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COURS DE DROIT DES ENTREPRISES

EN DIFFICULTÉ

Par
Dr Jean Chrysostome KASEREKA MUYISA, Ph. D
Professeur Associé, Faculté des Sciences Juridiques,
Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL-Goma)
Professeur Missionnaire au sein des Universités de l’Est de
la RDC
Tél. +243 976 595 213
E-mail : chrysomuyisa2@gmail.com

Goma, mars 2023


ANOUKAHA (F.), ‘‘L’émergence d’un nouveau droit des procédures collectives
d’apurement du passif dans les États africains membres de l’OHADA, Afrique juridique et
politique’’, Revue du CERDIP, n° 1, vol. 1, janvier –juin 2002, p. 62.
CABRILLAC (R.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 1ère éd. 2002.
KALIEU ELONGO (Y. R.), "Notion de procédure collective", in Paul-Gérard POUGOUÉ
(Dir.), Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, pp. 1245-1263.
KALIEU ELONGO (Y. R.), ‘‘La restructuration des établissements de crédit dans la
CEMAC, entre spécificité et efficacité du droit des défaillances bancaires’’, in Les Annales de
la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang, Tome 18, 2016,
pp. 1-21.
KALIEU ELONGO (Y. R.), Le droit des procédures collectives de l’OHADA, PUA, 2016,
214 pages.
MAMADOU KONATÉ, ‘‘ le redressement et la liquidation mieux encadrés et plus rapides’’,
in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 39.
SAWADOGO (F. M.), ‘‘Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation
et le règlement préventif ‘‘, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32.
SAWADOGO -F. M.), Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif, Cours de formation en ligne, www.ohada.com
SOSSA (D. C.), ‘‘Modernisation de l’acte uniforme sur les procédures collectives de
l’OHADA, avant-propos’’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 30.
Loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire telle que modifiée et
complétée par la loi du 14 décembre 2011.
Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
(Révisé)
Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE Révisé
Acte uniforme relatif aux Sûretés révisé
Règlement n ° 4/99/UEAC-CM-639 portant Réglementation des Pratiques Étatiques
Affectant le Commerce entre les États membres de la CEMAC

2
Objectif général : ce cours vise à présenter aux étudiants les fondamentaux du droit des
entreprises en difficulté OHADA

Objectifs spécifiques : au terme de ce cours, l’étudiant l’ayant assidument suivi devra être
capable :

 De comprendre et d’expliquer les notions fondamentales du droit des entreprises en


difficulté OHADA et notamment celles de cessation de paiements ;
 De distinguer clairement les différents types de procédure ;
 D’identifier, pour chaque type de procédure, la finalité propre, les organes intervenants
et leurs rôles respectifs.

3
La prévention et le traitement des difficultés des entreprises ne sont pas aisés. Ceci tient non
seulement au vocabulaire utilisé par le législateur, mais aussi aux différents conflits d’intérêts
que la matière se propose de résoudre.

S’agissant du vocabulaire utilisé, il emprunte plus au jargon militaire ou médical, et non pas
exclusivement juridique. S’agissant des conflits à résoudre, la matière se propose de résoudre
les conflits entre un débiteur et la multitude de ses créanciers d’une part, entre les divers
créanciers du même débiteur d’autre part. Mais surtout, « le droit des procédures collectives,
ou le droit des entreprises en difficulté, constitue une matière complexe du fait que celle-ci fait
appel à de nombreuses autres matières, notamment le droit commercial, le droit civil, la
procédure civile et commerciale, le droit bancaire, les saisies et les voies d’exécution, le droit
pénal »1.

Du fait de cette complexité, il importe de prendre un peu de temps pour bien préciser les
concepts clés qui structurent la matière (Section 1), d’en présenter les caractères et les objectifs
(Section 2), ainsi que son évolution dans les pays membres de l’OHADA (Section 3).

SECTION 1 - LA PRÉCISION DES CONCEPTS


Les concepts à préciser sont les termes « droit », « entreprise » et « difficulté » (A). Au terme
de ces précisions, il sera alors loisible de marquer un temps d’arrêt sur l’intitulé du cours « droit
des entreprises en difficulté » (B).

A- PRÉCISION DES TERMES « DROIT », « ENTREPRISE » ET


« DIFFICULTÉ »
Le terme « droit » peut s’entendre suivant une conception objective et subjective. Dans sa
dimension objective, le droit est l’ensemble des règles destinées à régir la conduite des hommes
dans une société donnée et dont l’inobservation est sanctionnée. Dans sa dimension subjective,
le droit est l’ensemble des prérogatives (pouvoirs) reconnues aux personnes physiques ou
morales par le droit objectif, lesquels peuvent porter sur des choses et dans ce cas on parlera de
droit réel ou exister contre des personnes et dans ce cas on parlera de droit personnel. Les droits
subjectifs ne doivent leur existence qu’au droit objectif qui non seulement les reconnait, mais

1
cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32.

4
aussi les organise. Le cours portera sur le droit objectif qui lui-même reconnaît quelques
prérogatives aux acteurs des procédures collectives.

L’entreprise est une unité de production. Cette unité de production peut être individuelle ou
collective. Par exemple, un commerçant personne physique ou un artisan effectuerait son
activité dans le cadre d’une entreprise individuelle. Par contre, une société commerciale qui
regroupe plus d’un associé personne physique ou morale serait une entreprise collective.
L’entreprise n’est pas à proprement parler une notion juridique, mais davantage une notion
économique. Le droit s’intéresse plus à la personnalité juridique pour dégager les diverses
responsabilités des animateurs de la vie juridique. Or, l’entreprise prise comme telle n’a pas de
personnalité juridique. Cependant, cette unité de production va être prise en compte par le droit
des procédures collectives à travers ses propriétaires pour ce qui est des entreprises individuelles
et ses représentants pour ce qui est des entreprises collectives.

La difficulté est un obstacle, une gêne, un embarras, un ennui. Au sein des entreprises, les
difficultés sont d’origine et de nature diverses. Cependant, elles se résument en difficulté
économique et financière car quelle que soit leur nature, elles finissent par avoir des incidences
sur les plans financier et économique. C’est pour tenter d’apporter une solution juridique à ces
problèmes financiers et économiques que le droit des entreprises en difficulté a été mis sur pied.

B- PRÉCISION DE L’EXPRESSION « DROIT DES ENTREPRISES EN


DIFFICULTÉ »
Le droit des entreprises en difficulté est, au regard des définitions ci-dessus, l’ensemble des
règles que l’on applique pour prévenir et guérir les difficultés économiques et/ou financières
auxquelles les entreprises peuvent être confrontées. En effet, comme les personnes physiques,
les entreprises sont sujettes à des maladies qu’il importe de prévenir et, le cas échéant,
lorsqu’elles se manifestent, de les guérir. Dans le pire des cas, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas
possible de maintenir l’entreprise en vie, il faut procéder à sa liquidation. Tout ceci se passe
dans le cadre d’un ensemble de procédures que l’on appelle « procédures collectives
d’apurement du passif ». Elles « peuvent être définies comme des procédures judiciaires
ouvertes lorsque le débiteur professionnel (et pas seulement le commerçant) ou la personne
morale de droit privé n’est plus en mesure de payer ses dettes - on dit d’un tel débiteur aux
abois qu’il est en état de cessation des paiements - ou, à tout le moins, connaît de sérieuses
difficultés financières, en vue d’assurer le paiement des créanciers et, dans la mesure du
possible, le sauvetage de l’entreprise et, par voie de conséquence, de l’activité et des emplois
»2. Cette définition balise en filigrane les conditions relatives aux personnes assujeties (ratione
personae) et à son objet (ratione materiae) des procédures collectives dont il convient d’en
dégager les caractères et les objectifs.

SECTION 2 - LES CARACTÈRES ET LES OBJECTIFS DU


DROIT DES PROCÉDURES COLLECTIVES
L’étude des caractères des procédures collectives (A) précèdera celle des objectifs (B).

A- LES CARACTÈRES DES PROCÉDURES COLLECTIVES


Les procédures collectives ont quatre grands caractères :

-L’aspect collectif : normalement, lorsqu’un débiteur ne paie pas ses dettes, le créancier
ainsi impayé a le droit de saisir n’importe lequel des biens3 du débiteur pour les vendre et se
faire payer. On parle en ce moment d’exécution individuelle. Par contre, la situation est un peu
plus complexe lorsqu’un même débiteur a en face de lui plusieurs créanciers de dettes échues.
Le risque est grand que s’il paie intégralement les uns, les autres peuvent ne plus être payés,
non pas parce que ce débiteur ne veut pas les payer, mais parce qu’il ne le peut pas. De même,
si on permet aux premiers venus de saisir les biens du débiteur pour se faire payer, les autres
créanciers du même débiteur risquent de ne plus rien trouver à saisir. Pour éviter un tel désordre
et les frustrations que cela pourrait générer, en lieu et place de l’exécution individuelle, on
procède à l’exécution collective des biens du même débiteur. C’est pour cette raison que
l’ensemble des créanciers est regroupé et soumis à un ensemble de règles. Le désintéressement
des créanciers n’obéît plus à la logique du prix de la course comme c’est le cas en matière civile.

-L’aspect conflictuel : la procédure collective est comme une arène au sein de laquelle se
battent les intérêts essentiellement contradictoires. D’une part les conflits entre divers
créanciers du même débiteur (créanciers munis de suretés et créanciers chirographaires) et,
d’autre part, conflit entre tous ces créanciers et leur débiteur commun. De la justesse de
l’équilibre entre ces divers intérêts dépendent largement le succès des procédures collectives et
le développement des affaires. Le droit des procédures collectives doit alors concilier ces
intérêts pourtant antagonistes, en recherchant le juste milieu sans qu’il soit besoin de privilégier
les uns injustement au détriment des autres.

2
Cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32.
3
À condition que le bien soit saisissable (art. 50 AUPSRVE) et que le débiteur ne bénéficie d’aucune immunité
d’exécution (Art. 30 AUPSRVE).
- L’aspect judiciaire : il n’y a pas de procédures collectives virtuelles. Autrement dit,
toute procédure collective est ouverte par une juridiction compétente. C’est en cela que l’article
3 Acte Uniforme relatif aux Procédures Collectives d’Apurement du Passif (AUPCAP) révisé
dispose que « la conciliation, le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation
des biens relèvent de la juridiction compétente en matière de procédures collectives ». La
détermination de cette juridiction est du ressort des autorités nationales. Ainsi, on observe que
dans les pays membres de l’OHADA, cette juridiction compétente est, soit le TPI soit le TGI,
soit le tribunal de commerce, soit le tribunal régional en ce qui concerne le Sénégal. Cette
juridiction est également compétente pour connaître de toutes les contestations nées de la
procédure collective, de celles sur lesquelles la procédure collective exerce une influence
juridique ainsi que de celles concernant la faillite personnelle et les autres sanctions, à
l’exception de celles qui sont exclusivement de la compétence des juridictions administratives,
pénales et sociales5. La compétence territoriale de la juridiction des procédures collectives est
réglée par l’article 3.1 AUPCAP révisé qui dispose que la juridiction compétente est celle dans
le ressort de laquelle le débiteur personne physique a son principal établissement sur le territoire
national, ou, le débiteur personne morale a son siège social sur le territoire national. Si le
principal établissement ou le siège social est à l’étranger, la procédure se déroule devant la
juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le principal centre d’exploitation du débiteur
personne physique ou personne morale situé sur le territoire national. La juridiction du siège ou
du principal établissement de la personne morale est également compétente pour prononcer le
règlement préventif, le redressement judiciaire ou la liquidation des biens des personnes
solidairement responsables du passif de celle-ci.

- La qualité du débiteur : d’après l’article 1.1, al. 1 AUPCAP révisé, les procédures de
conciliation, de règlement préventif, de redressement judiciaire et de liquidation des biens sont
applicables à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante,
civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne morale de droit privé ainsi qu’à
toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé. Concernant les
personnes morales de droit privé qui exercent une activité soumise à un régime particulier
(Établissements de crédit, établissements de microfinance, sociétés d’assurance…), l’acte
uniforme révisé s’applique lorsqu’il n’en est pas disposé autrement dans la réglementation
spécifique régissant ladite activité.
Le champ d’application des procédures collectives est étendu. Désormais, la qualité de
commerçant d’une personne physique n’est plus exigée pour l’application des procédures
collectives. Il ne s’agit plus, en conséquence, d’une procédure propre aux commerçants. Cette
extension constitue l’un des points saillants de la réforme de l’Acte Uniforme4. Elle permet
ainsi d’englober tout professionnel, que l’activité exercée soit de nature commerciale, civile,
artisanale ou libérale 5 . À titre d’illustration, l’on soulignera que les procédures collectives
définies par l’acte uniforme sont désormais applicables à l’entreprenant.

S’agissant des personnes morales de droit public, il faut préciser qu’elles ne sont assujetties
aux procédures collectives organisées par l’acte uniforme que si elles ont une forme de droit
privé. Le critère reste donc la forme de la société et non les activités effectivement menées par
l’entreprise publique. En effet, une entreprise publique qui prend la forme d’une société de droit
privé serait d’office justiciable des procédures collectives, quelle que soit la nature des activités
qu’elle mène. En conséquence, une entreprise publique qui mène des activités n’ayant rien à
voir avec le commerce, mais qui a la forme d’une entreprise de droit privé serait soumise aux
procédures collectives, alors qu’une autre qui mène effectivement des activités commerciales
mais sans avoir la forme d’une entreprise de droit privé, échapperait à l’emprise des procédures
collectives.

Les groupes de sociétés n’ayant pas de personnalité juridique ne peuvent être soumis aux
procédures collectives. Cependant, les sociétés qui composent ce groupe peuvent être soumises
chacune à la procédure collective qui correspond le mieux à sa situation économique et
financière. Il faut ensuite craindre l’effet de contamination dans les sociétés du groupe.

Relativement au cas des personnes morales soumises à un régime particulier, il convient de


souligner la mise en place dans le cadre de la CEMAC d’un règlement portant sur la prévention
et le traitement des difficultés des établissements de crédit adopté le 25 avril 20146. C’est donc

4
Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32
5
« Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut réglementé, la juridiction
compétente statue après avoir entendu ou dûment appelé le représentant de l'ordre professionnel ou de l'autorité
compétente dont relève ce débiteur ». art. 32, al. 4 AUPCAP révisé.
6
Avant que ce texte n’intervienne, deux positions s’opposaient : D’une part, celle qui veut
qu’on considère l’AUPC comme étant un texte de portée générale qui laisserait survivre les
textes spéciaux sur la liquidation des établissements de crédit, des banques et des sociétés
d’assurance. D’autre part, celle qui veut que l’AUPC régisse aussi les établissements de crédit,
les banques et les sociétés d’assurance, du moment où il ne les a pas expressément écartés de
son champ matériel d’application. Sur le plan jurisprudentiel, plusieurs décisions suggèrent de
croire que les banques et les établissements de crédit, tout comme les compagnies d’assurance, seraient soumis
aux procédures collectives de droit commun, sous réserve du respect de leurs règles spéciales. On peut croire que
de cette contradiction, la position jurisprudentielle l’emporte, de telle sorte que le droit spécial de la restructuration
ce texte qui va, conformément à l’article 1.1 al. 2 AUPCAP révisé, s’appliquer en tant que
régime particulier dans la zone CEMAC. Il s’agit d’un texte qui accorde une place de choix au
régulateur du secteur bancaire qu’est la COBAC et qui définit avec précision des mesures de
prévention et de restructuration adaptées au secteur bancaire.

B- LES OBJECTIFS DES PROCÉDURES COLLECTIVES


Dans l’espace de l’OHADA, les procédures collectives ont trois objectifs classés comme
suit :

-Le paiement des créanciers : il doit se faire sur une base égalitaire en principe. On parle
de solidarité dans le malheur. Mais cette égalité est relative. En effet, les créanciers munis de
sûretés sont en quelque sorte « plus égaux » que les autres : ils ont de meilleures chances de
désintéressement ou de paiement. Un auteur avisé a, d’ailleurs, souligné la précarité de la
situation des créanciers chirographaires qu’il compare à de « misérables fantassins par rapport
aux blindés représentés par les créanciers munis de sûretés dans le combat des dividendes »7.

- La sauvegarde de l’entreprise et en conséquence son redressement : la disparition d’une


entreprise est autant regrettable que celle d’une personne physique car, dans cette hypothèse,
elle ne paiera plus les impôts et les cotisations sociales, elle sera obligée de licencier et en
conséquence de troubler la quiétude des citoyens. Ce souci de redresser l’entreprise se poursuit
même au prix d’une certaine entorse au droit des créanciers, dans le but de sauver les emplois
et de conserver les effets bénéfiques qu’exerce l’entreprise sur l’économie (balance des
paiements, balance commerciale, recettes fiscales, autres effets induits de son activité…)8. C’est
pour cette raison que la majorité des procédures collectives réglementées par le droit de
l’OHADA ont pour objectif final la sauvegarde de l’entreprise (Le règlement préventif et le
redressement judiciaire).

-La punition du débiteur : selon le droit romain originaire, le débiteur qui n’honorait pas
ses engagements était simplement réduit en esclave au meilleur des cas ou tué au pire des cas,
lui et tous les membres de sa famille. La punition du débiteur était alors l’objectif premier de
toutes les procédures d’exécution. De nos jours, l’idée est que le débiteur qui n’honore pas ses

des banques et établissements de crédit n’aurait vocation à s’appliquer que si la société concernée n’est pas en
cessation des paiements car, dans une telle hypothèse, on devra appliquer le droit commun de l’OHADA.
7
Gavalda C., J. C. P., 1973, II, 17371.
8
Filiga Michel SAWADOGO, Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du
passif, Cours de formation en ligne, www.ohada.com
engagements doit être éliminé des milieux d’affaires. Cependant, cette élimination n’est plus
l’élimination physique du débiteur comme en droit romain d’autrefois, mais l’élimination de
l’entreprise prise comme unité économique. C’est dans ces circonstances qu’on punit les
personnes physiques propriétaires ou dirigeantes de l’entreprise par la faute desquelles elle a
connu des difficultés. Dans ce contexte, si les difficultés de l’entreprise conduisent à la cessation
de ses paiements et plus radicalement à la liquidation de ses biens, il sera clair que ses auteurs
seront punis car à l’instar des personnes physiques, ils auraient tué une personne morale ou
mieux une unité de production et sont comme tels punissables.

SECTION 3 - L’ÉVOLUTION DU DROIT DES


PROCÉDURES COLLECTIVES DANS LES PAYS MEMBRES
DE L’OHADA
Avant les indépendances, les textes applicables en Afrique sont généralement ceux de la
métropole colonisatrice. L’accès aux indépendances ne va pas changer grand-chose car les États
sont plus préoccupés par les questions de paix et d’intégration nationale que de cohérence
juridique. Ainsi, seuls quelques États avaient entrepris de réformer leur droit des procédures
collectives ou prévoyaient de le faire. À titre d’exemple, le Sénégal et le Mali ont repris la loi
française du 13 juillet 1937, alors que le Gabon avait repris, sous quelques nuances près, la loi
française du 04 Août 1986 et du 25 janvier 1985. Quant au Cameroun, un avant-projet de 213
articles faisait l’économie de l’essentiel des décisions du droit français.
C’est dans cette « léthargie législative » qu’est apparu l’Acte uniforme de l’OHADA sur les
procédures collectives (AUPC), lequel est entré en vigueur le 01/ 01 /1999. Il institue deux
procédures de sauvetage de l’entreprise en difficulté : le règlement préventif et le redressement
judiciaire, et s’inspire de la loi du 13 juillet 1967 pour réglementer l’euthanasie de l’entreprise
par la liquidation de ses biens. Les deux premières procédures sont dites concordataires
puisqu’elles nécessitent la rédaction et l’homologation d’un concordat préventif ou de
redressement alors que la dernière ne l’est pas. Les deux dernières procédures ne peuvent
intervenir que si le débiteur est en état de cessation des paiements alors que la première suppose
que ce dernier, sans être en état de cessation des paiements, connaisse de sérieuses difficultés
de paiement.

L’AUPCAP de 1998, bien que marquant une évolution significative du droit des entreprises
en difficulté en Afrique va, au fil de son application, révéler quelques insuffisances dont le
constat va conduire le secrétariat permanent de l’OHADA à entamer un processus de réforme
placée sous le sceau de la modernisation. Ce processus de réforme est lancé dès 2007 à travers
une étude diagnostique qui a permis d’établir « que les objectifs poursuivis, à savoir le
sauvetage des entreprises viables, la liquidation des entreprises non viables, le paiement
substantiel des créances, le tout de manière rapide et transparente, n’étaient pas atteints dans
des proportions significatives » 9 . Plus précisément, les facteurs d’inefficacité du droit des
procédures collectives dans le cadre de l’AUPCAP originel étaient, pour l’essentiel, les suivants
: « absence de réglementation des mandataires judiciaires, durée trop longue des procédures,
lourdeur et inadaptation des procédures pour les micro-entrepreneurs, absence d’une
procédure préventive de conciliation moderne pour promouvoir les négociations privées et les
accords extrajudiciaires entre le débiteur et ses créanciers, et absence d’un régime adéquat
pour les faillites internationales ouvertes hors de l’espace OHADA » 10 . Il faut sans doute
ajouter, sans prétention à l’exhaustivité, une durée trop longue des procédures collectives,
qu’elles tendent au sauvetage de l’entreprise ou à sa disparition par sa liquidation11 et un coût
élevé du fonctionnement des procédures collectives12.

La réforme entreprise a abouti le 25 septembre 2015 par l’adoption d’un nouvel AUPC « qui
vient se substituer à l’Acte uniforme initial du 10 avril 1998 »13. Il s’agit d’un outil qui est censé
proposer des réponses modernes et adaptées aux différentes insuffisances révélées par les études
de diagnostic. À ce titre, il consacre plusieurs innovations au rang desquelles, la définition d’un
cadre juridique du statut et de l’activité des mandataires de justice, l’accent mis sur les
procédures de sauvegarde, la définition des délais contraignants, l’aménagement des procédures
collectives simplifiées au profit des petites entreprises, etc.

9
cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32.
10
cf Dorothé C. Sossa, ‘’Modernisation de l’acte uniforme sur les procédures collectives de l’OHADA,
avantpropos’’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 30.
11
À titre d’illustration de la lenteur des procédures collectives menées sous l’égide de l’ancien AUPCAP, il est
observé qu’en moyenne, le créanciers, dans le cadre d’une procédure collective, attendaient en moyenne 38 mois
pour recouvrer 14% de leurs créances en souffrance pendant que dans l’OCDE, les créanciers attendent seulement
21 mois pour recouvrer 68% de leurs créances. D’après l’auteur de cette synthèse, il est logique que l’amélioration
de la situation dans l’OCDE montre simplement qu’il n’y a pas de fatalité cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les
procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement préventif ‘’, in Droit & patrimoine,
n° 253, décembre 2015, p. 33.
12
« Les coûts d'application des procédures de l'AUPC représentent 21,56 % de la valeur du patrimoine de chaque
entreprise liquidée » alors que dans l’OCDE, ces coûts s’élèvent à 10% de la valeur de l’entreprise. cf. Filiga
Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement préventif
‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32 et 33.
13
cf Dorothé C. Sossa, idem
Cette évolution du droit applicable aux procédures collectives dans les pays africains
membres de l’OHADA aboutit à l’harmonisation de l’essentiel des sources écrites de ce droit.
À ces sources écrites, il faut sans doute ajouter celles non écrites.

S’agissant des sources écrites, elles sont internes ou internationales. Les sources
internationales sont constituées des diverses conventions que les pays membres de l’OHADA
peuvent signer avec les États qui ne sont pas membres de cette organisation. Elles seraient alors
applicables toutes les fois qu’une procédure collective fait intervenir des éléments d’extranéité,
par exemple tirés de la situation des biens du débiteur. Les sources internes sont constituées par
les textes que chaque État partie à l’OHADA peut prendre. Cependant, ces textes qui peuvent
être antérieurs ou postérieurs au traité et aux Actes uniformes ne doivent pas leur être contraires.
En effet, aux termes de l’art. 10 du Traité de l’OHADA, les dispositions propres aux États
parties, que celles-ci soient antérieures ou postérieures au Traité ou aux Actes uniformes ne
peuvent s’appliquer que si elles ne leur sont pas contraires. Le droit interne des États joue un
rôle important dans le droit des procédures collectives. Par exemple, c’est chaque État partie
qui définit les juridictions compétentes pour connaître des diverses procédures collectives.

C’est encore le droit interne de chaque État partie qui définit les taux des peines applicables aux
diverses infractions qui peuvent être encourues à l’occasion des procédures collectives.

S’agissant des sources non-écrites, elles renvoient essentiellement aux usages et coutumes
consacrés en la matière. Ces usages doivent remplir les caractéristiques générales de la coutume,
c’est-à-dire être anciens, généraux, notoires, constants et répétés. Mais en plus, ceux qui se
livrent à de telles pratiques doivent être conscients de ce qu’ils agissent en vertu d’une règle de
droit commercial dont l’inobservation serait sanctionnée. C’est « l’opinio juris », qui est
l’élément psychologique de la coutume. Mais à dire vrai, les usages sont rares en droit des
procédures collectives. En revanche, toujours dans la catégorie des sources non-écrites, il faut
relever le rôle important de la jurisprudence nationale et surtout internationale, sous le contrôle
de la CCJA (Cour Commune de Justice et d’Arbitrage), aidée dans cette œuvre par la doctrine.

Toutes ces sources, écrites ou non, permettent de traiter les difficultés des entreprises. Tout
comme dans la médecine des personnes physiques où il est établi que « prévenir vaut mieux
que guérir », celle des entreprises comporte aussi une phase préventive (TITRE 1) et ce n’est
que lorsque cette phase échoue que les mesures curatives sont envisagées (TITRE 2).
Pour prendre en charge les difficultés des entreprises, il faut bien connaître leurs origines
afin de les éviter dans le futur. Mais le plus important est la mise sur pied d’un véritable
baromètre qui permettrait de détecter précocement les difficultés qui menacent la santé des
entreprises, ce qui permettrait de « tuer la difficulté dans l’œuf », pour reprendre les termes du
Professeur Françoise PERROCHON. C’est pour cette raison qu’avant l’intervention de la
juridiction compétente qui homologuerait des solutions en vue du redressement de l’entreprise
au moyen d’un concordat préventif (Chapitre 2), il convient de marquer un temps d’arrêt sur
la détection des difficultés des entreprises (Chapitre 1).
CHAPITRE 1 - LA DÉTECTION DES DIFFICULTÉS DES
ENTREPRISES
La recherche de toute solution aux difficultés des entreprises suppose au préalable la
détection de cette difficulté. Dès que l’une des causes des difficultés est détectée (Section 1),
elle permet de déclencher la procédure d’alerte (Section 2).

SECTION 1 - LES CAUSES DES DIFFICULTÉS DE L’ENTREPRISE


Elles sont diverses. Toutefois, en les recoupant, on remarque qu’elles peuvent être liées à
l’exploitation et à la gestion de l’entreprise (§ 1) à l’évolution de l’environnement économique
international (§ 2). Certaines causes sont purement accidentelles et juridiques (§ 3).

§ 1 - LES CAUSES RELATIVES À L’EXPLOITATION DE L’ENTREPRISE


Il s’agit des causes internes à l’entreprise, lesquelles sont plus structurelles qu’accidentelles.

Cause 1 : Lorsque la comptabilité de l’entreprise est mal tenue ou n’est pas tenue du tout,
l’entreprise n’a plus la visibilité de ses échéances et en conséquence elle n’honore plus ses
engagements ou alors elle le fait au prix des moyens ruineux. Par exemple, la vente à perte dans
le seul but de disposer des liquidités pour honorer ses engagements.

Cause 2 : Lorsque les effectifs sont pléthoriques et les salaires et autres avantages excessifs
par rapport à ceux qui sont généralement accordés dans les entreprises de même nature. C’est
pour cette raison que dans le plan de sauvetage de l’entreprise, il peut être prévu, entre autres
mesures, les licenciements pour motif économique 14 . Mais avant d’adopter cette mesure,
plusieurs autres doivent avoir été usitées15, ou alors lorsqu’elles ne l’auront pas été, il faut qu’il
soit évident que leur recours n’apporterait aucune solution plausible. Autrement dit, les
licenciements économiques doivent être économisés et n’intervenir que lorsqu’on ne peut pas
faire autrement.
Cause 3 : Lorsque les locaux sont trop luxueux et entraine des charges locatives trop
importantes par rapport aux moyens de l’entreprise. Le problème n’est pas le luxe des locaux

14
L’article 40, alinéa 2 du Code camerounais du Travail dispose : « Constitue un licenciement pour motif
économique tout licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne
du travailleur et résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de
travail, consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à des restructurations
internes ».
15
Le licenciement pour motif économique ne doit être normalement envisagé qu’après que l’employeur ait réuni
les délégués du personnel s'il en existe et rechercher avec eux en présence de l'inspecteur du travail du ressort,
toutes les autres possibilités telles que: la réduction des heures de travail, le travail par roulement, le travail à temps
partiel, le chômage technique, le réaménagement des primes, indemnités et avantages de toute nature, voire la
réduction des salaires (Art. 40, al. 3 Code du travail).
lorsque ces derniers sont la propriété de l’entreprise, cette dernière restant libre par exemple de
les vendre ou de louer à une autre entreprise pour à son tour acheter ou louer des locaux
correspondant à ses besoins réels. Mais l’emplacement est un élément important du fonds de
commerce, de telle sorte que tout changement de cet emplacement peut avoir des conséquences
sur la consistance de la clientèle, élément fondamental du fonds de commerce. C’est pour cette
raison que le législateur protège le bail professionnel (que l’on appelait, avant l’entrée en
vigueur de la révision de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, « bail commercial
»).
Cause 4 : Lorsque les investissements sont insuffisants ou vétustes. Les investissements
peuvent être insuffisants parce que l’entreprise n’a pas les moyens financiers nécessaires pour
faire de nouveaux investissements. Elle devrait pouvoir dans cette hypothèse obtenir un prêt
car, comme le disait le Professeur Fernand DERRIDA, le crédit est l’ « âme du commerce ».
Mais il peut arriver qu’elle ne soit plus crédible et qu’elle ait perdu la confiance des prêteurs.
Les investissements peuvent aussi être vétustes, quand on sait que la technologie va à un rythme
accéléré, surtout dans les pays développés. Cette situation est exacerbée par la mondialisation
qui renforce la compétitivité des entreprises, et favorise par-là la mort naturelle des plus faibles.

Cause 5 : Lorsque les dirigeants sont incapables et les travailleurs incompétents comme
dans le cas des entreprises familiales. Les bonnes personnes doivent être placées au bon endroit,
les travailleurs au sein de l’entreprise doivent passer des heures de travail et non des heures au
travail. Ceci marche tant pour les dirigeants que pour les simples travailleurs au sein de
l’entreprise.

§ 2 - LES CAUSES LIÉES À L’ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL


Les fluctuations de l’économie interne et internationale ont des répercussions sur
l’entreprise, et les exemples sont légions. L’accroissement de la concurrence peut se traduire
par l’implantation des entreprises internationales concurrentes dans les environs des entreprises
nationales. Les facteurs de commercialité comme l’implantation des grossistes à côté des
détaillants, l’accroissement brusque des coûts de production ou du coût des matières premières
et des consommables réduisent la marge de bénéfice, la défaillance ou la faillite d’un partenaire
important, etc.

§ 3 - LES CAUSES ACCIDENTELLES ET JURIDIQUES


La modification de la réglementation dans un sens défavorable aux activités de l’entreprise
peut être néfaste. Ces modifications de la réglementation peuvent par exemple avoir trait à la
fiscalité ou des salaires. Mais elles peuvent aussi concerner la réforme des règles commerciales,
les règles de fonctionnement des entreprises, des règles sur la qualité des produits, des règles
sur la protection des consommateurs, etc.

Dans les causes accidentelles, il faut citer l’hypothèse de la maladie ou du décès d’un chef
d’entreprise ou d’un dirigeant influent, l’incendie ou tout sinistre survenu dans les locaux de
l’entreprise et non couvert par une assurance adéquate, les détournements et autres
malversations commis par le personnel, les grèves et « lock out » qui s’installent sur de longues
périodes. En réalité, ces dernières causes ne devraient pas avoir des influences négatives sur la
vie des entreprises car elles peuvent s’en prémunir en souscrivant à une police d’assurance. De
plus, l’entreprise, si elle est bien structurée, devrait survivre à ses fondateurs. Mais ce n’est
malheureusement pas le cas dans la plupart des pays membres de l’OHADA où les PME et PMI
sont très souvent familiales, le seul critère de recrutement et parfois de promotion étant les liens
de famille ou d’alliance.

Toutes ces difficultés ont plusieurs manifestations tels le report renouvelé d’échéances de
paiement, la notification au débiteur des protêts pour défaut de paiement de ses effets de
commerce ou de chèque, l’achat à crédit des marchandises suivi de leurs reventes au comptant
à un prix égal ou inférieur au prix d’achat, le non paiement pendant un temps plus ou moins
long d’un montant substantiel des impôts ou des cotisations de la CNPS, la non réalisation des
publications légales dans les délais légaux, la non convocation ou la non tenue dans les délais
des réunions des organes sociaux, le refus de certification des comptes par le commissaire aux
comptes. Devant tous ces signes, les organes compétents ont l’obligation, selon le cas, de
déclencher la procédure d’alerte.

SECTION 2 - LA PROCÉDURE D’ALERTE


L’alerte est une procédure de contrôle de la gestion des sociétés commerciales dont le
déclenchement est subordonné à la connaissance de faits de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation de l’entreprise. Elle n’est pas réglementée comme on se serait attendu par l’AUPC,
mais par les articles 150 à 158 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique (AUSCGIC). Tout le monde ne saurait déclencher une alerte,
même lorsque les conditions semblent réunies. En effet, il s’agit d’une obligation pour les
commissaires aux comptes (§ 1) et d’un droit pour les associés (§ 2).
§ 1 - LE DEVOIR D’ALERTE DES COMMISSAIRES AUX COMPTES
La désignation des commissaires aux comptes n’est pas obligatoire dans toutes les sociétés
commerciales. D’ailleurs, l’AUSC revisé ne la rend obligatoire que dans les sociétés anonymes
au sein desquelles au moins un est exigé si la société n’a pas fait appel public à l’épargne, et au
moins deux si la société a fait appel public à l’épargne. Dans les autres sociétés à l’instar de la
SARL, de la SNC ou de la SAS, le principe est que les associés sont libres d’en désigner et la
désignation ne devient obligatoire que lorsque certaines conditions indiquées par l’AUSC sont
remplies 16 . Par ailleurs, il faut préciser que même dans les cas où la désignation d’un
commissaire aux comptes est facultative, « Elle peut toutefois être demandée en justice par un
ou plusieurs associés détenant, au moins, le dixième du capital social »17.

Tout fait de nature à compromettre l’exploitation de l’entreprise doit être porté à la


connaissance du Ministère public et des associés par le ou les commissaires aux comptes. Le
manquement à cette obligation constitue, pour le commissaire aux comptes, une infraction 18. Il
s’agit, pour le commissaire aux comptes, en présence d’un cas de suspicion, de déclencher
obligatoirement la procédure d’alerte. Les formes de l’alerte peuvent différer suivant la forme
de la société.

Dans les sociétés autres que les sociétés anonymes, l’alerte va se faire aux moyens des
demandes d’explications adressés au gérant par le commissaire aux comptes sur tout fait de
nature à compromettre l’exploitation de l’entreprise. Les faits évoqués par le commissaire aux
comptes doivent s’appuyer sur des documents comptables en sa possession. Le gérant est tenu
de répondre à la lettre du commissaire aux comptes dans les mêmes formes et ceci dans les
quinze jours19 de la réception , en donnant une analyse claire de la situation et en précisant les
mesures envisagées pour faire face à la difficulté. En cas d’inobservation des dispositions
relatives à la réponse ou si les précisions du gérant sont insuffisantes selon le commissaire aux

16
Pour la SNC, voir l’article 289-1 AUSC, pour la SARL, voir l’article 376 et pour la SAS, voir, l’article 853-13
AUSC.
17
Idem.
18
« est puni d'un emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans et d'une amende de 500 000 à 5 000 000 de francs ou
de l'une de ces deux peines seulement, tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel. soit à titre
associé d'une société de commissaires aux comptes, a sciemment donné ou confirmé des informations mensongères
sur la situation de la société ou qui n'a pas révélé au ministère public les faits délictueux dont il a eu connaissance
». cf. Art. 17, Loi n° 2003/008 du 10 juillet 2003 relative à la répression des infractions contenues dans certains
actes uniformes OHADA
19
L’article 151 AUSCGIE originel prévoyait un délai d’un mois. Il disposait en effet : « Le gérant répond par
lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le mois qui
suit la réception de la demande d'explication. Dans sa réponse, il donne une analyse de la situation et précise, le
cas échéant, les mesures envisagées ».
comptes, ce dernier peut demander un rapport spécial qui sera adressé à l’assemblée générale
des associés. Le gérant sera tenu de faire cette communication au moins 8 jours avant la tenue
de cette assemblée générale. Une copie de ce rapport spécial doit être communiquée à la
juridiction compétente (art. 152, al. 1 AUSCGIE révisé).

Dans les sociétés par actions (SA et SAS), le commissaire aux comptes peut engager une
procédure d’alerte en demandant par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception des explications au président du conseil
d’administration, au président-directeur général ou à l’administrateur général, selon le cas, sur
tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevé lors de l’examen
des documents qui lui sont communiqués ou dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice
de sa mission (Art. 153 AUSC révisé). L’organe sollicité est tenu de répondre par lettre au
porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les
quinze (15) jours qui suivent la réception de la demande d’explication. Dans sa réponse, il donne
une analyse de la situation et précise, le cas échéant, les mesures envisagées.

À défaut de réponse ou si celle-ci n’est pas satisfaisante, le commissaire aux comptes invite
l’organe sollicité20 à faire délibérer le conseil d’administration, l’administrateur général ou le
président à se prononcer sur les faits relevés. Cette invitation est formée par lettre au porteur
contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze
(15) jours qui suivent soit, la réception de la réponse donnée par l’organe sollicité, soit, la
constatation de l’absence de réponse dans les délais prévus à l’article précédent.

Dans les quinze (15) jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes,
le président du conseil d’administration ou le président-directeur général, selon le cas, convoque
le conseil d’administration, en vue de le faire délibérer sur les faits relevés, dans le mois qui
suit la réception de cette lettre. Le commissaire aux comptes est convoqué à la séance du conseil.
Dans tous les cas, un extrait du procès-verbal de la délibération du conseil d’administration ou
de la décision de l’administrateur général ou du président, selon le cas, est adressé au
commissaire aux comptes et à la juridiction compétente dans le mois qui suit la délibération ou
la décision (Art. 155 AUSC révisé).

Si, en dépit des décisions prises, le commissaire aux comptes constate que la continuité de
l’exploitation demeure compromise, il établit un rapport spécial qui est présenté à la prochaine

20
Il doit s’agir, selon le cas du président du conseil d'administration ou le président-directeur général de la SA,
ou du Président de la SAS.
assemblée générale ou, en cas d’urgence, à une assemblée générale des actionnaires qu’il
convoque lui-même pour soumettre ses conclusions, après avoir vainement requis sa
convocation du conseil d’administration, de l’administrateur général ou du président, selon le
cas, par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de
réception. Si, à l’issue de l’assemblée, le commissaire aux comptes constate que les décisions
prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches
la juridiction compétente et lui en communique les résultats.

Dans un délai de six (6) mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le


commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre
un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de
l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures
immédiates.

§ 2 - LE DROIT D’ALERTE DES ASSOCIÉS


Si l’alerte est une obligation des commissaires aux comptes, elle est en revanche une simple
faculté offerte aux associés qui peuvent l’utiliser ou s’abstenir de le faire. Ainsi, dans toutes les
sociétés, tout associé ou tout actionnaire a le droit deux fois par exercice d’adresser, par écrit,
des questions aux dirigeants de la société21 sur tout fait de nature à compromettre l’exploitation
de l’entreprise. Cet exercice va du 1er janvier au 31 décembre de chaque année et les organes
sociaux ont l’obligation de tenir une assemblée générale de reddition des comptes au plus tard
six mois après la clôture de chaque exercice.

Lorsque la question d’un associé est reçue, la réponse doit être faite dans un délai de quinze
jours par le dirigeant destinataire qui prendra soin de donner tous les éléments de clarification
à sa décharge, et fera une ampliation de la réponse au commissaire aux comptes s’il en existe
un. Cette procédure d’alerte par les associés est confidentielle et d’efficacité limitée, tout
comme l’alerte faite par le commissaire aux comptes. Le fait que la liquidation des biens soit
survenue en dehors de toute alerte du commissaire aux comptes, n’engage pas automatiquement
sa responsabilité. C’est pour cela que nonobstant ces précautions, les difficultés de l’entreprise
vont parfois être pernicieuses et justifier le recours aux solutions possibles.

21
Cf. Article 158 AUSC révisé pour les sociétés par actions et article 157 AUSC révisé pour les autres sociétés.
CHAPITRE 2 - LES MESURES PRÉVENTIVES
Plusieurs mesures permettent au débiteur qui est en proie aux difficultés d’essayer d’éviter
la cessation des paiements. Ces mesures peuvent être classées en deux grandes catégories en
fonction de ce qu’elles sont consacrées par l’AUPCAP (Section II) ou non (Section II).

SECTION 1 - LES MESURES CONSACRÉES EN DEHORS DE


L’AUPCAP RÉVISÉ
Ces mesures proviennent en général de sources diverses et ont trait, soit à l’organisation et
au fonctionnement de l’entreprise du débiteur (§ 1), soit à son financement (§ 2).

§ 1 : LES MESURES RELATIVES À L’ORGANISATION DE L’ENTREPRISE


Les difficultés des entreprises puisent souvent leur cause dans l’incapacité des dirigeants à
gérer et à anticiper les difficultés ou même à la lourdeur ou à l’inadéquation des charges de
ladite entreprise avec ses ressources. Dans le premier cas, la solution préconisée peut consister
à remplacer le dirigeant (A) et dans le second cas, la réorganisation de l’entreprise ou le
licenciement pour motif économique peut être envisagé (B).

A- Le remplacement des dirigeants

Les difficultés de l’entreprise peuvent être la conséquence de la mauvaise gestion, de


l’indélicatesse et de l’inaptitude de ses dirigeants. Il peut donc s’avérer impératif que ceux-ci
soient remplacés afin que l’entreprise retrouve sa croissance et son équilibre. S’il s’agit d’une
entreprise individuelle, le changement de dirigeant se traduira par la mise du fonds de commerce
en location-gérance, sa cession ou son apport en société. S’agissant d’une entreprise collective,
le changement de dirigeant nécessitera le vote de l’organe compétent à cet effet.

L’entreprise collective peut être privatisée s’il s’agissait d’une entreprise d’État. Elle peut
également demander et obtenir de la part de ses créanciers des délais de paiement.

B- Le licenciement pour motif économique

Lorsqu’une entreprise fait face à des difficultés, il peut être nécessaire pour elle de se délester
d’une masse de ses salariés afin de maintenir son équilibre économique. Cette opération prend
le nom de licenciement pour motif économique. L’alinéa 2 de l’article 40 du Code camerounais
du travail utilise cette expression pour désigner tout licenciement effectué par un employeur
pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du travailleur et résultant d’une
suppression ou d’une transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail
consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à des
restructurations internes. On le voit bien, un pareil licenciement peut être justifié soit par les
difficultés conjoncturelles soit par des nécessités de restructuration de l’entreprise. Les
difficultés conjoncturelles peuvent résulter de circonstances économiques extérieures à
l’entreprise et provoquant une baisse d’activité ou des difficultés financières. Il en est ainsi de
l’insuffisance du crédit, de la baisse de résultat, de la réduction des débouchés, de la baisse des
commandes, de l’évolution des charges sociales, etc. Le juge apprécie objectivement les motifs
conjoncturels pour décider si l’entreprise est en difficulté. La procédure du licenciement pour
motif économique comprend trois phases principales : la phase de négociation de mesures
alternatives, la phase du licenciement proprement dit et la phase d’arbitrage du Ministre chargé
du travail.

§ 2- LES MESURES RELATIVES AU FINANCEMENT DE L’ENTREPRISE


Pour éviter la cessation des paiements, le débiteur peut initier un ensemble de mesures visant
soit à obtenir un répit provisoire pour mieux gérer ses échéances en sollicitant des délais de
paiement (A), soit à renflouer (B) ses caisses pour mieux satisfaire ses créanciers.

A- Les demandes de délais de paiement

Elles peuvent résulter de la convention des parties (1), d’une décision judiciaire (2) ou de la
loi elle-même (3).

1- Les demandes de délais de paiement par convention

Elles peuvent résulter soit du report d’échéance, soit d’un concordat amiable.

D’une part, en ce qui concerne le report d’échéance, il fait intervenir le débiteur et l’un de
ses créanciers qui accepte de reporter l’exigibilité de sa créance à une date ultérieure. Cela peut
se faire à travers l’émission d’une nouvelle traite en remplacement de l’ancienne arrivée à
l’échéance. Le problème qui se pose est celui de la preuve. Or cette preuve pèse toujours sur le
débiteur et non sur le créancier. Ceci veut dire que le créancier qui entend faire un report
d’échéance à son débiteur doit pouvoir lui donner les éléments de preuve qui lui seront
opposables au cas où il se rétracterait.

D’autre part, en ce qui concerne le concordat amiable, il met en rapport le débiteur et


plusieurs de ses créanciers, lesquels acceptent de reporter l’exigibilité de leurs créances à une
date ultérieure. Il peut s’agir des créances échues et des créances non encore échues. Mais dans
la pratique, le débiteur sera plus enclin à négocier avec les créanciers dont les créances sont
échues, ainsi que celles qui sont adossées sur des sûretés réelles mobilières ou immobilières,
plutôt que les créanciers dont les créances ne sont pas encore échues car ces créances ne lui sont
pas préjudiciables pour le moment. S’agissant d’un accord collectif, certains créanciers peuvent
procéder à des remises de dette. Cependant, par application du principe de la relativité des
contrats, ce concordat amiable ne produit des effets qu’entre les parties signataires et n’est donc
pas applicable aux créanciers qui ont refusé de le signer. Il n’en serait autrement que si à côté
de cette cause, il y avait une autre qui justifie l’obtention, par le débiteur, des délais judiciaires.
2- Les demandes de délais judiciaires

Lorsque c’est le juge qui reporte l’échéance de la dette du débiteur en difficulté, on parle de
délais de grâce22. Ils prennent initialement leur source dans l’article 1244 du Code civil aux
termes duquel le juge peut accorder un délai de paiement au débiteur en considération de sa
situation économique. Mais, l’article 39, alinéa 2 de l’Acte Uniforme relatif aux Procédures
Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE) apporte aujourd’hui des
précisions sur les modalités des délais de grâce. Ce texte, tout comme le Code civil, donne à ce
pouvoir du juge un caractère exceptionnel. Il faut en effet éviter qu’en accordant un délai de
grâce au débiteur, cela entraine chez les créanciers des difficultés et des défauts de paiement
vis-à-vis de leurs propres créanciers. Le juge ne doit donc en faire usage qu’avec une grande
réserve. En plus, l’AUPSRVE précise les matières dans lesquelles le juge ne peut accorder un
délai de grâce. En somme, ce texte dispose : « compte tenu de la situation du débiteur et en
considération des besoins du créancier, la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes
d’aliments et les dettes cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans
la limite d’une année. Elle peut également décider que les paiements s’imputeront d’abord sur
le capital ». Donc, pas de possibilité de délai de grâce en présence d’une dette cambiaire ou
alimentaire, et lorsqu’il est possible, le délai de grâce ne saurait aboutir à un report de plus d’une
année. Au contraire, lorsque le report est prévu par le législateur, cette limite annuelle ne
s’applique qu’éventuellement.

3- Le moratoire légal

Lorsque le report de l’échéance est prévu par le législateur, il prend le nom de moratoire.

22
Le délai de grâce est défini comme le « report ou rééchelonnement du paiement de dettes accordé par le juge en
fonction de la situation du débiteur et des besoins du créancier, dans la limite de deux ans ». Cf. Rémi
CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 1ère éd. 2002.
C’est ainsi qu’un auteur définit le moratoire comme le « délai suspendant les poursuites, en
principe accordé par la loi en présence de circonstances exceptionnelles (ex., en temps de
guerre) »23.

Le moratoire a une portée générale et bénéficie à tous les débiteurs qui rentrent dans les
conditions.

Mais il peut être illusoire de compter sur une telle mesure qui rentre dans les pouvoirs
discrétionnaires du législateur. Au contraire, il peut être plus efficace de recourir à l’un des
divers moyens de renflouement. Même dans ce cas, pour ne pas trop attirer l’attention sur soi,
le débiteur choisira volontiers ceux qui ne font pas intervenir la justice.

B- Les mesures de renflouement

Globalement, on peut distinguer les mesures de renflouement de droit commun (A) des
mesures de renflouement qui impliquent l’État (B).

1- Les mesures de renflouement de droit commun

Ces mesures de financement peuvent être internes (a) ou externe (b) à l’entreprise.

a- Les mesures de financement interne à l’entreprise

Elles peuvent être différentes en fonction du type de société.

Dans les sociétés de personnes, les associés peuvent mettre gratuitement les fonds à la
disposition de la société, faire des prêts sans intérêts ou effectuer des apports non rémunérés,
puisque dans ce type de société, la faillite de la société entraine de plein droit celle des associés.
Ils ont alors tout intérêt dans le sauvetage de leur entreprise car, ici, chacun d’eux peut être
poursuivi pour le paiement intégral des dettes de la société sans qu’il puisse se prévaloir du
bénéfice de division ou de discussion24. Ce droit de poursuite des créanciers sur le patrimoine
personnel des associés en nom résulte de ce que ces derniers sont tenus solidairement et
indéfiniment du passif social25.

Dans les autres sociétés telles que les SA et les SARL, les associés et les dirigeants peuvent
procéder à des prêts remboursables ou à une souscription à une augmentation du capital puisque

23
Rémi CABRILLAC, op. cit.
24
Mais, il reste entendu que les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales
contre un associé que soixante (60) jours au moins après avoir vainement mis en demeure la société. La mise en
demeure est faite par acte d'huissier ou notifiée par tout moyen permettant d'établir sa réception effective par le
destinataire. (Art. 271 AUSC révisé).
25
Art. 270 AUSC révisé.
dans ce type de société, les associés ne sont tenus que jusqu’à concurrence de leurs apports. La
faillite de la société n’entraîne donc pas celle des associés, du fait de la séparation stricte entre
le patrimoine des associés et celui de l’entreprise, personne morale.

Dans les deux types de sociétés, les dirigeants peuvent procéder à des économies par exemple
en réduisant les salaires et autres avantages, en diminuant les heures de travail, etc. Cependant,
cette dernière mesure peut avoir des répercussions sur les performances de production de
l’entreprise et en conséquence aggraver sa situation économique et financière. C’est donc
surtout une question d’opportunité et le choix doit reposer sur une analyse sérieuse et préalable
de la difficulté qui caractérise la situation de l’entreprise. Plus énergiques en revanche semblent
être les mesures de financement externes à l’entreprise.

b- Les mesures de financement externes à l’entreprise

Ces mesures peuvent être des emprunts bancaires ou d’autres mesures extra bancaires.

D’une part en ce qui concerne les solutions extra bancaires, elles peuvent consister en des
emprunts obligataires, l’augmentation du capital ou en l’émission des titres composés.

Les emprunts obligataires prennent la forme de souscription à l’émission des obligations,


lesquelles sont des titres négociables. L’augmentation du capital permet à l’entreprise d’avoir
de l’argent liquide tout de suite au prix d’un renversement de la majorité en conséquence de
l’alignement des autres associés à un groupe. Dans la pratique, l’augmentation du capital va
être précédée de sa réduction afin de résorber les pertes. C’est ce qu’on appelle « coup
d’accordéon ». Les titres composés sont des actions en dividendes prioritaire sans droit de vote.

D’autre part, en ce qui concerne les prêts ou les crédits bancaires, ils posent le problème de
la responsabilité du banquier. En effet, le banquier qui procure des fonds à une entreprise en
sachant que sa situation économique est irrémédiablement compromise engage sa responsabilité
civile. De plus, le banquier peut se voir étendre l’action en comblement du passif social s’il
s’est comporté comme un dirigeant de droit ou de fait et s’il a commis de fautes ayant entrainé
des dommages. Sa responsabilité civile sera retenue dans la mesure où il aura sciemment accru
le passif de l’entreprise. Même en dehors de ces dangers, il ne sera pas facile pour un banquier
d’accepter d’investir dans une entreprise en faillite, ou alors qui menace sérieusement de l’être.
Le risque est alors grand qu’il tourne ainsi à perte et qu’en conséquence il connaisse lui-même
des difficultés de nature à menacer sa stabilité économique ou financière.
Au regard du rôle que joue l’entreprise dans le tissu économique du pays, le risque devient
grand qu’elle tende une main éplorée vers l’État afin de solliciter l’une des mesures de
renflouement disponibles.

2- Les mesures de renflouement faisant intervenir l’État

La disparition des entreprises peut être à l’origine de nombreuses perturbations car l’État ne
percevra plus les impôts et les entreprises en difficulté seront obligées de licencier. En plus, le
crédit, âme du commerce, aura subi un coup car les créanciers auraient été trompés. C’est pour
cette raison que l’intervention de l’État peut s’avérer nécessaire non seulement dans le sens de
la révision de la législation afin de la rendre plus souple et en conséquence plus adaptée, mais
aussi et surtout dans le sens du renflouement des caisses de l’entreprise. Cette mesure, jadis
utilisée exclusivement pour les entreprises publiques, s’étend progressivement aux entreprises
privées en fonction de leur rôle dans l’économie et dans la société. Toutefois, cette mesure
rentre dans les pouvoirs discrétionnaires de l’État et doit être prise sous le respect des règles
relatives à la concurrence tant au niveau national qu’au niveau communautaire. En effet, il faut
éviter que par ce biais, les État ne maintiennent artificiellement dans le paysage économique
des entreprises incapables, ceci dans le seul but de fermer l’accès du marché national aux
entreprises d’autres États membres de la Communauté économique dont l’État en question est
membre à l’instar de la CEMAC26. Les exemples de soutien par l’État accordés aux entreprises
en difficulté nous ont été donnés par les pays développés, et surtout aux USA où, en pleine
crise, l’État américain a décidé de renflouer les caisses de General Motors, pourtant une
entreprise privée, mais fleuron de l’automobile américaine.

Malgré la multitude de ces mesures ne faisant pas intervenir la justice, les difficultés de
l’entreprise peuvent à défaut de s’accroitre, justifier la mésentente entre divers créanciers ou
diverses catégories de créanciers. Dans ce cas malheureux, le débiteur devra, pour les mettre
d’accord, recourir à la mesure de renflouement faisant intervenir la justice.

SECTION 2 - LES MESURES CONSACRÉES PAR L’AUPCAP RÉVISÉ


L’esprit de modernisation qui caractérise le nouvel acte uniforme relatif aux procédures
collectives se manifeste aussi à travers le renforcement des mesures de prévention des

26
L’alinéa 1er de l’article 2 du Règlement n ° 4/99/UEAC-CM-639 portant Réglementation des Pratiques Étatiques
Affectant le Commerce entre les États membres de la CEMAC interdit, dans la mesure où elles affectent les
échanges entre États membres, les aides directes accordées par les États membres ou celles octroyées au moyen
de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en
favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
difficultés. Cela est bien mis en exergue par un auteur lorsqu’il souligne que « l’évolution
historique récente est caractérisée par l’émergence d’une vision plus globale et plus précoce
des difficultés des entreprises. On n’attend plus que les entreprises soient en état de cessation
des paiements avant de s’intéresser à leur situation »27. Pour concrétiser cette logique, à côté
du règlement préventif qui survit à l’ancien acte uniforme (§ 2), le législateur a consacré la
conciliation (§ 1) comme nouvelle procédure préventive.

§ 1- LA CONCILIATION
L’un des points forts de la réforme intervenue en 2015 est la consécration de la procédure de
conciliation comme procédure préventive des difficultés d’entreprise. À travers cette
consécration, le législateur manifeste, sans aucun doute, son souci de mieux protéger le tissu
économique de l’espace OHADA en permettant aux entreprises d’éviter que les difficultés
qu’elles rencontrent ne puissent déboucher sur la cessation des paiements qui est susceptible
d’entrainer leur liquidation. Elles ont ainsi, et à titre illustratif, la possibilité, lorsque les
difficultés s’annoncent, d’inviter rapidement les créanciers ou certains d’entre eux à négocier
un accord. Le but visé est assurément de promouvoir les négociations privées et les accords
extrajudiciaires entre le débiteur et ses créanciers afin de sauvegarder les entreprises en
difficulté et, en même temps, améliorer les taux de recouvrement des créances au profit des
créanciers, qu’ils soient munis de sûretés ou non. Pour bien comprendre le régime de cette
procédure nouvellement consacrée en droit des procédures collectives OHADA, il est important
de consacrer les développements sur l’étude de sa mise en œuvre (A) et l’office même de
conciliation (B).

A- La mise en œuvre de la procédure de conciliation

Comme le dit l’article 2 l’alinéa 1er AUPCAP révisé, « La conciliation est une procédure
préventive, consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la cessation des paiements de
l’entreprise débitrice afin d’effectuer, en tout ou partie, sa restructuration financière ou
opérationnelle pour la sauvegarder. Cette restructuration s’effectue par le biais de
négociations privées et de la conclusion d’un accord de conciliation négocié entre le débiteur
et ses créanciers ou, au moins ses principaux créanciers, grâce à l’appui d’un tiers neutre,

27
cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32.
impartial et indépendant dit conciliateur ». Il en résulte que cette procédure présente des
caractères propres et ne peut être mise en œuvre que lorsque des conditions précises sont réunies

1- Les conditions de mise en œuvre de la procédure de conciliation


Au rang des conditions exigées pour la mise en œuvre de la procédure de conciliation, il faut
préciser que sur le plan objectif, le débiteur ne doit pas être déjà en état de cessation des
paiements. C’est en cela que cette procédure mérite sa place dans la catégorie des procédures
préventives, puisqu’il s’agit de prévenir les difficultés en évitant la cessation des paiements.
Autrement dit, la procédure de conciliation ne doit être mise en œuvre que lorsque les difficultés
rencontrées par l’entreprise sont naissantes. Cela suppose que l’entreprise dispose d’un bon
dispositif de veille pour détecter à temps les signes précurseurs des difficultés pouvant entraver,
si rien n’est fait, le bon fonctionnement de ses activités.

Sur le plan subjectif, partant des dispositions de l’article 5.1 AUPCAP28 révisé, un auteur
conclut que cette procédure a les « mêmes justiciables que les autres procédures »29. Il faut
préciser que le débiteur n’est pas tenu d’y impliquer tous les créanciers ou co-contractants, dans
la mesure où l’acte uniforme lui reconnait la possibilité de ne négocier qu’avec ses principaux
créanciers. Il est ainsi laissé au débiteur une marge de manœuvre importante permettant de
choisir avec quel créancier négocier. Ce pouvoir laissé au débiteur en difficulté permet de
comprendre certains griefs formulés pour démontrer l’inefficacité et l’impertinence de cette
procédure. Notamment, il est reproché à cette procédure l’absence du caractère collectif. Il est
en effet précisé à l’alinéa 1er de l’article 2 de l’AUPCAP que cette procédure consiste en de «
négociations privées ». Ce mode de négociation est de nature à porter atteinte au principe
d’égalité des créanciers ainsi qu’il engendre un risque de fraude outre le fait qu’au regard de la
finalité de sauvegarde poursuivie, il n’est pas exclu que cette procédure débouche sur un
engagement pris à la légère par le débiteur prêt à tout pour obtenir l’allégement de ses dettes30.

2- Les caractères de la procédure de conciliation

Cette procédure présente plusieurs caractères.

28
Ce texte dispose : « La conciliation est ouverte aux personnes visées par l'article 1-1 ci-dessus, qui
connaissent des difficultés avérées ou prévisibles mais qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements
».
29
Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 34.
30
M.-C. Coquelet, Entreprises en difficulté et instruments de paiement et de crédit, Dalloz, 5e éd., 2015, n° 48.
Cité par Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le
règlement préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 34.
D’abord, elle a un caractère préventif en ce qu’elle est destinée à éviter la cessation des
paiements et à assurer la sauvegarde de l’entreprise.

Ensuite, elle a un caractère consensuel en ce qu’elle repose sur la volonté libre des parties
prenantes. Aussi, son caractère consensuel peut se justifier par le fait qu’elle ne s’impose pas
au débiteur qui est libre d’y recourir. En effet, en face des difficultés naissantes, il peut décider
de proposer directement un concordat préventif dont l’homologation entrainera la mise en place
d’une procédure de règlement préventif.

Enfin, la conciliation est une procédure confidentielle. Cette confidentialité vise sans doute
à éviter l’effet d’amplification des difficultés pouvant résulter d’une éventuelle publicité. En
effet, comme l’indique la doctrine, la confidentialité « permet au débiteur de conserver une
discrétion sur ses difficultés et sur les tentatives pour y remédier. La publicité de l’ouverture
d’une procédure de prévention ou de traitement des difficultés, quelle qu’elle soit, a tendance
à alerter ses partenaires, ses clients, ses fournisseurs, etc., et risque ainsi d’avoir un effet
d’amplification de ces difficultés »31. Cette confidentialité s’impose à toute personne32 ayant eu
connaissance de la procédure de conciliation33. Notamment, il est précisé que « la décision
ouvrant la conciliation ou rejetant la demande d’ouverture ne fait l’objet d’aucune publicité
»34.

Contrairement aux autres procédures consacrées par l’acte uniforme, la procédure de


conciliation présente la particularité de ne pas être véritablement collective car, comme il a été
révélé ci-dessus, il est laissé au débiteur en difficulté de ne négocier qu’avec certains créanciers.

B- L’office de conciliation

Deux acteurs majeurs animent la procédure de conciliation, il s’agit du président de la


juridiction compétente et du conciliateur.

S’agissant du président de la juridiction compétente, il faut préciser que c’est lui qui est saisi
de la requête. Cette requête peut émaner uniquement du débiteur ou être conjointement signée

31
Cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 34.
32
Appliquant une disposition similaire, la jurisprudence française a admis que la confidentialité de la procédure
de conciliation, qui « se justifie par la nécessaire protection due aux entreprises engagées dans un processus de
négociation avec leurs créanciers, une telle divulgation étant de nature à compromettre le succès du processus en
cours, voire la pérennité de l’entreprise » était opposable aux organes de presse. Cass. com., QPC, 4 oct. 2018, n°
18-10688. https://www.gazette-du-palais.fr/actualites-juridiques/jur-liberte-de-la-presse-et-secret-des-affaires/.
33
Art. 5.1, al. 3, AUPCAP révisé.
34
Art. 5.3, al. 2, AUPCAP révisé.
par le débiteur et certains créanciers. La requête doit exposer les difficultés du débiteur ainsi
que les moyens d’y faire face. Par ailleurs, elle doit être accompagnée d’un ensemble de pièces
permettant à la juridiction saisie d’apprécier l’opportunité de la demande et la pertinence des
mesures proposées. Lorsqu’il juge la mesure opportune, le président de la juridiction
compétente, statuant à huis clos, ouvre la conciliation pour une durée n’excédant pas trois (3)
mois. Ce délai peut exceptionnellement, par une décision spécialement motivée, être prorogé
d’un mois au plus à la demande du débiteur, après avis écrit du conciliateur. À l’expiration de
ces délais, la conciliation prend fin de plein droit et il ne peut être ouvert une nouvelle procédure
de conciliation avant expiration d’un délai de trois (3) mois35.

Pour conduire matériellement la procédure de conciliation, le président de la juridiction


compétente désigne, dans la décision d’ouverture, un conciliateur36.

Des dispositions de l’acte uniforme, il résulte que le conciliateur doit avoir le plein exercice
de ses droits civils, justifier de sa compétence professionnelle et demeurer indépendant et
impartial vis-à-vis des parties concernées par la conciliation. Dès qu’il est informé de sa
désignation, le conciliateur atteste qu’il remplit, à sa connaissance, les conditions prévues par
l’AUPCAP révisé, communes à tous les mandataires de justices, et présentées ci-dessous37. À
tout moment, durant le déroulement de la conciliation, s’il lui apparaît qu’il ne remplit plus ces
conditions, il en informe sans délai le président de la juridiction compétente qui, s’il y a lieu,
peut mettre fin à sa mission et nommer un remplaçant.

Dans le cadre de l’exercice de sa mission, le conciliateur perçoit une rémunération dont les
modalités sont définies par le président de la juridiction avec l’accord du débiteur au jour de
l’ouverture de la conciliation. Les critères sur la base desquels elle est arrêtée, son montant
maximal chiffré et le montant des provisions sont précisés dans un document signé par le
débiteur et le conciliateur et annexé à la décision d’ouverture. Si au cours de sa mission, le
conciliateur estime que le montant initialement déterminé est insuffisant, il doit en informer
sans délai le président de la juridiction qui fixe les nouvelles conditions avec l’accord du
débiteur. À défaut d’accord, il est mis fin à la mission du conciliateur. La rémunération du
conciliateur est à la charge du débiteur et fait l’objet d’une ordonnance de taxe38.

35
Art. 5.3, al. 1er AUPCAP révisé.
36
Art. 5.4, al. 1er AUPCAP révisé.
37
Voir précisément les développements concernant le statut de l’expert contenus dans le § 2 suivant.
38
Art. 5.4, al. 4 AUPCAP révisé.
Le conciliateur rend compte régulièrement de sa mission au président de la juridiction
compétente, de même, s’il survient, pendant l’instance de conciliation, la cessation des
paiements du débiteur, le conciliateur doit en informer le président de la juridiction compétente.
Dans ce cas, le président de la juridiction compétente met fin sans délai à la conciliation et à la
mission du conciliateur, après avoir entendu le débiteur et le conciliateur.

La mission du conciliateur est de favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux


créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à
mettre fin aux difficultés de l’entreprise39 ; mais, il faut garder à l’esprit que le conciliateur n’est
pas tenu d’une obligation de résultat. D’ailleurs, en cas d’impossibilité de parvenir à un accord,
le conciliateur présente, sans délai, un rapport écrit au président. Celui-ci met fin à sa mission
et à la conciliation, après avoir entendu le débiteur40. Ces dispositions reflètent bien l’esprit de
la procédure de conciliation. En effet, si dans certains cas, la loi peut obliger les parties ou leur
proposer simplement de passer par une phase de conciliation, elle ne les contraint jamais à
l’achever par un accord. C’est ainsi, que le législateur OHADA prévoit qu’au cas où le débiteur,
qui n’est pas en état de cessation des paiements, souhaite mettre fin à la procédure de
conciliation, le président de la juridiction compétente doit y mettre fin sans délai41.

Lorsque la procédure aboutit à un accord, il peut, à la requête de la partie la plus diligente,


être déposé aux rangs des minutes d’un notaire ou être homologué ou exequaturé par la
juridiction ou l’autorité compétente statuant à huis clos. En principe, l’homologation ou
l’exequatur est de droit et ne peut être refusé que si l’accord est contraire à l’ordre public ; le
greffier appose la formule exécutoire ; des copies valant titre exécutoire peuvent être délivrées
aux parties à l’accord ; la décision d’homologation ou d’exequatur ne fait l’objet d’aucune
publicité et ne reprend pas le contenu de l’accord qui reste confidentiel42.

À côté de la conciliation, il peut être opportun de recourir à l’autre procédure préventive


qu’est le règlement préventif.

§ 2- LE RÈGLEMENT PRÉVENTIF
Aux termes de l’article 6 AUPCAP révisé, le règlement préventif est ouvert au débiteur qui,
sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés financières ou économiques

39
Art. 5.5, al. 1 AUPCAP révisé.
40
Art. 5.8, al. 1 AUPCAP révisé.
41
Art. 5..8, al. 2 AUPCAP révisé.
42
Art. 5.10 AUPCAP révisé.
sérieuses. Il est destiné à éviter la cessation des paiements ou la cessation d’activités de
l’entreprise et de permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat préventif. Le
règlement préventif n’a donc pas pour but l’évitement des difficultés des entreprises, mais,
d’empêcher leur aggravation qui pourrait déboucher sur la cessation de leurs paiements. Il n’est
donc pas faux de croire qu’il n’est pas si préventif qu’il le prétend, ou mieux, que son nom
l’indique, car intervenant dans la pratique souvent tard. La mise en œuvre de cette procédure
repose sur une décision prise par la juridiction compétente (A), laquelle peut faire l’objet de
voies de recours (B). À côté du régime de droit commun, le législateur a organisé pour les
entreprises de petite taille, une procédure simplifiée (C).

A- La prise de décision

Avant le prononcé de la décision d’ouverture (2), admettant le débiteur en règlement


préventif, la juridiction compétente doit être saisie par requête (1). La décision ouvrant la
procédure de règlement préventif désigne un expert, organe technique de cette procédure (3)
chargé d’établir un rapport sur la base duquel la juridiction compétente pourra décider
d’homologuer le concordat préventif (4).

1- La requête

La juridiction compétente 43 est saisie par une requête du débiteur ou par une requête
conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers, déposée au greffe contre
récépissé44. Cette requête doit contenir un exposé des difficultés économiques et financières du
débiteur et présenter les perspectives de redressement de l’entreprise et d’apurement de son
passif. Cette requête ne peut être présentée à tout moment ; ainsi, elle ne sera pas recevable si
un concordat préventif ou de redressement est encore en cours d’exécution ou, si elle est
présentée avant l’expiration d’un délai de trois (03) ans à compter de l’homologation d’un
précédent concordat préventif 45 . De même, le débiteur ne peut présenter une requête avant
l’expiration d’un délai de dix-huit (18) mois à compter de la fin d’un règlement préventif
n’ayant pas abouti à un concordat préventif46.

43
Pour le Cameroun, cette juridiction est le TGI du lieu d’exercice du commerce ou du lieu du siège de la personne
morale,
44
Art. 6, al. 2 AUPCAP révisé.
45
Quelle voie s’ouvre alors au débiteur si avant l’écoulement de ce délai, il voit s’annoncer une cessation des
paiements de sa part ? Ne pouvant pas bénéficier du règlement préventif, il lui faudra peut-être laisser arriver
l’échéance de quelques dettes pour déclencher la procédure de redressement judiciaire.
46
Art. 6, al. 3 AUPCAP révisé.
Pour permettre à la juridiction compétente de bien apprécier la situation du débiteur, celui-
ci doit joindre à la requête un ensemble de documents datant de moins de 30 jours, datés, signés
et certifiés conformes et sincères par le requérant. Au rang de ces documents, figurent un
document de nature à prouver la régularité de l’activité exercée47 par le débiteur, le projet du
concordat préventif, les états financiers de synthèse, un état de trésorerie, un document
indiquant le nombre de travailleurs et le montant des salaires et des charges salariales à la date
de la demande, l’inventaire des biens du débiteur, si le débiteur est une personne morale, la liste
des membres solidairement responsables48.

Le projet de concordat préventif, dont l’absence entraine l’irrecevabilité de plein droit de la


requête, doit préciser les mesures envisagées pour le redressement de l’entreprise dont
notamment les modalités de continuation de l’entreprise ; les noms, prénoms, qualités et
adresses des personnes tenues d’exécuter le concordat préventif et l’ensemble des engagements
souscrits par elles et nécessaires au redressement de l’entreprise ; le niveau et les perspectives
d’emploi, ainsi que les licenciements pour motif économique qui doivent intervenir dans les
conditions prévues par les dispositions du droit du travail et le remplacement de dirigeants.

2- La décision d’ouverture

Si le projet de concordat préventif lui paraît sérieux, le président de la juridiction compétente


ouvre la procédure et désigne un expert au règlement préventif, qui satisfait aux conditions et
critères de l’article 4-2 dont le contenu a été rappelé ci-dessus, pour lui faire rapport sur la
situation financière et économique de l’entreprise débitrice et les perspectives de redressement,
compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes
autres mesures contenues dans le projet de concordat préventif.

Cette décision d’ouverture du règlement préventif suspend ou interdit toutes les poursuites
individuelles tendant à obtenir le paiement des créances nées antérieurement à ladite décision
pour une durée maximale de trois (03) mois, qui peut être prorogée d’un (01) mois 49 . La
suspension des poursuites individuelles concerne aussi bien les voies d’exécution que les
mesures conservatoires, y compris toute mesure d’exécution extrajudiciaire. Elle s’applique à
toutes les créances chirographaires et à celles garanties par un privilège général, un privilège
mobilier spécial, un gage, un nantissement ou une hypothèque, à l’exception des créances de

47
Attestation d’inscription au RCCM par exemple.
48
Pour plus de détails, voir Art. 6.1 AUPCAP révisé.
49
Art. 9 AUPCAP révisé.
salaires et d’aliments. Cependant, elle ne s’applique pas aux actions tendant à la reconnaissance
des droits ou des créances contestées, ni aux actions cambiaires dirigées contre les signataires
d’effets de commerce autres que le bénéficiaire de la suspension des poursuites individuelles.

La suspension des poursuites contre le débiteur peut être invoquée par des personnes
physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien
en garantie.

Les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance, prescription ou résolution de leurs
droits sont suspendus pendant toute la durée de la procédure en cours et, les intérêts légaux ou
conventionnels consentis en leur faveur continuent, sauf remise de leur part, de courir contre le
débiteur et seule leur exigibilité est suspendue50.

En contrepartie de la suspension des poursuites individuelles imposée aux créanciers,


l’article 11 de l’AUPCAP révisé interdit au débiteur, sauf autorisation motivée du Président de
la juridiction compétente et ce, à peine de nullité de droit de payer, en tout ou en partie, les
créances nées antérieurement à la décision d’ouverture et de faire un acte de disposition étranger
à l’exploitation normale de l’entreprise ou de consentir une sûreté. Il est également interdit au
débiteur de désintéresser les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle
ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie lorsqu’elles ont acquitté des créances nées
antérieurement à la décision d’ouverture.

3- L’organe technique du règlement préventif : l’expert

Il convient, à ce niveau, d’analyser les conditions d’accès et d’exercice de la fonction


d’expert (a) avant de présenter le rôle qui est le sien (b).

a. Les conditions d’accès et d’exercice des fonctions d’expert51

L’expert est un organe décisif dans la procédure du règlement préventif. C’est en effet sur
son rapport que le juge va se prononcer sur la demande du débiteur. C’est lui qui indique au
juge si le concordat préventif soumis par le débiteur est sérieux ou pas. Dans ce contexte, le
législateur OHADA a redéfini son statut pour permettre de ne reconnaître cette qualité qu’aux
personnes qui remplissent un certain nombre de conditions. C’est ainsi qu’il dispose que « nul

50
Art. 10 AUPCAP révisé.
51
En général, les développements faits sous cet intitulé concernent aussi le syndic du redressement judiciaire ou
de la liquidation des biens. C’est pourquoi en général, les expressions globalisantes « mandataire » ou « mandataire
judiciaire » sont le plus souvent utilisées.
ne peut être désigné en qualité d’expert au règlement préventif ou de syndic dans une procédure
de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens s’il n’est inscrit
sur la liste nationale des mandataires judiciaires »52.

L’inscription requise ici ne peut être obtenue que si le candidat satisfait à un ensemble
d’aptitudes. Précisément, le candidat à l’inscription sur la liste nationale des mandataires
judiciaires doit : avoir le plein exercice de ses droits civils et civiques ; n’avoir subi aucune
sanction disciplinaire autre que l’avertissement ou une condamnation définitive à une peine
privative de liberté pour un crime de droit commun, ou à une peine d’au moins trois (03) mois
d’emprisonnement, non assortie de sursis, pour un délit contre les biens ou une infraction en
matière économique ou financière qui est incompatible avec l’exercice de la fonction de
mandataire judiciaire ; être expert-comptable ou être habilitée par la législation nationale ;
justifier d’un domicile fiscal dans l’État partie dans lequel elle sollicite son inscription et être à
jour de ses obligations fiscales ; et, présenter des garanties de moralité jugées suffisantes par
l’autorité ou la juridiction compétente de l’État partie. Chaque État partie peut ajouter à la liste
ci-dessus des conditions supplémentaires (art 4.2 AUPCAP révisé).

La liste nationale des mandataires judiciaires est publiée au journal officiel de chaque État
partie et au journal officiel de l’OHADA. Elle est communiquée sans délai aux juridictions de
l’État partie concerné. Les décisions d’admission ou de refus d’admission doivent préciser le
ou les motifs qui les justifient et peuvent faire l’objet d’un recours formé devant la juridiction
compétente dudit État (art. 4.3).

L’expert dans le règlement préventif, tout comme le syndic dans les procédures de
redressement judiciaire et de liquidation des biens, doit présenter par rapport à la procédure
dans laquelle il a été désigné, des garanties d’indépendance et d’impartialité. En effet, puisque
les missions qui leur sont assignées sont délicates en ce qu’elles consistent essentiellement à
arbitrer entre le sort d’une entreprise débitrice et les intérêts des créanciers, le législateur
uniforme a voulu éviter tout risque de conflit d’intérêts et de favoritisme à l’égard du débiteur
ou des créanciers. C’est ainsi qu’il est interdit à tout mandataire la possibilité de représenter ou
de conseiller l’une des parties, y compris le débiteur et ses créanciers, dans une procédure
collective dans laquelle il est désigné.

52
Art. 4.1 AUPCAP révisé
Pour s’assurer de cette indépendance et de cette impartialité, un dispositif prudentiel est mis
en place par le législateur. D’abord, lorsqu’une personne est pressentie pour être désignée
mandataire dans le cadre d’une procédure, elle est tenue de signaler au président de la juridiction
compétente, sans délai, toute circonstance de nature à soulever des doutes légitimes sur son
indépendance, sa neutralité et son impartialité en vertu des incompatibilités énoncées au présent
article ainsi que celles visées à l’article 4-5 ci-dessous53. Ensuite, lorsqu’il est désigné, « tout
mandataire judiciaire doit signer une déclaration d’indépendance, de neutralité et
d’impartialité avant d’entrer en fonction dans une procédure collective, et s’engager à
l’assumer en toute responsabilité ». Pour amener les mandataires judiciaires à prendre
véritablement conscience du poids de la responsabilité qui leur incombe, il leur est fait
obligation de prêter serment avant d’entrer en fonction54.

À ces exigences, il faut sans doute rappeler que du fait de ses missions et de la loyauté qui
est attendue de lui vis-à-vis de tous les protagonistes, une obligation de désintéressement
s’impose au mandataire. Ainsi, un mandataire désigné dans une procédure collective ne doit
pas avoir ou tirer un intérêt personnel, moral ou financier dans le mandat qui lui est confié55.
Cependant, cela ne signifie pas que sa fonction est gratuite. L’interdiction qui lui est faite de
tirer un intérêt personnel ne vise que l’intérêt non prévu par l’acte uniforme. En conséquence,
comme l’indique l’article 4.16 AUPCAP révisé, « les mandataires judiciaires sont rémunérés
sur le patrimoine du débiteur pour les diligences effectuées dans le cadre des procédures
collectives dans lesquelles ils sont désignés ». Pour éviter une double rémunération, ce texte
continue en précisant que « la rémunération des mandataires judiciaires est exclusive de toute
autre rémunération et remboursement de frais pour les mêmes diligences ». Ainsi, lorsque la

53
Il ressort de ces textes que ne peuvent être désignés notamment mandataires judiciaires dans une procédure les
parents ou alliés du débiteur ou des créanciers jusqu'au quatrième degré inclusivement, ainsi que des dirigeants
de la personne morale en procédure collective ; l'expert-comptable, l'avocat, le comptable agréé ou le commissaire
aux comptes du débiteur ou d'un de ses créanciers ; les personnes physiques qui ont eu précédemment ou qui ont
actuellement un différend avec le débiteur ou un de ses créanciers ; les personnes physiques qui, au cours des trois
(03) années précédant leur nomination, ont perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une
rémunération de la part du débiteur ou d'un de ses créanciers et les personnes physiques qui se trouvent en situation
de subordination ou ayant des liens économiques avec le débiteur ou un de ses créanciers. Plus généralement, la
fonction de mandataire judiciaire est incompatible avec « toute autre activité de nature à porter atteinte à son
indépendance, sa neutralité et son impartialité » (Art 4.5 AUPCAP révisé).
54
La formule de ce serment est : « « Je jure d’accomplir ma mission avec honneur, conscience, loyauté et probité,
d’observer le respect dû aux magistrats et aux autorités publiques, de me conformer en toute occasion au droit
applicable et de tout mettre en œuvre pour l’atteinte des objectifs de ma mission ». cf. art. 4.4 in fine. 1 in fine.
55
Art. 4.4, al.
mission du mandataire désigné est définie, tous les actes qui entrent dans cette mission, étant
déjà pris en compte dans la détermination de la rémunération qu’il perçoit, il n’est plus question
que d’autres frais lui soient remboursés pour lesdits actes. Cet encadrement de la rémunération
des mandataires judiciaires vise sans doute à résoudre le problème décrié de la trop forte
rémunération des syndics dans le cadre des procédures diligentées sous l’ancien acte uniforme
et qui empêchait finalement que les créanciers puissent être désintéressés suffisamment56.

Concernant l’expert du règlement préventif spécialement, il est précisé que sa rémunération


est déterminée par la juridiction compétente dans la décision homologuant ou rejetant le
concordat préventif ou, le cas échéant, mettant fin au règlement préventif en l’absence de
concordat, selon le barème 57 fixé par la réglementation de chaque État partie 58 . Pour le
règlement préventif simplifié, l’État partie peut fixer un montant forfaitaire pour la
rémunération de l’expert au règlement préventif.
Le manquement à l’obligation d’indépendance, de neutralité et d’impartialité peut donner
lieu à l’ouverture d’une procédure disciplinaire pouvant déboucher sur l’une des sanctions
suivantes : avertissement ; blâme avec inscription au dossier ; suspension d’exercer pour une
durée qui ne peut excéder trois (03) années ; ou, radiation de la liste nationale des mandataires
judiciaires emportant interdiction définitive d’exercer. Le cas échéant, la sanction prise est
notifiée au mandataire judiciaire concerné ainsi qu’à son instance représentative, à l’ordre
national des experts comptables et, le cas échéant, à l’ordre auquel il est inscrit, ainsi qu’à toute
autre organisation professionnelle dont le mandataire judiciaire fait partie et au ministère public
de l’État partie concerné59.
Les sanctions disciplinaires qui viennent d’être mentionnées n’empêchent pas que la
responsabilité d’un mandataire judiciaire puisse, lorsque le manquement qui lui est imputable a
causé du préjudice à autrui (notamment le débiteur ou un créancier) que ce dernier puisse alors
mettre en cause sa responsabilité civile 60 devant la juridiction compétente en matière des

56
V. cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘‘Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le
règlement préventif ‘‘, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 32.
57
Ce barème tient compte notamment du temps passé et des difficultés éventuellement rencontrées et du nombre
de créanciers concernés par le règlement préventif. Chaque État partie peut ajouter à cette liste des critères
supplémentaires.
58
Art. 4.17 AUPCAP révisé.
59
Cf. art. 4.6 à 4.9 AUPCAP révisé
60
Suivant les règles classiques de la responsabilité civile, la responsabilité civile du mandataire judiciaire peut être
engagée pour son fait personnel ou du fait d’un tiers dont il a sollicité les services dans le cadre de ses missions.
Cf Art. 4.12, al 2 AUPCAP révisé.
procédures collectives du lieu où est établi ce mandataire61. De même, le manquement peut
constituer une infraction pénale, et, dans ce cas, la responsabilité pénale du mandataire
judiciaire concerné pourra être engagée.

Pour couvrir sa responsabilité civile le cas échéant, toute personne inscrite sur la liste
nationale des mandataires judiciaires est tenue de contracter, auprès d’une compagnie
d’assurance régulièrement établie dans l’État partie concerné, une assurance destinée à garantir
la réparation des préjudices causés dans l’exercice de ses fonctions conformément au présent
Acte uniforme. Elle doit pouvoir justifier à tout moment de la validité et de l’effectivité de cette
assurance62.

b. Le rôle de l’expert

L’expert est informé, sans délai, de sa mission par le président de la juridiction compétente
par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de
réception ou par tout moyen laissant trace écrite.

Sa révocation peut être prononcée par la juridiction compétente soit d’office, soit à la
demande du débiteur ou de tout créancier. Il en sera notamment ainsi lorsque l’expert aura
manqué à l’obligation de diligence qui lui incombe dans la conduite de sa mission ou lorsqu’il
sera tombé sous le coup d’une incompatibilité63.

Comme mission, l’expert est chargé de faire à la juridiction compétente rapport sur la
situation financière et économique de l’entreprise débitrice et les perspectives de redressement,
compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes
autres mesures contenues dans le projet de concordat préventif. Dans ce cadre, il a le droit, en
dépit de toute disposition réglementaire ou législative contraire, d’obtenir communication par
le ou les commissaires aux comptes, les comptables, les représentants du personnel, les
administrateurs publics, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales, les établissements
bancaires ou financiers ainsi que les établissements chargés de centraliser les risques bancaires
et les incidents de paiement, de tout document et de toute information de nature à l’éclairer sur
la situation économique et financière réelle du débiteur. L’expert au règlement préventif rend

61
Article 4.17 AUPCAP révisé : « L'action en responsabilité civile engagée à l'encontre du mandataire judiciaire
relève de la compétence de la juridiction de l'État partie en charge des procédures collectives du lieu où ce
mandataire est établi. Cette action est exercée au cours de la procédure ou dans un délai de trois (3) ans à compter
de la clôture de la procédure ou de la fin de l'exécution du concordat ».
62
Art. 4.14 AUPCAP révisé.
63
Art. 8.1, al 2 AUPCAP révisé.
compte régulièrement, au président de la juridiction compétente, de l’état d’avancement de sa
mission et formule toutes observations utiles. S’il a connaissance de la survenance de la
cessation des paiements, il en informe sans délai le président de la juridiction compétente.

L’expert est chargé de signaler à la juridiction compétente tous les manquements du débiteur
à ses obligations issues de l’article 11 de l’AUPC. L’expert a le pouvoir d’entendre le débiteur
et ses créanciers dans le but de leurs prêter ses bons offices pour parvenir à la conclusion d’un
concordat. L’expert doit déposer son rapport sur la situation générale de l’entreprise au plus
tard trois (3) mois après sa désignation, sauf possibilité, à titre exceptionnel, pour le Président
de la juridiction compétente de proroger d’un mois ce délai sur décision spécialement motivée.

Si l’expert ne respecte pas ce délai, il risque d’engager sa responsabilité auprès du débiteur ou


des créanciers.

4- La décision d’homologation du concordat

Dès le dépôt du rapport de l’expert, le président de la juridiction compétente saisie convoque,


sans délai, le débiteur à comparaître à une audience non publique pour y être entendu. Il
convoque également à cette audience l’expert ainsi que tout créancier qu’il juge utile
d’entendre. Le débiteur peut saisir lui-même la juridiction compétente. Celle-ci doit, en
audience non publique, se prononcer immédiatement ou au plus tard dans un délai de trente (30)
jours à compter de sa saisine faute de quoi le règlement préventif prend fin de plein droit, les
créanciers recouvrant l’exercice de tous leurs droits et le débiteur recouvrant la pleine
administration de ses biens.

Lorsque la situation du débiteur le justifie, la juridiction compétente homologue le concordat


préventif, en constatant les délais et remises consentis par les créanciers et en donnant acte au
débiteur des mesures proposées pour le redressement de l’entreprise. Les délais et remises
consentis par les créanciers peuvent être différents. Cependant, il faut préciser que le concordat
préventif ne peut être homologué que si, non seulement, les conditions de validité du concordat
préventif sont réunies, aucun motif tiré de l’intérêt collectif ou de l’ordre public ne paraît de
nature à empêcher le concordat et que les délais consentis n’excèdent pas trois (03) ans pour
l’ensemble des créanciers et un (01) an pour les créanciers de salaires.

Au cas où des créanciers auraient refusé de consentir des délais ou remises au débiteur, le
président de la juridiction compétente fait ses bons offices entre ces créanciers et le débiteur. Il
entend ces derniers sur les motifs de leur refus et provoque une négociation entre les parties en
vue de leur permettre de parvenir à un accord. Si malgré les bons offices du président, les parties
ne parviennent pas à trouver un accord et dans le cas où le concordat préventif comporte
seulement une demande de délai n’excédant pas deux (02) ans, la juridiction compétente peut
rendre ce délai opposable aux créanciers qui ont refusé tout délai et toute remise sauf si ce délai
met en péril l’entreprise de ces créanciers. Les créanciers de salaires et ceux d’aliments ne
peuvent consentir aucune remise, ni se voir imposer un délai qu’ils n’ont pas consenti eux-
mêmes.

Si, sur le rapport de l’expert, la juridiction compétente constate plutôt que le débiteur est en
état de cessation des paiements, elle statue, d’office, sur le redressement judiciaire ou la
liquidation des biens sans préjudice des dispositions des articles 29 et 33 AUPCAP. En
revanche, si elle estime que la situation du débiteur ne relève d’aucune procédure collective ou
si elle rejette le concordat préventif proposé par le débiteur, le règlement préventif prend fin
sans délai. Cette décision remet les parties en l’état antérieur.

La décision de la juridiction compétente homologuant le concordat préventif met fin à la


mission de l’expert et à la procédure de règlement préventif. Dès que cette décision est passée
en force de chose jugée, le débiteur recouvre la liberté d’administration et de disposition de ses
biens. Cependant, le concordat préventif peut être résolu ou annulé.

Selon l’article 140 de l’AUPCAP révisé, le concordat est annulé en cas de dol résultant d’une
dissimulation d’actif ou d’une exagération du passif, si ce dol a été découvert après
l’homologation du concordat. Quant à la résolution, elle est prononcée, d’après l’article 139
AUPCAP révisé, en cas d’inexécution par le débiteur de ses obligations concordataires, lorsque
le débiteur est frappé d’une interdiction d’exercer une activité commerciale, lorsque s’agissant
d’une personne morale, ses dirigeants contre lesquels une faillite personnelle ou une interdiction
de diriger a été prononcée continuent d’exercer en droit ou en fait ces missions. La juridiction
compétente apprécie souverainement l’opportunité du prononcé de la résolution ou de la nullité
du concordat.

Il faut préciser que si la juridiction compétente constate, à travers le rapport de l’expert, la


cessation des paiements, elle prononce, d’office, et à tout moment, le redressement judiciaire
ou la liquidation des biens sans préjudice des dispositions de l’article 29 AUPCAP. Le choix
de la procédure, redressement judiciaire ou de liquidation des biens, sera fonction de la capacité
du débiteur à produire un concordat sérieux. Selon l’article 141 de l’AUPC, en cas de résolution
ou d’annulation du concordat préventif, la juridiction compétente doit prononcer le
redressement judiciaire ou la liquidation des biens, si elle constate la cessation des paiements.
Au contraire, en cas de résolution ou d’annulation du concordat de redressement, la juridiction
compétente convertit le redressement judiciaire en liquidation des biens si elle constate la
cessation des paiements du débiteur et nomme un syndic. Il est constitué une seule masse de
créanciers antérieurs et postérieurs au concordat.

B- Les voies de recours contre une décision admettant le débiteur en règlement


préventif
D’entrée de jeu, il est utile de préciser que les décisions de la juridiction compétente relatives
au règlement préventif sont exécutoires par provision64.

Les décisions rejetant la demande d’ouverture du règlement préventif ou mettant fin au


règlement préventif par application de l’article 9-1 AUPCAP, ou rejetant l’homologation du
concordat préventif sont susceptibles d’appel formé par le débiteur devant la cour d’appel, dans
un délai de quinze (15) jours à compter de leur prononcé.

La décision d’ouverture du règlement préventif est susceptible d’appel de la part des


créanciers et du ministère public, formé devant la cour d’appel, dans un délai de quinze (15)
jours à compter de la première publicité prévue à l’article 37 AUPCAP s’ils estiment que
l’entreprise est en cessation des paiements.

Les décisions du Président de la juridiction compétente visées à l’article 11 AUPCAP ne


peuvent faire l’objet que d’une opposition devant ladite juridiction dans un délai de 8 jours.

Si la juridiction d’appel constate la cessation des paiements, elle fixe provisoirement la date
de celle-ci et prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens et renvoie
impérativement la procédure devant la juridiction compétente pour être statué, notamment, sur
la désignation du juge-commissaire.

Les décisions de la juridiction statuant sur l’opposition ne sont susceptibles d’aucune voie
de recours autre que le pourvoi en cassation65.

C- Le règlement préventif simplifié

L’acte uniforme révisé, prenant en compte les spécificités propres aux petites entreprises, a
institué à leur profit un régime allégé du règlement préventif. Tout n’est pas simplifié, ainsi,

64
Art. 22 AUPCAP révisé.
65
Art. 23.1, al. 4 AUPCAP révisé.
l’essentiel du régime applicable puise dans les règles ordinaires du règlement préventif. C’est
ce que traduit sans doute l’article 24 AUPCAP lorsqu’il dispose : « La procédure de règlement
préventif simplifié est soumise aux règles applicables au règlement préventif, sous réserve des
dispositions de la présente section ».

Donc, seules certaines dispositions ont fait l’objet d’aménagement pour tenir compte du
niveau de développement des petites entreprises.

L’application de ce régime simplifié ne se fait pas de façon automatique, le débiteur doit le


solliciter expressément par voie de requête déposée auprès de la juridiction compétente. Le
débiteur qui sollicite la mise en place de cette procédure doit justifier qu’il en remplit les
conditions notamment en produisant « une déclaration sur l’honneur l’attestant »66. Lorsque la
juridiction saisie constate que le débiteur remplit les conditions exigées, elle prononce
l’ouverture de la procédure de règlement préventif simplifié et cette décision ne peut faire
l’objet d’aucune voie de recours67.

L’une des particularités de la procédure de règlement préventif simplifié est qu’elle peut être
ouverte même si aucun projet de concordat préventif n’a été fourni68. Tenant compte de cela, il
est prévu que si le projet de concordat préventif prévu à l’article 13 AUPCAP n’a pas été déposé
par le débiteur au moment de la demande d’ouverture, il est établi par ce dernier avec le
concours de l’expert au règlement préventif.

L’autre particularité est que, les délais de trois (03) mois et d’un (01) mois, fixés pour la
suspension des poursuites individuelles dans le cadre de la procédure de règlement préventif
ordinaire, sont respectivement réduits à deux (02) mois et à quinze (15) jours.

66
Art. 24.2, al. 3 AUPCAP révisé.
67
Art. 24.3 AUPCAP révisé.
68
Art. 24.2, al. 2 AUPCAP révisé. Pourtant, dans le cadre de la procédure de règlement préventif ordinaire,
l’absence du projet de concordat préventif rend la requête irrecevable de plein droit.
Lorsque la situation économique et financière de l’entreprise est grave, on n’a d’autre choix
que de recourir aux modes de traitement plus énergiques. Ces modes de traitement sont le
redressement judiciaire et la liquidation des biens.

Ces deux procédures ont en commun certaines règles, bien qu’elles soient véritablement
deux procédures différentes. Pour en rendre compte, il convient dans un premier temps de
présenter le cadre de leur mise en œuvre (Chapitre I) et le régime des opérations (Chapitre II)
CHAPITRE 1 – LA MISE EN PLACE DES PROCÉDURES
DE TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS D’ENTREPRISE
Il est question, à ce niveau, d’étudier des conditions de mise en place des procédures de
traitement (Section I) et le choix de la solution prise par le juge (Section II).

SECTION 1 - LES PRÉALABLES À LA MISE EN PLACE DES


PROCÉDURES DE TRAITEMENT
Aux termes de l’article 2 AUPCAP révisé, le redressement judiciaire est une procédure
collective destinée au sauvetage de l’entreprise débitrice en cessation des paiements mais dont
la situation n’est pas irrémédiablement compromise, et à l’apurement de son passif au moyen
d’un concordat de redressement ; et, la liquidation des biens est une procédure collective
destinée à la réalisation de l’actif de l’entreprise débitrice en cessation des paiements dont la
situation est irrémédiablement compromise pour apurer son passif.

Dans le premier cas il s’agit de tenter de sauver une entreprise à la situation financière et
économique désastreuse, alors que dans le second cas, on ne peut plus rien et on se contente
d’organiser les obsèques de l’entreprise, son encéphalogramme économique étant
désespérément resté plat. Dans les deux cas, il faut, d’une part, constaté la cessation des
paiements du débiteur concerné (§ 1) et, d’autre part, en saisir la juridiction compétente (§ 2).

§ 1 - LE CONSTAT DE LA CESSATION DES PAIEMENTS


La définition que les alinéas 369 et 470 de l’article 2 AUPCAP révisé donnent respectivement
du redressement judiciaire et de la liquidation des biens insistent sur le fait que l’entreprise
débitrice qui en fait l’objet doit être en cessation des paiements. Cette notion fondamentale est
définie à l’article 25 AUPCAP révisé comme « l’état où le débiteur se trouve dans
l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l’exclusion des
situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la
part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible ». Cette définition, sans
être foncièrement différente de celle que donnait la version originelle de l’acte uniforme71 est
cependant un peu plus précise. En effet, le législateur a pris la peine d’indiquer quelques

69
Le redressement judiciaire est une procédure collective destinée au sauvetage de l'entreprise débitrice en
cessation des paiements mais dont la situation n'est pas irrémédiablement compromise, et à l'apurement de son
passif au moyen d'un concordat de redressement.
70
La liquidation des biens est une procédure collective destinée à la réalisation de l'actif de l'entreprise débitrice
en cessation des paiements dont la situation est irrémédiablement compromise pour apurer son passif.
71
L’article 25 de l’AUPC originel définissait la cessation des paiements comme étant la situation d’un débiteur
qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
éléments dont l’appréciation de la situation du débiteur devra tenir compte. Il s’agit
concrètement des délais de paiement dont serait bénéficiaire l’entreprise vis-à-vis des créanciers
et de ses réserves de crédit. Comme le souligne un auteur, cette évolution consacre « la prise
en compte de la théorie dite de la « réserve de crédit » conformément aux meilleures législations
ou pratiques internationales. Sans être indispensable parce qu’elle pouvait être
raisonnablement sous-entendue, la précision est utile du fait qu’elle apporte une réelle sécurité
juridique aux moratoires consentis par les créanciers »72. Assurément donc, par cette précision,
le nouvel AUPC entend donc faire preuve de pragmatisme pour apparaître plus attractif aux
acteurs économiques de la zone OHADA73.

Face à cette situation difficile (cessation des paiements), le débiteur doit faire une déclaration
de cessation des paiements dans les 30 jours qui suivent ce constat effectif au greffe de la
juridiction compétente contre récépissé, afin d’obtenir la liquidation de ses biens ou le
redressement judiciaire. On observe, par rapport à l’acte uniforme originel, une évolution à ce
niveau. Cette évolution se caractérise par le fait que l’acte uniforme révisé exige que, dans la
déclaration déposée au greffe, le débiteur précise « s’il demande l’ouverture d’une procédure
de redressement judiciaire ou de liquidation des biens »74. Sans doute, la juridiction compétente
devra apprécier la proposition du débiteur en tenant compte de sa situation réelle. Il faut en effet
dire que le débiteur n’est pas le maître de la situation ; la diversité des intérêts en présence exige
forcément que le juge apprécie avant de décider, sans être lié par la proposition du débiteur en
difficulté.

Pour assurer la mise en place effective de la procédure appropriée, le législateur a pris des
mesures pour contourner le défaut de déclaration de cessation de paiement par le débiteur, qu’il
s’agisse des situations d’impossibilité ou de mauvaise foi.

S’agissant de situations d’impossibilité, il est prévu que, lorsque le débiteur est décédé en
état de cessation des paiements, la juridiction compétente est saisie dans le délai d’un (01) an à
compter de la date du décès, soit sur déclaration d’un héritier, soit sur l’assignation d’un

72
cf. Filiga Michel Sawadogo, ‘’Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement
préventif ‘’, in Droit & patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 34.
73
Mamadou Konaté, ‘’ le redressement et la liquidation mieux encadrés et plus rapides’’, in Droit & patrimoine,
n° 253, décembre 2015, p. 39.
74
Art. 25, al. 5 révisé.
créancier, soit à la requête du ministère public. La juridiction compétente peut se saisir d’office
dans le même délai, les héritiers connus du débiteur étant entendus ou dûment appelés75.

Relativement au cas où le débiteur pourrait, par mauvaise foi, s’abstenir de déclarer sa


cessation des paiements, il est prévu qu’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, à
condition qu’elle soit certaine, liquide et exigible, puisse demander l’ouverture d’une procédure
de traitement contre son débiteur76. Par ailleurs, la juridiction compétente peut se saisir d’office,
notamment sur la base des informations fournies par le représentant du ministère public, les
commissaires aux comptes des personnes morales de droit privé, les membres de ces personnes
morales ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à
motiver cette saisine. De même, La juridiction compétente peut également être saisie par le
Ministère public. Dans ce cas, il fournit les éléments motivant sa demande77.

Le défaut de cette déclaration est pénalement sanctionné des peines de banqueroute,


notamment si le débiteur n’a continué l’exploitation de l’entreprise que par l’emploi des moyens
frauduleux ou ruineux.

A la déclaration de cessation des paiements, le débiteur doit joindre un certain nombre de


documents datés, signés et certifiés conformes et sincères par le déclarant, datant de moins de
30 jours. Dans le cas où l’un de ces documents ne peut être fourni, ou ne peut l’être
qu’incomplètement, la déclaration doit contenir l’indication des motifs de cet empêchement. Le
projet de concordat de redressement peut le cas échéant être déposé au même moment que la
déclaration, et si tel n’est pas le cas, le débiteur doit le déposer au plus tard, dans les soixante
(60) jours qui suivent la décision d’ouverture du redressement judiciaire, le débiteur doit
déposer un projet de concordat 78 . Cette disposition laisse comprendre que la procédure de
redressement judiciaire peut être ouverte alors que le débiteur n’a pas déposé de projet de
concordat. Or, sous l’ancien acte uniforme dont la solution paraissait bien logique, c’est
l’homologation du concordat qui donnait lieu à cette procédure, ce qui supposait que le projet
ait été déposé bien avant. Dans tous les cas, le projet de concordat doit démontrer les
perspectives de redressement de l’entreprise débitrice en fonction des possibilités et des

75
Art. 30 AUPCAP révisé.
76
Art. 28, al. 1 AUPCAP révisé.
77
Art. 29 AUPCAP révisé.
78
Art. 27 al. 1 AUPCAP révisé.
modalités d’activités, de l’état du marché et des moyens de financement disponibles et doit
également préciser les mesures et conditions envisagées pour son redressement.

En tant que critère essentiel des procédures de traitement, sa date doit être connue pour
apprécier le domaine de ses effets. En effet, la procédure est, en général, considérée comme
ayant été ouverte à la date de la cessation des paiements. C’est dans ce contexte qu’il est fait
obligation à la juridiction compétente de fixer provisoirement la date de cessation des
paiements, faute de quoi celle-ci est réputée avoir lieu à la date de la décision qui la constate.
Cette date ne peut être antérieure de plus de dix-huit (18) mois au prononcé de la décision
d’ouverture. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision
définitive ayant homologué le concordat préventif79. L’intérêt majeur lié à la fixation de cette
date est qu’elle permet de déterminer la période suspecte. Il s’agit de la période qui « commence
à compter de la date de la cessation des paiements et prend fin à la date de la décision
d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens »81. Certains actes
accomplis pendant cette période sont inopposables à la masse des créanciers80.

79
Art. 34 AUPCAP révisé.
81
Art. 67 AUPCAP révisé.
80
Article 68 AUPCAP révisé : Sont inopposables de droit à la masse des créanciers s'ils sont faits pendant la
période suspecte : 1°) tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ; 2°) tout contrat
commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédent notablement celles de l'autre partie ; 3°) tout paiement,
quel qu'en soit le mode, de dettes non échues, sauf s'il s'agit du paiement d'un effet de commerce ; 4°) tout paiement
de dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effet de commerce, virement, prélèvement, carte de paiement ou de
crédit ou compensation légale, judiciaire ou conventionnelle de dettes ayant un lien de connexité entre elles ou
tout autre mode normal de paiement ou communément admis dans les relations d'affaires du secteur d'activité du
débiteur ; 5°) toute sûreté réelle conventionnelle constituée à titre de garantie d'une dette antérieurement contractée,
à moins qu'elle ne remplace une sûreté antérieure d'une nature et d'une étendue au moins équivalente ou qu'elle
soit consentie en exécution d'une convention antérieure à la cessation des paiements ; 6°) toute inscription
provisoire d'hypothèque judiciaire conservatoire ou de nantissement judiciaire conservatoire.
Article 69 AUPCAP révisé : Peuvent être déclarés inopposables à la masse des créanciers, s'ils lui ont causé un
préjudice : 1°) les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière faits dans les six (06) mois
précédant la période suspecte ; 2°) les actes à titre onéreux si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance
de la cessation des paiements du débiteur au moment de leur conclusion ;3°) les paiements volontaires de dettes
échues si ceux qui les ont perçus ont eu connaissance de la cessation des paiements du débiteur au moment des
paiements. Par dérogation au 3° du paragraphe 1 du présent article, le paiement fait au porteur diligent d'une lettre
de change, d'un billet à ordre ou d'un chèque est opposable à la masse, sauf dans les cas suivants où une action en
rapport est possible contre : 1°) le tireur ou le donneur d'ordre en cas de tirage pour compte qui a eu connaissance
de la cessation des paiements du tiré soit au moment du tirage, soit au moment du paiement de la lettre de change
à lui fait par le tiré ; 2°) le bénéficiaire du billet à ordre qui a eu connaissance de la cessation des paiements du
souscripteur, soit au moment de l'endossement de l'effet par lui, soit au moment du paiement à lui fait par le
souscripteur ; 3°) le tireur d'un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tiré au moment de
l'émission du chèque ; 4°) le bénéficiaire d'un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tireur
au moment de l'émission du chèque ; 5°) le bénéficiaire d'un chèque qui a eu connaissance de la cessation des
paiements du tiré soit au moment de l'émission, soit au moment du paiement du chèque.
§ 2 – LA SAISINE DE LA JURIDICTION COMPÉTENTE
La seule existence de la situation de cessation des paiements ne suffit pas, il faut encore que
la juridiction compétente soit saisie d’une requête à cette fin. À ce sujet, il est exigé du débiteur
qui est en cessation des paiements qu’il fasse une déclaration, quelle que soit la nature de ses
dettes, au plus tard dans les trente (30) jours qui suivent la cessation des paiements et déposée
au greffe de la juridiction compétente contre récépissé. À cette occasion, le débiteur est tenu de
préciser dans sa déclaration la procédure exacte dont il sollicite l’ouverture (redressement
judiciaire ou liquidation des biens81. À cette déclaration, doivent être joints un ensemble de
documents datant de moins de trente (30) jours, datés, signés et certifiés conformes et sincères
par le déclarant 82. Dans le cas où l’un de ces documents ne peut être fourni, ou ne peut l’être
qu’incomplètement, la déclaration doit contenir l’indication des motifs de cet empêchement.

En même temps que la déclaration prévue par l’article 25 ci-dessus ou, au plus tard, dans les
soixante (60) jours qui suivent la décision d’ouverture du redressement judiciaire, le débiteur
doit déposer un projet de concordat qui doit démontrer les perspectives de redressement de
l’entreprise débitrice en fonction des possibilités et des modalités d’activités, de l’état du
marché et des moyens de financement disponibles et doit également préciser les mesures et
conditions envisagées pour son redressement. Dans le cadre des ces mesures, le projet de
concordat de redressement judiciaire peut établir un traitement différencié entre les créanciers
si les différences de situation le justifient.

Faute pour le débiteur de faire la déclaration exigée par l’article 25 AUPCAP révisé, la
procédure (redressement judiciaire ou liquidation des biens) pourra être ouverte à la demande
d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, à condition qu’elle soit certaine, liquide
et exigible. A cet effet, la demande du créancier doit préciser la nature et le montant de sa
créance et viser le titre sur lequel elle se fonde85. Aussi, d’après l’article 29 AUPACAP révisé,
la juridiction compétente peut se saisir d’office, notamment sur la base des informations
fournies par le représentant du ministère public, les commissaires aux comptes des personnes
morales de droit privé, les membres de ces personnes morales ou les institutions représentatives
du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver cette saisine. Elle peut également
être saisie par le Ministère public. Dans ce cas, il fournit les éléments motivant sa demande.

Lorsque le débiteur est décédé en état de cessation des paiements, la juridiction compétente
est saisie aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens dans le délai d’un (01) an à compter de la date du décès, soit sur déclaration d’un héritier,
soit sur l’assignation d’un créancier, soit à la requête du ministère public. La juridiction
compétente peut se saisir d’office dans le même délai, les héritiers connus du débiteur étant
entendus ou dûment appelés83.

81
Art. 25, al. 5 AUPCAP révisé.
82
Voir l’article 26 AUPCAP pour la liste des documents à joindre à la déclaration. 85
Art. 28, AUPCAP révisé.
83
Art. 30, AUPCAP révisé.
L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens peut être
demandée dans le délai d’un (01) an à compter de la radiation du débiteur du Registre du
commerce et du crédit mobilier, ou de sa cessation d’activité. La cessation des paiements doit,
soit être antérieure à cette radiation ou à cette cessation d’activité, soit résulter en tout ou partie
de l’activité antérieurement exercée.

L’ouverture de la procédure peut également être demandée contre un associé d’une personne
morale de droit privé indéfiniment et solidairement responsable du passif de celle-ci dans le
délai d’un (01) an à compter de la mention de son retrait au Registre du commerce et du crédit
mobilier lorsque la cessation des paiements de la personne morale est antérieure à cette mention
ou qu’elle résulte en tout ou partie de l’activité antérieurement exercée.

Dans les deux (02) cas, la juridiction compétente est saisie sur assignation d’un créancier,
sur requête du ministère public ou se saisit d’office dans les conditions prévues aux articles 28
et 29 AUPCAP révisé84. Lorsqu’elle est régulièrement saisie, elle apprécie bien la situation pour
déterminer la procédure collective appropriée.

SECTION 2 - LA SOLUTION DU JUGE


La juridiction compétente peut, lorsqu’il est établi que le débiteur est effectivement en état
de cessation des paiements, ouvrir une procédure de redressement judiciaire (§ 1) ou de
liquidation des biens85 (§ 2).

§ 1 - LE CHOIX DU REDRESSEMENT JUDICIAIRE


Avant la révision de l’acte uniforme, le critère décisif de discrimination entre le
redressement judiciaire et la liquidation des biens était la soumission d’un concordat sérieux. Il
était en effet prévu à l’article 33 de l’AUPCAP originel que le juge n’admet le débiteur au
bénéfice du redressement judiciaire que si celui-ci propose un concordat sérieux. Autrement dit,
lorsque le débiteur ne présentait pas de concordat ou que celui présenté n’était pas sérieux, on
passait immédiatement à la liquidation des biens. Ce système n’était pas très efficace en ce qu’il
conduisait trop facilement à la mise en place de la procédure de liquidation des biens, ce qui
était souvent un « gâchis économique »89.

84
Art. 31 AUPCAP révisé.
85
L’art. 33, al. 1er AUPCAP révisé dispose : « La juridiction compétente qui constate la cessation des paiements
prononce soit l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit l'ouverture de la liquidation des bien ».
89
Mamadou Konaté, ‘’ le redressement et la liquidation mieux encadrés et plus rapides’’, in Droit & patrimoine,
n° 253, décembre 2015, p. 39.
Le législateur a sûrement voulu, à travers la réforme, revoir ce système. Cela se traduit
notamment par la diversité des cas dans lesquels la solution du redressement judiciaire peut être
préconisée. Ainsi, l’alinéa 2 de l’article 33 AUPCAP révisé dispose que la juridiction
compétente prononce l’ouverture du redressement judiciaire s’il lui apparaît que le débiteur a
proposé un concordat sérieux au sens de l’article 27 ci-dessus, ou qu’un tel concordat a des
chances sérieuses d’être obtenu ou si une cession globale est envisageable. Si cette nouvelle
réglementation permet effectivement d’augmenter les chances du débiteur de se voir appliquer
le redressement judiciaire, il faut néanmoins relever que les critères posés par l’acte uniforme
ne sont pas de mise en œuvre aisée. Deux idées au moins peuvent illustrer cela.

D’une part, le législateur n’a pas profité de l’occasion de cette réforme pour donner un
contenu précis à la notion de « concordat sérieux ». Face à ce silence, et partant de l’objectif du
redressement judiciaire et en s’inspirant de l’article 27 de l’acte uniforme, on peut dire que le
concordat sérieux est celui qui permet le paiement intégral des créanciers tout en assurant le
redressement de l’entreprise et dont le contenu n’est pas contraire aux exigences d’ordre public.

D’autre part, l’acte uniforme prescrit à la juridiction compétente de faire le choix du


redressement judiciaire s’il lui parait qu’un concordat sérieux « a des chances sérieuses d’être
obtenu ». Si le but poursuivi est compréhensible, on peut cependant se demander, comment, la
juridiction compétente pourrait, au moment où elle se décide, analyser les chances de
présentation d’un concordat sérieux.

On remarque bien que les critères de choix du redressement judiciaire sont diversifiés. Au
critère principal relatif à l’existence d’un concordat sérieux ou les chances d’obtenir un tel
concordat, il y a le critère alternatif résidant dans la possibilité de sauver l’entreprise par sa
cession globale.

Lorsqu’aucun de ces critères ne se trouve rempli, la solution plausible est la liquidation des
biens.

§ 2 - LE CHOIX DE LA LIQUIDATION DES BIENS


D’après l’alinéa 4 de l’article 2 AUPCAP révisé, la liquidation des biens est une procédure
collective destinée à la réalisation de l’actif de l’entreprise débitrice en cessation des paiements
dont la situation est irrémédiablement compromise pour apurer son passif. On comprend dès
lors que, pour que cette solution soit adoptée, il faut que le sauvetage ou le redressement de
l’entreprise ne soit plus possible. Donc, aucun moyen permettant de maintenir l’entreprise
débitrice en vie ne doit plus être envisageable. C’est pourquoi, l’article 33 AUPCAP révisé
dispose en son 3ème alinéa que lorsqu’aucun critère du redressement judiciaire ne se trouve
rempli, la juridiction compétente « prononce l’ouverture de la liquidation des biens ».

Donc, la situation irrémédiablement compromise se déduit de l’absence de concordat sérieux


et de l’impossibilité de parvenir à une cession globale de l’entreprise débitrice. De même,
lorsqu’un concordat de redressement homologué a été ultérieurement annulé ou résolu, on pense
logiquement que la situation du débiteur est irrémédiablement compromise et la juridiction
compétente est tenue de convertir le redressement judiciaire en liquidation des biens86.

La condition étant la situation irrémédiablement compromise, on comprend aisément que le


but de la liquidation des biens n’est pas la sauvegarde de l’entreprise. Mais, il s’agit ici de
réaliser l’actif du débiteur, c’est-à-dire la transformation en argent liquide de tous les biens
composant l’actif de son patrimoine, afin d’apurer son passif, c’est-à-dire payer la totalité de
ses dettes. L’idée de la disparition de l’entreprise débitrice du paysage économique est donc
assumée de manière permanente. C’est pourquoi, la décision qui prononce la liquidation des
biens d’une personne morale emporte, de plein droit, dissolution de celle-ci91.

Par ailleurs, contrairement à la procédure de redressement judiciaire pour laquelle, en


conséquence de l’objectif du redressement du débiteur, il n’est pas envisagé l’hypothèse de
l’insuffisance d’actif87, cette situation est naturellement envisagée dans le cadre de la liquidation
des biens. C’est ce que prévoit l’article 173 de l’AUPC dont le premier alinéa dispose que « si
les fonds manquent pour entreprendre ou terminer les opérations de la liquidation des biens,
la juridiction compétente, sur le rapport du juge-commissaire peut, à quelque époque que ce
soit, prononcer, à la demande de tout intéressé ou même d’office, la clôture des opérations pour
insuffisance d’actif ».

CHAPITRE 2 – LES PRINCIPAUX EFFETS DES


PROCÉDURES DE TRAITEMENT
L’ouverture d’une procédure de traitement des difficultés d’entreprise produit un
certain nombre d’effets dont les principaux consistent en l’entrée en scène de différents
organes chargés d’animer la procédure (section 1) et en l’affectation de la situation
juridique des autres protagonistes (section 2).

86
Art. 141, al. 2 AUPCAP révisé.
91
Art. 53, al 1er AUPCAP révisé
87
La possibilité de redressement suppose impérativement que l’actif est largement supérieur au passif.
SECTION 1 – L’ENTRÉE EN JEU DES ORGANES DES PROCÉDURES
DE TRAITEMENT
Le régime commun des procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens
oblige88 la juridiction compétente à désigner deux organes : un juge-commissaire (§ 1) et un
syndic (§ 2). La juridiction compétente peut, à tout moment, procéder au remplacement du juge-
commissaire et du syndic94.

La juridiction compétente peut, si elle le désire, désigner les contrôleurs (§ 3) ou être


contrainte de le faire par les créanciers. Le ministère public n’a pas besoin d’être désigné
puisqu’il est d’office partie à la procédure (§ 4).

§ 1 - LE JUGE-COMMISSAIRE
L’institution du juge-commissaire est réglementée par les articles 39 et 40 de l’acte uniforme
révisé. Il s’agit pour la juridiction compétente de désigner parmi les magistrats du siège, à
l’exclusion de son président, l’un d’entre eux qui officiera comme juge-commissaire dans la
procédure.

Le juge-commissaire est placé sous l’autorité de la juridiction compétente. C’est pourquoi,


il est logique que le président de ladite juridiction ne puisse être désigné jugecommissaire. Il a
pour mission de veiller, sous l’autorité de la juridiction compétente, au déroulement régulier et
rapide de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, à la protection
des intérêts en présence et à l’atteinte des objectifs poursuivis. Afin d’éviter tout conflit
d’intérêt, et d’assurer les chances d’un contrôle effectif de son action, le magistrat désigné juge-
commissaire dans le cadre d’une procédure collective ne peut plus exercer une quelconque
attribution juridictionnelle relative à la procédure collective pour laquelle il a été désigné en
cette qualité95. Si donc, une question échappant à sa compétence, en tant que juge-commissaire,
mérite une décision juridictionnelle, il ne pourrait ni la trancher, ni faire partie de la collégialité
constituée pour en connaitre.

88
L’article 35 AUPCAP révisé dispose : « Dans la décision d'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire ou de liquidation des biens, la juridiction compétente désigne le juge-commissaire parmi les juges du
siège de la juridiction saisie, à l'exclusion de son président, sauf si celui-ci est juge unique. Elle peut également,
si elle l'estime nécessaire, désigner un juge-commissaire suppléant.
La juridiction compétente désigne également le ou les syndics sans que leur nombre puisse excéder trois
(03). L'expert désigné pour le règlement préventif d'un débiteur ne peut être désigné comme
syndic. Le greffe de la juridiction adresse sans délai une copie de la décision au ministère public »
94
Art. 39, al. 7 AUPCAP révisé. 95 Art. 39 AUPCAP révisé.
Dans le cadre de sa mission, le juge-commissaire entend toute personne susceptible de
l’informer de même qu’il recueille toutes informations qu’il juge utile et aucune personne
sollicitée (commissaire aux comptes, banquier…) ne peut lui opposer le secret professionnel.

En tant qu’autorité sous contrôle, le juge-commissaire est tenu de rédiger un rapport à


l’attention de la juridiction compétente tous les trois (03) mois et à tout moment à la demande
de cette dernière. De même il fait rapport à la juridiction compétente de toutes contestations ou
différends nés de la procédure collective89. Cependant, il faut relever que bien qu’il conduise sa
mission sous l’autorité de la juridiction compétente, le juge-commissaire est un organe doté lui-
même d’un pouvoir de contrôle. C’est à ce titre qu’il contrôle les activités des syndics97.

Sur le plan purement contentieux, l’article 40 de l’AUPC prévoit que le juge-commissaire


statue sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence dans un délai
de 8 jours à compter de sa saisine. Son silence après ce délai est interprété comme étant le rejet
de la demande. Les décisions du juge-commissaire peuvent être frappées d’opposition qui doit
être formée par simple déclaration au greffe de la juridiction compétente au plus tard 8 jours
après le dépôt ou leur notification. Pendant ce même délai, la juridiction compétente peut se
saisir d’office et réformer ou annuler les décisions du juge-commissaire

Lorsque la juridiction compétente statue sur une opposition formée contre la décision d’un
juge-commissaire, ce dernier ne saurait participer aux travaux de la juridiction. Cette décision
de la juridiction compétente n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation devant la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). Le contentieux soumis à la Cour peut aussi être
relatif à l’activité du syndic.

§ 2 - LE SYNDIC
Pour conduire matériellement les opérations de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens, la juridiction compétente doit désigner un ou plusieurs syndics sans que leur nombre
puisse excéder trois (03). Contrairement à l’acte uniforme originel qui ne définissait pas un
cadre juridique présentant les conditions d’aptitude à la fonction de syndic en particulier et de
mandataire judiciaire en général, la réforme de l’acte uniforme a défini un cadre juridique du

89
Art. 39, al. 6 AUPCAP révisé. 97
Art. 39, al. 5 AUPCAP révisé.
statut des mandataires judiciaires dont les traits communs ont été présentés ci-dessus90. Dans
cette partie, il convient de n’insister que sur les éléments qui sont propres au syndic.

A ce titre, il faut relever que, dans la mesure où le redressement judiciaire peut être ouvert
contre un débiteur dont le règlement préventif n’a pas présenté des résultats satisfaisants, il peut
être tentant de désigner comme syndic du redressement judiciaire l’expert qui a œuvré dans le
cadre du règlement préventif. Or, le risque de fraude et de conflit d’intérêt est grand en ce que,
le cas échéant, l’expert dont l’incompétence a conduit à la cessation des paiements, peut avoir
pour souci principal de masquer ses erreurs au lieu d’assurer le redressement efficace de
l’entreprise. Pour juguler ce risque, il est disposé dans ce cas91 que « l’expert désigné pour le
règlement préventif d’un débiteur ne peut être désigné comme syndic »92. S’il a été nommé
plusieurs syndics, ils agissent collectivement. Toutefois, le juge-commissaire peut, selon les
circonstances, donner à un ou plusieurs d’entre eux, le pouvoir d’agir individuellement ; dans
ce cas, seuls les syndics ayant reçu ce pouvoir sont responsables en cas de faute de leur part.

Le syndic désigné conduit sa mission sous le contrôle du juge-commissaire93. A ce titre, le


juge-commissaire reçoit les réclamations du débiteur ou des créanciers qui tendent à la
révocation du syndic et son remplacement94. Par ailleurs, le syndic a l’obligation de remettre un
rapport écrit sur sa mission et sur le déroulement de la procédure de redressement ou de
liquidation des biens au juge-commissaire au moins une (01) fois tous les deux (2) mois et, dans
tous les cas, chaque fois que le juge-commissaire le lui demande. Il indique, en outre, dans son
rapport, le montant des deniers déposés au compte de la procédure collective ouvert dans les
conditions prévues par l’article 4-22 ci-dessus95.

Le syndic a l’obligation d’ouvrir un compte spécial pour chaque procédure collective qu’il
dirige et dans lequel il doit verser les sommes qu’il recueille dans la procédure. Sauf autorisation
du juge-commissaire en cas de complexité de la procédure collective, il ne peut être ouvert plus

90
Voir Titre I – Chapitre I – Section II - § II – A (3). L’essentiel des règles présentées dans cette partie s’applique
au syndic.
91
Il est un cas où l’expert du règlement préventif peut être désigné comme syndic. Il en est ainsi en matière de
règlement préventif. Comme l’homologation du concordat préventif met fin aux fonctions de l’expert, la juridiction
compétente peut, d’office, à la demande des créanciers ou du débiteur, décider de désigner un syndic pour contrôler
l’exécution du concordat. Cette juridiction peut, dans ce cadre, « désigner l’expert au règlement préventif en qualité
de syndic » (art. 16, al. 1 AUPCAP). Il faut bien observer que, dans cette hypothèse, on reste toujours dans la
procédure de règlement préventif.
92
Art. 35, al. 2 in fine AUPCAP révisé.
93
Art. 43, al. 1 AUPCAP révisé.
94
Art. 42, al. 1 AUPCAP révisé.
95
Art. 43, al. 5 AUPCAP révisé. 104
Art. 4.22 AUPCAP révisé.
d’un compte par procédure104. Ce compte sert à recueillir tous les fonds recouvrés au nom du
débiteur. Ainsi, si des fonds dus au débiteur ont été déposés à un compte distinct par des tiers,
il en est fait transfert au compte ouvert par le syndic au nom de la procédure collective, à charge,
pour lui, d’obtenir mainlevée des oppositions éventuelles 96 . Par ailleurs, les deniers
éventuellement recueillis par le syndic, quelle qu’en soit la provenance, sont versés
immédiatement sous sa responsabilité au compte ouvert conformément à l’article 43 cidessus.
Cette disposition ne fait pas obstacle au droit des créanciers revendiquants. Ces fonds sont
utilisés, selon le cas, au sauvetage de l’entreprise ou au paiement des créanciers, sous le contrôle
du juge- commissaire97.

Le cas échéant, le syndic est redevable, à titre personnel, d’un intérêt au taux légal majoré
de huit (08) points sur les sommes non versées au compte, sans préjudice des sanctions
disciplinaires98.

Le syndic qui cesse ses fonctions doit rendre ses comptes à son successeur, sans délai, en
présence du juge-commissaire, du débiteur et des contrôleurs convoqués par le greffe de la
juridiction compétente.

Dans la procédure de redressement judiciaire, le syndic a un rôle d’assistant du débiteur99 et


de représentant de toutes les catégories des créanciers. Autrement dit, le syndic dans cette
procédure ne représente pas le débiteur. En revanche, dans la procédure de liquidation des biens,
le syndic a un rôle dualiste de représentation pour les intérêts visiblement contradictoires. En
effet, la décision admettant le débiteur en liquidation des biens entraine son dessaisissement100.
Désormais, le syndic représente en même temps le débiteur et les créanciers.

Les missions qui incombent au syndic dans le cadre des procédures collectives sont d’une
importance particulière et il se doit de les accomplir avec diligence. Il doit notamment, dans
toutes procédures où il intervient, veiller à la sauvegarde du patrimoine du débiteur afin de
garantir aux créanciers une plus grande chance de recouvrement de leurs créances et au débiteur
en situation de redressement judiciaire les chances d’y parvenir. Ainsi, dès son entrée en
fonction, le syndic est tenu d’accomplir tous actes nécessaires à la conservation des droits du
débiteur contre les débiteurs de celui-ci. Notamment, dès l’ouverture du redressement judiciaire

96
Art. 45, al. 2 AUPCAP révisé.
97
Art. 4.23 AUPCAP révisé.
98
Art. 45 AUPCAP révisé.
99
Art. 52, al. 1 AUPCAP révisé.
100
Art. 53, al. 3 AUPCAP révisé.
ou de la liquidation des biens, il est procédé par le syndic, dans des conditions préservant le
secret professionnel, à l’inventaire des biens du débiteur, ainsi que des sûretés qui les grèvent,
ce dernier présent ou dûment appelé par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite. Le cas
échéant, un représentant de l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont le débiteur
relève assiste à l’inventaire101. De même, le syndic est tenu de requérir au nom de la masse, les
inscriptions des sûretés mobilières et immobilières soumises à publicité qui n’ont pas été
requises par le débiteur lui-même. Afin que sa qualité ne soit pas contestée dans le cadre de ces
diligences, le syndic doit joindre à sa requête un certificat constatant sa nomination.

Pour permettre au syndic d’être efficace et d’avoir la maîtrise de la situation du débiteur, ce


dernier est tenu, dans les trois jours qui suivent la désignation du syndic, de lui présenter ses
livres comptables en vue de leur examen et de leur clôture. De même, le débiteur remet au
syndic la liste de ses créanciers indiquant le montant de leurs créances, leurs noms et adresses,
et la liste des contrats en cours. Il l’informe des procédures judiciaires en cours auxquelles il est
partie.

En plus, il peut être ordonné dans la décision d’ouverture ou ultérieurement par le


jugecommissaire que le courrier du débiteur, pendant toute la durée de la procédure, sera remis
au syndic. Dans les mêmes conditions, le syndic peut être autorisé à accéder au courrier
électronique du débiteur n’ayant pas un caractère personnel. Cette prescription, en ce qu’elle
est de nature à porter atteinte au secret professionnel ne s’applique pas lorsque le débiteur exerce
une activité couverte par le secret professionnel à l’instar de la profession d’avocat ou de
médecin. Le débiteur peut assister à la remise du courrier s’il en fait la demande. Tout courrier
ayant un caractère personnel lui est immédiatement remis ou restitué.

Dans le cadre de sa mission, le syndic pourra même poursuivre l’inopposabilité de certains


actes du débiteur.

Le ou les syndics ont la qualité de mandataire judiciaire rémunéré102 et comme tel, sont
civilement responsables de leurs fautes dans les termes du droit commun. De même en tant que

101
Art 63, al. 1er AUPCAP révisé
102
L’art. 4.19 AUPCAP révisé dispose : « La rémunération du syndic, soit en qualité de contrôleur de
l'exécution du concordat préventif, soit en tant que syndic de redressement judiciaire, soit en tant que syndic de
liquidation des biens, est fixée par la juridiction compétente dans sa décision de clôture de la procédure collective,
ou homologuant le concordat, selon le barème fixé par la réglementation de chaque Etat partie ». 112 Art. 51
AUPCAP révisé.
mandataire professionnel, le syndic ne peut acquérir personnellement, soit directement, soit
indirectement, à l’amiable ou par vente de justice, tout ou partie de l’actif mobilier ou
immobilier du débiteur en état de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens112. Le cas échéant, sa responsabilité pénale pourrait être engagée par voie
d’action publique déclenchée par le Ministère public.

§ 3 - LE MINISTÈRE PUBLIC
Le ministère public est obligatoirement informé du déroulement de la procédure de
redressement judiciaire et de liquidation des biens par le juge-commissaire. Une fois informé,
il peut, à toute époque, requérir communication de tous actes, livres ou documents relatifs à
ladite procédure.

Le défaut de communication d’information ou de document ne peut être invoqué que par le


ministère public. En contrepartie de cette obligation d’information imposée au
jugecommissaire, le ministère public lui communique, sur sa demande ou d’office, tous
renseignements utiles à l’administration de la procédure, y compris toute information provenant
d’une procédure pénale concernant le débiteur, nonobstant le secret de l’instruction. Il s’agit
finalement d’un échange d’informations entre le juge-commissaire et le représentant du
ministère public. Ces informations échangées peuvent être relatives aux missions des
contrôleurs.

§ 4 - LES CONTRÔLEURS
Pour exercer leurs fonctions (B), les contrôleurs doivent être régulièrement désignés (A).

A- La désignation des contrôleurs

La désignation des contrôleurs n’est pas automatique ; ils sont des organes facultatifs. Ainsi,
certaines procédures de redressement judiciaire ou de liquidation des biens peuvent être
conduites jusqu’à leur terme sans qu’on ait désigné un ou des contrôleurs. C’est souvent donc
une question d’opportunité laissée à l’appréciation du juge-commissaire. En effet, en disposant
qu’« à toute époque de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, un
(01) à cinq (05) contrôleurs peuvent être désignés par le juge-commissaire parmi les créanciers
non-salariés »103, l’acte uniforme révisé ne semble avoir laissé au juge-commissaire qu’une

103
Art. 48, al. 1 AUPCAP révisé. L’alinéa 2 de cet article prévoit les modalités de désignation d’un contrôleur
représentant les salariés. Il dispose : « Lorsque le nombre de salariés est supérieur à dix (10) au cours des six (06)
mois précédant la saisine de la juridiction compétente, le syndic invite le comité d'entreprise ou, à défaut, les
délégués du personnel, à désigner un salarié en qualité de contrôleur, dans un délai de vingt (20) jours à compter
de la décision d'ouverture. Dans le même délai, en l'absence de comité d'entreprise et de délégués du personnel,
liberté. Mais, parfois, cette nomination est obligatoire ; il en est précisément ainsi lorsque des
créanciers représentant au moins un tiers du total des créances même non vérifiées en font la
demande. Cette demande doit être formulée dans le délai d’un (01) mois à compter de la
décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens104.

Lorsqu’il faut nommer des contrôleurs et que les candidatures à cette fonction se font
nombreuses, « le juge-commissaire veille à ce qu’au moins un créancier contrôleur soit choisi
parmi les créanciers munis de sûretés et un autre parmi les créanciers chirographaires »105.

Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut réglementé, l’ordre
professionnel ou l’autorité compétente est de droit contrôleur, sans préjudice de la désignation
de cinq (05) créanciers contrôleurs et d’un contrôleur représentant du personnel.

Aucun parent ou allié du débiteur ou des dirigeants de la personne morale, jusqu’au


quatrième degré inclusivement, ni aucune personne détenant directement ou indirectement tout
ou partie du capital social ou des droits de vote de cette même personne ne peut être nommé
contrôleur ou représentant d’une personne morale désignée comme contrôleur.

Les contrôleurs nommés par le juge-commissaire peuvent être révoqués par la juridiction
compétente sur demande de celui-ci ou du ministère public.

B- Les fonctions des contrôleurs

Les contrôleurs assistent le ou les syndics dans leurs fonctions et le juge-commissaire dans
sa mission de surveillance du déroulement de la procédure de redressement judiciaire et de
liquidation des biens et veillent aux intérêts des créanciers. Ils ont le droit de vérifier la
comptabilité et l’état de la situation présentée par le débiteur. Ils peuvent demander des comptes
sur l’état de la procédure ainsi que sur les actes accomplis par le syndic tel l’état des recettes et
des versements effectués. Ils sont obligatoirement consultés pour la continuation de l’activité
de l’entreprise au cours de la procédure de vérification des créances et à l’occasion de la
réalisation des biens du débiteur. Les contrôleurs peuvent saisir de toutes contestations le
jugecommissaire. Les fonctions des contrôleurs sont gratuites et doivent être exercées
personnellement. Les contrôleurs ne répondent que de leurs fautes lourdes.

le syndic invite les salariés à élire parmi eux un salarié. La personne ainsi désignée ou élue est nommée par le
juge-commissaire en qualité de contrôleur représentant du personnel. Pour les entreprises qui n'atteignent pas le
seuil précité, le juge-commissaire désigne un salarié en qualité de contrôleur représentant du personnel ».
104
Art. 48, al. 1 AUPCAP révisé.
105
Art. 48, al. 1 in fine AUPCAP révisé.
Si la procédure ouverte est une procédure de liquidation des biens, les fonctions du
contrôleur prennent fin avec celles des opérations de la procédure. En revanche, si la procédure
ouverte est un redressement judiciaire, alors les missions des contrôleurs peuvent se poursuivre
après homologation du concordat. Il appartient à la juridiction compétente de voir dans quelle
mesure elle entend transformer les missions des contrôleurs. Mais pour cela, ils doivent être
maintenus. Dans ce cas, les contrôleurs auraient la mission de surveiller l’exécution par le
débiteur de son concordat de redressement. Dans tous les cas, quelle que soit la solution retenue
par le juge, après le constat de la cessation des paiements du débiteur, les effets vont, à quelque
différence près, se ressembler.
SECTION 2 – LES SORT DU DÉBITEUR ET DES CRÉANCIERS
Les effets du redressement judiciaire et de la liquidation des biens sont différemment
envisagés selon qu’il s’agit du débiteur (§ 1) ou des créanciers (§ 2).

§ 1 - LES EFFETS DE LA PROCÉDURE À L’ÉGARD DU DÉBITEUR


L’ouverture d’une procédure de traitement produit plusieurs effets qui se manifestent, pour
la plupart, après l’accomplissement des formalités de publicité. Il est prévu que toute décision
d’ouverture d’une procédure collective doit être mentionnée sans délai au RCCM. Si le débiteur
est une personne morale de droit privé non commerçante, la mention est portée au registre
chronologique. Si le débiteur est une personne physique ou morale exerçant une profession ou
une activité libérale soumise à un statut réglementé, la décision est également, à la diligence du
greffe, notifiée au représentant légal de son ordre professionnel ou de son autorité
compétente106.

En plus, un extrait de la décision est inséré dans un journal habilité à recevoir les annonces
légales paraissant au lieu du siège de la juridiction compétente et au lieu du siège social de la
personne morale ou du lieu d’exercice du commerce pour ce qui est des commerçants personnes
physiques. Une deuxième insertion doit être faite dans les mêmes termes au plus tôt dans les
quinze (15) jours et au plus tard dans les trente (30) jours à compter de la date de la première
publicité. La même publicité doit être faite au lieu où le débiteur ou la personne morale a ses
établissements principaux, d’office par les soins du greffier107. Le syndic est tenu de vérifier si
ces formalités publicitaires ont été accomplies conformément à la loi. Il est également tenu
d’inscrire la décision d’ouverture conformément aux dispositions organisant la publicité
foncière. À partir de cet instant, seuls les organes de la procédure sont compétents pour la
conduire. Selon la procédure mise en œuvre, le débiteur est soit dessaisi (A), soit assisté (B).

A- L’assistance ou le dessaisissement du débiteur

Le débiteur est obligatoirement assisté en cas de redressement judiciaire (1) et dessaisi en


cas de liquidation des biens (2).

1- L’assistance obligatoire du débiteur en redressement judiciaire

Selon les termes de l’alinéa 1er de l’article 52 de l’AUPCAP révisé, « la décision qui
prononce le redressement judiciaire emporte, de plein droit, à partir de sa date, et jusqu’à

106
Art. 36 AUPCAP révisé.
107
Art. 37 AUPCAP révisé.
l’homologation du concordat de redressement judiciaire ou la conversion du redressement
judiciaire en liquidation des biens, assistance obligatoire du débiteur pour tous les actes
concernant l’administration et la disposition de ses biens, sous peine d’inopposabilité de ces
actes ». Ainsi, les actes passés seuls par le débiteur et qui concernent l’administration et la
disposition de son patrimoine, sans l’assistance obligatoire du syndic, sont de plein droit frappés
d’inopposabilité à l’égard de la masse des créanciers, même s’ils restent valables entre le
débiteur et son cocontractant. Cependant, il faut relever que la limitation des pouvoirs du
débiteur en redressement n’a pour domaine que les actes de disposition et ceux
d’administration. En conséquence, le débiteur peut accomplir valablement, seul, les actes
conservatoires et ceux de gestion courante entrant dans l’activité habituelle de l’entreprise,
conformément aux usages de la profession, à charge d’en rendre compte au syndic. Cela est
admis sans doute parce que les actes conservatoires ne font courir aucun risque de diminution
du patrimoine de l’entreprise ni d’aggravation de son passif.

Par ailleurs, le débiteur est tenu de prendre un certain nombre d’actes en vue de la sauvegarde
de son patrimoine, gage des créanciers ; il en est par exemple ainsi lorsqu’il s’agit de procéder
au recouvrement des effets et des créances exigibles. Si le débiteur ou le dirigeant de la personne
morale s’y refusent, alors, « le syndic y procède sans délai »108. De même, Le syndic doit
également procéder sans délai à la vente des objets dispendieux à conserver ou soumis à
dépérissement prochain ou à dépréciation imminente, après avoir obtenu une autorisation du
juge-commissaire. L’autorisation du juge-commissaire lui est également nécessaire pour mettre
en œuvre, tant en demande qu’en défense, toute action mobilière ou immobilière.

Si le syndic refuse son assistance pour l’accomplissement des actes d’administration ou de


disposition, le débiteur ou le dirigeant de la personne morale ou les contrôleurs peuvent l’y
contraindre par décision du juge-commissaire. Ces règles exigent du syndic qu’il fasse preuve
d’une grande diligence dans l’accomplissement de la mission qui est la sienne. Cette mission
est plus dense dans le cadre de la liquidation des biens.

2- Le dessaisissement du débiteur en liquidation des biens

La décision de la juridiction compétence qui prononce la liquidation des biens emporte, de


plein droit, à partir de sa date, et jusqu’à la clôture de la procédure, dessaisissement pour le
débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens présents et de ceux qu’il peut

108
Art… 52, al. 3 AUPCAP révisé.
acquérir à quelque titre que ce soit, sous peine d’inopposabilité de tels actes, sauf s’il s’agit
d’actes conservatoires. Pour combler le vide laissé par ce dessaisissement à la tête de
l’entreprise, un syndic est désigné par la juridiction compétence pour accomplir et exercer les
actes, droits et actions du débiteur concernant son patrimoine, pendant toute la durée de la
liquidation des biens. Le syndic agit ainsi seul et en représentation du débiteur109.

Tout comme dans l’hypothèse du redressement judiciaire, le débiteur peut faire seul les actes
conservatoires. De même, le syndic est tenu d’accomplir les actes qui relèvent de sa mission
sous peine d’y être contraint par le débiteur, le dirigeant de la personne morale ou les contrôleurs
à travers une décision du juge-commissaire120. C’est ainsi qu’il pourra par exemple être
contraint d’agir en inopposabilité de certains actes du débiteur.

B- Les actes inopposables à la masse des créanciers

L’inopposabilité est la sanction qui frappe un acte qui, sans être nul, est cependant inapte à
produire des effets à l’égard des tiers ou de certains d’entre eux. Il en est ainsi des actes du
débiteur accomplis en violation des règles qui organisent les procédures collectives ou qui ont
été accomplis à un moment où l’on peut suspecter que les protagonistes avaient senti ou
pressenti la cessation des paiements du débiteur. Donc, aux actes accomplis par le débiteur au
mépris des règles relatives à son assistance dans la procédure de redressement judiciaire ou à
son dessaisissement dans la procédure de liquidation des biens, il convient d’ajouter les actes
par lui accomplis pendant la période suspecte. La période suspecte est le laps de temps qui
s’écoule entre la cessation effective des paiements et le prononcé de la décision admettant le
débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation des biens110.

La juridiction compétente saisie de la déclaration de cessation des paiements du débiteur doit


expressément en fixer la date. À défaut, la date de cessation des paiements est présumée être
fixée au jour du prononcé de la décision admettant le débiteur en redressement judiciaire ou en
liquidation des biens. Cette date ne peut être antérieure de plus de dix-huit (18) mois au
prononcé de la décision d’ouverture. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date
antérieure à la décision définitive ayant homologué le concordat préventif111. Autrement dit, la

109
Art. 53 al. 1 et 2 AUPCAP révisé.
120
Art. 53, al. 4 AUPCAP révisé.
110
L’article 67 AUPCAP révisé dispose : « La période suspecte commence à compter de la date de la
cessation des paiements et prend fin à la date de la décision d'ouverture du redressement judiciaire ou de la
liquidation des biens ».
111
Art. 34 AUPCAP révisé.
période suspecte ne saurait dépasser 18 mois, tout comme la procédure peut être conduite sans
période suspecte parce que dans ce cas, la date de cessation des paiements coïncide avec celle
du prononcé de la décision.

La période suspecte étant ainsi déterminée, il convient de distinguer les inopposabilités de


droit (1), des inopposabilités facultatives (2).

1) Les inopposabilités de droit

Le caractère automatique de ces inopposabilités est introduit par l’utilisation de l’expression


« de droit » dans l’article 68 AUPCAP révisé qui dispose que, sont inopposables de droit à la
masse des créanciers s’ils sont faits pendant la période suspecte :

1°) tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;

2°) tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédent notablement
celles de l’autre partie ;

3°) tout paiement, quel qu’en soit le mode, de dettes non échues, sauf s’il s’agit du paiement
d’un effet de commerce ;

4°) tout paiement de dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effet de commerce,
virement, prélèvement, carte de paiement ou de crédit ou compensation légale, judiciaire ou
conventionnelle de dettes ayant un lien de connexité entre elles ou tout autre mode normal de
paiement ou communément admis dans les relations d’affaires du secteur d’activité du débiteur
;

5°) toute sûreté réelle conventionnelle constituée à titre de garantie d’une dette
antérieurement contractée, à moins qu’elle ne remplace une sûreté antérieure d’une nature et
d’une étendue au moins équivalente ou qu’elle soit consentie en exécution d’une convention
antérieure à la cessation des paiements ;

6°) toute inscription provisoire d’hypothèque judiciaire conservatoire ou de nantissement


judiciaire conservatoire.

2) Les inopposabilités facultatives

Le caractère facultatif de ces inopposabilités est introduit par l’utilisation du terme


« peuvent » dans le contenu de l’article 69 AUPCAP révisé qui prévoit que, peuvent être
déclarés inopposables à la masse des créanciers, s’ils lui ont causé un préjudice :
1°) les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière faits dans les six
(06) mois précédant la période suspecte ;

2°) les actes à titre onéreux si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la
cessation des paiements du débiteur au moment de leur conclusion ;

3°) les paiements volontaires de dettes échues si ceux qui les ont perçus ont eu connaissance
de la cessation des paiements du débiteur au moment des paiements.

Dans certains cas, l’inopposabilité ne pourra être envisagée pour certains de ces actes. Cette
limite est une prise en compte des exigences du droit cambiaire et s’estompe en cas de fraude
ou de soupçon de fraude. Ainsi, dérogeant au point 3° cité ci-dessus, le paiement fait au porteur
diligent d’une lettre de change, d’un billet à ordre ou d’un chèque est opposable à la masse, sauf
dans les cas suivants où une action en rapport est possible contre :

1°) le tireur ou le donneur d’ordre en cas de tirage pour compte qui a eu connaissance de la
cessation des paiements du tiré soit au moment du tirage, soit au moment du paiement de la
lettre de change à lui fait par le tiré ;

2°) le bénéficiaire du billet à ordre qui a eu connaissance de la cessation des paiements du


souscripteur, soit au moment de l’endossement de l’effet par lui, soit au moment du paiement à
lui fait par le souscripteur ;

3°) le tireur d’un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tiré au
moment de l’émission du chèque ;

4°) le bénéficiaire d’un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tireur
au moment de l’émission du chèque ;

5°) le bénéficiaire d’un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tiré
soit au moment de l’émission, soit au moment du paiement du chèque.

Lorsque ces dernières hypothèses existent, l’inopposabilité, si elle est prononcée, produit des
effets favorables aux créanciers.

§ 2 - LES EFFETS DE LA PROCÉDURE À L’ÉGARD DES CRÉANCIERS


Les créanciers du débiteur soumis à une procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens sont de trois ordres : les créanciers de la masse, les créanciers dans la
masse, et les créanciers hors la procédure.
D’abord en ce qui concerne les créanciers dans la masse, l’article 72 de l’AUPC prévoit que
la décision d’ouverture constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic. Cette
masse est constituée par tous les créanciers dont la créance est antérieure à la décision
d’ouverture, même si l’exigibilité de cette créance était fixée à une date postérieure à cette
décision, à condition que cette créance ne rentre pas dans le lot de celles qui sont inopposables.
L’appartenance d’un créancier à la masse est subordonnée à la production par ce dernier, auprès
du syndic, de sa créance, dans un délai pouvant être rallongé pour tenir compte de l’éloignement
du créancier par rapport à l’État dans lequel la procédure est ouverte. Ainsi, le principe est qu’à
l’exception des créanciers d’aliments, les créanciers doivent, sous peine de forclusion, produire
leurs créances dans le délai de de soixante (60) jours suivant la deuxième insertion dans un
Journal d’annonces légales de l’État partie concerné tel que défini à l’article 1-3 AUPCAP. Les
créanciers domiciliés hors du territoire national, où la procédure a été ouverte, bénéficient d’un
délai de quatre-vingt-dix (90) jours pour produire leurs créances. L’obligation de déclarer les
créances s’impose aussi au créancier qui a introduit, avant la décision d’ouverture, une
procédure en condamnation en vertu d’un titre ou, à défaut de titre, pour faire reconnaître son
droit. La production interrompt la prescription extinctive de la créance112

Le délai de production des créances ne commence à courir à l’égard des créanciers


bénéficiant d’une sûreté ayant fait l’objet d’une publicité ou liés au débiteur par un contrat
publié qu’à compter de la notification de l’avertissement qui doit leur être personnellement
donné par le syndic d’avoir à produire leur créance par lettre au porteur contre récépissé ou par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite,
adressé, s’il y a lieu, à domicile élu. S’agissant des créanciers connus, notamment ceux inscrits
au bilan ou figurant sur la liste prévue à l’article 63 AUPCAP, doivent être avertis sans délai
par le syndic, s’ils n’ont pas produit leurs créances dans les quinze (15) jours de la première
insertion de la décision d’ouverture dans un journal d’annonces légales de l’État partie
concerné. Cet avertissement prend la forme d’une lettre au porteur contre récépissé ou d’une
lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de tout moyen laissant trace écrite.
Le même avertissement est adressé, dans les plus brefs délais, et dans tous les cas, au contrôleur
représentant du personnel, s’il en a été nommé un113.

112
Art. 78 AUPCAP révisé.
113
Art. 79, AUPCAP révisé.
La production consiste pratiquement à remettre au syndic un document contenant la précision
du montant de la créance due au jour de la décision d’ouverture, les sommes à échoir et les dates
de leurs échéances. Le cas échéant, cette déclaration doit préciser la nature de la sûreté dont la
créance est éventuellement assortie. Pour permettre au syndic de bien apprécier la situation, il
est exigé que le créancier fournisse tous les éléments de nature, soit à prouver l’existence et le
montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre, soit à l’évaluer si elle n’est pas liquide.
Dans le même souci, si la créance fait l’objet d’un litige, la déclaration doit mentionner la
juridiction saisie. Cette production peut être faite, contre récépissé remis par le syndic, par le
créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.

Ensuite, les créanciers de la masse sont ceux qui ont traité avec le débiteur après son
admission dans la procédure collective dans le cadre de la possibilité de continuation des
activités du débiteur. Cette continuation des activités de l’entreprise est une obligation dans le
redressement judiciaire, alors que dans la procédure de liquidation des biens elle est facultative.
Les créanciers de la masse sont par rapport aux créanciers dans la masse, dans une situation
plus confortable puisqu’ils bénéficient d’un privilège. Ainsi, l’article 33.1, alinéa 2 AUPCAP
révisé dispose que les personnes qui fournissent un nouveau bien ou service en vue d’assurer la
poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité bénéficient du privilège pour le
prix de ce bien ou de ce service suivant les rangs établis par les articles 166 et 167 AUPCAP
révisé. Que ce soit dans le cadre de la distribution du prix résultant de la vente d’un immeuble
(art. 166) ou du prix résultant de la vente d’un meuble (art. 167), le privilège des créanciers de
la masse bénéficie du premier (1er) rang.

Enfin, en ce qui concerne les créanciers hors procédure, il s’agit de ceux dont les créances
ont été déclarées inopposables à la masse des créanciers car dans une telle hypothèse, ils seront
forclos en ce qui concerne la production et la vérification de leurs créances. Ils sont donc dans
une situation très inconfortable car ce n’est qu’à l’issue de la procédure qu’ils pourront
éventuellement se faire payer.

Dans tous les cas, l’effet principal de l’ouverture de la procédure collective est de suspendre
les poursuites individuelles tendant à faire reconnaitre des droits et des créances, ainsi que toutes
les voies d’exécution tendant à obtenir le paiement sur les meubles et immeubles du débiteur
lorsque celles-ci sont exercées par les créanciers composant la masse ou les créanciers hors la
procédure. Cette suspension s’applique tant aux créanciers munis de sûretés qu’aux créanciers
chirographaires.
Cependant, la suspension des poursuites individuelles ne s’applique pas aux actions en
nullité et en résolution. Elle ne s’applique pas également aux actions tendant uniquement à la
reconnaissance des droits ou des créances contestées.

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