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Chapitre 3

La formation du contrat
Positionnement du chapitre dans le programme
Thème L’intégration de l’entreprise dans son environnement
Question Comment les contrats sécurisent-ils les relations entre l’entreprise et ses
partenaires ?
Compétence(s) – Qualifier une situation précontractuelle et repérer le processus de formation
d’un contrat
– Analyser et évaluer les conditions de validité d’un contrat
Savoirs associés – Les principes contractuels et leur évolution
– La formation du contrat

Cours
Les contrats permettent de stabiliser les relations des entreprises avec les tiers. Compte tenu de la
complexité croissante de l’environnement et de la multiplicité de ses relations avec différents
acteurs ou personnes juridiques, l’entreprise a besoin d’une certaine stabilité pour mener à bien
ses activités (ex. : garantir la continuité des approvisionnements, renforcer la fidélité de la
clientèle, assurer la solidité des relations interentreprises). Ainsi le droit, par l’intermédiaire des
contrats, permet aux entreprises de construire et de sécuriser leurs relations. La conclusion de
contrats commerciaux sécurise la vie des affaires. Il permet de mieux encadrer la relation
commerciale et d’anticiper le règlement d’un éventuel litige.
Les étapes de conclusion d’un contrat peuvent être plus ou moins longues lors de négociations
précontractuelles.

I. Les relations interentreprises, résultat d’un processus de


négociation
Dans les relations interentreprises, la formation d’un contrat n’est pas instantanée mais résulte
d’un processus. Une période de négociation et des avant-contrats précèdent généralement la
signature du contrat définitif. La période précontractuelle ou période des pourparlers est prise en
compte afin de garantir la liberté contractuelle, de protéger les futurs cocontractants et d’éviter les
ruptures abusives des pourparlers. Ainsi, la bonne foi dans les négociations et l’obligation
générale d’information précontractuelle durant cette phase, s’imposent. La liberté de rompre les
négociations et la bonne foi dont les parties doivent faire preuve doivent gouverner les relations
entre les entreprises.

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A. Les pourparlers
Un contrat entre des professionnels est rarement conclu immédiatement, compte tenu des enjeux
qu’il représente.
En général, il est précédé de pourparlers dans le cadre d’une phase de négociation
précontractuelle, précédant l’accord définitif.
Les contractants sont libres de mener à terme les discussions, y compris avec plusieurs
contractants potentiels, voire de rompre les pourparlers sans avoir conclu de contrat. Le principe
est donc la possibilité pour les parties de rompre les pourparlers librement dès lors qu’elles sont de
bonne foi.
Cependant, la rupture des pourparlers peut causer un préjudice à celui qui veut poursuivre la
négociation. Dès lors, la rupture brutale des pourparlers peut être sanctionnée, surtout lorsque
ceux-ci ont duré un certain temps et s’il est établi que la rupture survient avec une volonté de
nuire au partenaire. (Ex. : rompre des pourparlers brutalement avec une légèreté blâmable).
En l’absence de contrat, la responsabilité encourue est délictuelle et donne lieu à l’attribution de
dommages-intérêts au profit de celui qui subit la rupture fautive.

# Rappel utile #
On rappellera l’article 1112 du Code civil (issu de l’ordonnance du 10 février 2016) :
« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils
doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».

B. Les avant-contrats
Ce sont des contrats avant les contrats ! La négociation d’un contrat peut parfois passer par
l’élaboration d’un avant-contrat, qui est l’engagement de l’une des parties, voire des deux, de
mener à terme le projet contractuel. En effet, dans certains cas, les interlocuteurs peuvent
souhaiter établir des documents précontractuels qui seront un préalable au contrat définitif.
Les parties ne s’engageant donc pas encore à le conclure, ces documents ne donnent que des
informations partielles sur le futur contrat.
Contrairement aux pourparlers, les avant-contrats sont de vrais contrats qui génèrent des
obligations spécifiques, la principale étant celle de conclure le contrat définitif.
Ils peuvent prendre deux formes :
– La promesse unilatérale de contrat (convention par laquelle une personne – le promettant –
s’engage à conclure un contrat avec une autre personne – le bénéficiaire – qui accepte cette offre).
Le prix, la date de livraison, les conditions générales et particulières du contrat définitif sont
réglés. Ce contrat unilatéral fait naître des obligations seulement à la charge du promettant. Le
bénéficiaire se voit proposer une option et il dispose d’un temps convenu pour donner suite ou
non et conclure ou non le contrat définitif. Le promettant qui ne donnerait pas suite à la volonté du
bénéficiaire de conclure le contrat projeté engagerait sa responsabilité.
– La promesse synallagmatique de contrat engage dans ce cas les deux parties sur le prix, la date
d’exécution et les modalités du contrat, de façon ferme et définitive. Ce genre de promesse
synallagmatique intervient lorsque la conclusion du contrat dépend de certaines conditions qui
doivent être réalisées (ex. : accord de la banque pour l’obtention d’un prêt).

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C. L’information précontractuelle
L’article 1112-1 du Code civil prévoit que : « Celle des parties qui connaît une information dont
l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que,
légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
L’information communiquée (ex. : les caractéristiques essentielles du bien ou service, le prix, les
délais de livraison ou d’exécution) doit donc permettre au cocontractant de s’engager en toute
connaissance de cause, pour mesurer la portée de son engagement, afin de garantir l’expression
d’un consentement libre et éclairé.
À défaut d’intention de tromper, le défaut d’information sera sanctionné par l’octroi de dommages
et intérêts (ex. : perte d’une chance de ne pas conclure le contrat négocié, frais engagés
inutilement).

D. La représentation
En principe, les conventions sont formées par la rencontre des volontés des parties. Cependant, il
arrive que l’un des cocontractants ne participe pas directement à la conclusion de l’accord. En
effet, il arrive qu’il ait recours à la représentation, qui est le mécanisme juridique par lequel une
personne (le représentant) agit au nom d’une autre personne (le représenté). Ainsi, le mécanisme
de la représentation permet aux personnes morales de contracter par le biais des personnes
physiques qui les dirigent.
Dans la vie des affaires, la représentation résulte souvent d’un mandat. Le mandat est l’acte
juridique par lequel le mandant (le représenté) confie au mandataire (son représentant) le soin de
négocier en son nom avec un ou plusieurs tiers. Dès qu’un accord est trouvé, le contrat produit ses
effets pour le représenté, comme s’il l’avait conclu lui-même.
Dans certains cas, la représentation est imposée par la loi (ex. : les dirigeants des sociétés : des
personnes morales peuvent les représenter). Dans d’autres cas, la représentation résulte d’un
accord entre le représenté et le représentant (ex. : confier une mission à un agent commercial, pour
profiter de son savoir-faire pour agir en son nom). Le représenté détermine l’étendue des pouvoirs
du représentant et les tiers qui concluent un contrat avec le représentant sont informés que ce
dernier négocie au nom d’une personne représentée.

II. Les conditions de validité du contrat


Le contrat n’est légalement formé que s’il respecte les conditions nécessaires à sa validité. Les
parties doivent donner leur consentement et être en capacité de le faire. Le consentement des
parties se forme par la rencontre entre l’offre et l’acceptation. Il doit être non vicié. Le contrat non
valide est un contrat nul.

A. Le consentement et l’absence de vice du consentement


1) La notion de consentement
Les règles juridiques appliquées au contrat trouvent en premier lieu leur origine dans la théorie de
l’autonomie de la volonté. La force obligatoire du contrat suppose que les parties l’aient conclu
librement avec une volonté de s’engager. Le consentement qui doit exister à l’origine des
obligations contractuelles représente donc la rencontre d’une offre précise et d’une acceptation
sans ambiguïté.

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2) Un consentement non vicié
La volonté exprimée par les contractants doit être sans vice, c’est-à-dire sans défaut pouvant
l’entacher. Trois vices du consentement sont prévus par la loi et peuvent être sanctionnés par la
nullité du contrat conclu.
On distingue :
– l’erreur sur la substance, c’est-à-dire sur l’élément essentiel du contrat, et l’erreur sur la
personne du cocontractant (on parle d’intuitu personæ, c’est-à-dire d’un contrat conclu en
considération de la personne avec laquelle il a été passé) ;
– le dol, qui est une erreur provoquée par les manœuvres du cocontractant, ayant joué un rôle
déterminant dans la conclusion du contrat ;
– la violence, qui est le fait d’extorquer à une personne son consentement à un acte par le
moyen de la crainte qu’on lui inspire. Elle peut être physique, psychologique ou économique
(ex. : abus de la situation de dépendance).

B. La capacité des parties


Pour s’engager valablement dans un contrat, il faut bénéficier de la capacité juridique.
Il faut donc protéger les mineurs, les majeurs en curatelle ou en tutelle, qui sont frappés d’une
incapacité d’exercice les empêchant de prendre des risques dans la vie des affaires, compte tenu
de leur inexpérience ou de l’altération de leurs facultés personnelles. Il convient aussi de pouvoir
remettre en cause les contrats conclus par des personnes condamnées à une peine
d’emprisonnement pour des infractions graves ainsi que les dirigeants d’entreprises liquidées à la
suite des fraudes commises.

C. Le contenu licite et certain


Si le consentement est important, l’élaboration de l’offre contractuelle va permettre d’expliciter
les intentions des parties et les modalités de réalisation de la relation contractuelle. Le contenu du
contrat doit donc être licite et certain.
Le contrat doit porter sur une chose dont l’on peut disposer par contrat sans porter atteinte à la loi
(respect de l’ordre public) et que l’on peut déterminer, qui existe ou existera.

# Pour aller plus loin #


Il peut être intéressant de mettre en évidence comment la réforme récente du droit des
contrats a intégré de nombreuses évolutions jurisprudentielles, et ainsi de pouvoir illustrer
le rôle de source de droit indirect de la jurisprudence.
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations, a été publiée au Journal officiel le 11 février
2016.
La réforme du droit des contrats a introduit le nouvel article 1112-1 dans le Code civil, qui
s’applique aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016. Ce dernier a consacré une
« obligation précontractuelle d’information » incombant au cocontractant.
Le Code civil institue une obligation d’information de droit commun dont le contenu puise sa
source dans la jurisprudence antérieure.
Un principe d’ordre public et précontractuel a pour conséquence que l’information doit être
transmise avant la conclusion du contrat dans une phase précontractuelle.

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Les principes jurisprudentiels sont consacrés par la loi puisque le texte définit le contenu et
le caractère de cette obligation, la charge de la preuve de l’information donnée et la
sanction en cas de manquement. Ainsi, l’article fixe le principe d’une information réciproque
des parties.
Le débiteur de l’information doit transmettre tout renseignement déterminant pour le
consentement du partenaire. De son côté, le créancier de l’information doit l’ignorer
légitimement ou faire suffisamment confiance à son cocontractant pour se dispenser de se
renseigner lui-même.
Le législateur a jugé utile de rappeler que ce devoir d’information ne porte pas sur
l’estimation de la valeur de la prestation en consacrant ainsi le principe selon lequel il n’y a
pas d’erreur sur la valeur dans un contrat.
L’alinéa 3 de l’article précise qu’« ont une importance déterminante les informations qui ont
un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ».
La charge de la preuve continue de peser sur le débiteur de l’information. Ainsi, celui qui
prétend qu’une information lui était due doit prouver que l’autre partie la lui devait, mais
c’est à l’autre partie de prouver qu’elle a bien exécuté son obligation en la matière.
Le manquement à ce devoir d’information peut entraîner la mise en cause de la
responsabilité extracontractuelle de son auteur, s’agissant d’une obligation précontractuelle
ou l’annulation du contrat en cas de vices du consentement.
En effet, la violation de cette obligation peut entraîner une erreur sur les qualités
essentielles de la prestation mais aussi sur celles du cocontractant (il s’agit alors d’une erreur
sur la personne). Dans ces deux cas de figure, le contractant pourra invoquer la nullité du
contrat mais il devra prouver que sans cette erreur il n’aurait pas contracté ou aurait
contracté à des conditions différentes et donc que l’erreur a été déterminante de son
consentement. Cependant, alors que l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation
peut se rencontrer dans toutes les conventions (ex. : l’acheteur pensait acquérir un terrain
constructible alors qu’il ne l’est pas), l’erreur sur la personne n’est envisageable que dans les
contrats conclus intuitu personæ, c’est-à-dire un contrat conclu en considération de la
personne avec laquelle il est passé.
Le dol, quant à lui, désigne toutes les tromperies provoquées par un cocontractant à son
partenaire conduisant ce dernier à donner son consentement au contrat alors que sans ces
manœuvres, il n’aurait pas consenti à celui-ci. Ainsi le dol provoque chez le partenaire une
erreur qui le détermine à contracter. Par ailleurs, le dol suppose de la part de l’auteur des
manœuvres et une volonté de nuire, et constitue un vice du consentement susceptible de
faire annuler la convention.
Pour le contrat de vente, l’article 1602 du Code civil oblige le vendeur à expliquer clairement
ce à quoi il est tenu. L’article énonce aussi que si l’acte de vente est ambigu, son
interprétation sera faite en faveur de l’acquéreur, soit contre le vendeur.
Ainsi lorsqu’il s’agit d’une vente, la jurisprudence a clairement posé que le vendeur doit
renseigner l’acheteur sur les caractéristiques essentielles du bien vendu et sur ses conditions
d’utilisation.
=> La réforme principale est le principe de bonne foi inscrit au stade des négociations
précontractuelles et de la formation du contrat (nouveaux articles 1104 et 1112 du Code
civil).

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Au stade des négociations, « celle des parties qui connaît une information dont l’importance
est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que,
légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son
cocontractant ».
Si la charge de la preuve d’un tel défaut d’information incombe à la partie qui s’en prévaut,
un manquement à cette obligation d’information (qui ne pourra être écartée ou limitée
contractuellement) pourra entraîner la nullité du contrat sur le fondement d’un vice du
consentement et la responsabilité de la partie à qui cette obligation d’information incombait
(nouvel article 1112-1 du Code civil).
S’agissant de l’accord des parties et leur volonté de s’engager, l’ordonnance traite
expressément du sujet de l’échange croisé de conditions générales contradictoires et
entérine la solution jurisprudentielle de l’annulation des clauses contraires.
Ainsi, le nouvel article 1119 du Code civil précise d’une part que « les conditions générales
invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la
connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées », puis qu’« en cas de discordance entre des
conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont
sans effet ».
En outre, afin de protéger la partie faible, l’ordonnance crée un nouveau cas de violence en
l’abus de l’état de dépendance. Ainsi désormais, « il y a également violence lorsqu’une
partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de
lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un
avantage manifestement excessif » (nouvel article 1143 du Code civil).
S’agissant du contenu du contrat, l’ordonnance vise deux principes jurisprudentiels
importants en interdisant d’abord toute clause qui prive de sa substance l’obligation
essentielle du débiteur, et, dans le cas des contrats d’adhésion, toute clause créant un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. De telles clauses seront
réputées non écrites (nouveaux articles 1170 et 1171 du Code civil). L’appréciation du
déséquilibre significatif ne portera ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du
prix à la prestation.

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