche du juste loyer. Mais, les parties risquent de ne pas se
mettre d’accord sur ce juste prix… La loi nomme ce juste prix la « valeur locative », qui correspond au juste
loyer à une date précise pour un local déterminé.
L’art. L. 145-33 dispose que « la valeur locative est déterminée par l’accord des parties ou, à défaut, elle
comprend les caractéristiques du local considéré (matérielles, physiques), la destination des lieux (une ou
plusieurs activités…), les obligations respectives des parties (si de nombreuses réparations sont mises à la
charge du locataire, le loyer est plus faible), les facteurs locaux de commercialité (facteurs extérieurs au
local mais qui permettent de développer ou non l’activité commerciale, qui peuvent attirer la clientèle (ex :
rue Ste Catherine, gare à proximité…)), les prix couramment pratiqués dans le voisinage. »
Ces éléments sont détaillés aux art. L. 145-2 et s. du Code de commerce.
La loi a, par la notion de valeur locative (≈ juste prix), trouvé un compromis entre l’actualisation du loyer et
la fermeture du commerce, en cas de loyer trop élevé.
Va-t-on pouvoir, lors des hypothèses de révision du loyer, se fixer sur la valeur locative ? Le principe est
mentionné à l’art. L. 145-38 du Code de commerce.
On a essayé de faire en sorte que le nouveau loyer soit = à la valeur locative, mais on s’est rendu compte que
les augmentations étaient dangereuses pour le preneur et pouvaient se traduire par la disparition du fonds du
commerce. Donc, on se fixe sur la valeur locative, sauf à ce qu’un plafonnement de loyer soit prévu. En
principe, les modifications du loyer sont plafonnées, sauf exceptions de déplafonnement.
On part du dernier loyer fixé par le juge ou les parties, que l’on compare à la valeur locative actuelle. Cela
suppose de faire estimer cette valeur locative par des experts. Que fait-on concernant les mouvements de la
valeur locative ? Le principe est qu’on applique le plafonnement.
Ex 1 : le loyer initial est de 1000 ; la valeur locative théorique de 1500. On essaie de s’approcher de la
valeur locative, mais on applique sur la période, au loyer initial, un plafonnement fixé par un indice général,
qui dépend de l’évolution du marché. En appliquant l’indice (ILC / ILAT), on ne procède pas à une
indexation mais à un plafonnement. Dans l’exemple, si l’on fait jouer l’indice : on obtient un plafond de
1200. Dans ce cas, on tend vers la valeur locative mais on ne l’atteint pas, à cause du jeu de l’indice, qui
joue comme un plafond. Il convient de s’arrêter au plafond : le nouveau loyer sera donc égal à 1200.
L’indice est un pourcentage. Il est calculé de façon très complexe, et est communiqué tous les mois par le
Ministère.
Un indice peut, en principe, augmenter ou baisser. Seulement, pendant très longtemps, on s’en tenait à un
indice, qui n’a jamais baissé : l’INCC (indicateur du cours de la construction). Comme cet indice n’a jamais
baissé, on s’est posé la question suivante : plafonne-t-il seulement à la hausse pour empêcher une
augmentation trop importante de loyer ? Sert-il également de plancher pour empêcher une baisse trop
grande ? On s’en servait aussi comme d’un plancher, ce qui empêchait une baisse de loyer, et ce, même en
cas de baisse de la valeur locative, puisque, dans les faits, l’INCC n’a jamais baissé.
La Cour de cassation a, dans un premier temps, en 1973, affirmé que l’indice était à la fois un plafond et un
plancher : quand l’indice était en hausse, le loyer ne pouvait pas baisser, même en cas de baisse de la valeur
locative. C’était un vrai problème car sur le long terme, cela revenait, dans les faits, à interdire, la baisse de
loyer. La Cour de cassation s’en est rendue compte et a opéré un revirement de jurisprudence dans l’arrêt
Privilège du 24 janvier 1996 : l’indice joue uniquement comme plafond. Il faut savoir que, dans l’esprit du
législateur, cet indice était fait pour protéger le locataire des hausses excessives.
De fortes critiques se sont fait entendre en doctrine et les bailleurs ont fait pression (lobbying) auprès du
législateur. La loi Murcef du 11 sept. 2001 s’est traduite par un bris de jurisprudence. L’art. L. 145-38 du
Code de commerce a été modifié, de telle sorte que l’indice joue désormais à la fois comme plafond et
plancher. On a introduit : « par exception à l’art. L. 145-33 », qui définit la valeur locative. L’ajout de ces
quelques mots, quand ils sont pris à la lettre, ne veut rien dire. Si l’on avait appliqué cette modification
littéralement, la Cour de cassation aurait pu conserver sa jurisprudence. Mais, la Cour de cassation s’est
alignée sur l’esprit de la loi Murcef, et considère désormais que l’indice joue comme plafond et plancher.
Ex 1 : loyer : 1000 ; VL : 1500 ; indice : 1200. Je pars de mon loyer actuel à 1 000, j’essaie d’atteindre la
valeur locative à 1500. Mais, avant la VL, il y a le jeu de l’indice, qui fait que je suis obligée d’arrêter mon
augmentation à 1200.
Ex 2 : loyer : 1000 ; VL : 1100 ; indice : 1200. Je pars de mon loyer initial à 1000, je tends vers la valeur
locative à 1100, et je ne rencontre pas de plafond. Je peux donc m’arrêter à la valeur locative. Par contre, il
n’est pas question de fixer mon loyer à l’indice, même s’il est supérieur à la valeur locative. Mon loyer est
fixé à 1100 (prix juste).
Ce que l’on recherche, c’est atteindre la valeur locative. La question est : un indice va-t-il m’en empêcher ?
Ex 3 : loyer initial : 1000 ; VL : 900 (baisse) ; indice : 1100. « Plancher » = dès lors que l’indice monte, le
loyer ne peut pas diminuer, même si la valeur locative baisse. C’était tout l’enjeu dans la jurisprudence
Privilège. L’INCC, n’ayant jamais baissé, on était confronté à ce troisième cas, qui posait problème.
La modification du législateur est très favorable au bailleur.
La règle n’est pas d’OP. Les parties ne sont pas obligées de demander la révision. Mais, si elles veulent se
mettre d’accord autrement, elles peuvent aussi le faire.
Il reste deux hypothèses à envisager mais strictement théoriques. On ne les a jamais vues en pratique parce
que l’indice n’a jamais baissé.
Ex 3 : loyer : 1000 ; VL : 900 ; indice en baisse (800). Comme l’indice est inférieur à la VL, je peux, en
l’absence, ici, de plancher, baisser mon loyer à la valeur locative.
Ex 4 : loyer : 1000 ; VL : 800 ; indice : 900. L’indice joue le rôle de plancher, je ne peux donc baisser mon
loyer qu’à 900.
Ex 5 : loyer : 1000 ; VL : 1100 ; indice : 900. L’indice est un, dans ce cas, un plafond, qui empêche
l’augmentation du loyer. On en reste au loyer initial.
Pendant longtemps, l’indice référence était l’INCC. Tout le monde comprenait qu’il n’était pas adapté
puisqu’il ne faisait que monter. La loi Pinel l’a donc remplacé par l’ILC (indice des loyers commerciaux),
pour une activité commerciale, et l’ILAT (indice des loyers des activités tertiaires (non-commerciales :
artisanales, tertiaires, libérales)). Ces indices s’appliquent en fonction de l’activité (l’un ou l’autre). Le
problème est que ces indices n’ont jamais baissé non plus…
La loi prévoit, pour la révision de loyer triennale, une hypothèse de déplafonnement, dans laquelle le jeu de
l’indice, comme plafond ou plancher, peut être supprimé, si les conditions sont remplies, pour atteindre la
valeur locative.
On peut déplafonner et atteindre quoi qu’il arrive la valeur locative (quand bien même elle serait très à la
hausse ou très à la baisse) : en cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, qui,
par elle-même, entraîne une variation de plus de 10% de la valeur locative. Le nouveau loyer est alors fixé,
sans plafond, à la valeur locative. Cela reste assez rare.
L’art. R. 145-6 indique : « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que
présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier, de la rue, de son lieu
d’implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport […]. »
Ex 1 : quand le tram a été installé à Bordeaux, les travaux rendaient inaccessible le Cour Victor Hugo, et
empêchaient les client de se rendre dans certains commerces. La clientèle, ne pouvant plus s’y rendre, il y
avait bien une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, qui s’est traduite par une chute
de la valeur locative.
Ex 2 : une fois les travaux terminés, les habitants de la périphérie prenaient le tramway pour se rendre dans
centre-ville. L’afflux de clientèle a entrainé une augmentation de la valeur locative, bien supérieure à 10% :
certains commerçants ne pouvaient plus payer. Cette modification matérielle des facteurs locaux de
commercialité a conduit à une explosion des loyers commerciaux au centre de Bordeaux.
En dehors de ces deux conditions cumulatives, on en revient au plafonnement du loyer.
La loi Pinel est venue modifier ce système de déplafonnement. La plupart du temps, le déplafonnement joue
à la hausse, et l’augmentation est très importante pour les commerçants, dont certains sont contraints de
fermer. La loi Pinel a donc prévu le système du lissage afin d’atténuer les effets. Pour éviter la fermeture
des commerces, en raison d’une augmentation trop violente, on procède à une augmentation progressive
du loyer, limitée chaque année à 10%, jusqu’à ce que la nouvelle valeur locative obtenue par
déplafonnement soit atteinte. Parfois, avec ce mécanisme du lissage, l’augmentation est tellement lente qu’à
la fin du bail commercial, la valeur locative n’est pas encore atteinte.
Le système du lissage est très critiqué. La Cour de cassation, dans un avis du 9 mars 2018, a décidé qu’il
n’était pas d’OP, et donc qu’on pouvait l’écarter par une clause dans le contrat. En l’absence de stipulation
contraire, il s’applique de plein droit. On trouve, depuis 2018, des clauses de ce type, chaque fois que le
bailleur est bien conseillé.
Le mécanisme de plafonnement est également écarté dans une autre hypothèse : quand on a une
déspécialisation simple (ou plénière, mais immédiatement), on peut demander, dans la prochaine révision
triennale, une augmentation du loyer déplafonnée, dès lors que la modification des activités a entraîné une
modification de la valeur locative.
B – La révision contractuelle du loyer
Les parties peuvent échapper, partiellement ou totalement, au système légal. On a recours à un mécanisme
purement contractuel pour revaloriser le loyer. La technique de l’indexation, la clause recette (les plus
importantes) ou la clause d’arbitrage peuvent être utilisées.
1 – La clause d’indexation
La clause d’indexation vient du droit commun. On l’appelle en droit commercial la clause d’échelle mobile.
Le principe est de faire varier automatiquement le montant du loyer en fonction d’un indice. L’indice
modifie directement le loyer.
La clause d’indexation est autorisée par l’art. L. 112-2 du CMF, à condition que l’indice soit en relation
directe avec l’objet du statut ou de la convention, ou avec l’activité de l’une des parties. Le même article
indique que, pour un bail immobilier, l’INCC, l’ILC ou l’ILAT sont présumés en lien avec ce bail.
La jurisprudence précise que la clause d’indexation, stipulée dans un bail commercial, ne prévoyant qu’une
variation du loyer à la hausse est nulle et réputée non écrite (Civ. 3e, 14 janv. 2016). L’indice doit pouvoir
jouer à la hausse comme à la baisse.
La clause d’indexation est un mécanisme favorable au créancier. Parfois, au bout de plusieurs années, on
s’aperçoit qu’il y a une déconnexion trop importante entre le loyer payé, et la valeur locative. L’art. L.
145-39 du Code de commerce prévoit alors le retour à la valeur locative. C’est le cas si, dans un bail conclu
avec une clause d’échelle mobile, le loyer se trouve, par le jeu de cette clause, augmenté ou diminué de plus
d’un quart par rapport au prix déterminé par les parties ou judiciairement. On compare le dernier
loyer fixé par accord des parties, ou par décision du juge au loyer actuel après indexation. Dès que la
différence est de + de 25% (à la hausse, ou à la baisse), l’une ou l’autre partie peut demander au juge le
retour à la valeur locative, et l’indexation pourra recommencer à jouer. Le juge fixe, dans ce cas, le loyer à la
valeur locative (sans plafond).
Dans le cadre de l’indexation, l’indice affecte directement le loyer : il n’a pas le rôle de plafond, ou de
plancher.
La loi Pinel intervient, parce que quand on utilise cette faculté, il peut y avoir une augmentation très
importante. Si l’augmentation à la valeur locative est très importance, on la fera par pallier avec une
augmentation maximum de 10% par an.
La Cour de cassation admet que l’on puisse également, en présence d’une clause d’indexation, revenir à la
valeur locative, en cas de modification des facteurs locaux de commercialité, qui entraîne une variation de
10% de la valeur locative (art. L. 145-38, C. com.)
2 – La clause recette (ou clause de loyer variable)
On décide dès le départ, dans le contrat de bail, de prévoir un loyer volontairement déconnecté de la valeur
locative.
On va faire varier partiellement ou complètement le loyer en fonction du chiffre d’affaires, avec deux
possibilités :
⁃ Le loyer sera un pourcentage du chiffre d’affaires, et on prévoit quand même un minimum, en
l’absence de chiffre d’affaires ou s’il est très faible ;
⁃ Le loyer est constitué d’une partie fixe éventuellement indexée et d’une partie variable en fonction
du chiffre d’affaires (loyer binaire).
L’avantage est que le commerçant qui débute une activité paie un loyer modeste, ce qui lui permet de bien
s’en sortir. Si l’entreprise se développe, le loyer augmente corrélativement. Ce mécanisme est un
investissement sur l’avenir qui présente un intérêt. On trouve notamment ces clauses pour les boutiques
installées dans les galeries marchandes.
La q de la validité de la clause recette s’est posée. La jurisprudence l’a d’abord distinguée de la clause
d’indexation. Également, elle a jugé qu’elle était valable, mais on ne lui applique pas le mécanisme légal
d’ordre public de la révision triennale. Ici, il ne s’agit pas de déroger à un texte d’OP car on ne recherche
jamais la valeur locative, on est en dehors du domaine de L. 145-38. La clause recette relève d’une autre
logique.
La clause de loyer variable est un mode de calcul qui tend à se développer. Au départ, c’était un mode de
calcul d’une logique très différente de la valeur locative. Mais, le problème est qu’aujourd’hui, les bailleurs
abusent de la technique, en fondant le loyer sur un pourcentage du chiffre d’affaires (lorsqu’il est supérieur à
la valeur locative), avec un minimum : la valeur locative. En réalité, en rédigeant ces clauses recettes, la
pratique veut les avantages de la clause recette et de la valeur locative, sans leurs inconvénients. Il faudrait
que le législateur intervienne pour interdire ce type de clauses dont le but est de cumuler les avantages de la
clause recette et de la valeur locative, sans appliquer les règles du plafonnement.
3 – La clause d’arbitrage
Les clauses d’arbitrage sont très mal nommées, parce qu’aucun arbitre n’intervient.
L’objectif est de faire en sorte que les parties, qui veulent conclure un bail commercial, mais ne s’accordent
pas sur le loyer, puissent autoriser un tiers (mandataire commun) à fixer le prix. ≈ Art. 1582 sur le contrat
de vente. La clause est valable à la conclusion du bail, pour la conclusion du loyer initial seulement.
Mais, elle n’est pas valable pour la révision du loyer ou le renouvellement. En effet, permettre à un tiers
de modifier le loyer revient, dans ces deux cas, à déroger au système impératif de révision triennale légal.
§3 – La fin du bail
Le bail commercial peut prendre fin. Mais, le plus souvent, la fin du bail commercial est un
recommencement : droit au renouvellement.
Une partie au contrat peut tout à fait demander la résiliation judiciaire du bail pour inexécution. Dans
l’immense majorité des cas, c’est le bailleur qui forme une demande de résiliation pour inexécution. En droit
commun, s’il y a une inexécution suffisamment grave, le juge peut résilier le contrat.
Le preneur ne bénéficie du droit au renouvellement que dans la mesure où il exécute correctement ses
obligations. La résiliation peut être prononcée par le juge, ou résulter de la mise en œuvre d’une clause
résolutoire.
Une clause résolutoire est (presque) toujours insérée dans le bail commercial. L’avantage est que la
résiliation découle du seul fait de l’inexécution : les parties n’ont pas besoin de saisir le juge.
La clause résolutoire doit être expresse et est interprétée strictement. La jurisprudence exige, pour qu’elle
soit mise en œuvre, que la clause vise expressément toutes les hypothèses susceptibles de justifier la
résiliation du bail. La jurisprudence accepte de paralyser son exercice, en cas d’utilisation de mauvaise foi.
On applique le droit commun et, en plus, l’art. L. 145-41 du Code de commerce, qui modifie l’effectivité de
la clause résolutoire : « toute clause insérée dans le bail, prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit
effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. »
En droit commun de la clause résolutoire (art. 1225, C. civ.), la résolution peut résulter soit de la mise en
demeure infructueuse d’exécuter, soit automatiquement du fait de l’inexécution.
En matière de bail commercial, au titre de l’article L. 145-41, les parties n’ont pas ces deux possibilités : une
mise en demeure et un délai d’un mois sont exigés. Le preneur peut demander, pendant ce délai, des délais
de paiement grâcieux (jusqu’à deux ans). La clause résolutoire est moins efficace à cause de ce délai d’un
mois.
Le bail commercial dure en principe 9 ans. La question se pose de savoir ce qu’il en est quand, au terme des
9 ans, rien n’a été fait. La loi décide que le bail ne prend pas fin quand il arrive à son terme mais se
prolonge tacitement au-delà du terme de 9 ans (art. L. 145-9). Si ni le preneur ni le bailleur n’a pris la
décision de demander / donner congé, le même bail se poursuit et devient un contrat à durée
indéterminée.
Pour mettre définitivement fin au contrat, ou pour obtenir le renouvellement du contrat, il faut que l’une des
partie prenne l’initiative de donner congé (soit pour mettre fin au contrat, soit pour le renouvellement). A
défaut, le bail continue sous la forme d’un contrat à durée indéterminée. Les deux parties peuvent prendre
l’initiative. Le bailleur qui veut congédier le preneur doit notifier le congé au minimum 6 mois avant
l’expiration du terme (ce peut être bien avant) ou pendant la période de tacite reconduction, mais il ne
produira effet que 6 mois plus tard. Le congé doit être notifié par acte extra judiciaire (acte d’huissier*).
Récemment, les lois Pinel et Macron ont introduit, pour certains cas, la lettre recommandée avec accusé de
réception.
* Représente un coût. Mais, comme certains actes graves, il faut une date certaine.
Le congé doit préciser les motifs à peine de nullité. En cas de congé sans offre de renouvellement, la raison
du refus doit absolument être indiquée, parce que si elle est légitime, le bailleur n’aura pas à verser
d’indemnité. C’est une mention obligatoire.
Le locataire peut contester le congé ou demander une indemnité d’éviction quand on lui refuse le
renouvellement.
Le congé non motivé produit des effets, mais entraine automatiquement le paiement d’indemnité d’éviction,
même le refus est légitime.
Le congé met un terme au bail : soit sans offre de renouvellement, soit avec une offre de renouvellement. Il
faut le préciser !
En principe, le bailleur qui a donné congé ne peut pas modifier la nature de son congé. S’il offert le
renouvellement, il ne pourra normalement pas revenir dessus. S’il refuse le renouvellement, sans indemnité,
il doit en avancer le(s) motif(s). Il ne pourra pas en ajouter, invoquer d’autres motifs pour refuser le
paiement de l’indemnité.
Il y a des exceptions :
⁕ Le bailleur, qui a offert le renouvellement, peut revenir sur son congé et le refuser si de nouveaux
griefs, pouvant justifier un tel refus, sans indemnité, sont apparus.
Ex : l’année qui suit le congé, le locataire ne paie plus ses loyers, malgré mise en demeure.
Il faut que les griefs en question soient postérieurs au congé, ou alors, s’ils sont antérieurs, que le
bailleur l’ait découvert après (ex : mauvais entretien du local) ;
⁃ Le bailleur, qui donne congé sans renouvellement, peut ajouter des hypothèses au refus, si des
éléments postérieurs justifient un changement, ou une motivation différente.
On peut refuser le renouvellement par la dénégation du statut des baux commerciaux. Cela signifie qu’au
moment du renouvellement, le preneur ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier du bail
commercial.
Il faut distinguer la dénégation (le preneur ne remplit pas les conditions) des comportements graves et
repréhensibles du preneur, pouvant justifier le refus du renouvellement. Le premier cas est sans faute.
Le congé doit mentionnes la (les) faute(s). Si elle est postérieure au congé, le bailleur peut revenir sur le
renouvellement, ou l’ajouter à la motivation du refus.
La dénégation du statut des baux commerciaux peut être invoquée, par le bailleur, à tout moment, même
après qu’il ait donné congé avec offre de renouvellement. Il peut l’invoquer jusqu’à la fixation du loyer
renouvelé, ou en cas de refus de renouvellement, jusqu’à la fixation, par le tribunal, du montant de
l’indemnité d’éviction.
La qualification de faute commise ou de dénégation emporte une différence de régime. Le résultat est le
même : mettre fin au bail sans renouvellement.
Le preneur peut donner congé dans les mêmes formes que le bailleur : acte notarié extra-judiciaire. Il peut
le faire au bout des 9 ans ou plus tôt s’il bénéficie d’une faculté de résiliation triennale. Si le bailleur n’a pas
agi, le preneur peut officiellement lui demander le renouvellement. Il doit le faire soit dans les 6 derniers
mois au moins du bail commercial, soit quand il le souhaite, dans l’hypothèse de la tacite reconduction.
La demande de renouvellement est envoyée au bailleur, qui en reçoit la signification. A compter de cette
signification, le bailleur doit indiquer, dans un délai de trois mois, s’il accepte ou refuse le renouvellement.
S’il refuse le renouvellement sans paiement d’indemnités d’éviction, il doit en indiquer les motifs. En
l’absence de réponse, dans un délai de trois mois par acte d’huissier (date certaine), cela vaut acceptation
du renouvellement. La gravité de l’acte est mise en évidence par le recours à l’huissier.
I – Le renouvellement du bail
Le plus souvent, la fin du bail se traduit par le renouvellement, sans quoi, le bailleur devra payer une
indemnité d’éviction d’un montant de la valeur du fonds de commerce. Il est contraint économiquement.
A – Les conditions du renouvellement
S’il manque une des conditions, le preneur n’a pas le droit au renouvellement. Le bailleur pourra, tout de
même, l’accorder mais ce ne sera pas un droit.
L’ensemble de ces conditions, dont l’absence pourrait justifier le refus du renouvellement, renvoie à la
dénégation du statut des baux commerciaux. Il ne s’agit pas là de démontrer une faute du preneur mais
qu’il ne réunit pas les conditions pour être dans le périmètre d’application du droit au renouvellement.
Les conditions posées et leur mise en œuvre sont très importantes en pratique parce qu’on peut facilement
s’en servir pour refuser le renouvellement.
1 – L’immatriculation au RCS
En application de l’art. L. 145-1, le preneur doit être immatriculé au RCS au moment de la conclusion du
contrat. Mais, en réalité, l’immatriculation est surtout exigée pour ouvrir droit au renouvellement.
Le preneur doit être immatriculé au RCS à deux moments précis cumulativement. A défaut, même s’il est
inscrit avant ou après, il n’a pas le droit au renouvellement.
Il doit, d’abord, être immatriculé à la date à laquelle est donné le congé. Si le bailleur donne congé avec
offre de renouvellement, le preneur doit être inscrit à cette date certaine / Si le preneur, donne lui-même
congé, il doit prêter attention à être immatriculé à cette date.
Il doit également être immatriculé à la date d’expiration du bail, c’est-à-dire au dernier jour du bail.
La jurisprudence considère qu’une fois que le preneur a été immatriculé dans ces deux moments-là, cela n’a
pas d’importance qu’il ne le soit plus ensuite.
La jurisprudence interprète le texte sévèrement : le preneur doit être immatriculé pour l’activité exercée
effectivement. S’il est immatriculé pour une autre activité, même proche, le preneur n’a pas le droit au
renouvellement.
Le bailleur attend le moment où l’immatriculation n’est pas régulière (surveille) pour envoyer le congé,
comme cela, le preneur n’a pas le droit au renouvellement. L’inscription au RCS est la principale source de
dénégation : très souvent invoquée.
2 – Les conditions relatives au fonds de commerce
La première condition est que le fonds de commerce personnel, et donc, la clientèle personnelle. On le
comprend parce que le bail commercial a pour but de protéger une activité économique : la clientèle. En
l’absence de clientèle propre, il n’y a rien à protéger et, logiquement, le droit à la protection tombe.
On vérifie l’existence d’une clientèle personnelle au moment de la demande de renouvellement et jusqu’au
terme du contrat.
L’art. L. 145-8 dispose que : « [le fonds de commerce] doit, sauf motifs légitimes, avoir fait l’objet d’une
exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa
prolongation. » Plusieurs remarques :
• L’exploitation effective n’implique pas forcément l’exploitation par le même propriétaire. C’est le
fonds de commerce qui doit être exploité pendant ces trois ans (, que ce soit par le locataire-gérant,
ou le nouveau propriétaire).
⁃ Le fonds de commerce est le même, quand la clientèle ne change pas. L’activité peut évoluer
légèrement, dès lors que la même clientèle demeure.
Ex : dans le cadre d’un bail tout commerce, si 2 ans avant le terme du contrat, le preneur n’exploite
plus épicerie mais vend de l’alcool, le changement d’activité est tel, que la clientèle va changer, et
donc le fonds de commerce ne sera plus le même.
Les juges du fond apprécient au regard des faits, si la clientèle a changé.
⁃ Si le preneur arrête d’exploiter le fonds durant les trois dernières années, le bailleur pourra le lui
reprocher et refuser le renouvellement.
La Cour de cassation différencie entre les cessations d’activité :
◦ Les cessations d’activité temporaires ne sont pas imputées sur les trois ans (ex : travaux).
En revanche, si la cessation est fautive, le bailleur peut refuser de payer l’indemnité, pour
motif grave et légitime (ex : interdiction administrative) – L. 145-17 ;
◦ Les cessations d’activité définitives autorisent la dénégation du statut, sur le fondement de
l’art. L. 145-8.
La différence entre cessation temporaire et cessation définitive n’est, en pratique, pas toujours facile à
apprécier (les deux articles L. 145-8 et L. 145-17 sont donc invoqués).
Il est prévu dans la loi, pour la dénégation du statut des baux commerciaux, que la condition d’exploitation
continue pendant trois ans disparaît en cas de motifs légitimes de non-exploitation. Le preneur aura, dans ce
cas, droit au renouvellement.
Ex : le preneur n’a pas pu exploiter son fonds de commerce pendant 1 an et demi, car le bailleur devait faire
des travaux sur la structure de l’immeuble mais refusait de s’exécuter. Il ne pouvait pas ouvrir son
commerce parce que l’immeuble risquait de s’effondrer ;
Ex : la fermeture administrative liée au COVID-19 ;
Ex : la jurisprudence refuse de voir, dans la maladie, un motif légitime de non-exploitation, parce que le
preneur peut, tout à fait, mettre son fonds en location gérance. Globalement, la jurisprudence est assez dure
sur le sujet. Si le preneur ne trouve personne, c’est différent. La q. est laissée à l’appréciation des juges du
fond au cas par cas.
La jurisprudence ajoute que l’activité doit avoir été exercée licitement.
Ex : ce n’est pas le cas si le locataire vend de l’alcool sans licence IV.
La déspécialisation a pour objet de changer l’activité complétement (plénière) ou partiellement (simple, à
moins que l’activité accessoire devienne principale en termes de clientèle et de chiffres d’affaires, ce qui
change le fonds de commerce).
Avant les 1970s, la question de la déspécialisation alimentait des discussions. La loi est intervenue : la
condition d’exploitation du même fonds pendant les trois dernières années ne joue pas en cas de
déspécialisation (plénière et partielle : art. L.145-8). On considère que c’est le même fonds. En revanche, il
ne faut pas d’interruption.
La Cour de cassation retient la même solution si le changement d’activité est autorisé par le bailleur, en
dehors de la déspécialisation légale. Le bailleur, qui autorise son locataire à changer d’activité en cours de
bail, ne pourra pas invoquer plus tard le défaut d’exploitation du même fonds pendant les trois dernières
années. Il renonce implicitement à sa faculté d’invoquer le défaut de la condition à la fin du bail.
La solution est différente en présence d’un bail tout commerce. Dans ce cas, si le preneur à bail change
d’activité au cours des trois dernières années, ce ne sera plus le même fonds de commerce (Civ. 3e, 4 mai
1994). Le bailleur n’a pas accepté de renoncer à la condition. Il faudrait directement demander au bailleur,
s’il est d’accord pour renoncer à son droit sur ce point précis.
Une dernière hypothèse fait difficulté : la cession de bail isolé (sans le fonds de commerce). La personne
qui rachète le bail seul, sans le fonds de commerce, n’exploite plus le même fonds (changement d’activité et
de clientèle). Donc, si la cession de bail isolé s’opère dans les trois dernières années, le cessionnaire n’a pas
le droit au renouvellement.
La cession de bail isolé n’est pas de droit, l’accord du bailleur est requis. Il pourrait l’accepter, sans pour
autant, renoncer à son droit d’invoquer la dénégation. Il ne faut pas confondre un accord du propriétaire
pour céder le bail, et un accord pour renoncer au doit d’invoquer la dénégation du statut sur le critère
d’exploitation du même fonds. Il faudrait demander les deux.
Le juriste, qui a oublié de préciser aux personnes qu’il conseille, d’inclure la clause, va engager sa
responsabilité.
La renonciation doit figurer expressément et sans équivoque dans la convention.
B – Les conditions économiques et juridiques (les modalités du nouveau bail)
Le renouvellement est un nouveau bail, conclu en principe aux conditions du bail expiré.
Les parties sont libres d’ajouter de nouvelles clauses ou de les modifier. Si elles ne parviennent pas à
s’accorder les clauses de l’ancien bail sont reportées.
Le principe selon lequel les clauses de l’ancien bail sont reprises ne s’applique pas sur deux points :
⁃ La durée : aux termes de l’art. L. 145-12, le bail est normalement reconduit pour 9 ans, sauf si les
parties s’accordent sur une durée plus longue. A quel moment peuvent-elles se mettre d’accord pour
allonger la durée ? Au moment du renouvellement ? Dès le bail initial (précise qu’en cas de
renouvellement, le bail renouvelé sera d’une durée de 10 ans) ?
En pratique, on trouvait toujours la clause dans le contrat initial, lorsque les parties voulaient un bail
plus long. Mais, dans un arrêt du 18 juin 2013, la troisième chambre civile de la Cour de cassation,
saisie de la question, dit, contrairement à la pratique, que les parties doivent prévoir l’allongement de
la durée du bail renouvelé au moment du renouvellement.
La pratique le faisait en amont car cela permettait aux parties d’échapper aux règles classiques :
notamment, il y avait toujours des déplafonnements.
⁃ Le loyer : ne pas confondre le loyer révisé dans le bail exécuté en cours et le loyer du bail
renouvelé. En matière de loyer, on essaie, normalement, de suivre la valeur locative, même si dans
certaines hypothèses, on souhaite éviter une augmentation trop importante. Les parties se mettent
d’accord en principe. A défaut, le loyer du bail renouvelé est fixé à la valeur locative (art. L. 145-34,
C. com.). Mais en cas de hausse du loyer par rapport au loyer expiré la hausse sera plafonnée par
rapport à un indice de référence (ILC / ILAT). L’indice ne joue ici que le rôle de plafond !
Par contre, si la valeur locative baisse, on baissera le loyer jusqu’à l’atteindre, car il n’y a pas de
plancher.
Le loi prévoit, là encore, des hypothèses de déplafonnement, qui ne sont pas les mêmes que pour la
révision triennale :
‣ Lorsque le bail à renouveler est d’une durée supérieure à 9 ans. Le bail à renouveler est le
bail expiré. Quand le bail expiré a une durée supérieure à 9 ans, le déplafonnement
automatique ;
‣ Si, par l’effet de la tacite reconduction, le bail, d’une durée initiale de 9 ans, se prolonge
jusqu’à 12 ans, le loyer est automatiquement fixé à la valeur locative.
Ex : par suite d’une tacite reconduction, le bail dure depuis 11 ans. Le bailleur n’a pas intérêt
à donner congé : il est plus intéressant d’attendre 12 ans pour obtenir le déplafonnement ;
‣ En cas de modification notable des éléments qui permettent de déterminer la valeur
locative (caractéristiques des lieux, destination des lieux, obligations respectives, facteurs
locaux). C’est assez demandé. En revanche, la modification notable des coûts couramment
pratiqués dans le voisinage ne peut être invoquée.
Il n’y a pas, ici, de seuil : le caractère « notable » est laissé à l’appréciation des juges (pas
forcément 10%). Le critère est plus vague et renvoie à tous les éléments qui déterminent la
valeur locative sauf les prix voisins ;
‣ Déplafonnement pour certains locaux spécifiques (art. L. 145-36, C. com) : monovalents
(construits en vue d’une seule utilisation) ; à usage exclusif de bureaux.
Les hypothèses de déplafonnement sont beaucoup plus nombreuses en matière de loyer renouvelé que
révisé.
En cas de déplafonnement, le lissage de la loi Pinel (10 % d’augmentation / an) s’applique uniquement pour
le bail renouvelé de plus de 9 ans et la modification notable des éléments de calcul de la valeur locative.
Souvent, les parties se mettent d’accord sur le loyer sinon un contentieux naît devant le juge. Dans ce cas,
le juge, après avoir consulté des experts, fixe le loyer. La loi accorde un droit d’option aux parties (prix
paraît trop élevé / trop bas) : une fois que le juge s’est prononcé, le locataire / le bailleur peut renoncer au
renouvellement (sous réserve du paiement d’une indemnité d’éviction pour le bailleur) (art. L. 145-57). La
partie qui décide de ne pas renouveler doit verser tous les frais de procédure.
Dernière difficulté : quid en cas de recours à une clause recette, par définition totalement différente valeur
locative ? La Cour de cassation, dans l’arrêt Théâtre St George (10 mars 1993), retient qu’en cas de loyer
renouvelé, le nouveau loyer ne peut pas dépendre du système légal. Le juge n’a pas à intervenir, on doit
continuer à appliquer la clause recette. Elle laisse les parties trouver une solution seules et ne fixe pas de
minimum à la valeur locative.
II – Le refus du renouvellement
A – Le refus du renouvellement avec paiement d’une indemnité d’éviction
Le preneur n’a pas systématiquement droit au renouvellement : le bailleur peut le lui refuser. Mais, une
contrainte matérielle pèse sur lui : l’indemnité d’éviction, laquelle « comprend notamment la valeur
marchande du fonds de commerce, augmentée éventuellement des frais de déménagement, ou de rachat
d’un fonds de commerce (frais de mutation, impôts). » (art. L. 145-14). C’est le principe. Mais, si le bailleur
peut prouver que le préjudice est moindre, l’indemnité d’éviction peut être réduite.
Ex 1 : le locataire comptait prendre sa retraite et son activité n’était pas très fructifiante.
Ex 2 : le preneur souhaiter bénéficier du droit au renouvellement juste pour le céder.
Le risque est que le bailleur, bien que condamné à payer une indemnité, ne la paie pas. La loi confère une
sorte de sûreté : le locataire n’a pas à quitter les lieux, tant qu’on ne lui a pas versé l’indemnité d’éviction
(droit de rétention – L. 145-28). S’il exploite les lieux, le juge peut lui demander le versement d’une
indemnité d’occupation.
Une fois l’indemnité payée, le locataire a trois mois pour partir.
L’indemnité d’éviction pose problème. Le risque est que le bailleur ne donne jamais congé. Pour éviter cela,
les propriétaires ne vont plus accorder de baux commerciaux. Ce peut être contreproductif.
L’art. L. 145-58, pour résoudre la difficulté, accorde au bailleur un droit de repentir : après que le juge ait
fixé le montant de l’indemnité d’éviction, si le bailleur la trouve trop élevée, il a 15 j pour revenir sur sa
décision et accorder le renouvellement. Il ne peut se rétracter que dans la mesure où le locataire est toujours
dans les lieux et n’a pas loué / acheté un autre bail / fonds de commerce.
! Ce droit de repentir ne joue pas dans tous les cas.

Dissertation et cas pratiques à l’examen !


B – Refus du renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction
Le statut s’applique, on est en dehors de la dénégation du statut des baux commerciaux.
La première hypothèse de refus sans paiement d’indemnité d’éviction est la faute du preneur. Le bailleur,
qui démontre l’existence d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur, n’a pas à payer d’indemnité
(art. L. 145-17). Ce motif doit être précisé au moment du refus et on ne peut l’ajouter plus tard.
L’inexécution d’une obligation, ou la cessation sans raison sérieuse, et légitime de l’exploitation du
fonds, ne peut être invoquée que si, pendant l’exécution du bail, malgré mise en demeure, le preneur a
continué dans son inexécution pendant un délai d’un mois. Il faut pouvoir apporter la preuve de l’acte de
signification d’huissier envoyé en cours d’exécution du bail.
Exception à l’exigence mise en demeure : la situation créée par la faute est irréversible et donc ne peut être
modifiée suite à une mise en demeure (ex : condamnation pénale).
A ne pas confondre avec la résiliation du bail ou la dénégation (, pour laquelle le motif peut être invoqué
à tout moment).
Chapitre 2 – Les opérations portant sur le fonds de commerce
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