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Résumer droit des

entreprises en
difficultés
Introduction :
Le droit des difficultés des entreprises au Maroc a connu une trajectoire historique fascinante, marquée
par une transition significative de ses fondements juridiques. Initialement ancré dans un système
coutumier influencé par le droit musulman, il a progressivement évolué pour intégrer des éléments du
système juridique français. L'année charnière de cette évolution est indéniablement 1995, avec
l'adoption du code de commerce, qui a posé les bases d'un cadre juridique moderne pour la régulation
des entreprises au Maroc. Cependant, c'est avec la réforme majeure du livre V du code du commerce
en 2018 que le pays a franchi une nouvelle étape dans la consolidation de son droit des difficultés des
entreprises. Cette réforme a apporté des innovations significatives, notamment l'introduction d'une
procédure de sauvegarde destinée à offrir un filet de sécurité aux entreprises en difficulté. L'objectif
sous-jacent de cette réforme est double : d'une part, moderniser le système judiciaire marocain pour le
rendre plus adapté aux réalités économiques contemporaines, et d'autre part, renforcer la gouvernance
et la réorganisation des entreprises en difficulté, afin de favoriser leur pérennité et leur contribution à
l'économie nationale.

Procédure collective :
1. Justiciables susceptibles de bénéficier des procédures collectives au Maroc
Le législateur marocain ne précise pas les justiciables susceptibles de bénéficier ou non du droit des
procédures collectives – La loi n°73-17 évoque la notion de « l’e/se », du « débiteur » L’art 546 du
C.com utilise la notion générique de l’e/se qui fait référence au « commerçant : personne physique ou
morale – donc la société commerciale voire industrielle).

2. Extension de la procédure aux dirigeants sociaux


Le principe reste l’ouverture de la procédure collective à l’égard de la personne morale – en vertu du
principe de séparation de l’homme et de l’e/se. Cette séparation est d’ailleurs au cœur de la création de
la technique sociétaire – la société ayant son existence propre et ses attributs et reste distincte de ses
associés. La justification de l’extension de la procédure aux dirigeants sociaux : reste possible dans des
cas où ce dernier a contribué à la défaillance de l’E.SE ou à l’aggravation de la situation de l’E.SE à
travers ses actes ou sa négligence. Les sanctions encourues en cas d’extension de la procédure :
commission d’une faute de gestion, vente des biens de l’E.SE, abus de confiance–abus de biens
sociaux

3. Les organes des procédures collectives (Art 670 loi 73-17)


Le tribunal : Le tribunal qui rend le jugement d’ouverture détient le pouvoir d’administration et de
direction de la procédure. A cet effet, il dispose d’une compétence élargie pour connaître de toutes les
contestations découlant des procédures de redressements et de liquidations judiciaires, comme
l’extension des procédures à une entreprise du fait de la confusion du patrimoine, ou aux dirigeants de
l’entreprise lorsque les conditions sont réunies.
Le syndic (mandataire judiciaire) : Au Maroc, le statut du syndic demeure ambigu en l'absence d'un
texte spécifique. Les personnes désignées en tant que syndic relèvent généralement de la profession
des chiffres, en particulier les experts-comptables. Le syndic assume une double mission : gérer la
procédure et protéger les intérêts en présence, notamment ceux du débiteur, des créanciers et des
salariés. Il est désigné dans les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation
judiciaire par le tribunal. Au Maroc, aucun texte ne fixe le montant de sa rémunération, qui est
déterminé par le tribunal en fonction de la complexité de l'affaire. Le syndic peut être remplacé pour
juste motif, et l'initiative de sa révocation peut être prise par le chef d'entreprise, les contrôleurs,
l'assemblée des créanciers, le ministère public ou le juge commissaire Les contrôleurs : représentants
des créanciers /et les salariés Art 678 loi 73-17) : La nomination d'un contrôleur dans le cadre d'une
procédure collective est régie par l'article 678. Le contrôleur peut être une personne physique ou
morale, et parmi les contrôleurs, il y a le contrôleur représentant les créanciers, le contrôleur
représentant les salariés, et un à trois contrôleurs désignés par le juge commissaire parmi les créanciers
privilégiés et chirographaires. La mission des contrôleurs est gratuite, et ceux-ci assistent le syndic
dans ses fonctions et le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l'administration de
l'entreprise. Ils rendent compte de l'exercice de leur mission aux créanciers, et leur révocation est
décidée par le tribunal sur demande du juge commissaire ou du syndic. Les contrôleurs peuvent
engager une action en responsabilité contre un dirigeant, si le mandataire judiciaire a été mis en
demeure d'intenter une action et qu'il n'y a pas procédé

4. Procédures de prévention : interne et externe


 L'alerte interne est une procédure préventive confidentielle gérée en interne par le chef
d'entreprise pour attirer son attention sur les difficultés de l'entreprise et éviter la cessation des
paiements. Elle vise à mettre en place un plan d'action ciblé pour redresser la situation de
l'entreprise. Cette procédure peut bénéficier à plusieurs justiciables et est déclenchée dès lors
que l'entreprise rencontre des difficultés de nature et d'ampleur moindre qu'elle peut gérer avec
ses propres moyens.
 L'alerte interne est principalement basée sur l'information recueillie relativement au
fonctionnement de l'entreprise, telle que l'information comptable, les tableaux de bord de
l'entreprise, la veille commerciale et juridique. La prévention externe et la prévention interne
sont deux procédures complémentaires pour traiter les difficultés d'une entreprise. La
prévention externe a un domaine d'application plus large, s'appliquant à toutes les sociétés
commerciales et artisanales, et concerne le Tribunal de Commerce. Elle peut être déclenchée
par le commissaire au compte ou le chef d'entreprise lorsque la continuité de l'exploitation est
compromise malgré le déclanchement de la prévention interne. La mission du président du
tribunal est d’envisager des mesures propres à permettre le redressement de l'entreprise,
disposant de pouvoirs très larges et d'un caractère d'ordre public

5. La procédure de conciliation et ses spécificités (Art550 à 555 du CC)


La conciliation est une procédure préventive introduite par la loi n°73-17 qui vise à redresser la
situation d'une entreprise en difficulté financière grâce à une solution négociée entre le débiteur et ses
principaux créanciers. Elle est déclenchée par le débiteur et fait intervenir un tiers de confiance, le
conciliateur, pour aider l'entreprise à aplanir les oppositions avec ses créanciers et trouver un accord.
La conciliation est une procédure confidentielle remplaçant celle amiable, et la suspension des
poursuites individuelles est possible. Les créanciers qui apportent des fonds, des biens ou des services
dans le cadre de la procédure de conciliation bénéficient d'un privilège de l’argent frais et en
contrepartie de nouveaux fonds ou de nouveaux services octroyés à l’E. Se. Dans le mandat ad hoc, la
suspension des poursuites individuelles n’est pas requise, Or dans la conciliation la Suspension des
poursuites individuelles est possible - Le tribunal peut rendre une ordonnance autorisant la suspension
des actions individuelles des créanciers. Le tribunal homologue l’accord intervenu entre le débiteur et
ses créanciers - Dans la conciliation l’accord signé est d’ailleurs étendu aux créanciers non signataires

6. Comparaison procédures préventives externe : le mandat ad hoc et la


conciliation
La comparaison entre le mandat ad hoc et la conciliation se base sur plusieurs aspects. Tout d'abord,
les conditions d'ouverture des deux procédures sont similaires, visant à aider une entreprise en
difficulté sans qu'elle soit en cessation de paiement. Ensuite, la procédure de conciliation est
déclenchée par le chef d'entreprise, tandis que le mandat ad hoc est ouvert par le président du tribunal.
Les organes de la procédure diffèrent également, avec la conciliation impliquant un conciliateur pour
aider le débiteur à trouver un accord avec les créanciers, tandis que le mandat ad hoc implique un
mandataire spécial. De plus, la durée de la procédure de conciliation est de 4 mois maximum,
renouvelable une fois, tandis que la durée du mandat ad hoc n'est pas déterminée par la loi. Enfin, la
conciliation permet l'homologation de l'accord, ce qui n'est pas prévu pour le mandat ad hoc.
7. Procédure de sauvegarde :
1) Conditions d’ouverture
 Condition de fond : La procédure de sauvegarde peut être ouverte à l'encontre d'une entreprise
qui éprouve des difficultés financières avec un risque imminent de cessation des paiements,
sans que sa situation ne soit irrémédiablement compromise.
 Condition de forme : Le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements au moment de la
demande, et la procédure est initiée par le dépôt d'une demande accompagnée d'un projet de
plan de sauvegarde et d'un dossier de pièces constitutives.
 Frais de procédures : Le tribunal fixe le montant des frais de publicité et d'administration de la
procédure, que le débiteur doit régler sans délai à la caisse du tribunal.
 Rôle du tribunal : Avant d'auditionner le débiteur, le tribunal obtient toutes les informations
nécessaires pour apprécier la situation de l'entreprise, et peut solliciter l'assistance d'un expert
pour produire un rapport sur sa situation (délai de 15jrs).

2) Les effets de l’ouverture de la sauvegarde


L'ouverture de la procédure de sauvegarde entraîne plusieurs mesures de publicité, notamment
l'enregistrement de l'ordonnance au registre du commerce, la publication d'un avis d'ouverture de la
sauvegarde dans un bulletin officiel et un journal d'annonces légales, ainsi que la notification du
jugement au chef de l'entreprise et au syndic désigné.
Le syndic joue un rôle clé dans la sauvegarde, en contrôlant l'exécution du plan de sauvegarde par le
débiteur et en gérant la phase de déclaration des créances. Pendant la période d'observation, le débiteur
conserve ses pouvoirs de direction sous le contrôle du syndic, mais avec certaines restrictions. Le plan
de continuation dans la procédure de sauvegarde vise à dresser le bilan financier, social et économique
de l'entreprise, sur lequel le syndic proposera au tribunal l'adoption du plan de sauvegarde présenté par
le débiteur ou sa modification, voire sa conversion en redressement judiciaire ou en liquidation
judiciaire.
Les créances antérieures à l'ouverture de la procédure ne peuvent être payées, seules les créances
postérieures utiles à la procédure le seront à échéance, et les autres seront payées conformément au
plan négocié, dont la durée est de cinq ans renouvelable une seule fois.

8. Procédure de redressement
1) Conditions d’ouverture
 Objectif : Le redressement judiciaire est une procédure curative visant à aider une entreprise
en difficulté à travers un plan de continuation directe ou indirecte
 Condition de fond : Pour ouvrir cette procédure, l'entreprise doit éprouver des difficultés avec
un risque imminent de cessation des paiements sans que sa situation ne soit irrémédiablement
compromise. La réalité de la cessation des paiements est une condition clé pour l'ouverture du
redressement judiciaire.
 Condition de fond : La procédure peut être initiée par le débiteur lui-même ou par d'autres
acteurs tels que les créanciers ou le tribunal. Le débiteur doit déposer sa demande au
secrétariat greffe du tribunal compétent dans les 30 jours de la constatation de la cessation des
paiements. - La demande du débiteur doit être accompagnée d’un projet de plan de
redressement sous peine d’irrecevabilité de sa demande
 Frais de la procédure: Le tribunal fixe le montant des frais de publicité et d'administration de
la procédure que le débiteur est tenu de régler sans délai à la caisse du tribunal.
 Rôle du tribunal : Le tribunal auditionne le chef d'entreprise dans un délai de 15 jours à
compter du dépôt de la demande et peut demander l'assistance d'un expert pour évaluer la
situation de l'entreprise
2) Effets du redressement judiciaire
L'ouverture d'un redressement judiciaire implique plusieurs formalités de déclaration, telles que la
publication du jugement dans un BO (bulletin officiel) et un JAL (journal d’annonce legal), l'affichage
du jugement au niveau du tableau du tribunal et l'inscription d'un avis d'ouverture de la procédure
auprès d'autres administrations.
Les créanciers doivent déclarer leurs créances auprès du syndic dès l'ouverture de la procédure, et une
période d'observation commence, au cours de laquelle l'entreprise est gérée par le débiteur avec
l'assistance obligatoire du syndic pour préparer une solution et un plan de continuation de l'entreprise.
Le plan de continuation peut comporter plusieurs réaménagements, tels que la cessation de certaines
branches d'activité jugées non rentables ou non essentielles, la cession intégrale ou partielle de
l'entreprise ou l'autorisation du recours à la location-gérance.

9. La liquidation judiciaire
1) Conditions d’ouverture
Condition liée à la situation de l’entreprise: doit être en cessation
L’entreprise doit rencontrer des difficultés d’une grande ampleur et sa situation doit être insusceptible
de redressement (compromise) La liquidation judiciaire peut être ouverte à tout moment y compris
même lorsque le tribunal a autorisé l’ouverture d’une procédure amiable dès lors qu’il apparait que les
conditions sont réunies : l’ échec de l’une des procédures , effectivité de la cessation des paiements et
situation de l’entreprise irrémédiablement compromise.
La liquidation judiciaire est prononcée à l’initiation du débiteur, du ministère public, des créanciers
Le tribunal compétent gère la procédure et rend une ordonnance circonstanciée
Le syndic assure la gestion des opérations de liquidation des biens y compris en matière d’apurement
du passif

2) Les effets de l’ouverture de la liquidation judiciaire


Formalités déclaratives : Dès le prononcé de la liquidation, le jugement fait l’objet de démarches
déclaratives
Gestion de l’ese : Dès le prononcé du jugement d’ouverture de la LJ, il y a remplacement
systématique du débiteur un mandataire judiciaire est désigné dans le jugement– Il assume la mission
de liquidateur (conduite des opérations de liquidation réalisation de l’actif, apurement du passif). Le
mandataire judiciaire désigné sera également chargé de gérer l’ese en cas d’autorisation de la
continuation provisoire.
Déclaration des créances : Dès le prononcé du jugement, les créanciers doivent déclarer leurs créances
auprès du syndic (délai dépend Maroc ou à l’étranger).
Désignation des contrôleurs à l’effet de préserver les droits des créanciers.

3) Les opérations de liquidation judiciaire


La réalisation de l’actif : Modalités de vente des biens meubles, immeubles ;et la vente des biens
grevés d’un privilège spécial
L’apurement du passif et la clôture des opérations de liquidation judiciaire
Opérations préparatoires : Dès le prononcé de la liquidation, le jugement ouvre la phase d’inventaire
du patrimoine de l’E.SE ‘liste de l’actif et du passif de l’E.SE) L’inventaire est effectué par le syndic
Déclaration des créances : Dès le prononcé du jugement, les créanciers doivent déclarer leurs créances
auprès du syndic délai dépend si au Maroc ou à l’étranger. Exemption de déclaration des créances
salariales : Les salariés sont les seuls exemptés de déclarer leurs créances – Le syndic dresse l’état des
créances salariales qu’il remet au juge commissaire - En cas de dépassement de délais impartis pour la
déclaration de leurs créances, les créanciers encourent la forclusion et leur créance ne sera pas inscrite
sur la liste des créances admises - à moins qu’une « décision de relevée de forclusion soit prononcée
par le tribunal »
- Réalisation de l’actif : L’actif du débiteur fait l’objet d’une vente à la barre du tribunal Il peut s’agir
de vente isolée des biens du débiteur tout comme il peut être question d’une cession globale décidée
au terme –
Sort du produit issu de la licitation de l’actif : Le produit récolté lors de la vente de l’actif du débiteur
est consigné dans un compte dédié à cet effet – compte mouvementé par le syndic sous la surveillance
du juge commissaire

4) Modalités de réalisation de l’actif dans le cadre de la liquidation


La cession des immeubles : La réalisation des biens immobiliers, autorisée par le juge commissaire a
lieu soit dans les formes d’une saisie immobilière soit par une cession amiable (art 654).

• Unité de production : L’actif du débiteur fait l’objet d’une vente à la barre du tribunal Il peut s’agir
de vente isolée des biens du débiteur tout comme il peut être question d’une cession globale décidée
au terme –

• De la rétention : le bien meuble donné en gage peut être retiré par le syndic et sous autorisation
des juge commissaire en contre partie du payement de la dette malgré l’interdiction. Art (658)

5) L’apurement du passif et la clôture des opérations de liquidation


La collocation : le montant de l’actif, est distribué entre les dépenses de la LJ, des subsides accordés
par le juge commissaire au chef d’entreprise ou aux dirigeants ou à leur famille et des sommes payées
aux créanciers privilégiées (art 663 et S)
• Le marc au franc : le montant reliquataire est reparti entre tous les créanciers restants au prorata de
leur créances

Conclusion :
En conclusion, les procédures collectives en droit marocain représentent un mécanisme essentiel pour
la protection et la préservation des entreprises en difficulté. De l'évolution historique du droit des
entreprises à la réforme majeure de 2018, le Maroc a démontré son engagement envers la
modernisation de son système juridique pour mieux répondre aux besoins de son économie en
constante évolution. Ces procédures offrent un cadre juridique qui favorise la restructuration et la
survie des entreprises tout en préservant les intérêts des créanciers. Elles contribuent ainsi à la stabilité
du marché en permettant une gestion ordonnée des situations de crise. Cependant, leur efficacité
dépend en grande partie de leur mise en œuvre pratique et de l'efficacité du système judiciaire dans
leur application. Il est donc impératif de poursuivre les efforts visant à renforcer la gouvernance et la
transparence dans l'administration de ces procédures, tout en maintenant un équilibre entre les intérêts
des différentes parties prenantes. En définitive, les procédures collectives en droit marocain
représentent un outil précieux pour favoriser la résilience et la compétitivité du tissu économique du
pays.

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