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INTRODUCTION GENERALE
L'entreprise est la base naturelle d'une économie. Elle est un milieu vivant présentant des
enjeux divers en fonction de sa santé financière. Ainsi, l'existence des difficultés dans une
entreprise justifie l'application d'une réglementation spécifique1(*). On parle d'une
entreprise en difficulté.
Cette notion apparemment subtile est une notion éminemment évolutive, dynamique,
complexe et rebelle à une détermination simple de ses éléments constitutifs 2(*), dans la
mesure où sa détermination s'avère difficile en raison de la diversité des modes d'analyse
des difficultés.
Mais, elle sera progressivement précisée au cours des mutations de droit intervenues en
France.
En effet, le droit de la faillite régi par le code de commerce de 1807 et les lois
subséquentes3(*)sera abrogé par la loi du 13 juillet 1967 afin de préserver le tissu
économique. Par la suite, la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement
amiable des difficultés de l'entreprise, et la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement
et à la liquidation, modifiées par la loi du 10 juin 1994, viendront bouleverser
véritablement le régime des entreprises en difficulté.
Bien qu'étant un terme réducteur parce que visant uniquement le sort des créanciers, les
procédures collectives OHADA poursuivent classiquement trois objectifs :
Cette prise en compte de la dimension sociale8(*) a marqué le pas du droit des entreprises
en difficulté sur le droit de la faillite. Dans un contexte de mondialisation des échanges 9(*),
le législateur s'est préoccupé avec plus d'attention au sort des entreprises en difficulté et
donc au sort des salariés, afin de préserver le tissu économique et social. Dans ce
contexte, l'entreprise subit des contraintes concurrentielles, ce qui exige du travailleur
adaptabilité, efficacité, mobilité et effort afin de mieux garantir la compétitivité de
l'entreprise et partant, sa survie.
Ainsi, le contrat de travail qui lie le salarié à son milieu d'épanouissement, vise non
seulement une valeur économique mais aussi des valeurs sociales.10(*) Alors, le droit à la
dignité du salarié au travail et plus précisément, le droit à un véritable emploi est un des
droits à la condition humaine. La dignité est donc destinée à mieux équilibrer les pouvoirs
de l'employeur et les droits du salarié.
Le travailleur doit donc, en cas de difficultés, sauvegarder son entreprise ; bref son
emploi. Or, le modèle de contrat stable c'est-à-dire à durée indéterminée est devenu
inopérationnel de nos jours, avec le développement des contrats précaires11(*) dû aux
mutations des entreprises confrontées aux turbulences de l'environnement économique.
La montée fulgurante du chômage et la crise économique ont conduit le législateur
communautaire à prendre des mesures destinées aux entreprises en difficulté, soit, en
amont pour prévenir ces difficultés12(*), soit, en aval pour régler au mieux le sort de
l'entreprise défaillante par un aménagement des procédures collectives.13(*)
Ainsi conçu, l'Acte uniforme OHADA sur les procédures collectives de 1998 apparaît
comme la thérapeutique ; ou à tout le moins comme un antalgique aux maux de
l'entreprise. Il s'agit d'un droit qui vise à diagnostiquer l'état sanitaire de l'entreprise.
En bref, il renvoie d'une part au concept de prévention, marqué par l'alerte ou l'expertise
de gestion14(*), ou en cas d'absence à la mise sur pied d'une procédure préventive visant à
étouffer le mal ; ensuite, il marque la volonté de surmonter ces difficultés grâce à un
traitement minutieux ; enfin, il envisage la possibilité de reconstituer l'actif pour payer les
créanciers au cas où le traitement s'avèrerait impossible.
Les deux dernières mesures sont importantes puisqu'elles consacrent le caractère collectif
de la procédure.15(*) L'existence de l'intérêt collectif des actions individuelles et la présence
du syndic comme organe de représentation atteste sa défense. Ainsi, les procédures
collectives doivent être nécessairement le lieu d'expression de l'intérêt collectif des
créanciers. Cette notion d'intérêt collectif présente tout l'enjeu d'une organisation ordinaire
du traitement des défaillances de l'entreprise. Il est certain que les procédures collectives
affectent aujourd'hui tous les créanciers chirographaires ou privilégiés.
En effet, dans le souci de connaître son sort dans le cadre des procédures collectives,
chaque créancier a développé le désir d'obtenir plus que les autres et aussi rapidement que
possible. Chacun a voulu profiter de la règle d'égalité pour paralyser les autres créanciers,
c'est-à-dire à être plus égal que l'autre. Ce qui a fait dire à Christian MOULY que « les
procédures collectives apparaissent comme un chaos de prérogatives et avantages
personnels qui dépeignent le rapport des forces au sein du pays ».16(*) C'est dire que
chaque créancier cherche à être désintéressé en premier. Ce sera le cas des salariés dont le
caractère alimentaire de la créance assure la force.
Mais ce principe d'égalité n'est plus devenu, comme le pense certains auteurs17(*), une
règle d'expédient, dans la mesure où l'ampleur des sacrifices dépend de la qualité de
créancier et de l'intérêt de l'économie nationale.
Il nous semble qu'en prenant en compte l'intérêt des salariés, le législateur a voulu
préserver leurs intérêts en accordant des droits procéduraux au représentant de ceux-ci, au
cas où il existerait, d'être informé et de participer à la procédure.
Mais peut-on logiquement protéger les intérêts des salariés par les simples droits
procéduraux ? Le législateur ne doit-il pas aller plus loin et leur conférer d'autres droits à
l'instar de celui de contrôle ? Il faut relever ici que l'un des reproches fait au législateur
OHADA est de n'avoir pas intégré les salariés dans le fonctionnement de l'entreprise.
Au delà de cette remarque, on peut penser que l'organisation en amont des plans sociaux
et le contrôle des créances de salaire justifient que leurs soient reconnus des droits
substantiels nés de leurs intérêts légitimes.
Il en ressort que parmi les créanciers, les salariés qui nous intéressent dans le cadre de
cette étude occupent une place de choix.
L'Article 1 al. 2 du code de Travail de 1992 définit les salariés comme toutes les
personnes quels que soient leur sexe et leur nationalité, qui se sont engagées à mettre leur
activité professionnelle, physique ou intellectuelle, moyennant rémunération, sous la
direction et l'autorité de l'employeur au service de l'entreprise.
Le salaire qui est donc la contrepartie d'une prestation de service rendu, place les salariés
au centre de la vie juridique de l'entreprise à laquelle ils appartiennent.
Mais l'accroissement des créances bénéficiant des sûretés, fait à ce que les procédures
collectives se retrouvent aujourd'hui en situation difficile18(*). Une telle idée ne mettrait-
elle pas en péril l'aspect social qui est visé dans le traitement des difficultés de
l'entreprise ? Du moins, pour ce qui est des salariés, l'idée est bien irréaliste dans la
mesure où seul le concept de dignité humaine justifie l'existence de leurs privilèges,
fussent-ils occultes.
Ne devons nous pas de ce fait, convenir avec Yves GUYON que « favoriser à tout prix
les salariés risque d'aboutir à des injustices »?19(*)
En effet, le salaire, sûreté occulte parce que non soumis à publicité, constitue un danger
pour les tiers créanciers qui peuvent subir même s'ils ignoraient leur existence.
Mais, de plus en plus, la redéfinition du statut de salarié devient importante à une ère où
émergent des difficultés d'ordre divers au sein de l'entreprise et de la société,20(*) à une ère
où les Etats membres de l'OHADA cherchent à asseoir la vulgarisation et la consolidation
des acquis de l'AUPCAP afin de satisfaire à la sécurisation des activités économiques sur
le continent.
Mais cet objectif peut-il être parfaitement atteint lorsque l'OHADA traite de façon
restrictive la question de la garantie des salaires en cas de faillite d'un employeur établi à
l'étranger ? En fait, quelle peut être l'incidence d'une procédure collective ouverte contre
la société mère sur les salariés d'une société filiale du groupe, ou du moins d'une filiale sur
une autre ? Ces questions découlant du phénomène des groupes de sociétés, justifient
l'ampleur et la dimension des complications que peut susciter la condition du salarié dans
les procédures collectives.21(*)
Il faut par ailleurs noter que le nouveau droit des entreprises en difficulté apporte des
innovations importantes au niveau de la protection du salarié, innovations qui se résument
à la sauvegarde du potentiel humain et des activités économiques. Ces innovations
assurent au sein de la société un équilibre sur le plan économique, social et politique. En
effet, les salariés sont moins maltraités que les autres créanciers car pour eux, l'enjeu est
double : le paiement du salarié et la sécurité de l'emploi.22(*)
Cet équilibre étant imparfait et primaire, il va falloir que sa recherche soit une quête
permanente à travers l'amélioration de la situation du salarié.
Faire une analyse sur la condition juridique du salarié dans les procédures collectives a
l'avantage de présenter des intérêts à plus d'un titre.
D'abord sur un plan théorique, cette réflexion met en relief des liaisons à la fois
nécessaires et dangereuses qui existent entre les entreprises en difficulté et le droit du
crédit. Elle présente aussi des réponses aux difficultés auxquelles font face les entreprises
cibles des procédures collectives.
Ensuite, sur un plan tout à fait pratique, elle présente les partenaires susceptibles
d'intervenir dans une relation d'affaire. A cet égard, les employeurs seront intéressés dans
la mesure où cette réflexion leur permet de déterminer avec précision les principaux droits
des salariés et les limites ; les salariés quant à eux, même ignorants seront imprégnés de
leur condition, à savoir statut et droits dans les procédures judiciaires. Ils pourront déceler
la manière dont il faudra procéder pour les revendiquer face aux employeurs indélicats.
Cette étude intéresse enfin l'Etat, car elle détermine les insuffisances des mesures de
protection et offre à ce dernier des solutions qui pourront lui permettre à la suite des
réclamations ou de son propre gré, de renforcer ou du moins d'améliorer la condition des
salariés dans la procédure complexe que subissent les entreprises en difficulté.
Enfin sur le plan juridique, cette réflexion permet de relever les contradictions, les
ambiguïtés et l'insuffisance des textes mis sur pied par les législateurs OHADA et national
dans la réglementation des procédures collectives.
Contrairement à la méthode qui consiste dans les procédures collectives à démontrer d'une
part, les mesures de prévention et d'autre part, celles de traitement, nous avons adopté
dans le cadre de notre réflexion une méthode analytique qui a l'avantage de présenter la
double condition du salarié dans les procédures collectives. Ce dernier est tantôt sacrifié,
tantôt protégé.
Ainsi de cette analyse, il ressort qu'en cette matière, on observe une nette tendance à la
protection du salarié au stade de la procédure de redressement judiciaire (Ière partie). Tel
ne sera pas pour autant le cas en présence des difficultés persistantes. Celles-ci constituent
une sérieuse menace pour la protection du salarié (IIème partie).
Première partie :
Mais soucieux de l'importance de ces droits, le législateur s'est beaucoup plus appesanti
sur le préjudice que pourraient subir les salariés en cas de persistance des difficultés. C'est
pourquoi, le dispositif en vigueur dans notre espace a voulu protéger le salarié à un double
niveau : Il fait de ce dernier un créancier d'argent d'une part, et d'autre part un créancier
d'emploi. Cette double mesure vise à garantir les droits de cette catégorie faible des
créanciers sociaux. En effet, les législations contemporaines placent au premier plan de
leurs préoccupations la sauvegarde de l'entreprise et de l'emploi.
redressement judiciaire
Dans cette procédure, la protection du salarié se manifeste par le souci du législateur de
sauvegarder, dans la mesure du possible son emploi.
Il y a belle lurette, le droit à l'emploi était traité avec une particularité inédite. En effet,
cette exigence de l'emploi est traitée d'après les textes internationaux23(*)et la constitution
camerounaise24(*)comme un droit fondamental reconnu à toute personne. Ce caractère
fondamental implique sa garantie et sa stabilité, celles-ci devant être assurées par tous les
membres de la société humaine. Mais les nouvelles préoccupations découlant du malaise
économique et social, ont contraint les partenaires sociaux à rechercher, malgré la
situation difficultueuse de l'entreprise, le maintien des relations contractuelles. Cette
recherche poursuit en réalité un double objectif :
Ensuite, elle est une échappatoire au chômage ambiant. Ainsi, le sauvetage des
entreprises, qui est l'un des objectifs majeurs des procédures collectives notamment du
redressement judiciaire, s'explique par la prise de conscience du législateur de son impact
bénéfique multiforme sur les aspects de la vie publique.
Pour cela, la protection du salarié dans la procédure de redressement judiciaire passe par
une adoption des mesures qui s'imposent à l'entreprise (section 1ère), et qui affectent
directement les salariés (section 2).
L'article 107 AUPCAP dispose à cet effet que « (...) la cessation des paiements déclarée
par décision de justice n'est pas une cause de résolution (...) ». Ce texte consacre une
sécurité de l'emploi à travers sa garantie et sa stabilité puisqu'il institue le salarié dans une
situation confortable par rapport à son emploi.
D'une manière générale, il faut entendre par contrat de travail en cours, ceux conclus
avant le prononcé du jugement d'ouverture de la procédure, et dont les principaux effets
ne sont pas épuisés au jour du jugement. Ce maintien est de plein droit, car il tend à éviter
une dégradation de la capacité de production du débiteur pendant la période d'observation.
Par ailleurs, le débiteur ou à défaut le tribunal compétent peut opter pour une solution
contraire. Il peut proposer le remplacement des dirigeants sociaux. Ce changement doit
être guidé par le souci d'une réelle amélioration de la situation de l'entreprise.
Dans cette perspective de sauvegarde de l'emploi par le maintien des contrats en cours, le
débiteur doit en dehors de cette possibilité, soumettre dans le concordat les mesures
économiques et financières qui peuvent participer à la restauration des emplois.
Pour envisager une continuation de l'activité, il faut que le débiteur définisse clairement
les modalités de règlement du passif.33(*) Le débiteur et/ou le tribunal peuvent proposer des
mesures tendant à la restructuration économique de l'entreprise d'une part (A), et élaborer
un plan de financement qui tiendra compte de plusieurs paramètres (B).
Parmi les mesures concordataires, il peut en avoir celles qui font appel à des tiers pouvant
acquérir tout ou partie des biens de l'entreprise (1). De même, le tribunal compétent peut
autoriser la conclusion d'un contrat de location gérance (2).
1- Le concordat avec cession partielle d'actifs
Les offres d'acquisition doivent être adressées au débiteur assisté. Toute personne peut se
porter acquéreur.35(*) Il faut aussi relever que sa durée ne peut être supérieure à deux ans et
la cession a lieu au comptant ou à crédit sous garantie du cautionnement solidaire d'une
banque.
On constate donc que l'objectif de la cession est de permettre à l'entreprise d'évoluer sur
une nouvelle base sans préjudice aux emplois. Tel est aussi le but de la location gérance.
Cependant, et sous réserve de toutes ces remarques, l'important est que l'entreprise
retrouvera dans ces hypothèses sa vitalité financière ; vitalité pouvant lui permettre de
sauvegarder les emplois, d'apurer considérablement son passif. Lorsque cette mesure de
redressement ne suffit pas ou n'est pas efficace, l'entrepreneur pourra solliciter en plus
l'obtention des crédits.
Pour faire face à son passif ou aux dépenses de fonctionnement, l'entreprise peut obtenir
l'ouverture des crédits auprès d'un ou de plusieurs établissements financiers.37(*) Il ne s'agit
pas à cet effet d'obtenir seulement de simple crédit bancaire classique38(*), mais aussi du
financement par crédit bail. En pratique, il s'agit d'un contrat de crédit à moyen terme par
lequel l'établissement de crédit acquiert la propriété des biens par ses propres moyens, en
son nom ; et le donne par la suite en location à l'entreprise en difficulté en contrepartie du
versement périodique d'une redevance correspondant en partie à un loyer et pour partie à
une fraction du prix d'acquisition des biens de l'entreprise. A l'expiration du contrat, le
débiteur peut acquérir l'entreprise à un prix symbolique. On constate que l'opération de
crédit bail permet au débiteur insolvable de satisfaire à ses obligations contractuelles vis-
à-vis des salariés.
Cependant, il se pose une véritable question de garantie de la banque. En effet, pour offrir
un crédit au débiteur, le banquier doit s'assurer que ce crédit sera remboursable à
l'échéance. Or, il est certain qu'aucun banquier ne sera d'accord d'octroyer le crédit s'il ne
dispose pas des garanties suffisantes ; la bonne foi n'étant pas présumée en la matière.
Ainsi, il est probable que l'obtention des crédits ne se fera pas sans difficulté.
Ces résultats ne seront atteints qu'au prix d'une dénaturation ou mieux un aménagement
des clauses du contrat. Cette modification passera par un allègement des charges
sociales (§1) ou une révision des clauses contractuelles (§2).
Parmi les mesures concordataires, le salaire peut paraître comme un élément dont le
réexamen permettra de sauver l'entreprise. Alors, les partenaires sociaux au sortir de
l'assemblée concordataire, peuvent s'entendre sur l'examen de certaines charges
financières en les supprimant ou du moins en les réduisant. Dans la plupart des cas, la
tendance est pour la réduction du salaire (1) d'une part, et la suppression de certains
avantages d'autre part (2).
Il est utile de rappeler que le salaire est fixé par l'accord des parties sur la base des
dispositions réglementaires et conventionnelles, et qu'il peut être calculé soit au temps soit
au rendement.
Au temps, le salarié doit être payé en fonction des heures prévues pour exécuter le travail
peu importe s'il le fait en moins de temps ; par contre au rendement, le salaire est perçu
comme un élément du coût productif. Il permet de répondre aux critères d'aptitude, de
productivité et de compétitivité, gages du libre jeu des lois et mécanismes du marché du
travail.
Or, les difficultés de l'entreprise rendent évanescents tous ces attributs du salaire. Dans
cette perspective une relance des activités de l'entreprise passera par une réduction du
salaire afin de revitaliser ou vivifier l'entreprise. La jurisprudence est unanime sur le fait
qu'en cas de difficultés menaçant la vie de l'entreprise, les salaires pourraient être revus à
la baisse41(*). Elle ajoute que cette réduction doit être négociée car toute réduction
unilatérale s'assimile à un paiement irrégulier du salaire.42(*)
La situation est simple en cas de salaire au temps, puisque la réduction des horaires de
travail entraînera ipso facto la réduction des rémunérations. Mais, ce système risque de
paralyser les activités de l'entreprise qui tournera sans doute au ralenti et apparaît comme
une porte ouverte aux licenciements collectifs dont on voudrait éviter.
Si la fixation du salaire, et donc sa réduction sont l'apanage des parties au contrat, celle du
SMIG incombe à l'Etat. Le SMIG43(*) est un salaire uniforme qui s'applique à toute
l'étendue du territoire et à tous les secteurs d'activité sans considération de rentabilité.
Ainsi, l'employeur peut-il au nom de la conjoncture économique réduire un salaire en
deçà du minimum prévu par la loi ? C'est pour répondre à ces difficultés qu'une circulaire
du ministre du travail et de la prévoyance sociale44(*)impose qu'en deçà du SMIG un
réajustement automatique des salaires doit s'opérer.
Lorsque la réduction du salaire n'apporte pas un souffle nouveau à l'entreprise, il peut être
procédé, à travers la concertation à la suppression pure et simple de certains avantages.
En raison du contrat de travail, les salariés peuvent bénéficier des avantages de toute
sorte. Ils peuvent être en espèce ou en nature.
Dans la catégorie espèce, on peut noter entre autres les primes d'ancienneté, de
rendement, d'assiduité, de risque, de technicité ou d'éloignement et parfois des
gratifications. Il peut aussi s'agir des indemnités de transport, de fonction, de
représentation.
Dans la deuxième catégorie, on range des avantages de divers ordres dus au fait qu'un
travailleur est déplacé du lieu de sa résidence au lieu du travail. Si l'employeur n'arrive
pas à le loger, il est tenu de lui verser une indemnité.45(*) A cela s'ajoutent l'eau, l'électricité
et la nourriture.
Dans ce cas, cette mesure serait salutaire pour l'entreprise car ces avantages sont de nature
à alourdir les charges sociales et à compliquer la situation déjà difficile de l'entreprise.
C'est d'ailleurs la voie qui a permis de résoudre les difficultés de certaines entreprises au
Cameroun ces dernières années.46(*)
On pourrait justifier ces mesures financières par un souci de protection de l'emploi. Mais à
ce stade, si elles sont insuffisantes, l'employeur pourra mettre en oeuvre son pouvoir de
direction. Les moyens utilisés dans ce cadre atteindront beaucoup plus le travailleur que le
salaire.
Ainsi parce qu'il n'y a plus travail, il n'y a plus de salaire mais plutôt des indemnités. Cette
modification des conditions du travail peut apparaître surtout pour l'employeur qui est
dépositaire de ce pouvoir comme un remède contre les maux de l'entreprise.
Il constitue à cet effet une modification substantielle du contrat de travail. Bien que
n'ayant pas expressément été prévu par l'AUPCAP, le chômage technique est souvent
justifié par des motifs d'ordre structurel ou conjoncturel imputable aux difficultés
économiques de l'entreprise. En réalité, le salarié est psychologiquement présent dans
l'entreprise puisqu'il peut être interpellé à tout moment pour reprendre son travail. Il est
une mesure qui permet à l'employeur de retrouver sa santé financière. C'est aussi une
mesure limitée dans le temps puisqu'il s'étend sur une durée maximale de six mois. Au-
delà de cette durée, il s'assimile à un licenciement.47(*)
Le législateur OHADA apporte une notion nouvelle dans l'Avant Projet de l'Acte
Uniforme sur le droit du travail. En effet à côté du chômage technique, il a prévu le
chômage économique dont la durée ne pourra excéder trois mois.
Mais, cette suspension du contrat de travail ouvre droit dans tous les cas au bénéfice d'une
indemnité compensatrice fixée par la loi.
Mais les besoins de l'entreprise peuvent obliger l'employeur à procéder aux modifications
substantielles, dans le sens d'une augmentation ou d'une réduction.
Alors en cas de réduction pour difficultés financières, la rémunération du salarié est revue
à la baisse.
S'il est vrai que cette mesure est une atteinte aux droits élémentaires du salarié, elle revêt
une importance capitale pour l'entreprise. En effet, en travaillant moins, le salarié
participera d'une façon modeste à la sauvegarde des emplois, fussent-ils ceux des autres.
Elle permet aussi aux partenaires sociaux de faciliter l'adaptation du contrat de travail aux
circonstances économiques nouvelles qui peuvent surgir au cours de son exécution.
Dans le souci de préserver son emploi, le salarié doit être disposé à effectuer une tâche qui
ne sied pas à sa qualification. L'employeur sera tenu dans ce cas de justifier sa décision
par des raisons économiques nécessaires à la sauvegarde de l'entreprise.
Mais à notre sens, cette mesure ne doit pas être une occasion pour l'employeur de
rémunérer le salarié sans tenir compte de sa qualification initiale, les sacrifices devant être
faits en proportion des différentes catégories de travailleurs.
Dans tous les cas, les salariés qui n'approuvent pas ces mesures sont libres d'exprimer leur
désir de partir.
2- Le choix du salarié
Lorsque cette démission résulte d'un consensus, l'employeur est tenu de lui verser une
allocation d'indemnité ou prime de départ. Ce fut le cas de l'ancienne régie nationale des
chemins de fer aujourd'hui CAMRAIL50(*), et l'ancienne SOTUC.51(*) Récemment encore,
le compromis entre l'inspection du travail du Littoral et les salariés a abouti à une
résolution semblable dans le cas des Aciéries du Cameroun.
Pourtant, les salariés ne doivent plus simplement subir les procédures collectives, ils se
doivent de prendre les devants et s'impliquer de manière participative à l'effort de
redressement de l'entreprise en difficulté.
DE L'EMPLOI
Les salariés doivent être considérés comme des acteurs à part entière de l'entreprise en
difficulté. Pour ce fait, ils doivent être associés à la gestion et beaucoup plus au contrôle
de la gestion de l'entreprise. L'exercice de ce pouvoir de contrôle passera par un
élargissement de leurs droits et surtout par une reconnaissance des droits collectifs aux
salariés.52(*) On peut tout de même à titre de droit comparé, regretter l'absence dans notre
droit d'une structure à l'instar du comité d'entreprise.
Par conséquent, pour sécuriser leurs conditions, ils doivent s'impliquer tant dans la
prévention (1) que dans le traitement des difficultés de l'entreprise (2).
En effet, la prévention des difficultés des entreprises peut s'entendre comme l'ensemble
des mesures visant à empêcher, ou tout au moins à limiter la survenance de celles-ci en
s'efforçant d'en supprimer les causes et les moyens. Une interprétation hardie de l'Article
29 de l'AUPCAP permet de penser aux institutions représentatives du personnel.53(*)
a- Le droit d'information
L'arsenal juridique de la prévention par l'information des salariés est constitué des Articles
29 et 128 du code de travail de 1992.
Mais, l'ensemble des textes législatifs ne prévoit pas de disposition faisant obligation aux
dirigeants d'informer le personnel salarié de leur entreprise. Ces dirigeants ne rendent pas
compte aux personnes qu'ils emploient. Cette situation est sans doute due au lien de
subordination qui existe entre ceux-ci.
Au-delà de ce critère légal, l'entreprise devrait être un milieu dont l'évolution des résultats
rythme avec collaboration et concertation entre les différents membres. Cette
collaboration pourrait passer par une association des salariés à la gestion de l'entreprise.
A défaut d'être fait de façon individuelle, elle pourrait s'effectuer par les biais de leurs
représentants.
En somme il s'agira de mettre sur pied, malgré les dangers qu'elle présente pour les
patrons, une sorte de co-gestion avec pouvoir de décision définitif aux dirigeants.55(*)
Une autre possibilité pouvant permettre aux salariés de prévenir serait de tirer l'alarme en
cas d'informations préoccupantes.
Il faut reconnaître que le législateur 56(*)donne la possibilité d'exercer cette procédure aux
seuls associés et aux commissaires aux comptes. Mais, de l'Article 29 de l'AUPCAP, on
pourrait admettre ce droit aux institutions représentatives du personnel, c'est-à-dire aux
salariés.
Il s'agit en gros pour les délégués du personnel de saisir l'employeur sur tout fait juridique,
comptable ou financier susceptible de porter atteinte aux droits à l'emploi et au salaire.
Sera susceptible d'alerte, tout fait de nature à affecter de manière préoccupante la situation
économique de l'entreprise. Cette demande sera examinée de façon minutieuse par
l'employeur qui se doit de donner une réponse satisfaisante aux représentants du
personnel.
La reconnaissance du droit d'alerte aux salariés est d'autant plus utile que ceux-ci sont à
même de percevoir très tôt les difficultés et de concevoir certaines solutions dont la
connaissance passera par leur adhésion à l'effort de redressement de l'entreprise. L'alerte
sera une mesure d'information des salariés sur les solutions envisagées par l'employeur
pour assurer la continuité de l'activité de l'entreprise.
Mais, en attendant qu'un tel droit soit reconnu aux salariés, on peut regretter le fait que le
législateur OHADA n'ait pas dans l'AUPCAP repris l'alerte parmi les mesures préventives
des difficultés des entreprises. Vivement que les réformes postérieures répondent à nos
préoccupations.
En dehors de ce rôle actif qui devrait être reconnu aux salariés au stade de la prévention
des difficultés, leur participation serait d'un apport certain dans le traitement de ces
difficultés.
En principe, les délégués du personnel n'ont pas le pouvoir de demander l'ouverture d'une
procédure collective. Leur pouvoir se limite à la communication au président du tribunal
ou au procureur de la république tout fait révélant la cessation des paiements de
l'entreprise.
Cependant, dès que la procédure est ouverte, ils peuvent exercer des voies de recours
contre certaines décisions. Il peut s'agir de l'appel contre les décisions arrêtant ou rejetant
le plan de continuation ou celles les modifiant.
Mais véritablement, les salariés ne pourront participer au traitement des difficultés que s'il
leur est reconnu un droit de consultation (a), un droit de reprise (b) et une possible
participation financière (c).
a- Un droit de consultation
La brèche ouverte par les textes devrait être élargie afin que la consultation des salariés
soit une réalité. En effet, les délégués du personnel sont associés à la procédure de
licenciement pour motif économique initié par l'employeur.57(*) Il est aussi imposé au
syndic, pour le même motif dans le redressement judiciaire de recevoir les avis des
délégués du personnel.58(*) Dans les entreprises n'ayant pas de délégués du personnel, la
recherche de la survie de l'entreprise se fera avec toute la collectivité du personnel de
l'entreprise.
Le législateur devrait cependant multiplier les hypothèses dans lesquelles les salariés
doivent donner leur avis. Cette extension leur permettra de mieux défendre leurs droits et
intérêts. Ces hypothèses s'étendront de l'élaboration du plan de redressement à la
liquidation en passant par le suivi de la procédure.
Pour faire respecter ce droit, le législateur devrait l'assortir des sanctions en cas de non-
respect. Il pourra s'agir des sanctions civiles59(*)ou des sanctions pénales60(*). Ceci est
d'autant plus justifié qu'en tant que mandataire, le syndic doit répondre de sa gestion aux
mandants.
b- Un droit de reprise
Ce droit peut être exercé lorsque l'entreprise a besoin des fonds pour survivre. Ainsi par le
biais de la privatisation61(*), les salariés peuvent eux même participer au sauvetage de
l'unité économique et sociale visée.
Conformément à cette loi, les salariés peuvent procéder au rachat total ou partiel de
l'entreprise en difficulté. Ce fut le cas de la Cameroon Shipping Line qui a été rachetée en
partie par des actions souscrites et libérées de ses salariés à l'initiative du directeur général
de la société.62(*)
Il est vrai que cette solution ne pourra pas passer dans le secteur privé à cause du caractère
familial de la plupart des entreprises sous régionales. Une seule participation financière
des salariés pourrait être admise.
Il faudrait alors que les mesures concordataires prévoient cette possibilité afin que les
activités soient restaurées. Cette situation peut être combinée à l'intéressement qui est une
forme d'association des salariés aux gains de productivité de l'entreprise. L'influence de
ces mesures ne tardera pas à se faire ressentir sur le rendement des salariés. En effet,
certains d'être des bénéficiaires de l'accroissement, ils redoubleront d'ardeur au travail.
Si par contre, le salarié n'arrive pas à sauvegarder son emploi même avec son
intervention, il se contentera de jouir librement des droits qui découlent de la qualité de sa
créance ; créance qui bénéficie d'un traitement particulier.
de salaire
C'est soucieux de toutes ces réalités que le législateur a entendu sécuriser la créance de
salaire contre les aléas découlant des procédures collectives (Section 1ere). Cependant,
cette sécurisation n'empêche pas totalement que certains obstacles (Section 2) viennent
menacer l'efficacité des garanties accordées aux salariés.
LE REDRESSEMENT JUDICIAIRE
Pour parer à la situation dans laquelle le salarié serait privé de son moyen d'existence, à
cause de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de son
Les difficultés de l'entreprise obligent très souvent le débiteur à solliciter au premier plan,
dans l'offre de concordat, des remises de dettes et de nouveaux délais de paiement.68(*) Il
peut aussi solliciter l'annulation des dettes. Or, ce serait faire une part belle au débiteur
que d'accepter qu'une créance normalement constituée soit annulée, et plus précisément
une créance alimentaire. C'est dire que cette possibilité d'annulation est d'office à rejeter
pour les créanciers de salaire qui participeront au vote.
En principe, les plans de redressement reposent sur les délais de paiement ; les remises
sont assez rares.69(*) L'objectif des procédures collectives étant avant tout le paiement des
créanciers, les remises font partie du volet financier70(*).
Si le concordat ne consiste qu'en l'obtention des délais, le tribunal peut les accorder sans
vote des créanciers.71(*) C'est une innovation du droit OHADA qui traduit son souci de
sauvegarder l'entreprise.
Pourtant, il ne faut pas être dupe en pensant que la distinction formelle entre remises et
délais est réelle. En termes financiers, remises ou délais sont équivalents puisqu'ils
impliquent une réduction de la créance.72(*) Tout au contraire entre remises et reports
d'échéance, les reports sont plus redoutables que les premières du fait de l'incertitude qui
plane sur le paiement à la date sus dite.
Afin d'amoindrir tous ces dangers, les remises et délais n'affectent les créances de salaire
que sous certaines conditions. Ils sont limités dans le temps (A) et ne s'appliquent qu'à une
partie de la créance (B).
Nous pensons que cette opération de remise de dettes est inutile pour un créancier qui
risque par la suite de voir son salaire réduit une deuxième fois pour une même cause. Ceci
est d'autant plus vrai que cette solution sera envisageable en cas d'échec du redressement
par remise.
Pour leur part, les reports d'échéance consistent à renvoyer le paiement d'une dette de
salaire échue à une date ultérieure. La mise en redressement emporte dans tous les cas
octroi de délai de paiement nouveau.73(*)
En effet, les créanciers de salaire ne sont obligés que par des délais et remises
particulièrement consentis par eux74(*). Mais exceptionnellement, si le concordat comporte
des délais n'excédant pas deux ans, ceux-ci peuvent leur être opposés au cas où ceux
consentis par eux seraient inférieurs.75(*) Il en ressort que les délais n'ont en principe pas
un caractère impératif à l'égard des créanciers de salaire. Ceux-ci ne pourront être
concernés que suite à leur consentement ou en cas de bref délai. Une fois de plus, il s'agit
pour le législateur de mettre à l'abri le créancier qu'est le salarié.
Ces remises et reports ne sont d'ailleurs cantonnés qu'à une partie du salaire. Cette
situation est de nature à renforcer la protection et la position du salarié par rapport aux
mesures de redressement.
ET SAISISSABLE DU SALAIRE
Cette restriction découle de l'interprétation de l'article 134 al.3 qui dispose que : « les
travailleurs ne peuvent se voir imposer aucune remise excédant deux ans sans préjudice
des dispositions de l'article 96 ci- dessus». Ce texte laisse clairement entendre que les
éventuels reports et remises ne pourront en aucun cas concerner la partie de salaire
couverte par le super privilège.76(*)
Par conséquent, toute remise ou tout délai même consenti qui toucherait à cette fraction
du salaire, sera nul et nul d'effet. Mais, on peut se demander si le non-respect de cette
restriction entraîne ipso facto le rejet du concordat ou si le tribunal peut se contenter des
délais et remise qui ne touchent que la partie cessible du salaire. Nous pensons que pour
ne pas rendre vain les efforts du débiteur en remettant en cause son redressement, il serait
plausible d'adopter la seconde hypothèse.
Par cette restriction, l'Acte Uniforme vise à empêcher que la recherche du redressement
d'une entreprise ne menace en même temps la survie du créancier de salaire 77(*). En effet
ce serait à la fois contradictoire et ambigu pour un législateur, d'affirmer que les créances
super privilégiées seront payées au plus tard dix jours après le jugement
d'ouverture78(*) d'une part, et déclarer d'autre part qu'une remise ou un report puisse
concerner les mêmes créances pour un délai si long79(*). Dans cette logique, on peut dire
que c'est beaucoup plus par souci de cohérence des textes qu'une mesure de protection
instituée par le législateur. L'essentiel est qu'il s'agit d'un avantage octroyé au salarié. Cet
avantage s'analyse en une précaution prise par le législateur pour éviter que le salarié ne
soit dépouillé de tout son élément vital.
En pratique, la limitation dans le temps des remises et reports et leur restriction à une
fraction du salaire au cours de l'exécution des mesures concordataires, sont justifiées par
la faiblesse et la vulnérabilité de ces créanciers d'une part et par le souci de payer leurs
créances dès qu'elles sont échues d'autre part. A ces mesures concordataires, le législateur
a ajouté un panel de garanties devant sécuriser la créance de salaire au cours d'une
procédure de redressement.
Pour parer à la situation dans laquelle le salarié serait privé de son moyen d'existence, à
cause de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de son employeur, certaines
dispositions provenant de législations diverses80(*) garantissent aux salariés, le paiement
immédiat des salaires antérieurement dus (A) et ceux intervenus après l'ouverture de la
procédure (B).
Il ressort des dispositions combinées ci-dessus mentionnées que ces mesures antérieures
sont de deux ordres : d'une part le privilège général (1) et le super privilège d'autre
part (2).
Le principe du privilège a trouvé son expression pour la première fois dans le code civil
du XIXème siècle, le but étant initialement de protéger les salaires des domestiques. Cette
protection a progressivement gagné d'autres catégories de salariés, si bien que le principe
fut reconnu par la législation commerciale et par celle du travail.
L'évolution du cadre juridique des affaires a précipité le législateur OHADA à faire sienne
cette protection dans les procédures collectives.
Le privilège est une faveur concédée par la loi à certaines catégories de créanciers sociaux
dont les salariés, d'être payé par priorité aux créances ordinaires. Ce privilège s'applique
uniquement à la fraction saisissable du salaire et passe après les privilèges spéciaux.
Après avoir fait ce bref aperçu sur l'évolution du privilège, une analyse minutieuse du
mécanisme (a) de cette garantie permet d'en déduire sa portée (b) et ses insuffisances (c).
a- Le mécanisme de la garantie
Par ailleurs, l'absence d'un classement des privilèges dans la diversité des législations
héritées de l'époque coloniale, donnait naissance à de fréquents conflits82(*). En procédant
à un classement, l'OHADA dans l'acte uniforme sur les sûretés et sur les procédures
collectives83(*), permet de dégager avec précision les bénéficiaires et les créances
garanties.
Peuvent bénéficier du privilège général toutes les personnes qui sont liées à l'employeur
par un contrat de travail, ce qui exclut les activités professionnelles indépendantes dans
l'exécution du contrat. Tous les apprentis liés par un contrat
Les créances garanties sont le seul salaire c'est-à-dire la seule rémunération due en vertu
du service rendu mais aussi des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et des
dommages intérêts pour rupture abusive.
Ce privilège couvre d'après l'Art 107 A.U portant organisation des sûretés le salaire des
douze derniers mois précédant la décision d'ouverture de la procédure collective. Cette
protection privilégiée accordée au salarié n'est pas sans portée.
Le titulaire d'un privilège dispose d'un droit de préférence qui porte sur les biens du
débiteur défaillant. A ce niveau, il faut relever que le privilège immobilier a un caractère
subsidiaire85(*). C'est dire donc que le privilège immobilier ne peut intervenir que lorsque
le privilège mobilier ne suffit pas pour apurer la dette.86(*) Autrement dit, le privilège
salarial s'appliquera en premier lieu sur les meubles et en cas d'insuffisance sur les
immeubles de l'employeur. Ces créances privilégiées doivent être payées par le syndic dès
les premières rentrées financières, chacun suivant son rang.
Cette mesure est sans doute un moyen de garantie offert au salarié par le législateur ; et
qui lui permet de réduire ou au mieux d'échapper à une éventuelle insolvabilité de son
employeur. Cependant, la mise en oeuvre de cette garantie présente des insuffisances.
Ce classement interne place le salarié en troisième rang après le privilège des frais
d'inhumation et celui des fournitures de subsistance87(*).
Il serait donc préférable que le législateur mette sur pied des mesures palliatives 88(*) qui
compenseront le retard de la perception du montant de la créance résultant de cette
réalisation.
Bien que présentes, ces insuffisances n'obstruent pas totalement la garantie conférée par le
privilège ordinaire. L'instauration du super privilège participe aussi de cet effort de
protection du salaire.
Certaines créances salariales bénéficient d'une garantie de paiement particulière que l'on
nomme super privilège. Il est consacré par le code du travail de1992 en son Article 70. Il
n'est pas inutile de rappeler que ce code intervient à la suite de l'aggravation de la crise
économique et la multiplication des liquidations de sociétés. C'est aussi conscient de ce
phénomène que le législateur OHADA des procédures collectives a pris des mesures afin
d'atténuer dans la mesure du possible, les conséquences dramatiques de cette mutation
économique sur les salariés des entreprises en difficulté.
Les salariés seront en principe payés en cas de redressement judiciaire pour la fraction des
salaires garantie par le super privilège. Même s'il est une mesure limitée (c), l'étendue du
super privilège (a) permettra de mieux comprendre sa mise en oeuvre (b).
Il ressort du code de travail que le super privilège garantit la partie insaisissable du salaire.
Le décret n°94/PM/177 du 4 mai 1994 fixe ce montant d'après les proportions suivantes :
Le super privilège couvre les rémunérations dues pour les douze derniers mois précédent
le jugement d'ouverture de la procédure collective. Mais, contrairement à la cour de
cassation française 90(*) qui précisait qu'il s'agit de douze mois de travail peu importe que
le contrat ait pris fin plus de six mois avant le jugement déclaratif, il faut entendre par-là
douze mois de travail effectif dans l'entreprise.
Ainsi, le super privilège ne joue sans doute pas pour la rémunération du travail postérieur
au jugement d'ouverture car, ces travailleurs entrent dans la catégorie des créanciers de la
masse par opposition aux créanciers dans la masse, la masse étant constituée par tous les
créanciers dont la créance est antérieure à la décision, peu importe qu'ils soient
chirographaires, titulaires de sûretés ou de privilèges. Cette précision permet d'entrevoir
sa mise en oeuvre avec simplicité.
Les sommes garanties doivent en principe être payées par le syndic sur simple décision du
juge commissaire. En effet, il ressort des dispositions de l'Article 96 AUPCAP que le
paiement doit intervenir au plus tard dans les dix jours qui suivent la décision d'ouverture
sous déduction des acomptes déjà perçus.91(*)
Pour pallier une absence d'acompte, le même article en son alinéa 3 prévoit une
subrogation des droits au profit du syndic ou de toute personne qui aurait pris l'initiative
de procéder au paiement.
Les rémunérations garanties doivent être payées, nonobstant l'existence de toute autre
créance privilégiée y compris celle du trésor ; d'où son efficacité.92(*) Elles viennent
d'après la répartition des deniers pour les immeubles en deuxième position après les frais
de justice et pour les meubles en 3e position après les frais de justice et les frais engagés
pour la conservation des meubles93(*). Mais, cette efficacité du super privilège est
considérablement limitée par le législateur.
Cette réduction produit un effet certain sur la portée de la mesure dans le cas où son calcul
varierait en fonction du salaire perçu par chaque travailleur. Il serait donc nécessaire de
fixer un plafond permettant de simplifier son calcul comme en France. Le même
législateur a prévu que la mesure ne portera que sur les seuls salaires échus et antérieurs à
l'ouverture de la procédure.
Par ailleurs, de nombreuses limites financières atteignent le super privilège. Son paiement
est cantonné à un montant spécifique et à une certaine durée.
Mais compte tenu du caractère alimentaire, il nous semble qu'il serait nécessaire, afin
d'améliorer son efficacité, d'étendre la mesure à toute la rémunération.
Cette extension obéira à des règles précises de telle sorte qu'elle ne soit pas un handicap
au souci de redressement de l'entreprise.
En somme, le super privilège est une procédure accélérée de paiement. Il a été institué
afin d'adopter en cas des procédures collectives, des mesures d'urgence au profit des
salariés. Cependant, privilège et super privilège ne sont efficaces que si l'actif de
l'entreprise en cessation des paiements est suffisant pour en permettre le règlement. Si les
fonds disponibles ne permettent pas le règlement de ces créances à leur échéance, elles
seront réglées par priorité à toutes les autres créances assorties, ou non de privilège, ou de
sûreté et dans l'ordre établi94(*). Si par contre ils sont partiellement désintéressés, les
créanciers privilégiés seront considérés pour le reste de la créance comme créancier
chirographaire. Le désintéressement se fera donc en fonction du droit de priorité.
Ainsi, en qualité de créancier, les salariés travaillant dans une entreprise placée en
procédure collective bénéficient d'un régime protecteur parce qu'ils ne subissent pas de
restriction à leurs droits. Il se pose cependant une lancinante question, le passif postérieur
au jugement a-t-il priorité sur le passif antérieur ? La réponse à cette question varie selon
qu'il y a poursuite de l'activité ou bien si le juge prononce la liquidation des biens.
Après le jugement d'ouverture, l'activité économique se poursuit dans la majorité des cas.
Les nouvelles créances salariales naissantes bénéficieront d'un droit de priorité. Ce droit a
une portée certaine, car il confère une priorité de rang (2) et la priorité de date (1).
1- La priorité de date
Les créances salariales postérieures sont en principe payées à leur échéance. Elles
échappent à la discipline collective97(*) ; c'est-à-dire à l'interdiction des paiements, à la
suspension des poursuites individuelles, à la procédure de déclaration et de vérification
des créances. Ces créanciers postérieurs ont de plus grandes chances de règlement
puisqu'ils sont préférés aux créanciers qui composent la masse.
2- La priorité de rang
Il est clair qu'après l'ouverture d'une procédure, les créanciers postérieurs font partie de ce
que l'on appelle les créanciers de la masse. Ceux-ci bénéficient d'une priorité de rang.
Cette mesure est justifiée si l'on s'en tient à la nécessite de leurs efforts. Ils ont contribué
au maintien et à la survie de l'entreprise.
C'est pourquoi les dites créances sont payées avant toutes les autres créances antérieures
ou dans la masse même lorsque celles-ci bénéficient des privilèges ou des sûretés réelles
spéciales. Il faut reconnaître que le législateur a conféré cette priorité de rang à tous les
créanciers postérieurs. Elle n'est donc pas le seul apanage des créanciers de salaire.
Grosso modo, le droit de priorité tout comme le privilège général et le super privilège
reconnus aux créanciers de salaire participent sans doute du souci du législateur OHADA
à renforcer la protection du droit au salaire. Très souvent une part non négligeable de ces
créances n'est pas toujours payée à la suite du prononcé de la procédure.99(*)
Parfois le non-paiement provient des bornes mises sur place par le législateur pour
tempérer les dangers que pourrait engendrer cette sûreté occulte100(*) qu'est le salaire.
La question de la garantie des salaires n'est pas toujours résolue d'une manière aussi
simpliste qu'on voudrait. En effet, les garanties des salaires dans les procédures
collectives ne sont pas au plein de leur forme. Elles se trouvent au creux de la vague car
bien qu'elles existent, s'appliquent, elles sont menacées par de nombreux périls. Les uns
sont endogènes aux mécanismes de protection, les autres externes puisqu'ils proviennent
d'un vide juridique créé par le législateur.
De même, la créance de salaire doit être une créance certaine, liquide et exigible. Ce qui
suppose que sa revendication doit se faire conformément à une procédure prévue à cet
effet. Dans ce cas précis, la procédure sera relative à la certitude de la créance.
Il faudrait alors que les organes de la procédure collective puissent vérifier que la créance
soit une qui existe véritablement. Lorsque le salarié ne se soumet pas à cette exigence, sa
créance peut disparaître du seul fait de cette négligence.
Il en ressort que le défaut de déclaration des créances par les salariés (§1), constitue une
cause de non-paiement. Mais c'est surtout l'absence d'une technique visant à sécuriser les
salaires (§2), qui ôte à ces garanties leur efficacité.
C'est dans cette perspective que l'Article 78 AUPCAP prévoit que les créanciers doivent
produire leur créance auprès du syndic. L'absence de cette production constitue un défaut
dont il faudra préciser les raisons (A) avant d'examiner les sanctions encourues (B).
La déclaration peut s'entendre comme l'acte par lequel un créancier dont la créance est
antérieure au jugement d'ouverture, manifeste son intention d'obtenir dans le cadre de la
procédure, le paiement de ce qui lui est dû. Il s'agit donc d'un acte de procédure. 101(*)
L'acte uniforme prévoit que la déclaration doit être faite dans un délai précis de trente
jours à compter de l'accomplissement des formalités de publicité sauf pour les créanciers
domiciliés hors du territoire national où la procédure a été ouverte. Ceux-ci bénéficient
d'un délai de soixante jours. Chaque salarié doit indiquer le montant des salaires dus au
jour du jugement en principal et intérêts.
La loi a prévu que le créancier qui n'a pas agi dans les délais peut demander au tribunal de
le relever de forclusion c'est-à-dire, de lui permettre de se rattraper en déclarant sa
créance. Cependant, l'Article 83 AUPCAP soumet cette possibilité à deux conditions :
d'abord, que l'état des créances ne soit pas définitivement arrêté et ensuite, que la
défaillance ne soit pas imputable au créancier. Même cette possibilité ne place pas
totalement le créancier dans tous ses droits, ceux-ci pouvant être réduits en fonction des
intérêts actuels de la procédure.
Dans tous les cas, dès lors que le défaut est constaté, la sanction devient inévitable.
Le défaut de déclaration éteint la dette (1) même si cette extinction peut faire l'objet de
critiques (2).
La forclusion frappe tous les créanciers de salaire qu'ils figurent ou non au bilan ou qu'ils
aient été personnellement avertis, que le retard porte sur la totalité ou sur une partie de
salaire. Mais le défaut de déclaration peut-il justifier la perte du salaire, principal élément
vital pour le salarié ?
On peut regretter que par le jeu des délais, une créance alimentaire de surcroît, puisse
disparaître aussi simplement. De ce point de vue, on peut relever l'avancée du droit
français. En effet, le code de commerce en son article 621-43 précise que les salaires ne
sont pas frappés de forclusion, s'ils ne sont pas produits dans les délais. La forclusion
cache en elle-même une dimension inégale dont semble-t-il a été ignoré par le législateur.
En effet, elle frustre les créanciers de salaire dont le droit103(*)met de temps à apparaître.
Par ailleurs, elle anéantit le respect des engagements souscrits par les employeurs et
paralyse le système de la prescription. La forclusion est considérée d'après certains
auteurs104(*) comme une exception inhérente à la dette pouvant être évoquée par la caution.
Et à JEANTIN et LE CANNU105(*)de conclure ; qu'il ne s'agit pas uniquement d'une
simple forclusion mais bien plus, d'une extinction qui profite non seulement au débiteur
mais aussi à tous ceux qui ont souscrit son engagement.
Un autre obstacle, celui-là plus original provient de l'absence d'une institution de garantie
assurance pour pallier le non-paiement du salaire par les employeurs indélicats.
L'efficacité des garanties accordées aux salariés devait dépendre de l'impossibilité pour
l'employeur de les entraver. Tel n'est pas toujours le cas, ce dernier subissant le
contrecoup des difficultés à tous les niveaux, est souvent incapable de faire face aux
sommes représentant les arriérés de salaire et / ou des indemnités afférentes. Le législateur
français l'a parfaitement compris en prévoyant une assurance pour pallier l'insolvabilité de
l'employeur.106(*) Il s'agit d'un débiteur subsidiaire qui, après paiement se retournera contre
le débiteur principal et subrogera les droits du salarié désintéressé en utilisant privilège et
super privilège.107(*)
Cet exemple tiré parmi tant d'autres des droits étrangers est assez révélateur ; et pose à
nouveau la nécessité de protéger les salariés contre les défaillances de leur employeur. On
est d'avis que des mesures de garantie ne serviront à rien si au bout de la procédure, le
salarié ne pourra pas rentrer en possession de ses droits.
Pourtant, le législateur OHADA brille par sa position obscure (A). Afin de mieux clarifier
cette position, il s'avère nécessaire de mettre sur pied une institution digne (B) devant
jouer ce rôle.
A- LA POSITION DU LÉGISLATEUR
Le législateur n'a pas envisagé de manière expresse l'hypothèse où les fonds manqueraient
pour désintéresser les salariés. Cependant, une interprétation de la position obscure du
législateur peut inspirer une telle idée (1). Sur cette base, la doctrine moderne a fait des
propositions (2) pouvant élucider cette position.
Les dispositions de l'article 96 al. 3 AUPCAP sont à cet égard expressives. En effet, elles
prévoient que lorsque l'avance a été faite par le syndic ou par toute personne, celle-ci sera
subrogée dans les droits des travailleurs. Mais il s'agit d'une disposition qui inquiète à
plusieurs égards.
D'une part, comment comprendre que le syndic, plaque tournante de la procédure, s'y
implique financièrement ? Cette introduction ne peut-elle pas compromettre sa neutralité ?
Nous pensons que cette position jette un discrédit sur toutes les procédures collectives,
puisque c'est faire un retour en arrière que de reconnaître implicitement au syndic la
qualité de créancier. L'esprit des procédures est de faire de ce dernier un organe autonome
pour éviter la partialité dans la procédure.
D'autre part, la mention « toute personne » est assez vague puisqu'elle n'offre aucune
sécurité juridique par rapport à la particularité de la procédure qui est en cours. C'est dans
ce sens que la doctrine s'est efforcée d'apporter les précisions sur celle-ci.
Les commentaires sur cette disposition vont bon train dans la doctrine. Les idées
jaillissent de toute part pour préciser la qualité de « tiers » qui pourrait venir au secours du
débiteur sous réserve de sa subrogation.
Ainsi, pour que ce mécanisme mis sur pied par l'article 96 ne soit inefficace, les
professeurs POUGOUE et KALIEU108(*) estiment que dans les Etats OHADA ce rôle de
tiers devrait être réservé aux sociétés d'assurance et aux banques. Il s'agit en réalité des
institutions qui offrent une meilleure garantie sur le plan financier et qui disposent des
moyens nécessaires pour recouvrer sa créance.
Ayant donc fait sienne cette prévisibilité et s'inspirant des instruments juridiques
internationaux110(*), la doctrine a tenté de combler le retard pris par le législateur. S'il est
vrai qu'il existe plusieurs moyens ou techniques par lesquels le législateur peut sécuriser
les créances de salaire, nous avons la foi en ce que seule une institution solidement
implantée, pourrait de façon efficace jouer ce rôle. Sa mise sur pied devient donc une
impérieuse nécessité.
Le législateur se doit, afin de préserver les droits pécuniaires des salariés, de créer une
institution qui interviendra chaque fois qu'un employeur est totalement défaillant. Il
s'agira d'une structure modèle dont la clarté des principes de
fonctionnement (1) déterminera sa portée (2).
Il sera question ici, d'offrir les principes qui doivent être adaptés au contexte politico-
socio-écomonique du continent africain. Ainsi, cette institution pourra fonctionner en
respect des principes de l'autonomie (a) et de financement (b).
a- L'autonomie de l'institution
Agissant comme débiteur secondaire, et non comme débiteur principal, cette institution ne
doit satisfaire aux créances des travailleurs que lorsqu'il n'y a pas d'actif disponible dans le
patrimoine de l'employeur insolvable.
A l'instar des droits étrangers, ce fonds de garantie salariale doit être géré par des
organismes indépendants constitués dans le cadre des institutions administratives
existantes.
Le système consiste à imposer une charge financière à tous les employeurs, même ceux
qui sont solvables et responsables, la bonne foi n'étant pas présumée en la matière.
On peut aussi, compte tenu de la place du salarié dans l'Etat, admettre que l'institution
puisse être financée à parts égales par les cotisations des employeurs et une aide de l'Etat.
Certes, on peut opposer le fait que dans nos économies, le nombre des entreprises en
difficulté est si élevé que le financement d'une garantie de salaire comporterait un coût
insupportable.
Nous pensons que le degré de sensibilité de la société à travers les conséquences du non-
paiement du salaire, devrait stimuler le législateur à rendre cette contribution obligatoire
pour tous, afin que ce non-paiement ne devienne une règle dans la sous région.
Tous les salariés peuvent en principe bénéficier de cette garantie. Cependant, le législateur
pourra prévoir des catégories de salariés exclus au regard des liens qu'ils entretiennent
avec des employeurs. Dans tous les cas, cette garantie confère une sécurité aux
salaires (a) et la subrogation dans les droits de ces derniers (b).
Cette institution de garantie permettra de déplacer le risque propre à une entreprise vers la
communauté des employeurs. Cette collectivisation du risque d'insolvabilité dans le cadre
des procédures collectives, évitera aux salariés des désagréments qui pourront subvenir du
fait de l'insuffisance de l'actif de l'entreprise.
L'intervention de cet organisme tiers aidera la dite entreprise d'honorer ses engagements
salariaux nés avant ou après l'ouverture de la procédure.
Il est de règle dans le droit commun des obligations que toute personne qui paye à la place
d'une autre, se substitue de plein droit à celle-ci. Il sera donc normal que toute somme
avancée par un fonds de garantie soit ultérieurement recouvrée selon une procédure
ordinaire d'insolvabilité. Ce droit de subrogation des droits du salarié sera protégé par le
même privilège initial et d'autres avantages y afférents.
En dernière analyse, nous dirons que le principe d'assurance qui sera mis sur pied ne doit
pas être très différent de l'assurance accident de travail qui est financée par les
employeurs. Il faut aussi noter que cette institution fonctionnera suivant les moeurs et la
capacité d'administration reconnues aux différents Etats. Alors, le problème fondamental
résidera, dans l'espace communautaire de l'ampleur des différences d'un pays à un autre.
CONCLUSION DE LA PARTIE
D'autre part, comme créancier d'argent, il bénéficie d'une protection qui couvre toutes les
étapes de la procédure c'est-à-dire de la prévention au traitement des difficultés. Le salarié
bénéficie d'une limitation et restriction des remises et reports d'échéance et surtout des
privilèges et d'une priorité de paiement. Ces avantages lui permettent d'échapper aux
contraintes des procédures collectives, tandis que d'autres créanciers groupés en une
masse s'interrogent sur leur sort qui ne s'éclaircira qu'après l'appréciation des éléments
d'actif du débiteur.
Cette protection devrait être parfaite si le législateur avait reconnu aux salariés le pouvoir
de s'impliquer activement dans la gestion de l'entreprise en difficulté et mis sur pied une
institution devant pallier le non-paiement de leur salaire. Ces mesures permettront sans
doute aux salariés de suivre de bout en bout l'évolution de la structure dans laquelle ils
font partie intégrante.
Cependant «favoriser les salariés à tout prix risque d'aboutir à des injustices», injustices
par rapport à l'employeur112(*) et à l'égard des autres créanciers.113(*)
C'est peut être pour réparer ces injustices que le législateur a assorti la sécurisation des
salariés de certaines limites, limites qui constituent une menace voire un danger pour la
condition du salarié en présence des difficultés persistantes dans l'entreprise.
Deuxième partie :
Cependant, tel n'est toujours pas le cas. En effet, la résolution de ces difficultés
commande des modifications qui sont souvent dangereuses pour garantir la stabilité de
l'emploi. Le fait pour le législateur d'avoir réglementer des pratiques contraires n'est-il pas
un danger pour l'entreprise dont on prétend sauver ?
redressement judiciaire
Le concordat doit s'efforcer à avoir un volet social capable de présager les lendemains
meilleurs pour l'emploi. Cette mesure reste possible dans l'hypothèse où les activités de
l'entreprise se poursuivent. L'objet du concordat est de prendre toutes les mesures
juridiques, techniques et financières susceptibles de réaliser le rétablissement des
conditions de fonctionnement normal de l'entreprise. La recherche du maintien des
contrats, du moins de certains contrats est un motif légitime du licenciement dans le
redressement judiciaire (Section 1ere).
LICENCIEMENT
A titre de droit comparé, l'Article 40 de la loi française du 25 janvier 1985 sur les
procédures collectives prévoit que la rupture du contrat ne peut intervenir que par l'effet
d'un licenciement pour motif économique intervenu pendant la période d'observation.
C'est dire que les différentes législations n'ont pas pu éviter les licenciements mais elles se
sont efforcées à les rendre moins brutaux.
Le licenciement pour motif économique a, d'après les textes, un double motif. Il peut
résulter d'une part d'un dysfonctionnement structurel (A) et d'autre part d'une conjoncture
économique (B).
A - LE DYSFONCTIONNEMENT STRUCTUREL.
B- LE MOTIF ECONOMIQUE
En clair, on peut retenir des textes en vigueur, qu'il s'agit d'un licenciement motivé par des
raisons conjoncturelles ou structurelles inhérentes à l'entreprise. Il est donc fondé selon la
jurisprudence118(*)notamment sur les difficultés financières, techniques ou économiques.
A ce titre, l'exigence du motif apparaît comme une arme contre les abus (A) provenant des
employeurs. Ces derniers doivent, par nécessité et sous peine de sanctions appliquer un
juste motif (B).
L'employeur qui envisage de licencier doit invoquer comme motif, les seuls qui sont
prévus par la loi. Tout licenciement intervenu dans ce cadre sans respect scrupuleux de
ces motifs et de la procédure appropriée, est illégitime.
Ainsi a-t- il été jugé dans une affaire119(*) que le licenciement devient abusif s'il est
intervenu alors que le salarié concerné était en congé, car motive la cour « L'employeur
aurait dû attendre la fin des congés de Ngouna avant de le licencier ».
On constate qu'il y'a une détermination des juges à requalifier autrement le licenciement
intervenu hors du cadre des motifs précédemment examinés.
C'est dire donc que le licenciement ne doit pas être l'occasion pour l'employeur de régler
ses propres comptes. Il doit par ailleurs examiner au cas par cas la situation des salariés en
respectant leur qualification professionnelle, leur ancienneté, leurs charges familiales et
bien d'autres éléments.121(*) Dans cette clarté, il sera épargné des poursuites et
revendications provenant des salariés licenciés.
La justesse du motif instaurera parmi le groupe des salariés encore en activité un climat de
confiance et une certaine moralité sociale. Dans tous les cas, le licenciement causera
toujours un préjudice à ceux qui ont cessé de travailler.
C'est pourquoi certains auteurs 122(*)ont pu dire que les licenciements sont un aspect
douloureux des procédures collectives. Il est donc nécessaire de les limiter au maximum
afin de sauvegarder l'essentiel du potentiel économique et humain. La responsabilité de
cette lourde tâche incombe à l'autorité judiciaire.
Tout licenciement pour motif économique respecte une procédure qui est placée sous le
contrôle des juges. Le droit commun123(*)a prévu une procédure axée sur quatre étapes124(*).
Par contre, dans les procédures collectives, une place importante est réservée aux organes
judiciaires de la procédure Ces derniers sont chargés de veiller et de contrôler la justesse
de la rupture.
Ainsi, tout comme le législateur français, le législateur OHADA a prévu une procédure
dérogatoire au droit commun. Des originalités sont envisagées dans cette procédure tant
en ce qui concerne le rôle du syndic (§1) que pour ce qui est de la place du juge
commissaire (§2). Ces organes décideront désormais de l'opportunité des licenciements.
Il faut d'abord noter qu'au stade du redressement judiciaire, le syndic joue un rôle ambigu.
Il est à la fois mandataire de la masse et assiste le débiteur dans la gestion. Sous cette
casquette, il dispose du pouvoir de juger de l'opportunité des licenciements (A) ; pouvoir
dont l'exercice est soumis à une consultation préalable (B) des délégués du personnel.
A- LE POUVOIR DE LICENCIER
Le syndic est l'organe qui est au coeur des procédures collectives. Il maîtrise à cet égard
les contours des difficultés qui minent le fonctionnement normal de l'entreprise. C'est pour
cette raison qu'il peut obtenir du juge commissaire, nonobstant toute disposition contraire
et sans préjudice du droit au préavis et aux indemnités125(*), le pouvoir de licencier tout
travailleur à l'exception des délégués du personnel. Il est donc un véritable chef
d'entreprise puisque ce pouvoir est en principe dévolu à l'employeur. Il n'est pas aussi
exclu que le débiteur ait un mot à dire sur le licenciement des salariés puisqu'il n'est pas
totalement déchu de son pouvoir de direction ; ce pouvoir étant juste partagé.
Mais le syndic doit, avant toute saisine du juge commissaire établir l'ordre des
licenciements conformément aux dispositions du code du travail126(*)et en précisant les
critères retenus127(*). A ce propos, il faut noter que le législateur OHADA retient les
mêmes critères pour l'établissement de la liste des salariés à licencier. Il devra donc tenir
compte des aptitudes professionnelles, de l'ancienneté dans l'entreprise et des charges
familiales. Ainsi, le salarié licencié peut contester l'ordre de licenciement établi par le
syndic qui n'a pas respecté les critères prévus par la loi ou un accord collectif.
Cependant, le syndic n'est pas tout à fait libre dans l'exercice de ce pouvoir. Il doit, pour
des raisons de transparence et de légitimité, consulter les délégués du personnel qui sont
des représentants des salariés.
Le syndic qui envisage de recourir aux licenciements économiques doit consulter les
délégués du personnel. Ceux-ci doivent donner leurs avis et leurs suggestions sur ces
licenciements par écrit dans un délai de huit jours. Ce qui suppose que le silence gardé par
ceux-ci au-delà de ce délai vaut acceptation et produit effet à leur égard. Cette
consultation est impérative quel que soit le nombre des salariés à licencier. Tout
licenciement autorisé pendant la période d'observation par le juge commissaire au mépris
de la consultation de cette représentation ouvre droit à une indemnisation au préjudice
subi.128(*)
Par la suite, le syndic devra informer, par les soins de l'employeur129(*) l'inspecteur du
travail qui n'a aucun pouvoir d'autorisation. Ce dernier se contente de recevoir
communication de la lettre de consultation des délégués du personnel et de leur réponse.
Ainsi, on peut dire que cette information est une simple formalité administrative qui n'a
aucune incidence sur l'efficacité et l'issue de la procédure entreprise. Quel est l'intérêt
d'une telle information ? On devrait procéder à une suppression pure et simple d'une telle
information.
Il en ressort de manière globale qu'en cette matière, les dispositions de droit commun
seront en partie applicables par le syndic dans le licenciement intervenu au cours du
redressement judiciaire. Cette fonction du syndic ne peut être mise en oeuvre que par
l'autorisation du juge commissaire.
Par cette autorisation, le juge commissaire est-il devenu le représentant de l'Etat dans le
droit des procédures collectives? Il semble que cette implication vient simplifier une
procédure dont l'intervention de l'inspecteur avait rendu lourde et lente.
Toutefois, ses décisions qui sont des ordonnances peuvent être rendues en dernier ressort
ou être susceptibles d'opposition dans les quinze jours de sa signification devant la
juridiction ayant ouvert la procédure. Elle doit rendre sa décision sous quinzaine.133(*)
En principe, cette décision ne peut faire l'objet d'aucune voie de recours sauf s'il a outre
passé ses attributions.134(*)
En réalité toutes ces mesures prises par le législateur visent à assurer la paix sociale au
sein de l'entreprise. Elles traduisent aussi la volonté d'accélérer la résolution de la question
des licenciements afin de ne pas compromettre le redressement de l'entreprise.
Le licenciement pour motif économique n'est d'ailleurs pas la seule mesure qui menace le
salarié dans les procédures collectives. Plus est encore, la cessation des activités de
l'entreprise au cours de la liquidation des biens.
La liquidation des biens est donc une cause de rupture du contrat de travail ; puisqu'elle
met un terme aux activités de l'entreprise. En effet, la liquidation intervient soit, lorsque le
redressement parait impossible en raison de la gravité des difficultés ou pour défaut de
concordat sérieux soit enfin, en cas d'échec du redressement. Cette situation met le syndic
et le juge commissaire dans l'obligation de réaliser l'actif du débiteur pour apurer le passif.
Le paiement des créanciers est en réalité l'objectif premier des procédures collectives.
Au cours de ces opérations, tous les créanciers et plus particulièrement ceux de salaire,
doivent entrer en possession de leurs créances à l'endroit du débiteur ayant cessé ses
activités.
Mais en réalité, le désintéressement des créanciers de salaire qui met fin à la procédure,
n'intervient pas aussi rapidement comme semble le dire théoriquement le législateur. En
pratique, il peut subvenir au cours de cette opération des difficultés (Section 1ere) qui
retardent son effectivité. Dès que celles-ci sont franchies, le désintéressement se fait en
fonction des modalités prévues par la loi (Section 2).
valoir leurs droits. Mais cette constitution d'union est sans intérêt puisqu'elle n'a rien de
particulier sur l'aboutissement de la procédure. 138(*)
§1 - L'INCERTITUDE DU REGLEMENT
Toute oeuvre humaine peut, malgré les dispositions prises pour la perfectionner, avoir des
insuffisances. Une procédure judiciaire n'est pour autant pas à l'abri.
En effet, l'inquiétude des créanciers de salaire peut naître des aléas découlant de la
procédure (A). S'il est vrai que le paiement se fait par rapport à l'actif du débiteur et non
par rapport à l'un des biens, le désintéressement des créanciers de salaire doit se faire en
fonction de l'appréciation et de l'évaluation des éléments d'actif et du passif (B).
1 - La lenteur de la procédure
Entre la réalité des procédures collectives et le souhait des salariés d'être désintéressés, il
y a très souvent un grand fossé.
En effet, dans la quasi-totalité des Etats membres de l'OHADA, la machine judiciaire n'est
pas adaptée au règlement rapide des procédures à elle soumises. C'est ainsi qu'une
opération de désintéressement peut mettre souvent des années voire des
décennies.1(*)39 Cette lenteur étant une mesure décourageante des salariés, s'explique par
les différents maux qui minent la Justice de ces Etats. Il s'agit entre autres de l'insuffisance
des moyens matériels, de l'utilisation inopérante des moyens d'information, de
l'insuffisance en personnels ou du personnel non qualifié.
Par ailleurs, le respect du formalisme judiciaire peut être une source de lenteur. En
principe une procédure aussi délicate ne devrait pas être expéditive, elle doit se dérouler
dans un délai raisonnable devant permettre l'examen de la situation réelle de chaque
créancier.
Mis à part cette lenteur de la machine judiciaire, la procédure peut tarder à cause d'une
mauvaise foi des organes de procédure. Ainsi le syndic de liquidation sous la complicité
du Juge Commissaire peut faire ralentir la procédure à cause des intérêts égoïstes tirés de
la procédure. Mais heureusement, le législateur, pour éviter cette éventualité, a prévu
l'engagement de la responsabilité pénale du dit organe.
Il en ressort de ces différents arguments que si le créancier de salaire est certain du jour de
l'ouverture de la procédure de liquidation, il en demeure ignorant de sa date de clôture,
celle-ci devant être appréciée en fonction des circonstances de déroulement de cette
procédure.
De même, une autre source d'inquiétude des salariés peut naître du fait de la recherche de
l'authenticité des titres.
Dans ces différents cas, il se posera une question fondamentale. Comment évaluer les
droits des créanciers d'un débiteur qui a perdu ses documents comptables ? Nous pensons
que la preuve étant libre et se faisant par tous moyens en matière commerciale et sociale,
il va falloir que les dits créanciers déploient des efforts pour justifier leurs créances. Le
temps de la reconstitution de ces documents sera sans doute préjudiciable aux salariés.
Le législateur OHADA n'envisage pas cette possibilité mais il n'est pas exclu que de telles
situations surprennent le syndic au cours d'une procédure de liquidation des biens. Ces
situations quoi qu'il arrive augmenteront l'inquiétude des salariés.
En dehors de ces sources d'inquiétude provenant des évènements imprévus survenus lors
des procédures collectives et compliquant la situation des salariés, l'appréciation du passif
et de l'actif n'est non plus, parfois à leur avantage. Elle brise leur sentiment de supériorité
et les soumet aux incertitudes de la procédure.
Il ne suffit pas lors d'une liquidation, de déterminer l'état de l'actif (a) pour prétendre au
paiement des créanciers, le syndic doit aussi faire preuve d'une fermeté dans le
recouvrement (b), faute de quoi l'actif serait théorique.
a- L'état de l'actif
L'opération de réalisation en elle-même, est très simple et facile. Il s'agit pour le syndic de
faire un inventaire des biens meuble et immeuble et de procéder éventuellement, avec
l'assistance du juge commissaire à leur vente. Il est certain que les biens constituant l'actif
sont d'inégales valeurs; certains pouvant acquérir dans un temps plus ou moins long une
grande valeur ou plutôt une dépréciation. L'appréciation de l'actif doit, pour ces raisons se
faire en temps opportun pour éviter un état illusoire ou même fictif. Par exemple un bien
dont l'évaluation a été faite avant la dévaluation du franc CFA n'aura plus la même
consistance après l'opération et vice versa ; le même bien sera déprécié par exemple en
période de guerre ou d'événements malheureux affectant la vie économique etc.
C'est dire que le paiement des créanciers dépend étroitement de l'état fictif ou réel de
l'actif du débiteur. L'actif qui figure sur les documents financiers doit surtout être liquide,
l'absence de cette liquidité compromet sérieusement leur paiement. Aussi, il ne suffit pas
pour le syndic de mentionner ce qui constitue l'actif, il doit pouvoir le recouvrer.
L'actif doit être constitué des créances qui peuvent faire l'objet de recouvrement. Cette
opération se fait à l'égard des tiers par les soins du syndic de liquidation. Le sort des
créanciers de salaire est donc entre ses mains puisque son inertie aura pour conséquence
l'absence des fonds et donc le non-paiement. Au cours de cette opération, le syndic peut
être confronté d'une part, au terme des créances qui peut s'avérer plus ou moins long. Pour
éviter que la procédure ne soit paralysée, il peut les céder et compenser une dette. D'autre
part, le montant de la créance objet du recouvrement peut être contesté. Dans ce cas, il
peut au besoin par une transaction régler la difficulté.
Dans tous les cas, le syndic de liquidation doit être dynamique, conciliant et capable de
préserver à la fois l'intérêt du débiteur et celui des créanciers. Son inertie est préjudiciable
à ces derniers dont l'examen des dettes détermine aussi l'efficacité de la procédure.
2- L'étendue du passif
Le syndic doit en fonction de l'actif réellement réalisé ou recouvré, payer tout ou partie
des créanciers. C'est là tout l'enjeu de l'opération d'apurement du passif, opération dont
l'effectivité et l'efficacité dépendent du nombre des créanciers (a) et du volume de leurs
créances (b).
Pour mieux aborder la phase de paiement, le syndic tient toujours compte du nombre de
ceux-ci. C'est pour cette raison et surtout pour les besoins de justice et de paix sociales,
que le législateur a prévu une classification des dits créanciers. Chacun devrait être
désintéressé proportionnellement à son rang et à la qualité de sa créance. Mais,
l'application stricte des dispositions de l'article 166, prévoit que les créanciers d'un rang
supérieur doivent être intégralement payés avant ceux du rang suivant. En présence de
cette hypothèse, l'insuffisance de l'actif sera préjudiciable aux créanciers des rangs
défavorables. En effet ces créanciers sont le plus souvent privilégiés et rarement
chirographaires. L'effectif de ces créanciers pourra ainsi gêner les salariés; le volume de
leurs créances peut produire le même effet.
En réalité, l'actif doit être raisonnable pour permettre le désintéressement des créances de
salaires. Lorsque ces créances sont excessivement disproportionnées par rapport à l'actif
disponible, la liquidation devient impossible. Il est donc inutile dans ce cas de continuer la
procédure qui est source de frais supplémentaires. On parle de la clôture pour insuffisance
d'actif.
C'est dire de manière générale, que l'étendue du volume des créances et le nombre des
créanciers peuvent avoir une influence non négligeable sur le règlement des droits
pécuniaires des salariés. En dehors de ces éléments prouvant l'incertitude du paiement,
une autre difficulté découle de l'exercice du droit de priorité à ce stade de la procédure.
En principe, les créanciers postérieurs sont payés avant tous les créanciers antérieurs
même si ces derniers ont des sûretés. Mais, ce principe présente un danger certain lorsqu'il
y a par exemple un concours, entre créanciers de salaires super privilégiés et créances de
salaire postérieures ou encore conflit de priorité entre fournisseurs et salaires non payés.
Cette situation conflictuelle due sans doute à l'absence d'un classement des créanciers
postérieurs (A), confère au syndic de liquidation un pouvoir d'appréciation (B).
On se serait attendu qu'il prévoit l'ordre de paiement des créances composant la masse, or
il ne l'a pas fait. Ce qui, pensons-nous, est un oubli ou purement la manifestation d'une
négligence de la part du législateur OHADA ou national. Ce droit de classement lui est
expressément reconnu par la convention n°95 concernant la protection des salaires.
Nous avons la ferme conviction que le législateur OHADA ou mieux, son substitut
national comblera ce vide qui existe et rend difficile l'application effective des mesures de
garantie postérieures. Mais, en attendant que ce voeu se concrétise, le syndic de
liquidation continuera d'exercer son pouvoir d'appréciation.
Il peut arriver qu'au cours de la liquidation, surtout au niveau du paiement, il y ait des
conflits entre certaines créances, et que ces conflits ne sont pas expressément réglés par le
législateur. Il va falloir donc apprécier. Apprécier ici signifie déterminer le sens, relever la
portée d'une créance, déduire sa valeur. Ainsi, comme toute autorité judiciaire en charge
d'une procédure, le syndic de liquidation dispose d'un pouvoir d'interprétation et
d'appréciation. Ce pouvoir se renforce chaque fois qu'une disposition de la loi est ambiguë
ou imprécise.
En l'absence des règles devant guidées le syndic dans son appréciation, celui-ci pourra
décider en humble et libre conscience, tout en mettant en avant l'équité et son sens élevé
de responsabilité. A cet égard, on dira que le syndic dispose en la matière d'un pouvoir
souverain d'appréciation. Il dispose à cet égard d'un panel d'éléments sur lesquels il peut
se baser pour résoudre le conflit. Il pourra ainsi s'appuyer sur la qualité du créancier au
regard de la procédure143(*); le volume de sa créance144(*) ; l'activité du créancier.145(*)
Dès lors que cette action du syndic permet de résoudre le ou les conflits entre créanciers
postérieurs, il sera enfin procéder au désintéressement de tous les créanciers et surtout
ceux de salaire.
En effet, elle peut intervenir suite à une insuffisance d'actif ou pour échec de concordat,
rendant le paiement des créanciers difficile. Dans cette hypothèse, les salariés feront
recours aux modes traditionnels de poursuite du débiteur insolvable. Leurs créances seront
alors payées en dehors du cadre de la procédure collective. Il s'agira dans ce cas d'un
paiement anormal (§2).
Mais la situation souhaitable est celle où la clôture intervient pour extinction du passif. Ici
on assistera par contre à un désintéressement normal des salaires (§1).
La clôture pour extinction du passif a lieu lorsque le débiteur établit qu'il a payé toutes les
créances inhérentes au salaire ; et que le syndic dispose des sommes suffisantes pour faire
face au paiement des dividendes et aux frais de procédure. Ces créanciers spéciaux seront
payés suivant le classement établi par les Articles 166 et 167 de l'AUPCAP.
D'ailleurs, les créances salariales feront partie de la grande catégorie des créances
postérieures à la procédure ou créanciers de la masse.
Mais l'article 166, n'ayant pas résolu le classement des droits préférentiels postérieurs,
suscite quelques inquiétudes.146(*) Il faut pourtant remarquer que malgré ces inquiétudes,
tous les salariés entreront en possession de leurs droits à la fin de la procédure. Ceci est
d'autant plus juste qu'il y ait des fonds en réserve consignés dans les mains du syndic,
sorte de garantie supplémentaire à leur paiement.
Les salariés ne disposent pas cependant de toutes ces possibilités lorsque la clôture est
intervenue suite à l'insuffisance d'actif. Le paiement est compromis dans ce cas à cause de
l'insolvabilité totale du débiteur.
Comme tous les autres créanciers des débiteurs insolvables, les créanciers de salaire
chercheront d'autres voies de droit commun que celle des procédures collectives, pour se
faire payer lorsque l'actif est insuffisant pour couvrir l'ensemble du passif. Les créanciers
dont la créance a été vérifiée et admise, peuvent après dissolution de l'union, obtenir sur
simple requête, le titre nécessaire à l'exercice de leurs actions individuelles, quel que soit
le montant de la créance. Ce titre qui revêt la forme d'une ordonnance du président du
tribunal, se réfère à l'admission définitive du créancier en question et à la dissolution de
l'union ; il a force exécutoire puisqu'il se fonde sur une reconnaissance antérieure de la
créance. Il n'est donc susceptible d'aucun contredit, ni d'aucune voie de recours.
En cette occurrence, l'Article 170 AUPCAP alinéa 3 précise que l'union des créanciers est
dissoute de plein droit et ces créanciers recouvrent l'exercice individuel de leurs actions.
L'article 174 réitère les poursuites individuelles reconnues aux créanciers de salaire. Par
ailleurs, les créanciers postérieurs à la dissolution de l'union, peuvent-ils provoquer une
nouvelle liquidation du débiteur ? Il nous semble que le législateur ne s'est pas prononcer
sur cette question. Pourtant, certains biens existant au temps de l'union peuvent être
frauduleusement dissimulés par les organes de procédure et découverts par la suite. En
présence de cette situation, il serait légitime de rouvrir l'union des créanciers ;
l'appréciation devant être fait par le tribunal.147(*)
Il faut noter que c'est là, une différence fondamentale avec le droit français où le principe
est désormais la libération du débiteur ou plus précisément du « non-recouvrement » des
poursuites individuelles des créanciers.148(*)
Mais il faut convenir avec RIPERT et ROBLOT149(*), qu'il s'agit d'une atteinte à la
moralité commerciale et une mesure dangereuse, puisqu'elle n'est pas de nature à inciter
les commerçants en situation difficile à respecter leurs engagements.
Alors, les salariés utiliseront désormais toutes les actions 150(*) que leur offre le droit
commun, pour agir contre le débiteur et entrer ainsi en possession de leurs droits
financiers. Ces poursuites seront renforcées par l'obtention de la formule exécutoire pour
les créances admises et vérifiées, ceci en cas de retour du débiteur à meilleure
fortune.151(*) Les salariés qui obtiennent paiement en dehors des procédures collectives,
sont à l'abri de certaines difficultés qui peuvent exister du fait des règles spécifiques
applicables aux procédures.
Cependant, ceux qui font partie des créanciers de la masse, et donc privilégiés, doivent
faire face aux autres créanciers, disposant des mêmes avantages au niveau de la procédure
de liquidation.
CONCLUSION DE LA PARTIE
L'analyse de cette partie montre que la persistance des difficultés rend imprécise la
stabilité de l'emploi. On peut tout de même espérer avec les efforts déployés ou à déployer
par le législateur.
En effet, la rupture du contrat dans le redressement judiciaire, est justifiée par la nécessité
de sauvegarder les ou mieux certains emplois. Mais, dès que cette finalité n'est pas
atteinte, les salariés bénéficient des droits y afférents.
Cependant, le règlement de ces droits surtout dans la liquidation des biens, est une
opération très complexe, parce que longue et ponctuée de plusieurs obstacles qui
découlent de la procédure elle-même, des tiers ou d'un vide juridique. Un effort est tout de
même observé pour préserver, par un paiement, les salariés des effets indésirables des
procédures collectives, effets qui proviennent de la rupture du contrat de travail.
CONCLUSION GENERALE
En somme, la condition des salariés dans les procédures collectives en Afrique et surtout
dans l'espace OHADA, est loin d'être satisfaisante.
Certes, les salariés bénéficient pour le recouvrement de leurs créances, d'un privilège
général, d'un super privilège et d'un droit de priorité. Cette législation protectrice s'intègre,
dans les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens par la
reconnaissance d'un grand nombre d'avantages aux salariés. Mais, ces garanties sont
pratiquement inefficaces ou mieux insuffisantes, à cause des risques de forclusion et
compromission de leur créance.
Ces risques deviennent grandissants à partir du moment où ces salariés ne sont même pas
rassurés du maintien de leur emploi. En effet, la persistance des difficultés de l'entreprise
est dangereuse pour la sauvegarde de l'emploi aussi bien en cours qu'à la fin de la
procédure. C'est dans cette perspective qu'un licenciement pour motif économique peut
intervenir dans le souci de préserver certains emplois ; en cas d'impossibilité, la
liquidation mettra fin aux activités de l'entreprise.
Une inquiétude demeure aussi pour la garantie des salaires en cas de procédures
collectives d'un employeur établi à l'étranger.152(*) En réalité, c'est là poser la condition du
salarié dans un groupe de société. L'OHADA n'a abordé cette question que dans un sens
général, puisqu'il envisage l'hypothèse des procédures collectives
internationales.153(*) Cette solution paraît peu enviable, puisqu'elle ne fait pas ressortir
spécialement cette condition des salariés. En fait, qui est le véritable employeur du salarié
dans le groupe de société, est-ce la mère ou la filiale ? La réponse à cette question dépend
des situations en présence. En principe, la société mère n'est pas tenue d'exécuter les
obligations contractées par sa filiale et inversement. Mais, il a été jugé qu'un salarié
embauché par la société mère pour exercer les fonctions de dirigeant social au sein de
l'une de ses filiales, dépendait de cette dernière.154(*) Cette hypothèse diffère de celle de
deux filiales appartenant à une société mère, peut-on raisonnablement impliquer les
salariés d'une filiale n'ayant aucune difficulté, et sans préjudice, à une procédure ouverte à
l'encontre d'une autre, sous prétexte de survie de la société mère ? Nous pensons qu'il
s'agit d'une situation impossible parce qu'elle porterait atteinte à l'autonomie des filiales.
Elle est aussi dangereuse pour la stabilité économique. Mais, les salariés de la filiale
peuvent subir, pour sauver la société mère à cause du lien juridique qui les unit. Afin
d'éviter ces dangers, il faudrait que les effets soient circonscrits aux salariés de l'entreprise
concernée. Les salariés doivent bénéficier d'une protection légale en présence d'une
procédure collective dirigée contre un groupe de société. Ce sera une facilité d'intégration
des salariés dans le système globalisé.
Du fait de l'absence de ces mesures, on assiste très souvent aux réactions violentes,
inopinées, inorganisées et surtout inefficaces des salariés mal informés ou insuffisamment
consultés pour des problèmes qui les concernent au premier chef, d'où de fréquentes
manifestations, contestations et grèves sous toute forme ici et là. Tel fut récemment le cas
des salariés de l'ex CAMAIR155(*)qui réclamaient plus de transparence dans les opérations
de restructuration et l'avenir des emplois.
Eléments bibliographiques
I-OUVRAGES GÉNÉRAUX
1- ANOUKAHA (F), Le droit des sûretés dans l'acte uniforme OHADA, coll. Droit
2- DIDIER (A), Droit Commercial, T5, l'entreprise en difficulté, P.U.F, coll. Thémis,
octobre
1995, 491 pp.
3- GATSI (J), (sous la direction de...), L'effectivité du droit de l' OHADA, coll. Droit
uniforme, P.U.A, 2006 , 320 pp.
4- GUERY (G), Pratique du droit du travail, 10e ed. , 2001, 672 pp.
Dunod.
12- POUGOUE (P G), ANOUKAHA (F) et NGUEBOU TOUKAM (J), Le droit des
sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique OHADA, Coll. Droit
uniforme, P.U.A, 1998, 634 pp.
14- POUGOUE (PG), (sous la direction de...), Le code de travail Camerounais annoté, ed,
P.U.A,
15- RIPERT (G) et ROBLOT (R), par GERMAIN et DELEBECQUE , Traité de droit
commercial, T2, 16e ed.2000, 1256 pp.
16- SAWADOGO FILIGA (M), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, édition
Bruylant, Bruxelles 2002, 444 pp.
p. 293-303.
3- KANE EBANGA (P), Le redressement judiciaire dans le droit africain des affaires,
RADIC, vol.
4- MOULY (C), Procédures collectives : Assainir le régime des sûretés, in Etudes dédiées
à René
ROBLOT, Aspects actuels du droit commercial français, L.G.D.J 1984, p. 259 et suiv.
5-NGUIHE KANTE (P), Réflexions sur la notion d'entreprise en difficulté dans l'acte
uniforme
7-PIROVANO (A), Les effets de la procédure d'apurement du passif sur la situation des
créanciers
9-ROSSIGNOL (H), Rapport du 17e congrès national des syndics (Orléans 1978) intitulé
l'égalité
III- MÉMOIRES
2-DJOUOMO PECHE (A), «Le classement des sûretés dans l'OHADA», mémoire de
D.E.A,
3- KEM TCHEKEM (B.M), «Entreprises en difficulté et droits des salariés dans la zone
OHADA :
4-TEGUIA (P), «Le sort des contrats en cours dans les restructurations des sociétés
commerciales»,
5-ZEMFOU'OU (E.R), «La prise en compte des intérêts des travailleurs en cas de cession
et fusion
REMERCIEMENTS.....................................................................................................ii
SOMMAIRE...............................................................................................................iv
INTRODUCTION GÉNÉRALE...................................................................................1
A- LES MESURES
ÉCONOMIQUES..................................................................................15
A- SUR LE PLAN DE LA
RÉMUNÉRATION....................................................................19
1- La réduction du salaire................................................................................19
a- Le droit d'information...........................................................................................25
b- Le droit d'alerte.....................................................................................................26
2- Dans le traitement des difficultés..........................................................27
a- Un droit de consultation.......................................................................................27
b- Un droit de reprise................................................................................................28
a- Le mécanisme de la garantie..............................................................................35
1- La priorité de date..................................................................................41
2- La priorité de rang..................................................................................................42
A- LE RISQUE DE PERTE DU
SALAIRE............................................................................43
B- LA SANCTION : LA FORCLUSION DE LA
DETTE.......................................................44
§2 : LE DÉFAUT DE TECHNIQUE DE
SÉCURISATION..................................................45
A- LA POSITION DU
LÉGISLATEUR...................................................................................46
a- L'autonomie de l'institution.................................................................................48
b- Le financement de l'institution............................................................................48
CONCLUSION DE LA PARTIE...........................................................................51
A-LE DYSFONCTIONNEMENT
STRUCTUREL............................................................55
B-LE MOTIF
ÉCONOMIQUE ............................................................................................56
A-LE POUVOIR DE
LICENCIER.........................................................................................59
B- UN POUVOIR SOUMIS À
CONSULTATION................................................................59
B- LA RECHERCHE DE LA CÉLÉRITÉ DE LA
PROCÉDURE......................................61
1- La lenteur de la procédure.............................................................................65
B- L'APPRÉCIATION DU PATRIMOINE DU
DÉBITEUR................................................68
1- L'appréciation de l'actif..................................................................................68
2- L'étendue du passif...........................................................................................69
§1 : LE PAIEMENT NORMAL...............................................................................73
§2 : LE PAIEMENT ANORMAL..............................................................................74
CONCLUSION DE LA
PARTIE.......................................................................................76
CONCLUSION GÉNÉRALE..................................................................77
ANNEXES................................80
ELÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES..............................................vi
* 1 Voir l'Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d'apurement du
passif in Journal Officiel OHADA no 7 du 01/ 07/ 98, p. 1 et suiv.
* 2 NGUIHE KANTE (P), Réflexions sur la notion d'entreprise en difficulté dans l'Acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif OHADA, in Annales de la faculté des
sciences juridiques et politiques de l'Université de DSCHANG, T.5, P.U.A, 2001 p.88.
* 3 Cf. loi du 4 mars 1989 sur la liquidation judiciaire ; décret-loi du 8 août 1955.
* 7 SAWADOGO Filiga, in Commentaire de l'Acte uniforme portant sur les procédures collectives
d'apurement du passif du 10 avril 1998.
* 8 Elle consiste en la préservation de l'emploi et de la prise en compte de la situation globale des créanciers
sociaux.
* 9 Ce contexte est marqué malheureusement chez nous par une forte récession économique ayant pour
conséquence la disparition d'un grand nombre d'entreprises privées et parapubliques accompagnée par la
déstructuration des rapports sociaux jadis existants.
* 14 Ces moyens sont des techniques de prévention permettant la détection précoce des difficultés de
l'entreprise prévues par l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et groupements d'intérêt économique
en ses articles 150 à 158 pour l'alerte et 159 pour l'expertise. Mais on pourrait se demander pourquoi le
législateur n'a pas repris ceux-ci parmi les mesures de prévention des difficultés dans l'AUPCAP. Que les
réformes postérieures répondent à ces préoccupations ?
* 15 A propos du caractère collectif, voir FRISON-ROCHE MARIE-ANNE dans Le caractère collectif des
procédures collectives, in Revue Trimestrielle de Droit (R.T.D) 1996, p. 293 à 303.
* 16 Cf. Procédures collectives ; Assainir le régime des sûretés in Etudes dédiées à René ROBLOT, Aspects
actuels du droit commercial français, L.G.D.J 1984 p. 259.
* 17 En l'occurrence CABRILLAC (M), in Les ambiguïtés de l'égalité entre les créanciers, Mélanges A.
BRETON et F. DERRIDA 1991 p.91 cité par Marie-Anne FRISON ROCHE op. cit. ; L'auteur dissocie ce
principe d'égalité illusoire pour lui et la suspension des poursuites.
* 18 Ce qui a valu en France, la proposition par certains syndics de supprimer les privilèges pour mieux
assurer l'égalité entre les créanciers. Voir à ce propos ROSSIGNOL (H) : Rapport au 17e congrès national
des syndics, Orléans 1978 intitulé l'égalité des créanciers publié au G.P 1978,2, doctrine p. 612 à 615.
* 19 Cf. Droit des affaires, T5, Entreprises en difficultés, Redressement judiciaire, Faillite 9 e éd. Economica n°
1349 et suiv.
* 20 Malaise socio économique, pression fiscale forte, paupérisation accélérée, fermeture de plusieurs
entreprises, inadéquation de l'emploi et des réalités sociales.
* 21 Au Cameroun, l'actualité récente a dévoilé le cas du groupe Bolloré avec S.D.V et SOCOPAO, de SHELL
Cameroun, du groupe TATI et bien d'autres.
* 22 Voir ARSEGUEL, les droits individuels des salariés en matière d'emploi et de créance, Annales université
de Toulouse 1986 cité par GUYON op. cit. no 1257 p. 286.
* 23 DUDH du 10 décembre1948, art 23 al. 1 ; Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27
juin 1981.
* 27 Pour de plus amples explications de cette notion, voir KANE EBANGA (P), Le concordat de
redressement judiciaire dans le droit africain des affaires, RADIC, vol 12, 2000,. P.159 à 169.
* 28 A contrario, en France la continuation des contrats en cours concerne tous les contrats sans exception.
Voir art 37 de la loi de 1985, cass. Com. 8 déc 1987.
* 29 L'article 42 al.1 mentionne qu'en plus de cette poursuite de l'activité, il faut nécessairement une
modification de la situation juridique de l'entreprise.
* 32 Voir C-S arrêt n° 102 /S du 3 mai 1993, inédit ; C-A Yaoundé arrêt n°2 du 11 avril 1984, inédit.
* 33 C'est dans ce sens que le concordat apparaît comme un traité entre les créanciers et le débiteur. Voir
POUGOUE (P.G) et KALIEU (Y.R) dans «L'organisation des procédures d'apurement du passif OHADA»,
coll. Droit Uniforme, P.U.A, 1999, no 214 p.73 ; Voir aussi MBONJI BILLE (G.C), dans L'effectivité du droit de
l'OHADA , GATSI (J), (sous la direction de ...), Les créances nées de la poursuite de l'activité, p.163 et suiv.
* 39 Voir infra.
* 40 Art 40 al.3.
* 41 TPI Bonanjo, jugement n°126/S, 8 mars 2002 Tagne joseph Talla contre Sté PLACAM.
* 42 C.A de l'Ouest à Bafoussam, arrêt n° 29/soc 2 déc 1999, aff. Tekam Norbert Rodrigue contre Sté G.P.O.
* 43 C'est le salaire minimum inter professionnel garanti dont la valeur est de 23514 FCFA.
* 45 Elle est fixée par un arrêté du 26 mai 1993 à 50% du salaire de base majoré de la prime d'ancienneté.
* 46 C'est l'exemple de la Cameroon Tea Estate in « Le messager » n° 1618 du lundi 30 janvier 2004 p.7.
* 47 Voir TPI ydé chbre soc, jugement n°93 du 13 juillet 1994, Aff. Neme Ngono martin contre COOPLACA,
note Anatzepouo Zakari, Revue des Sciences Juridiques Africaines n°2 2001, voir également C.A du littoral,
section sociale arrêt n°376/S du 4 juillet 1997, principal du collège LELE c/ Ngoh Simon Colbert.
* 49 On peut se rappeler la fameuse histoire récente de l'hôtel SAWA de Douala dans laquelle le directeur
demandait de commun accord à certains salariés de démissionner pour lui permettre de faire face aux
difficultés de l'entreprise.
* 52 Notons à cet effet que l'un des reproches qui a été adressé au législateur OHADA est de n'avoir pas
suffisamment confier un rôle aussi important aux salariés dans les entreprises.
* 53 La seule institution prévue par notre législateur est celle des délégués du personnel.
* 55 Voir à ce propos, MAURO, la co-gestion en droit allemand cité par KEM TCHEKEM op. Cit. p.48.
* 56 En France, cette procédure est reconnue aux salariés par l'article L 435-5 C.T et la loi du 1 er mars 1984
sur la prévention et le règlement amiable les difficultés des entreprises.
* 60 Le juge peut qualifier le défaut de consultation comme un délit d'entrave aux fonctions des représentants
du personnel, cf. Cass. Crim. 4 mai 1971, J.C.P, 16888.
* 61 Il s'agit beaucoup plus des entreprises du secteur public et parapublic, cf. loi n° 90/004 du 22 juin 1990.
* 62 cf. Cameroun Tribune, n°2774 du 26 novembre 1997, p.2 cité par KEM TCHEKEM (B) p.63.
* 63 Cf. la loi française du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans
l'entreprise.
* 64 Pour une meilleure appréhension de cette notion en droit du travail, voir NGUIHE KANTE (P), Dignité
humaine et formes d'embauche en droit Camerounais du travail in juridis périodique n°53, janv-fev-mars
2003, p.83.
* 66 Voir convention n°95 sur la protection du salaire du 1er juillet 1949, art 11 al.1er...
* 67Il s'agit des articles 2095, 2101-4e et 2104 2e du code civil ; 70 et 17 du code de travail de 1992 ; art 107,
113 et 114 A U sûretés et art 95, 122,127 et 134 AUPCAP.
* 68 En l'espèce, il s'agit des principales mesures permettant d'apurer le passif dans la procédure de
règlement préventif.
* 69 Dans l'exemple français, une enquête du CREDA montre que moins de 15%de remises ont été octroyées
au débiteur. In J.C.P.E 1976.I. 556, p.349.
* 70 Pour un rappel, voir GUYON op. cit. n0 1188.
* 72 Nous savons que les délais sont accordés sans aucun intérêt ou indemnité. Or ne dit-on pas souvent que
le temps c'est de l'argent ? Avant cette supposée date de paiement, la créance pouvait produire des intérêts
équivalents ou supérieurs à la principale.
* 73 C'est peut être pour cette raison que le législateur a interdit qu'après jugement d'ouverture aucune
poursuite individuelle n'est autorisée ou accordée aux créanciers.
* 76 Ibidem en droit français où l'article L.621-78, I du code de commerce écarte tout délai ou toute remise
pour les créances de salaire super privilégiées.
* 77 Dans la procédure du règlement préventif, aucune remise ni report d'échéance ne peut être imposé aux
salariés quel qu'en soit la durée. Voir à cet effet l'article 15 al.2 AUPCAP. Néanmoins, s'ils accordent des
délais, ceux-ci ne peuvent être supérieurs à un an.
* 79 Voir supra.
* 80 Il s'agit des articles 2095, 2101-4e et 2104 2e du code civil ; 70 et 17 du code de travail de 1992 ; art 107,
113 et 114 AU portant organisation des sûretés et art 95 AUPCAP.
* 82 voir DIALLO (J.K), Conflit entre super privilège des salaires et hypothèques, Revue EDJA n°11-12 P.13
cité par ANOUKAHA (F) in Le droit des sûretés dans l'acte uniforme OHADA, collection droit uniforme P.
U.A p.66.
* 88 Voir infra.
* 91 Ce délai n'est- il pas bref pour effectuer cette opération délicate aux enjeux multiples ? Nous pensons
que ce bref délai participe à la protection du salarié.
* 92 GUYON (Y), in Droit des affaires, Entreprises en difficulté, Redressement judiciaire, Faillite 9 e économica
n°1349-1 p.398.
* 93 Nous convenons avec PECHE (A) dans «Le classement des sûretés dans l'OHADA», mémoire de DEA,
Université de Dschang 1998, p.62 que ce classement est illusoire. En principe les frais de justice ne seront
payés qu'à la fin de la procédure collective, ce qui n'est pas le cas pour le super privilège, dont le paiement
est rapide. C'est donc l'avantage de cette garantie par rapport aux frais de justice.
* 94 RIPERT (G) ET ROBLOT (R), Traité de droit commercial, T2, 16 et 2000 n°3098.
* 96 En ce sens voir MOULY (C) et CABRILLAC, Droit des sûretés n°600 et suiv. cité par POUGOUE (PG) et
KALIEU (Y) in ouvrage op. cit. p.64.
* 97 Voir OHADA, commentaire AUPCAP, art 117 par SAWADOGO (F.M) p.902.
* 99 Voir JEANTIN (M), LE CANNU (P), Droit commercial, Instruments de paiement et de crédit, Entreprises
en difficulté, 6e édition, 2003, n°950 p.683.
* 101 Voir JEANTIN (M) et LE CANNU (P) op. cit. n°810 et suiv.
* 106 En effet, une loi du 27décembre 1973 revue par la loi du 25 janvier 1985 a crée l'Association nationale
pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (A.G.S).
* 107 Cette institution a été créée un peu plutôt dans les pays suivants : Belgique 1967 ; Pays Bas 1968 ;
Suède 1970 ; Danemark 1972.
* 110 Voir convention n°173 sur la protection des créances des travailleurs et recommandation R 180 du 23
juin 1992 concernant la protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur.
* 111 Voir ARTURO BRONSTEIN, « comparative study », The protection of worker's claims in the event of the
employer's insolvency, O.I.T ,1991 p.52-54.
* 112 Cette protection risque de faire échec dans une certaine mesure à la volonté de redressement de
l'entreprise.
* 113 Le salaire est une créance qui a un caractère occulte c'est- à -dire qui n'a pas besoin d'être publié aux
créanciers qui l'ignorent.
* 115 Cf. affaire DACAM contre Happy Monique, J.S.A 1998, Comm. TCHOKOMAKOUA (V).
* 116 C'est-à-dire en cas de fusion, scission, concentration ou transformation d'entreprise.
* 117 En ce sens, C.S arrêt n°39/S du 18 mars 1999 Aff. Dongmo Paul C/ Sté STUBA, commentaire juridis
périodique n°39 juillet -aout-sept 1999 p.86.
* 118 Voir C-S arrêt n° 36/S du 28 juin 1998, Aff. Embolo Essen C/ CONFERCAM.
* 119 Aff. société UTRAC contre Ngouna Jérémie, C.A Douala, arrêt n° 144/S du 7 février 1997.
* 120 Aff. CNIC C/ Ntepe Wolfgang, C.A Douala arrêt n° 262/S du 24 avril 2000.
* 121 Il faut noter que l'essentiel du licenciement porte sur ces différents points. Cf C.A de Yaoundé, arrêt
n°192/ soc du 8 août 1990, Reynolds Construction Compagny C/ Tjeega Emmanuel ; T.P.I. de Yaoundé, jgt
n° 73/S du 28 fev 1995, Tang germain C/ Directeur du LABOGENIE.
* 127 Voir arrêté n°021/MTPS du 26 mai 1993 sur les modalités de licenciement.
* 128 Cass. Soc. 3 mars 1998, société imprimerie DURAND et autres contre Bouilly et autres, J.C.P, Semaine
Juridique (ed. entreprise) no 36 du 3 sept. 1998 pp.1363-1366.
* 130 Le législateur ne parle pas expressément de demande ou de requête mais il semble qu'il en faut une.
* 131 Il s'agit de l'ordre des licenciements, de l'avis des délégués du personnel et de la lettre de
communication à l'inspecteur du travail.
* 136Pour les modalités de calcul des indemnités, Voir arrêt n° 016/MTPS/SG/C du 26 mai 1993, pris en
application de l'article 37 du code de travail de 1992.
* 138 Contra droit français, le code de commerce prévoyait que celle-ci avait certaines prérogatives, par
exemple le droit de consultation sur certains aspects de la procédure.
* 139 Cf. l'état de la liquidation de l'ex NOBRA cité par le Journal Le Messager n o 2092 du vendredi 10 mars
2006.
* 140 L'article 55 de l'AUPCAP impose au débiteur de remettre dans les trois jours de la décision d'ouverture
tous les documents et livres comptables au syndic.
* 141 Il s'agit le plus souvent des comptables agréés, des cabinets d'expertise comptable ou de toute autre
personne investie de cette mission.
* 142 Voir art 166 qui les classe au 4e rang et l'article 167 au 7e rang.
* 143 S'agit-il d'un créancier privilégié, super privilégié ou chirographaire ; est-il socialement protégé ?
* 145 Un fournisseur en matériels par exemple, notons à cet effet que la liquidation d'une entreprise ne doit
pas provoquer l'état de cessation des paiements d'une autre.
* 147 Contra POUGOUE (P.G) ET KALIEU (Y.R), no 280, ouvrage op. cit. p.91.
* 148 A ce propos, voir art 169, loi du 25 janv. 1985 modifiée par la loi du 10 juin 1994 sur le redressement
judiciaire et la liquidation judiciaire, Voir aussi art L.662-34 N-C-Com.
* 152 Cass. Soc.20 janvier 1998, commentaire Jean Luc VALLENS, Petites Affiches n 0 68 du 8 juin 1998.
* 154 Cass. Soc. 4 mars 1997, Bull. Joly 1997, p.661 cité par TEGUIA Parfait in Le sort des contrats en cours
dans les restructurations des sociétés commerciales, mémoire de DEA, Université de Douala. 2003-2004,
p.11.