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Chahid SLIMANI
Enseignant-Chercheur à la FSJES.
Université Moulay Ismail.
RESUME
MOTS-CLES :
Introduction:
Dennis Szabo qui fut parmi les premiers à avoir consacré une analyse approfondie et
une interprétation du problème multiforme, complexe et aux conséquences politiques très
graves qu'est la violence collective et sa version la plus chaotique, le terrorisme international,
a donné assez d’importance dans ses analyses aux concepts du monopole de la force, de la
menace pénale, de la dissuasion générale et de la prévention par la dissuasion. Une dissuasion
dont la chaîne d'intervention se compose de trois maillons : l'application des lois par l'action
policière, l'appareil judiciaire qui constitue la seconde ligne de défense ainsi que les
institutions correctionnelles (dépôts, prisons, pénitenciers, probation, liberté surveillée,
régimes de semi-liberté, etc.). Des concepts dont l’auteur et ses contemporains comme
Maurice Cusson, vont démontrer l’inefficacité et souvent le résultat le plus redouté, à savoir,
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- Louk HULSMAN, (1923-2009) est chercheur en sciences humaines et sociales et professeur de
droit pénal et de criminologie à l'université Érasme de Rotterdam.
ISSN: 7476-2605 ردمـد
RERJ –N°2 2 العدد2018 المجلة اإللكترونية لألبحاث القانونية
la récidive. On comprend alors que l'augmentation de la sévérité des sentences, par la
réduction du pouvoir d’appréciation du magistrat est un échec total de toute politique de
dissuasion dite de prévention. Face au terrorisme, la loi pénale ne peut être efficace qu’en
exprimant clairement son attachement aux valeurs profondément enracinées dans la
conscience collective dont la sauvegarde des libertés individuelles, la promotion de la dignité
humaine et la reconnaissance des relations impliquant la responsabilité entre les personnes.
Une rupture nette avec le système de dissuasion et de répression immédiate (I), ainsi qu’une
refonte urgente du système de dissuasion (II), sont des propositions plus acceptables que
l'abolition du système, voire du droit pénal, préconisées par Hulsman1.
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I. La crise annoncée du système de dissuasion et de
répression immédiate
Le Code pénal, appelé par Maurice Cusson « le recueil de menaces » et qui prétend
envoyer un message clair aux citoyens, « si vous attentez à la personne ou à la propriété
d'autrui, gare à vous, on vous privera de votre liberté, on prendra votre argent et même on
vous enlèvera la vie. » 2, ne représente que le volet théorique de tout système de dissuasion
(I.1), alors que la pratique semble plus complexe qu’un simple discours menaçant (I.2).
L’objectif des peines que précise le droit pénal, est sans aucun doute, dissuader chaque
membre d'une société à commettre des crimes dans l'accomplissement ou la réalisation de
ses désirs. L’Etat en exerçant le monopole de la force au service de la sanction donne ainsi
de la crédibilité dans l'exécution de cette menace. Une exécution dont la première et la plus
importante promesse, est l'application des lois « law enforcement ». La seconde ligne de
défense étant constituée par l'appareil judiciaire (parquet et tribunal). Alors que le troisième
maillon d'une chaîne d'intervention qui concrétise et sur lequel prennent appui la menace
pénale, la dissuasion générale, ne sont autres que les institutions correctionnelles (dépôts,
prisons, pénitenciers, probation, liberté surveillée, régimes de semi-liberté, etc.)3. Un
mécanisme d’apparence efficace mais qui va se fourvoyer dans l’impasse du tout sécuritaire
en s’adressant à un terroriste présumé plus inintimidable que jamais.
Les sanctions pénales peuvent agir de quatre manières sur la criminalité en général et
le terrorisme plus particulièrement:
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Louk HULSMAN et Jacqueline BERNAT DE CELIS, Peines perdues : le système pénal en
question, Paris, Centurion, 1982.
Maurice CUSSON, Le contrôle social du crime, Les Presses universitaires de France, Collection
Sociologies, Paris, 1983, p. 154.
Denis SZABO, Science et Crime, Librairie J. VRIN, Paris, 1986, p. 170.
ISSN: 7476-2605 ردمـد
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1- la dissuasion générale : c'est-à-dire l’effet d’intimidation que peut avoir le spectacle
de l’arrestation et des peines subies par les criminels sur leurs camardes et sur les autres. De
bouche à oreille, la mauvaise nouvelle peut atteindre un nombre incroyable d’individus. Les
mass-médias jouent aussi un rôle dissuasif important.
2- La dissuasion individuelle : il s’agit de l'influence intimidante que la peine exerce
sur celui qui la subit. Subir une peine et les conditions qui l’entourent peuvent dissuader bien
des délinquants de récidiver. C’est ce que confirme une recherche publiée en 1988 par Van
Dusen et Mednick.
3- La garantie : c’est-à-dire que la certitude de la peine rassure les citoyens sur
l’effectivité de la loi et sur son respect par les autres. C’est cette effectivité qui garantit leur 159
coexistence.
4- Le blâme : grâce au blâme le système pénal prévient l'indulgence, la complaisance
et la banalisation du crime et des peines par les citoyens et préserve le climat moral du
groupe.
Mais pour que les sanctions pénales soient efficaces face à la criminalité et au
terrorisme, le système pénal (services de police, parquets, agences d'exécution de peines etc.)
tout entier doit l’être aussi. Or nous avons partout des systèmes pénaux trop bureaucratiques
qui s’engorgent très vite par la masse des faits criminels déclarés, ne laissant aux
gestionnaires du système que trois options possibles :
1- augmenter la capacité de l'appareil : investir plus d'argent pour embaucher plus de
fonctionnaires, plus de magistrats ou de policiers pour construire plus de palais de justice,
plus de prisons, etc.
2- rationaliser les opérations dans le but d'obtenir un meilleur rendement avec les
ressources existantes. Ex : simplification des procédures judiciaires : (correctionnalisation,
suppression de l'instruction, négociation de plaidoyer, procédures sommaires,
déjudiciarisation etc.) et remplacement des sanctions lourdes par des mesures moins
coûteuses comme l'amende, la probation ou la courte peine.
3- évacuer le trop plein d'affaires qui engorgent le système : en ignorant certaines
plaintes, en fermant les dossiers, en classant sans suite, en ajournant sine die, en refusant
d'admettre de nouveaux détenus, en libérant prématurément ceux qui s'y trouvent etc. En
d’autres termes, on traite les affaires jugées prioritaires et on rejette les autres.
Il est clair alors que la propension au crime et au terrorisme résulte avant tout de
l'immaturité, d'un laisser-aller éducatif, de l'ambivalence morale et religieuse, de
l'encouragement de pairs, de l'hédonisme et d'une fixation dans le moment présent1.
Six points, selon Maurice CUSSON, nous permettent d’avoir une idée claire sur la
théorie de la dissuasion2 :
ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ
Ibid. p. 77
Maurice CUSSON, Le contrôle social du crime, op.cit., p. 154.
Bibliographie
CAHN Olivier, « Cet ennemi intérieur, nous devons le combattre ». Le dispositif
antiterroriste français, une manifestation du droit pénal de l’ennemi »,
Archives de politique criminelle 2016/1 (n° 38).
CUSSON MAURICE, « Qu’est-ce que la sécurité intérieure? », Revue
internationale de criminologie et de police technique et scientifique, 2000.
CUSSON MAURICE, Le contrôle social du crime, Les Presses universitaires
de France, Collection Sociologies, Paris, 1983.
HULSMAN L., Réponse à Maurice Cusson, Déviance et Société, 1990, 14,3.
HULSMAN LOUK et Jacqueline BERNAT DE CELIS, Peines perdues : le
système pénal en question, Paris, Centurion, 1982
HULSMAN L., « An abolition perspective on criminal justice systems, and a
scheme to organize approaches to problematic situations », in Dangerosité et
justice pénale. Ambiguïté d'une pratique, sous la direction de C. DEBUYST,
MASSON, Genève 1981.
NORMANDEAU ANDRE, FREDERICK MCCLINTOCH, PHILIPPE