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Synthèse 

: introduction à la criminologie (LECRI1503)


Introduction : Qu’est-ce que la criminologie ?
La criminologie est un domaine que les gens s’approprient car ils sont concernés : la société qui est
touchée par le crime a son avis dessus, mais pense également avoir une bonne connaissance du
phénomène et des réponses à y apporter. C’est ce qu’on appelle le sens commun. Tout le monde a
l’impression de savoir ce qu’il faut faire par rapport au crime. Mais il s’agit d’un savoir diffus, non
scientifique, fait de nos stéréotypes et de notre expérience.
Il est important de ne pas confondre la criminologie avec les termes suivants :
- La criminalistique : discipline qui va chercher vers les sciences (physique, chimie, …) visant à
l’établissement de la matérialité des faits (ex : les Experts)
- Le droit pénal : On pense souvent que la criminologie est une branche du droit, car des
juristes comme Beccaria ont joué un rôle important au moment de la naissance de la
discipline. Mais il ne faut pas les confondre : le droit est une science qui a la norme comme
objet, alors qu’en criminologie, on travaille avec les gens se trouvant hors de la règle. On
étudie un phénomène social et non un devoir être.
Remarque : le criminologue peut prendre la norme comme objet d’étude. Mais en droit, on
se préoccupe peu du « pourquoi punir », l’objet principal est la règle à appliquer ou à
interpréter.
- La psychologie criminelle : elle est axée sur le profil criminel (le passage à l’acte)

 Définition du Wikipédia francophone de la criminologie


« Science qui étudie les facteurs et les processus de l'action criminelle et qui détermine, à partir de la
connaissance de ces facteurs et de ces processus, les moyens de lutte les meilleurs pour contenir et si
possible réduire ce mal social »
Le principal problème de cette définition est qu’elle voit le crime comme un mal, se positionne
moralement, alors qu’il faut prendre le crime comme un acte, si on veut être neutre dans notre
définition. De plus, cette définition est à la fois incomplète et incorrecte :
- Incomplète car le criminologue ne s’intéresse pas qu’à l’action et à sa cause. Il s’intéresse
aussi à ce que produit l’acte, où il se produit, le comment, … Le crime n’est pas qu’un
comportement, c’est aussi un fait social qui suscite une réaction et qui arrive dans un
contexte. Cette réaction et ce contexte appartiennent au champ d’étude.

- Incorrecte car le job essentiel du criminologue n’est pas la lutte contre le crime. La définition
confond le fait d’agir et le fait d’étudier un phénomène. Et on ne peut pas aborder le crime
comme étant nécessairement un mal car il s’agirait d’une manière morale de le concevoir et
on fermerait la porte à la voie de l’utilité du crime. Il y a donc du sens commun dans cette
définition, qui énonce que le crime c’est mal et qu’il faut lutter contre. Mais le projet du
criminologue est la connaissance et la compréhension du phénomène. Il faut analyser le
crime de manière scientifique. La définition confond le projet de connaissance du
criminologue avec la lutte contre le crime, qui relève davantage de ce que l’on appelle « la
politique criminelle ».

 Définition du Wikipédia anglophone de la criminologie


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« C’est l’étude scientifique de la nature, des causes, du développement et du contrôle du
comportement criminel à la fois d’un point de vue individuel et social. La criminologie est un champ
interdisciplinaire qui renvoie aux sciences comportementales, à la sociologie (en particulier dans le
domaine de la sociologie de la déviance), à l’anthropologie sociale et au droit. Le champ de recherche
criminologique couvre les incidences, les formes, les causes et les conséquences du crime autant que
la régulation sociale et institutionnelle la réaction au crime »
Dans cette définition, on parle de la réaction sociale et du fait que la criminologie est avant tout
l’étude d’un phénomène social et individuel. Cette définition fait même référence à l’histoire de la
criminologie en parlant du côté interdisciplinaire (sociologie, droit, sciences du comportement,
anthropologie) de la criminologie.
Il manque cependant quelque chose à cette définition : on laisse entendre qu’il existe un consensus
sur le crime, mais la définition pose des controverses en soi au sein des criminologues. Pour illustrer
la complexité de cette notion, pensons au fait qu’un soldat qui tue un autre soldat n’est pas
considéré comme un meurtrier, alors qu’un quidam tuant un autre est considéré comme tel. Il
semble dès lors qu’il faut encore inclure l’idée que la criminologie s’attache également à voir et
comprendre ce qui est défini comme crime et comment se déroule ce processus de définition. Dès
lors, si on s’attache à ce processus de définition, on pourra également retenir certaines conduites qui
ne sont pas définies comme criminelles, mais qui sont qualifiées de déviantes. La déviance renvoie à
la transgression d’une norme mais cette dernière évolue (ex : l’apparition progressive de
l’interdiction de fumer).

 Ce qu’on étudie au sein de la criminologie


Niveau d’approche individuel : on étudie le crime et la déviance, donc des comportements.
Niveau d’approche social : on étudie la criminalité, c’est un phénomène collectif (ex : le taux de la
criminalité).
Niveau de la criminalisation : on étudie le fait de rendre criminel. Il existe deux niveaux :
- Criminalisation primaire : mise en place d’une norme pénale, processus d’élaboration de la
loi pénale (pourquoi une loi est-elle créée, quels sont les enjeux de cette création, qui crée
cette loi, …).
- Criminalisation secondaire : il s’agit de la réaction, de la mise en œuvre effective et
institutionnelle de la répression suite à une transgression de la loi pénale. Cela renvoie
notamment à l’application de la loi. Les anglos saxons appellent cela le « Law enforcement »

 Deux perspectives dans la façon d’étudier la criminologie

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- Le passage à l’acte (se focalise sur l’individu et son acte, on est bien face à un «
comportement »). Cette perspective conduit le plus souvent à rechercher les causes du
comportement délinquant (biologiques, sociologiques, psychologiques).
Il existe chez le sujet une capacité de contrôler ses choix et ses actes, aussi minime soit-elle,
et malgré les contraintes qu’il subit. Parler de processus homicide signifie qu’un sujet accepte
progressivement comme solution à une situation conflictuelle la suppression de l’autre.
Evidemment, cela se passe par étapes : l’assentiment inefficace (la disparition de l’autre n’est
pas voulue, mais préexistent des éléments inconscients ou subconscients qui conduisent à
souhaite qu’une telle solution survienne), l’assentiment efficace (le futur criminel s’écarte
insensiblement des personnes et des groupes susceptibles de lui donner tort et se rapproche
de ceux qui sont prêts à approuver, il a une attitude de désengagement affectif et moral), la
crise (survient lorsque la disparition de l’autre est décidé, que le sujet en tire les
conséquences et considère que c’est à lui de réaliser l’acte qu’il souhaite).
Les individus rentrent dans la dynamique meurtrière non pas comme des automates
ânonnant le même discours stéréotypé, mais bien avec des histoires différentes, et donc des
attentes et des motivations personnelles.

- La réaction sociale (se focalise sur le contexte qui accueille cet acte et la réponse qui y est
apportée : on définit et on réagit à ce comportement). Cette perspective voit davantage le
crime comme une construction sociale et étudie davantage la criminalisation primaire et
secondaire que le crime en tant que tel.

 Le criminologue
L’objet crime n’est pas un objet neutre : il est passionnel et fait appel à des valeurs. Généralement,
les gens se positionnent face à ce phénomène. C’est un objet d’étude compliqué, car il touche à
l’humain mais aussi à la souffrance de la victime, du criminel et de leurs proches. Le criminologue
rencontre son sujet et il est face à un souci d’éthique. On parle de l’humain et de la place du criminel
dans la société….
En effet, peut-on parler d’une discipline scientifique en faisant abstraction de celui qui la pratique ?
Lorsque l’on pose cette question, viennent alors d’autres questions. Quel est le projet du
criminologue, quelle est sa position dans le champ scientifique ? Qu’entend-il montrer et démonter ?
A quoi sert-il ?
Ce travail de discernement n’est possible qu’à partir du moment où le criminologue accepte de
reconnaître en lui ses propres émotions, justement comme étant les siennes, proches ou éloignés de
celles des autres.
Le criminologue peut être vu comme un monstre car, à vouloir en comprendre un, nous en devenons
un aux yeux des autres. Là où la société reste braquée sur les faits et sur les auteurs, le criminologue
cherche ses origines, ses raisons, ses causes et ses facteurs explicatifs. L’expression de la société
permet de ramener un acte incompréhensible à une chose maîtrisable, alors que la prise en compte
du contexte est, quant à elle, beaucoup plus complexe et coûteuses en temps comme en ressources
psychologiques.

Remarque : il faut veiller à ne pas confondre l’exceptionnel avec le régulier. La majorité des délits
sont en effet mineurs, et les crimes atroces sont rares. Il ne faut surtout pas réfléchir au système en
partant d’exceptions telles les meurtriers ou les pédophiles car ils sont plus rares que les autres.

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Attention, comprendre n’est pas adhérer ni excuser et inversement, excuser ne veut pas dire
comprendre.

Dans ce cours, on va déconstruire les lieux communs (et le sens commun). Ces derniers sont, à la
lettre, des endroits partagés où il fait sans doute bon de vivre, offrant une sécurité certaine à ceux
qui les occupent. Ils sont souvent créés et entretenus de façon cohérente par l’opinion publique, le
discours des médias et le discours politique. Un lieu commun n’est pas nécessairement partagé par
tous, dans la mesure même où des opinions différentes et contradictoires existent sur les sujets
sensibles que nous abordons.

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1. Le crime
 Définitions
Latin classique : « accusation »
Bas latin : « faute », « souillure »
« Crime » en tant que terme générique (GB – US)
La notion est complexe :
- Non unifiée
- Construite historiquement
- Toujours en évolution
- Controversée
- Traduit toujours un point de vue théorique particulier
Prudence : le concept dépend du point de vue adopté par celui qui le définit (importance de le
reconnaître).

 Diverses conceptions du crime (7)


On peut associer les conceptions !

- Morale
Référence : morale et valeurs admises dans le corps social (comportement qui convient à la morale)
Le crime est une indignation, une référence au « mal », immoral. Par exemple, le 11 septembre 2001,
les tours aux USA tombent. Le président a axé son discours sur le « mal ».
Problème : conception unifiée et figée du corps social. Tout le monde n’a pas les mêmes valeurs (ex :
légalisation du cannabis, avortement, …).

- Naturaliste
Critère interne (idée d’ « anomalie naturelle »), c’est un comportement qui, par essence, est un crime
en soi. Par exemple, pendant longtemps, il existait une essence féminine et masculine (différence dès
la naissance). L’idée est maintenant révoquée car c’est prouvé que cela résulte d’un apprentissage.
Universalisme
Recherche historique de « l’essence du crime »
Problème : aucun relativisme social ou historique, pas de discussion possible

- Légaliste
Le crime est la transgression de la loi.

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Principe de légalité des incriminations et des peines (nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege)
Problème :
- accepte aussi la définition « naturaliste »
- à l’origine de la RPM (Rationalité Pénale Moderne, façon de penser) et de l’exigence de peine (ex.
code pénal de 1807)
- quid des problèmes non réglés par la loi ?

- Sociologique
Le crime est un fait social.
Il existe deux façons : fonctionnaliste selon Durkheim et constructiviste.
Fonctionnaliste selon Durkheim :
Phénomène social universel : « normal et utile » qui resserre le groupe, marque l’interdit et
contribue à l’évolution de la société. Le crime est un facteur d’innovation.

Constructiviste  :
Aucun acte n’est criminel en soi. Le crime est en tant que produit d’une « définition ». Relativisme
historique, culturel, contextuel. Le crime est une notion en mouvement.
Problème :
- Relativisme extrême très critiqué
- Ne définit pas le crime (c’est le crime qui est une définition)

- Extra-pénale
Conception dérivée de la sociologie : Distance à l’égard des institutions (désinstitutionalisation du
crime)
Terme de « déviance » (renvoi à la norme, pas seulement pénale)
Adaptation à une situation donnée
Ex : Hullsman parle de « situations problématiques » (abolitionnisme)
Problème : conception très très ouverte

- Psychologique
Crime = acte de transgression posé par un individu (rapport à la loi morale / sociale / symbolique)
Recherche de sens (l’acte est porteur d’un sens particulier)
Diversité d’approches et d’interprétations (ex: déviance symptôme, déviance adaptative etc.)

- Politique
Référence au concept de pouvoir
Logique instrumentale

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L’incrimination est un mode de régulation, de domination (outil aux mains des dirigeants)
Le passage à l’acte est un mode de contestation ou un acte de survie (ex : manifestations contre le
haussement du prix des études au Canada. Pour remédier à ce problème, le maire les a interdits).
Problème : Analyse qui s’arrête devant certains types d’actes (sans enjeu social ou politique)

Conclusions :
- Compatibilités diverses
- Rapports différents à la validation scientifique
- Toute conception a ses limites
- Passage d’une volonté d’avoir une « conception générale du crime » à des études plus
segmentées
- Toutes ces propositions ne sont pas compatibles entre elles.
- Quid d’une « théorie générale du crime »?
- Nécessité de reconnaitre la conception sous-jacente lorsque l’on parle de crime ou de
délinquance.

Remarque : dans tous les cas, lorsqu’on ne peut pas comprendre des faits qui dépassent notre
entendement, nous avons tendance à utiliser des termes comme « monstre » ou « monstrueux »
pour en parler parce que ces faits nous écœurent ou nous révulsent. En réalité, cela cache un
sentiment de terreur, de peur intense.
A ne plus voir le monstre comme un être humain, nous nous déresponsabilisons et, plus grave, nous
déresponsabilisons l’auteur de tels faits !

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1. Le criminel
Il existe différentes perspectives (5) :

1. La perspective démoniaque
Le principe de cette perspective est l’opposition des forces du bien et du mal (= le criminel comme
soumis à la tentation ou aux forces du mal).
On en tire deux interprétations :
- La tentation (céder au mal = faiblesse) : notre vie est vue comme un paradis terrestre et donc
on suppose qu’on sait dire NON à la tentation (Adam et Eve sont les premiers criminels).
- La possession (non responsable) : la personne ne s’appartient plus et n’a pas conscience de
ses actes (exorcisme).
Ces personnes ont des conceptions différentes de l’individu : Liberté vs déterminisme = cœur des
débats sur le criminel
Cette conception va évoluer au fil du temps et aura un impact sur l’administration de la justice.
Cela ne sera plus une atteinte à Dieu mais au Roi. Il s’agit d’une conception individuelle, en se
confiant, on est responsable et on peut en guérir.
Au 18e siècle (siècle de la raison), deux courants vont se développer :
- Politique (développement du droit pénal)
- Scientifique (ouverture vers le positivisme – conception suivante)

1. La perspective classique
Le criminel est vu comme hédoniste (calculateur) rationnel (libre, rationnel, régi par son intérêt,
calculateur).
Limites de la conception classique :
- Conception abstraite et idéalisée de l’Homme (qu’est-ce que la rationalité ? Une définition
du criminel ?)
- Pas de prise en compte de l’expérience
- Liberté trop absolue (correctif des néo-classiques) : infuse le droit

1. La perspective pathologique
Le criminel est vu comme malade ou « anormal ».

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A) Fondements de l’approche positiviste
Le criminel est différent donc on va l’expliquer scientifiquement (Analyse empirique, observation,
vérification). On veut expliquer sa « non-conformité »
Renversement de l’approche classique : différence entre une personne rationnel qui sait ce qu’il
fait/une personne qui est malade (inconsciente ?).

B) L’Homme criminel » de Cesare Lombroso (1876)


Cesare Lombroso est un criminologue italien qui pense qu’il y a un lien entre l’atavisme (défaut de
développement de certains organes, ici le crâne) et la criminalité.
Il a eu cette idée suite à l’autopsie du brigand Vilella qui avait un crâne similaire aux primates.
Après de nombreuses autopsies, il a imaginé « l’homme criminel » donc il affirme que la personne
naît criminelle. De façon contemporaine, on fait des recherches génétiques pour savoir qui a le
« sang criminel ».
Cela a permis de montrer qu’il n’existe pas que la perspective de la rationalité (démoniaque ->
maladie mentale).

C) Du physique au psychique
R. Garofalo et J. Gall sont des phrénologues (analystes des formes de crâne) et analyse au travers le
déterminisme moral.
E. Ferri lui analyse le déterminisme social ainsi que l’évolution psychologie et psychiatrie.
Ils ont voulu mesurer au travers des crânes la dangerosité des individus et son développement. Les
modèles explicatifs ressortaient par la personnalité. Grâce à ça, on pourrait se permettre de prédire
qui va passer à l’acte.

D) Principaux aspects de cette théorie


- Déterminisme : détermination extérieure à lui-même.
- Positivisme : observations extérieures
- Pathologisme (double sens : individuel et social)

A) Forces et limites de la théorie


- Complexité mais déterminisme trop important
- Fausse neutralité : On met l’accent sur le fait que l’explication vient de la science mais que
fait-on de la subjectivité ? (choix de ce qu’on mesure, interprétation des résultats, …).

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- Domination des experts (marché du profiling) : Comment être sûr qu’ils vont passer à l’acte ?
- Individualisation des problèmes sociaux : Lombroso n’a autopsié que les pauvres (les voleurs
du 18e siècle) donc ce n’est qu’une partie de la société.
- Ignorance de la composante politique : « Le terroriste est un malade mental », cela porte sur
un point de vue social.
- Illusion prédictive

1. La perspective fonctionnaliste
Le criminel est vu comme un rouage de la société mais son problème est qu’il est isolé.
Durkheim (1894) apporte le criminel comme un fait social. C’est-à-dire qu’il y a un équilibre dans la
société. Le crime en fait partie et contribue au bon déroulement du monde (avocats, juges,
professeurs, livres, …).
Il voit le crime comme normal et universel, mais surtout utile !
Plusieurs perspectives sociologiques (étude du « milieu ») en découlent :
- Théories de l’apprentissage
- Théories de l’anomie
- Théorie de la désorganisation sociale
- Théories des conflits de culture

1. La perspective de la réaction sociale


Le criminel est désigné par une réaction comme produit d’une définition mais le problème, c’est que
cette perspective se focalise sur le passage à l’acte. Or, lorsque l’on parle de crime, il y a autre chose
que le passage à l’acte.
Les institutions jouent un rôle très important de qui est/va devenir un criminel mais cette vision
institutionnelle du délinquant est critiquée.
Par définition, le crime est une activité clandestine donc on ne sait pas exactement son nombre. Il est
mesuré selon l’activité pénale (chiffre noir). Par exemple, si les institutions (police, tribunal, …)
décident de n’arrêter que des étrangers, on va croire que ce sont les seuls délinquants -> réaction
sociale.
Les étrangers deviennent « tabou » et on va déplacer l’attention de l’énoncé vers l’énonciation. La
question n’est plus de savoir si les propositions sont vraies ou fausses mais, leur vérité étant
présumée, de savoir si elles sont bonnes à dire.
Théorie de l’étiquetage : un criminel, c’est celui qu’on étiquette comme tel. Il n’existe pas des
criminels en soi mais c’est la société et ses institutions qui les créent. Par exemple, un militaire qui
tue pendant la guerre est un héros alors qu’en temps normal, c’est un assassin/criminel. Cela relève
de gros questionnements, on peut tous être criminel à un moment donné.

Nouvelles perspectives :
- Comment les institutions transforment un individu agissant en « criminel » ? (Action du SAJP)

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- Qui retient-on comme criminel ? (Différentiels)
- Comment « crée » -t-on de nouveaux crimes ?
- Comment s’opère le contrôle social ?
Criminologie = Analyse des mécanismes sociaux de rejet 

Récapitulatif : diversité de conceptions


- Le criminel est quelqu’un qui cède aux forces du mal (volontairement ou non)
- Le criminel est un hédoniste rationnel
- Le criminel est un malade ou un anormal (physiquement, psychiquement, socialement)
- Le criminel est un agent de cohésion sociale (rouage de la société)
- Le criminel est celui qui suscite une réaction
- Le criminel est celui que l’on définit comme tel

Conclusions :
- Toutes les théories survivent et chacun a son propre point de vue mais avec des formes
contemporaines.
- Il faut arriver à avoir une approche de chaque théorie pour chaque situation (approche
complexe)
- Identifier la conception de l’individu derrière l’analyse ou la politique proposée
Ce que nous pouvons dire sur le criminel, c’est qu’il n’existe aucun déterminisme absolu qui
générerait un handicap socio-violent : on peut être noir, de famille monoparentale dont la mère est
au chômage, vivre dans un quartier difficile sans pour autant poser des actes violents.

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1. La victime
 La victime : objet de connaissance
- La « victimologie »
- L’existence de « figures de victimes » (sens commun)
- Un problème statistique (chiffre noir) : par exemple, l’apparition récente du harcèlement
(avant cacher). Pour que les statistiques soient correctes, il faudrait que nous n’additionnons
que des faits comparables (différence entre un meurtre et une fraude fiscale), que nous les
mesurions de la même façon (différence dans une même infraction : dans les homicides, cela
peut être un tueur en série ou plusieurs auteurs différents sans lien entre eux) et se mettre
d’accord en ce qui concerne la comparaison sur la dimension temporelle qui doit mesurer un
même phénomène à deux moment différents (ex : différence entre 2000 et 2011 ou 2010 et
2011).

 Mais de quoi parle-t-on ?


Deux types de perspective :

1) Le passage à l’acte
A) Origine du concept (latin victima)
Dans le temps, on offrait des personnes (sacrifices) aux dieux  victimes (ou les voleurs)
Place du religieux :
- Victime propiatoire : victimes que l’on sacrifiait pour que les dieux nous soient favorables.
- Victime expiatoire : victimes sacrifiées pour apaiser la colère d’un dieu.
- Victime émissaire : on va charger symboliquement tous les maux de la société sur cette
victime (bouc émissaire).
A partir du 18e siècle, on se dégage de l’irrationnel et la définition devient une personne qui subit
quelque chose, un préjudice (subir quelque chose qui nous amène à être privé de quelque chose :
corporel, matériel, psychologique, …).
Avant, la victime avait un rôle spécifique, un sens pour la société. Ensuite, on se rapproche plus de
l’observation, de l’objectivité.

A) En criminologie
Sens commun : « toute personne physique identifiable qui a été directement atteinte par un fait
délinquant imputable à autrui »
Le but est de déconstruire ce sens commun.
Que dit-on lorsqu’on parle d’une personne identifiable ? Il existe des victimes invisibles (criminalité
environnementale, écologique), des personnes morales, des groupes de personnes, des animaux ou
encore certaines ne sont pas conscientes d’être victimes.

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Dans la définition, on parle aussi de fait délinquant «  imputable à autrui  » or qui est cet autrui ? Cela
peut être très varié (en ce compris les pouvoirs publics) et l’imputabilité peut être complexe (non
directe ou coupable introuvable).
Les victimations sont très différentes (affaires d’enfant, pédophilie, …) mais personne ne s’intéresse
aux proches du délinquant contrairement aux proches de la personne touchée (surtout si meurtre).
Il existe évidemment des cas de figures complexes :
- Variation selon les circonstances : la personne peut être une victime ou un coupable.
- Victime qui devient criminel : Il est fréquent que des personnes victimes d’abus sexuels
commettent à leur tour un abus.
- Criminel soumis à la peine capitale
- Erreur judiciaire (prétendu délinquant)
On retrouve aussi des exceptions comme des délits sans victimes (consommation de stupéfiants) ou
des actes réalisés avec le consentement de la victime (relation sadomasochiste, la boxe, …).

1) La réaction sociale
A) La victime comme notion relative
Il est nécessaire de « se reconnaître » en tant que victime car sinon il n’y a pas nécessairement une
infraction (sauf « victimes protégées » : certaines personnes n’ont pas la capacité de comprendre, de
discerner le bien du mal comme les enfants, les personnes avec un handicap, …).
Victime = « acteur interprétatif » (Zauberman) : ce sont des victimes d’un fait avéré sans s’en rendre
compte (ex : violences conjugales, harcèlement, attouchements sexuels, …).
Dimension processuelle (sous influence!) : ce sont des processus qui bougent (évolution des
mentalités).

B) Rôle dans le processus pénal


Approvisionnement du système pénal (= choix parmi diverses options). Dans le processus pénal, on
doit d’abord se reconnaître comme victime mais il existe différentes possibilités de réagir :
- Je m’en fiche
- Discussion avec le coupable
- Aller dans une institution (autre que pénal souvent comme un magasin)
- Appeler un ami
Principe d’investissement différentiel : on est victime mais que faire suite à l’infraction ? La justice
n’est pas la seule à pouvoir répondre à cette question (idée préconçue). Par exemple, le vol dans un
magasin peut se gérer à l’intérieur.
Ex (1ere enquête 1986) appel des forces de l’ordre : 68% pour les cambriolages ; 60% pour les vols ;
40% pour des agressions « tout venant » ; 27% pour des violences familiales ; 16% pour des
agressions sexuelles.
La victime ne va pas souvent aller vers une solution pénale. Le procès fait l’objet d’une évaluation
négative pour la triple raison qu’il apparaît artificiel, qu’il arrive tard et qu’il leur fait peu ou pas de
place. Il reste en effet un dispositif qui n’est pas pensé pour la victime ou leurs proches. Par contre, la

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victime n’est pas oubliée par la justice pénale : elle en est nécessairement exclue. La loi pénale et son
application sont bien trop étroites pour accueillir et traiter la souffrance physique, matérielle,
psychique et symbolique de la victime.

A) Motivations
- Logique indemnitaire (autocentrée) : porter plainte car l’assurance le demande (récupérer
quelque chose)
- Logique pénale (hétérocentrée) : « je porte plainte pour que ça n’arrive plus car ce n’est pas
normal » (ex : un vol de vélo) -> attachement à l’ordre normatif

 La première victimologie
On pensait au départ que la personne victime était le fruit du hasard donc ce n’était pas intéressant
de se pencher et d’étudier ce concept.
En 1947, Von Hentig s’y intéresse et crée l’approche dynamique et interactionniste (Von Hentig 1947)
qui analyse la relation victime / infracteur.
On remarque une évolution : du « potentiel de victimité » à la « vulnérabilité »
Deux dimensions :
- Risque d’exposition : personne âgée en rue, fille seule le soir, …
- Préjudice (capacité à l’assumer) : capacité à dépasser le préjudice par après (différence entre
une personne âgée et un jeune homme)

Faible risque Le plus vulnérable


Préjudice élevé

Risque élevé
Le moins vulnérable Préjudice limité
Une personne qui ne sort jamais de chez elle a moins de risques.

 La victimologie clinique
= observation psychique et physiologique
Être victime est une expérience particulière, souvent vue comme négative.

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Quelque soit l’expérience de victimisation, la victime peut développer un syndrome post-
traumatique (PTSD en anglais). Ce dernier va apparaître selon différents modèles (insomnies, anxiété,
…). Il ne concerne pas uniquement notre intégrité physique (cambriolage même si absent, …).
On retrouve deux analyses :
- Victimisation primaire : le fait d’être victime (vol de 50€ à pour conséquence qu’on a 50€ de
moins)
- Victimisation secondaire : effets dérivés au fait d’être victime (dommages, se rendre au
tribunal et raconter son histoire, …)
Les cliniciens vont rencontrer des patients victimes.

 La seconde victimologie
On s’intéresse à l’environnement dans lequel on devient victime qui dépend :
- Des catégories sociales (pauvreté, …) : attention aux clichés, les « pauvres » sont aussi
victimes de cambriolage car ils n’ont pas de moyens « anti-cambriolage » (alarme, …)
- Des styles de vie : aller en festivals, utiliser les transports en commun, travailler comme
prostituées, …
- Du système pénal : Il s’intéresse au style de vie des délinquants (forte exposition) et ce sont
souvent les mêmes personnes qui y ont affaire mais, du coup, s’ils se retrouvent victimes, ils
ne vont pas leur demander de l’aide (mafia, vol, …).
EX: Etudes Home office Grande Bretagne (publication d’études sur les styles de vie)

 Vers un mouvement social


A partir des années 90, on a commencé à réfléchir à la place de la victime à cause de l’affaire Dutroux
en Belgique. Mais, dans le monde, ce mouvement a commencé après la deuxième guerre mondiale
et a évolué.

a) « La confiscation du conflit »


L’Etat est là dans un souci d’ordre public pour empêcher les gens de se faire justice eux-mêmes. Une
victime se voit donc confisquer son conflit. C’est la justice qui reprend l’affaire. Lors du procès, la
victime n’est pas mise en avant bien qu’elle soit aidée de son avocat (il parle à sa place).
Ce rôle est de plus en plus difficile à accepter pour la victime.
- Pour la réparation du dommage (héritage de l’Etat social) = souci d’assistance

b) Evolutions : rôles des groupes sociaux


- Instances internationales (Europe, …)
- Mouvement des femmes
- Abolitionnisme : qui remettent en cause le système
- Mouvements de victimes (USA)

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- Développement du volontariat associatif (« victim support » GB)
- Revendication sociale et politique suite à des événements médiatisés (Belgique – France)

a) Contexte de ces évolutions


Le 11 septembre 2001 a été un moment pivot. Nous avons pu tous s’identifier aux victimes à un
moment donné.
La notion d’insécurité est en constante hausse et devient une problématique sociale.
Les médias mettent l’accent sur des discours émotionnels et donc sur l’identification aux victimes.
Bien que notre société devienne de plus en plus individuelle, l’Homme reste un être social et les faits
criminels nous rapprochent (ex : avant c’étaient les religions).
Tout cela entraîne un regain d’intérêt pour la notion de victime. On a pu voir une augmentation de
solutions pour faire face aux risques. De ce fait, on va accepter beaucoup moins « les erreurs » dans
les risques sociaux (seuil de tolérance).

b) Construction d’une image prototypique


- Indifférenciation : cette image n’existe pas car il y a beaucoup de victimes très différentes.
- Instrumentalisation : la victime n’est pas un instrument !

 Avancées contemporaines
On déconstruit le sens commun : « On ne fait rien pour les victimes ? » Si !
A partir des années 90 :
- Développement d’une « politique des victimes »
- Construction progressive d’un « droit des victimes »

A. Politique des victimes


Création des services de prise en charge :
- Assistance judiciaire : lise en place pour nous faire aider juridiquement et avoir un avocat.
- Indemnisation publique : L’Etat contribue à une certaine indemnisation des victimes (en
partie financé par les contrevenants).
- Politiques de réparation : service de médiation, …
- Services d’aide et d’accueil (6 types différents en Belgique)

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A. Construction d’un droit des victimes
Différents stades :
- Instruction
- Procès pénal
- Exécution des peines : Loi pénitentiaire (2005) OU Loi sur le statut juridique externe (2006)
JAP/TAP

 Dérives de la société victimaire


Société victimaire : société qui pense uniquement derrière la victime et qui se laisse guider par les
émotions.
A. Le malentendu sur « ce que veulent les victimes » (enquêtes de Maguire; Lemonne &
Vanfraechem)
Il y a une différence entre ma disparité de ce qui est offert et de ce qui est attendu.
On ne s’interroge pas sur la complexité de la victime, cela est résumé à une peine.
La victime cherche une réparation au sens large (accepter d’être reconnu victime, la façon dont elle
est prise en charge, …).

B. Risque d’une pensée pénale guidée par l’émotion


Leurre à l’égard des victimes : affaire Michèle Martin (changement de loi pour faire plaisir à la société
ce qui, pénalement, a de grosses conséquences).
Risque pour l’idéal démocratique

C. Voir « Le temps des victimes » (Eliacheff & Soulez-Larivière):


Les victimes se trouvent un point commun et cela permet de resserrer les liens (instrumentalisation
du statut).
- Communion compassionnelle = nouveau lien social
- Création d’un nouveau statut valorisé, d’une nouvelle légitimité

A. Le développement d’un «marché victimaire »


Le statut de victime fait de l’argent (alarme, assurance, arnaques, pharmacie, …) -> A quand le salon
de la victime ???

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1. La réaction sociale
 Les normes sociales
A) Qu’est-ce qu’une norme ?
Deux versants :
- Référent (renvoie au réel) : qui renvoie au fait qu’on va se comporter d’une certaine manière
(ex : cheveux longs pour les filles, …).
- Règle (renvoie au prescrit) : on nous oblige à nous conduire d’une certaine manière (ex : on
ne peut pas fumer dans un auditoire).
Il faut faire attention à ne pas confondre le descriptif du normatif. Par exemple, l’homosexualité n’est
pas une « déviance » juste parce que la majorité est hétérosexuelle. Tout le monde n’a pas à être
comme ça.
Il existe ce qu’on appelle un système normatif : la norme ne doit pas être obligatoire (on refuse le
système directif, totalitaire). Nous évoluons dans un environnement de systèmes de normes, qu’ils
soient obligatoires ou pas (pluralité de normes). Ces systèmes bougent et évoluent (ex : avant la
norme pour les filles étaient d’avoir les cheveux courts). Le droit étudie ce qui est prescrit et le
sociologue, ce qui se passe (réel).

A) L’entente sur les normes sociales


Il existe trois manières de voir le monde qui « s’affrontent » :
- Consensualisme/fonctionnalisme (ex : les valeurs sont des normes sociales, or elles sont
semblables voire identiques)
Les éléments sociaux (les institutions) ont pour fonction de renforcer ce consensus. L’Etat va
d’ailleurs le protéger en remettant en place tous les points de vue qui diffèrent et qui sont
qualifiés d’anormaux.
La limite du consensualisme est au niveau de ces points de vue. Allons-nous rejeter toutes les
personnes qui pensent différemment ? Les mettre à part ?
- Pluralisme : il existe différents points de vue mais tout le monde a une entente sur la
nécessité de s’entendre sur les règles du jeu social d’une société (démocratie). C’est de
nouveau l’Etat qui arbitre tout ça.
La loi est considérée par tous comme acceptable -> paix sociale. Par contre, cette dernière
mais aussi l’Etat, les juges, … sont considérés supérieurs au reste du monde.
- Conflit : le monde est alimenté/est traversé par des groupes sociaux qui divergent. Le monde
est conflit et, dans chaque conflit, il y a des gagnants et des perdants.
Chaque groupe protège ses intérêts et, à un moment donné, un sera supérieur à l’autre.
La loi et l’Etat sont des outils aux mains de ceux qui sont au pouvoir. Ils imposent leurs
normes (dominants). Ils vont permettre à certains de maintenir leurs intérêts.

A) Pourquoi est-ce que la plupart des gens ne commet pas de délits ?

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Si les gens ne transgressent pas les normes, c’est parce que la pression sociale est à la conformité,
contrainte sociale (ex : la politesse).
Contraintes internes : nous sommes très vite amenés à inculquer ces normes (ex : valeurs, attitudes,
respect de l’autorité, …).
Contraintes externes : imposer par des institutions sociales comme l’école, la religion, la famille, …
(ex : parler, écrire, habiller d’une certaine manière, …).
Normes informelles : normes « pas obligatoires » qui sont imposées par le jugement, le rejet, la
punition, … (ex : venir en cravate à un examen).
Normes formelles : Groupe qui se met d’accord sur un système de normes et qui va le respecter (ex :
le droit belge, uniquement pour la Belgique et non la France).
Il est possible d’avoir une réaction informelle sur une norme formelle (ex : une personne fume dans
un auditoire, le groupe décide de le sortir de la pièce).

 La réaction sociale
A) Les procédés de réaction au sens strict (stimulus  réaction)
Il peut ne pas y avoir de réaction sociale.
Quand il y en a une, il existe différents types :
- Formels / informels (ex : mobiliser des institutions, des agences de contrôle sociale comme la
police)
- Individuels : sentiment de peur/insécurité, vengeance, c’est une personne seule qui réagit.
- Sociaux : par groupes.
- Institutionnels : les réactions institutionnelles seront toujours formelles mais pas
nécessairement l’inverse (ex : dans un kot, il y a un règlement entre nous. Lorsqu’une des
personnes le transgresse, le groupe est fâché (réaction formelle) et demande une réparation
auprès du fauteur de trouble (formalisation)).
- Etatiques

La réaction sociale dépend :


- Des contingences sociales de l’action
Le sens commun a tendance à expliquer beaucoup de choses par les actes or, il en existe des limites !
L’acceptabilité : au fur et à mesure du temps, on va dire que certaines conduites sont acceptables ou
pas, évolution dans le temps (ex : fraude fiscale qui est une transgression acceptable pour la société
mais pas pour l’Etat).
Les victimes : S’il y en a, l’acceptabilité sera moins acceptable (ex : inacceptable pour les coups et
blessures, …).
Proximité avec l’infracteur (ex : coups et blessures au sein de la famille comme les violences
conjugales -> on essaie de régler ça dans la famille).
Existences de modes de règlement alternatif du conflit (ex : vol dans un magasin provoque une petite
amende à l’intérieur).

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Visibilité du comportement : Si le comportement n’est pas visible, personne n’est au courant donc
aucune réaction sociale. D’ailleurs, l’acte n’est pas toujours au cœur de l’infraction.

- Des processus de différenciation des groupes sociaux (effets de solidarité, reconnaissance


entre pairs, phénomènes d’identification, de rejet de la différence etc.)
Ce sont des effets de groupe sur la manière d’agir (ex : religion, groupes politiques, …).

A) Les procédés de contrôle social


Ces mécanismes ont pour but de nous amener à être conforme aux normes.
« Réaction sociale non activée » : réalisation d’un système qui norme les gens à respecter les normes
sans réagir. Ces mécanismes sont informels ou formels (ex : une société de surveillance, installation
de caméras intelligentes qui voient et disent aux gens d’éteindre leur cigarette).

B) Les procédés de définition de la déviance


On parle de la criminalisation primaire (décider que tel comportement est un crime) mais aussi de la
criminalisation secondaire/jurisprudence (mettre en application cette loi).
La déviance de cette loi entraînera une réaction sociale. Dans notre société actuelle, nous n’avons
jamais connu autant d’inflations législatives (ex : terrorisme, stalking, féminicide, …)

 Un aboutissement particulier de la réaction sociale : la peine


A) Son contenu
- Dimension afflictive : la peine renvoie à la sanction mais aussi à l’émotion (avoir de la peine)
comme la souffrance, le mal, la douleur.
- Dimension infâmante : L’acte est marqué par la sanction (sentiment de honte) qui
permettrait de dire qu’on pourrait ne pas avoir de peine à cause du procédé long et pénible
du processus pénal (presse, entourage, pertes, …).

A) La peine résulte d’une opération de catégorisation et d’interprétation


La peine se conçoit avec une grille de lecture (A. Cicourel). La pénalisation est un processus sous
influence qui va appliquer une grille de lecture.
Dans la grille de lecture, on a des catégories (violences, vols, meurtres, …), c’est-à-dire le Code Pénal.
On a aussi des interprétations de ce Code (Est-ce que cela rentre dans telle ou telle catégorie ?
Engendre cette peine ? Moins/plus ?). Cette grille n’est donc pas neutre : Qu’est-ce que la loi ? Son

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interprétation subjective (ex : quand une femme porte plainte pour viol, on s’intéressait à son
comportement, à sa tenue pour atténuer des faits (basé sur des stéréotypes)).
Cela dépend aussi des contextes (économiques, politiques, culturels, …). Par exemple, dans notre
pays, on a certaines coutumes/traditions comme des châtiments corporels, une dictature, … Mais la
société est en situation de prospérité et ces châtiments diminuent.
Ce qu’on sait, c’est que la répression ne règle en rien les situations-problèmes qui en sont à l’origine.

B) Les peines en droit belge (art 7 et ss du code pénal)


Comme on peut le voir, une peine ne se résume pas à la prison :
- Réclusion / détention / emprisonnement 
- Amende
- Confiscation spéciale
- Privation de droits civils et politiques
- Peine de travail
- Peines particulières pour les personnes morales
- Surveillance électronique
- Probation
De plus, on se rend compte que les conditions matérielles de détention déterminent rarement la
manière dont les personnes vivent leur incarcération (ex : établissement insalubre mais relations
sociales ou établissement neuf mais relations sociales exécrables).

A) Finalités de la peine (M. Van de Kerchove)


Il y a un jeu permanent dialectique et paradoxal
La peine a une fonction préventive (freiner l’accomplissement des actes) :
- Générale : intimidation collective qui s’adresse à tous (en prison, tout le monde s’identifie)
mais remplit-elle cette fonction ? Je suis sceptique (ex : aux USA, la peine de mort est
autorisée mais la société reste très violente). Il est vrai que certaines personnes ne
commettent pas d’actes pour ne pas avoir de problèmes.
- Spéciale : Elle joue un rôle de neutralité qui empêche de commettre des faits, pourtant la
récidive augmente, rien qu’en prison (trafic de stupéfiants, meurtres, coups et blessures, …).
En tout cas, elle joue un rôle de socialisation (amène le condamné à réfléchir, à s’améliorer).
Rétribution : alors que la prévention est tournée vers l’avenir, la rétribution est tournée vers le passé
(son objectif primaire). Tu as fait quelque chose donc tu dois payer (œil pour œil, dent pour dent). On
recherche une équivalence et une vengeance qui est ancrée en nous.
Réparation : Elle est aussi tournée vers le passé mais aussi vers l’avenir. Tu as abîmé quelque chose
(passé) donc tu vas le réparer (futur). Le but est d’effacer le dommage commis (matériel comme
symbolique).
Fonction socio-pédagogique (= fonction « expressive ») : A un moment donné, par la peine, la société
exprime symboliquement ses valeurs, son soutien.
Ces différents cas ne sont pas toujours mis ensemble (ex : pas toujours de réparation).
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La sévérité des peines pose un problème aujourd’hui :
- Limiter le sens d’une peine à sa seule durée
- Prolonger un temps mort pour le condamné et ses proches
- Punir davantage plutôt que comprendre mieux
- Renoncer à la modération et entrer dans un cercle vicieux
- Organiser un contrôle sans limites spatio-temporelles (ex : surveillance électronique mobile
potentiellement pendant 20 ans en cas d’infraction délictuelle et 30 ans en cas d’infraction
criminelle)
- Concevoir le retour en prison comme « une réussite »
- Traiter la maladie mentale dans un cadre de plus en plus répressif
- Illusionner l’opinion publique sur le service que la sévérité lui rendrait
- Illusionner les victimes et leurs proches sur le service que la sévérité leur rendrait
- Légitimer par le droit des atteintes à la personne

A) Le débat sur l’efficacité des peines


Il existe de nombreux débats sur l’efficacité de ces peines :
- Différence entre l’efficacité (est-ce que ça marche ?) et la légitimité (est-ce que j’ai le droit de
faire ça d’un point de vue moral ?) : nos propres valeurs qui sont subjectives ou celles de la
société). Par exemple, tuer est efficace mais pas légitime (ex : peine de mort)
- Sévérité : « Les peines ne sont pas assez sévères » or, ces dernières années, il y a eu une
augmentation dans la sévérité. Mais cela relève à nouveau du subjectif : De quels faits parle-
t-on ?, Que voulons-nous dire par sévérité (longueur, charge de la peine, …) ?
- Les effets de la peine : il y a des choses que l’on voit mais aussi qu’on ne voit pas (ex : perte
d’un boulot, rupture familiale/amoureuse, …).
- Problème avec le concept de « récidive » : Mêmes faits (caractère sexuelle : différence entre
exhibitionnisme et viol) ? Interprétation des chiffres ? Lien avec la maladie mentale (qui nous
fait peur) ? Tendance à prédire trop rapidement la récidive ?
- Commission ou interpellation ? (Dimension interne du concept) Période couverte ?

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1. Le processus pénal
Processus au terme duquel, après les faits commis, conduit à la prononciation d’une peine.
Au départ, nous avons juste un individu et des faits de société -> comment de ces faits, on va
construire une construction progressive et institutionnelle (pénalement) ?
Distance radicale entre Criminalité / image de la criminalité / pénalité /statistiques

 Le système d’administration de la justice pénale (SAJP)


Le SAJP est une sorte d’administration qui va prendre en charge les transgressions (la justice pénale).
Au départ, un système est issu de la biologie. Au 20e siècle, certains organes/éléments sont reliés
entre eux par une structuration particulière. Ils sont mis en interrelation et chacun joue un rôle (ex :
le système digestif, le jeu d’échec comme système systémique, …). Le tout joue aussi un rôle. Par
ailleurs, le concept d’homéostasie (quand l’un est malade, les autres le remplacent) est mis en place
automatiquement sauf quand un élément est trop malade. On considère que chaque élément doit
maintenir l’équilibre.
Il existe un nombre indéfini de systèmes (scolaire, familial, justice, …).
Le système pénal est vu comme une boîte noire. On ne sait pas ce qui s’y passe mais il y a des
changements (comme un estomac : il rentre des faits et en ressort autre chose). Pour y arriver, les
acheminements sont différents (ex : on est tous en criminologie mais nos parcours pour y parvenir
sont différentiels).
La boîte noire est composée de pleins de choses : acteurs, normes, plusieurs systèmes (sous-
systèmes), matières premières (faits, personnes), produits (individus pénalisés, sanctions), opérations
particulières (comment ça se fait ?).

 Les différentes étapes du processus final (points de passage)


A) L’entrée dans le SAJP
Le point de départ est la transgression d’une norme : un fait commis ou une croyance d’un fait
(croire que son voisin frappe sa femme -> appeler la police mais c’est possible qu’il se trompe (ex :
jeux sexuels))
Il faut deux conditions pour que le SAJP s’enclenche :
1) Connaître le fait (reportabilité)
Entre le fait et la prise en charge, il y a la reportabilité.
Combinaison de deux phénomènes : la visibilité et le renvoi

- Premier phénomène : LA VISIBILITÉ

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Il diffère selon les types d’infractions (la fraude fiscale est différente d’un hold up), selon les
circonstances des faits (ex : voyeurisme différent si chez lui seul ou devant des enfants), selon des
différenciations sociales (ex : prendre de la cocaïne pour un SDF ou pour une personne chez elle).
Comme on peut le remarquer, ce sont les atteintes directes à la personne qui suscitent le plus
d’indignation, tandis que tout ce qui relève de la sphère économique et financière apparaît comme
moins grave (« la fraude fiscale est un sport national »). Souvent, les personnes sont des personnes
morales (on se s’identifie donc pas à eux : « un criminel, ce n’est pas une personne morale »). Elles ne
peuvent ni exprimer une intention ni passer à l’acte. Elles ne peuvent pas davantage confronter
directement leurs accusateurs et ne peuvent donc bénéficier d’un procès équitable. Enfin, elles ne
peuvent être jetées en prison.
La plupart du temps, ce sont des hauts dirigeants qui sont condamnés pour corruption et ils semblent
hébétés voire furieux d’être comparés à des « vrais criminels ». Ils vont chercher à garder la
confiance des électeurs en invoquant les valeurs défendus et/ou les résultats obtenus (« sa vertu, je
m’en fous, ce que je veux, c’est qu’il sauve des jobs  »), la dureté présumé d’un milieu sans état d’âme
(« si tu ne magouilles pas un minimum, tu n’obtiens rien »), la banalisation supposée de la corruption
(« de toute façon, tout le monde fait pareil »), une empathie qui appelle l’indulgence (« si j’étais
sollicitée comme elle, je ferais pareil ») ou une victimation qui minimise la gravité des faits (« il a été
naïf et s’est fait piégé  »). Sans compter que la corruption est invisible ou très discrète, rares sont
ceux qui se font prendre.
Conclusion : la visibilité est un phénomène dépendant.
La police y joue un rôle important. Elle réagit à des choses (initie, décide d’être active comme placer
un radar) et donc choisit ses priorités (violences familiales, jeunes, …).

- Second phénomène : le RENVOI


Pour que le SAJP prenne en charge un dossier/une infraction, il faut toujours que quelqu’un extérieur
au système la signale  self starter. De ce fait, la victime est un acteur important dans cette entrée
au système.
Cette entrée dans le système est très complexe. Il existe des procédures non pénales de contrôle de
la criminalité
Les éléments subjectifs du renvoi :
- appréciation de la légitimité de l’incrimination (attention ! légitimité ≠ légalité)
- appréciation de la déviance (gravité etc.)
- appréciation de l’efficacité de la plainte
- contexte relationnel entre les individus
En conclusion, l’impact des représentations individuelles et collectives sont importantes mais aussi
les idéologies et les symboles.
L’impact des produits finis l’est tout autant. C’est la tendance à intégrer que ce qui est puni, c’est
légitime et que ce qui ne l’est pas, on peut le faire  cercle vicieux : parce que c’est puni, c’est
important que ce soit puni.

1) Accepter de s’en saisir

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On se retrouve dans une autre logique, interne au système (on parle de professionnels). Avant, les
éléments étaient liés hors du système pénal, c’étaient des personnes non-professionnels (victime,
témoin, …)  externe.
La façon dont le SAJP fonctionne va être déterminant.
Au départ, on a un fait social qui va être saisi par le SAJP. Le moment où une instance (les acteurs du
SAJP, souvent la police) accepte de se saisir d’une affaire : construction ou reconstruction (ex : une
personne baisse son pantalon dans la rue, un témoin va appeler la police qui va l’interpeler et lui
donner une amende ou autre(s)).
Cela ne devient un crime que lorsqu’on agit, lorsqu’on dénonce.

A) « L’entonnoir » pénal
Services de police
Parquet
Juges et juridictions d’instruction
Cours et tribunaux
Tribunaux et
Services d’exécution des peines

Il s’agit d’une succession d’acteurs. La pyramide est à l’envers car, au départ, il y a une grande masse
d’appels au tribunal de police (Qu’est-ce qui est infraction ?) puis cela va diminuer de plus en plus.
Chaque acteur doit faire des choix à son niveau : se saisir ou pas de l’affaire ? (Attention, un juge est
obligé de se saisir de chaque affaire mais il a le choix entre condamner ou pas).
Nous ne devons pas passer auprès de chaque acteur. L’entonnoir va établir des filtres qui vont
permettre de perdre de la matière à chaque étape (des gens sortent du système). Attention, ce n’est
pas automatique.
Le système fonctionne par tri et choix successifs.
Deux fonctions du système :
1) La sélection : choisir de prendre ou pas l’affaire (ce pouvoir relève surtout de la police et du
parquet)
2) L’orientation : les affaires suivent des chemins différents, des filières (vers le juge
d’instruction ou pas)  ce n’est pas indéfini.

Facteurs influençant l’orientation :


- La gamme d’outils à disposition (ex : la police avant avait le choix entre soit dresser un P.V. et
l’envoyer, soit ne pas dresser de P.V.  maintenant, ils ont une option en plus qui est de

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dresser un P.V. mais de ne pas l’envoyer) (ex : emprisonnement ou médiation pénale ou
autres alternatives  cela permet que la personne reste dans le SAJP)
- Le traitement au stade antérieur (logique interne) : chaque acteur va travailler d’une certaine
façon et cela va avoir un impact sur le stade précédent (ex : des faits/infractions similaires
n’auront pas nécessairement la même peine en fonction du juge et de ses humeurs, des
plaidoiries, …).
- L’anticipation du stade suivant : même mécanisme mais dans le sens inverse (ex : la police
anticipe ce que le stade supérieur va faire)
- Les interactions et les représentations : si on a une attitude arrogante, cela va influencer
notre jugement (attention cela ne concerne pas uniquement le juge mais tous les autres
acteurs aussi).
- L’effet « parapluie » : quand on prend une décision, on prend celle qui nous couvre un
maximum pour éviter au maximum les retombées. Faux positif/négatif : on va parfois garder
une personne non-dangereuse en prison ou condamner un innocent pour éviter les
retombements (notion de risques de récidive).
On se rend compte que la gravité de l’acte ne va pas déterminer la peine. Tous les éléments
précédents rentrent en compte.

Conclusions :
- La logique autoréférentielle du système pénal : le système pénal se réfère sur lui-même et
s’influence (ex : la récidive  uniquement si la personne a déjà fait l’objet de poursuites
pénales). Le système s’auto-alimente et on voit souvent les mêmes personnes.
- La création de « filières » : différentes (devant le juge, devant la police, …). Cela dépend des
statistiques criminelles (voir point suivant).
- Relativité des statistiques criminelles : les décisions sont les priorités politiques (accent sur
l’inceste, les violences conjugales, …).

Approche des statistiques criminelles :


- Présence du « chiffre noir » (problème de reportabilité)
- Comptage « décisionnel »
- Raisonnement en termes de flux, de filières
- Traduction des priorités politiques
- Instrumentalisation politique
- Impact des représentations sociales

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1. L’insécurité et le sentiment d’insécurité
 Introduction : l’insécurité, phénomène du 20e siècle ?
Ici, nous allons parler de l’insécurité liée à la question de la délinquance.
Elle s’est problématisée fin des années 70-début des années 80 (questionnement, …).
Après la 2e guerre mondiale, on était occupé par autre chose :
- Reconstruction
- Décolonisation
- Luttes sociales internes (développement de l’Etat social)
- Evolution des mœurs
- Politique internationale (deux blocs)
Bien qu’elle ne se soit problématisée qu’au 20e siècle, elle était déjà présente au 19e siècle (ex :
aucune sécurité à traverser une forêt au 15e siècle). Elle a toujours existé, ce n’est qu’une question
d’ampleur.
On voit le délinquant comme quelqu’un de différent, comme un résidu qu’on pourrait résorber. Dans
cette vision, on cherche des solutions sur cette « anomalie » à résoudre.
Au 20e siècle, on évolue et on change de vision (Philippe Robert). La délinquance est un risque de
masse, c’est-à-dire quelque chose dont on doit se prémunir mais qui est existant (ex : risque d’être
malade). La société accepte de vivre avec cette problématique comme une acceptation de la fatalité.
La délinquance est une chose habituelle, qui se maintient, un phénomène normal qu’on essaie de
contenir. Attention : ce n’est pas parce qu’on l’accepte que c’est tolérable (demande de punitivité).
La délinquance va devenir un problème de sécurité. On va axer (être focus) sur certains types de
délinquances (ex : on ne s’intéresse pas aux fraudes fiscales).

 La mesure du phénomène d’insécurité


A) Evolution de l’analyse
Lorsqu’on a un problème, on cherche d’abord à le mesurer, or il est très compliqué de mesurer la
délinquance (chiffre noir). On va alors se concentrer sur le phénomène d’exposition et son lien avec
la peur exprimée.
Du coup, on va partir d’enquêtes (si on est plus ou moins exposé à la délinquance, on a plus ou moins
peur  insécurité objectivable bien que notion complexe) et interroger les victimes sur leurs
sentiments (insécurité subjectivité).
La peur peut être irrationnelle et pas nécessairement liée à l’exposition. Avant, on pouvait concevoir
qu’on analysait la sécurité au travers de la délinquance. Or, maintenant, il va falloir étudier
l’insécurité en tant que tel et la détacher de la délinquance ! De plus, il faut faire attention si nous
décidons de prendre en compte la subjectivité (ex : beaucoup de gens ont peur de phénomènes
auxquels elles sont exposées comme « l’invasion » des étrangers qui va dépendre de notre zone
géographique).

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Nous devons prendre en compte l’intensité de l’exposition qui renvoie plus à une peur rationnelle,
objective. Selon la façon dont on vit et dont on est, on est plus ou moins exposé (styles de vie, âge,
genre, statut matrimonial, niveau de scolarité, revenus, l’activité  taux de victimation). Par ailleurs,
il y a aussi une différence entre le temps libre (moments dans l’espace public) et le temps contraint
(auditoire, travail, maison, …).
Paradoxalement, plus l’exposition est faible, plus la peur est grande (ex : ce sont les femmes âgées
qui ont le plus peur alors que ce sont celles qui sortent le moins <-> inversement, les garçons ont le
moins peur alors qu’ils sont les plus exposés car ils sont souvent dans l’espace public).
On retrouve deux mécanismes explicatifs :
1) L’hypothèse de démesure (S. Cohen, 1972) : ce sont des paniques morales (ex : peur de
l’islam, du musulman). On répand une peur sur toute une communauté alors que cela ne
concerne qu’une petite partie, c’est irrationnel !
2) La peur rationnelle (Stafford & Gale) : Il faut partir de l’idée que la peur peut être rationnelle
(ex : une personne âgée est peu exposée mais, quand elle l’est, c’est fortement). Certaines
peurs sont plus rationnelles qu’on ne l’imagine en fonction de notre vulnérabilité.
La notion de vulnérabilité dépend de quatre éléments :
- La fragilité : soit la personne a déjà été une victime antérieure, soit elle a le sentiment d’être
une cible potentielle (ex : chez les femmes, elles ont peur du viol appelé le voile noir).
- La capacité à gérer les conséquences (physiques, financières, psychologiques, sociales, …)
- Les facteurs environnementaux (ex : la nuit augmente la vulnérabilité, l’espace clos aussi)
- L’insertion interpersonnelle : la mobilisation, le soutien des proches (ex : moins on a d’amis,
plus c’est compliqué d’y faire face. On se renferme sur une petite cellule).
Les adolescents peuvent aussi être plus vulnérables car, en plus d’une crise identitaire propre à
chacun d’entre eux, ils ont aussi une difficulté à se définir dans un monde perçu comme étant
d’emblée hostile et où il est extrêmement difficile de trouver sa place.

A) Analyses en Belgique
De 1997 à 2009, le SPF Intérieur a décidé d’évaluer le sentiment de sécurité chez les gens (bisannuel
puis annuel au travers de questionnaires électroniques avec des questions types. Les personnes
étaient tirées au sort et le but était d’avoir un échantillon représentatif.
Les dernières conclusions (2008-2009) ont montré que les soucis principaux des belges étaient la
circulation, les cambriolages, la conduite agressive, les objets dans les rues et les vols dans et de
voitures
En ce qui concerne le sentiment d’insécurité, seulement 8% des sondés se sentent toujours ou
souvent en insécurité ainsi que les anciennes victimes (5 ans) qui se sentent 2X plus insécurisées.
Après 2009, le SPF Intérieur a décidé de mettre en place un plan de sécurité. L’idée était qu’à un
moment donné, certains acteurs importants (police, justice, juges, …) se réunissent pour trouver des
solutions. Ils doivent aussi déterminer les phénomènes vus comme prioritaires (ex : le vol à main
armé, drogues, …), c’est-à-dire des phénomènes assez courants dans certaines zones géographiques
qui seront vus comme de la délinquance de grande ampleur et entraîne plus de mesures de
l’insécurité.

 Problématisation de la notion de peur


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Il existe une différence entre la peur et la préoccupation, or dans l’insécurité, on associe les deux.
C’est ce que Fustenberg démontre. Il dit que nous associons notre peur personnelle au souci de
société. Il n’y a donc pas d’unité conceptuelle au sentiement d’insécurité.

A) LA PEUR (« Crime risk »)


On associe souvent la peur à un sentiment négatif (dimension personnelle : menace, un désordre) or
elle est importante (ex : peur du feu). Elle joue un rôle de protection en nous permettant d’anticiper
la menace comme se brûler si on est trop près du feu.
Lien avec les indicateurs locaux de délinquance et de victimisation
Lien avec la vulnérabilité (aussi vulnérabilité sociale)
Fragmentation : en fonction de la façon dont on est interrogé, on aura peur pour nous ou nos enfants
mais aussi de certains délits plutôt que d’autres et à des moments différents.
Renvoie à la capacité de maitrise
La peur dépend de l’exposition au risque et est médiatisée par la vulnérabilité. On a aussi ce qu’on
appelle une peur altruiste (ex : peur pour ses enfants et surtout ses filles  peur pour l’autre).

B) La préoccupation (« crime concern »)


« Tout fout le camp » est une phrase typique où la personne se sent concernée par l’évolution de la
société (collectif problématique). Par exemple, l’homme âgé blanc va se sentir très concerné alors
qu’il est le moins exposé. Evidemment, cela dépend aussi du bagage éducatif, de la position politique
et de la personnalité de la personne.
On peut remarquer que, par exemple pour la sévérité des peines, le lien ne se fait plus avec la
délinquance mais au travers de l’opinion.

C) L’expression de l’insécurité
Elle est à son tour inégale :
- Qui ? (Individuel vs social) (ex : les femmes et les personnes de droite expriment plus leur
insécurité)
- A quelle occasion ? (ex : différence entre un cas fictif et un cas réel)
- Dans quel but ? (ex : faire changer l’opinion publique, créer une forme de lien social, …).
En conclusion, le sentiment d’insécurité manifeste :
- Une appréhension concrète du risque criminel
- Une revendication pour l’intangibilité de l’ordre social
- Sa manifestation est un phénomène en soi
Ce concept comporte pleins d’éléments à l’intérieur de lui et il est important de ne pas les
confondre !

 Rôle des représentations sociales


Il y a des risques que nous considérons comme acceptables et d’autres non (ex : la sécurité routière,
on choisit de prendre notre voiture chaque matin donc on accepte le risque de l’accident).
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Par contre, la délinquance est de moins en moins acceptée. C’est le résultat d’une construction
sociale de notre sensibilité mais le ressenti du sujet est en partie construit culturellement (ex :
évolution au 21e siècle avec la peur de la catastrophe écologique ou du terrorisme). Le sens donné
aux conduites par leurs auteurs, par leurs victimes, par le public et par le politique est important pour
en comprendre les enjeux (définition de ce qui est violent ou pas, quand est-ce encore
« acceptable » ?).

 Médias et sentiment d’insécurité


A) Production ou relais ?
L’impact des médias sur le sentiment d’insécurité est mitigé selon les études. Les médias nous
donnent des supports pour projeter notre insécurité (donne des emblèmes qui vont cristalliser). Par
exemple, si nous prenons la peur du viol chez les femmes, c’est en nous (comme vu dans une partie
précédente). Les médias ne créent donc pas cette peur mais ils vont lui donner forme et créer un
support qui renvoie cette fragilité au monde entier.
Les médias nous permettent de nous identifier. Plus les médias seront proches de nous, plus l’impact
sera grand (ex : fait qui se passe dans notre région ou dans notre ville).
Un autre facteur de l’impact médiatique est sa résonance avec notre expérience personnelle.
Par contre, il faut faire attention aux médias. Si on regarde tout le temps la télévision (comme
certaines personnes âgées), cela devient notre monde et nous n’avons plus d’avis critique sur les
informations (déréalisation du monde). Notre vision est déformée, irrationnelle (ex : « l’invasion
migratoire »).
A l’heure actuelle, les médias se transforment :
- Accent sur les émotions très fortes (peur)
- Impact des réseaux sociaux qui sont les nouveaux vecteurs (peu d’analyses sur le sujet)

A) Support au discours politique


Certains thèmes de la délinquance sont politisables et instrumentalisés pour attirer le regard sur ces
derniers. Avant les années 90, la droite parlait beaucoup de l’insécurité dans ses discours alors que la
gauche beaucoup moins. Depuis les années 90, tous les partis ont axé leurs discours dessus de
manière assez égale (instrumentalisation).
Ils jouent sur les représentations sociales.

 Insécurité sociale ou civile ?


L’effet réverbère : si on se met en dessous, on voit ce qu’il illumine mais pas le reste, or il ne faut pas
oublier ce qu’il y a autour ! Cela joue un rôle important dans l’insécurité et ça nous permet de
resituer l’analyse de l’insécurité dans une perspective sociale plus complexe.

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La peur de la délinquance est donc mise en relation avec d’autres craintes.
Robert Castel (2003) met en avant une série de constats généraux :
- Déclins des solidarités
- Recul de la protection étatique
- Montée de l’individualisme
- Mobilité, discontinuité des parcours
- Transformation des rapports au/de travail
- Avenir incertain

Développement de vulnérabilités et de peurs


-Développement d’une attitude défensive (rejet, boucs émissaires…), rejet de la nouveauté
- Passage de l’insécurité sociale à l’insécurité civile : bien que notre insécurité soit globale
(sociale), on va avoir peur de l’autre (ex : tous les mexicains sont des violeurs renvoie à une peur
pour l’économie du pays).
- Mélange de question sociale et question urbaine (ex : focaliser sur ce qui se passe à
Bruxelles et non dans notre région)
Le monde politique va se servir de l’insécurité civile plutôt que sociale.

 Les incivilités (Roché)


Les incivilités (ex : les crottes de chien, cracher par terre, …) renvoient à un concept de familiarité qui
permet de se sentir en sécurité (ex : lorsqu’on rentre seul à 3h du matin chez nous, au plus on
approche de notre domicile, au plus on se sent en sécurité).
Théorie de la « vitre cassée » (Wilson et Kelling, 1982) : si une vitre est cassée mais réparée, cela ne
pose pas de problèmes au voisinage. Par contre, si elle est cassée et qu’on ne la répare pas, cela va
entraîner une insécurité à cause de cette incivilité.
Conclusions :
- La délinquance ne contribue que partiellement à l’insécurité (exposition). Le lien n’est pas
mécanique.
- Par l’émotion, elle crée la peur personnelle.
- Par la culture politique, elle suscite une préoccupation sociale_
- Elle suscite une réponse politique qui elle-même contribue à la définition du problème.

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