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Informations préliminaires :
Examen blanc en novembre.
Deux sujets – dissertation / cas pratique.
Le professeur note très justement, de 0 à 20.
La maîtrise du cours et de la méthode est indispensable. Mais, l’objectif est, avant tout, de réfléchir. Avant
d’apprendre, il faut comprendre.
En TD, la prise de note se fait à la main. La note de TD prend en compte l’examen blanc et la participation
(++).
Cf identifiants Moodle pour les réunions Zoom.
Traditionnellement, quatre grands cours sont dispensés en droit des affaires :
◌ Droit commercial général ;
◌ Droit des sociétés ;
◌ Droit bancaire ;
◌ Procédures collectives.
Le droit commercial général est souvent perçu comme le droit commun du droit commercial. Ce n’est pas
totalement vrai. Certes, des éléments généraux sont communs à toutes les matières du droit commercial.
Mais, ces mécanismes communs restent très réduits et ne sont, par suite, pas suffisants pour faire, à eux
seuls, un droit commun.
La suite du cours se concentrera sur une sorte de droit spécial : l’étude du statut de l’entrepreneur individuel
et de certains contrats commerciaux.
En résumé, le droit commercial, c’est un peu de droit commun et beaucoup de droit spécial.
D’un manuel à l’autre, le contenu du droit commercial diffère vraiment, même si la spécificité du
commerçant, les actes de commerce, le fonds de commerce et le bail commercial sont toujours évoqués.
Certains auteurs y ajoutent d’autres notions : du droit de la concurrence, du droit de la distribution, du droit
de la consommation et même du droit bancaire. En fait, chaque auteur est maître de la détermination de son
cours et met un petit peu ce qu’il souhaite dans son droit commercial général. Il n’y a pas vraiment de
genèse déterminée.
Ouvrages conseillés :
◌ Code de commerce, LexisNexis : c’est le plus complet ;
◌ Code de commerce, Dalloz : peu de JP à certains passages clés (cession de fonds de commerce, bail
commercial) ;
◌ Droit commercial, D. Houtcieff
Plan du cours :
Titre introductif
Titre 1 – L’activité commerciale
I – Le commerçant
II – L’acte de commerce
Titre 2 – L’entreprise commerciale
Titre introductif
Les usages de droit : la coutume, qui a une nature différente, est soumise à un autre régime juridique.
L’usage de droit, ≠ présomption de volonté, a une force normative quasi légale et fait partie d’un ordre
juridique supérieur. Très souvent, au bout d’un certain temps, la Cour de cassation ne précise plus que c’est
une coutume et se contente de dire c’est une règle de droit.
Les parties n’ont pas à apporter la preuve de l’usage de droit. Comme c’est une règle de droit, le juge est
censé la connaître.
La coutume s’applique, sans distinction géographique ou matérielle, à tous les commerçants. Son champ
d’application est donc extrêmement large.
La coutume est supplétive : s’applique, sauf clause expresse contraire des parties dans le contrat.
La coutume peut-elle déroger à une disposition d’ordre public ? En général, dans les autres domaines du
droit, ce n’est pas le cas. Pourtant, des auteurs affirment qu’en droit commercial des usages de droit dérogent
à des normes impératives : l’anatocisme et la présomption de solidarité passive. Il s’agirait d’une spécificité
du droit commercial.
Code civil, anc. art. 1202 al. 2 : « La solidarité ne se présume point ; il faut qu’elle soit expressément
stipulée.
La règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi. »
En droit commercial, la solidarité passive est présumée entre les commerçants, sans clause expresse. Pour
cette raison, des auteurs ont pu dire que la règle coutumière dérogeait à la règle impérative de l’article 1202.
Mais, l’article 1202, qui prévoit, dans son alinéa 2, des exceptions à la règle posée, ne peut être considéré
comme une véritable règle d’ordre public.
En présence d’un conflit de normes (de même valeur), la règle spéciale (solidarité passive en droit
commerciale) déroge à la règle générale (obligation conjointe).
Par contre, d’un point de vue théorique, on peut imaginer qu’une coutume écarte une règle de droit
impérative. C’est une possibilité dans toutes les matières. Mais, ce n’est pas le cas pour les deux exemples
proposés par les auteurs.
En cas de non-respect de la coutume, le recours en cassation est possible. C’est logique au regard de la
nature juridique de la coutume.
C – La jurisprudence et la doctrine
Comme dans toutes les matières juridiques, la jurisprudence est une source du droit commercial.
Le droit commercial présente une spécificité au regard du contentieux et des tribunaux. On considère que les
juges doivent avoir une certaine connaissance de la pratique. Ainsi, les tribunaux de commerce sont
constitués de juges commerçants et non de magistrats.
Il existe au sein de certaines cours d’appel une (des) chambre(s) spécialisée(s) en droit commercial. C’est
notamment le cas de la cour d’appel de Paris, qui comprend au moins deux chambres commerciales. On le
comprend parce que c’est à Paris que siègent les plus grandes entreprises. La Cour d’appel de Paris traite de
questions très importantes, avant qu’elles ne soient portées devant la Cour de cassation. En l’absence de
jurisprudence de la Cour de cassation, l’attention est portée vers ces décisions de la CA de Paris.
La chambre commerciale de la Cour de cassation veille à retenir des solutions qui ne mettent pas en péril
la pratique des affaires.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a retenu des solutions innovantes, avant-gardistes, reprises
plus tard par le législateur, en créant par exemple le régime du compte courant. Pendant des années, en droit
des sûretés, c’est la Cour de cassation qui fixaient les conditions et les limites des lettres d’intention ou des
garanties autonomes, créées par la pratique. A partir du système de droit commun de la responsabilité
délictuelle, la Cour de cassation a aussi dégagé le principe de la concurrence déloyale. La nomination d’un
administrateur provisoire pour les sociétés paralysées est également une création jurisprudentielle.
! La Cour de cassation a trouvé des solutions juridiques à des problèmes très pratiques.
Il arrive que la chambre commerciale soit en désaccord avec d’autres chambres. Cela tient à la pratique du
droit des affaires qu’elle cherche à ménager le plus possible. L’attention particulière portée à la pratique
présente le risque d’un lobbying, d’une complaisance en faveur de certaines pratiques dans les affaires.
Au XIXe siècle, la doctrine en droit commercial est relativement critiquée et a valeur inférieure à la doctrine
en droit civil.
Ce n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, la doctrine commercialiste est très présente en quantité et en qualité.
La qualité se justifie par le fait que de nombreux universitaires qui rédigent des articles, ont, à côté, un rôle
de conseil juridique auprès de la pratique.
Le problème est que le lien entre les deux métiers est poreux : les auteurs, quand ils publient, écrivent aussi
pour leurs clients. L’ensemble doit être cohérent et logique. Ainsi, dans des hypothèses, toute la doctrine
s’accorde, sans que cela ne soit justifié juridiquement, parce que c’est la solution à laquelle veulent parvenir
tous les praticiens. Parfois, la diversité d’analyse de la doctrine ne se retrouve pas (Ø contradiction) en droit
commercial, alors même que, parfois, la solution retenue est fausse. C’est assez problématique…
Il ne faut pas croire que ce que dit la doctrine est forcément vrai. En droit commercial, les intérêts sont très
présents : doctrine de « mercenaires », au service des affaires, « affairistes ».
2 – Les sources internationales
A – Les traités
Les traités sont depuis longtemps présents en droit des affaires. On n’a pas attendu la globalisation de
l’économie. Souvent, les conventions internationales en droit des affaires sont multilatérales.
Des conventions internationales régissent uniquement des rapports internationaux, entre deux Etats au
moins.
Ex : Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (1980), ne modifie pas le droit
interne applicable à chaque Etat partie, mais superpose une réglementation nouvelle uniforme.
D’autres ont pour objet d’harmoniser le droit interne des Etats signataires.
Ex : Les conventions de Genève (1930 et 1931) dont le but est d’harmoniser, en droit interne, les régimes
juridiques applicables aux chèques et aux effets de commerce.
B – L’Union européenne
Le droit de l’UE a une grande importance en droit des affaires parce que son objet est d’établir :
⁎ Un marché commun : à l’intérieur du marché, suppression des droits de douane / à l’extérieur du
marché, création d’un tarif douanier unique ;
⁎ Un espace de liberté de commerce : liberté de circulation des hommes et des capitaux, liberté
d’établissement et liberté de prestation de service au sein de l’UE.
Le droit des affaires est le premier droit impacté par le droit de l’UE, des pans entiers sont subordonnés à ce
droit supranational. Le droit des sociétés, par exemple, est contraint par de nombreuses directives
européennes.
Pour les directives, les Etats disposent d’un délai de transposition en droit interne ≠ Les règlements
s’appliquent directement.
Le droit des affaires est à la fois réglementé par des directives et des règlements.
Le droit européen est essentiel en droit bancaire, en droit des sociétés et en droit financier. Ce n’est pas le
cas pour toutes les matières du droit commercial : l’entrepreneur individuel, par exemple, est moins impacté.
C – Les usages internationaux
Les usages internationaux sont nombreux (tous pays, toutes professions). Mais, leur champ d’application est
limité.
Le rôle du droit international privé est, entre autres, de résoudre les conflits de normes et de juridictions, en
cas de litiges à plusieurs points de rattachements. Chaque Etat a ses propres règles de droit international
privé. Des conventions permettent d’éviter des conflits de lois nationales.
En droit des affaires, en général, en vertu de la liberté contractuelle, le choix de la compétence est laissé aux
parties. Les parties ont également la possibilité de se référer aux usages internationaux. Mais ce n’est pas la
solution première.
La chambre de commerce international essaie de compiler et de rendre accessibles les usages internationaux.
/!\ C’est un organisme privé (≠ autorité étatique).
Dans le commerce international, il existe une lex mercatoria (loi des marchands) constituée de principes
recensés par des organismes professionnels (≠ publics), qu’il conviendrait d’appliquer. La violation de ces
règles n’entraîne pas de sanctions juridiques (, à la rigueur des sanctions morales ou disciplinaires). Plutôt
que de se référer au droit international privé d’un pays, les acteurs peuvent s’en remettre volontairement à la
lex mercatoria.
L’association unidroit publie régulièrement ces usages.
Les règles matérielles de lex mercatoria et l’arbitrage international sont étroitement liés. En cas de litige, au
lieu de saisir un tribunal classique, les parties peuvent décider de se présenter devant un tribunal arbitral,
constitués d’arbitres. Le recours à l’arbitrage peut être prévu, par avance, par les parties (clause d’arbitrage).
Dans le cadre de l’arbitrage, des juges spéciaux appliquent voire parfois même créent ces usages
internationaux.
Titre 1 – L’activité commerciale
L’article L. 121-1 du Code de commerce, qui dispose : « sont commerçants ceux qui exercent des actes de
commerce et en font leur profession habituelle », promeut une conception dualiste du droit commercial.
Chapitre 1 – Les actes de commerce
Les actes de commerce sont signalés à l’article L. 121-1 du Code de commerce.
Section 1 – La détermination des actes de commerce
Le Code de commerce n’est pas très efficace pour déterminer quels sont les actes de commerce. On aurait
aimé une liste complète des actes de commerce et / ou des critères permettant de qualifier qu’une opération
est commerciale.
Le Code de commerce de 1807 propose une liste d’actes de commerce. Depuis, le contenu n’a pas changé…
Plusieurs catégories d’actes de commerce ont été pensées.
I – Les actes de commerce par nature
Les actes de commerce visés aux articles L. 110-1 (classiques) et L. 110-2 (maritimes) sont par nature
commerciaux.
L’art. L 110-1 n’est pas très logique : la liste est incomplète et, à beaucoup d’égards, incohérente.
/!\ Le fait qu’une activité soit mentionnée dans la liste ne suffit pas à en faire systématiquement un acte de
commerce.
Ex : l’achat pour revendre fait, à titre exceptionnel, par un particulier n’est pas un acte de commerce.
En effet, il faut, en plus, que l’acte respecte deux autres critères : la répétition* et la spéculation**.
*Pour devenir commercial, l’acte doit être répété plusieurs fois. L’exigence de répétition montre que la
théorie objective de l’acte de commerce n’est pas vraiment passée en France.
A partir de quand la répétition est-elle suffisante pour que l’activité soit commerciale ?
L’exigence est plus ou moins stricte selon l’activité en cause.
La jurisprudence exige parfois une sorte d’habitude, c’est notamment le cas pour le placement en bourse.
Dans d’autres cas, « l’habitude commence au deuxième acte », la répétition est admise beaucoup plus
rapidement.
Quand la loi utilise le terme d’« entreprise » pour désigner une activité, on considère qu’elle exige une
véritable activité professionnelle.
**La spéculation est la recherche du bénéfice. Ce qui est important ce n’est pas l’obtention mais la
recherche du profit /!\
Ainsi, la jurisprudence exclut certains organismes, comme les mutuelles, qui pourtant passe des actes de
commerce, au motif qu’ils ne recherchent pas le profit mais interviennent dans l’intérêt de leurs adhérents.
En plus de ce sens général, le terme « spéculation » a un autre sens. La qualification d’une entreprise (artisan
/ commerçant) dépend, selon la jurisprudence, de l’objet de la spéculation. La distinction commerçant /
artisan a été inventée au XIXe siècle par la jurisprudence. Au XIXe siècle, le droit de la faillite était très
punitif. Le commerçant qui ne payait pas ses dettes était traité très sévèrement : son entreprise était liquidée,
il était interdit d’exercer le métier de commerçant et risquait une peine de prison. La jurisprudence, après
s’être aperçue que cela conduisait à punir les petits commerçants, a voulu les protéger en créant la catégorie
d’artisan, qui échappe aux règles du droit de la faillite. Aujourd’hui ce n’est le cas, les artisans sont soumis
au droit des procédures collectives.
L’artisan est celui qui gagne sa vie en spéculant uniquement, ou au moins principalement, sur son travail,
son savoir-faire. Par opposition au commerçant qui, s’il exerce une activité proche voire identique, crée de la
richesse sur du matériel (marchandise, outillage) ou le travail d’autrui (salariés).
Pour une même activité donnée, la jurisprudence, au regard de ce critère, peut dire qu’une personne est
commerçante ou artisan. C’est parfois source de vraies difficultés.
Ex : le chauffeur de taxi qui a dix salariés est commerçant ≠ le chauffeur de taxi seul, qui compte sur son
seul savoir-faire (permis B) est artisan.
A – L’achat en vue de la revente / la vente commerciale
C’est le principal acte de commerce : l’achat auprès d’un fournisseur pour revendre auprès de
consommateur.
1 – Biens meubles
L’article L. 110-1 vise tout achat de biens meubles pour les revendre soit en nature soit après les avoir
travaillés ou mis en œuvre.
« Pour » : le bien meuble est acheté dans l’intention d’une revente, d’effectuer une plus-value. L’élément
intentionnel est essentiel et relie deux contrats de vente :
◌ Le contrat de vente initial, c’est-à-dire l’achat
◌ Le second contrat de vente, c’est-à-dire la revente.
Dans ce cas, les deux contrats de vente sont des actes de commerce.
Parfois, dans le cadre d’une commande, la seconde vente a lieu avant la première.
La vente reste commerciale, que le bien reste intact, ou subisse une modification. Mais, à un certain degré de
modification, on va se trouver dans une autre logique, la logique industrielle. Sans le transformer
entièrement, on peut quand même le modifier un peu avant la revente.
La jurisprudence apporte un certain nombre de limites à ce principe car si on ignore certaines
transformations effectuées sur le bien, on pourrait qualifier de commerçant quelqu’un qui, en réalité, est un
artisan.
Ex : l’achat de bois, pour en faire des meubles relève de l’artisanat. Le bien est façonné, c’est le principe
même de certains artisans.
D’autres activités doivent aussi être exclues du domaine commercial :
⁃ Toutes les activités agricoles : le travailleur produit pour revendre, mais n’achète pas au préalable.
Il faut néanmoins apporter certaines nuances : dans le cadre de l’exploitation du bétail, si la
nourriture donnée aux bêtes est achetée à l’extérieur alors l’activité devient commerciale. Par contre,
si la nourriture est pour une part produite et pour l’autre achetée, on ne sait pas vraiment si l’activité
est civile ou commerciale… C’est le juge qui tranchera ;
⁃ Toute la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et propriété industrielle) ;
⁃ Les professions libérales ;
2 – Biens immeubles
Dans le Code de commerce de 1807, les opérations immobilières ne figuraient pas dans la liste des actes de
commerce. On considérait que l’immeuble, par nature, devait relever de la matière civile.
La loi a évolué en 1967 : désormais, dans l’article L. 110-1, tout achat d’un immeuble pour le revendre est
un acte de commerce, sauf si l’acquéreur l’a acheté en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiment(s) et revendre
(en bloc ou par locaux). Il faut donc distinguer les hypothèses :
▫ Le « marchand de biens », qui achète des biens immobiliers pour les revendre, a une activité
commerciale.
▫ Concernant le promoteur immobilier, qui achète pour faire construire et revend, c’est plus complexe.
La nature de l’acte dépend de la personne qui construit : si le promoteur fait appel à un tiers, l’acte
est civil ≠ s’il fait lui-même construire, il s’agit d’une opération de manufacture, qui est une
opération commerciale.
B – Les activités industrielles
L’industrie est la transformation réalisée sur des biens grâce à des moyens matériels et humains. Ce n’est pas
une profession de type intellectuel, libéral mais cela n’exclut pas pour autant un certain savoir-faire.
Il faut savoir que certaines activités, qui sont normalement industrielles, ne sont pas commerciales :
Les activités extractives (exploitation d’une carrière, d’une tourbière, d’une source minérale ...) sont civiles.
On considérait que récolter les produits / toucher au capital d’un bien caractérisait un acte civil.
Exception à l’art. L. 131-3 du Code minier : les exploitations minières sont des activités extractives mais
sont commerciales. L’activité de recherche de mine et l’extraction d’argile ou de marais salants sont, en
revanche, civiles.
L’article L. 110-1 explique que les entreprises de manufacture sont des actes de commerce. ≈ industrie,
parce que la manufacture entraîne la transformation du produit. La jurisprudence fait une interprétation
extensive de ce terme : métallurgie, chimie, textile, teinturier, promoteur qui construit lui-même sur le
terrain acheté … Exception : l’artisan (ex : plombier seul à son compte) n’exerce pas une activité
commerciale car il ne spécule pas sur du matériel ou sur le travail d’autrui.
Le critère est vague et ne permet pas distinguer catégoriquement l’artisan et le commerçant. C’est le juge
qui, au final, tranchera.
Les activités de service sont aussi des activités commerciales. L’art. L. 110-1 vise de nombreuses activités,
mais les termes employés sont archaïques. Depuis le XIXe siècle, des évolutions économiques ont fait que
des activités de service non citées par le Code sont reconnues par la jurisprudence comme des activités de
commerce.
La loi vise les activités de location de biens meubles, qu’il s’agisse d’un bail classique ou d’opérations
voisines qui recourent à un contrat de bail (crédit-bail, location de vente).
La loi ne vise que le bail portant sur des biens meubles. Le bail d’immeuble, non cité, demeure une
opération civile, que ce soit la location d’habitation classique ou la location de parking.
Contrairement à son nom, le bail commercial (location de locaux) est ainsi, en principe un acte civil. Dans
certaines conditions, il peut y avoir une requalification par le contrat commercial. Le bail commercial génère
un contentieux important, qui va devant le tribunal judiciaire.
Exception : l’hôtel – la chambre est louée avec des meubles indispensables. Du fait de l’importance des
meubles, les prestations hôtelières sont commerciales.
Les contrats de transport sont des contrats de commerce. L’article L. 110-1 mentionne le transport terrestre
/ l’article L. 110-2 le transport maritime. La jurisprudence a généralisé à tous les transports (ferroviaires,
avion, entreprise de déménagement, de remorquage …), et même au téléphérique.
Limites : auto-école – l’élève n’est pas là pour se faire transporter mais pour apprendre. C’est une activité
d’enseignement donc une activité civile.
L’activité de taxi est, en principe, une activité commerciale. Mais, sous certaines conditions, le chauffeur de
taxi pourra être considéré comme un artisan.
C – Les activités de banque et de change
Les établissements de crédit bénéficient par la loi d’un monopole bancaire pour certaines opérations. Ces
opérations, la réception et l’utilisation de fonds du public et surtout les opérations de crédit (à titre onéreux),
sont des actes de commerce.
D’autres opérations ne faisant plus partie du monopole bancaire, comme la mise à disposition de moyens de
paiement (chèque), sont aussi des activités commerciales.
En plus de ces activités principales (crédit), la banque peut porter des activités connexes, compatibles avec
ses activités principales. Les contrats de change, qui ne sont pas soumis au monopole, sont des activités
commerciales. Il existe aussi d’autres activités connexes comme la gestion financière d’entreprise dont la
nature est inconnue à ce jour (pas de jurisprudence).
Les services d’investissement (tout ce qui se rapporte au marché financier, à la bourse), non mentionnés par
la loi, sont des activités commerciales.
L’article L. 110-2 fait mention des assurances maritimes parmi les actes de commerce. En revanche, l’article
L. 110-1 ne dit rien à ce propos. La jurisprudence a étendu : l’assurance est une activité commerciale sauf en
l’absence de recherche profit (mutuelles).
D – Les entreprises de fourniture
Les entreprises de fourniture livrent des marchandises ou fournissent des services. Les activités de
distribution de produits qui n’ont pas été préalablement achetés (eau, gaz, électricité) font partie de ces
entreprises de fourniture.
La catégorie d’« entreprises de fourniture » permet à la jurisprudence d’intégrer des services extrêmement
divers, tels que l’enlèvement des ordures ménagères, les pompes funèbres, le diagnostiqueur immobilier, le
travail temporaire…
Les multiples exemples d’entreprises de fourniture sont étayés sous l’article L. 110-1 du Code de commerce.
E – Les entreprises de spectacle
Les entreprises de spectacle sont des activités commerciales. Il s’agit des théâtres, des cinémas, des cirques,
des salles de conférence ...
Exception : les spectacles gratuits sans intention spéculative.
La qualification commerciale s’étend en matière sportive. En principe, les activités sportives sont gérées par
des associations. Mais à un certain niveau, l’activité devient commerciale : certains grands clubs de
sport sont de véritables sociétés commerciales (recherche de profit).
F – Activités d’intermédiaires
A va contracter avec C mais, pour ce faire, B va intervenir pour les mettre en relation ou faciliter la
conclusion du contrat.
Le mandat n’est pas visé de façon générale à l’article L. 110-1. C’est, en principe, une opération civile, sauf
mandats particuliers.
Le critère classique est la qualification (du contrat). Les contrats d’intermédiation sont déclarés
automatiquement actes de commerce en fonction de leur objet. Toute activité d’intermédiaire pour l’achat, la
souscription ou la vente d’immeuble, de fonds de commerce ou de parts de société immobilière, est
commerciale. Seul l’objet du contrat compte, pas la nature de l’activité. (c’est automatiquement commercial
selon l’objet et non la nature de l’activité).
L’agent immobilier, qui est mandaté, est forcément un commerçant. Certains contrats précis
d’intermédiation sont automatiquement commerciaux quel que soit leur objet. En principe, le mandat de
contrat n’est pas concerné mais parfois, sous une forme spécifique, sera malgré tout commercial. Selon la
loi, ces contrats correspondent aux entreprises de commission, aux entreprises d’agence, aux bureaux
d’affaires et aux opérations de courtage.
Les agents d’affaires gèrent les biens ou les affaires d’autrui et facilitent ainsi la conclusion de contrats.
Dans certains cas, l’agent d’affaires sera un mandataire et, dans ce cas-là, il s’agira alors d’une activité de
commerce. Ainsi, selon la jurisprudence, les cabinets de recouvrement de créance, les agences de
renseignements commerciaux, les généalogistes et les agents artistiques sont des commerçants (agents
d’affaires).
La jurisprudence qualifie également les agences de voyage ou de publicité d’activités de commerce.
En revanche, l’agent d’assurance, qui est un mandataire, n’est pas un commerçant.
L’agent commercial (Code de commerce, art. L. 134-1) agit comme simple mandataire indépendant pour le
compte de commerçants. L’agent commercial n’est pas, d’après la jurisprudence, un agent d’affaires car il
n’a pas de clientèle propre. C’est donc une activité civile.
➔ La liste légale n’est, en pratique, que peu utile. Il convient de rechercher, au cas par cas, si la
jurisprudence s’est prononcée sur la nature du métier concerné.
La solution retenue pour les contrats de commission et de courtage (≠ mandat) est un peu plus fiable.
Le courtier se contente de rapproche deux personnes susceptibles de contracter et n’agit au nom et pour le
compte de personne. Le courtier immobilier, matrimonial, en assurance, banque, vin… est commerçant.
Toutes les opérations de courtage sont commerciales.
Le contrat de commission est une sorte de demi-mandat : A demande à B de passer un contrat pour son
compte mais pas en son nom (mandat) ; B passe contrat avec C en son nom propre (Ø mandat) ↔ s’engage
juridiquement pour le compte de A. C’est un contrat commercial
≠ Mandat (mandant / mandataire) : A donne à B le pouvoir de contracter avec C au nom et pour le compte de
A.
En somme, l’acte de commerce est appréhendé à partir de multiples petits critères imprécis qui se
superposent. La jurisprudence entretient le flou général. De nombreuses incertitudes demeurent quant à la
qualification d’acte de commerce, d’autant que certaines activités n’ont jamais été visées par la
jurisprudence. L’intervention du législateur n’est pas du tout convaincante.
G – Vers un critère général ?
Depuis 200 ans, la doctrine cherche en vain un critère unique qui justifierait les solutions retenues par l’art.
L. 110-1 et la jurisprudence et permettrait de trancher la nature de tout acte non visé par le droit positif.
Plusieurs critères ont été proposés, mais aucun n’est satisfaisant :
❖ La spéculation – les actes civils sont parfois portés par la recherche du profit. A l’inverse, des
activités visées par l’article L. 110-1 n’implique pas de spéculation (courtier).
❖ L’entreprise – critère beaucoup trop large, qui recouvre des réalités trop disparates.
❖ Aux XIXe et XXe siècles, la matière commerciale est caractérisée par l’entremise dans la distribution
des richesses : toutes les interventions entre la P° et la consommation d’un bien seraient de nature
commerciale, (à l’exclusion de la P° et de l’achat par le client). Là encore, le critère ne fonctionne
pas toujours : l’agent commercial, qui s’apparente à une activité d’entremise, est pourtant une
activité civile.
On n’est jamais parvenus à trouver un critère universel de qualification et on n’en trouvera jamais. Le
législateur pourrait néanmoins reprendre sa liste, l’ordonner et la simplifier.
II – Les actes de commerce par la forme
L’acte de commerce par la forme présente une commercialité plus intense que l’acte par nature. L’acte est
obligatoirement commercial, peu importe la qualité de la personne qui passe l’acte. Il n’admet aucune
nuance.
Les actes de commerce par la forme seraient des procédés réservés à la matière commerciale. Il n’y en a que
deux séries : la lettre de change et la société commerciale.
A – La lettre de change
La lettre de change (ϵ droit bancaire) est le titre de paiement et de crédit par lequel le tireur donne l’ordre au
tiré (le débiteur) de verser une somme d’argent à un tiers (le porteur / le bénéficiaire de la lettre) à une date
déterminée. La lettre de change est l’ancêtre du chèque (M.-A.). Ce sont deux titres très proches
juridiquement.
Mécanisme : émission d’un chèque par le tireur ! sur sa banque (le tiré) ! au bénéfice du tiers.
Juridiquement, le chèque et la lettre de change sont des cessions de créance :
A dispose de 1000 euros sur son compte bancaire doit 500 euros à B. A est titulaire d’une créance de 500
euros envers sa banque et la cède au bénéficiaire C.
Sur la lettre de change, il faut indiquer : qui émet la lettre de change (le tireur), le tiré et le bénéficiaire. La
lettre de change sera cédée en théorie à de nombreuses reprises.
Contrairement au chèque, la personne tenue de payer à la fin n’est pas la banque.
Également, un chèque peut être encaissé de suite, alors que la lettre de change peut très bien n’être encaissée
qu’à une certaine date (créance à terme).
Ex : un commerçant doit 1000 euros à un client ; un client lui doit 1000 euros dans trois mois. Le
commerçant rédige une lettre de change : dans trois mois, le client se fera payer les 1000 euros par son
propre débiteur.
! La lettre de change est un instrument de paiement et de crédit (lettre de change à terme).
En pratique, la lettre de change ne circule quasiment plus.
Les lettres de change, entre toutes personnes, sont des actes de commerce (présomption irréfragable de
commercialité). Peu importe la qualité des signataires, le droit commercial s’applique (solidarité passive) et
le tribunal de commerce est compétent.
Le législateur a décidé d’interdire le recours, par un consommateur, à la lettre de change dans le cadre d’une
opération de crédit à la consommation.
B – La société commerciale
La société est, en principe, un groupement de personnes doté, le plus souvent, de la personnalité morale.
Les associés se réunissent pour développer une activité et, la plupart du temps, vont créer une société, c’est-
à-dire un être juridique autonome. Souvent, la société a une activité économique et sera qualifiée de
commerciale.
La société, en tant que personne juridique, sera parfois un commerçant.
Deux critères :
‣ Objet social / activité de la société : actes de commerce par nature ;
‣ Commercialité par la forme : pour certaines formes sociales, automatiquement, la société sera
commerciale. Les sociétés concernées par la qualification sont nombreuses (SARL, SA, SASS) et
présentent un intérêt : lors de la création de l’entreprise, les associés ont une responsabilité limitée,
leur patrimoine personnel est préservé en cas de faillite.
Beaucoup optent pour les sociétés commerciales par la forme, soumises aux obligations des
commerçants (tenir une comptabilité …), sans être commerçants. Il y a, dans ce cas, une
déconnexion entre la forme (commerciale) et l’objet (civil). Ici, la forme prime sur le fond : l’activité
de la société commerciale par la forme est réputée commerciale, que cela se vérifie ou non
effectivement. Ainsi, la réglementation des actes de commerce s’applique : compétence du TC,
liberté de la preuve …
Mais, si l’activité est civile, la clientèle demeure civile, et on dira que la société gère un fonds libéral,
agricole ou artisanal (≠ fonds commerce). En cela, le statut ne sera pas identique à celui de tous les
commerçants.
Ex 2 : la SEL, soumise au droit des sociétés commerciales, dépend des juridictions civiles.
Des auteurs expliquent qu’on pourrait faire l’inverse et se mettre conventionnellement d’accord pour se
présenter devant le TJ. Beaucoup de commerçants et de chefs d’entreprise seraient ravis et c’est une clause
que les avocats recommanderaient. Mais, la question n’est pas remontée à la Cour de cassation.
b – La compétence territoriale
En principe, le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. Pour les sociétés commerciales, on
regarde le siège social (équivalent du logement).
Exception : la jurisprudence des gares principales – en présence d’une société a plusieurs activités, avec
notamment des succursales*, le demandeur peut saisir soit le siège social de la société soit celui de la
succursale. * Etablissement, qui dépend d’un siège central, tout en jouissant d’une certaine autonomie
(gérant indépendant)
Autre aménagement possible : le lieu de livraison de la chose ou d’exécution de la prestation.
Les règles d’aménagement territorial ne sont pas d’ordre public. L’art. 48 du CPC autorise les clauses y
dérogeant dès lors qu’elles ont été convenues entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de
commerçant. Donc, de telles clauses seront réputées non écrites dans les actes mixtes.
Le texte précise, en plus, que la clause doit être spécifiée de façon très apparente (en gros caractères).
B – L’arbitrage
Ce n’est pas une question propre au droit commercial. L’arbitrage peut s’utiliser en droit commun et s’étudie
en procédure civile.
L’article L.721-3, dans son dernier al., énonce néanmoins une spécificité du droit commercial : « les parties
peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus
énumérées. »
L’arbitrage est utilisé beaucoup plus couramment en droit commercial, et le champ d’application est plus
large.
Les art. 1442 à 1503 du CPC fixe le régime de l’arbitrage interne (≠international), en sus de quelques
dispositions du Code civil.
L’arbitrage a fait l’objet d’une réforme en 2012 : on parle désormais de tribunal arbitral.
Dans le cadre de l’arbitrage, les parties à un litige décide de le soumettre, non pas à un tribunal étatique,
mais à un tiers.
1 – La convention d’arbitrage
La convention est le contrat par lequel les parties conviennent, pour les litiges, de s’en remettre à un arbitre
(et non un juge).
La convention d’arbitrage existe sous deux formes :
⸭ Le compromis d’arbitrage (art. 2059, C. civ.), qui permet recourir à un arbitre, une fois que le litige est né.
Le contractant renonce à son droit d’aller devant le tribunal. Ce compromis d’arbitrage n’est pas réservé aux
commerçants : « toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition »
(art. 2059). Cependant, il ne peut être prévu pour tous les droits : le compromis ne peut être contracté sur
l’état ou la capacité des personnes et, plus généralement, l’ordre public. En dehors de ces matières sensibles,
commerçants comme non commerçants peuvent réaliser un compromis d’arbitrage, après qu’un litige ait
éclaté. Le CPC impose que le compromis d’arbitrage prenne la forme d’un écrit établissant précisément
l’objet du litige et le mode de désignation de l’arbitre à peine de nullité.
⸭ La clause compromissoire (art. 2060, C. civ.). La différence est d’ordre chronologique : la clause
compromissoire est insérée ab initio dans le contrat. Dès le départ, alors même qu’il n’y a pas encore de
contentieux, les parties prévoient à l’avance que le litige sera réglé par un tribunal arbitral. C’est un
mécanisme plus dangereux.
L’art. 2061 détermine son champ d’application : « Sous réserve des dispositions législatives particulières, la
clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle. »
Pendant très longtemps, l’article indiquait que la clause compromissoire était nulle sauf entre commerçants
↔ historiquement, son champ d’application était limité aux relations entre commerçants. En 2001, le texte a
été réécrit : la clause compromissoire est désormais valable dans les contrats conclus à raison d’une activité
professionnelle. Cela ne concerne pas le contrat de travail mais les activités professionnelles indépendantes
(commerçants, agriculteurs, artisans, professions libérales…). C’est encore une illustration de la tendance
contemporaine à la substitution du concept plus large de professionnel (indépendant) à celui de commerçant.
Le texte a de nouveau été modifié par la loi J21 (18 nov. 2016) : « lorsque l’une des parties n’a pas contracté
dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée » (art. 2061, al. 2). C’est la
partie non professionnelle qui choisit si on peut lui opposer ou non la clause = sorte d’option.
Néanmoins, à la lecture des travaux parlementaires, on découvre que l’objectif était d’autoriser la clause
dans les relations entre non-professionnels. Entre ce qui était planifié et l’article tel que rédigé, on n’a du
mal à saisir le contenu du texte. On retiendra que le critère reste celui de l’activité professionnelle.
Il faut additionner à la loi J. 21, l’art. L. 721-3 (dernier al.) : tout ce qui concerne la compétence du tribunal
de commerce peut donner lieu à une clause compromissoire. L’apport n’est pas considérable mais on ajoute
tout de même : des actes de commerce entre toute personne et les contestations relatives aux sociétés
commerciales (entre associés, associé / société qui ne sont pas des commerçants). L’art. L. 721-3 étend non
seulement la compétence du tribunal de commerce mais également, par voie de conséquence, le champ
d’application de la clause compromissoire.
Le régime de la clause compromissoire est à peu près similaire à celui du compromis d’arbitrage : l’écrit est
imposé mais l’objet du litige n’a pas à être indiqué car on ne peut l’anticiper. La loi a repris les solutions qui
avaient été fixées par la jurisprudence et notamment celle de l’autonomie de la clause compromissoire par
rapport au contrat principal qui l’accueille (art. 1447, CPC) *. *La nullité de la clause compromissoire (ex :
conclue avec un non professionnel) n’entraîne pas la nullité du contrat principal : la clause est seulement
réputée non écrite (Ø délai de prescription). L’indépendance joue dans les deux sens : si le contrat principal
est frappé de nullité, normalement, la nullité n’affecte pas la clause elle-même. Ainsi, pour demander la
nullité du contrat, il faudra que les parties se rendent devant le tribunal arbitral.
Il n’est, tout de même, pas impossible que la nullité s’étende et au contrat et à la clause.
L’art. 2061 du Code civil traite la question de la transmissibilité de la clause. La clause compromissoire doit,
en principe, être acceptée par la partie à laquelle on l’oppose. Toutefois, en cas de cession de contrat ou de
créance, la clause est transmise automatiquement avec le contrat : le cessionnaire succède aux droits et
obligations du cédant.
2 – Le tribunal arbitral
Le tribunal arbitral, désigné comme telle par la loi (2012), est composé d’arbitres (que des personnes
physiques) et non de juges et remplace le tribunal étatique dans le règlement du litige.
Le tribunal arbitral est désigné dans la clause compromissoire ou dans le compromis. On peut :
⁃ Le désigner immédiatement ;
⁃ Prévoir une procédure de nomination des arbitres, par l’association française d’arbitrage par
exemple ;
⁃ Chaque partie désigne un arbitre et les deux arbitres choisissent ensemble un président
La liberté contractuelle prévaut. Par contre, on exige, en droit français, que les arbitres soient en nombre
impair pour que le partage de voix soit impossible.
La loi n’exige pas que les arbitres aient une compétence en matière juridique ou d’affaires.
L’arbitre doit être indépendant et impartial, à défaut de quoi il pourra être récusé et la décision prononcée
remise en cause.
Si la procédure peut être régie quasi intégralement par le contrat, certains principes impératifs doivent être
respectés : le principe du contradictoire et des droits de la défense, l’obligation de communiquer les pièces à
la partie adverse, de délibérer à la majorité, de motivation de la décision arbitrale.
D’autres principes, d’une moindre portée, ont été posés : la célérité, la loyauté et la confidentialité. Plus
récemment, de nouveaux principes sont tirés du droit anglosaxon : l’interdiction de se contredire dans la
demande … Ce sont des principes théoriques, qui ne s’appliquent pas toujours en pratique.
Le tribunal arbitral n’est pas toujours de grande qualité.
Un des grands avantages de l’arbitrage est d’éviter les tribunaux de commerce où les juges ne sont pas
vraiment compétents. Or, en pratique, on retrouve parfois les mêmes dans les chambres arbitrales, sauf que
l’arbitrage est bien plus coûteux…
Le tribunal arbitral peut-il statuer en amiable compositeur, c’est-à-dire en équité ? Il faut regarder la clause
compromissoire ou le compromis d’arbitrage. En principe, le tribunal arbitral statue en droit, mais on peut,
conventionnellement, lui permettre de statuer en équité, sauf pour les règles d’ordre public. Il va pouvoir
ignorer les règles de droit supplétives, s’il y est autorisé par le contrat.
La sentence arbitrale, alors même qu’elle n’est pas rendue par un tribunal étatique, est considérée comme un
véritable jugement bénéficiant de l’autorité de la chose jugée. Pour contre, elle n’a pas force exécutoire :
pour la faire exécuter, les parties doivent demander, devant le TJ, une décision d’exequatur. Ce n’est qu’une
fois l’exequatur obtenue que la sentence pourra faire l’objet d’une exécution forcée.
A l’occasion de l’exequatur, normalement le juge ne reprend pas le fond de l’affaire. Il vérifie, avant tout,
que les règles de forme sont respectées et que la sentence n’est pas manifestement contraire à l’ordre public
(↔ entachée de de graves irrégularités de fond).
Une sentence n’est pas susceptible d’appel, sauf volonté expresse contraire des parties. Dans la plupart des
cas, il n’y a pas d’appel prévu.
La loi prévoit, non pas un appel classique permettant de réexaminer le fond, mais un appel en nullité. Si la
cour d’appel annule la sentence arbitrale, sauf clause contraire, elle devra aussi juger sur le fond.
L’art. 1492 du CPC dresse la liste des hypothèses dans lesquelles la nullité peut être demandée : le tribunal
arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ; est irrégulièrement constitué ; a statué sans se
conformer à la mission qui lui a été confiée ; le principe de contradiction n’a pas été respecté ; la sentence
est contraire à l’ordre public ; des règles de forme ont été violées (absence de motivation, de date …) …
Ex : l’arbitrage rendu dans l’affaire Tapie a été déclaré nul car l’un des arbitres n’était pas neutre.
Les avantages de l’arbitrage :
▫ La rapidité, encore que ce n’est pas toujours le cas ;
▫ Le secret des affaires : le litige et la décision ne sont pas rendus publics ;
▫ Eviter la compétence du tribunal de commerce et l’incompétence de ses juges.
L’inconvénient majeur est le coût.
Des conditions de désignation peuvent être insérées dans la clause pour garantir un arbitrage efficace :
exigence d’une maitrise en droit, par exemple.
II – La preuve des contrats commerciaux
La preuve en matière commerciale déroge aux solutions classiques du droit commun.
1 – La règle générale
On trouve la règle générale à l’article L. 110-3 du Code de commerce : « à l’égard des commerçants, les
actes de commerce peuvent se prouver par tout moyen, à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi. »
Le principe de liberté de la preuve prime en droit commercial, sauf exception.
En matière civile, au contraire, un système de la preuve légale / de hiérarchie des preuves est mis en place :
pour prouver, il faut se soumettre à des contraintes. Il ne s’agit pas, toutefois, d’un système d’ordre public.
Ex 1 : art. 1359, C. civ. : pour tout acte d’une valeur supérieure à 1500 euros, il faut un écrit ;
Ex 2 : art. 1375, C. civ. : pour les contrats synallagmatiques, il faut autant d’exemplaires de contrat que de
partie ;
Ex 3 : art. 1326, C. civ. : dans les contrats unilatéraux, la somme doit être indiquée en chiffres et en lettres.
C’est le cas pour le cautionnement pour s’assurer que le garant a pleinement conscience à ce à quoi il
s’engage.
Ex 4 : art. 1377, C. civ. sur la date certaine : « l’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l'égard
des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d’un signataire, ou du jour où sa substance est
constatée dans un acte authentique. »
En droit commercial, la preuve étant libre, tout moyen de preuve peut être utilisé. C’est le juge qui, au final,
appréciera la qualité de la preuve.
Une preuve ne fait pas difficulté et est toujours reçue par le juge : l’écrit. Par suite, même en droit
commercial, en règle générale, on recourt à l’écrit pour prouver.
Il est vrai qu’en droit commercial on peut produire des factures, utiliser la comptabilité, les présomptions ou
les témoignages. Mais, là encore, le juge validera ou non. La liberté de la preuve est un avantage relatif car
la meilleure des preuves reste l’écrit.
L’art. L. 110-3 subordonne la liberté de la preuve à deux conditions cumulatives :
▪ L’acte de commerce ;
▪ La qualité de commerçant du défendeur c/ qui le demandeur veut prouver librement.
En présence d’un acte mixte, l’acte sera commercial pour le commerçant mais pas pour le
consommateur. Ainsi, le consommateur pourra prouver librement c/ le vendeur commerçant alors
que, de son côté, le vendeur commerçant ne le pourra pas.
Même si le principe est la liberté de la preuve, dans nombre d’hypothèses, il y a un formalisme très
contraignant. C’est le cas surtout pour la vente et le nantissement d’un fonds de commerce, le contrat de
transport terrestre de marchandise ...
Des effets de commerce comme la lettre de change doivent s’accompagner des mentions obligatoires. Le
contrat de société commerciale doit prendre la forme d’un écrit.
Également, pour certaines opérations, en principe, la liberté de la preuve commande mais, en pratique, ce ne
sera jamais le cas.
Ex : la cession de droits sociaux s’organise toujours par écrit car c’est un contrat très complexe, qui implique
de rentrer dans le détail.
La solidarité passive est une coutume commerciale supplétive. Rien n’interdit les cocontractants d’insérer
une clause contraire prévoyant que les débiteurs seront tenus conjointement.
2 – La capitalisation des intérêts
La capitalisation des intérêts, aussi appelée « anatocisme », est encadrée par l’article 1343-2 du Code civil.
L’anatocisme consiste à faire produire des intérêts à des intérêts.
On peut faire une comparaison avec le droit des biens. En droit des biens, le capital produit des fruits et,
normalement, le fruit, n’étant pas du capital, ne produit pas, à son tour, de fruit. L’anatocisme consiste à
transformer les intérêts (fruits) produits par la créance en capital afin qu’ils produisent à nouveau des
intérêts (fruits). C’est une technique ancienne, que l’on considérait comme dangereuse car le montant de la
dette augmenter de façon exponentielle.
Conscients du danger qu’elle représentait pour le débiteur, les rédacteurs du Code civil l’ont encadrée
strictement. L’art. 1343-2, d’ordre public, prévoit un régime spécifique : « les intérêts échus, dus au moins
pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. »
Deux conditions cumulatives :
⁎ Clause expresse ou décision du juge ;
⁎ Rythme de capitalisation ⩾ 1 an.
En droit commercial, une coutume permettrait de déroger à la règle impérative de l’art. 1343-2. L’exception
est très limitée car elle ne concerne qu’une opération : le compte courant entre commerçants. C’est un
mécanisme de règlement simplifié de créance entre commerçants : des commerçants, en relation d’affaires
suivies, ont des créances réciproques ; pour simplifier le paiement, ils décident de mettre toutes ces créances
sur un compte, dont le solde est unique. La Cour de cassation a expliqué, il y a longtemps, que le compte
courant n’est pas soumis à la règle du Code civil : la capitalisation des intérêts est automatique.
En réalité, la solution retenue n’a rien à voir avec une coutume spéciale dérogeant à un texte d’ordre public.
Avant la réforme du droit des obligations, le Code civil était ordonnancé suivait une logique précise. L’art.
1343-2 était l’anc. art. 1154, suivant l’art. 1153 (nouvel art 1231-6), qui traitait des dommages-intérêts
moratoires (destinés à réparer le préjudice lié au retard dans le paiement) *. *Après mise en demeure du
débiteur, le créancier aura droit à des intérêts au taux légal. L’art. 1154 était, en fait, une dérogation à
l’art.1153.
Le terme « intérêts » couvre deux sens :
⁑ Les intérêts moratoires = dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice qui fait suite à
l’inexécution d’une obligation (faute contractuelle) ;
⁑ Le prix du contrat de prêt d’argent : l’emprunteur paie, tous les mois, dans le remboursement, des
intérêts. Le contrat est normalement exécuté, c’est prévu. On parle, cette fois, d’intérêts
rémunératoires.
La question se pose de savoir si : nos intérêts peuvent, en cas de non-paiement, eux-mêmes produire des
intérêts moratoires ?
C’est ce dont traite l’article 1154 du Code civil (nouvel article 1343-2). Il prévoit, en raison de leur nature
particulière, une exception propre aux intérêts moratoires : leur capitalisation n’est valable qu’à une double
condition.
En dépit du changement de numérotation, le fond est demeuré inchangé : l’article 1343-2 ne renvoie qu’à la
capitalisation des intérêts moratoires.
Les intérêts rémunératoires, on l’a vu, présentent une logique tout à fait différente. L’emprunteur a une
autorisation de découvert et n’est pas en faute : les intérêts sont prévus ab initio par le contrat de prêt. Ce
sont ces intérêts qui jouent dans le cadre du compte courant des commerçants (et des particuliers). Partant, le
mécanisme échappe à l’hypothèse de l’art. 1343-2. Il ne déroge pas à un texte d’ordre public car les intérêts
rémunératoires n’ont rien à voir avec les intérêts moratoires.
3 – La modification du contrat en cas d’inexécution
En cas d’inexécution, les solutions de droit commun (exécution forcée, résiliation / résolution, dommage-
intérêts …) sont valables en droit commercial. On enseigne néanmoins, traditionnellement, que le juge, en
droit commercial, essaie plutôt de sauver le contrat.
1er mécanisme : La jurisprudence prévoit, lorsque l’inexécution du contrat commercial n’est que partielle,
que le demandeur puisse demander la réduction du prix ou de la prestation promise (↓ quantités). On parle
de « réfaction du contrat ». Parfois, c’est plus opportun que l’annulation du contrat.
Il y a un processus semblable en droit de la vente avec l’action estimatoire (réduction de prix en cas
d’inexécution partielle) et en droit de la consommation.
Le principe de réfaction doit pouvoir s’appliquer pour toute la matière commerciale, dans tous les contrats
commerciaux. Sa mise en œuvre est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, au moins pour ce
qui est de la proportion.
Cette spécificité jurisprudentielle s’amenuise avec l’introduction du nouvel art. 1223 (C. civ.) : « En cas
d’inexécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore
payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de
manière proportionnelle le prix. »
La différence avec le droit commercial, c’est qu’ici la réfaction ne concerne que le prix. La réduction de la
prestation promise reste réservée au droit commercial.
2e mécanisme : En droit commercial, traditionnellement, dans le cadre d’une vente de chose de genre,
l’acheteur, qui n’est pas livré après mise en demeure, dispose d’une faculté de remplacement : il peut, sans
autorisation du juge, acheter le bien auprès d’un autre fournisseur au frais du vendeur initial (même si le prix
est plus élevé). La faculté de remplacement est limitée aux choses de genre.
Le nouvel art. 1222 reprend la même solution, sans la réserver aux choses de genre : « après mise en
demeure, le créancier peut, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou,
sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au
débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. » Le champ d’application est beaucoup plus
large que la coutume classique en droit commercial.
4 – La q de la prescription
En 2008, une réforme est intervenue en matière de prescription.
Pendant très longtemps, la grande différence entre le droit civil et le droit commercial était la prescription.
En matière civile, la prescription était de trente ans en matière contractuelle et dix ans en matière délictuelle.
En matière commerciale, la prescription était, dans tous les cas, de dix ans.
Depuis la réforme de la prescription (2008), le délai de prescription de droit commun est de cinq ans en
matière civile et commerciale. Le législateur a procédé à un alignement des délais de prescription.
L’art. L. 137-2 du Code de la consommation prévoit que « les actions des professionnels pour les biens et
les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrivent par deux ans ». Cet article fixe un délai de
prescription raccourci par rapport au droit commun pour l’action du professionnel contre le consommateur.
Avant d’être déplacé dans le Code de la consommation en 2008, l’article était dans le Code de commerce et
ne concernait que les actions du commerçant contre le consommateur. C’était une spécificité du droit
commercial, un mécanisme propre au commerçant. Désormais, le texte fait plus largement référence au
professionnel.
Une des rares règles spécifiques au droit commercial a été supprimé. Dès le départ, les règles propres aux
actes de commerce étaient peu nombreuses et aujourd’hui, elles disparaissent progressivement.
Ce mouvement de recul n’est pas récent, d’autres différences n’existent plus :
› Les règles sur l’imputation légale des paiements. Pendant un temps, la chambre commerciale de la
Cour de cassation avait exclu les règles civiles de l’imputation légale des paiements en matière
commerciale. Elle est revenue sur la solution : les règles du Code civil s’applique ;
› Les règles relatives à la mise en demeure. Le débiteur n’est mis en faute qu’une fois que son
créancier l’a mis en demeure.
Avant 1991, la mise en demeure était formaliste en matière civile et libre en matière commerciale.
Depuis 1991, la mise en demeure peut résulter d’une simple lettre missive en matière civile, dès lors
que l’interpellation est suffisante. Aujourd’hui, même si la preuve est libre, en pratique, la mise
demeure s’opère de la même façon dans les deux matières : par lettre recommandée avec accusé de
réception. En matière de bail commercial, dans certaines hypothèses, la mise en demeure est très
formaliste.
› Historiquement, les procédures collectives étaient réservées aux commerçants et avaient un rôle
essentiellement punitif. Les procédures collectives sont désormais étendues à tout l’univers
économique et ne sont plus vraiment d’essence punitive, l’objectif principal étant de sauver
l’entreprise. Il y eut, sur ce point, une harmonisation : on ne distingue plus entre les entreprises, les
procédures s’étendent à toutes les entreprises.
§2 – Le régime des actes mixtes
L’acte mixte est l’acte passé d’un côté par un commerçant, pour qui l’acte est commercial / de l’autre par un
non-commerçant, pour qui l’acte est civil.
Les actes mixtes sont très nombreux. Dès qu’un commerçant passe un acte avec un consommateur, il s’agit
d’un acte mixte.
Ex 1 : un commerçant vend un bien à un consommateur. Pour le commerçant, le contrat de vente est un acte
de commerce ; pour le consommateur, ce n’est pas un acte de commerce.
Ex 2 : un commerçant engage un salarié. Le contrat de travail est commercial du point de vue du
commerçant (n’a pas grand intérêt en termes de régime).
Ex 3 : un commerçant conclu un bail commercial, qui n’est pas par nature un acte de commerce. Quand il
est conclu par un commerçant devient un acte de commerce par accessoire ou par extension. Si le bailleur
n’est pas commerçant, pour lui, c’est un acte civil.
En règle générale, la qualification est la même pour les deux parties : « contrat de vente ».
Pour les actes de commerce, la qualification est particulière car elle peut varier d’une partie à l’autre.
Applique-t-on ou non le régime des actes de commerce à l’acte mixte ?
C’est assez gênant … pourquoi appliquerait-on le régime spécial à la partie non-commerçante ?
/!\ Il ne faut pas confondre l’acte mixte et l’acte par extension, pour lequel les parties ne sont pas
commerçants mais l’acte est commercial.
S’agissant du régime applicable, il convient de distinguer :
› Parfois, on va appliquer à chaque partie, de façon distributive, son régime = règles dualistes ;
› Dans d’autres hypothèses, prévoir une règle dualiste est trop complexe, on va appliquer sur un point
spécifique la même règle = régime unitaire.
I – Les règles dualistes
L’objectif est d’appliquer à chacune des parties le régime qui lui est propre.
A – La compétence matérielle du tribunal en cas de contentieux
La compétence dépend de la situation du défendeur :
⁃ Si le défendeur n’est pas commerçant, le tribunal judiciaire est automatiquement compétent ;
⁃ Si le défendeur est commerçant, il a le choix de porter l’affaire devant le tribunal judiciaire
ou le tribunal de commerce. En pratique, on lui conseillera le tribunal judiciaire.
B – La preuve du contrat
Il n’y a pas de grande difficulté, il suffit d’appliquer l’art. L. 110-3 : « à l’égard des commerçants, les actes
de commerce peuvent se prouver par tous moyens ». Il en résulte que, dans le cadre d’un acte mixte, le
commerçant qui veut prouver contre le professionnel non-commerçant devra respecter les règles de la
preuve civile (écrit à partir de 1 500 €) / le professionnel non-commerçant bénéficiera de la liberté de la
preuve à l’égard du commerçant. L’application est, à nouveau distributive.
La règle s’applique sauf en cas de gage commercial : la qualité de la preuve va dépendre de la nature de la
créance garantie.
C – La solidarité passive
Pour la solidarité passive, c’est plus complexe : dans plusieurs hypothèses, elle s’applique aux actes de
commerce par extension conclus par un professionnel non commerçant.
C’est la situation dans laquelle les parties sont non commerçantes mais pour l’une l’acte est civil et pour
l’autre l’acte est commercial par extension.
Ex : A passe un bail commercial auprès de B pour exploiter un fonds de commerce. Pour le preneur à bail,
l’acte est commercial par extension / pour le bailleur, l’acte est civil.
Dans ce cas, la solidarité passive s’applique à la partie pour qui l’acte est commercial, qu’elle soit ou non
commerçante.
S’agissant de la solidarité passive, la jurisprudence n’exige pas la qualité de commerçant.
D’autres règles nécessitent le cumul de la qualité de commerçant et de la qualification d’acte de commerce.
II – Les règles communes
Les règles communes s’appliquent à la partie commerciale comme à la partie civile.
On applique une règle unique pour protéger le professionnel non-commerçant ou parce que dissocier la règle
amène à des solutions trop complexes.
Ex : avant 2008, lorsque la prescription était plus courte en matière commerciale, on appliquait, en matière
d’actes mixtes, la prescription abrégée de dix ans.
Peut-on librement choisir le tribunal sur le territoire français (question de la compétence territoriale) ?
L’art. 48 du CPC n’autorise la clause attributive de compétence territoriale qu’entre commerçants. Dès
qu’une partie n’a pas la qualité de commerçant, la clause n’est pas valable. La qualité de commerçant est
nécessaire : la règle ne s’étend pas aux actes de commerce par extension.
Pendant longtemps, la clause compromissoire (art. 2061, C. civ.) n’était autorisée qu’entre commerçants.
Mais le texte a évolué, la clause est désormais valable à raison d’une activité professionnelle. Donc, si un
non-professionnel est partie à l’acte, la clause compromissoire n’est pas valable.
La solution n’est plus très claire depuis la modification apportée par la loi du 18 nov. 2016, qui prévoit que
la clause est inopposable au non professionnel. Cela signifie-t-il que le non professionnel peut l’invoquer ?
On ne saisit pas bien la portée du texte … La doctrine a préféré éviter la problématique.
Des actes mixtes peuvent être passés entre un commerçant et un artisan. La liberté de la preuve bénéficiera
seulement à l’artisan contre le commerçant.
Il faut bien comprendre que le non commerçant n’est pas forcément un consommateur ou un particulier, ce
peut être un professionnel.
Pour des règles, comme celle de la clause compromissoire, le critère a évolué : c’est désormais la qualité de
professionnel.
Depuis que la règle s’étend aux professionnels, la clause est valable dans le contrat entre un commerçant et
un artisan. Cela ajoute en complexité.
Il faut toujours s’interroger sur les critères : qualité de commerçant ou de professionnel ? si la règle est
commerciale, l’acte de commerce suffit-il ? Faut-il, en plus, la qualité de commerçant ?
Pour chaque règle, c’est au cas par cas.
Pour supprimer la référence au commerçant, il faut d’abord et avant tout supprimer le tribunal de commerce.
C’est le plus délicat … Les autres règles ne posent pas grande difficulté.
Pour mettre fin au droit commercial, deux possibilités :
▪ Le tribunal de commerce est supprimé et il n’existe plus de juridiction spécialisée (mais des chambres
spécialisées) ;
▪ Le tribunal de commerce intervient dans tout le domaine économique, pour tous les professionnels
indépendants ! très dangereux.
Le tribunal est le principal obstacle à la suppression du droit commercial.
Aujourd’hui, le droit commercial présente beaucoup de complexité pour pas grand-chose (quelques
spécificités d’une importance relative).
Section 1 – La qualité de commerçant
L’art. L. 121-1 du Code de commerce indique : « sont commerçants ceux qui exercent des actes de
commerce et en font leur profession habituelle. » Actes de commerce et commerçants sont étroitement liés.
Pour des raisons historiques, le droit commercial est formé d’éléments objectifs (actes de commerce) et
subjectifs (qualité de commerçant).
Toutefois, sur des questions, le législateur a prévu des règles applicables aux seuls commerçants, sans faire
référence à l’acte de commerce.
La perte progressive des spécificités de l’acte de commerce affecte aussi le commerçant. Une grande partie
des règles s’applique plus largement au professionnel.
§1 – La détermination de la qualité de commerçant
La définition de l’article L. 121-1 renvoie d’une part à la théorie de l’acte de commerce et d’autre part au
caractère professionnel de l’activité commerciale.
I – La nature de l’activité : l’accomplissement d’acte de commerce
Pour être qualifié de commerçant, il faut accomplir des actes de commerce par nature.
On ne peut prendre en compte la commercialité par accessoire ou par extension pour délivrer la qualité de
commerçant. Elle se définit par rapport à une activité principale qui suffit à déterminer la qualité de
commerçant.
De même, d’après la jurisprudence, la répétition d’actes de commerce par la forme ne suffit pas pour avoir la
qualité de commerçant. Un non commerçant peut, par exemple, signer une lettre de change.
Il faut rappeler que l’on devient commerçant uniquement si l’on exerce de façon personnelle, à titre
indépendant l’activité commerciale, ce qui permet d’exclure un certain nombre de situations. Ainsi, le
représentant d’un commerçant n’est pas lui-même commerçant.
En conséquence, le dirigeant d’une société commerciale, l’agent commercial (mandataire du commerçant)
ou encore le salarié d’un commerçant ne sont pas commerçants.
! Pour être commerçant, il faut exploiter en son nom propre et à ses propres risques.
L’avantage est d’autant plus important pour le créancier qui a obtenu seul révocation parce qu’il peut
bénéficier de la saisie du bien, hors procédure collective.
Pendant la période suspecte (de cessation de paiement), qui précède le jugement d’une procédure collective,
si l’entrepreneur a eu recours à une déclaration d’insaisissabilité, elle sera déclarée nulle. On applique la
nullité des actes passés pendant la période suspecte.
II – L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
L’EIRL a été introduit par la loi du 15 juin 2010, alors selon le constat qu’il fallait proposer une technique
susceptible de recevoir davantage l’adhésion des entrepreneurs individuels. En 2010, le législateur crée un
patrimoine affecté au bénéfice de l’entrepreneur individuel, alors détenteur de deux patrimoines : un
patrimoine personnel (composé des biens et des dettes de nature personnelle), un patrimoine professionnel
(constitué des biens et des dettes de nature professionnelle).
L’EIRL figure aux articles L. 526-6 et s. du Code de commerce.
L’EIRL se veut plus simple que l’EURL et la déclaration d’insaisissabilité dans le principe. Néanmoins, la
simplicité ne se vérifie pas en pratique ... Après une publicité sur le registre professionnel de la volonté de
devenir EIRL, le patrimoine affecté est créé. La protection de l’EIRL est plus large que la déclaration
d’insaisissabilité : tous les biens à usage personnel sont concernés.
La technique n’a pas rencontré le succès escompté : en 2018, les 60 000 EIRL n’étaient même pas atteints
(alors qu’on en attendait 200 000). Le législateur est intervenu plusieurs fois pour rendre la technique plus
attractive avec les lois Pinel (2014), Sapin II (2017), Pacte (2019). Cela n’a pas fonctionné. Deux objectifs
contradictoires s’affrontent : la protection d’une part et le crédit d’autre part, que l’on obtient souvent par la
mise à disposition de garanties…
A – Les conditions d’application du statut
1 – Les conditions relatives à l’entrepreneur
L’EIRL est un ajout de la loi Pacte, mentionné à l’article L. 526-5-1 : « toute personne physique souhaitant
exercer une activité professionnelle en nom propre déclare, lors de la création de l'entreprise, si elle souhaite
exercer en tant qu’entrepreneur individuel ou sous le régime de l’EIRL. »
L’alinéa 2 ajoute, plus largement : « l’entrepreneur individuel peut également opter à tout moment pour le
régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. »
a – Les personnes éligibles
Seules les personnes physiques sont éligibles au statut : l’objectif est de protéger les professionnels
personnes physiques et non les personnes morales.
Le professionnel personne physique doit avoir une activité indépendante, qui n’est pas précisée par la loi
(commerciale, libérale, agricole, artisanale). Jamais la loi n’a réservé l’application de la technique aux
commerçants.
Un mineur non émancipé peut créer et gérer une EIRL, s’il a l’autorisation des parents (ou du conseil de
famille). Ceux-ci doivent dresser la liste des actes d’administration qu’il peut conclure seul. En revanche, les
actes de disposition doivent être faits par les représentants. En pratique, c’est impossible...
/!\ Le mineur ne peut pas devenir commerçant, sauf autorisation expresse. Donc, la règle de l’EIRL n’est pas
transposable en matière commerciale.
b – Les obligations à la charge de l’entrepreneur
Pour constituer un patrimoine affecté, l’entrepreneur va devoir déposer une déclaration d’affectation au
registre de publicité légale (RCS, répertoire des métiers, registre de l’agriculture) ou, à défaut, au registre
spécial accueilli par le greffe du TC.
Le professionnel indépendant peut dépendre de deux régimes : dans ce cas, il doit choisir le registre qui
accueillera sa déclaration principale et faire une mention à l’autre registre.
Dans la déclaration, figurent des éléments concernant le déclarant, son activité professionnelle (objet,
localisation …) et l’état descriptif des biens.
La mention « EIRL » doit être indiquée sur des documents de l’entreprise (factures …), pour que les co-
contractants soient informés de la limitation de la responsabilité.
L’EIRL doit tenir une comptabilité pour chaque activité et donc patrimoine affecté. Il est tenu aux mêmes
obligations comptables que le commerçant, quelle que soit la nature de son activité (sauf, éventuellement,
dans certains cas, régime simplifié). La loi prévoit qu’il doit publier, tous les ans, au registre concerné son
bilan. Le bilan doit absolument être publié parce qu’il permet de tenir les tiers informés de l’évolution de la
composition du patrimoine affecté. C’est devenu l’élément le plus important pour connaître le contenu du
patrimoine affecté.
Le bilan va valoir juridiquement actualisation du patrimoine affecté. L’état descriptif, mis en avant en 2010,
existe toujours mais en réalité ne sert plus à grand-chose.
2 – Les conditions relatives au patrimoine affecté
Les créanciers professionnels, qui n’ont aucun droit sur le patrimoine personnel, doivent connaître de la
composition du patrimoine affecté pour en évaluer la surface financière.
Pour ce faire, les créanciers ont accès à la déclaration initiale et au bilan.
a – Les biens inclus dans le patrimoine affecté
Matériellement, on trouve d’abord les biens du patrimoine affecté dans l’état descriptif lors de la création de
l’EIRL, puis dans le bilan (art. L. 526-12).
Le patrimoine affecté est un ensemble de biens, de droits, d’obligations et de sûretés. Il y a un actif et un
passif.
A l’article L. 526-6 du Code de commerce, la loi distingue :
⁃ Les biens nécessaires à l’activité, qui doivent obligatoirement figurer dans le patrimoine affecté ;
⁃ Les biens utiles à l’activité, qui peuvent y être inscrits ;
⁃ Les biens inutiles à l’activité, en dehors du patrimoine professionnel.
La répartition n’est pas libre.
Un bien ne peut être que dans un patrimoine à la fois. La distinction est, en pratique, difficile à mettre en
œuvre.
L’art. R. 526-3-1 définit le bien nécessaire à l’exercice de l’activité professionnelle comme « celui qui, par
nature, ne peut être utilisé que dans le cadre de cette activité. »
Le bien utile peut, quant à lui, être utilisé dans le cadre de l’activité professionnelle comme dans une autre
activité.
Ex : la voiture est indispensable à l’activité professionnelle mais peut être utilisée dans la vie privée.
La marge de manœuvre ne concerne que les biens utiles, qui pourraient être utilisés dans l’activité
professionnelle en question, dans une autre activité professionnelle ou dans la vie privée.
Le patrimoine affecté doit toujours contenir quelque chose. En 2018, devant un état descriptif vide, la Cour
de cassation a considéré que l’absence de patrimoine professionnel devait justifier la perte du patrimoine
affecté.
Mais, la loi Pacte de 2019 retient une solution partiellement contraire : à défaut de bien, droit, obligation ou
sûreté dans le patrimoine affecté, l’entrepreneur n’a pas à donner d’état descriptif.
Parfois, des règles particulières sont imposées :
▪ L’affectation d’un immeuble au patrimoine professionnel nécessite une mesure de publicité au fichier
immobilier ;
▪ La loi Pinel prévoit un allègement : celui qui, ayant déjà une entreprise individuelle, la transforme en
EIRL peut déposer son bilan de clôture au lieu d’une déclaration (avec état descriptif des biens).
▪ L’EIRL doit ouvrir un compte bancaire dédié à son activité. Le compte bancaire comportera les
créances et les dettes directement rattachées au patrimoine affecté.
▪ La loi prévoit des règles spécifiques pour les biens qui font l’objet d’une propriété collective :
‣ Biens indivis (quotes-parts) ;
‣ Biens communs (régime de la communauté).
Le transfert ne remet pas en cause la collectivité de la propriété : l’autre personne est toujours
propriétaire. Mais, le bien collectif devient plus facilement saisissable, du fait de l’affectation.
L’article L. 526-11 du Code de commerce pose deux séries d’obligations cumulatives :
› Informer préalablement le conjoint / l’indivisaire des risques inhérents à l’opération ;
› Obtenir l’accord exprès du conjoint / de l’indivisaire.
A défaut de l’une de ces conditions, la sanction est l’inopposabilité de l’affectation (imprescriptible).
Le non-respect de ces formalités est assez simple à démontrer : il suffit d’avancer que le conjoint n’a
pas été informé. C’est, de ce point de vue, assez dangereux car cela facilite la fraude des droits des
créanciers…
Malgré l’affectation, la propriété demeure partagée entre le patrimoine affecté et le patrimoine du
conjoint / indivisaire. Toute la propriété n’est pas affectée, seule la part de l’EIRL de la propriété
collective est concernée. Il n’y a pas d’adaptation suffisante pour le régime de communauté, donc
c’est extrêmement dangereux.
L’évolution des biens du patrimoine affecté / son traitement est une des grandes lacunes de la loi de 2010. Il
paraît logique de permettre de modifier le patrimoine affecté. La loi Pacte a développé, pour ce faire, le
document d’actualisation consultable par les tiers. Mais, il aurait fallu mettre en avant le fait que, en dehors
de ce document, le patrimoine affecté évolue régulièrement : de nouveaux biens nécessaires, même non
précisés dans le papier, peuvent être saisis.
Concernant les biens nécessaires, il faudrait interpréter que dès qu’un nouveau bien est acquis, il est
automatiquement intégré dans le patrimoine affecté, même s’il ne figure pas dans le document.
S’agissant des biens utiles, la loi dit clairement qu’on peut librement en ajouter et en retirer. C’est assez
contestable car le créancier peut avoir accepté le contrat en vue d’un bien utile initialement affecté. Dans
l’intérêt des créanciers, il serait préférable d’interdire le retrait de biens.
A chaque mouvement, l’entrepreneur est tenu de respecter les mesures de publicité immobilière. Pour
affecter ou retirer un bien commun ou indivis, il doit de nouveau informer et obtenir l’accord du conjoint ou
du coindivisaire.
Enfin, de plein droit, sont affectées, par l’effet d’une subrogation réelle, les créances et indemnités
remplaçant un bien affecté ou les biens acquis en emploi ou remploi de biens affectés (loi Pacte).
Ex – indemnité : lorsque, après affectation, l’immeuble brûle, la prime d’assurance est de plein droit dans le
patrimoine affecté. Mais, l’indemnité versée va peut-être servir à l’achat d’un bien utile…
Ex – créance : le prix de vente d’un bien affecté va directement dans le patrimoine affecté.
Ex – emploi ou remploi : lorsque, avec le prix de vente d’un immeuble affecté, l’entrepreneur en achète un
autre, il remploie le prix.
La loi ne dit pas ce qu’il advient lorsqu’un bien utile apparaît et que l’entrepreneur ne se prononce pas. Il
existe une « présomption » de non-affectation des biens utiles au patrimoine affecté.
Initialement, pour modifier le contenu du patrimoine affecté, l’entrepreneur devait faire une déclaration
modificative et la publier au RCS. C’était assez complexe à mettre en œuvre parce que, chaque fois qu’il
ajoutait ou retirait un bien au patrimoine, il devait faire une déclaration. La formalité n’était pas forcément
respectée.
Depuis la loi Pinel, c’est le bilan publié chaque année qui tient lieu d’actualisation et expose aux tiers le
contenu du patrimoine affecté (notamment l’actif). Le dépôt du bilan* est obligatoire pour que les tiers
puissent prendre connaissance de la consistance du patrimoine affecté. *L’entrepreneur doit, de toutes
façons, tenir une comptabilité.
Il ne faut, toutefois, pas extrapoler l’importance du bilan : entre deux bilans, la composition du patrimoine
évolue. Ce qu’il y a dans le bilan n’est pas valable pour un an : entre les deux bilans, le patrimoine peut
accueillir de nouveaux biens, qui ne sont pas inscrits au bilan.
Que fait-on des biens simplement utiles qui apparaissent ? Dans la période intermédiaire, ils n’entrent pas
dans le patrimoine affecté. Ce doit être le fait de la volonté de l’entrepreneur.
Par contre, le bien simplement utile acheté par l’argent du patrimoine affecté intègre automatiquement le
patrimoine affecté.
Mais, il peut y avoir des problèmes de preuve… Comment le tiers fait-il pour prouver que l’argent utilisé est
celui du patrimoine affecté ?
On pourrait considérer que le bien utile est présumé être dans le patrimoine professionnel, sauf déclaration
expresse contraire. Cela faciliterait la compréhension par les tiers.
L’absence de règles explique en partie l’échec de l’EIRL.
b – L’évaluation des biens
Depuis 2010, la loi exige une liste des biens mais également leur évaluation.
Le principe est que tous les biens du patrimoine professionnel doivent faire l’objet d’une évaluation par
l’entrepreneur. L’évaluation doit être portée à la connaissance des tiers : à côté de la désignation de chacun
des biens, doit être indiquée leur valeur.
Lors d’une modification du patrimoine, l’entrepreneur doit indiquer la valeur des nouveaux biens. L’intérêt
du bilan* est que, à côté de l’actif et du passif, il y a, à chaque fois, une valorisation. *Obligation
professionnelle
Auparavant, pour les biens dont la valeur excédait 30 000 €, la loi exigeait une vérification par un
professionnel. L’obligation a été supprimée par la loi Pacte.
Si, dans la déclaration initiale ou dans le bilan, l’entrepreneur attribue à un bien une valeur supérieure à la
valeur réelle, il est responsable sur son patrimoine personnel de la différence de valeur pendant une durée de
5 ans (art. L. 526-12).
La loi Pacte a considérablement simplifié l’évaluation des biens. Mais, cela reste un travail important, par
rapport à la création des sociétés, même si, dans le cadre de l’EURL comme de la SASSU, des obligations
comptables sont imposées.
Le législateur a aligné l’évaluation des biens sur l’obligation de comptabilité (dépôt du bilan au registre
professionnel).
B – Les effets attachés au statut de l’EIRL
Une fois opposable, la déclaration entraîne limitation de la responsabilité.
1 – L’opposabilité de la déclaration et la limitation de la responsabilité
L’objectif est de rendre opposable aux créanciers la destination du patrimoine. Pour respecter les droits des
créanciers professionnels, la déclaration ne prendra effet qu’à compter du respect de la procédure (et
notamment de la publicité).
L’opposabilité dépend de l’antériorité ou de la postériorité du créancier à la déclaration de l’EIRL :
⁕ Pour le créancier antérieur, la déclaration n’existe pas ;
⁕ Pour le créancier postérieur, la déclaration est opposable.
Il convient, à ce titre, de comparer la date de publicité au registre professionnel et la date de conclusion du
contrat.
Deux patrimoines différents : le patrimoine personnel (biens et dettes personnels – pour les créanciers
personnels) ; le patrimoine affecté (biens et dettes professionnels – pour les créanciers professionnels).
Contrairement à la déclaration d’insaisissabilité, la déclaration de l’EIRL intéresse également les créanciers
personnels, qui ne pourront saisir que les biens du patrimoine personnel. Pour les créanciers postérieurs,
personnels ou professionnels, il y a deux patrimoines. Chaque créancier ne peut se servir que sur un seul des
patrimoines.
La séparation des patrimoines, telle que prévue par la loi, connaît des exceptions :
▫ L’article L. 526-12 al. 8 dispose que : « en cas d’insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de
gage général des créanciers personnels peut s’exercer sur le bénéfice réalisé par l’entrepreneur
individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice (dans le patrimoine professionnel). »
L’entrepreneur individuel peut choisir de transférer une partie de l’argent de son patrimoine
professionnel à son patrimoine personnel pour se rémunérer. Mais, il pourrait ne pas le faire pour
frauder les droits des créanciers personnels. Donc, comme cet argent a vocation à alimenter le
patrimoine personnel, les créanciers personnels pourraient saisir ce bénéfice. On regarde si
l’entrepreneur s’est versé le bénéfice sur le patrimoine personnel : s’il prouve qu’il l’a déjà transféré,
on ne pourra pas aller chercher au-delà.
La sanction retenue par la loi peut être contestable. En effet, la société, lorsqu’elle fait des bénéfices,
ne distribue pas toutes les dividendes aux associés, une partie sert à investir dans la société : de ce
point de vue, il n’est pas normal que les créanciers personnels viennent saisir la totalité du bénéfice
créé par l’exercice. On pourrait plutôt laisser les créanciers personnels intenter une action paulienne
(pour fraude).
▫ Le fisc bénéficie d’un régime de faveur qui ressemble à ce qui est prévu pour la déclaration
d’insaisissabilité. Si l’entrepreneur a recours à des manœuvres frauduleuses dans ses déclarations
fiscales ou commet une inobservation grave et répétée des obligations fiscales, empêchant le fisc de
procéder au prélèvement normal des impôts, ce dernier pourra prélever l’impôt sur l’intégralité du
patrimoine (personnel + professionnel).
2 – La transmission du patrimoine affecté
On peut transmettre une entreprise sous forme sociétaire, par la vente de droits sociaux.
Pour une entreprise individuelle classique, le transfert s’opère par la vente du fonds de commerce.
Ici, comme l’entreprise est dans un patrimoine affecté, l’entrepreneur peut choisir de céder le patrimoine
affecté, qui comprend le fonds de commerce.
Le patrimoine affecté est une universalité de droits formée d’actif et de passif. En transférant le patrimoine
affecté, l’entrepreneur transfère en même temps l’actif et le passif.
(≠ La cession du fonds de commerce opère uniquement transfert de l’actif.)
L’art. L. 526-17 I. présente les modes de transmission du patrimoine affecté : « l’entrepreneur individuel à
responsabilité limitée peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société
l'intégralité de son patrimoine affecté. »
Le cédant doit respecter des conditions de forme :
▫ Déclaration au BODACC ;
▫ Déclaration de transfert au registre professionnel.
Dans le même temps, le cessionnaire doit aussi faire une déclaration au registre professionnel dont il dépend
(dans 99% des cas, c’est le même registre que le cédant).
La déclaration ne produit effet à l’égard des tiers qu’une fois ces formalités réalisées.
Normalement, le transfert du patrimoine affecté entraîne le maintien du patrimoine affecté, quand c’est
possible. Mais, dans certaines hypothèses, c’est impossible : comme une personne morale n’a pas le droit
d’avoir deux patrimoines, en cas de transfert, il y aura fusion des deux patrimoines.
Dès le moment où la publicité est accomplie, si le patrimoine affecté est conservé, le cessionnaire devient le
nouveau débiteur des créanciers de l’EIRL, à la place du cédant. Les créanciers professionnels vont suivre le
patrimoine affecté et changer de débiteur. Mais, ils changent de débiteur sans changer de droit de gage
(patrimoine affecté). Après publication de la déclaration, les créanciers ne peuvent plus rien demander au
cédant, à moins qu’il leur ait accordé des suretés personnelles.
Certains biens sont soumis à des formalités de publicité spécifiques :
› Les immeubles : publicité foncière au fichier immobilier ;
› Les biens indivis ou communs : l’EIRL a mis sa part de l’indivision ou de communauté sur un bien dans le
patrimoine affecté. Il faut, dans ce cas, l’accord du coindivisaire ou du conjoint pour transférer le patrimoine
affecté (avec ce bien) à un tiers. Mais, la nature même d’un bien commun est une propriété collectives entre
deux époux. Or, en cas de cession, sur le bien commun, le conjoint et le tiers seraient en communauté …
C’est impossible.
› Dans un patrimoine affecté, il y a des éléments essentiels à l’activité, qui sont autre chose que l’actif et le
passif : les contrats. Un contrat n’est pas un bien, mais un accord de volontés qui génère des obligations. De
ce fait, il ne peut être cédé comme un bien : pour le céder, il faut obtenir l’accord du cessionnaire et du
contractant cédé.
› La cession de fonds de commerce est lourde, les formalités sont nombreuses (article L. 141-1 et s). Mais la
loi autorise l’entrepreneur, pour le transfert du patrimoine affecté (avec fonds de commerce), à ne pas se
soumettre au formalisme exigé au titre de la cession de fonds de commerce.
› Dans certains cas, pour des créanciers, l’opération est dangereuse donc la loi a reconnu un droit
d’opposition, qui ne remet pas en cause le transfert de patrimoine affecté en lui-même mais leur permet de
préserver leur droit (art. L. 526-17 III.).
Dans deux situations, la loi accorde un droit d’opposition aux créanciers :
▫ Les créanciers professionnels, auxquels la déclaration initiale est opposable et dont la créance est
antérieure à la publicité de la cession, bénéficient d’un droit d’opposition. Le droit de gage ne
change pas, c’est toujours le patrimoine affecté, mais l’exploitant n’est plus même. Si le cessionnaire
est incompétent, cela peut changer beaucoup de choses … (faillite de la société).
Au contraire, les créanciers ayant contracté une créance après la publicité de la cession n’ont pas de
raison de faire opposition. En cela, ils ne sont pas concernés par le droit d’opposition ;
▫ En cas de donation du patrimoine affecté, les créanciers auxquels la déclaration est inopposable
(droits nés antérieurement au dépôt de la déclaration initiale) ont un droit d’opposition. Ils ont un
avantage : ils peuvent se servir sur les deux patrimoines (même si pour eux, il n’y en a qu’un seul,
comprenant les biens personnels et les biens professionnels). Lorsque le patrimoine affecté est
transmis, dans le droit de gage de ces créanciers, tous les biens du patrimoine professionnel
disparaissent du patrimoine unique. En cas de donation, c’est problématique car le patrimoine
s’appauvrit, pour les créanciers antérieurs, sans contrepartie. Le risque est que le patrimoine se vide
d’un bien à valeur importante.
Au contraire, les même créanciers antérieurs n’ont pas de droit d’opposition en cas de transmission à
titre onéreux. Il n’y a pas d’appauvrissement au niveau de la valeur : l’entreprise sort du patrimoine,
mais le prix de vente rentre (contrevaleur). Un équilibre patrimonial se réalise, par la compensation
avec le prix ;
Le doit d’opposition a été mal conçu et rappelle le droit d’opposition supprimé par la loi Sapin II.
Les créanciers ont le droit de faire opposition dans un délai d’un mois après la publication (assez court). Le
plus souvent, ils ne feront pas car l’opposition ne remet pas en cause la transmission du patrimoine affecté
dans sa globalité.
Quand le tribunal est saisi, le juge a un pouvoir souverain d’appréciation :
• S’il estime qu’il n’y a pas de risque de non-remboursement, il rejette l’opposition ;
• Si, au contraire, il y a, selon lui, un risque (futur), il peut décider le remboursement immédiat des
créances (= déchéance du terme) ou imposer la constitution de garanties.
La sanction, en cas de non-respect de la décision du juge, est l’inopposabilité du transfert du patrimoine
affecté au créancier opposant.
Mais, pour ceux qui suivent le patrimoine, dire que le transfert est inopposable ne change rien : le droit de
gage est intact, seules la personne et la qualité de l’exploitation vont évoluer. Ce que dit la loi n’a, ici, aucun
sens. Dans cette situation, la seule chose que peut obtenir le créancier est la déchéance du terme (paiement
immédiat), la garantie n’apporte rien.
La loi complexifie encore davantage en prévoyant ces deux hypothèses. Il faudrait, pour simplifier le régime
de l’EIRL, supprimer cet article.
Certes, il y a un risque pour la qualité de l’exploitation mais c’est vrai aussi pour la cession d’un fonds de
commerce… Ce n’est pas propre aux entreprises sous la forme de l’EIRL et surtout l’opposition n’apporte
presque rien aux créanciers postérieurs. La sanction est plus adaptée aux créanciers antérieurs.
En appliquant le droit commun, on a normalement suffisamment de protection pour les créanciers, avec
l’action paulienne.
3 – La fin du patrimoine affecté
La fin du patrimoine affecté peut être volontaire ou imposée.
a – Les renonciations volontaires
L’entrepreneur peut renoncer librement à l’affectation patrimoniale : la déclaration cesse de produire ses
effets. Cela peut se retourner contre ces créanciers. En effet, dans l’hypothèse où le patrimoine personnel est
riche, cela pose un problème dès lors que, tout à coup, les créanciers professionnels peuvent saisir.
Inversement, du point de vue des créanciers professionnels, il y a plus de biens.
De toutes façons, le patrimoine affecté n’est pas un avantage pour les créanciers mais pour l’entrepreneur.
Ainsi, il peut librement y mettre fin, même si cela nuit à des créanciers.
La renonciation volontaire met fin rétroactivement à la séparation des patrimoines : tous les créanciers sont
mélangés et ont accès au patrimoine unique. Les deux patrimoines fusionnent à l’égard de tous.
Mais, on maintient l’affectation patrimoniale pour les créanciers antérieurs, en cas de renoncement pour
cessation d’activité.
Ex : si l’entrepreneur se met en retraite, la renonciation ne vaudra que pour le futur. Pour les créanciers
antérieurs, la séparation des patrimoines perdure.
Pour le futur, il n’y aura plus, de toutes façons, de créanciers professionnels car l’activité a cessé, donc plus
non plus de séparation de patrimoines. Les créanciers personnels futurs auront accès à tout le patrimoine, à
l’inverse des créanciers personnels antérieurs, limités au patrimoine personnel. On a intérêt de maintenir
l’affectation pour les créanciers professionnels antérieurs.
La renonciation n’est prévue par la loi que lorsqu’elle produit ses effets erga omnes. Contrairement à la
déclaration d’insaisissabilité, il n’est donc pas possible de prévoir une renonciation au profit d’un seul
créancier. C’est une bonne chose, parce que cela reviendrait à accorder une sureté au créancier bénéficiaire
et non pas à protéger l’entrepreneur.
b – Les renonciations imposées
La fin de la dissociation des patrimoines peut être prévue si l’entrepreneur commet certaines fautes / adopte
un comportement, qui n’est pas suffisamment respectueux des obligations légales. C’est le cas notamment
de la fraude : l’entrepreneur se sert du patrimoine affecté pour organiser son insolvabilité.
L’article L. 526-12 II. énonce les hypothèses justifiant l’anéantissement des affectations patrimoniales. Il
s’agit, ici, d’une sorte de sanction :
◦ En cas de fraude ;
◦ En cas de manquement grave à l’article L. 526-13 du Code de commerce. Cet article pose deux
obligations : la tenue d’une comptabilité et l’ouverture d’un compte en banque spécifique pour
l’activité professionnelle en question. Si le juge considère que le manquement est grave, il pourra
souverainement prononcer l’anéantissement. Il faut prouver que, dans la tenue de la compatibilité,
l’erreur constitue un manquement grave : toute erreur ne peut justifier une telle mesure. Il n’y a pas
d’élément intentionnel dans le manquement grave.
Avant la loi Pacte, un autre cas de manquement était mentionné : la violation de l’art. L. 526-6, à
savoir l’obligation d’utiliser la mention d’EIRL et de faire état de la composition du patrimoine
affecté. Mais cela a été supprimé.
Les modifications de la loi Pacte permettent, indirectement, de sanctionner le non-respect des règles de
composition du patrimoine affecté : désormais, celle-ci figure dans la déclaration d’affectation ou le bilan.
L’évolution du patrimoine est enregistrée, chaque année, par le bilan. La loi Pacte vise la comptabilité. Or,
dans le cadre de la comptabilité, l’entrepreneur doit respecter les règles de répartition de l’article L. 526-6
(et notamment mentionner les biens nécessaires à l’activité). A défaut, la comptabilité n’est pas tenue
correctement.
! Le changement n’est que formel : Ø modification sur le fond.
En droit des procédures collectives, l’art. L. 621-2 al. 3 prévoit l’application de la technique de la confusion
des patrimoines. La confusion des patrimoines est une invention jurisprudentielle reprise par le législateur.
Contexte : après la création d’une société pour exercer une activité professionnelle, avec un intérêt et un
patrimoine propres, on s’aperçoit que l’entrepreneur a utilisé les biens de la société comme les siens pour
s’acquitter de ses dettes. En cas de procédure collectives, la confusion va être maintenue, de telle sorte que
l’entrepreneur sera aussi redevable des dettes de la société.
La loi ne fait qu’une application de la logique des procédures collectives à l’EIRL, qui doit respecter
l’étanchéité entre les deux patrimoines. A défaut, la sanction pourra, sous certaines conditions, être la
confusion et, d’une certaine façon, l’anéantissement de l’affectation.
Également, la renonciation peut être imposée par le décès de l’entrepreneur. En principe, la déclaration
d’affectation cesse de produire ses effets pour le futur. Les créanciers antérieurs seront encore divisés entre
deux patrimoines : les créanciers professionnels seront payés sur le patrimoine professionnel / les créanciers
personnels sur le patrimoine personnel. Seulement, en droit des successions, les héritiers qui accèdent à la
succession récupèrent toutes les dettes du défunt : normalement, les patrimoines disparaissent avec le décès.
Il n’y a pas, en principe, de liquidation préalable destinée à payer le passif. En réalité, tous les biens et les
dettes sont automatiquement transmis aux héritiers donc les créanciers peuvent se faire payer par tous les
héritiers, sur leur patrimoine.
La loi aurait pu imposer que le patrimoine professionnel soit maintenu et que les dettes professionnels ne
soient pas transmises aux héritiers : liquidation – paiement des créanciers – transmission de ce qu’il reste
aux héritiers. Mais, la loi ne dit rien à ce propos… En l’état du droit, les créanciers professionnels peuvent
se faire payer sur le patrimoine personnel des héritiers.
En cas de décès (Ø séparation des patrimoines), l’EIRL ne présente pas d’avantage par rapport aux
entreprises classiques.
Néanmoins, une exception est envisagée mais n’est pas délimitée par la loi. Le patrimoine affecté peut être
transmis à cause de mort quand un des héritiers veut poursuivre l’activité. Dans ce cas, le patrimoine affecté
est maintenu. Mais, l’héritier doit mentionner, dans un délai de trois mois à compter du décès, au registre
professionnel sa volonté de poursuivre l’activité. Seulement, après le décès, le patrimoine doit être réparti
entre les héritiers. Cela pose problème, car ce ne peut être fait en trois mois (longues négociations). Dès que
les héritiers sont plusieurs, ces questions prennent beaucoup de temps. Cela ne fait pas difficulté quand
l’héritier est unique.
En plus, le législateur ne précise pas, dans ce cas-là, que les dettes professionnels ne seront pas transmises à
tous les héritiers … Il aurait fallu l’évoquer.
≠ Lorsque l’entreprise est sous forme sociétaire, les droits sociaux sont transmis aux héritiers sans le passif.
Les héritiers sont moins bien protégés qu’en cas de transmission de parts sociales. Donc, l’EIRL n’a
définitivement pas d’avantage de ce point de vue (très dangereux) … Cela constitue une raison pour ne pas y
avoir recours.
On voit, par rapport au fonctionnement du droit des successions et du droit matrimonial, que c’est n’importe
quoi…
D’un point de vue pratique, les chiffres sont très bas parce que sur certains points, le régime est inadapté. De
plus, son articulation avec le droit patrimonial de la famille est hasardeuse.
Il y a quelques années, un projet de loi rendait ce statue obligatoire / automatique pour les entrepreneurs
individuels. Pour l’instant, l’EIRL concerne peu de monde néanmoins, si l’idée était reprise, cela pourrait
concerner tous les entrepreneurs individuels…
§3 – Le statut protecteur du conjoint du commerçant
Le statut concerne largement les conjoints des professionnels indépendants.
La loi Pacte l’a fait évoluer. C’est un phénomène très ancien.
La problématique est double :
▫ Le patrimoine du conjoint doit être protégé contre les procédures collectives. A partir du moment où
le conjoint travaille dans le commerce, il y a-t-il un risque pour que les créanciers se retournent
contre lui ? ;
▫ Le conjoint n’est pas payé et n’a droit à aucune protection sociale, parce qu’il n’a pas cotisé. C’est
problématique au moment de la retraite (Ø retraite spécifique) ou du divorce…
Les deux questions apparaissent dans le statut protecteur du conjoint du commerçant.
Le phénomène est pris en compte par plusieurs branches du droit de façon mesurée.
Le droit des successions, en cas de décès du conjoint, donne maximum trois années de salaires minimum.
Le droit social et le droit commercial apportent aussi des réponses. Dans un premier temps, pour protéger la
femme mariée contre les procédures collectives, l’anc. article 4 du Code de commerce énonçait : « la femme
mariée n’est pas réputée commerçante si elle ne fait que détailler les marchandises du commerce de son mari
; elle n’est réputée telle que lorsqu’elle fait un commerçant séparé. »
La jurisprudence a fait une application très stricte de l’article : l’épouse ne pouvait jamais être qualifiée de
commerçante quand elle intervenait dans le commerce de son mari.
Progressivement, la Cour de cassation a accepté d’écarter la présomption de non commerçant, notamment
quand l’épouse décidait de coexploiter le fonds de commerce.
La loi du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans l’entreprise
familiale a mis au point un statut de conjoint avec pour objectif de mettre en place une protection sociale.
Le régime du statut a été modifié notamment par la loi Pacte.
Le conjoint de commerçant doit nécessairement opter pour un statut prévu par la loi (I). Mais, il est, tout de
même, des hypothèses où il n’a pas à opter pour un statut (II).
I – L’obligation d’adopter un statut
L’article L. 121-3 du Code de commerce reprend l’idée de l’ancien article 4 du Code de commerce, mais
sans distinguer entre l’homme et la femme mariés : « le conjoint d’un commerçant n’est réputé lui-même
commerçant que s’il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux. »
On aurait pu dire qu’à partir du moment où il collabore, le conjoint pourrait être responsable des dettes de
l’entreprise. Or, la loi dit non.
Le fait que le conjoint ne soit pas responsable des dettes va se traduire par le choix du statut : aujourd’hui (≠
1982), l’obligation de choisir un statut concerne le commerçant mais également le conjoint du chef d’une
entreprise artisanale ou libérale.
Dans la liste, on ne vise les activités agricoles, alors que c’est dans le monde agricole, que la collaboration
est la plus fréquente. Cela résulte sûrement d’un lobbying …
La loi a étendu le bénéfice du statut au partenaire pacsé mais pas au concubin, aucun lien de droit ne les
unissant (lien de fait).
L’article L. 121-4 I. impose au conjoint, qui exerce régulièrement une activité professionnelle dans le
commerce, de choisir un statut auprès d’un CFE. Il ne peut rester silencieux.
L’article propose trois options : le statut de conjoint collaborateur (le + important et courant), le statut de
conjoint salarié et le statut de conjoint associé.
La statut de « conjoint associé » suppose l’existence d’un associé : ce n’est pas évident dans une entreprise
individuelle.
Le statut de salarié n’est pas choisi car le commerçant doit payer un salaire au conjoint et des cotisations
sociales, alors que l’argent est déjà dans le patrimoine familial.
Le statut de conjoint collaborateur est le plus retenu.
A chaque fois, pour chacun de ces statuts, le conjoint n’exerce pas lui-même le commerce.
A – Le conjoint collaborateur
Le statut de conjoint collaborateur est le seul qui fait l’objet d’une publicité au RCS.
Peut en bénéficier, le « conjoint qui exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans
percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé. » (article R. 121-1, Code de commerce). Le
conjoint doit exercer une activité à titre habituelle. Le conjoint, qui a lui-même une activité indépendante,
ou une activité régulière à l’extérieur de l’entreprise au moins à mi-temps, est présumé ne pas exercer une
activité régulière dans le commerce de son époux.
L’article rend licite le travail non rémunéré.
Le statut peut, sous certaines conditions, être choisi par le conjoint du gérant d’une SARL. Parfois, la SARL
est de la même taille qu’une entreprise individuelle et le conjoint du gérant y travaille gratuitement. Dans ce
cas, la loi lui permet d’opter pour le statut de collaborateur, alors qu’il n’y a pas d’entreprise individuelle.
Le choix en faveur de ce statut est inscrit au registre professionnel. Ce peut être important au regard des
effets attachés au statut. Le conjoint collaborateur n’est pas commerçant et est protégé des procédures
collectives : n’étant pas qualifié de commerçant, les biens sont séparés (régime séparation des biens) et son
patrimoine est préservé des créanciers.
La présomption de « non-commerçant » n’est pas irréfragable : la preuve contraire peut être apportée. Mais,
cela est complexe : il faut démontrer que le conjoint fait + que collaborer, qu’il coexploite le fonds.
Les conjoints collaborateurs bénéficient d’un mandat pour les actes de gestion et d’administration (mais pas
de disposition). Les tiers savent, grâce à la publicité*, qu’il a reçu un mandat de la loi pour passer ces actes.
Les tiers pourront se prévaloir du mandat en question. Ce mandat peut être révoqué par un des deux époux
(mandant ou mandataire). *Le mandat ne produit d’effets que s’il est publié.
Le mandat ne concerne que les conjoints d’artisans et de commerçants (et non de professionnels libéraux).
L’époux n’est pas commerçant parce qu’il n’est que mandataire : celui qui exerce un acte de commerce en
tant que mandataire n’est jamais lui-même commerçant.
Le statut présente un avantage spécifique pour les époux mariés sous le régime de communauté. Le plus
souvent, l’entreprise est elle-même en communauté et le conjoint collaborateur a des pouvoirs sur certains
actes. Dans ce cas, l’entrepreneur individuel ne peut pas « sans le consentement exprès de son conjoint […]
aliéner ou grever de droits réels les éléments du fonds de commerce (ou de l’entreprise artisanale) ni donner
à bail. » (article L. 121-5, Code de commerce).
Ce pouvoir de cogestion ne s’applique qu’aux conjoints commerçants et artisans.
L’article retient que, pour une entreprise en communauté, l’accord des deux époux est requis pour céder le
fonds de commerce, même si un seul l’exploite. L’article va plus loin encore en étendant l’exigence à la
cession de certains éléments du fonds de commerce (ou de l’entreprise artisanale).
Sur le plan de la sécurité sociale, le conjoint collaborateur doit être affilié au régime d’assurance vieillesse.
Même si le conjoint n’est pas salarié, le commerçant (/ l’artisan) doit verser des cotisations sociales. Le
conjoint pourra ainsi bénéficier de la retraite et de l’assurance maladie. Tout cela a un coût… Bien que la loi
oblige à opter pour un statut, des entrepreneurs individuels ne le font pas pour éviter ce coût.
Le statut de collaborateur est le moins coûteux.
B – Le conjoint salarié
Un contrat de travail est conclu entre le commerçant (employeur) et son conjoint (salarié).
D’un point de vue juridique, cela a longtemps posé problème. La jurisprudence y était réticente : peut-il y
avoir un lien de subordination entre deux personnes mariées ? La réponse avancée était négative… Un autre
argument était qu’il existait, entre époux, un devoir d’assistance, justifiant que l’épouse aide, gratuitement,
son époux.
Aujourd’hui, on n’a plus de doute sur la validité de ce contrat de travail : l’article 121-4 reconnaît le statut.
La consécration par la loi évite que ce type de contrat soit remis en cause.
Le conjoint salarié pourra bénéficier de tous les avantages du salarié (salaires, cotisations sociales). Les
salaires pourront être déduits du bénéfice réalisé par le chef d’entreprise.
En pratique, pour faire des économies, peu de professionnels indépendants optent pour le statut de conjoint
salarié.
C – Le conjoint associé
Le statut de conjoint associé suppose qu’une société ait été créée.
Pendant très longtemps, le législateur, méfiant à l’égard de cette pratique, interdisait à deux époux de
s’associer dans une société. On considérait que cela pouvait perturber le jeu du régime matrimonial, et
notamment le principe d’immutabilité du régime matrimonial. En effet, d’un certain point de vue, le contrat
de société venait modifier le régime matrimonial.
Aujourd’hui, les époux peuvent être associés dans toutes les formes de société et participer à l’exploitation.
Mais, la suspicion demeure.
Le commerçant doit cotiser pour le conjoint associé, participant effectivement à la gestion : assurances
vieillesse et maladie.
! L’objectif de la loi est de protéger le conjoint. Quel que soit le statut choisi, le conjoint, qui participe
régulièrement à l’activité, doit être affilié à un régime de protection sociale (point commun).
Comme cela représente un coût, des chefs d’entreprise refusent de déclarer le travail du conjoint.
II – L’absence d’option pour un statut
Qu’en est-il si le conjoint collabore mais qu’aucun des trois statuts n’est choisi ?
Plusieurs réponses :
L’absence d’option pour un statut s’apparente à l’infraction pénale de travail dissimulé, sanctionnée par le
Code du travail. Mais, la solution pratique n’est pas à rechercher de ce côté car il y a peu de contentieux…
Quand les professionnels indépendants n’optent pour aucun statut, cela se retourne très souvent contre le
conjoint. Donc, l’article L. 121-4 du Code de commerce prévoit une sanction (modification apportée par la
loi Pacte) : « à défaut de déclaration d’activité, le conjoint qui exerce une activité de manière régulière est
réputée avoir exercé cette activité sous le statut de salarié. »
Potentiellement, beaucoup de personnes peuvent faire des recours : les organismes de sécurité sociale
peuvent redresser sur toutes les années et le conjoint demander remboursement des salaires, dans le délai de
prescription.
La contrainte prévue par la loi est très importante : le statut de salarié est le plus protecteur et le plus
exigeant financièrement.
Pour éviter la qualification de salarié, les professionnels optent pour le statut moins contraignant de
collaborateur. A défaut, en cas de requalification du conjoint en salarié, les salaires et les cotisation sociales
devront être remboursés.
La loi Pacte a pris en compte la gravité de la situation de certains conjoints sans droits. Si ce modèle du
conjoint renvoie à une société d’un autre temps, il est, tout de même, encore présent. Pour que les choses
évoluent, la loi Pacte a prévu une sanction.
Parfois, aucun statut n’est choisi, parce que le conjoint est, en réalité, coexploitant. La jurisprudence admet
que la présomption de non-commercialité du conjoint puisse être renversée par la preuve de la cogérance du
commerce.
Dès lors que les époux assument la coexploitation et s’inscrivent tous deux au RCS, cela ne pose pas de
difficulté.
Il arrive que des conjoints, inscrits en tant que collaborateurs, fassent plus que collaborer et soient
coexploitants. Également, des conjoints ne sont inscrits nulle part et on s’aperçoit qu’ils sont coexploitants
(commerçants de fait).
La preuve inverse peut être invoquée par un créancier. Dans ce cas, le conjoint sera personnellement
responsable d’un certain nombre de dettes et la procédure collective sera, éventuellement, étendue. Cela
permet au créancier d’accroitre son gage.
Mais, la preuve inverse pourrait être invoquée par l’époux qui s’estime coexploitant (contentieux entre
époux).
Pour être qualifié de coexploitant, le conjoint doit participer de manière régulière à l’exploitation du
commerce. Les simples actes d’administration peuvent être accomplis par le collaborateur. Il faut donc
invoquer plusieurs actes de disposition ou de gestion exceptionnels doivent être invoqués. Un acte de
disposition ou de gestion accompli de manière inhabituelle ne suffit pas.
En cas de requalification, le conjoint sera tenu des obligations du commerçant et ne bénéficiera d’aucun
avantage car il n’est pas immatriculé.
/!\ Il faut faire une différence entre la mention au RCS (conjoint collaborateur), et l’immatriculation au RCS
(commerçant). Pour bénéficier des avantages, le conjoint doit être lui-même immatriculé en tant que
commerçant.
Section 3 – La distinction du commerçant et des autres professionnels
Il y a une sorte de concurrence entre les notions de commerçant et de professionnel.
Le commerçant est un professionnel particulier, qui réalise des actes de commerce. En tant que commerçant,
on lui applique un régime spécifique. Néanmoins, ce régime est de moins en moins étendu et on voit, à la
place, apparaître un régime propre à tous les professionnels indépendants (notamment en matière de
procédures collectives, d’EIRL (n’a jamais été réservé aux commerçants). Il existe, aujourd’hui, une sorte de
statut de droit commun du professionnel.
Le statut de droit commun du professionnel indépendant pourrait être complété par les statuts spéciaux du
commerçant, de l’agriculteur, de l’artisan…
Parfois, quand on parle de commerçant ou de professionnel, on fait référence, largement, à l’entrepreneur
personne physique (ex : EIRL). D’autres fois, on mentionne les commerçants (personnes physiques et
morales) par opposition aux autres professionnels.
Vers un régime commun ? Pour certaines catégories de professionnels, la réponse pourrait être positive.
I – L’artisan
L’artisan n’existe pas tel quel dans le Code de commerce, puisque c’est la jurisprudence qui l’a créé au XIXe
siècle. Normalement, il entrait dans l’article L. 110-1. Toutefois, la jurisprudence a décidé de le sortir du
domaine de la commercialité pour le faire échapper aux graves conséquences qui étaient attachées aux
procédures collectives.
Deux conceptions de l’artisan coexistent :
• L’artisan, auparavant commerçant, que la jurisprudence a fait sortir de la commercialité : statut de
droit privé des artisans ;
• L’artisan, disposant d’un statut spécifique, inscrit au répertoire des métiers : statut administratif des
artisans.
Souvent, les deux coïncident.
Mais, une même personne physique pourra, selon les cas, être considérée artisan et/ou commerçant. Il arrive
qu’une personne soit artisan du point de vue administratif et commerçant du point de vue du droit privé
(immatriculation au RCS).
A – Le statut administratif des artisans
Nombre de textes concernent le statut des artisans.
La loi du 5 juillet 1996 a réformé le statut de l’artisan. Elle a, elle-même, été modifiée par les deux décrets
du 2 avril 1998.
L’article 19 de la loi de 1996 , prévoit que : « doivent être immatriculées au répertoire des métiers les
personnes physiques et morales qui n’emploient pas plus de 10 salariés et qui exercent à titre principal ou
secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de
prestation de service, figurant sur la liste établie par décret. »
Deux conditions doivent être remplies pour qu’une entreprise soit qualifiée d’artisanale :
▪ Maximum 10 salariés (à certaines conditions, le seuil pourra être dépassé). Cette condition rappelle
l’absence de spéculation sur le travail d’autrui fixée par la jurisprudence ;
▪ Exercice d’une activité précise mentionnée dans une liste établie par décret (du 2 avril 1998).
Si les deux conditions sont réunies, le professionnel doit s’immatriculer au répertoire des métiers et devient
artisan au sens administratif.
Une fois que l’artisan est immatriculé, il y a des différences au moment de la qualification. La loi fait état de
plusieurs types d’artisans :
▫ En f° des qualifications personnelles (diplôme …) ;
▫ A un certain niveau et sous certaines conditions, l’artisan classique devient artisan d’art ou maître
artisan. Ces qualités (qualification supérieure) peuvent être affichées et permettent à l’artisan de
bénéficier d’avantages administratifs (prêt bonifié en cas d’installation à la campagne, seuil supérieur
à 10 salariés (à certaines conditions)).
B – Le statut de droit privé de l’artisan
On l’a dit, la jurisprudence a créé ce statut pour que les procédures collectives ne leur soient applicables.
Aujourd’hui, les procédures collectives s’appliquent à tous.
Il n’y a pas forcément de corrélation entre la qualification d’artisan au sens administratif et la qualification
d’artisan au sens privé. L’art. 19 II. de la loi de 1996 précise que l’immatriculation au répertoire des métiers
ne dispense pas de l’immatriculation au RCS. Une personne inscrite au répertoire des métiers peut donc être
qualifiée de commerçant et immatriculée au RCS.
Dans l’idée, les critères sont assez proches mais les seuils sont différents.
L’artisan, au sens privé, ne spécule pas sur le travail d’autrui, le matériel : il doit retirer l’essentiel de ses
gains de son travail, sa connaissance et sa technique. Au sens administrative, l’idée est un peu la même mais
on détermine précisément les professions concernées (décret 1998) ≠ Pour le statut de dt privé, le juge
apprécie au cas par cas.
La conception de droit privé autorise l’artisan à avoir un nombre très limité de salarié. Il est certain que si le
professionnel a 10 salariés, la Cour de cassation va écarter la qualification d’artisan.
! La Cour de cassation est plus stricte dans son interprétation. Le statut de droit privé d’artisan est plus
exigeant.
Ex : le fabricant de pâte alimentaire qui utilise une machine pour la fabriquer est un commerçant au sens du
dt privé, alors même qu’il est immatriculé au répertoire des métiers.
Dans le secteur privé, l’artisan est, la plupart du temps, celui qui travaille dans le vêtement (couturier,
teinturier), le bâtiment (menuisier, plombier), la réparation (garagiste), l’alimentation*. *Ce n’est pas
automatique, le boulanger n’est artisan que s’il prépare lui-même la pâte de son pain.
La qualification de droit privé est complexe…
A chaque fois que l’on se pose la question de la qualification droit privé, c’est pour une personne physique.
Aucun arrêt ne fait mention d’une personne morale. Une société n’est jamais artisan, au sens où l’entend la
Cour de cassation, d’autant qu’au départ, le statut a été créé pour protéger les personnes physiques. Si on ne
s’est jamais posé la question, la jurisprudence est, semble-t-il, limitée aux personnes physiques.
Si l’artisan au sens administratif est commerçant au sens du droit privé, on ne lui applique pas, pour autant,
les règles relatives aux commerçant. L’artisan n’est pas soumis aux obligations du droit commercial
(comptabilité, solidarité). Mais cette spécificité s’estompe :
‣ Un certain nombre de règles s’appliquent à tous les professionnels ;
› Le régime de la location-gérance ;
› Au 1er juin 2022, le tribunal de commerce sera, normalement, compétent pour les litiges entre
artisans.
II – L’exploitant agricole
L’exploitant agricole est un professionnel mais n’est pas commerçant.
L’article L. 311-1 du Code rural définit les activités agricoles.
L’activité agricole est par nature civile, ce qui exclut l’application du droit commercial : le contentieux
agricole dépend du contentieux civil. L’exploitant agricole, qui bénéficie d’une procédure collective, va
devant le tribunal civil.
L’exploitant agricole bénéficie à la fois des textes propres aux professionnels indépendants (EIRL,
déclaration d’insaisissabilité, ...) et spécifiques à la profession (bail rural, fonds agricole).
/!\ Les exploitants agricoles n’ont pas le droit au statut du conjoint.
Dans certains cas rares, les entreprises agricoles ont une activité, non pas agricole, à titre principal mais
commerciale. Donc, on doit procéder à une requalification. C’est le cas notamment des entreprises qui
pratiquent l’achat pour revendre. Ex 1 : pépiniériste dont la majorité des plantes vendues sont achetées à
l’extérieur.
Ex 2 : jurisprudence sur l’élevage – l’éleveur de bétail est, en principe, agriculteur. Mais, si la nourriture du
bétail est achetée à l’extérieur, on considère qu’il est commerçant.
Ex 3 : la scierie est une activité civile lorsqu’elle est l’accessoire d’une coupe forestière (activité civile). En
revanche, si le bois coupé sert à construire des meubles, qui seront vendus, on estime que l’activité est
commerciale.
III – Le professionnel libéral
Les professions libérales ne relèvent pas du droit commercial. Normalement, elles sont liées à une activité
intellectuelle et ne spéculent pas (ou peu) sur les produits et le travail d’autrui. Elles auraient un lien de
confiance particulier avec le client.
Ces activités n’entrent pas dans la définition des actes de commerce. Certains éléments du professionnel
indépendant s’appliquent (EIRL, déclaration d’insaisissabilité, statut du conjoint …).
Les professions libérales sont définies à l’article 29 de la loi du 22 mars 2012 : « les professions libérales
groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une
activité de nature généralement civile ayant pour objet d'assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des
prestations principalement intellectuelles […], dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie
professionnelle. »
Cette définition est tellement large qu’elle ne veut rien dire… Aucune conséquence n’en a été tirée : pas un
seul élément de régime n’a été posé.
Les professions libérales regroupent des professions très différentes : toutes les professions médicales (sauf
pharmaciens), les officiers publics ministériels (notaires, huissiers), les auxiliaires de justice (avocats,
administrateurs judiciaires), les experts comptables, les commissaires au compte, les géomètres experts, les
architectes, les enseignants indépendants … C’est assez complexe d’imaginer un régime univoque.
Une règlementation spécifique (statut particulier, Code de déontologie propre) est prévue pour chaque
profession.
En tant que professionnels indépendants, ils ont droit aux procédures collectives et à la déclaration
d’insaisissabilité.
Il existe des sociétés spécifiques pour accueillir les professions libérales : les SCP (sociétés civiles
professionnelles) et les SEL (sociétés d’exercice libéral).
Les SEL présentent une particularité : ce sont des sociétés commerciales par la forme mais que l’on réserve
à des activités que l’on sait civiles. La société commerciale exerçant une activité civile peut faire difficulté :
le droit commercial ne s’applique que jusqu’à un certain point. Il y a des limites à la commercialité par la
forme : la clientèle demeure civile ; le fonds exploité est un fonds libéral.
Titre 2 – L’entreprise commerciale
La commercialité sera, dans ce titre, appréhendée autrement qu’à partir de la notion d’actes de commerce et
de commerçant : notamment par le droit des biens.
L’entreprise n’est qu’une réalité économique, que le droit prend en compte. En dépit des prétentions de
certains auteurs, on n’a jamais pu créer une notion juridique.
Le droit n’ignore pas l’entreprise : des textes s’y réfèrent en tant que réalité économique et mettent à sa
disposition des éléments juridiques.
L’entreprise ne se restreint pas au commerçant : le commerçant est une personne physique qui dépasse le
champ d’application de l’entreprise. Il n’est pas qu’une entreprise et, inversement, l’entreprise n’est pas que
le commerçant : des éléments ne figurent pas dans le patrimoine affecté (contrats) et sont, pour autant,
indispensables à la vie de l’entreprise. Réduire l’entreprise au seul entrepreneur individuel est, dans certains
cas, insuffisant.
Dans les sciences de gestion, ce qui fait l’essence de l’entreprise est le client. Le juriste peine à comprendre
que l’on définisse l’entreprise par rapport à un élément qui lui extérieur. Le droit a d’autres concepts, tel que
le fonds de commerce, pour l’appréhender. Le fonds de commerce est un concept assez ancien, qui permet
de saisir l’entreprise en tant que réalité objective, même quand il n’y a pas de société créée.
Le fonds de commerce est l’ensemble de biens meubles, corporels et incorporels, du commerçant affectés à
une exploitation commerciale, dans le but de conquérir et conserver une clientèle. Une diversité de biens va
être affectée à un objectif unique et commun : la clientèle. Dans une certaine mesure, on va pouvoir les
concevoir comme une unité : le fonds de commerce. Ici, l’entreprise est un bien, c’est une approche réelle.
Histoire du fonds de commerce :
La notion de fonds de commerce est apparue au début du XIXe siècle. On parlait autrefois de « fonds de
boutique » (↔ marchandise entreposée dans le fonds de boutique). La notion de fonds de boutique ne
correspond pas au fonds de commerce actuel.
C’est dans la pratique que l’on a commencé à parler de fonds de commerce pour désigner l’entreprise. La
doctrine commercialiste n’a compris et accepté la notion qu’à la fin du XIXe siècle. Il y eut un décalage
important entre la doctrine et la pratique de l’époque.
Le Code de commerce de 1807 ne comporte aucune référence au fonds de commerce. Le législateur attend
les lois de 1872 (sur la vente de fonds de commerce) et 1898 (sur le nantissement du fonds de commerce)
pour le mentionner. A partir de ces deux lois, la doctrine a été forcée de s’interroger sur la notion de fonds de
commerce.
La loi du 17 mars 1909 réorganise la matière en réglementant trois opérations : la vente, l’apport en société,
et le nantissement de fonds de commerce.
La loi du 20 mars 1956 est, ensuite, venue préciser le régime de la location gérance de fonds de commerce.
Ces deux lois ont été retranscrits dans le Code de commerce. La structure reste celle des lois. On peut,
d’ailleurs, le reprocher au législateur qui aurait pu donner plus de maturité à la notion : Ø définition précise,
Ø statut d’ensemble. On ne l’étudie que par ces opérations spécifiques.
C’est une notion très XIXe siècle, le problème est que l’économie a changé depuis.
Il faut distinguer la notion de fonds de commerce d’autres notions voisines :
⁕ ≠ Entreprise : l’entreprise n’est pas une notion juridique, mais surtout le fonds de commerce est un
élément essentiel de l’entreprise et non la totalité de l’entreprise. Des éléments cardinaux sont exclus du
fonds de commerce : les immeubles et les contrats ;
⁕ ≠ Succursale : La succursale est une structure bénéficiant d’installations permanentes et dirigée par une
personne habilitée pour traiter directement avec les tiers et engager l’entreprise. S’il y a une succursale, c’est
qu’il y a une entreprise principale. La succursales comprend les moyens spécifiques pour gérer l’entreprise,
dont un dirigeant, qui la représente et l’engage. Parfois, la succursale d’une entreprise sera un fonds de
commerce autonome mais pas toujours.
A l’inverse, une personne peut avoir deux fonds de commerce autonomes : le deuxième ne sera pas
forcément la succursale du premier.
La succursale se caractérise, avant tout, par l’autonomie de gestion ;
⁕≠ Etablissement secondaire : celui qui ouvre un établissement, en tant qu’établissement secondaire, doit le
préciser au RCS. L’établissement secondaire est, soit le même fonds, soit un fonds autonome.
⁕≠ Branche d’activité : le droit des sociétés et d’autres branches du droit des affaires ont recours à la notion
plus moderne de « branche d’activité ».
Ex : la notion de branche est utilisée dans l’apport partiel d’actifs. Une société, à activités multiples,
transfère l’une de ses branches d’activité. Une branche constitue une universalité de droit. Mais, la
spécificité de l’opération est que l’actif comme le passif sont cédés.
Pour autant, la « branche d’activité » ne prend pas la place du « fonds de commerce ». En effet, on ne parle
de branche d’activité qu’en cas de cession et la loi ne dit rien sur la gestion d’une branche d’activité. De
plusieurs la cession d’une branche n’a de sens que si l’entreprise a plusieurs activités : cession d’une partie
de l’activité.
⁕ ≠ Société : l’entreprise peut être exploitée sous forme société ou individuelle. /!\ La notion de fonds de
commerce n’est pas limitée à l’entreprise individuelle : une société peut avoir un fonds de commerce.
Toutefois, il est vrai que, la plupart du temps, le contentieux du fonds de commerce concerne des personnes
physiques. En principe, celui qui veut céder l’entreprise, cède les droits sociaux (parts sociales / actions) et
non le fonds de commerce. Il n’est pas nécessaire de céder le fonds de commerce. Le chef d’entreprise, qui
veut accorder une sureté réelle sur la société, peut accorder un nantissement sur les droits sociaux.
Également, s’il veut louer l’entreprise, il existe un contrat de location de parts sociales ou d’actions.
Pour les divers contrats envisageables, on peut faire porter les actions sur les droits sociaux. C’est, en cela,
que l’on a l’impression que le fonds de commerce se limite aux entreprises individuelles.
Cependant, il est parfois très utile d’utiliser la notion de fonds de commerce en société : pour des raisons
fiscales notamment, il peut être plus intéressant de céder le fonds de commerce que les parts sociales.
La cession de fonds de commerce a également été utilisée pour contourner les droits de préemption dans le
réseau de franchise.
Le chef d’entreprise, qui souhaite vendre une société constituée pour exploiter une franchise, doit, en vertu
d’un droit de préemption, proposer prioritairement ses droits sociaux dans le réseau. Pour l’éviter, des
dirigeants ont cédé le fonds de commerce. Ce n’est pas constitutif d’une fraude car le droit de préemption
n’est pas accordé sur le fonds de commerce.
Le fonds de commerce a servi d’exemple à de nouvelles constructions. La loi a également prévu :
• Un fonds artisanal (1996) : ≈ fonds de commerce au niveau de la structure ainsi que pour certaines
opérations ;
• Un fonds agricole (2006) : ≈ fonds de commerce sur la structure. En revanche, le contenu diffère.
Parallèlement, la jurisprudence se réfère à un fonds libéral.
La multiplication de ces fonds soulève une question : ne devrait-on pas, à terme, créer une notion de fonds
d’entreprise, s’il y a suffisamment d’éléments de régime communs ? On trouve cette position en doctrine.
Chapitre 1 – Les éléments constitutifs du fonds de commerce
Section 1 – La structure du fonds de commerce
Comment analyse-t-on un fonds de commerce en droit ? Le fonds de commerce comprend des biens meubles
corporels et incorporels. C’est la question du contenu.
Mais, au préalable, il faut s’intéresser au contenant : quel est le mécanisme juridique qui va permettre
d’accueillir ces biens meubles ? Qu’est-ce que le fonds de commerce en tant que concept juridique ?
Paragraphe 1 – La nature juridique du fonds de commerce
La question se pose depuis la fin du XIXe siècle : à partir du moment où sont apparues avec la pratique les
notions de fonds de commerce et de clientèle. Depuis, on n’a jamais eu de réponse totalement satisfaisante.
Le législateur ne traite que des opérations portant sur le fonds de commerce et ne l’a jamais défini en tant
que tel.
On doit toujours concilier deux aspects différents dans le fonds de commerce. Le fonds de commerce est un
bien dual :
⁎ En tant qu’unité, c’est un bien meuble incorporel unique ;
⁎ En même temps, tous les éléments qui le constituent continuent d’avoir leur propre existence
juridique, de façon relativement autonome. Les éléments peuvent être vendus séparément.
! L’unité d’un côté, la diversité de l’autre, avec tout un tas de biens, qui ont un régime spécifique. Ce
dualisme crée une complexité.
Le fonds de commerce n’est pas une universalité de droit parce qu’une universalité de droit comprend, à la
fois un actif et un passif (patrimoine).
La notion de fonds de commerce a été forgée à la fin du XIXe s. avec le dogme de l’unicité du patrimoine.
Donc, il a fallu chercher autre chose : on l’a conçue comme quelque chose qui n’est pas une universalité de
droit, qui ne comprend pas de passif. Certes, un passif est généré par l’entreprise mais, du point de vue du
droit des biens, le fonds de commerce n’intègre pas le passif. Les créanciers professionnels ont accès à la
totalité du patrimoine du commerçant.
La doctrine définit le fonds de commerce comme une universalité de fait. L’idée est qu’on assemble un
certain nombre de biens, normalement autonomes, qui vont avoir une relation spécifique entre eux. Il y a,
derrière, la volonté du propriétaire du fonds de commerce de les réunir pour atteindre un objectif. Deux
éléments coïncident :
⁃ Objectif : les éléments s’agencent d’une certaine façon vers un résultat ;
⁃ Subjectif : la volonté humaine, le propriétaire a décidé de rassembler ces biens pour parvenir à un
résultat.
Ex 1 : une bibliothèque peut parvenir à une certaine unité parce qu’elle a été constituée par une personne,
selon ses goûts.
Ex 2 : un troupeau est plus que la somme de chaque animal. Le troupeau peut être considéré comme un
ensemble que l’on peut traiter de façon indivisible.
Ex 3 : le portefeuille de valeurs mobilières – placement de l’argent en bourse pour créer un portefeuille de
valeurs mobilières. Ce sont des actions à part, mais le propriétaire opte pour une stratégie de gestion de
sorte que le portefeuille peut être appréhendé comme une unité.
En utilisant la technique de l’universalité de fait, on ne parvient pas, sous certains aspects, à faire du bien
quelque chose d’unique : on prend en compte la diversité. On l’a dit, le fonds de commerce est à la fois un
tout unique et une multitude.
Il existe un régime unique pour la vente, l’apport ou le nantissement du fonds de commerce. Néanmoins,
l’unité a des limites parce qu’on va devoir, dans le contrat, recenser tout ce que comprend le fonds de
commerce et il faudra, parfois, respecter les règles spécifiques aux meubles qui sont dans le fonds de
commerce (ex : le brevet).
Certains auteurs critiquent ce concept mais ne proposent rien à la place. C’est vrai, l’analyse du fonds de
commerce en une universalité de fait pose problème sur certains points. Mais, ce qui est critiquable, ce n’est
pas tant le fait que le fonds de commerce soit défini par une universalité de fait mais la théorie même de
l’universalité de fait.
Pour la jurisprudence, depuis longtemps, le fonds de commerce est une universalité de fait. C’est le droit
positif.
Paragraphe 2 – Les éléments du fonds de commerce
La loi n’est pas d’un grand secours pour comprendre ce qu’inclut le fonds de commerce. Mais, on y trouve
des indices dans les textes relatifs aux opérations sur le fonds de commerce :
‣ L’article L. 141-1 du Code de commerce sur la vente du fonds de commerce fait référence au bail
commercial, à des éléments incorporels, à des marchandises et au matériel ;
‣ L’article L. 141-5 sur le nantissement du fonds de commerce mentionne l’enseigne, le nom
commercial, le droit au bail (, qui peut signifier uniquement le droit au renouvellement), la clientèle
et l’achalandage.
Les deux articles présentent des listes non exhaustives et, en plus, un fonds de commerce peut ne pas
comprendre certains des éléments mentionnés. Ces listes ne sont qu’indicatives, d’autant que ces textes sont
anciens. Le premier, sur la vente, date de 1909.
Il faut regarder la jurisprudence et la doctrine pour voir ce que l’on peut inclure ou non dans le fonds de
commerce.
I – Les éléments inclus dans le fonds de commerce
Quand on rédige un contrat relatif à un fonds de commerce, il convient d’indiquer ce qu’il comprend pour
éviter les discussions sur son contenu. A défaut, c’est le juge qui tranche. Il faut bien vérifier que tous les
éléments, dont on pense qu’ils sont dans le fonds de commerce, apparaissent explicitement dans le contrat.
Les éléments du fonds de commerce sont nécessairement des biens meubles car l’universalité de fait est
considérée comme un bien meuble incorporel. A l’intérieur d’un meuble, on ne peut mettre que des biens
meubles. Si on allait au bout de cette logique, on dirait qu’un bien incorporel ne peut contenir que des biens
incorporels. Mais, ces biens meubles peuvent être corporels ou incorporels.
A – Les éléments corporels
Parmi les éléments corporels, on distingue le matériel et les marchandises. D’un point de vue théorique et
pratique, la distinction est assez simple à opérer, sauf cas limites.
Le matériel correspond aux meubles corporels utilisés de façon permanente, durable.
Ex 1 : pour un fonds de commerce de taxi, les véhicules.
Ex 2 : pour une usine, les machines et les outils.
Ce matériel a plus ou moins d’importance selon le type de fonds de commerce. Pour une usine, il est
indispensable ; pour un fonds de commerce de vente commerciale (achat pour revendre) qui, par définition,
ne produit pas et ne modifie pas, le matériel a peu d’importance.
Dans certaines hypothèses, certains meubles vont être qualifiés d’immeubles par destination.
Ex : le propriétaire de l’usine est propriétaire de l’usine et de machines très complexes soudées au sol.
Dans ce cas, le matériel ne sera pas compris dans le fonds de commerce.
La loi emploie désormais le terme de « stock » plutôt que « marchandise ». Mais, les deux termes ont cours.
Les marchandises sont des biens meubles n’ayant pas vocation à être utilisés dans le temps, car ils sont
destinés, soit à être revendus, soit à être transformés dans le cadre de l’activité commerciale.
On trouve, concernant les marchandises, des différences dans la loi :
• En général, les marchandises sont vendues en même temps que le fonds.
• En revanche, la solution retenue pour le nantissement* du fonds de commerce diffère. *Sûreté sur le
fonds, que l’on met en œuvre en cas de difficulté. Les marchandises ne sont pas comprises dans
l’assiette du fonds de commerce puisqu’elles sont amenées à disparaître.
Le contentieux sur la distinction matériel / marchandise relève de l’appréciation souveraine des juges du
fonds (fait). La Cour de cassation n’a donc pas dégagé de critères (droit).
Le contentieux est, de toutes façons, faible.
Dans la vente de fonds de commerce, un privilège est accordé au vendeur, qui s’exerce d’abord sur les
marchandises, et ensuite sur le matériel. Le droit des sûretés a développé des concepts, à partir de la
distinction: le gage sur stock et le nantissement sur le matériel et les outillages.
B – Les éléments incorporels du fonds de commerce
L’article L. 141-5 du Code de commerce cite, parmi les éléments incorporels du fonds de commerce,
l’enseigne, le nom commercial, le bail et la clientèle.
Pour le bail, qui est un contrat, c’est très contestable. N’étant pas un bien, il ne peut être dans le fonds de
commerce. Cela n’empêche pas que, très souvent, le bail commercial est cédé, en même temps, que le fonds
de commerce.
On peut contester la qualification de bien incorporel ∈ fonds de commerce pour la clientèle. Un débat
important existe en doctrine. Pour certains auteurs, la clientèle est un bien incorporel compris dans le fonds
de commerce. Pour d’autres, ce serait le produit du fonds de commerce s’il est bien exploité. Donc, il ne
serait pas compris dans le fonds de commerce mais lui serait extérieur.
Là encore, la liste légale n’est pas limitative. La jurisprudence a admis l’ajout d’un grand nombre de biens
incorporels.
1 – Les éléments d’individualisation du fonds de commerce
Des éléments sont utilisés pour que la clientèle puisse distinguer le fonds de commerce concerné des autres
fonds.
On peut évoquer ici le nom commercial et l’enseigne.
Le nom commercial désigne le commerçant. Quand le commerçant est une société, on parle de « raison
sociale » ou de « dénomination sociale » : c’est le nom tel qu’indiqué dans les statuts et publié.
Comment le nom commercial s’articule-t-il avec le nom civil du commerçant ?
Le nom et le prénom se rattachent à l’état des personnes. Or, l’état des personnes est indisponible, c’est-à-
dire qu’il ne peut être cédé.
Le nom commercial peut être le nom civil ou un nom inventé pour l’exploitation du commerce. L’emploi
de son nom civil, dans le cadre de son activité, est autorisé car il se produit un détachement. En effet, le
commerçant peut librement utiliser, pour son nom commercial, son véritable nom / prénom. Il y a, dans ce
cas, un détachement avec le nom civil, si bien que le nom commercial peut être cédé avec le fonds, et que le
cessionnaire peut l’exploiter. Le cédant ne peut pas, dans cette hypothèse, se plaindre qu’un tiers utilise ce
nom commercial. Le cessionnaire peut changer le nom commercial, il en fait ce qu’il veut.
Le nom commercial n’a pas à être déposé. Aucun formalisme n’est imposé, la preuve est libre. Au RCS, on
peut faire référence à un nom de domaine, mais ce n’est pas obligatoire.
Un principe en droit commercial veut qu’une personne physique a toujours le droit, dans le cadre de
l’exploitation de son fonds de commerce, d’utiliser son nom civil, dans la limite de la concurrence
déloyale.
L’enseigne ne se rapporte pas au commerçant mais individualise le fonds de commerce. Elle est perçue
comme un signe de ralliement de la clientèle. Ce peut être un nom ou un logo.
L’enseigne pourra être cédée en même temps que le fonds de commerce.
Là encore, c’est très factuel : la protection n’est pas subordonnée à un dépôt obligatoire car l’enseigne ne
relève pas de la propriété industrielle.
Le dépôt est, au contraire, obligatoire pour la marque.
Le principe est la liberté. Mais, il connaît certaines limites : l’abus de droit et le droit commun de la
responsabilité délictuelle. Une action en responsabilité spécifique a été dégagée par la jurisprudence, à partir
des textes de la responsabilité civile : l’action en concurrence déloyale. Cette action permet également de
protéger un nom de domaine.
Parfois, l’enseigne et le nom commercial peuvent être identiques.
2 – Les autorisations d’exploitation
Les autorisations ne sont pas envisagées aux articles L. 141-1 et L. 141-5 parce qu’elles n’existaient pas au
début du XXe siècle.
Un accord de l’administration est parfois nécessaire pour exploiter un fonds de commerce : la licence,
l’agrément, l’autorisation.
Ex 1 : la licence 4 pour le débit de boisson (alcool fort) ;
Ex 2 : le diplôme de pharmacien.
Certaines autorisations sont strictement personnelles et sont incessibles.
Ex : la carte d’agent de voyage.
D’autres n’ont, au contraire, rien de personnel et sont cessibles individuellement ou avec le fonds de
commerce.
Ex : la licence 4 peut être cédée à part ou avec le fonds de commerce.
Enfin, entre les deux, des autorisations sont qualifiées de personnelles (extra-patrimoniales, normalement
attachées à la personne) mais pourtant peuvent être cédées indirectement. Pour certaines autorisations, le
successeur est présenté à l’administration qui peut l’agréer ou refuser la demande (≈ droit de présentation).
Pour la licence de taxi, l’agrément est quasiment systématique (, sauf si le successeur a été condamné
pénalement). La réalité est que des autorisations, de prime abord personnelles, peuvent être agréées par
l’administration, et, dans certains cas, le sont toujours.
En présence d’un agrément, les parties ont intérêt à convenir d’une cession sous condition suspensive de
l’obtention de l’autorisation.
Parfois, l’autorisation est d’une grande importance : si elle est retirée, le fonds de commerce disparaît.
Ex : le fonds de commerce de boîte de nuit.
Si le fonds de commerce est cédé mais que le cédant n’obtient pas la cession de l’autorisation parce qu’il ne
l’avait plus et l’a caché, le cessionnaire pourra invoquer la nullité du contrat pour réticence dolosive. Dès
lors que l’autorisation est indispensable pour transmettre le fonds, ce doit être impérativement mentionné
dans le contrat de cession.
La Cour de cassation considère que des éléments (autorisation indispensable) doivent, même s’ils
n’apparaissent pas dans le contrat, obligatoirement être délivrés, sans quoi le cédant commet une
inexécution de l’obligation de délivrance.
3 – La propriété industrielle
Les droits de la propriété industrielle, s’il y en a, sont inclus dans le fonds de commerce.
On emploie le terme de propriété industrielle parce que ces droits sont des biens incorporels objets de
propriété créés par la loi.
La marque est une propriété industrielle créée par la loi. Elle peut être comparée à l’enseigne et au nom
commercial (, qui sont plutôt factuels). On en trouve la définition à l’art. L. 711-1 du CPI : « signe servant à
distinguer les produits ou les services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres concurrents ».
L’objectif est d’identifier un produit mais pas forcément une entreprise, même si cette dernière a souvent le
même nom. L’article précise également qu’une marque peut consister en une dénomination mais aussi un
signe sonore ou figuratif.
Pour être protégée, la marque doit être un signe distinctif ; licite, respecter l’ordre public ; ne pas être
déceptive, trompeuse (faire croire en des qualités que le produit n’a pas) ; tout ne peut être déposé comme
marque (appellation d’un Etat…) ;
Le créateur d’une marque doit la déposer auprès de l’INPI. Si les conditions sont respectées, il obtient le
droit exclusif d’exploiter la marque pendant 10 ans (renouvelables).
Il existe un principe de spécialité de la marque : le déposant doit normalement enregistrer sa marque, dans
un domaine spécialisé, parmi les 45 répertoriés. Il est possible de trouver des appellations identiques mais
dans des domaines différents car cela n’entrainera pas de confusion.
Toutefois, ce principe connaît une exception : les marques notoires n’y sont pas soumises.
Ex : Pepsi couvre les 45 domaines répertoriés.
La loi permet au propriétaire d’une marque de la céder, puisque c’est un bien, mais aussi d’accorder des
licences d’exploitation.
Ex : le propriétaire de Marvel accorde des licences d’exploitation pour la vente de figurines Marvel.
Lorsque le marché s’étend au-delà de la France, une protection internationale (convention de Paris) et
européenne de la marque est prévue, avec, à chaque fois, des régimes un peu différents.
La deuxième hypothèse est le brevet. L’article L. 611-10 du CPI le définit comme : « une invention nouvelle
impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle. »
Trois conditions cumulatives : l’invention, la nouveauté, la possibilité d’une application industrielle.
Des choses ne sont pas brevetables.
Ex : le corps humain.
Là encore, la protection est subordonnée à un enregistrement auprès de l’INPI, lequel accorde un droit
d’exploitation exclusive du brevet pendant 20 ans non renouvelables. Au-delà, on considère que le brevet
tombe dans le domaine public = tout le monde peut l’exploiter.
En tant que propriété industrielle, on peut le céder, le nantir et accorder des licences d’exploitation.
Le brevet est protégé pour sa contribution éventuelle au développement et au progrès. La protection n’est
pas là pour geler l’invention mais pour qu’elle soit exploitée. Au bout de trois ans de non-exploitation
industrielle du brevet, un tiers peut donc exiger l’obtention d’une licence d’exploitation obligatoire.
Il existe, là aussi, un brevet international (conventions de Munich et de Paris) et européen.
Les dessins et modèles font également l’objet d’une protection propre. L’art. L. 511-1 du CPI permet de
protéger l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit, qui serait caractérisée par ses lignes, ses
contours, sa couleur, sa forme… La forme du produit peut être le produit lui-même ou son emballage. Un
dépôt est requis et une protection internationales est prévue.
On peut également citer, parmi les propriétés intellectuelles, les obtentions végétales (art. L. 623-1, CPI),
créations végétales nouvelles issues de croisements.
Une protection propre aux droits de la propriété industrielle est accordée en droit commun : l’action en
contrefaçon. S’il est plus complexe de faire reconnaitre la protection (conditions exigeantes), une fois
admise, elle est beaucoup plus avantageuse et efficace que l’action en concurrence déloyale. Cette action
légale, qui permet de protéger uniquement les droits de propriété industrielle, comprend à la fois un volet
pénal (infraction pénale) et civil (cessation de l’illicite : arrêter l’activité contrefaisante).
Souvent, le propriétaire d’une marque, lorsqu’il forme une demande en justice, double sa demande : une
première action en contrefaçon (propriété industrielle), une seconde, si la première n’a pas abouti (problème
avec la marque), en concurrence déloyale (droit commun).
4 – Les créances
Certaines créances peuvent être appropriées, ∈ patrimoine c’est-à-dire sont des biens objets de propriété. En
tant qu’objets de propriété, les créances sont des biens meubles incorporels pouvant faire partie du fonds de
commerce.
Dans un arrêt de principe du 21 juin 1950, la Cour de cassation a expliqué que les créances du commerçant
pouvaient entrer dans le fonds de commerce mais qu’elles ne devenaient pas nécessairement un élément du
fonds de commerce. Le droit positif ne prévoit pas de règle les excluant ou les incluant automatiquement.
Ce n’est pas, en tout cas, une impossibilité, qui tient à la nature des créances : on peut les inclure dans le
fonds de commerce. Les parties doivent, au moment de la rédaction de l’acte de cession, préciser
expressément que les créances sont dans le fonds de commerce. Il n’y a pas d’automaticité.
Dans ce cas, la formalité est double : la formalité de la cession de créance s’ajoute à celle du fonds de
commerce. Les textes sur la cession de créance (articles 1321 et s. du Code) et du fonds de commerce
s’appliquent cumulativement.
Exception : une créance particulière est cédée automatiquement (, sans qu’il ne soit nécessaire de la
mentionner) et activement avec le fonds de commerce à l’acquéreur, comme au sous-acquéreur : la clause
de non-concurrence. C’est la solution retenue par la jurisprudence classique de la Cour de cassation. Elle
est fondée sur la théorie de l’accessoire et des chaînes de contrats : dans les chaînes de contrats homogènes*,
des garanties sont transmises automatiquement avec le contrat. *(produisent le même effet : ici, transfert de
propriété). Le sous-acquéreur va, ainsi, récupérer la clause de non-concurrence (Cass., 30 mai 1963).
Ex : A vend à B son fonds de commerce et s’engage à ne pas le concurrencer sur un domaine et un espace
géographique pendant 5 ans. B cède le fonds de commerce à C. B, n’ayant plus d’utilité à la clause de non-
concurrence, celle-ci est automatiquement cédée à C, qui pourra l’invoquer contre A.
II – Les éléments exclus dans le fonds de commerce
Les exclusions s’expliquent par la nature juridique du fonds de commerce. Il est des éléments, que l’on ne
peut pas mettre dans un bien meuble incorporel ou une universalité de fait.
Deux types d’éléments sont exclus : les contrats et les dettes ; les immeubles.
A – Les contrats et les dettes
1 – Les dettes
Etant une universalité de fait, le fonds de commerce ne peut inclure du passif, des dettes. Pour ce faire, il
aurait fallu qu’il soit considéré comme une universalité de droit.
En conséquence, on ne trouve pas de dettes dans le fonds de commerce et la cession n’entraîne pas
transmission des dettes. C’est, sur ce point, assez dangereux pour les créanciers du vendeur donc on leur
reconnaît une protection spécifique : le droit d’opposition.
D’une certaine façon, s’il suffisait de céder le fonds de commerce pour transmettre les dettes, ce serait aussi
potentiellement dangereux pour les créanciers, à qui l’on imposerait un changement de débiteur.
L’exclusion des dettes du fonds de commerce permet aux créanciers du vendeur de conserver le débiteur
initial, c’est le plus logique au regard du principe de responsabilité : celui qui contracte des dettes, doit les
payer auprès des créanciers.
Si la cession de fonds de commerce n’emporte pas cession de dettes, rien n’interdit de prévoir
conventionnellement la cession de dette. La cession de dette (art. 1327, Code civil) peut être analysées de
plusieurs façons :
› Normalement, c’est une opération à trois personnes : le cédant, le cessionnaire et le cédé. La cession
de dette doit se réaliser avec l’accord du créancier cédé :
‣ Soit il est prévu au contrat que le cédant reste tenu à la dette, n’est pas libéré. C’est une
garantie pour le créancier cédé, qui peut agir contre le cessionnaire et cédant.
‣ Soit, avec l’accord du créancier cédé, le cédant est libéré : la cession de dette emporte
libération du cédant. Le cédé ne peut agir que contre le cessionnaire.
Dans les deux cas, la cession de dettes est une opération à trois personnes ;
› Si l’accord du créancier cédé n’est pas recueilli (refus ; silence) ou s’il n’est pas informé, le cédant et
le cessionnaire peuvent réaliser une sorte de « cession de dette » très imparfaite. Dans ce cas, le
créancier, qui n’est pas partie au contrat, garde pour débiteur unique le cédant.
Le cédant n’a pas vraiment pu céder la dette mais il pourra demander au cessionnaire le
remboursement du montant de la dette : quand il devra s’acquitter du paiement, il l’indiquera au
cessionnaire, qui va supporter la charge finale de la dette.
Il y a toujours la possibilité de transmettre les dettes à côté du fonds de commerce. Mais, il faut que ce soit
une transmission expresse, en sus de la cession du fonds de commerce.
2 – Les contrats
Pour les contrats, la réponse se fait en deux temps. Quand on lit les articles du Code de commerce, on a
l’impression qu’ils sont cédés avec le fonds de commerce : il est notamment indiqué que le bail commercial
∈ fonds de commerce.
En réalité, le contrat n’est pas inclus dans le fonds de commerce pour la simple et bonne raison que ce n’est
pas un bien. Or, seul un bien peut en intégrer un autre. Le contrat est qui plus est un accord de volontés qui
génère de l’actif et du passif, des créances, des dettes et des droits potestatifs. Il est donc faux de dire que le
fonds de commerce, qui n’accueille pas de passif, comprend des contrats.
/!\ Par contre, il peut accueillir des créances nées d’un contrat.
En revanche, les parties peuvent, comme pour les dettes, céder des contrats en même temps que le fonds de
commerce. En droit commun, la cession de contrat requiert l’accord du cédant, du cessionnaire et du
cocontractant du cédé. Parfois, cette cession de contrat sera indispensable : il y a des contrats dont le
cessionnaire ne peut se passer pour l’exploitation du fonds de commerce (ex : le contrat de franchise).
En amont de la cession du fonds de commerce, une obligation précontractuelle d’information, créée par la
jurisprudence, pèse sur le cédant concernant le(s) contrat(s) indispensable(s) à l’exploitation du fonds.
L’inexécution de l’obligation peut être constitutive d’une réticence dolosive sanctionnée par la nullité du
contrat de cession et des dommages-intérêts (Com., 4 mai 1993). L’inconvénient est qu’il faut pouvoir
prouver l’intention dolosive.
En aval, au cours de l’exécution du contrat, la jurisprudence se sert de l’obligation de délivrance : les
contrats doivent être cédés afin que le cessionnaire puisse exploiter normalement le fonds. L’obligation de
délivrance induit l’obligation de transmettre tous les contrats nécessaires à l’exploitation. Cette fois, la
mauvaise foi, l’intention n’a pas à être prouvée au titre de l’inexécution de l’obligation de délivrance.
Dans la cession de contrats, la plupart du temps, le cédé va accepter de changer de cocontractant mais va
demander, en contrepartie, la solidarité entre le cédant et le cessionnaire.
Certains contrats sont cédés automatiquement à l’occasion de la transmission du fonds. C’est notamment le
cas du bail commercial, transmis, non pas dans le fonds de commerce (erreur dans les textes), mais avec, à
côté.
La transmission du contrat peut être forcée pour l’acquéreur du fonds de commerce ou pour le cocontractant
cédé.
Ex 1 : en application de l’article L. 1224-1 du CT, les contrats de travail sont transmis automatiquement en
cas de modification de la situation juridique de l’employeur. Le fonds de commerce est cédé, avec
l’entreprise, ce qui conduit à un changement d’employeur. L’acquéreur devient le nouvel employeur des
salariés de l’entreprise.
! Les contrats de travail suivent le fonds de commerce. Il en va de même pour la location gérance.
Ex 2 : dans le cadre de la cession du fonds de commerce d’un éditeur, les contrats d’édition sont transmis en
même temps.
Ex 3 : en droit des assurances, la cession d’un bien assuré s’accompagne du transfert du contrat d’assurance,
même si l’acheteur a le droit de résilier.
Ex 4 : le bail commercial est, à certaines conditions, transmis de plein droit en même temps que le fonds de
commerce. En effet, parfois la cession du fonds de commerce sans local ↔ la perte du fonds de commerce.
On n’a pas alors besoin de l’accord du bailleur : la cession du bail commercial est de droit. La cession est
imposée au cocontractant.
/!\ On l’a dit, le bail commercial n’est pas dans le fonds mais à côté du fonds. C’est un abus de langage.
B – Les immeubles
Deux raisons :
⁎ Les immeubles sont traditionnellement exclus du droit commercial. On considérait, au XIXe siècle,
qu’ils devaient relever du droit civil. Même, le bail commercial est, normalement, un contrat civil.
C’est une raison théorique qui ne s’appuie sur rien… ;
⁎ La nature juridique du fonds de commerce : le fonds de commerce est un bien meuble incorporel.
Comment un bien meuble (mobile) pourrait-il avoir à l’intérieur de lui-même un immeuble
(immobile) ? On se dit que c’est impossible, et qu’un meuble ne peut renfermer que des meubles.
Mais, si on allait au bout de cette logique, on dirait qu’il ne peut y avoir que des biens meubles
incorporels dans des biens meubles incorporels.
Cela prouve que la construction de l’universalité de fait n’est pas aboutie… Il faudrait plutôt établir
des liens entre des biens, et non pas en faire un autre bien.
L’exclusion des immeubles entraîne des difficultés.
Dans le cadre d’une cession d’une entreprise, lorsque l’entrepreneur est à la fois propriétaire du fonds de
commerce et de l’immeuble, il doit céder les deux : deux contrats autonomes sont conclus, avec des objets,
et des régimes spécifiques (rescision pour lésion pour la vente immobilière). Cela peut poser un problème si
l’un des contrats est annulé et pas l’autre : à quoi sert le fonds sans l’entreprise, et inversement ? Il convient
de lier juridiquement les deux contrats, en précisant que le contrat est valable sous condition que l’autre ne
soit pas résolu ↔ créer une unité économique (deux contrats mais une vente globale). Il faut, pour ce faire,
prévoir le jeu des clauses résolutoires. A défaut de quoi, l’autre contrat sera, seul, valable et ne pourra être
remis en cause.
Si le cédant est à la fois propriétaire de l’immeuble et du fonds de commerce, la règle des immeubles par
destination peut jouer. Pour que cela fonctionne, il faut être propriétaire des deux. Lors de la cession de la
totalité de l’entreprise, on cède l’immeuble et les immeubles par destination d’une part et le fonds de
commerce d’autre part. Dans cas, il n’y aura quasiment rien dans le fonds de commerce : tout est quasiment
dans l’immeuble principal...
Le risque, quand on vend l’immeuble et le fonds séparément, est que l’on multiplie les sûretés (nantissement
sur le fonds de commerce ; hypothèque sur l’immeuble). Le nantissement sur le fonds ne suffira
potentiellement pas, si l’essentiel de la valeur est sur l’immeuble. Il peut être nécessaire d’obtenir
conventionnellement, en plus, une hypothèque sur l’immeuble.
A chaque fois que l’on fait une opération sur le fonds de commerce, il faut préciser tous les biens, qu’il
contient pour que le juge n’ait pas à interpréter, et les contrats indispensables à l’exploitation du fonds
(cession de contrats en parallèle).
Section 2 – La clientèle du fonds de commerce
La clientèle est l’élément essentiel du fonds de commerce. Il y a toujours un moment où, dans la définition
du fonds de commerce, la clientèle est évoquée.
Pourtant, la notion de clientèle, et notamment sa nature (qu’est-ce ? quelle est sa place dans le fonds de
commerce ?) et son régime juridique, suscite des interrogations et des controverses en doctrine.
§1 – La nature juridique de la clientèle
Depuis la fin du XIXe siècle, des discussions portent sur ce qu’est la clientèle. Il y a des discussions
« classiques ». Mais, les modifications de la pratique impliquent de réinterroger la notion de clientèle, de
l’appréhender de nouveau.
I – Les controverses classiques
▪ Une première controverse est sémantique et concerne la distinction entre la clientèle et l’achalandage (<
chaland).
L’art. L. 141-5 du Code de commerce utilise les deux termes.
Mais, il y a-t-il vraiment une différence de nature entre les deux ?
Une partie de la doctrine a tenté de les distinguer. Selon elle, la clientèle désigne les personnes qui viennent
s’approvisionner auprès du commerçant en raison de sa compétence, son savoir-faire. C’est la personne du
commerçant qui est décisive (élément subjectif).
En revanche, quand des clients de passage se rendent dans un fonds de commerce, pour des éléments
objectifs, tel que l’emplacement du commerce, on considère que c’est de l’achalandage.
La Cour de cassation n’a jamais fait produire d’effets juridiques à cette distinction. Cela ressort notamment
d’un arrêt du 27 février 1973 : un pourvoi soutenait qu’il y avait une distinction entre la clientèle et
l’achalandage et la Cour de cassation l’a ignoré, n’y a pas répondu.
En droit positif, ces deux mots désignent une réalité. La clientèle est composée de toutes les personnes, qui
entrent en relation avec l’entrepreneur, peu importe la raison pour laquelle elles viennent s’approvisionner
auprès du fonds de commerce.
▪ Une deuxième question se pose : quelle est la place de la clientèle dans le mécanisme juridique du fonds
de commerce ?
Deux grandes présentations :
⁃ Pour certains auteurs, la clientèle est un élément parmi d’autres dans l’universalité de fait. Ce serait
donc un bien meuble incorporel mais dont le statut est particulier puisqu’il faut nécessairement une
clientèle dans le fonds de commerce. C’est le seul élément indispensable, sans lequel l’universalité
de fait ne pourrait être qualifiée de fonds de commerce. Ces auteurs s’appuient sur les textes de loi,
qui mentionnent la clientèle, parmi les éléments, inclus dans le fonds de commerce. D’après ces
auteurs, au regard d’un arrêt ancien de la ch. des requêtes, un fonds de commerce pourrait n’être
constitué que d’une clientèle.
⁃ Pour d’autres auteurs, la clientèle est essentielle au fonds de commerce, justement parce qu’elle n’est
pas dans le fonds de commerce. Deux conceptions différentes :
› Pour certains auteurs, c’est le but perpétuel recherché, qui permet d’orienter le fonds de
commerce (thèse téléologique) ;
› Pour d’autres auteurs, la clientèle est le produit du fonds de commerce. La réunion de tous
les éléments du fonds permet de produire, de façon extérieure, une clientèle.
Ces deux explications ne sont pas incompatibles.
Dans les deux cas, la clientèle n’est pas un bien de l’universalité, ∉ fonds. Si elle n’est pas dans le
fonds mais qu’elle est produite par le fonds, il faut, pour qu’il y ait un fonds de commerce, qu’il y ait
quelque chose dans le fonds : a minima un meuble utilisé pour attirer la clientèle.
▪ Le troisième débat intéresse la propriété de la clientèle. Les arrêts de la Cour de cassation disent souvent
que la clientèle est appropriée ou propre à un commerçant. Cela signifie qu’il y a une clientèle spécifique
attaché au fonds de commerce exploité par le commerçant. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il existe un
lien entre la clientèle et le fonds de commerce. Pour autant, cela ne veut pas dire que la clientèle est un objet
de propriété.
Quelle est la nature de ce lien ?
Certains auteurs, on l’a vu, affirment que la clientèle est dans l’universalité de fait et en font un bien meuble
incorporel objet de propriété. Cette conception traditionnelle a été critiquée. Les commerçants ne peuvent
être propriétaires des personnes qui viennent se servir chez eux car on ne peut mettre des hommes dans un
patrimoine. Des auteurs disent, à ce titre, que la clientèle est par nature « extra-patrimoniale ».
On trouve une version plus moderne pour expliquer que la clientèle est un bien. Il s’agirait d’une réalité
objective, qui se traduit par une valeur liée au chiffre d’affaires.
Ces auteurs semblent avoir oublié que : « la clientèle n’est à personne, elle appartient à qui sait la prendre
(ex : le plus innovant). » Dire que la clientèle appartient à un commerçant ou à un fonds de commerce est
faux parce que la clientèle fluctue. Un concurrent, qui s’installe à côté d’un commerçant, risque ainsi de lui
prendre une partie de la clientèle, sans que l’on puisse lui reprocher. Le commerçant ne peut avoir
d’emprise, ou de droit sur la clientèle.
Pourtant, à force d’abstraction juridique, une partie de la doctrine a considéré que c’était un bien.
Pour conclure :
Certes, la distinction entre la clientèle et l’achalandage ne permet pas de produire des effets juridiques, mais
il y a quelque chose d’intéressant là-dedans. On peut remarquer que la clientèle attirée par le fonds de
commerce, l’est par des éléments de nature différente :
◦ Subjective : éléments en lien avec l’entrepreneur personne physique, son savoir-faire, son diplôme,
sa personnalité… ;
◦ Objective : l’emplacement de l’immeuble ou du bail commercial, l’enseigne, la marque, le brevet,
(tout ce qui relève de la propriété industrielle).
Certains éléments qui attirent la clientèle sont cessibles : la propriété industrielle ou le bail commercial.
D’autres sont incessibles : les éléments subjectifs, tels que le savoir-faire ou la personnalité.
Il convient de nuancer cette distinction : des éléments intermédiaires sont entre le subjectif et l’objectif. Par
exemple, le savoir-faire (subjectif), lorsqu’il atteint un certain degré, peut devenir un brevet (objectif).
Même si le savoir-faire ne fait pas l’objet d’une reconnaissance par la propriété industrielle (n’est pas un
élément du patrimoine), on peut le transmettre par l’enseignement (ex : recette).
On se rend compte que la clientèle est la conséquence de la conjonction des éléments subjectifs et objectifs
mise en œuvre par le commerçant.
! La clientèle n’est pas un élément du patrimoine mais est attirée par la mise en œuvre de ces éléments.
Mais, ce n’est pas non plus un élément extra-patrimonial. La clientèle n’est pas rattachée à une extra-
patrimonialité qui est celle du commerçant. Il faut plutôt la percevoir comme un fait juridique, un
phénomène, qui produit des effets de droit : le commerçant met en œuvre tous ces moyens (objectifs et
subjectifs) et, si tout se passe bien, on s’aperçoit que, dans les faits, la clientèle vient. Le fait juridique n’est
pas quelque chose que l’on peut s’approprier.
On l’a vu, la clientèle n’est pas un élément du fonds de commerce mais est produite par les éléments du
fonds. C’est à la fois l’objectif et le résultat du fonds de commerce. Si les éléments objectifs et subjectifs
sont mis en œuvre et qu’il n’y a pas de clientèle, il n’y a pas véritablement de fonds de commerce.
Vouloir en faire un élément approprié du fonds de commerce est inutile et inexacte. Si le commerçant a un
droit de propriété sur la clientèle, il devrait pouvoir exercer des actions sur cette clientèle. Or, aucun acte
juridique ne peut être opéré sur la clientèle. Le droit ne peut pas agir sur les faits. Dans le meilleur des cas,
il peut contraindre les volontés individuelles à agir d’une certaine façon pour modifier les faits.
Ex : le vol. Le droit ne peut pas dire le vol n’existe pas, car le vol existe. Il peut simplement l’interdire et le
sanctionner.
De la même façon, on ne peut pas dire la clientèle existe ou n’existe pas. Le droit peut seulement intervenir
s’agissant des éléments juridiques susceptibles de l’influencer. En tant que fait juridique, la clientèle ne peut
être cédée car le commerçant ne peut en être propriétaire. Mais, on peut intervenir indirectement sur la
clientèle en agissant sur les éléments attractifs, parce que c’est eux qui relient le droit au fait. Ce sont des
éléments juridiques que l’on peut approprier et céder.
Le cédant peut ainsi transmettre au cessionnaire les éléments attractifs de la clientèle et non la clientèle elle-
même. On peut espérer que, par la mise en œuvre de ces éléments, elle continuera de venir, peut-être plus ou
moins, parce que certains éléments subjectifs ne peuvent être cédés.
Ce sont les éléments attractifs qui concentrent les règles juridiques, et non pas la clientèle elle-même.
Ex : le cédant s’engage par une obligation de présentation de la clientèle à son successeur. On peut
transmettre une partie de la clientèle rattachée à la personne du médecin (subjectif), qui dit avoir confiance
en son successeur. La transmission repose sur l’obligation de faire.
II – Les incidences liées à l’apparition de nouvelles formes de clientèle
Depuis le XIXe siècle, une nouvelle façon de faire le commerce s’est développée et a créé de nouveaux
problèmes, qui permettent de mieux cerner la notion. L’apparition de nouvelles formes de clientèle permet
d’appréhender les débats classiques sous un nouveau jour, et d’avoir des réponses plus intéressantes.
Depuis le XIXe siècle, le commerce a connu des mutations essentielles : la façon de faire le commerce et
vendre les biens a évolué.
⁖ On pense notamment à la distribution intégrée, qui repose sur les contrats de concession et de
franchise. Celui qui crée sa marque va passer par des intermédiaires (concessionnaire ou franchisé), pour
vendre ses produits.
Dans le contrat de franchise, le franchiseur dispose de moyens pour attirer la clientèle (l’enseigne, le savoir-
faire, la propriété industrielle…), et même de produits. Pour développer son entreprise, le franchiseur
conclut un contrat de franchise avec des commerçants indépendants (franchisés), en leur permettant
d’utiliser des signes distinctifs, de ralliement.
Ex : les magasins Leclerc se développent essentiellement avec des commerçants indépendants par contrats
de franchise. Les franchisés versent une commission au titre du contrat de franchise, car la référence à
Leclerc leur permet d’attirer la clientèle.
Le franchisé indépendant exploite son commerce à ses propres risques et peut exploiter la marque en
contrepartie du versement d’une somme d’argent. Il est tenu à des obligations, pour que tous les franchisés
exploitent la marque uniformément.
Le franchiseur reste propriétaire des moyens, mais les met à disposition. Parfois, on peut dire qu’il y a
un bail. Quand c’est de la propriété industrielle, on parle plutôt de licence d’exploitation.
! Des commerçants indépendants ouvrent un fonds et mettent en œuvre des éléments attractifs de clientèle
dont ils ne sont pas propriétaires.
On s’aperçoit qu’il peut y avoir une conjonction entre plusieurs clientèles : la clientèle nationale (l’enseigne
Mcdonald’s) et local (un établissement Mcdonald’s).
⁖ Certains considèrent aussi que le e-commerce remet en cause la théorie traditionnelle de clientèle, car la
clientèle n’est pas localisée à un endroit particulier. Mais, cela n’a rien de nouveau : les grands parents
commandaient déjà par correspondance (notamment, des vêtements – Damart). La clientèle était déjà
disséminée et il n’y avait pas forcément un magasin unique. Pour ce qui est du concept juridique, le e-
commerce ne change rien. Une révolution technologique n’est pas forcément synonyme d’une révolution
juridique.
⁖ Également, des interrogations se posent concernant les clientèles non commerciales. On se demande si ce
que l’on sait sur la clientèle commerciale ne peut pas s’appliquer aux clientèles non-commerciales, dans le
sens d’une théorie unique.
On distingue plusieurs clientèles civiles :
Lien entre la clientèle commerciale et artisanale :
La distinction entre le commerçant et l’artisan ne tient pas à grand-chose : elle est davantage de degré que de
nature. Le critère est la spéculation sur le travail d’autrui ou le matériel.
Dans la définition de l’artisan, aucune différence n’est faite, pour ce qui est de la clientèle. Pour une même
activité donnée, le professionnel pourra être artisan ou commerçant (ex : taxi). On se demande alors, si l’on
ne devrait pas regrouper les clientèles.
La loi va dans ce sens. En effet, le bail commercial et le droit au renouvellement sont fondés sur la clientèle
(commerciale). Or, l’artisan bénéficie de ces mécanismes. La loi de 1996 a aussi créé un fonds artisanal,
pour lui appliquer les règles du nantissement et de la location gérance de fonds de commerce. Seuls les
textes sur la vente de fonds de commerce ne sont pas étendus à la vente de fonds artisanal.
! Il y a un rapprochement entre les fonds. Or, les fonds sont définis par la clientèle. Donc, on pourrait se
dire, par analogie, qu’il y a identité entre les clientèles commerciale et artisanale.
Mais une différence subsiste : pour l’artisan, bien souvent, la clientèle est attirée par des éléments subjectifs
(principalement, le savoir-faire). Mais, ce n’est pas propre aux artisans et l’élément subjectif n’est pas
prépondérant pour tous les artisans (ex : taxi). En plus, ce savoir-faire particulier (ex : potier) peut être
transmis au cessionnaire par l’enseignement. On peut retrouver de tels éléments chez les commerçants.
Ce n’est pas une ligne de partage absolue entre les deux.
Pour ce qui est de la clientèle artisanale, il n’y a pas de différence de nature, même si parfois il peut y avoir
une prépondérance des éléments subjectifs.
Lien entre la clientèle commerciale et agricole :
L’agriculteur n’a pas d’activité commerciale mais vend ses produits (bétail, céréales…) directement au
consommateur ou, le plus souvent, à des intermédiaires, des distributeurs (coopératives, centrales d’achat,
grandes surfaces). Il a donc une clientèle, même s’il a parfois un seul client. La clientèle ne désigne pas
forcément des consommateurs.
L’art. L. 311-3 du Code rural et de la pêche met en place un fonds agricole sur le modèle du fonds de
commerce. Son régime est proche de celui du fonds de commerce : il peut notamment faire l’objet d’un
nantissement.
La loi aménage un peu le nantissement de fonds agricole. Sont cités, parmi les éléments du fonds, le cheptel
mort ou vif, les stocks, les contrats et les droits incorporels, l’enseigne, le nom d’exploitation, le brevet et
également une clientèle. Les textes reconnaissent donc l’existence d’une clientèle agricole.
Encore une fois, même s’il y a une spécificité dans l’activité agricole (produire pour revendre), l’objectif est
le même : attirer une clientèle tout à fait comparable à la clientèle commerciale.
Lien entre la clientèle commerciale et libérale ? :
Le rapprochement avec les clientèles libérales (médecin, avocat, notaire) est le plus complexe à traiter.
On dit que le lien entre le professionnel libéral et son client est d’une nature particulière : le lien reposerait,
encore plus que pour l’artisan, sur les qualités professionnelles, qui ne sont pas transmissibles. En
s’appuyant sur cet argument, pendant très longtemps, la Cour de cassation a considéré que la clientèle d’un
médecin (, et d’un professionnel libéral plus largement) était de nature extra-patrimoniale. Elle refusait donc
les cessions de clientèles médicales. La sanction était la nullité absolue parce qu’on vendait un bien hors du
commerce. On transmettait, en réalité, les fonds libéraux. Pour ce faire, il fallait conclure, non pas une
cession de clientèle, mais une convention de présentation du successeur aux clients, qui était valable. On
avait à l’époque recours à la précaution verbale : il ne fallait pas parler de cession de clientèle mais les
effets étaient les mêmes.
La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence important et a admis la patrimonialité des
clientèles civiles, et notamment médicales (Civ. 1e, 7 nov. 2000). La clientèle civile peut être cédée à
condition que la liberté de choix du patient soit sauvegardée. Le patient a le droit de suivre le cédant, même
si une clause de non-concurrence est prévue au contrat. On peut interdire au cédant de s’installer, dans un
rayon de kilomètres, mais pas de reprendre les clients qui décident de le suivre.
La chambre civile de la Cour de cassation reconnaît que la clientèle est patrimoniale. Pourtant, jamais la
chambre commerciale ne l’a affirmé ou mis en avant. On a bâti une opposition, entre les chambres, qui
n’existait pas. En réalité, la chambre civile, dans son revirement, commet une nouvelle erreur : la clientèle,
étant un fait, ne peut être patrimoniale.
Pour que la clientèle libérale soit conservée en cas de cession, il convient d’assurer la transition sur les
éléments attractifs (local professionnel et obligation de présentation du successeur), et non pas simplement
de signer un papier sur la clientèle cédée. Comme la clientèle commerciale, la clientèle libérale est un fait
produit par des éléments attractifs, que l’on dits majoritairement subjectifs. Néanmoins, des clients vont,
souvent, chez un médecin pour sa proximité du domicile (élément objectif, contrairement à ce que l’on met
en avant).
La patientèle fonctionne exactement comme la clientèle commerciale : des éléments subjectifs et objectifs,
sont mis en œuvre par le médecin et devront être transmis pour céder la clientèle médicale. Le repreneur
récupère les éléments attractifs (local, obligation de présentation), mais on n’est pas assuré du transfert
effectif de la clientèle.
§2 – Le régime juridique de la clientèle
La clientèle n’est pas qu’une question théorique. Il y a un contentieux important en la matière, et
principalement pour la clientèle commerciale.
L’intérêt du bail commercial (9 ans) est le droit au renouvellement : la loi est très protectrice du preneur, et
fait en sorte que le bailleur accorde le renouvellement au locataire (indemnité = à la valeur du fonds). Il est
très difficile d’expulser. Au moment du renouvellement, le preneur à bail doit prouver qu’il a un fonds de
commerce propre, et donc une clientèle propre. Le contentieux sur le droit au renouvellement est dense : des
bailleurs refusent de renouveler le bail, au motif que leur preneur n’a pas de clientèle propre.
Deux questions : les critères juridiques de la clientèle (I) et le régime de protection attaché (II).
I – Les conditions nécessaires à la constatation d’une clientèle
Depuis très longtemps, on a énormément de jurisprudence en la matière. La Cour de cassation essaie de
fournir une directive pour déterminer quand le commerçant a une clientèle.
La notion est complexe à appréhender car la Cour de cassation fixe, certes, des critères, mais, sur certains
points, l’application de ces critères dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond et ne fait l’objet
d’aucun contrôle. Donc sur certains points, la jurisprudence apparait contradictoire : deux juges du fond
peuvent prendre des positions qui ont l’air contradictoires.
La Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence avec des petites inflexions progressivement. La
jurisprudence présente des assouplissements, mais jamais de rupture. Quand on analyse l’esprit de ses
décisions, on se dit qu’elle ne rendrait plus, aujourd’hui, les mêmes décisions qu’il y a 50 ans.
Un premier critère classique, que l’on retrouve encore aujourd’hui est la réalité et la certitude (A). Puis, un
deuxième critère, également classique, dit que la clientèle doit être personnelle au commerçant (B).
On verra, enfin, comment les nouvelles façons d’exercer le commerce peuvent expliquer les évolutions de la
jurisprudence (C).
A – Une clientèle réelle et certaine
Une clientèle potentielle n’est pas une clientèle.
Le caractère réel et sérieux de la clientèle peut correspondre à différents contentieux, mais quel que soit le
contentieux, l’objectif est le même : savoir à quel moment il y a une clientèle ? Pour certains contentieux, la
chronologie est essentielle et il faut prêter attention à la date d’apparition et à la date de disparition de la
clientèle.
Ex 1 : un commerçant a un fonds de commerce et veut le vendre. Mais, au moment où il le vend, la clientèle
a disparu. S’il vend le fonds de commerce alors que la clientèle n’existe déjà plus, il n’a pu le vendre parce
qu’il n’y avait plus de fonds de commerce. Donc, l’acheteur pourra demander la nullité. Il faut se demander
si, au moment de la conclusion de la vente, la clientèle existait.
Ex 2 : un commerçant veut obtenir le renouvellement de son bail commercial, ce qui suppose l’existence
d’un fonds de commerce propre et, là aussi, d’une clientèle. Si au moment du renouvellement, le
commerçant n’a pas de clientèle, alors il n’a pas droit au renouvellement.
Ex 3 : un couple est marié sous le régime de la communauté légale. Un des époux ouvre, au moment de se
marier, un commerce (pharmacie). Le commerce fait-il partie de la communauté ? A partir du mariage, tout
tombe dans la communauté. Si le commerce a été créé avant, il est dans le patrimoine personnel de l’époux.
S’il a été créé après, il tombe dans la communauté. On regarde la date à laquelle la clientèle est apparue pour
voir si le commerce est dans le patrimoine personnel (Civ., 14 déc. 2013).
On met en œuvre des moyens objectifs et subjectifs du fonds de commerce pour attirer la clientèle. Mais,
quand apparaît-elle ?
La jurisprudence considère que le fonds de commerce n’est créé en tant que tel qu’au moment où la clientèle
apparaît, et qu’il disparaît avec elle.
La clientèle, pour exister, n’a pas besoin d’être complète. De toutes façons, elle est en perpétuel mouvement.
Il suffit d’un commencement d’exploitation et que la clientèle arrive. La jurisprudence n’exige pas une
clientèle minimum, ou suffisante pour que le fonds soit rentable.
Le commencement d’exploitation est démontré à partir de l’ouverture au public. Dès que le premier client
entre, on a une clientèle. La jurisprudence est donc assez clémente. Cela paraît logique car, si un seuil avait
été fixé, le contentieux aurait été sans fin, faute de preuve. C’est une simplification.
Dans un arrêt du 14 déc. 2013, la Cour de cassation a rappelé son critère classique : le fonds de commerce
apparaît à l’apparition de la clientèle et c’est l’ouverture au public qui permet la venue des clients.
Comment la prouver ? C’est factuel, la preuve est libre (annonce dans un journal, témoignage, publicité…).
S’agissant de la disparition de la clientèle, on l’a dit, elle entraîne, normalement, la disparition du fonds, en
même temps. Mais, il faut distinguer, en pratique, entre les fermetures temporaires (vacances…), et
définitives. Le fermeture temporaire n’entraîne pas disparition du fonds de commerce car la clientèle est
encore là, simplement elle ne peut plus venir pendant un temps. Elle reviendra au moment de la réouverture.
Par exemple, le fonds de commerce ne disparait pas pendant les vacances.
A partir de quand une fermeture est-elle définitive ?
Cela paraît simple en théorie, mais, en réalité, ce peut être vraiment complexe à déterminer.
On peut, par exemple, se demander si la fermeture administrative, liée au COVID-19, est temporaire. Pour
certains commerces (les boites de nuit), la fermeture commence à s’éterniser et n’exclut pas qu’on la qualifie
de définitive parce que la clientèle peut disparaitre définitivement. Cela relève de l’appréciation souveraine
des juges.
La Cour de cassation a rendu en la matière un arrêt très contesté (Civ. 3e, 15 sept. 2010), à propos d’un
magasin, situé sur la route de la grotte, très passante, à Lourdes, qui a réouvert après des années de
fermeture. L’arrêt a retenu que dès la réouverture, la clientèle était revenue et que, donc, la fermeture n’était
que temporaire. C’est sur le fond contestable. Ici, c’est un cas extrême. C’est plus l’élément objectif qui est
mis en avant : du fait de l’emplacement du magasin, il y aura toujours une clientèle. Mais, la question est
plutôt : est-ce la même clientèle ? Des auteurs considèrent que ce n’est plus le même fonds de commerce car
ce n’est plus la même clientèle.
Des fermetures temporaires peuvent donc durer très longtemps. C’est délicat parce qu’il n’y a aucun seuil
prédéfini. On trouve des arrêts dans les deux sens, qui retiennent tantôt la fermeture définitive, tantôt la
fermeture temporaire, avec cet arrêt qui va loin, et reste exceptionnel. La Cour de cassation exerce, parfois,
un contrôle léger, ou s’en tient à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Une autre jurisprudence est contestable sur la question de la date d’apparition de la clientèle. La Cour de
cassation ne retiendrait plus la même solution aujourd’hui. Dans les années 1970, un contentieux opposait de
grandes compagnies pétrolières et des exploitants de stations de service. La compagnies trouvait un local, le
préparait et faisait appel à un commerçant pour exploiter le fonds de commerce. Quelques années plus tard,
elle souhaitait se débarrasser du fonds de commerce. L’ouverture avait-elle été faite à partir d’un fonds de
commerce qui était propre au commerçant (avec des moyens) ? Il y avait-il, dès le départ, un fonds de
commerce de la compagnie, qui accordait alors une location gérance ?
La chambre commerciale a rendu deux arrêts sur la question (27 fév. 1973). L’enjeu est que, dans le cadre
d’un contrat de location-gérance, la compagnie peut évincer le commerçant à la fin du contrat. Si le
commerçant exploite lui-même le fonds, c’est un bail commercial et il a droit au renouvellement (sauf
versement d’indemnités de la valeur du fonds de commerce). La Cour de cassation a donné raison aux deux
compagnies pétrolières : l’emplacement du local loué par la compagnie pétrolière (en ville), étant un point
de passage, il y avait une clientèle préexistante.
Le problème est que, dans ce cas, cela est vrai pour tout un tas de local commercial (ex : rue Sainte
Catherine). L’argument est un peu léger, puisque c’est le principe du local d’accorder la jouissance d’une
clientèle. Un autre argument avancé était que la compagnie était notoire et que la clientèle était attachée,
indissociable de la marque nationale.
Ces arrêts sont contestables, en ce qu’ils contredisent la jurisprudence classique selon laquelle la clientèle
apparait au moment du commencement de l’exploitation.
Un arrêt du 1er février 1984 de la chambre commerciale va dans le même sens : « la situation du local à un
point de passage obligé pour de très nombreux touristes suffisait, à elle-seule, à attirer des clients […]. Il
existait une clientèle avant la conclusion du contrat litigieux. » Là c’est une autre question, qui a été mal
traitée : la question n’était pas de savoir quand la clientèle était apparue (chronologie), mais à qui elle
appartenait. Le commerçant a-t-il vraiment une clientèle propre quand on lui impose tout ?
Aujourd’hui, suite à un certain nombre d’évolutions, la jurisprudence n’aurait pas été reproduite. D’autant
que la question a été mal posée : la Cour de cassation a confondu l’existence d’une clientèle avec l’existence
d’un élément attractif (le local et la marque). Ce qui est important pour la clientèle est la mise en œuvre des
moyens, et non pas la propriété des moyens.
B – Une clientèle personnelle
Pour être appréhendée juridiquement, la clientèle doit exister. Mais, ce n’est pas suffisant pour que le
commerçant puisse invoquer la protection de la clientèle : il faut également qu’elle lui soit attachée (, ou à
son fonds) c’est-à-dire qu’elle lui soit propre, personnelle.
La clientèle est attirée grâce à des éléments que le commerçant met personnellement en œuvre. S’il prouve
cela, il a une clientèle personnelle.
Ce critère évident pose des difficultés, quand un fonds de commerce est en état de dépendance matérielle,
ou juridique (fonds dominé) par rapport à une autre entreprise (fonds dominant). C’est la situation où le
client se déplace pour le commerce principal et, comme un autre commerce est à côté, en profite pour s’y
rendre. Parfois, un commerçant peut bénéficier, exploiter la clientèle d’un concurrent.
Cela peut poser difficulté pour le bail commercial dont le droit au renouvellement suppose d’avoir un fonds
de commerce propre, et donc une clientèle personnelle. Dans de nombreux contentieux relatifs au bail
commercial se pose la question de l’existence d’une clientèle personnelle.
Le commerçant qui n’a pas de clientèle propre a, tout de même, une entreprise : il est possible d’être
commerçant, d’avoir une activité, sans clientèle propre (ex : le mandataire). Mais, en l’absence de clientèle
propre, il n’a pas de fonds de commerce.
La jurisprudence est très abondante en la matière et présente des évolutions très nuancées.
Au départ, la jurisprudence a opté pour une position très ferme à l’égard des commerçants dominés : le
commerçant qui ne fait que bénéficier de la clientèle d’un autre commerçant, n’est pas titulaire d’un fonds
de commerce (Ass. plén., 24 avr. 1970). Il a, certes, une entreprise, mais elle ne peut être qualifiée de fonds
de commerce. Le commerçant ne peut donc pas bénéficier du bail commercial et du droit au renouvellement.
C’est une sorte de présomption simple : le petit commerçant peut apporter la preuve qu’il a une clientèle
propre, même s’il est dominé par un autre commerce.
Pour prouver l’existence d’une clientèle propre, le commerçant doit prouver qu’elle est totalement
autonome, qu’elle lui est personnellement attachée ou à son fonds de commerce.
Le problème est, qu’en plus de ces exigences rigoureuses, les juges du fond, comme la Cour de cassation,
faisaient valoir une appréciation très stricte et manichéenne* de la clientèle, de sorte que le petit commerçant
ne pouvait presque jamais démontrer le contraire. *Il ne pouvait y avoir une clientèle propre pour deux
commerçants, c’était la clientèle de l’un ou l’autre. Très souvent, la jurisprudence déduisait qu’il n’y avait
qu’une seule clientèle, et que nécessairement elle appartenait au fonds dominant.
La Cour de cassation a adopté une position extrêmement dure vis-à-vis des commerçants dépendants, en
refusant systématiquement la reconnaissance d’une clientèle personnelle au fonds de commerce intégré dans
les locaux d’une autre entreprise. De cette façon, on leur refusait le renouvellement du bail commercial.
Pour autant, il n’y a pas d’impossibilité puisque la Cour de cassation a toujours dit qu’il était possible de
prouver l’existence d’une clientèle personnelle : en démontrant que la clientèle était autonome, distincte de
la clientèle principale, et propre au fonds de commerce en question.
Cette jurisprudence s’est développée à propos de différents contentieux. Le buffet de la gare est un grand
classique. C’est valable pour tous les commerces installés dans le hall d’une gare. Les clients qui déjeunent
au buffet de la gare, ne s’y rendent pas parce qu’ils souhaitent précisément aller dans ce restaurant. C’est la
clientèle de la gare : les commerçants profitent de l’existence de la gare, et de sa clientèle.
Il faut nuancer parce qu’il existe des villes dans lesquelles le buffet de la gare peut être connu comme un
restaurant de très bonne qualité. Dans ce cas, il n’est pas inconcevable que des clients s’y rendent
uniquement pour le restaurant.
La même logique s’applique pour les commerces exploités dans un stade, un cinéma, un hippodrome, un
aérodrome… Les clients sont venus à l’hippodrome pour la buvette, ou s’y rendent-ils parce qu’ils sont à
l’hippodrome ? Dans la seconde option, l’entreprise existe, mais la clientèle n’est pas personnelle au fonds
de commerce / au commerçant qui tient la buvette.
On a eu un développement de ces questions pour les fonds de commerce exploités dans des galeries
marchandes. L’idée s’est développée que les clients fréquentent les magasins de la galerie marchande à
l’occasion de leurs courses. Le facteur d’attractivité serait principalement le centre commercial et les petits
commerce en bénéficierait par ricochet. Cette jurisprudence est très contestable. On raisonne l’a encore de
façon manichéenne, ce qui a conduit très souvent les tribunaux à reconnaître la clientèle personnelle du
supermarché, et par défaut, a nié celle des petits commerces et leur refuser le renouvellement du bail
commercial. Pourquoi la clientèle ne serait-elle pas partagée ?
C’est critiquable parce que, d’un point de vue pratique, cette coexistence entre le supermarché et les petites
boutiques profite à tous. Parfois, les clients, qui n’ont pas forcément envie d’aller en ville, se rendent dans
les galeries marchandes pour acheter des vêtements et, à cette occasion, en profite pour faire des courses. En
réalité, la pratique devrait dire qu’il existe des clientèles autonomes : celle du supermarché et des petits
magasins. Les petits magasins profitent sans doute de la clientèle du supermarché, mais l’inverse est vrai
également.
Un glissement s’est produit et les critères ont évolué. Aujourd’hui, il est beaucoup plus facile pour les petits
commerces d’avoir une clientèle personnelle, et de se faire reconnaître le renouvellement du bail
commercial.
Au début, la jurisprudence avait tendance a refusé d’admettre l’autonomie de la clientèle. Dans les années
1970, elle exigeait que l’entreprise démontre l’existence d’une autonomie de gestion avec une clientèle
personnelle (Civ. 3e, 9 juillet 1979).
Petit à petit, la jurisprudence a évolué dans un sens plus favorable au commerçant individuel. La Cour de
cassation a ainsi retenu que la seule dépendance géographique ne suffisait pas à conclure nécessairement à
l’absence de clientèle personnelle. Sur ce point, des jurisprudences peuvent paraître contradictoires, car il
n’y a pas de position de principe : les critères sont appréciés souverainement par les juges, ou avec un
contrôle léger de la Cour de cassation.
L’autonomie de gestion : pour que la clientèle soit personnelle, encore faut-il que, préalablement, elle soit
autonome. Le caractère autonome de la clientèle est une condition préalable au caractère personnel. Pour
que la clientèle soit autonome, il faut que le commerçant, lui-même, jouisse d’une autonomie dans la gestion
de son fonds de commerce. La Cour de cassation a considéré, dans un premier temps, que le commerçant ne
pouvait pas profiter du bail commercial, s’il ne prend pas les décisions sur un certain nombre d’éléments
essentiels à la gestion du fonds de commerce. L’autonomie de gestion s’apprécie par rapport à un certain
nombre d’éléments, qui dépendent du fonds de commerce : ce n’est pas une liste limitative.
Ex : autonomie dans la fixation des prix, des horaires d’ouverture / de fermeture, les opérations de publicité,
l’alimentation en électricité ; local à part pour stocker le matériel. C’est un ensemble de critères matériels.
Cette jurisprudence a évolué. Un arrêt de principe de la troisième chambre civile du 5 février 2003 semble
avoir dégagé trois conditions cumulatives au bénéfice du bail commercial :
⁎ Local stable et permanent ;
⁎ Clientèle personnelle et régulière ;
⁎ Autonomie de gestion. En lisant l’arrêt, on a l’impression que c’est une condition distincte de la
condition de clientèle personnelle et qu’elle ne concernera que le statut des baux commerciaux. Pour
d’autres contentieux sur la clientèle, sans rapport avec le statut des baux commerciaux, on aurait
peut-être pas besoin de démontrer l’existence de ce critère.
La même année, un arrêt du 1er octobre reprend les mêmes critères.
Le critère de l’autonomie de gestion a été modifié par la Cour de cassation, qui l’a remplacée par l’absence
de contrainte incompatible avec le libre exercice de l’activité (Civ. 3e, 19 janv. 2005 ; 5 sept. 2012). Ce
changement de terminologie n’emporte pas un changement de critère. Pourquoi changer les termes alors ?
Il indique simplement un changement dans la charge probatoire. Pour l’autonomie de gestion, c’était au
commerçant de prouver qu’il avait, dans le cadre de l’exploitation de son fonds, une telle autonomie.
Désormais, c’est l’inverse, c’est le bailleur qui doit prouver que, le preneur subit des contraintes
incompatibles avec le libre exercice de son activité, s’il veut refuser le renouvellement pour défaut
d’autonomie de gestion. Si le bailleur n’apporte pas cette preuve, on considère que la condition est remplie.
Une question n’est pas tranchée parce que la Cour de cassation change d’avis d’une décision à une autre. La
question de l’autonomie de gestion est-elle indépendante par rapport à la clientèle ? Dans ce cas, l’absence
de ce critère suffit pour refuser le bail commercial (Civ. 3e, 5 sept. 2012 ; 23 juin 2016). Ou, il y a-t-il un lien
entre les deux ? Dans ce cas, l’absence d’autonomie de gestion entraîne l’absence de clientèle personnelle
(Civ. 3e, 15 oct. 2014).
Pendant longtemps, la Cour de cassation exigeait également du commerçant de prouver, une fois qu’il avait
prouvé le caractère personnel de sa clientèle, que la clientèle personnelle était prépondérante (dans le
chiffre d’affaires) (Civ. 3e, 27 nov. 1991). C’était assez délicat à démontrer… La Cour de cassation est
revenue sur ce dogme de l’unicité de la clientèle en faveur du fonds dominant. Elle considère désormais que,
dès lors qu’il existe une clientèle personnelle au profit d’un commerçant indépendant, il n’est pas nécessaire
qu’elle soit prépondérante par rapport à celle du commerçant principal (Civ. 3e, 19 mars 2003). On peut
aujourd’hui avoir une clientèle partagée : le fonds dominé peut profiter de la clientèle du fonds dominant. Il
suffit, pour qu’il ait droit au renouvellement du bail commercial, qu’il ait une clientèle propre attiré par les
seuls éléments de son fonds de commerce. Cet assouplissement traduit la disparition de l’hostilité à la
reconnaissance de la clientèle des fonds intégrés.
La question de la dépendance se pose aujourd’hui, de façon plus actuelle, concernant des entreprises qui
vendent sur internet. Certains petits vendeurs, pour se développer et se faire connaître, vendent par
l’intermédiaire d’une plateforme qui appartient à une autre entreprise (ex : cdiscount, la fnac, amazon) :
c’est le phénomène du marketplace. Ces petits commerces électroniques ont-ils une clientèle propre ? On
pourrait en douter sous prétexte qu’ils ont recours à ce marketplace. Mais, il faut, sur ce point, appliquer la
position récente de la Cour de cassation : le fait de recourir à un marketplace ne suffit pas à démontrer que
l’entreprise n’a pas de clientèle propre. Il faut certes qu’elle prouve l’existence d’une clientèle personnelle,
mais pas sa prépondérance. Il ne s’agit pas simplement pour ces petites boutiques de profiter de la clientèle
de ces géants, mais également de développer une clientèle propre.
La question de la dépendance s’est également posée pour un fonds de commerce sur le domaine public. On
s’est longtemps demander si un commerçant, qui exerce une activité sur le domaine public, peut y avoir une
clientèle propre, et donc un fonds de commerce propre. Le problème est qu’il intervient sur un espace
géographique particulier : le domaine public (ex : parc), et profite des clients qui se promènent sur ce
domaine public. Le Conseil d’Etat a longtemps considéré qu’il ne pouvait pas y avoir de fonds de
commerce, de clientèle personnelle sur le domaine public. La Cour de cassation retenait la solution inverse.
La loi Pinel a tranché : l’art. L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose
qu’« un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve d’une clientèle propre. »
Ce n’est pas automatique, mais c’est possible dès lors que le commerçant prouve qu’il a une clientèle
propre, qui vient s’approvisionner auprès de lui pour sa personne, et non l’emplacement.
L’intérêt juridique est moindre : reconnaître un fonds de commerce sur le domaine public ne permet pas
d’accorder un bail commercial sur le domaine public. En vertu du principe d’indisponibilité du domaine
public, il ne peut y avoir de bail commercial sur le domaine public. Le fonds de commerce sera exploité
simplement grâce une autorisation temporaire, une convention d’occupation précaire (art. L. 145-5-1, C.
com.).
Le statut des baux commerciaux demeure incompatible avec la domanialité publique, même lorsque la
dépendance fait l’objet d’un déclassement, ce changement de régime juridique n’étant pas suffisant par lui-
même pour transformer la concession en bail commercial. Dans un tel cas, la jurisprudence est catégorique :
à défaut d’intention novatoire des parties, la concession devient certes soumise au droit privé mais n’en
devient pas pour autant un bail commercial. La convention d’origine est reconduite, dans les conditions
prévues lors de sa formation et les droits de l’occupant ne peuvent rester que précaires (Civ. 3e, 16 juin
1959 ; Civ. 3e, 5 mars 1997 ; Civ. 1e, 17 oct. 2012).
Cette solution apparaît juridiquement fondée pour deux raisons.
La première est que la validité d’un contrat s’apprécie en principe au jour de sa formation. Ainsi, le
caractère fondé du motif de précarité ne doit pas s’apprécier au jour du déclassement mais à la signature de
la convention d’occupation précaire, c’est-à-dire à une époque où le bien était soumis au régime de la
domanialité publique et où existait un motif objectif de précarité.
La seconde raison tient à l’unique réserve formulée par la jurisprudence et qui a trait à l’intention novatoire
des parties : celle-ci « ne se présume point ; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte »
(art. 1273, C. civ.).