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DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTE

COURS DE MASTER I (DPF4/DPU4)

PAR le Professeur Jacqueline KOM

INTRODUCTION GENERALE

La mondialisation de l’économie, conséquence de la création de


vastes marchés sans frontières gérés par des organisations
interétatiques et des marchés de dimension mondiale, a été le vecteur
de la mondialisation de la concurrence et des difficultés qui fragilisent
de nombreuses entreprises. Dans une économie globalisée, les défis
économiques et internationaux inquiètent la certitude et la stabilité des
entreprises d’où la nécessité des normes juridiques conçues pour
satisfaire les besoins des acteurs du marché mondial.

Le droit des entreprises en difficulté propose des solutions variées


en vue d’aider les entreprises à s’adapter pour résister aux adversités
et à se redresser lorsque leurs difficultés sont telles qu’elles peuvent
les surmonter seules. Le juge dispose d’un pouvoir souverain
d’appréciation quant à l’opportunité de traiter les difficultés ou de
dissoudre les entreprises sociétaires en très mauvaise posture. En effet,
dans le monde des affaires, la disparition des entreprises non
performantes est perçue plutôt comme une chose normale. L’activité
des acteurs économiques a des répercussions financières sur leur
entourage familial et professionnel, spécialement leurs partenaires
d’affaires avec lesquels ils nouent des relations contractuelles de façon

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habituelle ou occasionnelle. Les conséquences économiques et
sociales de l’ouverture des procédures collectives à l’égard d’une
entreprise en difficulté peuvent s’avérer désastreuses autant pour le
débiteur que pour les créanciers et les salariés.

Malgré les réformes successives, le sort du débiteur et de ses


créanciers demeure à la fois incertain, parfois décevant, voire
profondément inquiétant. Le traitement préventif ou curatif des
difficultés des entreprises débouche très souvent sur les liquidations et
disparitions des entreprises et des emplois, portant gravement atteintes
aux droits des créanciers. Même si les solutions amiables obtenues
grâces aux négociations entre le débiteur et ses partenaires d’affaires
sont préférables en ce qu’elles permettent de vaincre les difficultés de
façon préventive, le traitement judiciaire n’est jamais très loin. Dans
ce contexte on déplore souvent le rythme de l’évolution du droit et son
retard sur l’économie car le droit des entreprises en difficulté, malgré
les réformes, se trouve remis en question par les enjeux économiques
et la réalité des faits.

1- Notion d’entreprise et droit des entreprises en difficulté

L’entreprise peut être définie comme un ensemble de moyens


humains et matériels concourant, sous une direction économique, à la
réalisation d’un objectif économique. C’est un organisme se proposant
essentiellement de produire des biens ou des services pour les
marchés. L’entreprise est une notion centrale du droit des affaires.
L’entreprise est une réalité du monde économique qui comprend trois

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éléments : un ensemble de moyens de production, une organisation et
une activité économique. L’entreprise est un agent économique qui
peut comporter un ou plusieurs établissements et qui entretient des
relations avec d’autres entreprises ou avec les consommateurs.

Il existe des entreprises individuelles ou sociétaires, appartenant


au secteur économique public ou privé.

Le droit des entreprises en difficultés est un ensemble de règles


destinées à assurer le traitement curatif des défaillances d’entreprises.
Le recours aux techniques de prévention tient à l’anticipation du
traitement des entreprises défaillantes et permet d’obtenir des gains
d’efficacité et des économies de temps ou des moyens profitables à
l’ensemble des parties prenantes à la procédure.

Toutes les entreprises, qu’elles soient individuelles ou sociétaires,


qu’elles soient de dimension petites, moyennes ou grandes, quel que
soit le secteur d’activités dans lequel elles évoluent, sont susceptibles
de rencontrer des difficultés à un moment de leur existence. Certaines
d’entre elles fonctionnent durablement tant bien que le mal en
essayant de surmonter leurs difficultés, tandis que d’autres
disparaissent après quelques années ou demeurent mort-nées. Les
difficultés peuvent être économiques, juridiques, sociales ou
financières ou résulter d’une conjoncture internationale défavorable
(crise économique, financière ou sanitaire).

Quant à la notion de difficulté, elle est difficile à appréhender car


elle n’est pas un terme juridique. On peut la définir comme tout
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empêchement ou obstacle au bon fonctionnement de l’entreprise. En
raison de sa diversité et de ses différentes causes, il parait difficile de
savoir à partir de quel seuil de défaillance et dans quelle situation une
entreprise doit être qualifiée d’ « entreprise en difficulté ».

De ce fait, le droit des entreprises en difficulté a un domaine


d’application plus large que celui du droit des faillites ou droit des
procédures collectives qui ne procédait au traitement des difficultés
des entreprises que dès qu’il y avait déjà constat de cessation des
paiements ou arrêt d’activités.

Le droit des entreprises en difficulté a vocation à prévenir et à


traiter les difficultés des entreprises défaillantes en leur apportant des
solutions adaptées à leur situation sans toutefois prétendre les
éradiquer car entreprendre une activité économique est un risque en
soi, la faillite n’est jamais une hypothèse à écarter.

En droit positif des entreprises en difficulté, il existe plusieurs


critères d’ouverture des procédures collectives qui ont été introduits
par l’Acte Uniforme révisé du 10 Septembre 2015 portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif :

- Les difficultés avérées ou prévisibles pour l’ouverture


de la procédure de conciliation ;
- Les difficultés sérieuses pour l’ouverture de la
procédure du règlement préventif ;

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- L’état de cessation des paiements pour l’ouverture
des procédures de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens.

2- L’évolution historique du droit des entreprises en


difficulté : du droit des faillites au droit des entreprises en
difficulté

Autrefois, il était question du droit de la faillite qui était d’essence


pénale et qui visait, notamment, à sanctionner les commerçants qui
avaient failli à leurs engagements et qui étaient traités comme des
délinquants. L’évolution vers une moindre sévérité à l’égard du
débiteur s’est amorcée dans le code de commerce de 1807 dont le livre
III était consacré aux faillites et banqueroutes. L’évolution de cette
matière est rapide car la législation des faillites constitue l’une des
branches les plus mouvantes du droit des affaires. Les évolutions les
plus remarquées sont les lois du 28 mai 1838, du 04 mars 1889, du 13
juillet 1967 et du 25 janvier 1985.

Jusqu’en 1967, le droit des faillites avait pour but essentiel, la


vente des biens du débiteur pour payer les créanciers dans le cadre
d’un concordat. Cette évolution est caractérisées par deux idées
majeures : la prévention des difficultés afin d’éviter la défaillance des
entreprises et le redressement judiciaire des entreprises soumises aux
procédures collectives afin d’éviter leur disparition et les pertes
d’emplois.

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La notion de droit des entreprises en difficulté s’est substituée à
celle de droit des faillites depuis la loi française du 1er mars 1984. Le
législateur OHADA a repris pour son compte cette notion dans
l’AUPCAP en instituant quatre procédures collectives dont deux sont
préventives (conciliation et règlement préventif) tandis que deux
autres sont curatives (redressement judiciaire et liquidation des biens).

Longtemps réglementé par le code de commerce français de 1807


plusieurs fois réformé, le droit des entreprises en difficulté dans
l’espace OHADA a d’abord été régi par l’Acte Uniforme portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif
(AUPCAP) adopté en 1998, entré en vigueur le 1er janvier 1999 et
applicable aux procédures ouvertes après cette date. Cet Acte
uniforme a fait l’objet révision le 10 Septembre 2015 et entré en
vigueur le 24 décembre 2015. Mais le droit des entreprises en
difficulté fait également référence aux autres branches du droit telles
le droit des sociétés, le droit commercial, le droit des sûretés, le droit
du recouvrement des créances et voies d’exécution, le droit comptable,
le droit international privé, le droit pénal des affaires et le droit de
procédure civile.

3- Les caractères et objectifs des procédures collectives

L’évolution du droit des entreprises en difficulté fait évoluer ses


caractères et ses objectifs.

a) Les traits caractéristiques des procédures collectives

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Le premier trait de caractère demeure l’aspect collectif des
procédures collectives. Depuis le code de commerce français jusqu’à
l’Acte Uniforme révisé de 2015, la procédure collective n’a toujours
été qu’une voie d’exécution collective des biens d’un débiteurs
défaillant car le droit des faillites, tout comme de droit des entreprises
en difficulté, est fondé sur une conception de l’insolvabilité même si
la notion de défaillance du débiteur n’est plus étroitement associée à
l’idée de fraude. Les enjeux pour les créanciers étant de se faire
payer, ils doivent saisir collectivement les biens de leur débiteur, les
vendre afin de s’en partager le prix dans les conditions propres à
assurer le respect des causes de préférence des créanciers bénéficiaires
des sûretés et l’égalité entre les créanciers chirographaires qui, à
défaut d’un paiement complet, peuvent prétendre au moins au
versement le plus élevé possible des dividendes. Le nouvel Acte
Uniforme a réaffirmé le monopole absolu des mandataires (syndic et
liquidateurs) pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers.
La procédure est poursuivie non dans l’intérêt d’un créancier ou d’une
catégorie de créanciers, mais dans l’intérêt collectif de l’ensemble des
créanciers du débiteur et par l’organe de la procédure désigné par le
tribunal qui a autorisé les poursuites. Les créanciers doivent déclarer
leurs créances et sont regroupé en une masse tandis que le débiteur est
frappé d’un dessaisissement afin de réduire ses pouvoirs de gestion sur
son patrimoine.

Le second trait de caractère est l’aspect conflictuel. La faillite est


le domaine de prédilection pour toute sorte de conflit que le droit ne

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parvient pas à résoudre de façon équitable. En effet il parait
impossible de sauvegarder tous les intérêts en présence de manière
équitable dans les procédures collectives, la préservation des droits
des uns se faisant au détriment de ceux des autres. Un conflit d’intérêt
existe entre les droits des créanciers d’une part et les intérêts du
débiteur d’autre part. Et même à l’intérieur de la masse des créanciers,
tous ne sont pas logés dans la même enseigne. Un traitement
particulier est réservé à certaines catégories de créanciers selon les
sûretés ou privilèges attachés à leurs créances. En fonction de
survenance des circonstances exceptionnelles (crises économiques ou
sanitaires), le législateur ou les pouvoirs publics peuvent prendre des
mesures spécifiques tantôt au profit des marchés, du crédit ou des
créanciers. Par étapes successives, le droit des entreprises en difficulté
s’est construit sur la recherche incessante d’un équilibre entre la
protection des intérêts des entreprises débitrices, des salariés et des
créanciers.

Le troisième trait de caractère réside dans l’intervention


judiciaire. Bien que législateur tend à atténuer l’intervention des juges
dans les procédures amiables telles la conciliation et la médiation, le
caractère judiciaire demeure incontestable dans les procédures de
règlement préventif, de redressement judiciaire et de liquidation des
biens. Pour l’ouverture des procédures collectives la saisine de la
juridiction compétente est nécessaire pour imposer certaines règles
procédurales aux protagonistes, assurer l’efficacité et la moralité des
procédures collectives et protéger les intérêts en présence.

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b) Les objectifs du droit des entreprises en difficulté

Le droit des entreprises en difficulté poursuit à la fois plusieurs


objectifs contradictoires : la prévention et le traitement des difficultés,
le paiement des créanciers et les sanctions des débiteurs ou des
dirigeants fautifs.

La prévention des difficultés suppose la prise des mesures


d’anticipation destinées à détecter et à traiter les indices de
défaillances pour qu’ils n’entraînent pas la faillite et la liquidation des
entreprises.

Le traitement des difficultés constitue un autre objectif du droit


des entreprises en difficulté. Le nouvel Acte Uniforme de 2015
distingue le traitement préventif du traitement curatif, ce dernier
intervenant en cas de constat de l’état de cessation des paiements. Le
traitement des difficultés s’oriente vers le sauvetage à tout prix des
entreprises viables et des emplois et vers la liquidation et la disparition
de celles dont la situation est désespérée et le paiement des créanciers.

Dans plusieurs législations, le paiement des créanciers était la


finalité essentielle des procédures collectives. Cet objectif prioritaire a
évolué du paiement des créanciers, objectif classique de toute voie
d’exécution sur les biens du débiteur, l’objectif des procédures
collectives est dorénavant la survie de l’entreprise et maintien des
emplois, sacrifiant ainsi les droits des créanciers.

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Quant aux sanctions dans les procédures collectives, elles
occupent désormais une place résiduelle. De sa conception purement
répressive et barbare, le droit des faillites a évolué à l’égard du
débiteur qui était traité comme un délinquant et qui mérite désormais
une protection plus ou moins accentuée. Ce sont les dirigeants fautifs
qui encourent des sanctions civiles ou patrimoniales pénales et
professionnelles. Et avec la séparation entre le sort de l’entreprise et
celui de ses dirigeants, l’entreprise ne peut plus être soumise aux
procédures collectives à titre de sanctions des comportements fautifs
de ses dirigeants.

Le caractère répressif des procédures collectives s’est


considérablement atténué au point que les débiteurs trouvent en leur
ouvertures plus d’avantages que d’inconvénients, d’où l’extension de
son domaine d’application aux professionnels non commerçants qui la
réclament en tant que bénéfice et non une contrainte surtout du fait
d’abandon forcé des créances.

L’évolution des objectifs de la réforme est d’accroitre les mesures


de prévention et de corriger les anomalies que la pratique judicaire et
la doctrine ont pu relever dans la conduite des procédures collectives
le souci étant de les adapter à la situation et la taille des entreprises.

Le droit des entreprises en difficulté issu de l’Acte Uniforme


révisé pose les mêmes questions que dans le précédents acte :

- La prévention des difficultés des entreprises ;


- Le traitement des difficultés ;
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- Le paiement des créanciers ;
- Les sanctions et mesures sûretés applicables aux
débiteurs et dirigeants responsables des défaillances
d’entreprises.

Il convient d’envisager en première partie la prévention des


difficultés avant de traiter dans la seconde partie du traitement et
sanctions prévus par l’AUPCAP.

BIBLIOGRAPHIE CONSEILLEE :

 AKAM AKAM (A), « Droit des procédures


collectives et d’apurement au passif », Recueil des cours de
l’ERSUMA, 2004-2012, 1er éd.2013

11
 CHAPUT (Y), Droit de la prévention et du
règlement amiable des difficultés des entreprises, PUF 1986
 CHATILLON (S), Droit des affaires
internationales, 3e éd.2002
 Dossier relatif à l’évolution du droit des
entreprises en difficulté : Droit et patrimoine n°253
dec.2015
 GUYON (Y), Droit des affaires, tome 2,
Entreprises en difficulté, Redressement judiciaire, faillite, 9e
éd. Economica 2003
 JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Droit
commercial : instruments de paiement et de crédit,
Entreprises en difficulté, Dalloz, 6e éd. 2003
 KALIEU ELONGO (Y-R), Le droit des
procédures collectives OHADA, PUA 2016
 KOM (J), Droit des entreprises en difficulté,
PUA 2013
 LE CORRE (P-M), Droit et pratique des
procédures collectives, Dalloz 2017/2018
 Martin (J-F) LIENHARD (A), Redressement et
liquidation judiciaires (prévention, règlement amiable,
faillite personnelle, banqueroute, 8e éd. DELMAS. 2003
 PEROCHON (F), Entreprises en difficulté,
LGDJ, 10e ed. 2014

12
 POUGOUE (P-G) (sous la direction),
Encyclopédie du droit OHADA, Lamy 2011
 RIPERT et ROBLOT, Traité de droit
commercial, 15e éd. par DELEBECQUE et GERMAIN, T2,
LGDJ 2004
 SAINT-ALARY-HOUIN (C), Droit des
entreprises en difficulté, 4e éd. Montchrestien E.J.A 2001 et
9e éd. LGDJ.2014
 SAWADOGO (F-M), Droit des entreprises en
difficulté, éd. Brylant, collection droit uniforme, juriscope
2002

CONSEILS ET DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES

 Aubert (F), « Les finalités des procédures


collectives » Mélanges
 Dictionnaire du droit des affaires n°204
 Jean Pailluseau : Mais qu’est-ce que
l’entreprise, JCPG 2018, P.21
 Michel Jeantin, Dalloz 1999, P.387
 NGUIHE KANTE (P), « Réflexion sur la notion
d’entreprise en difficulté dans l’AUPCAP » penant n°838,
2002
 P. LE CANNU, La notion juridique d’entreprise
dans la loi du 1er mars 1984, et du 25 janvier 1985 LPA
1986 n°58, P.19

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QUESTION PRATIQUES

- Définir les notions : entreprises, entreprises en


difficulté faillite, insolvabilité surendettement
- Quels sont les critères d’ouverture de procédures
collectives
- Quels sont les caractères et objectifs des procédures
collectives
- Indiquer les étapes de l’évolution du droit des
faillites.

PARTI I : LA PREVENTION ET LE TRAITEMENT


EXTRA JUDICIAIRE DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES

La prévention des difficultés des entreprises peut être définie


comme l’ensemble des mesures d’anticipation prises pour empêcher
leur survenance, et le cas échéant, pour en réduire le nombre ou la
gravité des difficultés de l’entreprise. Le problème crucial des
entreprises en difficulté est avant tout de faire une analyse afin de

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connaitre leur situation exacte et de mieux choisir ou ajuster les
moyens de prévention. On distingue ainsi la prévention-détection
(chapitre I), de la prévention-traitement (chapitre II).

CHAPITRE I : LA PREVENTION-DETECTION

Organiser une prévention efficace suppose que soient identifiées


les difficultés qui feront l’objet de ces mesures. Toute prévention
implique au préalable un diagnostic et une détection des difficultés qui
s’annoncent, d’où le rôle de l’information comptable et des procédures
d’alerte.

Section I : La prévention par l’information comptable

Les dirigeants des entreprises ne peuvent prévenir une situation


compromettante que s’ils sont informés de la nature et la gravité des
difficultés signalées, d’où l’importance des informations
prévisionnelles dans la détection des difficultés.

P1 : L’information prévisionnelle

Elle a pour finalité de faire connaitre la situation économique,


financière et sociale de l’entreprise afin de faire des prévisions et de
savoir si à court, moyen ou long terme l’entreprise pourra disposer
suffisamment de ressources pour faire face à ses engagements. Pour
une bonne gestion de l’entreprise dont la continuité et même l’avenir
doivent être assurés, les dirigeants doivent être informés au quotidien
de sa situation. Le législateur impose désormais dans toutes les
entreprises les obligations comptables afin d’assurer aussi bien

15
l’information interne que les besoins de divers utilisateurs. Ainsi
d’après l’article 1er de l’Acte Uniforme relatif au droit comptable et à
l’information financière « Toute entité au sens de l’article 2 ci-dessous
est soumise aux dispositions du présent Acte Uniforme et doit mettre
en place, pour l’information interne et pour son propre usage, une
comptabilité générale conformément audit Acte Uniforme. A cet effet,

- Elle classe, saisit, enregistré dans sa comptabilité les


évènements qui sont constatés et toutes les opérations
entraînant les mouvements de valeur, qui sont traitées avec les
tiers ou qui sont constatées ou effectuées dans le cadre de sa
gestion interne.
- Elle fournit, après traitement approprié de ces
opérations, les redditions de comptes auxquelles elle est
assujettie légalement ou par ses statuts, ainsi que les
informations nécessaires aux besoins de divers utilisateurs ».

L’Acte Uniforme relatif au droit comptable définit les obligations


liées aux comptes personnels des entreprises, les obligations liées aux
comptes consolidés et aux comptes combinés ainsi que les sanctions
afférentes à leur tenue. Le commissaire aux comptes a pour mission de
contrôle de la régularité, de la sincérité des comptes et le contrôle de
la gestion.

P2 : La détection des difficultés

La détection des difficultés consiste à déceler l’existence


d’indices de difficulté afin de les éradiquer de façon précoce. Pour
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organiser une détection efficace il faut que soient fixés les objectifs du
diagnostic. En principe les difficultés les plus fréquentes sont
financières et sont annonciatrices de l’état de cessation des paiements.
Mais les difficultés peuvent être économiques, juridiques ou sociales.
Les difficultés peuvent être d’origine interne ou externe à l’entreprise.
Si les causes internes de difficulté sont liées à la mauvaise gestion ou
à la forme juridique des entreprises, les causes extérieures tiennent
souvent au climat des affaires ou à la conjoncture économique
nationale ou internationale (crise économique ou sanitaire),
concurrence, perte de dirigeant ou capitaux, surendettement,
défaillance des partenaires importants). Les commissaires aux
comptes ont l’obligation d’alerter les dirigeants des faits de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation des entreprises.

Section II : Les procédures d’alerte

Le droit d’alerte constitue une suite logique de la prévention des


difficultés par les contrôles des sociétés. La procédure d’alerte
consiste à « tirer la sonnette d’alarme », c’est-à-dire à attirer
l’attention des dirigeants sur les faits de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation. Le droit d’alerte est reconnu aussi bien
aux commissaires aux comptes qu’aux associés. Mais à la différence
de la procédure facultative offerte aux associés, l’alerte constitue pour
le commissaire aux comptes une obligation légalement sanctionnée.

P1 : L’alerte par les commissaires aux comptes

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Les sociétés d’une certaine dimension sont astreintes à la mise en
place d’une comptabilité et à la désignation d’un commissaire aux
comptes, à qui la loi impose l’obligation de déclencher le mécanisme
d’alerte. Quant aux petites entreprises et notamment les entreprises
individuelles, elles sont exclues du domaine d’application de la
procédure d’alerte. Il existe une diversité de règles procédurales de
l’alerte suivant qu’elles s’appliquent aux sociétés anonymes ou aux
autres types de sociétés.

A- La procédure d’alerte dans les sociétés autres que les S.A

La procédure d’alerte dans les sociétés autres que les sociétés


anonymes est réglementée par les articles 150 à 152 de l’AUDSCGIE.
Cette procédure se déroule en deux étapes commençant par une
demande d’explication adressée par lettre recommandée au gérant sur
les faits relevés par le commissaire aux comptes à l’occasion de sa
mission de contrôle. Le gérant est tenu de répondre à la demande
d’explication dans le délai de quinze jours suivant la réception. A
défaut de réponse ou si la réponse est insatisfaisante, le commissaire
aux comptes doit établir un rapport spécial dont une copie est
communiquée au tribunal compétent (article 152 alinéa 1 er de
l’AUDSCGIE). En cas d’urgence le commissaire aux comptes peut
convoquer une assemblée générale pour présenter son rapport.

B- La procédure d’alerte dans les sociétés anonymes

La procédure d’alerte est régie par les articles 153 à 156 de


l’AUDSCGIE. Elle est plus longue et comporte quatre phases.
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D’après l’article 153, le commissaire aux comptes dans un SA ou une
SAS, adresse une demande d’explication au PCA, au PDG ou à
l’administrateur général selon les cas sur tout fait de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation.

Le dirigeant interpellé est tenu de répondre par lettre


recommandée ou par lettre au porteur dans les quinze jours suivant la
demande d’explication. Dans sa réponse le dirigeant donne une
analyse de la situation de la société et les mesures pour y remédier
(article 154).

La suite de la procédure d’alerte prévue par l’article 155 exige


qu’à défaut de réponse ou de mesures adéquates, dans quinze jours qui
suivent la réception de la demande d’explication, le dirigeant
convoque un conseil d’administration en vue de délibérer sur les faits
relevés.

En cas d’inobservation des dispositions légales prévues aux


articles 153 à 155 ou en cas d’échec des mesures prises, le
commissaire aux comptes établit un rapport spécial qui sera présenté à
la prochaine AG ou, en cas d’urgence il convoque lui-même une
AGE pour soumettre aux actionnaires ses conclusions.

Si à l’issue de l’AGE, il constat que les décisions prises ne


permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il doit
informer la juridiction compétente de ses démarches et lui
communiquer les résultats.

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Le commissaire aux comptes encourt des responsabilités civiles,
pénales ou professionnelles en cas d’inobservation de ses obligations
liées à l’alerte. Sa responsabilité civile peut être engagée en cas
d’absence de déclenchement de la procédure ou en cas de
déclenchement tardif. Sa responsabilité professionnelle peut être
retenue en cas d’indiscrétion ayant des conséquences préjudiciables
pour l’entreprise.

La responsabilité pénale du commissaire aux comptes peut être


mise en jeu en cas de commission d’infractions pénales à l’occasion
de l’exercice de sa mission ou en cas de complicité dans les
infractions commises par les dirigeants sociaux (abus de biens
sociaux, faux en écriture, corruption).

P2 : L’alerte par les associés et l’expertise de gestion

La réglementation des procédures d’alerte déclenchées par les


associés est prévue par l’article 157 pour les sociétés autres que les
sociétés par actions et par l’article 158 pour les sociétés anonymes et
les sociétés par actions simplifiées.

D’après l’article 157, tout associé non gérant peut, deux fois par
exercice, poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature
à compromettre la continuité de l’exploitation ou demander une
expertise de gestion. Il en est de même de tout actionnaire qui peut
poser des questions écrites au PCA, au PDG ou à l’administrateur
général (article 158 de l’AUDSCGE).

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Le dirigeant interpellé a quinze jours pour répondre aux questions
posées et pour adresser copie de la question et de la réponse au
commissaire aux comptes.

L’expertise de gestion est organisée par les articles 159 et 160 de


l’AUDSCGIE. Elle offre aux associés, représentant au moins le
dixième du capital social, de demander à la juridiction compétente au
siège social statuant à bref délai, la désignation d’un ou de plusieurs
experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion. L’expertise de gestion peut être déclenchée
dans tout type des sociétés. Mais l’expertise de gestion et l’alerte par
les associés constituent pour les associés une faculté et non une
obligation.

DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES

 CHAPUT (Y), Entreprise en difficulté


(prévention et règlement amiable) , Rep.com.Dalloz 1996
 GUYON (Y), « Le rôle de prévention des
commissaires aux comptes », JCPE 1987, II, 15066
 LECERF (M), « Procédure d’alerte en droit
OHADA, cahiers juridiques et fiscaux », n°2, p.327-331
 NEMEDEU (R), « La responsabilité du
commissaire aux comptes en droit OHADA », RASJ 2011,
vol.8 n°2, p.1 et s

21
 SAWADOGO (F-M), Les procédures de
prévention dans l’AUPC révisé Droit et patrimoine n°253,
décembre 2015, P.32

QUESTIONS PRATIQUES

- Quelles sont les entreprises assujetties aux obligations


comptables
- Quel est le contenu de leurs obligations ?
- Quelles sont les personnes auxquelles incombe
l’obligation de déclencher la procédure d’alerte
- Quand et comment doivent-elles déclencher l’alerte
- Quelles sont les conséquences de leur inexécution
- quels sont le fondement et le contenu de l’expertise
de gestion

CHAPITRE II : LA PREVENTION-TRAITEMENT

Le choix des moyens de prévention-traitement à mettre en œuvre


dépend de la nature et de la gravité des difficultés détectées et leurs
conséquences prévisibles sur la pérennité de l’entreprise. Plusieurs
mesures peuvent être envisagées dont certaines sont d’ordre financier
tandis que d’autres tiennent à la gestion de l’entreprise.

Section I : Les mesures financières

Les difficultés financières étant les plus fréquentes, la loi et la


pratique prévoient des mécanismes de prévention et de traitement pour
recapitaliser les entreprises défaillantes. Les entreprises en difficultés

22
financières doivent rechercher des financements partout où elles
peuvent en trouver, c’est-à-dire sur le plan interne ou extérieur, au
public comme au privé).

P1 : Les financements internes des entreprises en difficulté

Les défaillances des entreprises proviennent surtout de


l’insuffisance des fonds propres et du déséquilibre du bilan entraînant
la cessation des paiements. Le renflouement des entreprises en
difficulté consiste à fournir des fonds nécessaires pour rétablir leur
situation financière. Le financement interne résulte des concours de
l’entrepreneur individuel, de nouveaux apports des associés ou de la
participation des salariés.

Dans les entreprises individuelles, avec l’application du principe


de l’unité du patrimoine, l’entrepreneur doit répondre de ses dettes
professionnelles sur la totalité de son patrimoine. Il doit puiser dans
ses fonds personnels pour honorer ses engagement professionnels afin
d’éviter la cessation des paiements ou la faillite de son entreprise.

Dans les entreprises sociétaires les associés sont sollicités pour


combler les déficits de fonds soit par la libération des apports, soit par
l’augmentation du capital social, soit par des prêts. Dans les sociétés
de personnes et les GIE au sien desquels la responsabilité des associés
est indéfinie et solidaire, ceux-ci ont intérêt à contribuer au
renflouement de l’entreprise afin d’éviter sa faillite et les poursuites
c’est-à-dire l’extension aux associés des procédures collectives
ouvertes à l’égard de la société en difficulté. Leur responsabilité au
23
passif de la société est indéfinie et solidaire, chaque associé pouvant
être poursuivi sur la totalité de la dette, sauf à se retourner contre des
autres codébiteurs pour exiger leurs contributions. Leur situation est
assimilable à celle des entrepreneurs individuels car la faillite de
l’entreprise entraîne celle des associés ou des membres des GIE.
L’extension des procédures collectives à leur égard intervient de plein
droit, en vertu de la loi et non à titre de sanction.

Dans les SA et les SARL, les associés peuvent contribuer au


financement de l’entreprise en difficulté ; Mais leur responsabilité au
passif social est limitée à leurs apports sous réserve des sanctions des
dirigeants sociaux.

Les sociétés et entreprises individuels comblent leurs besoins


financiers par les apports des associés ou en réinvestissant l’actif
personnel ou les bénéfices dans l’activité professionnelle. Mais
lorsque le recours aux financements internes est insuffisant, il est
nécessaire de faire appel aux financements extérieurs.

P2 : Les financements extérieurs à l’entreprise

Les financements extérieurs destinés à renflouer les entreprises


en difficulté peuvent provenir aussi bien des fonds privés que des
fonds publics

A- Les fonds privés

L’entreprise se doit de trouver dans le monde des affaires des


partenaires qui peuvent satisfaire ses besoins de financement. En effet,

24
l’activité économique demeure tributaire des crédits car l’argent c’est
le nerf de la guerre et le crédit demeure l’oxygiène de l’entreprise, si
bien que son équipement entraîne nécessairement la mort de celle-ci.
Les entreprises en difficultés financières peuvent faire recours aux
prêts bancaires, aux prêts obligataires ou aux prêts fournisseurs.

Depuis sa création jusqu’à la cessation d’activités, l’entreprise se


tourne vers les dispensateurs de crédits pour solliciter leurs concours
afin de développer ses affaires et les prêts deviennent incontournables
en périodes de difficultés financières. En cas d’absence de fonds de
roulement, les recours aux prêts bancaires ou extra-bancaires peuvent
s’avérer indispensables pour faire face aux besoins que l’entreprise est
incapable de couvrir de courir avec ses fonds propres.

Tout crédit comporte des risques importants dont les plus redoutés
sont ceux de surendettement, du défaut de remboursement ou de
l’insolvabilité du débiteur, d’où la nécessité pour l’établissement
financier de s’assurer des garanties de remboursement. La
responsabilité des fournisseurs de crédit peut être engagée soit pour
octroi ou maintien des crédits abusifs soit pour rupture abusive de
crédits soit enfin pour immixtion dans la gestion de l’entreprise. Mais
la faute du dispensateur de crédit n’est évidente que s’il était conscient
de la situation désespérée de l’entreprise, en cas de concours
frauduleux ou en cas d’immixtion caractérisée lorsqu’il prend des
décisions à la place des dirigeants de droit de l’entreprise.

25
La précarité financière des entreprises oblige les opérateurs
économiques à doubler l’imagination afin de saisir toute les
opportunités de financement et à recourir aux emprunts obligataires,
aux crédits fournisseurs, au crédit-bail et aux aides publiques

B- Les fonds publics : les aides d’État aux entreprises en


difficulté

Face aux difficultés les plus graves, les entreprises doivent se


tourner vers l’État et autres institutions financières auprès desquels
elles peuvent trouver des financements. Le traitement administratif
des difficultés des entreprises constitue l’une des solutions face aux
crises économiques, financières ou sanitaire entraînant des
défaillances en cascade des entreprises. Les récentes crises sanitaires
et économiques et les faillites de grandes entreprises ont montré la
priorité du traitement administratif sur le traitement amiable ou
judiciaire, car le plan étatique de relance de l’économie est mieux
adapté pour prévenir les faillites et la récession.

Bien que les interventions des États en faveur des entreprises


privées soient récentes, elles deviennent de plus en plus effectives
même dans les pays d’économie libérale car en cas de disparition des
pans entiers de l’économie, l’intervention de l’État est perçue comme
un service public.

Les aides publiques au redressement des entreprises peuvent


revêtir plusieurs formes. Les concours directs consistent en des
subventions, des prêts à long terme, des aides fiscales ou douanières.
26
Quant aux concours indirects, il peut s’agir des mesures globales
visant à réduire les charges qui grèvent le budget des entreprises et à
simplifier les formalités administratives ou à assainir le climat des
affaires.

Mais dans l’espace OHADA, les aides d’État suscitent plusieurs


questions d’effectivité et d’efficacité qui restent pour le moment sans
réponse. Les milieux d’affaires souffrent de pressions fiscales et d’une
imposition opaque qui sont à l’origine des défaillances et de manque
de compétitivité des entreprises africaines.

Après avoir comblé ses besoins financiers, les entreprises doivent


se doter d’une gestion efficiente afin de redynamiser leurs activités et
honorer leurs engagements envers leurs partenaires d’affaires.

Section II : Les mesures de gestion

Les causes de difficultés les plus graves sont internes et


proviennent d’une mauvaise gestion. Pour résoudre les problèmes
posés par la gestion, il parait nécessaire de procéder au remplacement
des dirigeants fautifs ou incompétents voire au licenciement du
personnel non indispensable.

P1 : Le remplacement des dirigeants

Le remplacement des dirigeants peut être fondé sur le défaut de


probité, ce qui s’explique très bien car les fautes de gestion résultent
souvent de l’exercice des activités économiques par des individus
malhonnêtes. Mais à côté des fautes fondées sur les fraudes des

27
dirigeants, il existe d’autres motif plus objectifs, comme ceux qui
relèvent de l’incompétence, vu la complexité de la gestion des
entreprises modernes, même de dimension modeste. La commission
des fautes inexcusables de gestion conduit les dirigeants d’entreprise à
la démission ou à la révocation. Toutefois, les modalités de
remplacement des dirigeants divergent selon qu’il s’agit de les évincer
dans les entreprises sociétaires ou dans les entreprises individuelles.

A- Le remplacement des dirigeants des sociétés

Les sanctions ne suffisent pas toujours à éliminer les dirigeants


malhonnêtes ou incompétents dans la gestion des entreprises. Leur
révocation s’impose parfois comme solution nécessaire à la poursuite
des activités. La révocation peut intervenir pour juste motif dès lors
que le dirigeant a commis des fautes de gestion dans l’exercice de ses
fonctions ou a fait preuve d’incompétence. Dans les sociétés
anonymes à conseil d’administration, le législateur fait de la
révocation ad nutum, l’une des caractéristiques de la fonction des
dirigeants sociaux. Ainsi lorsque l’intérêt social l’exige, le dirigeant
peut être révoqué sans motif, sans préavis et sans indemnité.

La décision de révocation peut être prise par les organes de la


société ou par la juridiction compétente de référé statuant à bref délai.
Lorsque les motifs de révocation sont fondés, le dirigeant est privé de
toute indemnité sauf convention contraire et sous réserve d’irrégularité
ou d’abus de droit. Il parait plus facile de procéder au remplacement

28
des dirigeants sociaux que d’évincer les chefs d’entreprises
individuelles.

B- Le remplacement des dirigeants d’entreprises individuelles

Le changement des dirigeants d’entreprises individuelles pose des


problèmes particuliers suivant que le dirigeant chef d’entreprise est
propriétaire de celle-ci ou mandataire-salarié. Le remplacement du
dirigeant propriétaire de l’entreprise passe par la cession de
l’entreprise, ou du fonds de commerce, par l’apport du fonds en
société ou par sa mise en location-gérance sous la pression des
revendications des créanciers, des interventions extérieures peuvent
remettre en cause la gestion de l’entreprise et le droit de propriété de
son promoteur. Force est de constater que la protection de l’intérêt
général l’emporte toujours lorsqu’il est en conflit avec les intérêts
égoïstes. Plusieurs mesures peuvent être envisagées pour l’éviction
définitive ou provisoire des dirigeants fautifs ou incompétents. En
effet l’assurance imperturbable des prérogatives reconnues par le droit
de propriété sur l’entreprise n’est plus de mise aujourd’hui même si
les dispositions de l’article 544 du code civil n’ont pas changer sur le
droit de jouir, d’user et de disposer.

Le dirigeant-salarié qui cesse ses fonctions doit bénéficier de la


protection sociale liée à la rupture du contrat de travail. En effet, les
dirigeants soutiennent souvent que la fin de mandat ne fait pas
disparaitre l’encadrement légal du licenciement par le droit du travail.
Pour la légitimité et la régularité du licenciement, l’employeur devra

29
respecter les conditions de fond et de forme exigées par le code du
travail.

P2 : Les licenciements pour motifs économiques

La fréquente nécessité de réduire rapidement les effectifs du


personnel des entreprises en difficulté impose souvent de procéder aux
licenciements collectifs pour motifs économiques. Les licenciements
économiques constituent un moyen spécifique de prévention des
difficultés des entreprises, strictement encadré par la loi (cf article 40
du code du travail et article 110 et 111 de l’AUPCAP).

La protection des salariés vise aussi bien les créances salariales


que l’emploi dont la stabilité peut être menacée lorsque l’entreprise
fait face à des difficultés. Mais les licenciements pour motifs
économiques ne doivent être prononcés que s’ils présentent un
caractère urgent et indispensable au redressement de l’entreprise.
L’employeur doit entamer des négociations avec les salariés sur le
plan de sauvetage des emplois ou des transactions sur leurs droits.
Lorsque la nécessité de licenciement s’impose comme seule solution,
l’employeur doit respecter la procédure de licenciement économique
prescrite par la loi. Les transactions peuvent être conclues sur la
liquidation des indemnités et sur les avantages acquis dans
l’entreprise. Certains salariés préfèrent négocier avec l’employeur les
conditions de départ volontaire et paiement immédiat de leurs droits
car malgré le régime juridique autonome des licenciements

30
économiques et le contrôle administratif sur leur fondement, la
protection des salariés semble illusoire.

Tous les mécanismes de prévention sont plus ou moins efficaces


et apportent un souffle nouveau aux entreprises selon la difficulté à
laquelle on voudrait s’attaquer. Ils peuvent permettre d’améliorer leur
situation et d’atteindre les objectifs prioritaires à savoir le sauvetage
de l’entreprise, le maintien des emplois et par la suite l’apurement du
passif.

DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES

 SONKWE DEFO (C-H), Le financement des


entreprises en difficulté dans l’espace OHADA, mémoire de
Master, Université de Yde II, 2018
 HAEL (J-Ph), Les techniques de renflouement
des entreprises en difficulté, Litec 1981, P21 et s
 VAISSE, « La responsabilité des banques en cas
de faillite de leurs clients », GAZ.pal. 1979, oct. P.433
 LEGEAIS (D), « Les concours consentis à une
entreprise en difficulté», JCPE 2005, n°42, 1743
 CAMPANA et TEBOUL, « Les aides de l’État
aux entreprises en difficulté » les petites affiches, 21
novembre 2003, n°233-5
 TESSIE (B), Procédures collectives et salariés
non protégés, le contrôle du bien-fondé de leur licenciement,
dr.soc.1992, P.670

31
 TCHAKOUA (J-M), « Le licenciement pour
motif économique en droit camerounais » RASJ, vol 2, n°1,
2004, P.189 et s

QUESTIONS PRATIQUES

- Qu’entend-on par renflouement des entreprises en


difficulté
- Quels sont les modes de financement des entreprises
en difficulté
- Quelles sont les formes d’aides d’État aux entreprises
en difficulté ?
- Dans quelles conditions procède-t-on au
remplacement des dirigeants d’entreprise ?
- La protection des salariés dans le licenciement pour
motifs économiques : conditions et procédures de licenciement
- Le licenciement des salariés protégés : procédures et
effets des licenciements irréguliers ou abusifs.

PARTIE II : LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DES


DIFFICULTES DES ENTREPRISES

32
Lorsque le traitement préventif a échoué ou n’a pas été envisagé,
le législateur OHADA préconise de passer au traitement curatif. En
effet, le traitement amiable des difficultés des entreprises a
nécessairement une efficacité limitée puisqu’il suppose l’accord du
débiteur et de ses créanciers. Ceci explique la faiblesse des
mécanismes de prévention et le recours aux procédures collectives. On
distingue ainsi les procédures préventives (conciliation et règlement
préventif), des procédures curatives (redressement judiciaire et
liquidation des biens). Les procédures collectives peuvent être
internationales lorsque l’entreprise possède des établissements dans
des États différents ou des créanciers situés hors de l’État où elle a son
siège. Les procédures collectives sont des procédures judiciaires
exigeant la mise en œuvre de plusieurs organes et les personnes
assujetties doivent remplir les conditions requises par l’Acte
Uniforme.

Il convient d’envisager l’organisation des procédures collectives,


les procédures collectives internationales et les sanctions dans les
procédures collectives.

33
CHAPITRE I : L’ORGANISATION DES PROCEDURES
COLLECTIVES

Elle requiert de déterminer le champ d’application des procédures


collectives avant de préciser quels sont les organes prévus pour la
mise en œuvre des procédures collectives d’après l’Acte Uniforme
révisé.

Section I : Domaine d’application des procédures collectives

La détermination du domaine d’application des procédures


collectives suppose d’identification des personnes susceptibles d’être
soumises à de telles procédures et les juridictions compétentes.

P1 : Les personnes éligibles aux procédures collectives

D’après l’article 1-1 de l’AUPCAP révisé « Le présent acte


uniforme est applicable à toute personne physique exerçant une
activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale
ou agricole, à toute personne morale de droit privé ainsi qu’à toute
entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit
privé.

Les procédures de conciliation, de règlement préventif, de


redressement judiciaire et de liquidation des biens sont applicables

34
aux personnes morales de droit privé qui exercent une activité soumise
à un régime particulier lorsqu’il n’en est disposé autrement dans la
réglementation spécifique régissant ladite activité. Les activités
soumises à un régime particulier au sens du présent Acte Uniforme et
des textes les régissant sont notamment celles des établissements de
crédit, des établissements de microfinance et des acteurs des marchés
financiers ainsi que celles des sociétés d’assurance ou de réassurance
des États parties au traité OHADA »

A- Les personnes physiques justiciables des procédures


collectives

Initialement réservées aux personnes physiques ayant la qualité de


commerçant, les procédures collectives ont été étendues aux
entrepreneurs individuels exerçant une activité indépendante civile
commerciale, artisanale, agricole. L’exercice d’une activité
indépendante dans le cadre d’une profession suppose une organisation
sous forme d’entreprise et non des actes isolés. La profession exige
l’exercice habituel d’une activité économique plus au moins pérenne.
Le professionnel indépendant agit en son nom et pour son compte
personnel et le caractère indépendant de son activité le distingue du
travail subordonné dans le cadre du salariat. Mais il n’empêche qu’il y
ait au service de l’entrepreneur individuel des salariés ou des
mandataires qui agissent pour son compte moyennant une
rémunération comme dans le cas de l’employeur, personne morale.

B- Les personnes morales

35
L’article 1-1 de l’AUPCAP retient des catégories de personnes
morales aux contours mal définis : « toute personne morale de droit
privé ainsi qu’à toute entreprise publique ayant la forme de personnes
morale de droit privé ».

Le terme imprécis de personne morale de droit privé désigne tout


groupement disposant de la personnalité morale exerçant une activité
économique, qu’elle soit de caractère civil ou commercial. On peut
citer les sociétés civiles et commerciales, les groupements d’intérêt
économiques, les associations et autres groupement dotés de la
personnalité juridique.

Pour bénéficier des procédures collectives, il faut disposer de la


personnalité juridique, ce qui exclut de leur domaine les sociétés en
formation, les sociétés non immatriculées, les sociétés de fait, les
sociétés en participation et les associations non déclarées.

L’application des procédures collectives aux établissements de


crédit et aux sociétés d’assurance ne fait aucun doute. L’AUPCAP
joue le rôle de droit commun dont les textes viennent se combiner
avec les textes spécifiques prévus par la COBAC ou le code CIMA.
L’Acte Uniforme révisé prévoit désormais que les procédures
collectives s’appliquent aux personnes morales à statut particulier dès
lors que la réglementation qui leur est applicable n’a pas prévu des
dispositions spécifiques dérogatoires.

La problématique de la soumission des entreprises publiques aux


procédures collectives demeure controversée dans les législations
36
nationales. En effet, si l’État, les collectivités publiques et les
établissements publics administratifs ne peuvent être soumis aux
procédures collectives, ni subir des voies d’exécution, cette exclusion
ne concerne pas les entreprise publiques exerçant des activités
économiques dans les mêmes conditions que les opérateurs du secteur
privé, d’où l’application des procédures collectives à « toute entreprise
publique ayant la forme de personne morale de droit privés ». Les
entreprises concernées sont celles constituées sous forme de sociétés
anonymes, de société d’économie mixte, de société para publique, de
sociétés à capital public créées en vue de l’exécution d’activités à
caractère commercial, industriel ou financier. Une incertitude demeure
quant à la nature juridique des entreprises concernées.

P2 : Les règles de compétence

L’intervention judiciaire suppose au préalable la détermination de


la juridiction compétente tant matériellement que territorialement.

A- La compétence matérielle

La compétence matérielle ou compétence d’attribution renseigne


sur l’ensemble des matières dont la juridiction a vocation à connaître,
c’est-à-dire ses occupations habituelles.

D’après l’article 3 de l’AUPCAP « La conciliation, le règlement


préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens relèvent
de la juridiction compétente en matière des procédures collectives.
Cette juridiction est également compétente pour connaître de toutes

37
les contestations nées de la procédure collective, de celles sur
lesquelles la procédure collective exerce une influence juridique ainsi
que celles concernant la faillite personnelle et les autres sanctions, à
l’exception de celles qui sont exclusivement de la compétence des
juridictions administrative, pénales et sociales ». Il s’agit suivant les
États parties au traité OHADA, du tribunal de première instance, du
tribunal de grande instance ou du tribunal régional statuant en matière
civile et commerciale. Quelques États ont créé des tribunaux de
commerce fonctionnant sous la présidence des magistrats
professionnels et des assesseurs commerçants.

La soumission des entreprises publiques ayant la forme de


personne morale de droit privé est diversement appliquée dans les
États parties au traité OHADA car certains États y soustraient
allègrement leurs entreprises publiques au traitement judiciaire,
dérogeant ainsi aux règles normales de compétence.

B- La compétence territoriale

La compétence territoriale est réglementée par l’article 3-1 de


l’AUPCAP qui dispose : « La juridiction territorialement compétente
pour connaitre de toutes les procédures visées par le présent acte
uniforme est celle dans le ressort de laquelle :

- Le débiteur personne physique a son principal


établissement sur le territoire national ; ou
- Le débiteur personne morale a son siège social sur le
territoire national.
38
Si le principal établissement ou le siège social est à l’étranger, la
procédure se déroule devant la juridiction dans le ressort de laquelle se
trouve le principal centre d’exploitation du débiteur personne
physique ou personne morale situé sur le territoire national.

La juridiction du siège ou du principal établissement de la


personne morale est également compétente pour prononcer le
règlement préventif, le redressement judiciaire ou la liquidation des
biens des personnes solidairement responsables du passif de celle-ci ».

Les tribunaux s’efforcent de regrouper les différentes procédures


devant une seule juridiction afin de mieux assurer la gestion des
intérêts en cause à l’exception des affaires réservées à la compétence
des autres juridictions.

En général la compétence territoriale est attribuée au lieu


effectivement considéré comme le centre principal des intérêts du
débiteur même lorsque le siège social est distinct du siège statutaire.
On retient le lieu du siège réel pour les personnes morales et le
tribunal du domicile de l’entrepreneur individuel.

Section II : Les organes des procédures collectives

Les procédures collectives en droit OHADA sont d’une


organisation complexe en raison de nombreux organes judiciaires ou
non qui interviennent dans leur mise en œuvre. On distingue les
organes de décision, les organes de contrôle, les organes

39
d’information ou de représentation. On peut les regrouper en organes
judiciaires, les auxilliaires professionnels et les organes des créanciers.

P1 : Les organes judiciaires

Le traitement des difficultés des entreprises fait intervenir le


tribunal, le président du tribunal, le ministre public et le juge-
commissaire.

A- Le tribunal

C’est le tribunal qui a la direction générale des opérations et une


compétence élargie en matière de procédures collectives. Les
attributions du tribunal consistent en la nomination des organes
chargés d’animer la procédure et à les remplacer en cas de besoin.
C’est au tribunal qu’incombe la lourde tâche de prendre les décisions
importantes sur le sort de l’entreprise, la situation des salariés et des
créanciers, les sanctions contre les dirigeants. Il fixe la date de
cessation des paiements et les actions susceptibles d’être suspendues
ou poursuivies. Il fixe la mission des mandataires judiciaires et peut la
modifier suivant la situation de l’entreprise. Le rôle du tribunal est
fondamental car il est au centre de toutes les opérations nécessaires
aux procédures collectives.

B- Le président du tribunal

Il a un rôle essentiel dans la protection des intérêts de l’entreprise


et des créanciers. Il dispose des pouvoirs étendus dans le traitement
préventif des difficultés. Ses attributions sont d’ordre procédural. Il a

40
compétence exclusive pour prononcer l’ouverture de la conciliation et
du règlement préventif et désigne le conciliateur et l’expert. Il doit
recueillir les informations sur la situation économique, financière et
sociale de l’entreprise, les agissements des dirigeants et le sort des
créanciers afin de statuer sur la procédure collective à mettre en
œuvre. Il doit y avoir une étroite collaboration entre le président du
tribunal et le juge-commissaire.

C- Le juge-commissaire

C’est un magistrat du siège qui est nommé par le tribunal dès


l’ouverture des procédures collectives, avec pour mission générale de
veiller au déroulement rapide de celles-ci et à la protection des intérêts
en présence.

D’après l’article 39 de l’AUPCAP, le juge-commissaire a un rôle


administratif et un rôle juridictionnel à remplir dans les procédures
collectives. Son office administratif se traduit par le contrôle qu’il
exerce sur les autres organes de la procédure puisqu’il peut grâce à ses
rapports susciter leur nomination ou révocation. Il remplit sa fonction
juridictionnelle à travers les ordonnances qu’il rend en fonction des
opérations qu’il doit autoriser ou rejeter dans les procédures
collectives. Il a désormais pour attribution principal de procéder aux
vérifications et admissions des créances, d’autoriser les licenciements
économiques, le paiement des créances urgentes, de centraliser les
informations sur la situation de l’entreprise et des créanciers et de
veiller à leurs intérêts. Les fonctions du juge-commissaire

41
commencent à la date de l’ouverture des procédures collectives et
prennent fin à la date de leur clôture, sauf remplacement en cas de
manquement à ses missions. Il peut faire l’objet de révocation et de
sanction lorsqu’il commet certaines fautes ou s’écarte de ses missions
(article 39 al.5).

D- Le ministère public

Il est l’organe judiciaire dont la présence est nécessaire pour


préserver l’efficacité du déroulement des procédures collectives et la
protection de l’intérêt général. D’après l’article 47 de l’AUPCAP,
« Le ministère public est informé du déroulement de la procédure de
redressement judiciaire et de liquidation des biens par le juge-
commissaire ». Il peut, à toute époque, requérir communication de
tous actes, livres ou documents relatifs à la dite procédure ».

Le législateur a prévu entre le ministère public et le juge-


commissaire une collaboration renforcée, matérialisée par une
communication réciproque des renseignements utiles à
l’administration de la procédure, y compris les informations provenant
d’une procédure pénale concernant le débiteur, nonobstant le secret
professionnel.

Auparavant, le ministère public intervenait dans la faillite


seulement pour demander le prononcé des sanctions pénales contre
les dirigeants fautifs. Le législateur OHADA a accru le rôle du
ministère public dont l’intervention directe s’observe dans les
domaines à la fois répressifs et économiques. L’action répressive du
42
parquet lui donne le pouvoir de déclencher les poursuites, de
poursuivre, de surveiller et d’exécuter les sanctions. Il peut saisir les
juridictions pénales ou former des recours contre les décisions. Le rôle
économique du parquet réside dans la protection de l’ordre public
économique et de l’intérêt général. Dans le but de sauver l’entreprise
et l’économie nationale son rôle doit s’intensifier sur les questions
économiques et sociales.

P2 : Les organes auxiliaires

Les organes auxiliaires sont des membres de professions diverses


qui concourent au déroulement des procédures collectives, soit en
assistant les juges ou les parties, soit en les représentant, soit enfin
dans la surveillance du déroulement de la procédure. Il existe deux
catégories d’auxiliaires :

- Les auxiliaires professionnels inscrits sur les listes


nationales tenues par les autorités judiciaires (experts,
mandataires judiciaires, assistants spécialisés, administrateurs
judiciaires). Les mandataires judiciaires (experts, syndic,
liquidateur) procèdent à l’administration et à la surveillance de
l’entreprise tout au long de la procédure collective ;
- Les contrôleurs qui sont désignés par le juge-
commissaire parmi les créanciers non-salariés pour veiller au
déroulement des procédures collectives (article 48) ;
- L’assemblée des créanciers : l’article 122 de
l’AUPCAP organise la convocation des créanciers à

43
l’assemblée concordataire pour voter l’accord relatif au
redressement de l’entreprise, au délai de paiement et à la
remise des dettes.

La complexité des problèmes posés par les défaillances


d’entreprises impose la participation indispensable de plusieurs
organes dans l’administration de la justice. Le syndic et le juge-
commissaire peuvent demander la désignation d’un ou de plusieurs
experts ou des contrôleurs pour l’analyse des opérateurs ou des faits
suspects ou complexes et pour surveiller l’exercice des missions des
auxiliaires dans la procédure. Tous les organes intervenant dans les
procédures collectives ont droit à une rémunération fixée par le
tribunal en concertation avec le débiteur. Tous les professionnels ou
mandataires de justice peuvent encourir des responsabilités en cas de
violation des règles de procédure collective.

CHAPITRE II : LES PROCEDURES PREVENTIVES

Des dispositions de l’Acte Uniforme révisé aménagent des


procédures préventives destinées à traiter par anticipation les
difficultés des entreprises afin d’éviter la cessation des paiements et
l’ouverture du redressement judiciaire ou la liquidation des biens.
Selon la gravité de la situation de l’entreprise le choix du traitement
préventif peut se porter soit sur la procédure de conciliation, soit sur le
règlement préventif.

Section I : La procédure de conciliation

44
La conciliation est la nouvelle procédure de traitement préventif,
instituée par l’article 2 alinéa 1 de l’AUPCAP révisé qui dispose : « la
conciliation est une procédure préventive, consensuelle et
confidentielle, destinée à éviter la cessation des paiements de
l’entreprises débitrice afin d’effectuer, en tout ou en partie, sa
restructuration financière ou opérationnelle pour la sauvegardes. Cette
restructuration s’effectue par le biais de négociations privées et de la
conclusion d’un accord de conciliation négocié entre le débiteur et ses
créanciers ou, au moins ses principaux créanciers, grâce à l’appui d’un
tiers neutre, impartial et indépendant dit conciliateur ».

La mise en œuvre de la procédure de conciliation suppose de


s’interroger sur ses caractères et conditions d’ouverture, ainsi que sur
le déroulement et la fin de la procédure.

P1 : Les caractères et les conditions de la procédure de


conciliation

Pour être attractive et offrir toutes les garanties de sérieux et une


sécurité suffisante, la procédure de conciliation doit présenter certains
caractères et respecter des conditions rigoureuses.

A- Les caractères exigés de la procédure de conciliation

Pour la rendre efficace, la procédure de conciliation a besoin


d’une souplesse, d’une contractualisation, d’une confidentialité et
d’une célérité afin d’atteindre ses objectifs. La souplesse de la
procédure se manifeste au niveau de ses conditions de fond qui sont

45
assouplies quant aux personnes concernés et surtout quant à la nature
des difficultés permettant l’ouverture de la procédure (difficultés
prévisibles ou avérées). La confidentialité de la procédure de
conciliation résulte de l’absence de la publicité du jugement
d’ouverture et de l’obligation de confidentialité imposée à toute
personne qui participe à la procédure. La confidentialité doit durer de
l’ouverture jusqu’à l’issue de la procédure de conciliation. Cette
confidentialité a pour finalité d’éviter d’alerter les concurrents sur les
difficultés des entreprises concernées.

La procédure de conciliation présente un caractère contractuel


résultant de la négociation et de la conclusion d’un accord entre le
débiteur et ses principaux créanciers. Cet accord amiable appelé
concordat est destiné à mettre fin aux difficultés des entreprises et à
éviter la cessation des paiements.

La rapidité de la procédure est l’un des critères de l’efficacité du


traitement préventif des difficultés. L’article 5-3 de l’AUPCAP fixe la
durée de la procédure de conciliation à trois mois, pouvant être
prorogée d’un mois au plus par une décision motivée du président de
la juridiction compétente.

B- Les conditions d’ouverture de la procédure de conciliation

La procédure de conciliation exige certaines conditions de fond et


des conditions de forme.

1- Les conditions de fond

46
Elles portent essentiellement sur les personnes susceptibles d’être
soumises à la procédure de conciliation et sur la situation économique,
financière, sociale et juridique du débiteur. Mais les personnes
susceptibles d’être soumise aux procédures collectives ayant été
abordées dans le chapitre relatif au domaine d’application des
procédures collectives en droit OHADA, il convient de s’en tenir à la
situation du débiteur.

D’après l’article 5 de l’AUPCAP, « La conciliation est ouvertes


aux personnes visées par l’article 1-1 ci-dessus, qui connaissent des
difficultés avérées ou prévisibles mais qui ne sont pas encore état de
cessation des paiements »

2- Les conditions de forme

L’ouverture de la procédure de conciliation est conditionnée par


la saisine du président de la juridiction compétente au moyen d’une
requête conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs créanciers (article
5-2 de l’AUPCAP). Cette requête doit être accompagnée de
documents datant de moins de trente (30) jours cités par l’article 5-2
précité.

P2 : Le déroulement et la fin de la procédure de conciliation

La conciliation est ouverte par la présidente du tribunal et sa


durée ne peut excéder quatre mois. Mais entre le début et la fin de la
procédure, son déroulement est marqué par plusieurs opérations.

A- Le déroulement de la procédure

47
Il débute par la nomination d’un conciliateur, se poursuit par la
conclusion d’un accord qui fera l’objet d’homologation par le juge.

La décision du président du tribunal ouvrant la procédure nomme


un conciliateur dont la mission est de faciliter la conclusion d’un
accord amiable entre le débiteur et ses créanciers. Le conciliateur est
désigné sur la liste des mandataires judiciaires mais toute personne
réputée pour sa compétence, son honnêteté et sa neutralité peut être
nommée (cf article 5-4 de l’AUPCAP). Le conciliateur est nommé
pour une durée qui ne peut excéder quatre mois. Les conditions de
rémunération du conciliateur sont déterminées par le président du
tribunal et le débiteur.

La conclusion de l’accord entre le débiteur et ses créanciers


débute par le choix des créanciers que le débiteur voudrait appeler à la
négociation et les dates proposées. Sont généralement appelés les
créanciers dont le montant des créances est élevé (banque,
fournisseurs, administration fiscale ou organisme de sécurité sociale).
Le débiteur leur demande des délais de paiement ou d’abandon de
créances. En contrepartie le législateur accorde aux créanciers qui ont
consenti des concours sous forme d’apports de trésorerie, de biens ou
des services pour assurer le redressement de l’entreprises, un privilège
dit « de new money ». La signature de l’accord est destinée à mettre
fin aux difficultés de l’entreprises.

B- La fin de la procédure de conciliation

48
La conciliation prend fin par la signature de l’accord, en tout cas,
à l’expiration du délai n’excédant pas trois ou quatre mois s’il y a eu
prorogation. La conciliation peut prendre fin également de façon
anticipée lorsque le conciliateur constate l’impossibilité de parvenir à
un accord ou en cas de survenance de la cessation des paiements. La
conclusion de l’accord ou l’échec de la conciliation marque
inexorablement la fin de la procédure de conciliation. L’accord signé
peut être déposé au rang des minutes chez un notaire ou faire l’objet
d’homologation ou d’exequatur par la juridiction compétente.
L’homologation a pour intérêt de conférer à l’accord l’autorité de la
chose jugée et de donner aux parties un titre permettant l’exécution
forcée du concordat. Le président du tribunal peut homologuer
l’accord et accorder au débiteur les délais de grâce judiciaire prévus
par l’article 1244 du code civil pour les créances non incluses dans
l’accord.

Section II : La procédure de règlement préventif.

D’après l’article 2 de l’AUPCAP révisé, « Le règlement préventif


est une procédure collective préventive destinée à éviter la cessation
des paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de
son passif au moyen d’un concordat préventif ». Il consiste à assister
le chef d’entreprise afin de faciliter la négociation d’un accord avec
les créanciers d’où la pratique de recours à la désignation d’un
conciliateur.

49
Les conditions d’ouverture, le déroulement et les issues de la
procédure du règlement préventif méritent d’être examinés.

P1 : Les conditions d’ouverture de la procédure

L’ouverture de la procédure du règlement préventif est soumise


au respect d’un certain nombre de conditions de fond et de forme.

A- Les conditions de fond

Elles sont relatives au champ d’application de la procédure et à la


nature des difficultés susceptibles de donner lieu à l’ouverture de la
procédure.

Le domaine du règlement préventif est prévu par l’article 1-1 de


l’AUPCAP, tandis que le critère d’ouverture est prévu par l’article 6
alinéa 1 de l’AUPCAP : « Le règlement préventif est ouvert au
débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de
difficultés financière ou économiques sérieuses ». Ce texte indique
deux conditions cumulatives :

- L’entreprise ne doit pas être en état de cessation des


paiements car si tel était le cas c’est le traitement curatif de
redressement ou de liquidation qui devrait être appliqué ;
- L’entreprise doit éprouver des difficultés
économiques ou financières sérieuses c’est-à-dire assez graves
pour justifier l’ouverture d’une procédure collective

B- Les conditions de forme

50
La demande d’ouverture de la procédure de règlement préventif
se fait par requête du débiteur ou par une requête conjointe du débiteur
avec un ou plusieurs de ses créanciers, déposée au greffe du tribunal
compétent contre récépissé. Dans la requête, le débiteur expose ses
difficultés ainsi que les perspectives de redressement et d’apurement
de son passif. La requête du débiteur doit être accompagnée des
documents cités par l’article 6-1 de l’AUPCAP, datant de moins de 30
jours.

Tous les documents doivent être datés, signés et certifiés


conformes et sincères par le requérant. Dans le cas où un document ne
peut être fourni ou ne peut l’être qu’incomplètement, la requête doit
contenir les motifs de cet empêchement.

P2 : Le déroulement de la procédure de règlement préventif

C’est le chef d’entreprise ou le représentant de la personne morale


saisit le président du tribunal compétent d’une requête dans laquelle il
expose la situation de son entreprise et sollicite le règlement préventif.
Le débiteur a la faculté de demander l’application d’une procédure
simplifiée de règlement préventif s’il s’agit d’une petite entreprise
(entreprise individuelle ou sociétaire dont le nombre de travailleurs est
inférieur ou égal à 20 t dont le chiffre d’affaires n’excède pas
cinquante millions de francs (50.000.000f cfa)).

Le président du tribunal apprécie le bien-fondé de la demande et


s’il y a lieu, fait convoquer le chef d’entreprise par les soins du
greffier. Si toutes les conditions requises par la loi sont remplies, il
51
décide d’ouvrir la procédure de règlement préventif et il désigne un
expert pour une durée de trois mois, prorogée en cas de besoin d’un
mois. L’ordonnance qui désigne l’expert fixe sa mission et sa
rémunération (article 8 de l’AUPCAP). Dès sa nomination l’expert
doit déclarer s’il remplit ou non les conditions.

Dans le cadre de la mission principale de l’expert, il doit élaborer


un rapport contenant le concordat préventif proposé par le débiteur ou
conclu entre lui et ses créanciers, au plus tard les trois mois de sa
désignation. Sa mission consiste à entendre le débiteur et les
créanciers et à leur prêter ses bons offices pour parvenir à un accord.
L’expert engage sa responsabilité civile envers le débiteur ou les
créanciers s’il ne respecte pas le délai pour établir et remettre son
rapport. Il peut être remplacé en cas de conflits d’intérêt- ou s’il ne
remplit plus les conditions légales.

D’après l’article 12 in fine de l’AUPCAP, l’expert doit mettre en


contact le débiteur et ses créanciers afin qu’ils parviennent à un
accord. La formation du concordat est le fruit de rudes négociations
sous l’œil vigilant de l’expert qui joue le rôle de conciliateur.

La nature contractuelle du concordat de règlement préventif


implique la liberté de négociation de l’accord Mais l’extension des
effets de l’accord aux créanciers non signataires remet en cause le
caractère relatif de l’accord (désormais la suspension des poursuites
individuelles s’étend à toutes les créances antérieures à la décision
d’ouverture du règlement préventif : Art 9).

52
L’accord signé après conclusion doit être déposé au greffe du
tribunal aux fins d’homologation, l’homologation confère l’autorité de
la chose jugée et interdit toute modification. D’après l’article 15
alinea 2 de l’AUPCAP, lorsque la situation de l’entreprise débitrice le
justifie, la juridiction compétente homologue le concordat préventif,
en constatant les délais et remises de dette consentis par les créanciers
et donnant acte au débiteur des mesures proposées pour le
redressement de l’entreprise. Le juge homologue le concordat si les
conditions de validité » sont remplies en audience non publique.

P3 : Les issues de la procédure de règlement préventif

Le règlement préventif n’a pas un caractère collectif car il ne


réunit pas les créanciers en masse autour de leur débiteur. Pendant les
négociations, chaque créancier discute et consent les délais de
paiement ou des remises de dettes qu’il voudra accorder au débiteur.
Certain créanciers refusent tout accord, n’étant pas convaincus des
propositions faites par le débiteur ou redoutent un imminent état de
cessation des paiements. Les issues de la procédure de règlement
préventif sont incertaines, ce qui justifie l’inefficacité de cette
procédure.

Dans certains cas, le concordat peut être mal exécuté ou inexécuté


ou avoir été irrégulièrement formé d’où leur annulation ou résolution
(cf article 139 à 143 de l’AUPCAP. En cas d’inexécution des
engagements résultant de l’accord, le tribunal prononce la résolution
du concordat ainsi que la déchéance de tout délai de paiement accordé.

53
Le tribunal peut être saisi par requête d’un ou de plusieurs créanciers
partis à l’accord ou de ceux auxquels un délai a été imposé. Après la
résolution les créanciers recouvrent leurs droits initiaux, c’est-à-dire
l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite.

Les effets de l’accord de règlement préventif ont lieu entre les


parties c’est-à-dire entre le débiteur et ses créanciers qui doivent
respecter leurs engagements. Le débiteur doit honorer ses échéances et
prendre des mesures de redressement promises dans l’accord. Les
obligations des créanciers signataires consistent à respecter des délais
et les remises de dettes accordés au débiteur. Certains effets tels la
suspension des poursuites individuelles s’imposent à tous les
créanciers (article 9 de l’AUPCAP). Il en est de même de
l’interdiction de prendre de nouvelles sûretés car celles-ci sont de
nature à aggraver le passif du débiteur.

Le règlement préventif est la procédure la plus sollicitée dans la


pratique. Mais il est rare que l’on parvienne à obtenir une procédure
réussie qui aboutit à éviter la cessation des paiements, la procédure
étant toujours demandée trop tard, lorsque la situation de l’entreprise
est très dégradée ou en cas d’arrêt des activités.

DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES

 KALIEU ELONGO (YR), Le droit des


procédures collectives, PUA, 2016

54
 ASSOG RAVI KOMLAN, « Les procédures
collectives d’apurement du passif dans l’espace OHADA,
penant 2000, n°832, P.67
 ROUSSEL-GALLE (P), « OHADA et
difficultés des entreprises, Etudes critiques des conditions et
effets de l’ouverture de la procédure de règlement préventif
 NGA (D-J), Le nouvel encadrement des
mandataires judiciaires en zone OHADA, mémoire Master,
université de Ydé II 2015
 FENEON (A), « Des mandataires mieux
encadrés, pour une procédure plus efficace » Revue Droit et
patrimoine n°253, dec 2015, P.65
 Kalieu Elongo (YR), Les organes des
procédures collectives », Encyclopédie du droit OHADA,
éd. Lamy 2011, P.1295
 DERRIDA (F), « Du rôle des contrôleurs dans
le redressement judiciaire et la liquidation des biens »
Mélange Honorat, éd.Frison-Roche, 2000, P.89 ;
 EKOM (G-F), L’introduction de la procédure de
conciliation dans l’AUPCAP, mémoire master, Uv. Ydé II
2017

QUESTIONS PRATIQUES

- Quelles sont les personnes susceptibles de subis les


procédures collectives

55
- Quels sont les organes dans les procédures collectives
- Enumérer les conditions de fond de chaque procédure
- Quelles sont les formalités à accomplir pour leur
ouverture
- Quelles sont les conditions requises pour être nommé
conciliateur
- Quelles sont les missions et responsabilités de
l’expert
- Quels sont les effets de l’ouverture de chaque
procédure collective
- Quelles sont les issues de la procédure de conciliation
- Quelles sont les juridictions compétentes en matière
de procédures collectives.

CHAPITRE II : LE TRAITEMENT CURATIF DES


DIFFICULTES DES ENTREPRISES

Après le traitement préventif, le second volet de l’action au


tribunal est le traitement curatif des difficultés des entreprises en
faisant recours au redressement judiciaire si l’entreprise est encore
viable, ou à la liquidation des biens lorsque le redressement et le
sauvetage de l’entreprise sont manifestement impossibles. Pour les
petites entreprises, l’AUPCAP révisé a prévu des procédures
simplifiées.

Si les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des


biens obéissent aux mêmes conditions d’ouverture et ont des effets

56
similaires, elles se distinguent dans leur déroulement. Les procédures
collectives internationales présentent également ses particularités.

Section I : Les conditions et les effets des procédures de


redressement judiciaire et de liquidation des biens

Une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des


biens ne peut être ouverte et avoir des effets attendus qu’à l’égard des
personnes remplissant certaines conditions de fond ou de forme.

P1 : Les conditions d’ouverture

Elles sont réglementées par les articles 25 à 29 de l’AUPCAP. On


distingue les conditions de fond de celles de forme.

A- Les conditions de fond

Les conditions de fond tiennent tantôt à la qualité du débiteur,


tantôt à la situation économique et financière de l’entreprise. Il
convient de s’en tenir ici à la situation économique et financière de
l’entreprise, à savoir l’état de cessation des paiements.

L’AUPCAP retient comme critère essentiel de l’ouverture des


procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens,
l’état de cessation des paiements de l’entreprise débitrice. Ainsi
d’après l’article 25 la cessation des paiements est « l’état où le
débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif
exigible avec son actif disponible, à l’exception des situations où les
réserves de crédits ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie
de la part de ses créanciers permettent de faire face à son passif
57
exigible ». Une entreprise est donc en état de cessation des paiements
lorsqu’elle est dans l’incapacité de payer ses dettes échues avec ses
liquidités, les réserves de crédits ou les moratoires dont elle dispose.

L’actif disponible comprend les sommes en caisse, effets de


commerce échus, des titres de placement du solde créditeur des
comptes bancaires, de valeurs mobilières, ‘actif immobilier, les
matériels de valeurs, les réserves de crédits.

Le passif exigible s’entend des dettes impayées arrivées à


l’échéance et dont le paiement peut être revendiqué. Le passif de
l’entreprise est constitué d’obligations financières et des paiements
obligatoires. Les obligations financières résultent des transactions
civiles ou commerciales tandis que les paiements obligatoires
correspondent aux impôts et charges sociales.

L’impossibilité est caractérisée en cas d’absence total d’actif ou


d’insuffisance d’actif ou d’utilisation des moyens anormaux pour se
procurer des liquidités. Cette situation révèle l’insolvabilité du
débiteur. Dans certaines situations la procédure collective peut être
ouverte dans des cas particuliers sans que l’état de cessation des
payements soit démontré. On parle à leur égard de « cas autonomes »
d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens ou de « cas d’ouverture-sanction » ou des « cas
d’extension des procédures collectives aux dirigeants sociaux ou aux
associés ».

B- Les conditions de forme


58
Les procédures collectives s’ouvrent par un acte juridictionnel.
Mais contrairement au règlement préventif qui s’ouvre par une
ordonnance du président du tribunal, le redressement judiciaire et la
liquidation des biens s’ouvrent par un jugement du tribunal compétent
appelé « jugement d’ouverture ».

Les modes de saisine de juridiction compétente divergent suivant


les personnes investies du droit de solliciter l’ouverture de la
procédure. Aux termes des articles 25, 28 de l’AUPCAP, l’ouverture
des procédures peut être demandée par le débiteur, par un créancier,
par le ministre public ou par le tribunal qui peut se saisir d’office.

La saisine par déclaration du débiteur, encore appelée dépôt de


bilan est réglementée par l’article 25 alinéa 2 de l’AUPCAP. Elle doit
être faite dans les trente (30) jours qui suivent la cessation des
paiements, sous peine de sanction de banqueroute simple (art 228 al.3)

La saisine par assignation par créancier est prévue par l’article 28


de l’AUPCAP qui offre le droit à tout créancier dont la créance est
certaine, liquide et exigible et restée impayée de saisir la juridiction
compétente pour assigner le débiteur. Il suffit de prouver qu’il a
poursuivie en vain le débiteur car il faut que la créance soit réclamée
pour caractériser la défaillance du débiteur.

D’après l’article 29 alinéa 2 de l’AUPCAP, « La juridiction


compétente peut également être saisie par le ministre public. Dans ce
cas il fournit les éléments motivant sa demande ». En cas de

59
dénonciation dans les médias ou en cas de grèves pour non-respect des
engagements financiers le ministre public peut saisir le tribunal.

La saisine d’office par le juge est prévue par l’article 29 ali.1 de


l’AUPCAP qui dispose « La juridiction compétente peut se saisir
d’office, notamment sur la base des informations fournies par le
représentant du ministre public, les commissaires aux comptes des
personnes morales de droit privé, les membres de ces personnes
morales ou les institutions représentative du personnel qui lui
indiquent les faits de nature à motivé cette saisine ». Lorsque les
éléments d’information en sa possession justifient que le tribunal se
saisisse d’office, le juge doit convoquer le débiteur, par les soins du
greffier, à comparaître dans le délai qu’il fixe. La déclaration
d’ouverture d’office les procédure de redressement ou de liquidation
peut intervenir au cours d’une procédure de conciliation ou de
règlement préventif en cas de constat de l’état de cessation des
paiements du débiteur.

On peut faire remarquer que le législateur OHADA n’a pas


autorisé les salariés à saisir le tribunal pour déclencher l’ouverture des
procédures collectives. Ils sont pourtant directement informés de la
situation préoccupante de leur entreprise et concernés par l’avenir de
celle-ci. Ils sont souvent les créanciers les plus malheureux lorsque les
salaires sont impayés et qu’ils doivent attendre dans l’incertitude les
éventuels décaissements.

60
Les règles de compétence sont régies par les articles 3 à 3-2 de
l’AUPCAP pour la compétence interne et l’article 256-3 de
l’AUPCAP en matière de compétence internationale.

Section II : Les effets de l’ouverture des procédures collectives

Les procédures collectives produisent les effets considérables à


l’égard du débiteur et des créanciers. Certains de ces effets concernent
le patrimoine du débiteur ou portent atteintes aux droits des
créanciers, tandis que d’autres ont traits aux responsabilités et aux
sanctions encourues à l’occasion des procédures collectives.

P1 : Les effets de l’ouverture des procédures collectives à l’égard


du débiteur

L’ouverture des procédures collectives de redressement ou de


liquidation a des effets sur le patrimoine du débiteur et sur ses
pouvoirs de gestion. Dès l’ouverture de la procédure l’actif du
débiteur fait l’objet de restrictions d’où des mesures conservatoires,
des inventaires des biens du débiteur et des mesures tendant à
l’assistance et au dessaisissement du débiteur. Le passif doit être
également inventorié pour connaitre la situation patrimoniale du
débiteur et les garanties dont disposent les créanciers.

La décision d’ouverture des procédures collectives emporte la


désignation des mandataires judiciaires/syndic ou liquidateur) qui ont
pour mission la gestion du patrimoine du débiteur rendu indisponible
par le dessaisissement. Au cours de la période d’évaluation, la gestion

61
de l’entreprise va subir des modifications dues à la présence des
mandataires. La mission du syndic est fixée par le tribunal qui peut
choisir entre trois formules :

- Le syndic surveille seulement le débiteur maintenu à


la tête de ses affaires dans ses opérations de gestion ;
- Le syndic assiste le débiteur pour tous les actes de
gestion et son accord est nécessaire pour les actes
importants tels les actes de disposition ;
- Le syndic remplace le débiteur qui est dessaisi de tous
ses pouvoirs de gestion et assure la gestion de l’entreprise

Si le tribunal estime que la survie de l’entreprise le requiert, il


peut exiger le remplacement d’un ou de plusieurs dirigeants sociaux
(cf. article 52 à 60 de l’AUPCAP).

Exceptionnellement, lorsque la disparition de l’entreprise serait de


nature à causer des troubles graves à l’économie nationale ou
régionale, le tribunal peut choisir de mettre l’entreprise en location-
gérance.

Les principaux droits et obligations de l’entreprise :

- Les mesures conservatoires (inventaires, remises des


documents et livres aux mandataires, actes nécessaires à la
conservation des droits, inscription des sûretés ;
- La continuation des contrats en cours ;

62
- Interdiction de payer les créances nées avant le
jugement d’ouverture
- L’interdiction de faire des actes de disposition
étrangers à la gestion courante, sous peine de sanctions civiles
et pénales
- L’interdiction de constituer des sûretés au profit des
créanciers antérieurs
- interdiction de compromettre ou transiger, sauf
autorisation du juge-commissaire, sous peine de sanctions

P2 : Les effets de l’ouverture des procédures de redressement


judicaire et liquidation des biens à l’égard des créanciers

L’ouverture des procédures collectives a des effets sur les droits


des créanciers. Toutefois il faut distinguer la situation des créanciers
suivant qu’il s’agit des créanciers antérieurs ou postérieurs au
jugement d’ouverture.

Les créanciers dont la créance est née avant le jugement


d’ouverture sont soumis à diverse obligations.

A- Les règles générales applicables aux créanciers antérieures

1- La déclaration des créances

D’après l’article 78 de l’AUPCAP, tous les créanciers antérieurs,


à l’exception des salariés, doivent produire ou déclarer leur créance,
dans le délai de 60 jours ou de 90 jours suivant qu’ils sont domiciliés
dans l’État d’ouverture des procédures ou à l’étranger. C’est après la

63
déclaration, les vérifications et l’admission des créances qu’ils feront
partie de la masse des créanciers et pourront faire valoir leur droit au
paiement des créances. Les créances produites hors délais ou non
déclarées sont frappées de la sanction de forclusion. Les créances
frappées de forclusion sont inopposables et ne peuvent être payées
dans les procédures collectives.

2- L’arrêt des poursuites individuelles

D’après l’article 75 de l’AUPCAP, le jugement d’ouverture du


redressement judiciaire suspend ou interdit toute action en justice de la
part de tous les créanciers antérieurs et tendant exclusivement :

- Soit à la condamnation du débiteur au paiement d’une


somme d’argent
- Soit à la résolution d’un contrat pour défaut de
paiement d’une somme d’argent
- Le jugement d’ouverture arrête ou interdit également
les voies d’exécution (saisie de la part des créanciers sur les
meubles ou les immeubles du débiteur.

3- L’arrêt du cours des intérêts

D’après l’article 77 de l’AUPCAP, le jugement d’ouverture des


procédures collectives arrête le cours des intérêts légaux et
conventionnels, ainsi que les intérêts de retard et les majorations à
l’égard de la masse seulement. Cette règle ne s’applique pas aux
contrats de prêts conclus pour une durée supérieure ou égale à un an.

64
4- L’absence de déchéance du terme

Le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non


échues à la date de son prononcé (article 70 AUPCAP) sauf en cas de
liquidation des biens car le jugement de liquidation rend exigibles les
créances non échues.

5- L’interdiction des inscriptions des sûretés

Après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, les


créanciers ne peuvent plus inscrire les hypothèques, nantissement et
privilèges. Si une inscription est prise, elle sera annulée

6- Les inopposabilités de la période suspecte

Elles sont prévues par les articles 67 à 71 de l’AUPCAP. D’après


l’article 67, sont inopposables à la masse des créanciers les actes
passés par le débiteur pendant la période suspecte débutant à la date de
cessation des paiements et finissant à la décision d’ouverture des
procédures collectives.

B- Les règles particulières à certaines catégories de créanciers

Malgré le principe d’égalité des créanciers, certains droits sont


réservés à certains créanciers antérieurs :

- Les créanciers revendiquants bénéficient des actions


en revendication résultant des clauses de réserve de propriété
ou du droit de rétention qui accroissent leur chance d’être
payés.

65
- Les créanciers gagistes ou hypothécaires conservent
leurs sûretés et peuvent exercer leur droit de suite.
- Le conjoint du débiteur peut exercer son droit de
reprise pour reprendre ses biens trouvés en la possession du
débiteur car celui-ci n’engage que ses biens propres et les biens
communs à l’exclusion des biens personnels ou des biens
propres du conjoint in bonis (art 99 et 100).
- Les salariés bénéficient d’une protection particulière
portant sur leur emploi et sur les créances salariales grâce au
privilège et super privilège des salaires (articles 95 et 96) de
l’AUPCAP.
- Le contrat de bail d’immeuble affecté à l’activité de
l’entreprise obéit à des règles particulières. Le bailleur ne peut
résilier le bail pour défaut de paiement des loyers échus avant
le jugement d’ouverture (l’article97 de l’AUPCAP). Le non-
paiement n’ouvre droit qu’à la déclaration au passif du
débiteur. Mais lorsque le défaut de paiement concerne les
loyers et charges afférents à une occupation postérieure au
jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation
de plein droit du contrat de bail (par l’effet d’une clause
résolutoire).

C- Les créanciers postérieurs au jugement d’ouverture

Les créanciers postérieurs sont ceux dont les créances sont nées
après le jugement d’ouverture. Les créances visées sont toutes celles

66
qui résultent de la continuation de l’activité de l’entreprise ou de toute
activité régulière du débiteur ou du syndic. Elles peuvent être
d’origine contractuelle, quasi contractuelle, légale ou délictuelle
(articles 107 à 117 de l’AUPCAP).

Les créanciers postérieurs bénéficient d’une priorité de paiement


car leurs relations permettent le redressement de l’entreprise. Les
créanciers postérieurs n’ont pas l’obligation de déclarer leurs créances
et ne subissent pas de restrictions à leurs droits. Leurs créances sont
payées à l’échéance prévue au contrat. En cas de non-paiement les
créanciers postérieurs ne sont pas soumis à l’interdiction des
poursuites individuelles : l’exercice des voies d’exécution est possible
dans les conditions de droit commun.

C’est pour attirer les apporteurs des financements des biens ou


des services que le législateur OHADA a prévu de réserver aux
créanciers postérieurs et aux créanciers ou cocontractants bénéficiaires
du privilège de new money un régime de faveur dans le traitement des
difficultés des entreprises. Mais en cas d’insuffisance d’actifs, le
traitement prioritaire réservé à ces créanciers risque de se heurter à des
obstacles insurmontables résultant de l’insolvabilité du débiteur.

Section II : Le déroulement des procédures de redressement


judiciaire et de liquidation des biens

Les divergences dans le déroulement des procédures sont


tellement profondes qu’il convient d’en mesurer les spécificités en

67
retraçant les grandes étapes du redressement judiciaire puis de la
liquidation des biens.

P1 : Le déroulement de la procédure de redressement judiciaire

La procédure de redressement judiciaire, régie par les articles 25 à


38 et 119 à 145 de l’AUPCAP, est destinée à la réorganisation de
l’entreprise afin de permettre le maintien de l’activité et des emplois,
et éventuellement l’apurement du passif. L’objectif de sauvetage de
l’entreprise est l’enjeu crucial et tous les moyens doivent être mis en
œuvre pour l’atteindre sans porter d’attentes excessives aux droits des
créanciers. Certains contrats choisis par le syndic doivent se
poursuivre même sans contrepartie.

Les contrats de travail bénéficient d’un régime de faveur, ils se


poursuivent normalement pendant la période d’évaluation. Cependant,
sur autorisation du juge-commissaire, des licenciements économiques
sont possibles s’ils présentent un caractère urgent, inévitable et
indispensable. De même il est interdit au syndic ou au débiteur de
compromettre (signer un compromis d’arbitrage) ou de transiger
(terminer à l’amiable une contestation).

Dès sa saisine, la juridiction compétente doit d’abord vérifier la


qualité et la situation économique et financière du débiteur et
s’assurer que l’entreprise est encore viable. La déclaration de
l’ouverture du redressement judiciaire est subordonnée à la
constations de l’état de cessation des paiements qui doit être prouvée
par celui qui s’en prévaut. Avant le jugement d’ouverture plusieurs
68
formalités doivent être effectuées dont les plus importantes sont la
formation, le vote et l’homologation du concordat de redressement,
puis l’exécution du concordat détermine les issues de la procédure.

A- La formation, le vote et l’homologation du concordat de


redressement judiciaire

La formation du concordat est régie par les articles 119 à 130 de


l’AUPCAP. La procédure de redressement judiciaire consiste en la
négociation du concordat dont les propositions faites par le débiteur
peuvent être voté par les créanciers qui acceptent d’accorder des délais
de paiement ou des remises de dettes. Pour être sérieux et recueillir le
vote favorable de plusieurs créanciers, le projet de concordat doit
contenir les éléments permettant de vérifier la viabilité économique de
l’entreprise et les modalités de continuation de l’exploitation. Le
président du tribunal fait la convocation des créanciers qui ont été
avisés par publicité, à l’assemblée concordataire. L’article 122 alinéas
2 prévoit plusieurs documents qui doivent être joints à la convocation
individuelle, tandis que les articles 123 à 125 réglementent
l’organisation de l’assemblée concordataire. Le débiteur et les
dirigeants des personnes morales doivent se présenter en personne,
sauf motif jugé légitime tandis que les créanciers peuvent se faire
représenter ou voter par correspondance.

En principe tout concordat voté par les créanciers peut être


homologué par le juge (cf article 127 AUPCAP).

69
B- Les issues de la procédure de redressement judiciaire et
l’exécution du concordat

L’homologation du concordat met fin à la procédure de


redressement judiciaire et au dessaisissement du débiteur qui peut
reprendre la libre administration de ses activités (article 136 de
l’AUPCAP). La décision d’homologation met fin aux fonctions des
organes de la procédure.

Les issues de la procédure sont diverses : la procédure peut


déboucher soit sur la poursuite des activités de l’entreprise par le
débiteur, soit sur la cession totale ou partielle d’actifs, soit enfin sur la
conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens. En
effet, en cas d’échec du plan de redressement ou à défaut de solution
de continuation de l’activité ou de cession de l’entreprise, le tribunal
doit prononcer la liquidation des biens.

L’exécution complète du concordant suppose que le débiteur a


respecté tous ses engagements envers les créanciers dans les termes
convenus et dans les délais.

P2 : Le déroulement de la procédure de liquidation des biens

La liquidation des biens est une voie d’exécution collective et


universelle dans laquelle tous les biens du débiteur sont vendus pour
payer les créanciers. C’est donc une procédure tendant à la liquidation
du patrimoine d’un débiteur en cessation des paiements au moyen de
la réalisation de tous ses actifs et du règlement de ses dettes avec les

70
sommes ainsi obtenues. Elle est la solution conçue lorsqu’aucune
possibilité de sauvetage n’a pu être élaborée c’est-à-dire lorsque la
situation de l’entreprise est complètement compromise.

La liquidation s’opère de manière chronologique en commençant


par son prononcé, ses opérations et sa clôture.

A- Le prononcé de la liquidation des biens

Le prononcé de la liquidation des biens peut intervenir soit dès


l’ouverture de la procédure si les conditions requises sont remplies,
soit après un temps d’évaluation par conversion des autres procédures
collectives en liquidation des biens en raison de l’impossibilité de
redresser l’entreprise ou à titre de sanction. Deux conditions sont
exigées pour qu’il y ait liquidation immédiate dès l’ouverture des
procédures collectives ; soit la cessation d’activité, soit l’impossibilité
manifeste d’un redressement de l’entreprise.

Bien que le redressement soit la procédure la plus sollicitée, si au


cours de la procédure le juge constate l’impossibilité pour l’entreprise
d’être redressée, il prononce la liquidation des biens par conversion.
Ainsi d’après l’article 141 alinéa 2, « En cas de résolution ou
d’annulation du concordat du redressement judiciaire, la juridiction
compétente convertie le redressement judiciaire en liquidation des
biens et nomme le syndic ».

B- Les opérations de liquidation des biens

71
La liquidation signifie en principe le démantèlement de
l’entreprise, la vente de ses biens, le licenciement de son personnel et
le partage des sommes perçues entre les créanciers en raison de la
nature de leurs droits. Tous les biens du débiteur doivent être vendus
pour désintéresser les créanciers. Les opérations de liquidation
consistent donc en la réalisation de l’actif du débiteur et en la
répartition du produit de ces réalisations entre les créanciers. Mais
avant d’exercer les opérations de liquidation, le liquidateur doit
effectuer des actes préparatoires ou des actes de gestion afin de
maximiser l’actif et mieux apurer le passif.

1- La réalisation des actifs du débiteur

Les articles 147 à 163 de l’AUPCAP réglementent les conditions


dans lesquelles le liquidateur doit procéder aux réalisations des actifs
du débiteur. Il peut y avoir cession globale ou isolée des biens.
Lorsque les biens sont cédés isolement, on distingue la cession des
meubles de la vente d’immeubles. La cession globale d’actifs est régie
par l’article 160 de l’AUPCAP, d’après lequel « Tout ou partie de
l’actif mobilier ou immobilier comprenant, éventuellement, des unités
d’exploitation peut faire l’objet d’une cession globale ».

La réalisation des meubles comprend, d’une part la vente des


biens meubles et d’autre part le recouvrement des créances du
débiteur. Le liquidateur dispose d’un délai de 90 jours pour les vendre
de gré à gré et passé ce délai il pourra procéder à la vente aux
enchères des biens subsistants. La cession doit être faite aux

72
meilleures conditions pour obtenir les meilleurs prix. Le liquidateur ne
peut acquérir les biens mis en vente ni à titre personnel ni par
représentation.

La réalisation des immeubles se fait sous formes prescrites en


matière de saisie immobilière. Le juge-commissaire fixe la mise à
prix, les modalités de vente et de publicité. Il peut autoriser le
liquidateur à vendre de façon amiable ou par adjudication organisée
par un notaire aux conditions fixées en la matière. La vente
d’immeuble sous saisie immobilière doit suivre les prescriptions des
articles 246-323 de l’AUVE. L’article 179-1 de l’AUPCAP exclut
l’application de réalisation des immeubles dans la procédure de
liquidation des biens simplifiée car cette opération est complexe et
lente.

L’argent perçu de la réalisation des biens du débiteur doit être


déposé dans un compte bancaire crée à cet effet.

2- L’apurement du passif

L’apurement du passif consiste en des opérations de compte


liquidatif et de règlement c’est-à-dire le versement des sommes dues
par le débiteur. Cet apurement contraint souligne la situation
d’insolvabilité du débiteur, son insuffisance d’actif pour faire face à
l’ensemble de son passif.

L’ordre de paiement des créanciers est prévu par les articles 166
pour les immeubles et 167 de l’AUPCAP, pour les meubles. D’après

73
l’article 164 de l’AUPCAP, « Le juge-commissaire ordonne, s’il y a
lieu, une répartition des deniers entres les créanciers, en fixe la quotité
et veille à ce que tous les créanciers en soient avertis ». Le liquidateur
adresse à chaque créanciers admis, en règlement de sa créances un
chèque en son ordre tiré sur le compte ouvert à cet effet dans une
banque, à la caisse d’épargne ou au trésor publique. Afin de permettre
un suivi de cette opération, l’article 169 impose aux liquidateurs
d’établir un rapport sur l’état de la liquidation chaque trimestre.

C- La clôture de la liquidation des biens

Les opérations de liquidation prennent fin par un jugement de la


juridiction compétente qui prononce la clôture de la liquidation. La
décision de clôture de la liquidation fixe le délai aux termes desquels
la procédure est examinée (18 mois), prorogé au plus de 6 mois par
une décision spécialement motivée (article 170 l’AUPCAP). Les
articles 173 et 178 prévoient plusieurs hypothèses de clôtures à savoir
la clôture de la liquidation de biens pour insuffisance d’actifs ou la
clôture pour extinction du passif.

La clôture pour insuffisance d’actifs intervient lorsque les


opérations de liquidations sont effectuées et qu’il ne reste plus de
fonds à répartir entre les créanciers, bien qu’ils ne soient pas
intégralement désintéressés. L’hypothèse la plus courante est celle
dans laquelle les opérations de liquidation ne peuvent être menées à
leur terme, parce que l’ensemble d’actif du débiteur est insuffisant
pour couvrir son passif.

74
La clôture pour extinction du passif est l’hypothèse de clôture,
rare en pratique ou il n’existe plus de passif exigible à la fin des
opérations de liquidation ou lorsque le liquidateur dispose des sommes
suffisantes pour assurer le paiement intégral des créances et des frais
de procédure.

La décision de clôture de la procédure de liquidation des biens a


pour principal effet de mettre fin aux fonctions de tous les organes.
Corrélativement le dessaisissement cesse et le débiteur revient à la
gestion de ses affaires, ce qui se conçoit pour l’entrepreneur personne
physique contrairement aux sociétés et aux personnes morales qui sont
dissoutes et disparaissent définissent à la fin de la liquidation.

DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES

 NANGIP MONEYANG (S), « La réforme des


procédures collectives OHADA : quelle avancée pour le
traitement des difficultés de l’entreprise ? », Le Nemro,
juillet-Septembre 2017, P.207 et s
 BARBIERI (J-F), « Les choix des techniques de
traitement des difficultés des entreprises », Rev.proc.
colt.2005, P.346
 KONATE (M), Le redressement et la
liquidation mieux encadrés et plus rapides, droit et
patrimoines n°253, dec 2015, P.39

75
 MARTINEAU-BOURGINAUD (W), La
cessation des paiements, notion fonctionnelle, RTD. Com
2002, P.245
 BOULAY (J-C), « Réflexion sur la notion
d’exigibilité de la créance, RTD. com. 1990, P.349
 CAMPANA (M), FERNANDEZ, « Entreprises
en difficulté, redressement judiciaire (conditions
d’ouverture) » Rep.com Dalloz 2014

QUESTIONS PRATIQUES

- Quelles personnes peuvent déclencher la procédure en


saisissant le tribunal ?
- Quels sont les modes de saisine ?
- Quelles informations préalables au jugement
d’ouverture devraient avoir le juge avant de statuer sur
l’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire ?
- Quelles sont les conditions de formation du concordat
de redressement judiciaire quel est le sort des contrats en
cours ?
- Quelles sont les opérations de liquidation des biens ?
- Quelles sont les hypothèses de clôture de la
liquidation ?
- A la fin de la liquidation, quel est le sort des créances
impayées ? Les créanciers peuvent-ils exercer les poursuites
individuelles et contre qui ?

76
- Quel est le but de la période d’évaluation ?

CHAPITRE IV : LES PROCEDURES COLLECTIVES


INTERNATIONALES

La procédure collective internationale est une procédure qui fait


appel à l’application du droit international privé. En effet, lorsqu’une
entreprise est implantée dans plusieurs États ou lorsqu’elle a des
créanciers de différentes nationalités ou domiciliés dans différents
pays, l’ouverture d’une procédure collective suppose de résoudre au
moins trois questions classiques en droit international privé : quel est
de tribunal compétent ? Quelle est la loi applicable ? Quelle sera la
reconnaissance de la procédure ouverte dans les pays concernés et
quels sont les effets d’une procédure ouverte hors de l’espace
OHADA ?

Il convient de traiter de la détermination de la juridiction


compétente et de la loi applicable avant d’envisager les problèmes de
reconnaissance des décisions rendues dans l’espace OHADA et les
effets des procédures ouvertes hors de cet espace.

Section I : La détermination de la juridiction compétente et de la


loi applicable

Le principe de la pluralité des procédures collectives est de prime


abord consacré en droit OHADA. Un même débiteur qui possède des
biens dans plusieurs États peut être soumis à plusieurs procédures
parallèles pour le traitement de ses difficultés d’où le problème de

77
compétence internationale. L’acte uniforme tente d’harmoniser les
règles de compétence judiciaire. Mais comme en matière de faillite
internationale, la compétence juridictionnelle et la compétence
législative sont étroitement liés, il est également important de prendre
en considération la question de conflit des lois.

P1 : La détermination de la juridiction compétente

Les enjeux de la détermination de la compétence juridictionnelle


sont considérables car en absence du droit matériel harmoniser au
niveau international, les droits communautaires ou nationaux relatifs
aux procédures collectives continues de s’appliquer. Or la solution du
conflit de juridiction commande la solution du conflit de lois : la loi
du tribunal désigné régira une part essentielle des procédures
collectives. Le juge qui est compétent pour ouvrir la procédure
appliquera sa propre loi. A la différence de la convention d’Istanbul
qui ne pose que des règles de compétence indirectes, l’AUPCAP
contient des règles de compétence internationales directes. L’article 3-
1 de l’AUPCAP consacre comme critère de compétence les notions de
siège social, de principal établissement ou de principal centre
d’exploitation. Le principal établissement pour les personnes
physiques correspond au domicile professionnel, ce qui peut être
distinct du centre d’exploitation ou du domicile familial. Le principe
est donc la compétence du principal établissement pour les personnes
physiques et du siège social pour les personnes morales. Lorsque la
juridiction d’un État partie au traité OHADA est compétente pour

78
ouvrir une procédure collective internationale, parce que le siège
social ou le principal établissement du débiteur se trouve sur son
territoire conformément à la loi que le juge va statuer. Cette
affirmation est à la fois attributive de compétence juridictionnelle et
de compétence législative. Mais plusieurs États peuvent revendiquer
simultanément leur compétence sur le fondement de l’article 3-1 de
l’AUPCAP.

P2 : La détermination de la loi applicable

Les procédures collectives étant au carrefour de plusieurs


branches du droit, nombreuses sont les lois susceptibles de s’appliquer
aux faillites internationales, d’où le problème crucial de compétence
législative. Le règlement des conflits des lois est d’une importance
particulière. La détermination du tribunal compétent présente une
importance plus grande que dans d’autres matières, car elle
conditionne largement la loi applicable. L’AUPCAP dans son titre VII
relatif aux procédures collectives internationales retient la compétence
de la lex fori mais en tempérant cette règle de plusieurs exceptions.

A- La compétence de principe de lex fori

La compétence de principe de la lex fori suppose que la loi


applicable à la procédure de faillite est celle de l’Etat membre du
territoire duquel elle a été ouverte. La détermination de la loi
applicable est tributaire de la juridiction ayant ouvert la procédure. Il y
a attraction du conflit de juridiction sur le conflit des lois. L‘AUPCAP
s’inspire des solutions de la convention Européenne relative aux
79
procédures d’insolvabilité qui admet que « sauf dispositions
contraires, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses
effets est celle de l’Etat membre sur le territoire duquel la procédure
est ouverte ».

Les raisons principales d’appliquer la lex fori sont la forte


importance des aspects procéduraux en matière des procédures
collectives et le fait que les juges seraient plus compétents pour
appliquer leur propre loi qu’ils sont sensés connaitre mieux que les
lois étrangères. L’article 247 détermine le domaine de la lex fori. Plus
que la détermination de la loi applicable, l’article 247 assigne à la lex
fori la mission de déterminer les conditions d’ouverture, le
déroulement et la clôture de la procédure collective.

B- Les exceptions à l’application de la lex fori

Il existe de nombreuses exceptions à la compétence générale de la


loi d’ouverture de la faillite : les matières relevant d’une autre loi que
celle du for et d’autres droits non affectés par la procédure collective.

Certaines matières sont exclues de l’application de la lex fori :


les contrats de travail, le droit et l’obligation relevant d’un système de
paiement ou de règlement ou d’un marché financier, les droits régis
par la loi d’inscription sur un registre.

Les droits non affectées par la procédure collective sont des droits
réels d’un créancier sur les biens du débiteur se trouvant à l’étranger,

80
le droit d’un créancier d’invoquer la compensation, le droit de
rétention ou les droits du vendeur fondés la réserve de propriété.

Section II : La coordination des procédures principales et


procédures secondaire ou territoriales

D’après l’article 259 alinéa 1 de l’AUPCAP, « la


reconnaissance des effets d’une procédure collective ouverte par la
juridiction compétente d’un Etat partie ne fait pas obstacle à
l’ouverture d’une autre procédure collective, y compris une procédure
secondaire, par la juridiction d’un autre Etat-partie pourvu que la
requête en ouverture remplisse les conditions exigées par le présent
acte uniforme »

Le législateur OHADA consacre la théorie des procédures dites


plurales et territoriales car plusieurs procédures collectives peuvent
être ouvertes dans l’espace OHADA, contre le même débiteur. La
procédure dite principale est celle qui est ouverte dans l’Etat où le
débiteur a son principal établissement ou son siège social, tandis que
la procédure qualifiée de secondaire est celle qui est ouverte dans
l’Etat où le débiteur n’a pas son principal établissement ou son siège
social (cf article 1-3). La procédure secondaire doit être ouverte après
la procédure principale et sur un autre territoire que celui du siège
social. Une coordination entre les différentes procédures est nécessaire
grâce à l’instauration d’une hiérarchie entre les procédures.

P1 : Les insuffisances de l’AUPCAP portant sur coordination des


procédures collectives internationales
81
Elles sont de deux ordres : les premiers tiennent à la d’un
dispositif efficace pour l’information et la publicité des procédures.
Tandis que les secondes ont trait à l’instauration d’une meilleure
coopération judiciaire entre différentes juridictions.

A- La nécessité d’un dispositif efficace de publicité

Le droit commun des faillites internationales tient compte des


jugements à l’étranger car cela dans la logique même de la théorie de
l’universalité de la faillite qui conduit à reconnaitre les décisions des
juridictions de l’Etat siège. Cependant pour produire des effets à
l’étranger, toute décision doit avoir reçu l’exéquatur et faire l’objet de
publicité.

La nécessité d’atteindre cet objectif de publicité exige un


dispositif efficace d’information tel la création d’un fichier
électronique accessible sur internet ou tout autre support de
transmission d’information au grand public, et même un système
permettant d’interconnexion des registres nationaux accessible dans
tous les Etats parties. Cette obligation d’information devait viser le
tribunal ayant ouvert la procédure, le débiteur, le syndic désigné, la
décision portant désignation des organes, le délai fixé pour la
production des créances, la date de clôture de la procédure. Cette
information permet aussi aux créanciers de mieux connaitre la
situation de leur débiteur afin de protéger leurs intérêts.

B- La recherche d’une coopération judiciaire

82
La coopération judiciaire peut être définie comme une action
conjointe et coordonnée de deux ou plusieurs Etas dans le domaine de
la justice en vue de parvenir à des résultats communs tant dans la
reconnaissance que dans l’exécution des décisions de justices. Elle
suppose la mise en place des conditions d’un véritable rapprochement
des autres juridictions et des mécanismes de contrôle et d’exécution
des décisions des autres juridictions compétentes.

Dans cet esprit de coopération judiciaire, dès que le juge est saisi
d’une ouverture des procédures collectives ? Il devra vérifier sa
compétence afin de qualifier la procédure ouverte de principale ou de
secondaire. Il devra prescrire la de publicité du jugement ouvrant la
procédure afin de faciliter la connaissance de la procédure ouverte par
les créanciers des autres Etats. Le juge devra tenir compte du
déroulement d’une procédure parallèle poursuivie à l’étranger. Il devra
veiller à la conciliation des intérêts des créanciers locaux avec les
mesures demandées par le représentant ou le tribunal étranger.

Toutefois, l’atteinte des résultats escomptés nécessite la mise en


place d’un système d’information rapide permettant aux différentes
juridictions d’échanger en temps utile. Cette coopération judiciaire
exige une coordination des règles de reconnaissance et une entraide
pour les formalités d’exécution des décisions (cf article 251-1).

P2 : La coordination des actions des organes de la procédure


collective

83
Toutes les actions des organes de la procédure collective doivent
être coordonnées puisqu’elles tendent vers les mêmes objectifs à
savoir connaitre et mieux gérer le patrimoine du débiteur afin de
redresser l’entreprise et payer les créanciers. Mais, l’ouverture de
plusieurs procédures contre un même débiteur a pour conséquence
néfaste de multiplier des organes dans plusieurs juridictions entrainant
des coûts exorbitants. La coordination des actions de différents
organes peut engendrer un climat de tension ou de compétition pour
saisir les biens du débiteur et compromettre le redressement de
l’entreprise. La vérification des créances et la répartition des produits
de la réalisation d’actif du débiteur sont complexes et peuvent
encourager le forum shopping lorsque les créanciers sont domiciliés
dans différents pays.

A- L’étendue du pouvoir du syndic

D’après l’article 249 alinéas1 de l’AUPCAP, « le syndic désigné


par une juridiction compétente peut exercer sur le territoire d’un
autre Etat partie tous les pouvoirs qui lui sont reconnus par le présent
acte uniforme aussi longtemps qu’aucune procédure collective n’est
ouverte dans cet Etat ». L’article 249 prévoit le principe de la
reconnaissance des pouvoirs du syndic principal, mais ceux-ci varient
suivant qu’aucune procédure a été ou non ouverte.

En l’absence de procédure secondaire, le syndic principal peut


exercer sur le territoire des Etas parties tous les pouvoirs qui lui sont
conférés par la loi, y compris le déplacement des biens du débiteur.

84
L’article 256 impose au syndic principal de transférer sans délai le
surplus d’actif aux autres procédures collectives dans lesquelles il y a
insuffisance d’actif, d’où la portée extraterritoriale de la mission du
syndic. Le syndic doit prouver ses pouvoirs par la présentation d’une
copie certifiée conforme à l’original de la décision qui le nomme ou
par tout autre certificat établi par la juridiction compétente.

Les pouvoirs du syndic concernent la représentation du débiteur et


des créanciers, la gestion de l’entreprise pendant le déroulement de la
procédure collective, la réalisation de l’actif du débiteur et
l’apurement de son passif.

Dans l’hypothèse de l’ouverture des procédures secondaires, le


syndic doit s’effacer au profit du syndic secondaire. Mais les syndics
secondaires doivent coopérer avec le syndic principal pour protéger
les intérêts du débiteur et des créanciers. Le syndic principal dispose
des prérogatives spécifiques dans la procédure secondaire telle la
suspension ou la clôture de cette dernière ou sa conversion en
liquidation dans l’intérêt de la procédure principale.

B- Les limites des pouvoirs du syndic

L’exercice des missions du syndic dans les procédures collectives


internationales se heurte à de nombreux obstacles. Le syndic ne
dispose pas de de la force publique pour l’exécution forcée. En cas de
contestation du débiteur ou des tiers, il doit saisir le juge local pour
être autorisé à exercer ses prérogatives. Les pouvoirs du syndic
subissent également deux limites principales résultant de la
85
souveraineté des Etats à savoir les impératifs d’ordres publiques et les
immunités d’exécution.

L’exception d’ordre publique est l’un des mécanismes juridiques


du droit international privé, permettant au juge du for d’écarter
l’application de la loi normalement compétente dès lors que celle-ci
est contraire à l’ordre public.

L’immunité d’exécution ou de saisie est une faveur


exceptionnelle de la loi en vertu de laquelle certains débiteurs ne
peuvent faire l’objet des mesures d’exécution forcée, si bien que leurs
biens deviennent en quelque sorte insaisissables. Il en résulte que sont
paralysées toutes les voies d’exécution tant conservatoires
qu’exécutoires, mobilières ou immobilières de la part des créanciers
contre les personnes protégées par l’immunité. Les immunités
d’exécutions ne sont que des aspects des immunités diplomatiques qui
impliquent l’ensemble des privilèges ayant pour but d’affranchir
certains personnes ou biens, de charges ou obligations.

Les bénéficiaires des immunités sont les Etats étrangers, leurs


services diplomatiques et émanations.

Section III : La reconnaissance des décisions rendues en matière


de procédures collectives internationales

Les articles 247 à 255-1 de l’AUPCAP prévoient des règles de


droit relatives a à la reconnaissance des décisions rendues dans
l’espace OHADA en matière de procédures collectives tandis que

86
l’article 256 du même texte réglemente la reconnaissance des
procédures collectives étrangères ouvertes hors de l’espace OHADA.

P1 : La reconnaissance des décisions rendues dans l’espace


OHADA

Les décisions concernées sont énumérées par l’article 247 de


l’AUPCAP. Il s’agit des décisions d’ouverture et de clôture des
procédures collectives ainsi que celles qui règlent les contestations et
les différents nés de ces procédures ou celles sur lesquelles les
procédures collectives exercent une influence juridique. Les décisions
fondées sur l’AUPCAP font l’objet de reconnaissance de plein droit
dans les autres Etats parties et lorsqu’elles sont exécutoires, elles ont
autorité de chose jugée sans attendre qu’elles soient définitives. Une
fois reconnues ces décisions peuvent être traitées comme celles
rendues par les juridictions des Etats parties. Le principe de
reconnaissance de plein droit étendu aux décisions rendues par les Etat
extérieurs à l’espace OHADA si elles sont reconnues conformément
aux dispositions applicables aux procédures collectives étrangères
(article 247 alinéa 2). Mais l’exécution forcée des décisions étrangères
requiert l’exéquatur.

Cependant l’AUPCAP confère une reconnaissance mesurée mais


utilement coordonnée aux décisions rendues dans l’espace OHADA.
Ainsi entre Etats parties, la reconnaissance des décisions en matière de
procédure principale a un effet universel (article 251 al.2 de
l’AUPCAP) tandis que les procédures secondaires n’ont d’effets que

87
dans le territoire où elles ont été ouvertes. Une procédure principale
n’est pas encore ouverte (article 251 alinéa 3 à 4 de l’AUPCAP).

D’après l’article 255-1 de l’AUPCAP « en cas de pluralité de


procédures collectives restantes, le surplus d’actif est reparti au
prorata du montant des passifs admis dans chacune de ces
procédures ». La coordination des juridictions et des syndics s’impose
entre le procédure principale et les procédures secondaires. La
coordination des juridictions est une innovation de l’AUPCAP révisé,
inspirée de la loi type relative à l’insolvabilité transfrontalière de la
CNUDI. Il en est de même de la reconnaissance des procédures
étrangères.

P2 : La reconnaissance des décisions rendues hors de l’espace


OHADA

Les procédures collectives ouvertes hors de l’espace OHADA


peuvent intéresser cet espace dès lors que le débiteur y possède des
biens, des créanciers ou des dettes. La règlementation des procédures
collectives consacrée par l’AUPCAP s’inspire directement de la loi
type de la CNUDI. D’après l’article 256 l’AUPCAP « le présent
chapitre a pour objet d’offrir des moyens efficaces pour traiter des
procédures collectives étrangères au sens de l’article 1-3 ci-dessous
afin de promouvoir les objectifs suivants : … » les objectifs visés sont
la coopération entre les juridictions, la garantie de la sécurité
juridique, l’administration équitable des procédures, protéger les
intérêts du débiteur et de faciliter son redressement.

88
L’AUPCAP révisé a pour ambition de créer un cadre juridique
propice à la reconnaissance et à l’exécution des décisions rendues en
matière de procédures collectives internationales, en assurant la
coopération judiciaire et en protégeant les intérêts en cause.

L’attractivité du droit OHADA et la promotion des


investissements étrangers dans l’espace OHADA constituent pour les
professionnels étrangers un gage d’accès aux tribunaux des Etats
parties et une sécurisation de leurs affaires. Les professionnels
étrangers peuvent demander l’ouverture d’une procédure collective
locale ou participer à une procédure déjà ouverte si les conditions sont
réunies. Ils peuvent ainsi présenter des requêtes et des conclusions
devant le tribunal local en vue de la protection de leurs biens, de leur
réalisation et la répartition du produit des ventes des actifs. Les
professionnels sont habiletés à communiquer directement avec les
organes locaux et à coopérer avec eux sous le contrôle du tribunal
local.

La reconnaissance de la procédure de la procédure collective


étrangère ne se confond pas avec la procédure d’exéquatur. Elle
consiste à accorder à une décision étrangère les effets prévus par la loi
d’ouverture, mais c’est une procédure de droit interne où le législateur
détermine souverainement les modalités de la reconnaissance et ses
effets. La procédure collective étrangère doit être une procédure
judiciaire, administrative ou autre, régie par une loi relative à
l’insolvabilité c’est-à-dire remplir les conditions requises par le droit

89
étranger relativement aux procédures collectives. La demande de
reconnaissance incombe aux représentants étrangers ou organes
désignés ayant la capacité d’agir au titre de représentant de la
procédure collective étrangère (article 256 -10 de L’AUPCAP).
L’article 256-14 détermine les modalités à suivre par le représentant
étranger qui doit souhaiter voir reconnaitre la procédure collective
étrangère dans un Etat de l’espace OHADA. Il doit fournir un certain
nombre de documents énumérés par le texte, rédigés et traduit dans la
langue officielle de l’Etat concerné.

L’article 256-19 de l’AUPCAP énumère les effets de la


reconnaissance des procédures étrangères principales : arrêt des
poursuites individuelles et des procédures civiles d’exécution visant la
saisie des biens et des droits du débiteur. Sont aussi visées les
obligations du débiteur qui sont suspendues (paiement des dettes
exigibles), le transfert des droits du débiteur, la constitution des
sûretés et droit de disposition sur ses biens. Tout acte de disposition
est interdit afin d’assurer l’égalité effective des créanciers et geler le
patrimoine du débiteur à la date de la décision de reconnaissance.
Cette reconnaissance n’interdit pas l’ouverture d’une procédure
collective en vertu de l’AUPCAP dans un Etat partie et même dans
l’Etat qui a reconnu la procédure étrangère. D’après l’article 256-21
alinéa 3, les mesures prises peuvent être levées à la demande du
praticien étranger d’office ou à la demande des personnes lésées par la
procédure.

90
DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES

 VALENS (J-L), « Droit européen de la faillite », D. 1995,


P.307

 VALENS et GIORGINI (sous la direction), Etude


comparative des procédures d’insolvabilité, Vol.18, paris,
société de législation comparée 2015 et D.2017, P.2439

 DAMMANN ®, MENJUCQ et ROUSSEL GALLE, le


nouveau règlement européen pour les procédures
d’insolvabilité, reconnaissance procédure collective 2015. Et
HENRY (C), le nouveau règlement d’insolvabilité entre
continuité et innovation, D. 2015, 979

 NABET (P), la coordination des procédures d’insolvabilité


en droit de la faillite internationale et communauté, Litec 2010

 HENRY (L-C) et VALENS (J-L), « le droit international


privé de l’acte uniforme OHADA » droit et patrimoine n°253,
Décembre 2015, P49

 BILONGO (A-M), A la recherche de l’efficacité dans les


procédures collectives internationales, Thèse Université de
Yaoundé II 2020 ; KOM (J), commentaire d’arrêt, affaire
ATTIBA /Air Afrique in les grandes décisions de la CCJA,
Harmatan 2010

91
QUESTIONS PRATIQUES

- Définir les notions de procédures collections


internationales procédure principale, procédure secondaire,
procédure territoriale

- Déterminer la juridiction compétente et les critères de


compétence internationale des juridictions.

- Le rôle du syndic dans l’articulation entre procédure


principale et procédures secondaires ou territoriales

- Les immunités et l’exécution des décisions dans l’espace


OHADA

- L’étendue des pouvoirs du syndic dans le PCI

- La coopération entre juridictions en matière de PCI

CHAPITRE V: LES RESPONSABILITÉS ET SANCTIONS


DANS LES PROCÉDURES COLLECTIVES

Les responsabilités et les sanctions peuvent être prononcées à


l’occasion du déroulement des procédures collectives. En effet, en
dehors des crises économiques et financières sociales ou sanitaires qui
entrainent la défaillance en cascades des entreprises, la faillite de
certaines entreprises est imputable à leurs dirigeants qui accomplissent
des actes fautifs ou frauduleux contraires à l’intérêt social. Il parait
donc naturel que les dirigeants d’entreprises soient civilement ou
pénalement responsables des actes, d’infractions ou des violations des

92
dispositions règlementaires ou législatives applicables dans les
entreprises.

Section I : les responsabilités dans la défaillance des entreprises.

La vie des affaires est soumise en permanence au contrôle du


droit pénal et du droit de la responsabilité civile visant à assainir les
relations commerciales et à prévenir certains comportements perçus
comme contraires à l’éthique professionnelle. Dans le cas particulier
des procédures collectives, la responsabilité d’un certain nombre de
personnes peut être recherchée tant sur le plan civil que pénal. Les
dirigeants sont civilement responsables de leurs fautes de gestion. La
faute des tiers peut également donner lieu à la mise en jeu de leur
responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil ou de
l’article 118 de l’AUPCAP.
P1 : La responsabilité personnelle des dirigeants

Le droit des entreprises en difficulté recherche la responsabilité


personnelle des dirigeants lorsqu’il faut sanctionner des
comportements qui ont conduit à la défaillance de l’entreprise. Toute
personne qui dirige une société ou un groupement est responsable
envers la personne morale, les associés et les tiers, des fautes qu’elle
commet dans l’exercice de ses fonctions et du dommage causé par ses
fautes. Cette responsabilité peut être civile pénale, fiscale, et la
responsabilité du passif social en cas d’ouverture des procédures
collectives ou lorsque le dirigeant s’est porté caution des dettes de la
société dirigée.

93
La responsabilité des dirigeants étant une responsabilité pour
faute prouvée, sa mise en œuvre exige que plusieurs conditions soient
remplies. Les personnes pouvant agir en vue d’une condamnation du
dirigeant sont le mandataire judiciaire, le tribunal lorsqu’il se saisit
d’office, le ministère public et les créanciers contrôleurs. La
désignation des dirigeants de droit ou de fait donc la responsabilité
peut être recherchée est prévue par les articles 180 et suivants de
l’AUPCAP.

A- L’établissement des fautes des dirigeants

L’établissement des fautes des dirigeants rejoint les critères


prévus en droit commun de la responsabilité civile : il faut un fait
personnel fautif, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le
dommage. La responsabilité des dirigeants ne peut être retenue que si
leurs fautes sont dûment établies. Toutefois dans le domaine de la
procédure collective, la responsabilité des dirigeants est fondée sur des
notions incertaines telles la faute de gestion, l’insuffisance d’actifs,
abus de biens ou de crédits de la société, fautes d’imprudence ou
inexcusables…

La question récurrente de la causalité en matière de responsabilité


civile est cruciale car d’elle dépend l’obligation de réparation du
dommage subi par l’entreprise. Il va alors falloir établir avec certitude
le lien de causalité unissant la faute du dirigeant et le préjudice que
l’on voudrait mettre à sa charge. Les juges doivent apprécier les
circonstances de nature à permettre d’affirmer que le préjudice allégué

94
par la victime a bien pris sa source dans un acte, un fait ou une
abstention imputable au dirigeant. Le dommage réparable est
l’insuffisance d’actif constatée au cours des procédures collectives
(article 183 et 189).

B- Les conséquences de la mise en responsabilité des


dirigeants

La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants a pour


finalité la réparation du préjudice causé tant à la société soumise à la
procédure collective qu’aux créanciers restés impayés. La voie
normale pour réparer le préjudice subi, c’est-à-dire pour remettre les
choses en état, consiste à restaurer la solvabilité que l’entreprise
débitrice n’aurait pas perdue si elle n’avait pas été victime de la faute
reprochée aux dirigeants ou aux tiers.

P2 : La responsabilité des tiers dans les procédures


collectives

Outre les dirigeants dont la responsabilité pourrait être mise en


jeu, d’autres personnes sont susceptibles d’être poursuivies soit sur le
fondement du droit commun soit sur le fondement des articles 118
et186 à 189 de l’AUPCAP. Certaines de ces personnes ont eu à jouer
un rôle important dans l’entreprise, tandis que d’autres sont réellement
des tiers. Il s’agit d’un dirigeant de fait, (article 180 de l’AUPCAP), le
dirigeant décédé (article 30 alinéas 1 et 2 de l’AUPCAP), les tiers
créanciers ou non (l’Etat, les établissements de crédits, les
fournisseurs).
95
La responsabilité des pouvoirs publics se pose avec acuité dans
l’octroi d’aides financières aux entreprises en difficulté dans le cadre
de restructuration. De même, les établissements de crédit ou les
fournisseurs peuvent voir leurs responsabilités engagées pour soutien
abusif ou pour rupture abusive de crédits.

Section II : Les sanctions dans les procédures collectives

Le législateur OHADA prévoit des sanctions à l’égard des


dirigeants et de différentes personnes qui ont commis des fautes et qui
encourent des sanctions diverses et parfois très sévères. Les sanctions
civiles ou patrimoniales en ce qu’elles contribuent à réparer le
dommage subi par l’entreprise et ses créanciers ; elles peuvent être
pénales et avoir un caractère répressif ou dissuasif ; elles peuvent être
professionnelles et avoir pour finalité d’assainir les milieux d’affaires
et de promouvoir la bonne gouvernance d’entreprises en éliminant de
leur gestion les dirigeants incompétents ou malhonnêtes.

P1 : Les sanctions patrimoniales

Les sanctions patrimoniales ou pécuniaires sont prononcées à la


suite des actions en comblement du passif social ou fiscal en extension
des procédures collectives des dirigeants sociaux et de la cession
forcée des actions ou parts sociales.

A- L’action en comblement passif

Elle est prévue par les articles 183 à 189 de l’AUPCAP. Elle est
dirigée contre les dirigeants sociaux qui se sont rendus coupables de

96
fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Lorsque la
faute, le dommage et le lien de causalité sont établis, le juge peut à la
requête du Syndic ou d’office, décider que les dettes de la personne
seront reportés en tout ou en partie avec ou sans solidarité par tous les
dirigeants ou certains d’entre eux. Le juge dispose d’un pouvoir
modulateur absolu pour prononcer la sanction car c’est à lui de
déterminer le montant que doit payer le dirigeant fautif pour combler
le passif ainsi que les modalités de paiement. Mais le principe de
réparation intégrale du préjudice imposé en droit commun, n’est pas
applicable en matière de procédures collectives. Le juge doit tenir
compte du degré de gravité de la faute et de l’importance du dommage
causé pour condamner le dirigeant fautif au comblement de tout ou
partie du passif.

B- L‘action en extension des procédures collectives aux


dirigeants

L’extension des procédures de redressement judiciaire ou de


liquidation des biens consiste à étendre une procédure ouverte à
l’encontre d’une personne à l’égard d’une ou de plusieurs autres
personnes. Cette sanction patrimoniale contre les dirigeants sociaux a
toujours été prévue par le législateur (article 181 et 189 de
l’AUPCAP) pour sanctionner ceux qui ont utilisé la personne morale
dans leur intérêt personnel ou commis certaines fautes de gestion
caractérisées. Mais si l’article 189 prévoit l’extension aux associés
indéfiniment et solidairement responsables du passif social par effet

97
de la loi. En cas d’extension des procédures collectives aux dirigeants,
le passif personnel du dirigeant et le passif de la personne morale
seront confondus dans la procédure ouverte contre le dirigeant, ce qui
rend plus sévère cette sanction par rapport à l’action en comblement
du passif dans laquelle le juge doit moduler la part du passif mise à la
charge du dirigeant.

Les sanctions patrimoniales dans les procédures collectives ont


une très grande importance pratique en ce qu’elles ont à la fois un
caractère dissuasif, punitif et surtout réparateur. Toutefois, leur mise
en œuvre se heurte à plusieurs obstacles liés aux difficultés dans la
recherche de la responsabilité des dirigeants, dans la détermination des
montants de condamnation et surtout dans le recouvrement des
sommes dues à titre d’indemnité. En cas de faillite, les dirigeants
sociaux fautifs ont une responsabilité moins lourde que celle encourue
en droit commun dans le cadre de responsabilité civile, ce qui
constitue un régime de faveur sans fondement logique. À l’analyse de
la jurisprudence, en matière de procédures collectives, certaines
décisions invitent à s’interroger sur la complaisance des sanctions
contre des dirigeants véreux, vue la modicité des montants de
condamnations en réparation des dommages causés aux entreprises.
Même les sanctions pénales sont parfois trop souples.

P2 : Les sanctions pénales encourues par les dirigeants sociaux

Le fait pour un dirigeant de conduire l‘entreprise à la cessation


des paiements ou de provoquer l‘ouverture d’une procédure collective

98
ne constitue pas en soi une infraction pénale. Mais, il peut arriver que
les actes ou omissions des dirigeants ayant entrainé la défaillance de
l’entreprise soient qualifiés d’infraction pénales soit qu’ils constituent
des violations des dispositions relatives au fonctionnement des de
droit commun (articles 889 à 891 de l’AUDSC-GIE), articles 226 à
246 AUPCAP. Les infractions les plus fréquentes sont : l’abus de
biens ou du crédit de la société, le détournement des fonds de la
société, les banqueroutes et infractions assimilées et les infractions
contenues dans certains actes uniformes OHADA (distributions des
dividendes fictifs, faux dans les documents comptables).

L’acte uniforme procède à la pratique de pénalité par renvoi au


droit pénal interne des Etats parties. Les sanctions prononcées peuvent
être soit l’emprisonnement, soit les sanctions pécuniaires et les
déchéances frappant les dirigeants coupables d’infractions. Les
dirigeants peuvent être également condamnés aux peines d’amendes
prévues par disposition de la sécurité sociale. L’amende pénale est
l’obligation faite à un condamné, en vertu d’une décision de la
juridiction répressive, de payer à l’Etat une certaine somme d’argent.
Le code pénal la définit comme « une peine pécuniaire en vertu de
laquelle le condamné, personne physique ou morale, verse ou fait
verser au trésor public une somme d’argent déterminée par la loi ».

P3 : Les sanctions professionnelles

Les sanctions professionnelles sont des mesures répressives qui


portent atteintes durablement à la vie professionnelle du dirigeant

99
fautif. La faillite personnelle et l’interdiction de gérer constituent les
sanctions professionnelles par excellence qui s’appliquent aux chefs
d’entreprises ou aux dirigeants des personnes morales dans le cadre
des procédures de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.
La faillite personnelle et l’interdiction de gérer sont des sanctions
graves, prononcées dans les cas limitativement énumérés par les
articles 196,197 et 198 de L’AUPCAP.

L’article 194 de L’AUPCAP détermine le domaine d’application


quant aux personnes et aux cas de faillite personnelle. Il s’agit des
dirigeants de personnes morales et des entreprises individuelles
susceptibles d’être soumis aux procédures collectives (commerçants,
artisans, agriculteurs, professionnels indépendants). L’article 196 cite
les cas de faillite personnelle. La faillite personnelle peut être
prononcée par la juridiction compétente contre les personnes qui ont
abusé de la personnalité morale dans leur intérêt personnel, soustrait la
comptabilité de leur entreprise, détourné des fonds sociaux, usé du
crédit ou des biens d’une personne morale comme les leurs, commis
des actes de mauvaise foi, des dols ou des imprudences inexcusables
ou autres fautes graves. Mais, on observe que la faillite personnelle et
l’interdiction de gérer, comme mesures d’éviction des dirigeants ou
entrepreneurs incompétents ou malhonnêtes, sont exclus dans les
procédures collectives préventives telles la conciliation et le règlement
préventif, afin de rendre plus attractives les procédures de prévention.

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Les juridictions compétentes pour prononcer la sanction de faillite
personnelle et l’interdiction de gérer sont la juridiction qui a ouvert les
procédures collectives et le tribunal correctionnel à titre de sanction
complémentaire. Les modalités de saisine des juridictions sont
prévues par les articles 199 et 200 de L’AUPCAP.

Les effets des sanctions professionnelles sont très graves pour


l’avenir professionnel des personnes concernées. Outre la perte du
mandat social, le tribunal peut imposer la cession forcée des droits
sociaux qu’ils possèdent à titre d’associés. Pour les professionnels
indépendants, qui sont chefs d’entreprises, les sanctions
professionnelles peuvent signifier leur éviction à la tête de leur
entreprise et la fin des activités de celle-ci, surtout en l’absence de
personnes compétentes pouvant représenter le failli. La faillite
personnelle emporte interdiction d’exercer des fonctions électives
publiques.

DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES

 GUYON (Y), « la responsabilité des dirigeants sociaux à


l’égard des tiers lorsque la société fait l’objet d’une procédure
collective » JCPE, 1998, P, 1258-1276

 KOM (J) « la responsabilité des dirigeants sociaux dans la


défaillance d’entreprise à la lumière du droit OHADA et des
dispositions du droit interne Camerounais » RASJ 2011, Vol.8
P, 21 à 43

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 CERF-HOLLENDER (A), JCL. Procédure collectives fasc
2910 « redressement et liquidation judiciaires ; sanctions
professionnelles, faillites personnelles et d’autres mesures
d’interdiction » 2016P. 2010 – 2030.

 ROUVIERE (F), le concours de l’action en comblement du


passif et de l’action civile exercée devant la juridiction
répressive, RTD. com. 2006, P1

QUESTIONS PRATIQUES

- Quelles sont les conditions de mise en jeu de la


responsabilité des dirigeants sociaux ?

- Quelles sont les sanctions en vigueur dans l’AUPCAP ?

- Quel est le texte de la loi Camerounaise traitant des


sanctions pénales des incriminations en droit OHADA ?

- Quelles sont les sanctions professionnelles encourues par


les dirigeants sociaux ?

- En quoi consiste-la faute de gestion ?

- Quelles sont les fautes entrainant la faillite personnelle ?

- Quelles sont les effets de la faute personnelle ?

- Quelles sont les conditions de mises en œuvre de la


banqueroute ?

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