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Cours n°2/ Criminologie : Approche historique

Pr. Khalid ATMANI


La pensée contemporaine concernant le crime, le criminel et le châtiment de
son acte, plonge ses racines dans la préhistoire de l'humanité. Très fortement liés
aux réactions instinctuelles, l'acte criminel, comme la réaction sociale qu'il
suscite, résistent à l'examen, sans passion ni préjugé, du savant. Si le crime est
vieux comme le monde, son étude scientifique n'a cependant débuté qu'à une
époque récente.

A la fin du 19e siècle le mot criminologie fait son apparition. Or le problème


du fait délinquant est antérieur à la création de ce mot.

I- Le temps des précurseurs

§1- Dans l’antiquité :

De grands penseurs de l’antiquité ont déjà émis leurs visions sur la


problématique.

Dans l’antiquité Platon considérait le crime comme le symptôme d’une


maladie de l’âme ayant une triple source : la passion, la recherche du plaisir et
l’ignorance. Au plan de la réaction la peine est pour lui de la médecine morale et
c’est un bonheur pour le coupable de subir le châtiment car celui-ci le délivre de
la méchanceté de son âme. Or il y a des criminels qui sont incurables. Alors la
société doit les éliminer. Il faut une crainte salutaire pour ceux qui voudraient les
imiter.

Aristote voit les délinquants comme des être malfaisants qu’il faut éliminer.
Il prône des châtiments sévères. La peine est légitime par la nécessité de rétablir
l’équilibre détruit par l’infraction. Quant aux causes du crime, il croit les trouver
dans les caractères morphologiques du criminel, dans l’origine, dans les
habitudes et dans la misère.

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§2- Au Moyen-âge :
Le Moyen-Âge est imprégné de la signature de St Thomas d’Aquin. Celui-ci
voit l’origine de la plupart des crimes dans les passions humaines. Or il réserve
une place au rôle criminogène de la misère. Convaincu de devoir sauvegarder la
partie saine du corps, il préconisait donc de supprimer la partie malade du corps,
d’où son adhésion à la peine capitale.
Il faut aussi souligner l’importance de Beccaria et de Bentham qui envisagent
la criminalité comme un phénomène social et psychologique. Pour Beccaria la
délinquance est un phénomène social de la pauvreté.

II- Le temps des fondateurs


L’école positiviste est née vers la fin du 19 ème siècle en Italie, sous l’influence
de la philosophie d’Auguste Compte.
Ses fondateurs sont C. Lombroso, professeur à la faculté de médecine légale à
Turin, il a écrit « l’homme criminel » en 1876, E. Ferri, avocat et professeur de
droit pénal à Rome, il a écrit « La sociologie criminelle » en 1881, et
R.Garofalo, magistrat à Naples, son ouvrage « Criminologie », en 1885.
Dans une conception anthropologique, C. Lombroso tentait essentiellement
de dégager un type morphologique de l’homme criminel et de l’expliquer par le
déterminisme individuel. Il a eu des précurseurs phrénologistes (ex : Déporta)
qui avaient étudiés les aspects du visage, la morphologie du corps d’un côté et
les caractères moraux et sociaux de l’autre.
La conception anthropologiste de Lombroso reposait sur l’hypothèse qu’il
existait un type d’homme criminel individualisé par un type d’homme
particulier, stigmatisé, étant une survivance dans la société évoluée du sauvage
primitif. Elle devait donner lieu à la théorie du criminel né (Voir le cours n°5).
Dans une conception sociologique, Ferri a mis en évidence les facteurs
exogènes du crime (familial, social, économique et géographique) du délinquant.

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Garofalo s’est intéressé aux causes à la fois personnelles et sociologiques
(endogènes et exogènes).
N’oublions pas aussi les premiers travaux sociologiques de Quetelet (belge)
et Géri (français) au milieu du 19e siècle (1850). En effet, ces travaux ont été
rendus possibles par les publications des 1ères statistiques criminelles
françaises en 1824 ou 1825. Cette école a dressé des cartes indiquant les densités
criminelles suivant les régions. Après ces travaux toutes sortes de travaux
sociologiques ont été réalisées. Ex : sociologie nord-américaine, sociologie
marxiste et bien sûr les travaux d’E. Ferri.
Par la suite d’autres théories se développèrent dans cet axe criminologique
(Voir le cours n°5).

III- Le temps de la criminologie contemporaine


A ce stade des développements de la criminologie, les explications proposées
n’étaient pas tout à fait convaincantes. S’est imposée l’idée que l’on n’arriverait
jamais à découvrir les causes de la criminalité. Les chercheurs on pris de
nouvelles orientations. On en cite ici les deux principales (§1), avant d’envisager
les branches de la criminologie actuelle (§2)

§1- Criminologie : nouvelles orientations


1- Les apports de la psychologie criminelle :
Dans les années 50 est apparu la théorie de la Dynamie criminelle (= th. du
passage à l’acte). Jusqu’alors les chercheurs voulaient savoir le pourquoi. A
partir d’une certaine date l’appréciation criminologique se déplace. On passe du
pourquoi au comment et plus précisément sur l’épisode du passage à l’acte. Les
concepts de processus ou de mécanismes deviennent essentiels.
Ex : Par quelles étapes psycho-criminologiques le criminel passe avant de
passer à l’acte ?

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On met l’accent sur la personnalité au moment de l’acte et sur la situation
pré criminelle (=personnalité du criminel juste avant la commission de
l’infraction). On met l’accent sur le rôle de la victime. On passe donc de la
criminologie statique à la criminologie dynamique.
Dans ces développements-ci il faut particulièrement souligner les travaux de De
Greeff et de Matza.

2- Les apports de la Victimologie :


Dans les années 50 l’axe de la victime est devenu un objet d’études majeur
grâce à l’apparition d’une nouvelle discipline appelée « Victimologie ». Cette
discipline est récente, elle débute avant la 2 ème guerre mondiale, mais prend son
essor après, en raison du grand nombre des victimes qu’elle a causées. En 1937,
Benjamin MENDELSHON, avocat pénaliste roumain, est le premier à
s’intéresser aux victimes par une expérience publiée dans la revue du « Droit
pénal et sciences criminelles ». Il est suivi par l’allemand Hans Von
HENTING, qui publie en 1948 « Le criminel et sa victime ».
Depuis, les criminologues ont compris que le phénomène criminel ne peut
être résolu sans que les recherches ne soient orientées vers l’étude de la victime,
et notamment sa relation avec l’auteur de l’infraction. Cela a débouché sur des
réformes législatives incorporant la victime de plus en plus dans le processus de
la poursuite judiciaire du délinquant. Certes des efforts doivent encore être faits
en la matière, mais la victime ne peut jamais s’attendre à une réparation absolue.
En gros la situation de la victime s’est améliorée depuis les réformes introduites
en France et ailleurs visant essentiellement à donner à la victime un statut
équivalent à celui de l’auteur de l’infraction.
Ex : la victime est devenue une partie intégrante du drame criminel.

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§2- Criminologie actuelle
Par sa nature même la criminologie est une science théorique et appliquée.

1) La criminologie théorique
a) la criminologie théorique générale
b) la criminologie théorique spéciale

a) La criminologie théorique générale :


Elle s’intéresse aux aspects généraux de l’étude du phénomène et du
comportement délinquant entrepris dans une perspective théorique.
Elle appréhende les aspects généraux de la délinquance en tant que faits de
la société c’est-à-dire les facteurs, caractéristiques et évolution de la criminalité
générale et en second lieu les aspects généraux de la délinquance en tant que
phénomène individuel, les processus de passage à l’acte et les prédictions de la
délinquance avenir.

b) La criminologie théorique spéciale :


Elle s’intéresse aux aspects spéciaux de l’étude du phénomène et du
comportement délinquant entrepris par la criminologie théorique.
Dans cette perspective elle étudie d’un point de vue empirique une infraction
particulière ou un groupe d’infractions spéciales correspondant aux
divisions/aux notions du Droit pénal spécialisé.

2) La criminologie appliquée/concrète
C’est la branche de la criminologie qui a pour objet d’appliquer les
connaissances rassemblées et synthétisées par la criminologie théorique à la lutte
contre la délinquance.
- Cette criminologie comporte 3 branches :

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a) criminologie clinique :
Elle consiste dans l’étude individuelle du délinquant à partir d’une branche
multidisciplinaire, dans le but de déterminer les mesures susceptibles de
prévenir une récidive éventuelle. Il s’agit donc de diagnostiquer son état
dangereux de pronostiquer l’évolution de ce dernier et d’établir un
programme de traitement permettant de rétablir l’intégration sociale du
délinquant.

b) criminologie de prévention :
Elle consiste à prévenir du crime à l’échelon de la société ou d’une
collectivité. L’intimidation générale par la menace d’une peine ayant montré ses
limites on cherche d’autres moyens pour contenir les comportements délictuels.
La criminologie préventive étudie les actions ponctuelles/coordonnées de la
prévention collective des délinquants.
Ex : les actions des conseils locaux de sécurité et de la prévention de la
délinquance
Raymond Gassin en a fait la synthèse.

c) criminologie critique :
Elle consiste dans la critique des institutions du droit positif à la lumière des
enseignements de la criminologie théorique et propose de nouvelles
constructions juridiques découlant de ces (r) enseignements. A l’origine les
criminologues se sont livrés à des confrontations abstraites ayant débouchées sur
des propositions de réforme.
Aujourd’hui ils essayent de procéder à des efforts de réforme concrets.

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Définition satisfaisante de criminologie :
« C’est la science criminologue qui s’efforce d’expliquer, de décrire et de
prévoir le phénomène du comportement délinquant dans leurs aspects généraux
et spéciaux et qui grâce à une triple démarche, clinique, préventive et critique
tente d’appliquer les connaissances ainsi collectées à la lutte contre le crime
afin de le contenir ou de le réduire ».
Cette définition prend soin de distinguer les dimensions théoriques et
appliquées, les approches dites explicatives ou prédictives, les aspects collectifs
et individuels de la délinquance et enfin les aspects généraux et spéciaux de la
délinquance.

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