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Slimani Amina
Faculté des sciences juridiques économiques et sociales souissi
Université Mohammed V de Rabat
Bibliographie :
Ouvrages généraux
M. AMZAZI, Précis de droit criminel, Première éd. 1994, Publication
APREJ , Dar Nachr Almaarifa
M. DRISSI ALAMI MACHICHI, Manuel de droit pénal général, Les
éditions maghrenines, Casablanca, 1974
M. AMZAZI, La sanction ? Editions APREJ Rabat 1993 ( en arabe)
M. AMZAZI, Essai sur le système pénal marocain, editions centre
J.Berque, Collections description du Maghreb, 2013
F. DESPORTES, F. LEGUNEHEC, Le nouveau droit pénal, Tome I -
Droit pénal général, Economica, 16ème éd. 2009
Ouvrages spéciaux
M. Cusson, La criminologie, 4e d Les fondamentaux, Hachette supérieur,2005
R . Gassin Sylvie Cimamonti Ph Bonfils, Criminologie, 7 ed Dalloz,2011
L. Mucchielli, Sociologie de la délinquance, CURSUS ARMOND Colin 2014
G. Lopez, Victimologie, Dalloz1997
P . Morvn, Criminologie, LEXIS NEXIS Manuel, 2013
G . Bonnemaison (pref), La prévention de la criminalité en milieu urbain,
PUAM, 1992
Institut de criminilogie PARIS, Incriminer et protéger, Essais de philosophie
pénale et de criminologie, V. 11, ed Dalloz, 2014
M. DELMAS-MARTY, Les grands systèmes de politique criminelle, Thémis,
PUF, 1992 ;
P. LASCOUMES et P. PONCELA, Réformer le code pénal. Mais où est passé
l’architecte ?, Les voies du droit, PUF, 1998 ;
G. GIUDICELLI-DELAGE, C. LAZERGES, La dangerosité saisie par le droit
pénal, PUF, 2011 ;
P. JOXE, Pas de quartier ? Délinquance juvénile et justice des mineurs, Fayard,
2012.
P. MAURICE, De la haine à la vie, Le cherche midi éditeur, 2001 ;
D. SALAS, La justice dévoyée. Critique des utopies sécuritaires, Les arènes,
2012.
J.P. JEAN, Le système pénal, La découverte, coll. Repères, 2008 ;
J. AUDET et J.-F. KATZ, Précis de victimologie générale, 2e éd., 2006
Section I. Définition
1
C’est l’application du principe de la légalité criminelle. Garantie fondamentale contre l'injustice, l'arbitraire et
l'inégalité, cette règle figure en bonne place dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 (art
11) et dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (art 15). (Pacte signé et ratifié par
le Maroc). Au Maroc le principe de la légalité criminelle est consacré par la constitution (art 10) et par l’art 3 du
code pénal.
La criminologie est un lieu de rencontre de plusieurs disciplines : psychologie,
psychiatrie, droit, sociologie, criminalistique, histoire, philosophie, sciences
pénitentiaires, police scientifique
2
R . Gassin Sylvie Cimamonti Ph Bonfils, Criminologie, 7 ed Dalloz,2011, p. 4 et s.
facteurs du phénomène criminel et le processus de son développement. 3 Ils
excluent ainsi de son essence aussi bien la sociologie criminelle que le droit
pénal ou la criminalistique. De ce fait, la criminologie selon ce sens étroit serait
« la science qui étudie le crime comme étant un comportement humain et un
phénomène social dont le but est de passer d’une approche descriptive à une
approche expérimentale dans la recherche des facteurs de la criminalité ». Pour
Cusson : « La criminologie est la science qui étudie les caractéristiques, les
raisons et les causes du phénomène criminel ».
1. Criminologie théorique
2. Criminologie appliquée
4
Mohamed Drissi Alami Machichi, Manuel de droit pénal général, Les éditions maghrebines, Casablanca, 1974,
p. 40.
5
South, N. & White, R. (2016). L’émergence et l’avenir de la criminologie environnementale. Criminologie,
49(2), 15–44. Article traduit de l’anglais par Florence Dubois consulté le 27 AVRIL 2022
https://doi.org/10.7202/1038415ar; Fréderic Compin. Approche sociologique de la criminalité financière. Thèse.
Université d’Evry VAL D’essonne.2013. l’un des pionniers de la criminologie en col blanc ou des crimes en col
blanc fut Edwin Sutherland auteur de l’ouvrage crimes en col blanc paru en 1945 ; Alexia Pierre « Le crime de
masse en criminologie ». Revue de sciences criminelles et de droit comparé. N°3, 2015, pp 627-637.
6
La criminologie appliquée permet d’évaluer la criminalité afin de la réprimer selon des moyens efficaces et
expérimentées. Le concept d’évaluation de la criminalité a reçu ces dernières années notamment dans les pays
développés un grand intérêt surtout dans la prévention de la récidive et la lutte contre la criminalité sexuelle.
Catherine Menhabé, Criminologie, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 2019, n°153 et s. Voir
aussi, Institut de criminologie et de droit pénal de Paris, Essais de a philosophie pénale et de criminologie, v 11,
dir. Ph. Conte et S. Tzitsis, Incriminer et protéger. Punir ou soigner l’infracteur ?; Soigner et défendre la victime,
éd. Dalloz, 2014, p. 13 qui traite justement du risque de récidive.
a. Criminologie clinique : a pour but de formuler un avis individuel sur un
délinquant, cet avis comportant un diagnostic de son état dangereux, un
pronostic de son évolution et éventuellement un traitement pour permettre sa
réhabilitation et éviter la récidive. Il ne faut pas croire que le traitement soit un
expression utilisée pour distribuer des remèdes pour des pathologies similaires.
La criminologie étudie les causes individuelles ou collectives en s’appuyant sur
les autres sciences comme la psychologie, la psychiatrie ou la sociologie ou
encore les sciences pénitentiaires
7
Catherine Menhabé, Criminologie, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 2019 : n°194-195
8
Christophe Mincke. (2022). « La criminologie au service de l’État ? ». La Revue Nouvelle. 2 (N° 10), p. 38-45.
Consulté le 3 juillet 2022. (www-cairn-info/revue-nouvelle-2022-2-page-38.htm)
9
Certains auteurs pensent que « le caractère radicalement critique de certains discours, comme celui de la
criminologie critique, doit être vu comme le vecteur d’un renforcement démocratique et non comme l’outil d’un
travail de sape de l’État. Christophe Mincke. (2022). « La criminologie au service de l’État ? ». La Revue
Nouvelle. 2 (N° 10), p. 44
pratique de la criminologie appliquée, FYP éditions, collection Action et
Recherche, 2020, p 14.
Les plus importants travaux sont ceux de Lombroso (ital.) auteur de l’ouvrage
« L’homme criminel » (1876) dans lequel il dit que le criminel présente toute
une série de stigmates physiologiques qui le distingue des non criminels. Mais,
Lambroso n’est pas le premier à s’intéresser au corps du criminel pour y trouver
une explication du crime. D’autres chercheurs l’ont précédé comme l’italien
Della Porta qui fait une relation étroite entre le crime et le physique du criminel
surtout le visage. Cependant, les travaux de Lombroso sont les plus célèbres et
sa théorie que nous verrons par la suite est devenue internationale. Du fait de
son métier de médecin et d’enseignant, Lambroso a trouvé la réponse à la
question pourquoi devient-on criminel dans la physiologie des criminels. Ses
résultats ont été vivement critiqués.
1. Le crime
Des controverses existent sur la notion du crime que la criminologie a pour
objet d’étudier : s’agit-il des comportements de l’homme contraires aux règles et
aux valeurs sociales protégées par le législateur et auxquels il prévoit une
sanction ? ou bien de toute sorte d’attitude déviante de l’homme, c'est-à-dire
toute action ou omission antisociales sans qu’elle soient prévues par le
législateur pénal?
Il existe deux conceptions du crime : juridique et non juridique12.
Selon la notion juridique, le crime se définit par référence à la loi pénale :
l’infraction est tout acte ou toute omission interdits par la loi sous la menace
d’une peine (art 110 code pénal). Selon la notion non juridique, il existe deux
courants : le premier définit le crime en faisant référence à la morale et le
second en se reposant sur les valeurs sociales.
10
P. MORVAN, Criminologie, Manuel, éd. Lexis Nexis, 2013, p. 3
11
M. DRISSI ALAMI MACHICHI, Manuel de droit pénal général, Les éditions maghrenines, Casablanca,
1974 p. 139 et s. cet auteur distingue entre les deux conceptions juridiques et criminologiques du crime; F.
DESPORTES, F. LEGUNEHEC, Le nouveau droit pénal, Tome I - Droit pénal général, Economica, 16ème éd.
2009, p. 10 ; RAMSSIS BEHNAM, La théorie générale du droit pénal, éd. AL MAARIF 1981, p. 52 et s ;
MITOUALI SALIH CHAIR, La définition de l’infraction, éd. Dar kotob kanounia, 2003, Egypte.p 22 et s.
12
Cette dualité existe tant que la querelle entre droit pénal, criminologie et politique criminelle existerait. En
effet, la distinction entre ces différentes sciences n’est pas un problème résolu nonobstant la multitude des
rapports qui les lient. V
*Pour ce qui de la première notion non juridique du crime, il faut se référer à la
morale et aux valeurs et se divisent à leur tour en deux groupes 13. Certains
considèrent que le crime est une contravention réputée telle par toutes les
sociétés et dans tous les temps car elle violent deux principes fondamentaux : la
confiance et la pitié. Parmi les criminologues de ce courant, l’italien Garofalo
qui emploie pour cela le terme de « crime naturel » comme le vol ou le
meurtre14. D’autres ont critiqué cette définition et considère que le crime est
variable dans le temps et dans l’espace et qu’il n’est pas limité à quelques
principes, mais à la majorité des principes communs à une société donnée à un
moment donné.
*Si la première notion non juridique du crime se fonde sur la morale, la seconde
notion est fondée sur les valeurs sociales. Pour les partisans de ce courant, le
crime a une signification très large puisqu’il signifie tout comportement non
conforme aux normes sociales en vigueur et qui donne lieu dans le groupe social
à des réactions de type divers que l’on désigne par l’expression de contrôle
social. Cette signification du crime englobe aussi bien les infractions telles que
prévues par la loi et les comportements déviants qui sont contraires aux valeurs
sociales mais ne sont pas incriminés par le législateur. Le terme déviance est
alors préféré à celui de la délinquance.
13
J. Pinatel, Histoire des sciences de l’homme et de la criminologie, éd. L’Harmattan, Traité de sciences
criminelles, 2001, p26. Selon cet auteur, « le concept de crime se traduit toujours en référence à un conflit qui se
traduit par une agression dirigée contre les valeurs du groupe…la classification des crimes reflète cette référence
aux valeurs ».
14
il y a selon Garofalo, une distinction à faire entre les crimes naturels et lex crimes culturels ou conventionnels
intimement liée au droit pénal et à la politique criminelle de chaque pays à un
moment donnée. Par exemple, la criminologie ne s’intéresse pas à l’étude du
suicide ou de l’alcoolisme (c’est l’objet de la sociologie). D’ailleurs parmi les
méthodes utilisées par les criminologues dans l’étude du phénomène
criminel, il y a l’exploitation des statistiques criminelles, et celles-ci sont
certainement des « statistiques légales », càd fondées sur la définition
juridique du crime.
2. Le criminel
Selon la définition juridique, le criminel est l’auteur ou le complice de
l’infraction et qui est condamné par un jugement ayant une force de chose jugée.
Or, certains criminologues adoptent une conception du criminel qui est
différente de celle prévue par le droit pénal. Le criminel en criminologie n’est
pas seulement le responsable pénalement ou déclaré comme tel par les
juridictions répressives, mais englobe aussi bien « les véritables criminels », càd
les personnes responsables et non responsables pénalement (aliénés, mineurs).
Cependant, la majorité des criminologues critiquent cette distinction entre la
définition juridique et la définition criminologique car elle est illogique. Si la
définition du crime en criminologie est celle qui est adoptée par le législateur, la
définition du criminel devrait également correspondre à la conception juridique
du terme. D’ailleurs les études en criminologie ne peuvent être claires et
pertinentes si elles se fondent sur l’étude des personnes qui ont commis une
infraction mais qui sans être condamnés par les juridictions.
La définition du criminel en criminologie dépend alors largement de celle
retenue pour le crime. C'est-à-dire adopter la conception juridique plutôt que la
conception criminologique15.
15
V . R. Gassin, op. cit., p. 58 et s ; GAROFALO, La criminologie, Etude sur le crime et la théorie de la pénalité,
2e éd. 1890, 1-52. E. Ferri, La sociologie criminelle, p 80-95 ;
Chapitre II. Distinction de la criminologie des autres sciences criminelles
Le droit pénal ou le droit criminel contient des règles de fond et des règles de
forme. Tous deux se distinguent de la criminologie même s’ils entretiennent
certains rapports.
16
Tous les manuels de droit pénal font dans leur introduction une importante distinction entre le droit pénal et les
autres sciences expérimentales appelés également complémentaires ou accessoires et tentent d’expliquer le
rapport nécessaire entre les différentes sciences criminelles dans la lutte contre la criminalité. V., M. DRISSI
ALAMI MACHICHI, Manuel de droit pénal général, Les éditions maghrébines, Casablanca, 1974, p 30 et s.
Le rapport entre le droit pénal et la criminologie. Certes, le droit pénal et la
criminologie ont le même objet : le crime et le criminel, mais elles ne
l'étudient pas sous le même angle. Le droit pénal a pour objet essentiel la
définition des infractions selon la législation. La criminologie, quant à elle, est
une science de constations ; elle décrit la conduite criminelle en se rapportant le
plus fidèlement possible aux données, elle recherche dans les faits les causes du
crime ; elle étudie le criminel. Alors que le droit pénal utilise des méthodes
juridiques reposant sur l'interprétation des sources du droit, la criminologie
est une discipline empirique qui repose sur l'observation des faits.
Le droit pénal et la criminologie n’ont rien en commun que l’objectif de lutte
contre la criminalité. la criminologie est tout le contraire du droit pénal car elle
est tellement flexible que toutes disciplines confondues peuvent y apporter une
contribution17. Cela va de sa crédibilité et de son efficacité 18. Cependant, la
criminologie et le droit pénal forment un couple indissociable car comme a dit
J.H. Robert (2010) « le droit sans criminologie n’a pas d’objet et la criminologie
sans droit n’a pas de limite »19. En fait, les objets du droit et de la criminologie
sont complémentaires. Les juristes utilisent les recherches et les résultats
criminologiques lorsque, par exemple, ils souhaitent la modification d'un texte
de droit (mesures pour les mineurs ou pour les récidivistes ou des sûretés en
général tenant compte de la "dangerosité" du délinquant : notion issue des
recherches criminologiques). De même, pour individualiser la sanction, les
juges doivent tenir compte des conditions sociales ou psychologiques de l’auteur
17
Jacques Henri Robert, « Criminologie et droit pénal, Dans : Regards sur le droit, sous la direction de F. Terré,
Académie des sciences morales et politiques. Revue Dalloz 2010; Régis DE GOUTES. 2000 : p.133. « Droit
pénal et droits de l'homme ». Revue de sciences criminelles et de droit comparé 2000. Dans ce sens et évoquant
la dimension pluridisciplinaire de la criminologie. Voir : Jean Larguier. Criminologie et science pénitentiaire.
1979. P.4. Dalloz, Mémento, 2e éd.
18
Patrick Maistre Du Chambon. 2012. P. 436. « Quelle place pour la criminologie en France » : Dans : Mélanges
en l’honneur du professeur J. H. Robert, Lexisnexis, 2012 ; Christophe Mincke. Sophie André. 2022. « A quoi
sert la criminologie ?». La Revue nouvelle. 2. n°10, pp. 19 à 21. Consulté le 10 mai 2022. (https://www-cairn-
info/revue-nouvelle-2022-2-page-19.htm)
19
Jacques Henri Robert, « Criminologie et droit pénal ». Dans : Regards sur le droit, sous la direction de F.
Terré, Académie des sciences morales et politiques. Revue Dalloz 2010 p. 184.
de l’infraction. Réciproquement, les criminologues se référent le plus souvent
aux catalogues d’infractions telles que définies par le droit pénal.
1. Criminologie et criminalistique
(Entendue comme discipline, elle a été crée par le criminaliste Hans Gross au
19e siècle. Ce dernier a été juge d’instruction et magistrat. En 1889 H. Gross a
créé les archives d’anthropologie criminelle et de criminalistique.)
Criminalistique Relations avec la criminologie
La criminalistique ne fait pas partie de
la criminologie car elle a un but
exclusivement probatoire ; on la
considère plutôt comme une discipline
annexe de la procédure pénale.
Toutefois, on estime que les rapports
entre criminologie et criminalistique
peuvent être utiles : la criminalistique
peut puiser dans la criminologie des
données qui l'aideront à
perfectionner les méthodes
d'identification et de recherche.
Réciproquement, la criminologie peut
demander à la criminalistique de lui
fournir des données pour l'étude
descriptive du crime et des criminels.
2. Criminologie et sociologie pénale / sociologie criminelle20
20
Voir. R. Gassin, Criminologie, op. cit., p. 36 ; J. Faget, Sociologie de la délinquance et de la justice pénale,
Erès, 2002. P. 19. La distinction est encore plus difficile entre la criminologie et la sociologie criminelle. Si la
criminologie étudie toutes les caractéristiques, les raisons et les causes du phénomène criminel, la sociologie
criminelle étudie seulement les processus sociaux produisant la délinquance : le milieu social, l’environnement
économique et socioculturel, l’urbanisation, l’immigration… Elle tend à établir les liens entre ces circonstances
et la délinquance et à préciser le chemin de son évolution
poursuivants ? comment fonctionne la pénale est l’étude de la réaction sociale
police ? En sociologie pénale, le crime face au crime et au criminel.
est traité comme un phénomène social. Quant aux méthodes, la criminologie
Elle n’a pas pour objet d’expliquer est une science qui va au-delà de
l’action criminelle, elle est une science l’observation, elle tend à trouver les
des effets du crime. moyens pour assurer un changement
social. Elle utilise différentes
méthodes que lui offrent aussi bien la
psychologie, la biologie et la
sociologie tandis que la sociologie
n’utilise que les méthodes puisées
dans la sociologie en général.
Quoiqu’il en soit, la distinction entre
la sociologie pénale et la criminologie
n’empêche pas une relation étroite en
ce que les criminologues ont tout
intérêt à exploiter les recherches des
sociologues afin de comprendre et
mieux apprécier le comportement
criminel. Réciproquement, les
sociologues n’ignorent pas
l’importance de la criminologie
‘sociologique’ lors de l’étude de la
sociologie du droit pénal de fond et de
forme.
3. Criminologie et pénologie21
21
Jean Larguier. Criminologie et science pénitentiaire. 1979. P.4. Dalloz, Mémento, 2e éd. Aujourd’hui, il existe
un grand rapport entre la criminologie et la science pénitentiaire ou pénologie surtout avec les dernières
évolutions en matière d’exécution des peines dans les législations occidentales. Voir dans ce sens, T. Ferrin La
criminologie ou la nouvelle science pénitentiaire, Théorie et pratique de la criminologie appliquée, éd. FYPE,
collection action et recherche, 2020, p.34.
théorie et pratique de la criminologie appliquée, FYP éditions, collection Action
et Recherche, 2020, p 19. )
4. Criminologie et victimologie22
24
Catherine Menhabé, Criminologie, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 2019, n 155 et s.
selon les pays. Par exemple, au Maroc, les statistiques criminelles sont
insuffisantes et généralement ne sont pas publiées. Dans les pays qui
connaissent de véritables statistiques criminelles, comme en France, on
distingue :
*Stat. policières : rendent compte de la criminalité apparente càd du
nombre d’infractions portées à la connaissance de la police, à savoir les
infractions constatées et les infractions dénoncées. Les statistiques
policières ne sont pas traitées par tous les pays, mais bon nombre
communiquent leurs données à Interpol.
*Stat. Judiciaires : elles rendent compte de la criminalité légale. Elle ne
concerne que le niveau judiciaire. Il s’agit du nombre des affaires dont
les instances judiciaires ont eu à connaître et sur lesquelles diverses
décisions ont été prises. Ex. classements sans suite (M.P) ; acquittement
ou relaxe (jgmt).
*Stat. Pénitentiaires : N’existent pas dans tous les pays. Par exemple en
France, c’est le Rapport annuel au ministre de la justice qui informe sur
les aspects quantitatifs, qualitatifs et évolutifs des effectifs des
populations confiées aux établissements pénitentiaires.
Intérêt des statiques criminelles. Elles permettent de rendre compte du niveau
de la criminalité dans un pays, ses causes, ses manifestations ainsi que ses
fréquences selon les périodes et les régions. Cela dans le but d’en tirer les
conclusions nécessaires à la prévention. Les statiques criminelles permettent
également de prévoir la politique criminelle susceptible d’endiguer le
phénomène criminel.
Critique des statiques criminelles. Les différents documents publiés présentent
de nombreuses imperfections :
1. La technique statistique ne peut pas prétendre mesurer
correctement la criminalité parce que les statistiques criminelles ne
mesurent pas la criminalité réelle, càd la somme des infractions
effectivement commises. Par exemple, pour les statistiques policières,
même si elles se rapprochent de la réalité criminelle, elles en restent
encore fort éloignées. Elles restent séparées par le chiffre noir de la
criminalité qui est la différence entre la criminalité réelle et la
criminalité apparente.25
Ce chiffre noir est évidemment peu précis et lui-même est variable selon la
nature des infractions (les violences à l’encontre des fonctionnaires sont
généralement plus connues que les violences sexuelles ou conjugales ainsi que
les infractions au code de la route). Le chiffre noir varie également selon les
délinquants (par exemple les infractions commises par les mineurs sont presque
jamais connues faute de plainte, de même les délinquants professionnels qui sont
plus adroits).
2. les statistisques sont également très limitées et peu précises d’abord
dans le temps, par exemple, elles portent sur une année et la
condamnation peut concerner une infraction commise antérieurement.
De même il faut tenir compte des abrogations, sinon, on pourrait croire à
une diminution ou à une augmentation de la délinquance. Elles sont
limitées également dans l’espace et quant aux faits puisqu’elles portent
sur un pays et ne concernent souvent que les condamnations. En
négligeant les classements sans suite et les acquittements.
Si les statistiques criminelles ne sont pas suffisantes, notamment
pour approcher la criminalité réelle, la criminologie a mis au point
diverses techniques nouvelles destinés à y remédier. Elles visent
essentiellement à approcher le chiffre noir comme c’est le cas des
enquêtes d’autoconfession et de victimation. D’autres techniques
existent comme les sondages sur le sentiment d’insécurité, mais ces
25
Les techniques d’approche du chiffre noir sont en majorité en anglais ; elle consiste à s’adresser soit aux
délinquants soit aux victimes. Sur les différentes approches, voir, R . Gassin Sylvie Cimamonti Ph Bonfils,
Criminologie, 7 ed Dalloz,2011, p. 150 et s.
derniers présentent l’inconvénient d’être subjectif et ne permet pas
une approche objective du niveau et de l’évolution de la criminalité.
B. Les procédés contemporains : Enquêtes d’autoconfession et de
victimation
Enquêtes d’autoconfession :
Elles sont utilisées depuis les années 60. Elles consistent à interroger un
groupe de personnes sur leur délinquance cachée, càd leur demander si
elles ont commis des infractions. Elles reposent donc sur des aveux des
délinquants et l’on constate que leur objectif est d’approcher le chiffre
noir de la délinquance. Elles ont l’avantage de mesurer correctement la
délinquance cachée et permet une meilleure connaissance du phénomène
criminel. L’inconvénient est le doute dans la véracité des propos des
délinquants, de même que cette technique est inconcevable à l’égard des
criminels en col blanc (criminalité d’affaire).
Enquêtes de victimation :
Depuis les années 70 les criminologues ont suivi une 2e orientation et se
sont intéressés à la victime26. On interroge un échantillon représentatif de
la population et on leur demande quelles sont les infractions dont elles
ont été victimes. Cette technique repose sur des témoignages. Le but est
d’aller au-delà des statistiques criminelles afin de pouvoir percer le
chiffre noir. Elles ont plusieurs avantages 27.
Mais, cela ne veut pas dire que les criminologues dans cette approche ne
recourent pas à la quantification lorsque cela est possible, comme les
statistiques et les enquêtes d’auto-confession et de victimation.
28
80 % des criminologues québécois, par exemple, travaillent dans le secteur « clinique » (évaluation et
traitement). Les activités cliniques s'exercent dans les milieux suivants: prisons (adultes), centres d'accueil
(mineurs), probation et travaux communautaires, maisons de transition et libération conditionnelle, centres pour
les toxicomanes judiciarisés, centres d'aide pour les victimes d'actes criminels... Comme le souligne l'auteur du
livre Jean PROULX, Profession / Criminologue, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 2006, 71
pages, livre présenté par André Normandeau, RSC 2007 p. 220
concernées. A ce titre ces examens participent utilement à la construction
d’une donnée ciminologique.
29
S. Roché, La délinquance des jeunes. Les 13-19 ans racontent leurs délits, éd. Seuil, 2001, 300p.
explicative ou prédictive ; Approche transversale ou longitudinale ; approche
analytique ou systémique.
Situation :
Le point de départ du déroulement du passage à l’acte réside dans
une situation dans laquelle une personnalité se trouve impliquée. Le
complexe situation/personnalité constitue la base même du passage à
l’acte. Olof Kinberg a mis en lumière les situations précriminelles, càd
les situations dans lesquelles les sujets se sont trouvés afin de découvrir
les stimuli qui ont agi sur eux.
Le complexe situation/ personnalité peut être envisagé de façon objective
ou subjective. Il y a tout d’abord une réalité objective (la mise à
disposition d’une opportunité pour un acte criminel notait Sutherland. Ex
: présence d’une arme et attitude de la victime). Cette réalité objective
est vécue subjectivement par l’intéressé. Une appréciation personnelle
du sujet est importante. Le fait qu’il y ait une arme n’entraîne pas
nécessairement le meurtre, il faut que la situation soit vécue d’une
certaine façon par le criminel.
Acte.
L’acte criminel, issu d’une situation spécifique (c'est-à-dire une situation
dangereuse selon laquelle l’occasion de commettre l’acte criminel n’a
pas à être recherchée), est la réponse d’une personnalité à cette
situation. L’acte est issu d’une tension psychologique engendré par la
situation spécifique dans laquelle le sujet se trouve impliqué. Cette
tension provoque soit une rupture de son équilibre psychique, soit des
mécanismes régulateurs qui tendent à le rétablir. Au cas où ce
rétablissement n’a pas lieu, il y a échec de la résolution de la tension
psychologique. Cet échec détermine une frustration qui, à son tour, peut
engendrer des adaptations réussies (acte criminel) ou manquées (pas de
passage à l’acte).
On entend par facteur, tout élément objectif qui entre dans la causalité d’un
phénomène (la guerre est un facteur de criminalité). Le facteur se distingue
ainsi de la cause étant entendu que la cause produit l’effet et est
invariablement suivi par les faits. La cause absorbe toute la causalité du
phénomène alors que le facteur n’est qu’un élément qui influence le résultat.
Le facteur doit aussi être distingué de la condition ou conditions qui provoquent
seulement des occasions ou des stimuli supplémentaires. Les conditions
permettent de mettre en lumière un élément de chance, un hasard.
En criminologie, on peut parmi les facteurs criminogènes, individualiser ceux
qui agissent comme causes (fait ou plusieurs faits sans lesquels le résultat ne
peut pas être produit : nécessité d’une expertise et d’une recherche pour y
arriver), et ceux qui agissent comme conditions qui peuvent avoir leur
importance en criminologie étiologique.
Ainsi, à l’intérieur même de la catégorie facteur, plusieurs subdivisions existent,
on a vu facteur cause ou facteur condition ; il y a également facteurs
criminogène et facteurs de résistance ; facteurs déterminants et facteurs
secondaire ; facteurs prédisposant et facteurs déclenchant.
Le facteur doit être distingué du mobile ou de la motivation. Le mobile est une
impulsion subjective qui pousse un individu à agir (ex : haine, jalousie). Or le
facteur est objectif et antérieur au mobile. Cela ne veut pas dire que le mobile
n’a pas son importance en criminologie. Au contraire, le mobile ou la motivation
est très importante dans l’explication du comportement du délinquant, à la
différence d’ailleurs du droit pénal qui ne le prend pas en compte.
Il résulte de ces distinctions que le facteur dit criminogène est tout élément
objectif qui intervient dans la production du phénomène criminel. Cependant, il
ne doit pas être confondu avec l’indice qui est un symptôme permettant un
diagnostic criminologique. Il a une portée clinique, mais pas nécessairement une
valeur étiologique (Ex : la fièvre est un indice, un symptôme, mais qui n’a pas
de valeur étiologique.)
Ce sont ainsi les concepts utilisés dans l’analyse du phénomène, mais d’autres
concepts apparaissent au stade de la synthèse. La criminologie contemporaine
procède à la reconstitution des facteurs ou des causes en recourant à plusieurs
sortes de concepts : « la constellation de facteur » : elle exprime l’idée de
l’action d’une multiplicité de facteurs (on parle aussi d’association de facteurs).
Les recherches étiologiques ont montré qu’il n’y a pas de facteur criminogène
unique, mais qu’il y a une multiplicité de facteurs. Le terme fait référence à une
juxtaposition de facteurs et ne recouvre pas l’idée d’une interaction entre eux, si
bien que la criminologie contemporaine a tendance à utiliser des notions plus
complexes comme celles de structure (l’idée d’interaction est plus apparente) ou
de champ (emprunté à la physique pour expliquer les mécanismes dynamiques
qui sont à l’origine des comportements individuels et des conduites de groupe).
Ce dernier terme a une importance en criminologie « dynamique ». de même
que le concept de « processus » qui évoque l’idée de temps. Un processus, c’est
une succession d’événements qui se conditionnent successivement les uns les
autres à partir d’un événement initial ou d’une série d’événements initiaux
jusqu’à un résultat qui est l’acte que l’on veut expliquer. On parle de processus
du passage à l’acte délictueux.
Partie II. HISTOIRE DE LA CRIMINOLOGIE
L’histoire a retenu que les fondateurs de la criminologie ont été trois savants
italiens :
- Cesare LOMBROSO (1835-1909), médecin militaire, dont l'ouvrage "l'Uomo
delinquente", paru en 1876 sous le titre "L'homme criminel", constituerait, en
quelque sorte, l'acte de naissance de la criminologie
- Enrico FERRI (1856-1929), professeur de droit et sociologue, auteur d'un livre
intitulé "Sociologie criminelle", paru en 1881 sous le titre "Les nouveaux
horizons du droit pénal"
- Raffaele GAROFALO (1851-1934), magistrat qui publia en 1885, un livre
intitulé "Criminologie".
Cependant, certains manuels français rapportent que la criminologie en tant
qu’étude scientifique du phénomène criminel est née en 1833-1835 avec le
français André Michel Guerry et le Belg Adoplphe Quételet, fondateurs de ce
qui fut nommée l’école cartographique30.
Ainsi des philosophes de la Grèce antique comme Socrate, Platon, Aristote ont
eu le mérite de privilégier la pensée humaine, notamment la pensée
criminologique. PLATON est le premier savant a situé le crime dans une
32
Très fréquemment, les manuels de criminologie font commencer l'histoire de cette discipline avec
LOMBROSO. Si le projecteur est mis ainsi sur cet auteur, c'est essentiellement parce que le moment auquel
LOMBROSO publie son livre "L'homme criminel" (1876) correspond à un temps fort de l'institutionnalisation
de la criminologie : les hommes qui en font ou qui en parlent agissent dans un cadre universitaire en pleine
expansion ; ils créent des revues exclusivement consacrées aux questions de criminologie (par exemple, les
Archives d'anthropologie criminelle), ils organisent des rencontres internationales (par exemple, les Congrès
internationaux d'anthropologie criminelle). Mais les matériaux scientifiques avec lesquels ces hommes de la fin
du XIXè siècle pensent et étudient le crime ont déjà une histoire longue, nourrie depuis la fin du siècle précédent
aux sources de la médecine et, en particulier, l'anatomie pathologique, la médecine légale, l'hygiène publique et
l'aliénisme (ancêtre de la psychiatrie).
33
J. Pinatel, Histoire des sciences de l’homme et de la criminologie, éd. L’Harmattan, Traité de sciences
criminelles, 2001, p17 et s.
perspective morale. Il a conçu la morale comme le fondement des lois,
comme une partie de la vie sociale : elle est le juste et son contraire
engendre le crime.
Pour Platon, la notion du juste et de l’injuste doit être admise dans tous les
esprits suffisamment entraînés par l’instruction et l’éducation. Mais cet
entraînement peut échouer à cause d’une éducation défectueuse ou d’une
maladie de l’âme. L’homme incapable de s’adapter à cet entraînement ne
serait pas normal. Le crime doit dans ce cas être considéré comme une
maladie et le criminel comme un malade. Contrairement à Planton,
ARISTOTE considère que le criminel n’est pas un malade, c’est un homme qui
a l’intelligence et la volonté, dont l’acte est engendré par des désirs et des
appétits.
Il faut noter que l’intérêt pour les sciences ne devient plus remarquable qu’au
XVe et XVIe siècle avec la renaissance : la philosophie, les études religieuses,
la chirurgie, la médecine, la politique, la sociologie etc, même si les mythes
anciens demeurent (magie, astrologie, sorcellerie). Pour ce qui est de la
criminologie, elle est essentiellement intéressée par Thomas MORES, (né à
Londres en 1478). Dans « L’Utopie » (paru en latin en 1516, il décrit la
situation criminelle de l’Angleterre à cette époque et constate la croissance
de la criminalité malgré la sévérité des sanctions. Il en conclut qu’il convient
de rechercher les causes du crime avant de proposer des sanctions. Il explique
que le phénomène criminel est dû essentiellement à la situation désastreuse
des gens : pauvreté, injustice, chômage etc.
C’est ainsi que le XVIIe siècle voit la pensée moderne émerger. Nous pouvons
signaler les travaux de l’italien DELLA PORTA (1586) qui relie la criminalité
à des caractéristiques individuelles qui dévoilent des malformations
physiques du visage (nef, yeux, front.). Plusieurs philosophes naturalistes ont
appuyé ses constatations (Darwin, De la chambre, Guel) en considérant le crime
comme une maladie ou une malformation du cerveau.
Il a fallu attendre le XVIIIe et le XIX e siècle pour le développement des
sciences de l’homme notamment de la criminologie. C’est ainsi que la fin du 18 e
est marquée par la révolution française qui fut suivie avec enthousiasme par les
idéologues. Pour la criminologie, le 18 e siècle est avant tout celui où la
philosophie des lumières dénonça la torture, lutta contre les châtiments
corporels, contre l’arbitraire, contre l’injustice et l’inégalité de la
répression (Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Beccaria). Beccaria et Voltaire
ont remarqué que le vol est une infraction de pauvreté et Bentham écrit que
pour lutter contre le crime, l’Etat doit garantir les moyens de subsistance aux
personnes démunis et leur permettre une vie loyale au sein de la société.
34
infra, p.
1914) magistrat, qui synthétisa les deux apports précédents dans une perspective
pratique (« La criminologie », 1885).
Donnons un bref aperçu des œuvres de ces trois auteurs qui seront
approfondies plus loin.
A. L’apport de Lombroso
Lombroso et sa théorie de l’homme criminel (criminel né selon l’expression de
Ferri) considère que le criminel présente des stigmates de criminalité qui
permettent de le reconnaître et le vouent au crime.
Lombroso tentait essentiellement de dégager un type morphologique de
l’homme criminel et de l’expliquer par le déterminisme individuel niant ainsi le
libre arbitre. Il a eu des précurseurs en anthropologie comme F.J. GALL (1758-
1828). Ce dernier donne une explication au crime en étudiant l’anatomie du
cerveau et plus particulièrement le problème des localisations cérébrales. Quant
à Lombroso, sa conception anthropoogiste reposait sur l’hypothèse qu’il existait
un type d’homme criminel individualisé par un type d’homme particulier,
stigmatisé, étant une survivance dans la société évoluée du sauvage primitif.
Elle devait donner lieu à la théorie du criminel né35.
B. L’apport de Ferri
Une question fondamentale se situe dans son travail. C’est de savoir pourquoi
parmi un nombre d’individus soumis aux mêmes conditions exogènes, sociales,
ces individus et non tels autres deviennent délinquants ou criminels ? Ferri est
le premier à soutenir que le délit est un fait complexe et qu’il a des origines
multiples tant biologiques, géographiques et sociologiques. Cela l’amène à
l’observation que l’infraction n’a pas une cause unique. Il n’y a pas un facteur
du crime, mais plusieurs. Ferri les classe en plusieurs parties :
- facteurs anthropologiques
- facteurs physiques
- facteurs sociaux
La 2e idée fondamentale de Ferri est que ces facteurs, si on les retrouve chez
chaque délinquant, se combinent de manière différente selon les cas. Tantôt
vont prédominer les facteurs sociaux, tantôt vont prédominer les facteurs
biologiques. Cette constatation débouche sur une classification des délinquants
(criminels nés, criminels d’habitude, criminels d’occasion, criminels de passion,
criminels aliénés).
C. L’apport de Garofalo
Il tente de donner une définition au crime, différente de la définition juridique.
Pour Garofalo, le crime consiste dans une action nuisible, qui viole le
sentiment le plus élémentaire de pitié (délit contre les personnes) ou de
35
l’école lombrosienne a eu certes beaucoup de mérites, mais plusieurs critiques lui ont été adressées. V., S.
ABDELKRIM MAHMOUD, A. ABDELKADER KAHWAJI, Les principes de criminologie et de pénologie, p.
51 et s. ;
probité (délit contre la propriété), le criminel ne pourra être qu’un homme
chez qui il y a absence, éclipse de l’un ou de l’autre de ces sentiments. Ce qui
l’importe, c’est d’analyser les sentiments provoqués dans la société par ces
crimes.
Garofalo distingue les crimes naturels des crimes conventionnels36. Il donne au
terme « naturel » la signification de ce qui n'est pas "conventionnel", c'est à- dire
de ce qui existe dans une société humaine indépendamment des circonstances et
des exigences d'une époque donnée ou de la volonté du législateur. Le délit
naturel ou le vrai délit procède des sentiments altruistes, il se distingue du délit
juridique, création conventionnelle d’un ordre politique forcément relatif et
précaire.
Au sens étymologique, l’étiologie (du grec aitia, cause et logos, science) est
l’étude des causes. En criminologie, l’étiologie criminelgarole signifie l’étude
des causes du crime, ou l’étude des facteurs qui interviennent dans le processus
criminel.
36
Il
a adopté la notion de sentiments moraux élémentaires qui pourraient aller jusqu’à entrainer la formation d’une
charte comme celle des droits de l’homme et du citoyen (le jusnaturalisme). Voir T. Ferri, Criminologie ou
science pénitentiaire, op. cit., p. 76
Entre les 2 Guerres mondiales commence la période de l’étiologie criminelle qui
se traduit par un foisonnement de théories criminologiques. Elles se situent dans
la perspective étiologique traditionnelle qui entend découvrir les causes de la
délinquance.
a. Théories bio-psychologiques
Les théories qui relèvent de cette orientation sont assez nombreuses : théorie de
l'inadaptation biologique du suédois Olaf Kinberg (1959), théorie de la
constitution délinquantielle ou prédisposition délinquantielle de l'italien Bénigno
Di Tullio (1951), ou encore théorie du passage à l'acte du psychiatre belge
Etienne De Greef (1937) ou théorie de la personnalité criminelle du français
Jean Pinatel (1960).
Ces théories, qui seront présentées plus loin dans le cours ont toutes en
commun d'étudier et d'expliquer la délinquance à partir de la
personnalité du délinquant.
b. Théories psycho-sociales
A partir des années 60 une autre orientation s’est affirmée. C’est la criminologie
de l’action sociale centrée sur l’administration de la justice pénale. Théories
selon lesquelles c’est la loi ou les institutions judiciaires qui, en créant la notion
du crime et stigmatisant le criminel, fait que tel acte est crime et telle personne
est criminel. Le crime n’existe pas en soi : c’est le groupe social qui crée la
déviance en édictant des règles constitutives. Ainsi, les excès de vitesse ne
sont des infractions que parce que la loi a jugé bon de limiter la vitesse ; de
même pour les législations sur l’usage de stupéfiants, il n y aura plus d’usage
illicite de drogue en le légalisant.
Pour les tenants de cette approche, une personne ne devient déviante que dans la
mesure où elle est étiquetée comme telle par des mécanismes policiers et
judiciaires qui jouent souvent au détriment des classes défavorisées
(stéréotypes) et conduisent au rejet du sujet ainsi repéré (stigmatisation).
J. Bentham, « Théories des peines légales », dans : Œuvres de J. Bentham, jurisconsulte anglais, Bruxelles : E.
37
38
Atavisme : une hérédité à rebours. Une transmission des caractères les plus anciens et, par conséquent, peu
sujets aux variations, donc peu réactifs au milieu. Là où la théorie de l'atavisme voit un retour en arrière dans
l'évolution de l'espèce humaine, la théorie de la dégénérescence voit un arrêt de cette évolution. Il reste toutefois
un élément commun entre ces deux théories : le déterminisme. Déterminisme biologique pour la théorie de
Lombroso, déterminisme qui fait place au milieu social pour ses détracteurs.
4. La négligence du milieu social puisque Lombroso a étudié le criminel comme
étant un être atavique et anormal biologiquement alors que les sociologues
comme E. Durkeim partait de l’étude du crime comme étant un phénomène
social normal.
Nous verrons ici la théorie de De Greef et de Pinatel. Leurs théories font partie
de la criminologie contemporaine puisque la question fondamentale en
criminologie est passé du pourquoi devient-on criminel à celle du comment
devient-on criminel. La question qui se pose est la suivante : par quelles étapes
psycho-criminologiques le criminel passe avant de passer à l’acte ? On met
l’accent sur la personnalité au moment de l’acte et sur la situation précriminelle
( càd : pers. du criminel juste avant la commission de l’infraction). On met
l’accent sur le rôle de la victime également. La criminologie est alors passée
dans les années 50 de la criminologie statique à la criminologie dynamique. La
criminologie contemporaine est partie de cette constatation que le comportement
délinquant comme toute conduite humaine se développe, possède une histoire.
Dès lors l’étude de durée y fut introduite. Le premier en criminologie qui en a
pris conscience est de de Greeff.
Section I. Les théories psycho-sociales
Parag. 1. Théorie de l’analyse psychologique de Freud
Pour comprendre les théories psychologiques et l’explication qu’elles ont donné
au comportement criminel, il faut s’intéresser à la théorie de Sigmund Freud
(….).
Freud considère que la personnalité est une organisation dynamique en ce sens
qu’elle résulte de la lutte de 3 instances : Le ça : représenté par les forces
irrationnelles et inconscientes (le mal dans la personnalité), le Moi : qui exprime
les forces dérivées de l’apprentissage (le côté rationnel de la personnalité), le
Surmoi : qui rend compte des forces d’ordre autopunitif et expiatoire (le côté
idéal de la personnalité où se trouvent les principes et valeurs culturels et
religieux). Le Moi est constamment tiraillé entre le ça et le surmoi.
Freud estime que le comportement humain est fondé sur la relation entre les
trois instances. Si le ça est fortement présent c’est à dire si les désirs et les forces
irrationnelles prennent le dessus et le moi n’arrive pas à les maîtriser par le
surmoi, la personne sera faible et peut commettre des infractions. Cependant, si
le surmoi est plus fort, la personne saura raisonner et aura un comportement
correct.
Les grandes théories étiologiques du crime, basées sur des facteurs sociaux, se
sont développées à la fin du 19ème siècle / début du 20ème.
Précision : pour que la théorie soit de type sociologique, il faudra adopter le
crime du point de vue de la société, et considérer, non plus le criminel comme
un être anormal, mais le crime comme fait social normal, susceptible
d’investigations scientifiques. Les théories que nous allons voir n’étudient pas
toutes, à l’image de E. Durkeim le crime comme un phénomène social, mais
elles partent également de l’étude du criminel comme étant influencé par le
milieu social. On regroupe les deux types de théories (sociologique et du milieu
social) dans une seule catégorie.
La 2e idée fondamentale de Ferri est que ces facteurs, si on les retrouve chez
chaque délinquant, se combinent de manière différente selon les cas. Tantôt
vont prédominer les facteurs sociaux, tantôt vont prédominer les facteurs
biologiques. Cette constatation débouche sur une classification des
délinquants.
Ferri fait une typologie des délinquants qu’il classe en cinq catégories : deux
chez qui prédominent les facteurs anthropologiques, trois chez qui l’emportent
les facteurs du milieu social.
Les premiers sont les criminels nés et les criminels aliénés, les seconds sont les
criminels d’habitude, d’occasion et passionnels.
- les criminels-nés
Ce sont ceux qui présentent les caractéristiques du type criminel de Lombroso,
mais c'est à Ferri que revient la paternité du terme de "criminel-né". Toutefois, à
la différence de Lombroso, Ferri pense que le criminel-né n'est pas
totalement voué au crime : on peut en effet prévenir l'acte criminel par une
meilleure prise en charge sociale du criminel.
- les criminels aliénés
Les criminels aliénés agissent en raison d’une anomalie mentale très grave.
Mais ici encore, Ferri expose que le contexte social dans lequel évolue
l’individu n’est pas indifférent à sa délinquance, ce qui expliquerait que
parmi tous les individus atteints de la même affection mentale, tous ne
deviennent pas criminels.
- les criminels d'habitude
Ce sont les récidivistes endurcis, ancrés dans la criminalité chronique sous
l'influence de facteurs sociaux. Il y a, parmi eux, des criminels d'envergure,
véritables professionnels du crime comme aussi des inadaptés sociaux,
spécialisés dans les petits délits. Le crime s'explique par la combinaison de
facteurs sociaux (par l'existence d'un milieu social défavorable) et de facteurs
anthropologiques (par l'existence d'une constitution psychique fragile).
- les criminels d'occasion
Ils sont les jouets de circonstances fortuites, en raison d'une certaine
insensibilité morale et d'une certaine légèreté dans le comportement. Pour
Ferri, ils représentent la part la plus importante des délinquants et leur acte
s'explique, là encore, par la conjugaison d'un milieu social défavorable et
d'une personnalité qui, du fait de sa constitution biologique, reste très fragile.
Di Tullio (1896-1979) utilise également ce terme et ils sont les criminels qui
cèdent à des facteurs stimulnts extérieurs criminogènes. il sous distinguent
l’accasionnel qui ne commet d’infraction que dans des situations extrordinaires
(légitime défense pr ex) , celui devenu criminel en raison d’habitudes ou de
circonstances défavorables ; celui agissant ds un état émotif et passionnel, un
déséquilibré.
- les criminels passionnels
Ce sont des sanguins, des nerveux, des sensibles. Emportés par une passion
violente : amour, colère, jalousie. Ils agissent au grand jour, sans préméditation,
sans réflexion, sans préparation. Ils sont violemment émus avant, pendant et
après le crime. Ils avouent immédiatement, éprouvent de grands remords,
tentent de se suicider.
Chapitre I. Théories Biopsychologiques
Section I. Théorie classique. Théorie de Lombroso
Cesare LOMBROSO (1835-1909) est italien et né à Vérone. Ses études médicales le
conduisent à se spécialiser en psychiatrie. En 1859, il publie sa thèse de doctorat en
médecine sur le crétinisme (stupidité, idiotie) et s'engage comme médecin militaire au cours
de la même année.
Au cours de son activité professionnelle, il examine 383 crânes de criminels italiens en les
comparant à 5907 délinquants vivants. C'est à partir de cette observation que Lombroso va
dégager sa théorie de l'homme criminel. Très influencé par Darwin et la théorie de
l’évolution qui postulait une continuité essentielle entre les animaux et l'homme, Lombroso
a invoqué l’existence d’une anomalie héréditaire (atavique) chez le criminel. L’idée
fondamentale de Lombroso est qu’il existerait un type criminel dont les traits
caractéristiques seraient bien définis et qui s’expliquerait par une anomalie atavique selon
laquelle le criminel se conduirait comme le faisait l’homme à un stade ancien de son
évolution. Lombroso attribuait également la formation de ce type criminel à une autre
anomalie, cette fois pathologique qui faisait rapprocher la délinquance de l’épilepsie.
Dans son ouvrage "L'homme criminel" (paru en 1876), Lombroso décrit les stigmates
physiques du criminel. Ainsi, par exemple, l'homme enclin au viol serait caractérisé par la
longueur des oreilles, l'écrasement du crâne, les yeux obliques et très rapprochés, le nez
épaté, la longueur excessive du menton. Le voleur, pour sa part, se distinguerait par une
remarquable mobilité du visage et des mains, par ses yeux petits, inquiets et toujours en
mouvement, par ses sourcils épais et tombants, par son nez épaté, sa barbe rare, son front
bas et fuyant. Le meurtrier, enfin, se révèlerait par l'étroitesse du crâne, la longueur des
maxillaires et des pommettes saillantes .
Aux yeux de Lombroso, le crime est héréditaire (le criminel est né criminel). Il est voué au
crime car son état de régression, non seulement biologique mais aussi psychique par rapport
à l'homme "normal" et le rend inapte à obéir aux lois pénales faites par et pour des hommes
différents de lui. Ainsi, dans sa conception, on trouve la croyance rassurante en une
différence irréductible de nature séparant les criminels du reste de l'humanité.
Les traits caractéristiques décrits par Lombroso au départ de son observation étaient
uniquement des stigmates anatomiques, physiologiques et fonctionnels. Critiqué par ses
propres étudiants comme Ferri, Lombroso a légèrement modifié ses conclusions en ce qu’il a
attribué au type criminel des traits psychologiques. Le trait psychologique essentiel est
l’insensibilité psychique qui entraine une absence de remords et de scrupules ainsi qu’une
violence et une imprévoyance attestant que le délinquant est un fou moral et atteint d’une
lésion éthique.
Afin d’éviter les critiques adressées à Lombroso, d’autres criminologues ont suivi le chemin
de l’atavisme et du déterminisme biologique, mais en accordant une importance également
à la psychologie ou à la personnalité du criminel. De nombreuses théories ont été
développées. Les plus importantes sont notamment : théorie de l’inadaptation biologique du
suédois Olaf Kinberg (1959); théorie de l’agressivité de Laborit ; théorie de la constitution
délinquantielle de Bénigno Di Tullio (1951) . On peut dire quelques mots sur cette dernière.
Di Tullio, italien, professeur de psychologie à Rome estime qu’il existe deux explications au
phénomène criminel : la première trouve son origine dans l’évolution affective de la
personne en raison de circonstances internes relatives à son incapacité à accepter les valeurs
sociales en vigueur dans une société donnée. La deuxième est relative aux défauts
biologiques héréditaires ou dûs à un disfonctionnement des organes ou des hormones.. ces
deux types de facteurs contribue à créer une personnalité psychopathe incapable de
s’adapter aux valeurs sociales. Di Tullio conclut que cette personne a une prédisposition à
commettre un crime ou une constitution délinquantielle .
Nous verrons ici la théorie de De Greef et de Pinatel. Leurs théories font partie de la
criminologie contemporaine puisque la question fondamentale en criminologie est passé du
pourquoi devient-on criminel à celle du comment devient-on criminel. La question qui se
pose est la suivante : par quelles étapes psycho-criminologiques le criminel passe avant de
passer à l’acte ? On met l’accent sur la personnalité au moment de l’acte et sur la situation
précriminelle ( càd : pers. du criminel juste avant la commission de l’infraction). On met
l’accent sur le rôle de la victime également. La criminologie est alors passée dans les années
50 de la criminologie statique à la criminologie dynamique. La criminologie contemporaine
est partie de cette constatation que le comportement délinquant comme toute conduite
humaine se développe, possède une histoire. Dès lors l’étude de durée y fut introduite. Le
premier en criminologie qui en a pris conscience est de de Greeff.
Si le psychiatre E. de Greff est l’un des pionniers de la théorie du passage à l’acte criminel,
celle-ci s’appuie sur toute une conception de la personnalité du délinquant qui ressort de
l’étiologie psycho-morale telle que développée par Freud. Le savant E. De Greff part d’abord
de la constitution organique qu’il considère comme ayant un rôle important dans le
comportement criminel avant de s’intéresser à la constitution psychologique. Il s’est attaché
à l’étude de la mentalité du délinquant, de la formation de celle-ci et des traits qui la
caractérisent et la distinguent des non- délinquants. De Greef considère que le psychisme
humain est commandé par deux catégories d’instincts dont le rapport peut engendrer le
comportement criminel : 1. Les instincts de défense qui contribuent à la conservation du Moi
et s’expriment par la fuite ou l’agression ; 2. Les instincts de sympathie qui président à la
conservation de l’espèce et fonctionnent dans le signe de l’abandon de soi sans défense et
de l’acceptation totale d’autrui. L’absence de l’instinct de sympathie se caractérise par
l’indifférence affective et morale, dont l’importance est très grande en criminologie.
Dans ses premières études sur le débile mental, il a mis en lumière que la personnalité de ce
dernier se caractérise par l’inaptitude à tenir compte de la personnalité d’autrui. Il aura par
conséquent un comportement de type primitif et de ce fait tombera plus facilement qu’un
autre dans la délinquance. De Greef s’est penché également sur l’étude des récidivistes,
instables, inadaptés sociaux :(les caractériels). Il a constaté que leur psychisme était dominé
par un sentiment profond d’injustice subie, générateur d’attitudes agressives vis-à-vis
d’autrui et d’indifférence vis-à-vis de son propre sort.
Dans une perspective de criminologie dynamique. De Greef a décrit le processus
criminogène. Il s’est intéressé à la personnalité du délinquant au moment de l’acte. Pour De
Greef, il apparaît qu’il existe chez les délinquants des modes élémentaires de réaction
psychique peu nombreux et relativement simples, tel le sentiment d’injustice : un grand
nombre de délinquants commettraient leurs actes en réaction à un fort sentiment d’injustice
(un mal ou une offense jugé immérité).
Chapitre III. Les théories sociologiques criminologie sociologique : école américaine/ école
française
Section I. théorie multifactorielle de Ferri
Section II. L’école américaine de sociologie (Goring, Sellin, Sutherland)
Section I. L’école de la physique sociale ou cartographique (Quettelet, Guerri)
Section II. L’école française du milieu social (Lacassagne, Durkeim, Tarde, Van Hamel,
Manouvrier)
Les grandes théories étiologiques du crime, basées sur des facteurs sociaux, se sont
développées à la fin du 19ème siècle / début du 20ème.
Précision : pour que la théorie soit de type sociologique, il faudra adopter le crime du point
de vue de la société, et considérer, non plus le criminel comme un être anormal, mais le
crime comme fait social normal, susceptible d’investigations scientifiques. Les théories que
nous allons voir n’étudient pas toutes, à l’image de E. Durkeim le crime comme un
phénomène social, mais elles partent également de l’étude du criminel comme étant
influencé par le milieu social. On regroupe les deux types de théories (sociologique et du
milieu social) dans une seule catégorie.
La 2e idée fondamentale de Ferri : si on retrouve ces facteurs chez chaque délinquant, ils se
combinent de manière différente selon les cas. Tantôt vont prédominer les facteurs sociaux,
tantôt vont prédominer les facteurs biologiques. Cette constatation débouche sur une
classification des délinquants.
Ferri fait une typologie des délinquants qu’il classe en cinq catégories : deux chez qui
prédominent les facteurs anthropologiques, trois chez qui l’emportent les facteurs du milieu
social.
Les premiers sont les criminels nés et les criminels aliénés, les seconds sont les criminels
d’habitude, d’occasion et passionnels.
- les criminels-nés
Ce sont ceux qui présentent les caractéristiques du type criminel de Lombroso, mais c'est à
Ferri que revient la paternité du terme de "criminel-né". Toutefois, à la différence de
Lombroso, Ferri pense que le criminel-né n'est pas totalement voué au crime : on peut en
effet prévenir l'acte criminel par une meilleure prise en charge sociale du criminel.
- les criminels aliénés
Les criminels aliénés agissent en raison d’une anomalie mentale très grave. Mais ici encore,
Ferri expose que le contexte social dans lequel évolue l’individu n’est pas indifférent à sa
délinquance, ce qui expliquerait que parmi tous les individus atteints de la même affection
mentale, tous ne deviennent pas criminels.
- les criminels d'habitude
Ce sont les récidivistes endurcis, ancrés dans la criminalité chronique sous l'influence de
facteurs sociaux. Il y a, parmi eux, des criminels d'envergure, véritables professionnels du
crime comme aussi des inadaptés sociaux, spécialisés dans les petits délits. Le crime
s'explique par la combinaison de facteurs sociaux (par l'existence d'un milieu social
défavorable) et de facteurs anthropologiques (par l'existence d'une constitution psychique
fragile).
- les criminels d'occasion
Ils sont les jouets de circonstances fortuites, en raison d'une certaine insensibilité morale et
d'une certaine légèreté dans le comportement. Pour Ferri, ils représentent la part la plus
importante des délinquants et leur acte s'explique, là encore, par la conjugaison d'un milieu
social défavorable et d'une personnalité qui, du fait de sa constitution biologique, reste très
fragile. Di Tullio (1896-1979) utilise également ce terme et ils sont les criminels qui cèdent à
des facteurs stimulnts extérieurs criminogènes. il sous distinguent l’accasionnel qui ne
commet d’infraction que dans des situations extrordinaires (légitime défense pr ex) , celui
devenu criminel en raison d’habitudes ou de circonstances défavorables ; celui agissant ds
un état émotif et passionnel, un déséquilibré.
- les criminels passionnels
Ce sont des sanguins, des nerveux, des sensibles. Emportés par une passion violente :
amour, colère, jalousie. Ils agissent au grand jour, sans préméditation, sans réflexion, sans
préparation. Ils sont violemment émus avant, pendant et après le crime. Ils avouent
immédiatement, éprouvent de grands remords, tentent de se suicider.
L’œuvre de Ferri marque une étape importante dans l’histoire de la criminologie, car c’est la
première fois qu’est accréditée l’idée que la criminalité a des causes multiples. De plus, Ferri
a mis l’accent sur la nécessité de considérer la peine comme moyen de défense sociale
contre le crime et non comme le prix payé par le délinquant. Il a permis la réflexion sur la
nécessité également d’individualiser la peine selon la catégorie des délinquants et selon
leurs circonstances particulières. C’est ainsi qu’est apparue l’idée des mesures de sûretés au
côté de la traditionnelle sanction pénale en considérant cette dernière comme partiellement
inadaptée à la réinsertion sociale du délinquant.
Malgré l’importance de la théorie de Ferri, des critiques lui ont été adressées : parmi ces
critiques : l’observation que sa classification des facteurs manque de rigueur : pourquoi la
production agricole serait-elle un facteur du milieu physique alors que la production
industrielle relèverait du milieu social. De même, pourquoi faire du délinquant passionnel et
du délinquant occasionnel deux catégories distinctes ? La catégorie du criminel né a reçu
également des critiques virulentes à l’instar de la théorie du type criminel de Lombroso.
A partir des années 60, l'ébranlement de la grande tradition étiologique (la recherche des
causes de la délinquance) vint de l'irruption progressive de la notion de réaction sociale dans
le champ des préoccupations criminologiques. L'idée est que l'on devient criminel à cause de
la "réaction sociale". Le terme de réaction sociale, comme son nom l'indique d'ailleurs, peut
être défini comme l'ensemble des moyens -ici, les institutions pénales- que la société va se
donner et mettre en œuvre pour réagir, face au crime : en matière pénale, la réaction sociale
va se manifester par la poursuite et la répression du délinquant. Or, pendant longtemps, la
criminologie considérait la réaction sociale -plus précisément donc, la justice pénale- comme
à peu près hors de son champ d'étude.
Pour Becker, la déviance a une signification toute particulière : il considère que les groupes
sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la
déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme
déviants. Bref, la norme et son application créent la déviance : supprimez le code pénal et il
n'y a plus de délinquants.
Donc, de ce point de vue, la déviance n'est pas une qualité de l'auteur ou de l'acte commis
par lui, mais plutôt une conséquence de la création et de l'application, par les autres, de
normes et de sanctions à un "transgresseur".
On peut résumer la pensée de ce courant en disant que pour ses tenants, la réaction sociale
doit être prise en compte dans la genèse du comportement délinquant : le passage par la
justice pénale, par exemple, par ses impositions de rôle, constitue le délinquant comme
différent en le traitant de façon discriminatoire, ségrégative et stigmatisante. C'est ainsi que
la réaction stigmatisante - on est étiqueté comme délinquant- favorisera une prise de rôle de
délinquant durable.
L’apport de la théorie de l’étiquetage et du courant interactionniste en général est qu’il
contribue à la compréhension de la délinquance secondaire et non primaire. C’est ainsi
qu’elle permet la compréhension du phénomène de la récidive, en montrant que les
institutions répressives et les attitudes de l’entourage peuvent jouer un rôle dans la genèse
de la réitération des infractions. Mais, c’est également ce qui fait la limite de la théorie
puisque tous les stigmatisés ne récidivent pas et de ce fait, l’application des peines a dans
certains cas une valeur dissuasive.
Partie V. Les facteurs de la criminalité
La criminologie théorique est une branche de la criminologie qui a pour objet l’explication de
l’action criminelle ou l’étude des facteurs et des processus de l’action criminelle. On parle
parfois de l’étiologie criminelle (étiologie : science des causes).
L’infraction est une conduite humaine qui influence la société et se distingue des autres
conduites humaines par son caractère « criminel ». Le comportement criminel est complexe
peut être saisi en premier lieu comme un phénomène individuel comme il peut être
également appréhendé à l’échelon national comme phénomène collectif . Dans ce contexte
complexe, les facteurs criminogènes sont à rechercher aussi bien dans la société qui est
influencée par l’infraction et par l’individu dont émane cette conduite antisociale. Ainsi, les
facteurs de la criminalité peuvent être classés en deux catégories : d’une part, les facteurs
qui concernent la criminalité comme phénomène social, c’est le cas des facteurs externes au
criminel ; et d’autre part, des facteurs qui sont inhérents au criminel en tant qu’individu et
ce sont les facteurs internes au comportement criminel . Il faut remarquer que les grandes
écoles en criminologie ont longtemps mis l’accent sur tel ou tel facteur, mais la tendance
contemporaine est d’admettre la coexistence de nombreux et divers facteurs de la
criminalité. C’est pour cela qu’on parle en criminologie étiologique de la « constellation de
facteurs ».
Par souci pédagogique, nous commençons d’abord par l’étude des facteurs externes ou
environnementaux de la criminalité qui sont relatives aux conditions économiques,
géographiques, politiques, culturelles et sociales…, avant d’entamer celle des facteurs
internes qui font appel à des données biologiques, psychiatriques, psychologiques.
Les facteurs externes constituent l’ensemble des éléments extérieurs à l’individu qui
influencent la constitution de sa personnalité et oriente son comportement.
Il faut noter que les facteurs externes ou environnementaux ne sont pas identiques pour
toutes les personnes, mais diffèrent selon la relation qui unit chaque individu aux conditions
extérieurs et le degré de leur influence. De même, les facteurs externes au cours d’une
période de temps déterminé et dans un pays donné peuvent être différents. Il est difficile de
donner une explication générale du phénomène criminel identique à tous les pays et valable
pour toutes les époques. C’est ce qui fait alors la relativité des facteurs externes de la
criminalité. En effet, pour construire une théorie explicative générale, il faut utiliser les
données empruntées à des échantillons représentatifs de diverses sociétés. Ce qui est
aujourd’hui difficile en raison des recherches très limitées en criminologie internationale.
Quoiqu’il en soit, les auteurs s’accordent sur certains facteurs qui existent dans la majorité
des sociétés et qui jouent un rôle significatif dans le comportement criminel. On peut classer
ces facteurs en deux catégories : facteurs structurels et facteurs culturels.
Par facteurs structurels, il faut entendre ceux qui déterminent le cadre premier de la
criminalité qu’on étudie. On dénombre ici les facteurs géographiques, les facteurs
économiques, les facteurs démographiques, et les facteurs politiques. Les facteurs culturels
sont quant à eux, liés à l’éducation, à la famille, à la culture…
En outre, cette classification montre que les facteurs externes de la criminalité sont des
facteurs objectifs extérieurs à la personnalité du délinquant, mais il est également important
de mettre l’accent sur l’importance de la manière dont ces facteurs sont vécus et perçus par
le criminel. C’est l’aspect subjectif de ces facteurs.
§1. Facteurs structurels
Parmi les facteurs géographiques, il est commode de distinguer entre les facteurs du milieu
physique et les facteurs écologiques.
Pour répondre à cette question, une étude géographique de la criminalité a été entreprise
par Guerry et Quetelet selon lesquels il existerait une variation de la criminalité dans le
temps et dans l’espace. Ferri avait également remarqué que la criminalité peut varier selon
la température, le climat, les saisons : on parle de météorologie criminelle.
Divers travaux ultérieurs ont confirmé la vraisemblance des résultats de la loi thermique.
C’est une idée banale selon laquelle la criminalité est plus élevée dans les villes que dans les
compagnes et que la criminalité urbaine a une orientation différente de celle de la
criminalité rurale . La question qui se pose est de savoir pourquoi et comment ?
• L’explication de cette variation peut résider dans les différences de vie entre la ville et
la compagne : on oppose généralement une famille rurale unie, contrôlant étroitement ses
enfants dans un village où chacun surveille chacun, à une famille urbaine éclatée où les
enfants sont moins surveillés.
• Une autre explication de cette variation revient à la théorie des aires de délinquance
de Mc Kay et de Shaw selon laquelle il existerait des zones de détérioration matérielle et
socio morale qui constitueraient des sortes de réservoirs remplis de délinquants.
• Une dernière explication de cette variation renvoi à la densité de la population dans
les villes qui rendrait les individus plus agressifs parce qu’ils ne disposeraient pas d’espace ou
de territoire nécessaires à leur épanouissement.
Qualitativement :
L’analyse traditionnelle de la structure des criminalités urbaine et rurale comparées selon les
infractions a conduit à dessiner un modèle de la criminalité rurale liée aux conditions
particulières de la vie à la compagne : prédominance des délits sexuels, des
empoisonnements et des incendies volontaires en particulier. En schématisant, cette analyse
traditionnelle expliquait que la criminalité violente et musclée prédominerait dans les
régions rurales et la délinquance acquisitive et astucieuse prédominerait dans les villes.
Aujourd’hui, la transformation des conditions de la vie à la compagne surtout dans les pays
occidentaux rend cette opposition entre la criminalité rurale et la criminalité urbaine de plus
ou plus inexacte.
Quantitativement :
Il résulte des études criminologiques notamment en France effectuées par Lacassagne que
l’opposition ville / campagne est très importante. La criminalité urbaine est
proportionnellement plus importante que la criminalité rurale. La gravité des infractions
s’accroit avec la taille des villes. Elle est particulièrement élevée dans les grandes villes.
L’écart entre les grandes et les moyennes villes se creuse considérablement. Cependant,
Szabo qui s’est particulièrement intéressé à l’urbanisme a mis en lumière que l’influence de
l’urbanisation est toute relative sur le niveau de la délinquance. Il estime également que le
rôle criminogène du milieu urbain semble plus réduit actuellement qu’il ne l’était à la fin du
siècle dernier.
Cette relation entre l’urbanisation et la criminalité semble aujourd’hui être limitée aux pays
en voie de développement qui connaissent un écart considérable entre les villes et les
compagnes, écart lié particulièrement aux conditions économiques et sociales.
Facteurs économiques
La relation entre les conditions économiques et la criminalité suscite beaucoup de
problématiques. Les marxistes considèrent que la criminalité résulte uniquement du facteur
économique notamment lié au régime capitaliste. Cette relation entre la criminalité et le
système économique est envisagée de manière différente en criminologie contemporaine :
l’évolution profonde de l’économie des pays à système capitaliste et les progrès
considérables de la science économique ont conduit à approcher le problème par d’autre
biais : en étudiant notamment les rapports de la croissance économique et la criminalité
ainsi que ceux des crises économiques et la criminalité. L’influence des facteurs
économiques serait ainsi variable selon la constance et les fluctuations économiques.
Constance de l’évolution économique et criminalité
Il faut noter que la croissance économique engendre une criminalité spécifique, mais conduit
également à l’aggravation de la criminalité banale.
Pour évaluer la relation entre les facteurs économiques et la criminalité, il est commode de
préciser leur influence, mais sans pour autant négliger la coexistence d’autres facteurs. De
même, la relation doit être étudiée en présence de plusieurs critères notamment la nature
des infractions, le système économique, politique et social du pays.
Facteurs démographiques
L’étude des relations entre les aspects démographiques et de la violence soulève la question
de savoir s’il existe une corrélation entre les variations démographiques et les variations de
la délinquance. Deux séries d’observations résultent des études criminologiques :
1. On a fait remarquer que la période de la plus grande activité délinquance se situe entre 18
et 30 ans. Une fois que cette génération bénie est parvenue à cet âge, le nombre de
délinquants potentiels augmente. Cela résulte des travaux effectués dans les pays
occidentaux dans la période 1950-1975-1980 qui s’expliquent par l’accroissement massif du
nombre des jeunes dû au baby boom de la période après guerre. Dans le même ordre
d’idées, lorsqu’il s’est agi d’expliquer la diminution de la délinquance à une période donnée,
on a aussi fait référence au vieillissement de la population.
L’explication de type démographique est très séduisante et contient certes une part de
vérité qui n’est pas sans incidence sur l’évolution de la délinquance.
2. Le rapport entre l’immigration et l’évolution de la criminalité.
Des études étrangères, notamment provenant des Etats-Unis, ont montré qu’il y a peu de
différences dans la délinquance des immigrés définitifs et des autochtones. A l’inverse elles
ont montré qu’il y a des différences entre les immigrants temporaires et les natifs d’un pays.
En ce qui concerne la criminalité des étrangers notamment en France, il résulte des
statistiques judiciaires qu’elle est supérieure à celle de la population d’origine. Ce qui
confirme les recherches géographiques de Denis Szabo mettant en évidence un coefficient
positif et significatif de corrélation entre la délinquance et le nombre des étrangers.
Des critiques ont été adressées à ces résultats par certains auteurs qui estiment que la
criminalité des migrants n’est pas plus élevée que celle des natifs et il convient de relativiser
ces observations car l’étranger est soumis à des influences non négligeables : les immigrants
temporaires sont en majorité des hommes, des jeunes gens et des personnes
particulièrement surveillées par les services de police ce qui fait autant de raison de créer
ces différences. De plus, ils sont déracinés et dépaysés, se trouvant ainsi soumis à un conflit
de culture. Quoiqu’il en soit, il est vrai que certaines délinquances sont liées au phénomène
migratoire en général et non au nombre des étrangers dans un pays, car il offre d’une part,
des opportunités d’infractions, d’autre part, il est source de difficulté de socialisation.
Facteurs politiques
Les facteurs politiques qui influencent les variations de la criminalité sont relatifs d’une part,
à la politique intérieure et extérieure, et d’autre part, à la politique pénale et de prévention
sociale.
Guerre et criminalité
Ferri soutenait qu’en période de guerre la criminalité atteint son taux de sursaturation. Au
début des hostilités, il n y a pas immédiatement augmentation ; on constate un abaissement
du taux de la criminalité (sentiment de solidarité, l’afflux d’offres d’emploi à salaire élevé
dans l’industrie de l’armement, la mobilisation des délinquants). Plusieurs explications
peuvent être également données à cette diminution : certains soutiennent qu’il s’agit bien
d’un phénomène véritable, d’autres, au contraire, estiment que les statistiques du moment
ne reflètent pas la réalité, en raison de la désorganisation des services de police judiciaire et
des tribunaux consécutive à la mobilisation générale, laissant impoursuivi un grand nombre
d’infractions .
Peu après le début des hostilités, les statistiques montrent une hausse de la criminalité dont
le sommet se situe soit avant la fin de la guerre, soit au moment de celle-ci, soit encore dans
les mois qui suivent.
Après la fin des hostilités, il est noté une poussée criminelle rapidement surmontée si le pays
est victorieux (guerre 1914-1918), plus difficilement s’il est vaincu (guerre 1870-1871).
La guerre influence non seulement la criminalité dans son aspect quantitatif, mais également
qualitatif. Par exemple, la délinquance militaire (insoumission, abandon de poste, mutilation
volontaire) et la délinquance juvénile et féminine augmentent considérablement.
Révolution et criminalité
Les révolutions en tant que mouvements sociaux importants s’accompagnent souvent d’une
recrudescence de la criminalité en raison de la désorganisation sociale qu’ils entraînent. Les
études menées en France sur les révolutions au cours du 18 et 19 e siècle concluent à une
augmentation de la délinquance en général. Il s’agit ici de ce qui est appelé par certains
auteurs de révolutions traditionnelles en Europe au nom de la liberté et de la démocratie
qu’il convient de distinguer des révolutions contemporaine ou guerre subversive comme
procédé de conquête du pouvoir dans les pays occidentaux. Cette dernière forme de
révolution intègre divers types d’entreprise criminelles : recours au terrorisme pour éliminer
les adversaires et intimider la population, internationalisation des activités criminelles
(regroupement des organisations nationales en une organisation internationale, création des
camps d’entraînement dans différents pays). Le processus de la guerre révolutionnaire est
un des aspects les plus tragiques de notre temps.
Pour revenir aux révolutions traditionnelles telles qu’a connue l’Europe au cours du 18e et
19e siècle, les études menées concluent à une augmentation de la criminalité générale, mais
les statistiques n’enregistrent cette augmentation qu’avec un certain retard (désorganisation
des tribunaux). C’est après le succès ou l’échec de l’entreprise révolutionnaire que la courbe
atteint son maximum (règlement de compte).
La structure de la criminalité change également, les délits en augmentation concernent
d’abord les délits politiques et les délits de presse, ensuite des actes de rébellion et de
violence envers les fonctionnaires et les agents de la force publique, sans oublier également
les atteintes contre l’intégrité corporelle des personnes . La répartition des délinquants se
distingue notamment de celle constatée pendant les guerres : une augmentation de la
délinquance juvénile sans la délinquance féminine.
Facteur médiatique
Le problème des médias aussi bien traditionnels (presse, radio, télévision, cinéma) que
modernes (internet) concerne incontestablement la criminologie. Les médias sont
l’ensemble des techniques qui permet la diffusion à grande échelle d’informations,
d’opinions, de messages, etc. Il s’agit de la presse, de la littérature, du cinéma, de la radio, de
la télévision ainsi qu’internet et les téléphones portables. La question qui se pose est de
savoir s’il existe une corrélation entre ces moyens de communication et la criminalité. En
réponse à la question, Lombroso avait stigmatisé la presse notamment en écrivant : « ces
excitations morbides sont maintenant centuplées par l’accroissement prodigieux de ces
journaux vraiment criminels qui trempent leur plume dans la pourriture la plus fétide des
plaies sociales et, dans le seul objectif de gain, excitent les appétits malsains et la plus
malsaine curiosité des basses classes sociales… ».
Depuis, il existe un courant non négligeable en faveur d’imputation aux médias une part de
responsabilité dans le développement de la criminalité .
Ce courant soutient que le développement de la délinquance est allé de pair avec l’impact de
plus en plus important de ces moyens . Les médias véhiculent des messages de violence d’un
côté et des contenus érotiques voire pornographiques de l’autre. Si l’on prend l’exemple de
la télévision, elle aurait un effet directement criminogène malgré ses bienfaits pour tous les
téléspectateurs. La progression de la violence est une évidence surtout avec la multiplication
des feuilletons policiers et des émissions sur la criminalité qui contribuent à augmenter le
sentiment d’insécurité chez les citoyens et améliorer les modes d’exécution de certains
crimes. C’est l’effet de contagion qui concerne non seulement la télévision, mais également
le cinéma, la littérature, les spectacles etc. Cet effet est encore plus important chez les
jeunes en raison de la moindre résistance psychologique qui sont plus réceptifs et surtout
plus imitateurs.
Deux observations résultent des études effectuées sur la relation des médias et la
délinquance : Certains auteurs, à l’image de Lombroso, accordent aux médias une influence
sur la délinquance surtout les médias qui font une représentation et une description de la
violence ; d’autres considèrent que cette influence reste limitée et il faut une réceptivité
pour les actes montrés par ces derniers. Tout dépendra alors du récepteur : il y a une
influence lorsque le lecteur ou spectateur peut s’identifier avec l’acteur de l’action.
L’influence est d’avantage réduite lorsque l’histoire est perçue comme une fiction.
L’idée de J. Pinatel paraît répondre plus adéquatement à la question posée : les médias
forment une source de stimuli criminogènes supplémentaires qui jouent le rôle de
catalyseurs auprès de certains sujets fragiles et notamment des mineurs.
La religion et la criminalité
Les relations de la religion et de la criminalité ont été étudiées par les premiers
criminologues Tarde, Garofalo, Ferri, Lombroso et qui ont exprimé sur ce sujet des opinions
diverses reflétant moins la réalité objective que leurs conceptions personnelles. Aujourd’hui,
les données qui sont avancées ne permettent pas d’éclairer le débat. Elles portent souvent
sur des comparaisons de l’importance et de la spécificité de la criminalité suivant les
religions.
Pour répondre à la question relative à la relation entre la religion catholique et la criminalité,
certains auteurs ont considéré l’Église comme un instrument de la propagation de la morale
dans l’humanité et que le crime consiste souvent dans la violation de certaines normes
morales. Ils ajoutent que la déchristianisation et l’absence d’éducation religieuse qui en
résulte, constituent un facteur lourd de la criminalité occidentale. Il résulte des études
empiriques sur la question des positions différentes mais peu concluantes. Ces études ont
portées sur la différence des taux et des formes de criminalité entre individus de confessions
différentes ainsi que l’étude des relations entre la religion catholique et la criminalité par le
biais des relations de cette dernière avec la natalité et le divorce. Sur le premier point, cette
différence est expliquée moins par des considérations d’ordre religieux que par des
différences de statut socio-économique. Sur le second point, les relations qui peuvent exister
portent plus sur un phénomène général qui est l’affaiblissement de la famille traditionnelle.
Quoiqu’il en soit, la religion n’est pas forcément un obstacle à l’évolution de la criminalité
d’autant plus qu’elle peut être considérée comme un facteur criminogène.
L’âge et la criminalité
L’importance de la criminalité et sa nature varie selon l’âge. « L'âge est une variable centrale
pour l'analyse et la compréhension du phénomène criminel » . Cela revient à la différence de
l’effet des facteurs personnels et sociaux sur l’individu selon son âge ainsi qu’à la différence
des infractions commises selon une période de vie déterminée. Non seulement le volume,
mais la structure de la criminalité également peut varier selon l’âge. Les statistiques
criminelles montrent que le taux de la délinquance juvénile et plus important que celui de la
délinquance en fin de vie. Il est difficile de connaître l’âge du commencement de la
délinquance parce que l’on évite de saisir la justice pour des infractions commises par les
jeunes enfants, mais certaines études relèvent que les premiers signes graves de
comportement anti social apparaissent dès 10-12 si ce n’est auparavant entre 5 et 7 ans. En
effet, chaque année au Maroc, sont constatées des milliers d’infractions commises par des
enfants de moins de 13 ans.
Durant l’adolescence (13 à 18 ans), les statistiques montrent dix fois plus d’infractions
surtout chez les mineurs de 13 à 16 ans (en 2001, 21 839 jeunes de 16 à 18 ans ont été
déférés devant le juge des enfants. En 2003 le nombre a atteint 38 844 chez ceux de 15 à
16ans). En 2006, le nombre des mineurs mis en cause s’élevait à 201 662 pour un nombre
total de 1 100 395. soit un pourcentage de 21,58% .
Pour les jeunes adultes et les adultes jeunes (de 25 à 40 ans), les condamnations pour délits
ont atteint en 1990 un taux de 139 679, alors que pour les adultes de 40 à moins de 60 ans,
le nombre est de 80 417. Le nombre de condamnation le plus faible est chez les personnes
âgées de 60 ans et plus : 7920.
Des variations apparaissent également selon la structure des infractions ; à chaque âge
correspond une criminalité spécifique : la délinquance juvénile est dominée par le vol (70 à
80%) ; l’homicide a son maximum à 20-25 ans pour baisser à 30 ans. Le vol qualifié a son
maximum à 25-30 ans puis descend brutalement. Pour ce qui est des délits sexuels, ils
atteignent leur maximum à 40-45 ans. La criminalité des personnes âgées de plus de 45 ans
prend une autre forme où l’on constate le maximum de viols d’enfants.
Au plan quantitatif il faut observer que le commencement de la délinquance peut s’observer
très rapidement. A partir de 10 à 12 ans la délinquance s’accroît progressivement jusqu’à
l’âge de 30 ans. Entre 25 et 30 ans elle reste élevée et à partir de 30 ans son déclin
commence. Elle accuse une baisse massive à partir de 40 ans et à partir de 50 ans elle est
très modeste. Cette observation ne vaut que pour la délinquance ordinaire et non pour la
délinquance d’affaires qui ne se fait que très tardivement, car elle nécessite un statut social
élevé.
Au plan qualitatif, l’homicide atteint son maximum de 25 à 30 ans ; les vols leur maximum
entre 20 et 25 ans ; les délits sexuels ont leur maximum entre 40 et 45 ans. La courbe de la
délinquance astucieuse est différente : elle atteint son maximum après 30 ans et reste
relativement élevée par la suite.
Pour expliquer ces variations, les auteurs ont recours au facteur biologique et sociologique
en considérant que l’homme atteint le maximum de vitalité physique vers 25 ans, tandis que
la pleine maturité intellectuelle et morale n’est atteinte que plus tardivement. Cependant, il
est constaté une variation dans la structure de la criminalité en considération de l’évolution
sociale puisque de nouvelles formes de délinquance apparaissent (cybercriminalité, vols de
véhicules à moteur, usage de drogue…).
Le sexe et la criminalité
La relation entre le sexe et la criminalité a suscité un grand intérêt chez les criminologues
notamment à partir de la fin des années 60 avec le mouvement de libération de la femme .
Le problème essentiel était celui de la criminalité féminine. Pour appréhender la relation
entre le sexe et la criminalité, il convient de se poser la question des différences de volume
et de structure entre la criminalité masculine et la criminalité féminine .
De tous les temps et sous toutes les cultures on a observé une différence importante entre
la délinquance masculine et la délinquance féminine et ce aussi bien au plan quantitatif
qu’au plan qualitatif.
Sur le plan quantitatif, les statistiques paraissent démontrer que la femme est beaucoup
moins criminelle que l’homme. Ex : en France, en 2003, sr le total des personnes mises en
cause, 15, 22% sont des femmes ; dans les établissements pénitentiaires, il y avait au 1er
janvier 2002 3,5 % de détenues. En valeur absolue il y a 5 à 7 fois plus d’homme que de
femmes mis en cause. Le sexe masculin serait-il alors un facteur de délinquance ?
Une autre différence doit être signalée : il s’agit des variations du taux de la délinquance
féminine avec l’âge des femmes : la part de la délinquance féminine dans la criminalité
globale n’est pas la même que celle des hommes pour les mêmes tranches d’âge. De même,
la criminalité féminine augmente considérable, ment pendant la guerre et selon les pays
(Criminalité plus élevée en France, Angleterre, USA qu’en Belgique, Portugal).
Sur le plan qualitatif, les différents travaux (Guerry, Granier) effectués dans ce domaine
mettent en lumière la spécificité de la criminalité des femmes. Plusieurs observations sont
ainsi faites :
En ce qui concerne les crimes contre les personnes, l’activité féminine se caractérise par
l’empoisonnement, l’infanticide et l’avortement ;
En ce qui concerne les crimes contre les biens, le vol à l’étalage dans les grands magasins, le
recel et un degré moindre l’escroquerie sont fréquemment commis par les femmes ;
En ce qui concerne les crimes contre les mœurs, l’abandon d’enfant et la débauche des
mineures sont plus spécialement à signaler comme reliés à la criminalité féminine.
Certains auteurs ont critiqué la réalité de ces variations en considérant que la criminalité des
femmes ne serait pas moins élevée que la criminalité des hommes, mais seulement, elle
serait moins apparente. Ce fait s’expliquerait par plusieurs facteurs notamment : le caractère
astucieux habilement prémédité de la délinquance féminine qui se dissimule aisément
(plusieurs escroqueries sont commises par les femmes) ; le recours à la prostitution qui n’est
pas incriminé dans toutes les législations alors qu’elle serait comme disait Lombroso un
équivalent délinquantiel non pris en compte; le fait que la femme, tout comme étant
l’instigatrice du crime, reste dans l’ombre et échappe aux poursuites…Une formule reste
célèbre à cet égard : « la criminalité, au fur et à mesure qu’elle se civilise, se féminise ».
D’autres auteurs ont considéré ces variations comme étant réelles et tendent d’en donner
des explications. Parmi les explications de la différence quantitative et qualitative entre la
criminalité masculine et la criminalité féminine, on peut citer : Pour certains criminologues,
le facteur bio-psychique serait à l’origine de ces variations puisque la structure biologique de
la femme la détournerait de la violence, et favoriserait son adaptation aux difficultés de la
vie. La condition physique de la femme limiterait alors son activité, donc sa délinquance. On
a critiqué cette observation en considérant que toutes les infractions ne sont pas forcément
violentes et n’appellent pas par conséquent une force physique. Pour d’autres
criminologues, l’explication de la spécificité de la criminalité féminine est les variations
physiologiques qui influencent son état psychologique, comme la menstruation, la grossesse,
l’accouchement et l’allaitement. Ces variations peuvent constituer un obstacle à la
commission de l’infraction comme elles peuvent parfois engendre un type particulier
d’infractions comme l’infanticide, le vol etc.
Pour les sociologues, quant à eux, c’est la condition sociale de la femme, son rôle social qui
limiterait ainsi son activité. L’occupation de la femme par l’éducation des enfants et
l’organisation de son foyer l’expose moins à des situations conflictuelles et par conséquent à
la criminalité . Cette explication sociologique donnée notamment par Sutherland a été
critiqué par des criminologues contemporains qui considèrent que la différence du rôle
social entre les femmes et les hommes s’est atténuée avec l’émancipation de la femme
occidentale et l’égalisation des conditions sociales.
L’hérédité et la criminalité
Lmbroso et ses disciples avaient conclu à l’existence d’une disposition héréditaire à la
criminalité. Les supports de cette transmission héréditaire sont les gènes, éléments du
chromosome disposés en série linéaire sur toute la longueur de celui-ci. Il y aurait ainsi une
transmission de certains comportements délictueux d’une génération à une autre .
La théorie de l’atavisme (l’hérédité Une transmission des caractères les plus anciens et, par
conséquent, peu sujets aux variations, donc peu réactifs au milieu) de Lombroso a été
abandonnée mais des recherches contemporaines considèrent que si la délinquance n’est
pas un phénomène inné, divers facteurs ont pour conséquence de rendre le terrain plus
fragile et de rendre le sujet plus sensible aux influences criminologiques du milieu dans la
formation de sa personnalité. Ces auteurs parlent d’une « fragilité du terrain » pour marquer
que le chromosome du crime n’existe pas. La fragilité du terrain peut résulter, outre les
antécédents héréditaires, d’antécédents personnels, innés ou acquis, qui contribuent à
construire la personnalité du délinquant. Antécédents qui peuvent être antérieurs
(accidents de la conception de l’embryon), concomitants (traumatisme obstétrical) ou
postérieurs (maladie) à la naissance qui peuvent expliquer certains troubles de l’intelligence
ou même du comportement qui peuvent conduire à la délinquance. Ces antécédents ne sont
pas considérés comme des facteurs criminogènes directs, mais seulement comme des
facteurs qui contribuent à altérer l’équilibre psychologique du sujet et à fragiliser le terrain
de sorte que l’action des autres facteurs deviendra plus marquante.
Le rôle de l’hérédité en elle-même dans la criminalité est très contestable par la majorité des
auteurs. Les améliorations acquises par les études, par le sport etc, sont intransmissible aux
descendants. C’est le milieu qui exercerait son influence et cela dès l’enfance (hérédité
sociale alors sans rapport avec l’hérédité organique).
M.G. Heuyer a distingué entre deux sortes de stupéfiants : d’une part les stupéfiants qui font
du toxicomane un aliéné, parfois un meurtrier (cocaïne, haschich) ; et d’autre part les
stupéfiants qui aboutissent à l’engourdissement général, à la diminution des fonctions
intellectuelles, à l’indifférence. Certains d’entre eux (opium, morphine, héroïne) provoquent
un état de besoin conduisant le toxicomane à commettre n’importe quelle infraction pour se
procurer de la drogue.
La question de l’existence d’une relation entre la drogue et la criminalité est inévitable. Cette
relation est incontestable et cela à deux niveaux : quant au premier, la consommation et la
vente ainsi que toutes les activités qui gravitent autour de l’approvisionnement des
consommateurs (trafic de stupéfiants) constituent des comportements incriminés. De ce fait,
ils conduisent à une augmentation de la criminalité. Quant au second, la drogue est une
occasion d’une délinquance particulière liée aux moyens nécessaires pour se la procurer :
fabrication de fausses ordonnances médicales, cambriolage de pharmacie, vols pour l’achat
d’un produit qui coûte cher. Sans oublier que l’état d’hallucination ou d’excitation dont
lequel se trouve le toxicomane conduit favorise la commission d’infractions particulièrement
violentes.
Bibliographie :
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permanente ;
• Revue pénitentiaire et de droit pénal (R.P.D.P.), Paris, depuis 1876 ;
• Revue de droit pénal et de criminologie (R.D.P.C.), Bruxelles, depuis 1907 ;
• Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé (R.S.C.), Paris, depuis 1936 ;
• Droit pénal (Dr. Pen.), Paris, depuis 1989 ;
• Actualité juridique pénal (A.J. Pénal), Paris, depuis 2003.
• Archives de politique criminelle APC publiées une fois par an depuis 1975
• Déviance et société revue trimestrielle depuis 1977
• Champ pénal. Sur internet gratuitement champpenal.revues.org
• Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques (http://www.justice.gouv.fr) édités
par l’administration française pénitentiaire
• Revue d’histoire de l’enfance irrégulière (htttp://rhei/revues.org)