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Chapitre 39

Les faillites et les restructurations

Tout système économique nécessite des mécanismes permettant de garantir


l’utilisation optimale des ressources. La faillite 1 est l’instrument principal de
réallocation des moyens de production d’agents non performants vers des agents plus
efficients.

1 Terme utilisé dans ce chapitre dans son acception commune et non dans son acception juridique.

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SECTION 1 : LA FAILLITE

LA NOTION DE DIFFICULTES FINANCIERES

• le défaut de paiement : c’est la première manifestation concrète des


difficultés financières d’une entreprise. Le débiteur ne règle pas une échéance
de dette (financière ou d’exploitation) ou d’intérêts. Il peut éventuellement
entraîner de ce fait l’exigibilité anticipée de toute la dette ;
• la cessation des paiements : elle survient lorsque le débiteur ne peut plus
faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; on parlera également
de défaillance. Il s’agit donc d’un événement plus « grave » que le simple
défaut de paiement ;
• le dépôt de bilan : déclaration de la cessation de paiements faite par les
dirigeants de l’entreprise au tribunal de commerce ;
• la faillite : le terme de faillite est essentiellement utilisé en langage commun
pour désigner une procédure collective de redressement judiciaire ou de
liquidation judiciaire. En droit français, la faillite personnelle désigne une
sanction prononcée par le tribunal de commerce contre un dirigeant
d’entreprise coupable de certains faits, et qui peut aussi se traduire par une
interdiction de gérer ;
• la procédure de sauvegarde : procédure dans la loi française permettant à
la société de se restructurer pour éviter la cessation de paiements ;
• la procédure de redressement judiciaire : cette procédure ne peut être
mise en œuvre que lorsque la société est en situation de cessation de paiements.
Elle a pour but, dans la mesure du possible, de permettre à l’entreprise de
continuer son activité, de sauvegarder l’emploi et d’apurer le passif au moyen
d’un plan arrêté par décision de justice à l’issue d’une période d’observation ;
• la banqueroute : il s’agit d’un délit pénal dont peuvent être accusés les
dirigeants de sociétés engagées dans des procédures collectives s’ils sont
coupables « d’agissements graves ».

Causes de la faillite :

Les difficultés naissent d’une mauvaise stratégie ou d’une mauvaise adaptation au


secteur d’appartenance (structure de coûts trop élevée…), ce qui se traduit
financièrement par une rentabilité inférieure à ce qu’exigent les créanciers. Si
l’entreprise n’est pas endettée, elle peut survivre un moment dans cette situation ; si
elle est endettée, les difficultés financières apparaîtront plus rapidement.

En schématisant, les difficultés financières peuvent résulter soit d’un problème de


marché, soit d’un problème de coûts, soit d’une combinaison des deux. Ainsi,

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l’entreprise peut avoir mal apprécié l’évolution de son marché et avoir des produits
inadaptés ou le marché peut être trop étroit pour que l’ensemble des entreprises
concurrentes survive. Une évolution défavorable des coûts par rapport à la concurrence
peut également entraîner la faillite.

Il peut cependant arriver qu’une entreprise rentable soit confrontée à des difficultés
financières si elle ne peut renouveler un endettement principalement à court terme,
car les marchés financiers traversent une crise de liquidité. Dans ce cas, l’issue la plus
rationnelle est une restructuration de la dette.

SECTION 2 : LA RESTRUCTURATION

Lorsque l’entreprise est simplement en bris de covenant, elle négociera une absolution
avec ses banques (un waiver) en contrepartie d’une commission de 0,5 à 1 % du total
de la dette et d’un rehaussement des marges sur les crédits dont le risque s’est accru
(de 0,5 à 1 % en plus de la marge initiale). Si maintenant l’entreprise se rend compte
qu’elle ne va pas pouvoir faire face à une échéance prochaine de sa dette, elle a tout
intérêt, aidée d’un conseiller, à entamer une négociation « privée » (private workouts
en anglais) avec ses créanciers. La négociation est d’autant moins complexe que les
différents types de pourvoyeurs de fonds (actionnaires, créanciers, porteurs
d’obligations convertibles, d’actions à dividende prioritaire…) sont peu nombreux.

En l’absence de négociation, les conflits potentiels entre les différents créanciers


rendent nécessaire un arbitrage par le juge.

Le plan d’affaires de l’entreprise en redressement est fondamental pour estimer sa


capacité à dégager des flux de trésorerie permettant, à l’avenir, de désintéresser, de
façon plus ou moins importante, ses différents créanciers en fonction du rang de leurs
créances.
Un plan de restructuration nécessite un effort ou un sacrifice de la part de l’ensemble
des parties prenantes. Il sera donc constitué généralement d’une recapitalisation
(souvent souscrite largement par les anciens actionnaires ou par de nouveaux
actionnaires qui prennent le contrôle à cette occasion) et d’une renégociation des
dettes. Les prêteurs pourront ainsi accepter un abandon partiel de la dette, une
conversion de la dette en capitaux propres, un moratoire sur les intérêts ou encore un
rééchelonnement des remboursements.

La restructuration financière doit être accompagnée d’une restructuration


opérationnelle permettant de rétablir la rentabilité économique, c’est même la plus
importante ! Ce volet peut comprendre une action sur le besoin en fonds de roulement,
des réductions d’effectifs, l’arrêt ou la cession de certaines activités.

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SECTION 3 : LE DROIT DE LA FAILLITE EN FRANCE

La législation française sur les faillites a pour but principal d’offrir à l’entreprise un
cadre dans lequel elle pourra se restructurer et éviter ainsi les procédures de
redressement judiciaire et de liquidation judiciaire. Elle s’articule autour de cinq
procédures, deux préventives et trois collectives :
• le mandat ad hoc ;
• la conciliation ;
• la procédure de sauvegarde ;
• le redressement judiciaire ;
• la liquidation judiciaire.

En France, le droit des faillites vise en premier lieu à sauvegarder l’entreprise et


donc à éviter un risque de contagion des faillites dans un secteur économique donné.
En second lieu, l’objectif affirmé par la loi consiste à maintenir l’emploi et l’activité, le
dédommagement des créanciers n’apparaissant qu’ensuite. Les créanciers ne
deviennent donc propriétaires des actifs que s’ils avaient pris ceux-ci en garantie de
leur dette. Dans le cas contraire, ils ne peuvent pas eux-mêmes obtenir et céder les
actifs et doivent se placer entre les mains de la justice.

a) Le mandat ad hoc, la conciliation et la procédure de sauvegarde

Avant d’être en situation de cessation des paiements, le dirigeant d’entreprise peut


demander au tribunal de nommer un mandataire ad hoc pour l’aider à faire face aux
difficultés financières de son entreprise. Cette démarche doit rester confidentielle. Le
mandataire ad hoc pourra assister l’entreprise pour la préparation de la conciliation.
La « conciliation » s’adresse aux entreprises qui « éprouvent une difficulté
juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible » ou à celles qui sont en
cessation des paiements depuis moins de 45 jours. Au terme de cette conciliation,
amiable et confidentielle, l’accord trouvé entre la société et ses créanciers peut être
constaté par le tribunal, voire homologué. Les créanciers qui apportent des fonds dans
le cadre d’une telle procédure sont privilégiés si par la suite, une procédure de
sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte (privilège de
l’« argent frais », ou new money, par rapport à tous les créanciers sauf les salariés).

La procédure de sauvegarde renforce l’anticipation des difficultés et


responsabilise le chef d’entreprise. Elle est déclenchée sur demande du chef
d’entreprise, qui « justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter » sans
pour autant être en état de cessation des paiements. L’ouverture de la procédure de
sauvegarde est décidée par le tribunal de commerce qui nomme un administrateur
judiciaire Les dettes antérieures au jugement d’ouverture sont alors gelées :
l'entreprise n'a pas le droit de les payer. Le chef d’entreprise continue d’assurer la
gestion de l’entreprise, l’administrateur n’ayant, à cet égard, qu’un pouvoir de
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surveillance ou d’assistance. La procédure débouche sur un plan de sauvegarde,
« lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée ».

La sauvegarde financière accélérée (SFA) concerne surtout les entreprises


ayant un problème de structure financière (LBO en difficulté), pour lesquelles une
majorité de créanciers financiers est a priori d’accord pour une restructuration
financière, mais où quelques prêteurs récalcitrants bloquent. La SFA commence par
une conciliation qui, ne recueillant pas l’unanimité requise, peut à la demande de
l’entreprise et avec l’accord du tribunal laisser la place à une SFA. Dans ce cadre, les
prêteurs financiers se prononcent en un mois ou deux à la majorité des deux tiers sur
une restructuration financière qui s’impose aux prêteurs minoritaires. Les créanciers
d’exploitation ne sont pas concernés par cette procédure et leurs créances sont
normalement réglées.

b) Le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire

Les procédures de redressement ou de liquidation sont déclenchées soit sur


assignation d’un créancier, soit à la suite de la déclaration de cessation des paiements
par les dirigeants, soit d’office par le tribunal lui-même.

Une fois la procédure initiée, le tribunal de commerce peut soit prononcer la


liquidation immédiate de l’entreprise (s’il est évident que l’entreprise, même
restructurée, ne pourra pas se redresser), soit sa mise en période d’observation.
Un certain nombre de mesures vont permettre de reconstituer la trésorerie de
l’entreprise après l’ouverture de la procédure : l’absence de déchéance du terme, c’est-
à-dire de l’exigibilité anticipée d’une dette, l’interdiction de payer les dettes antérieures
à la procédure, la suspension des actions des créanciers, l’interdiction de constituer des
sûretés, l’inaliénabilité de certains biens.

Durant la période d’observation, qui peut aller jusqu’à 18 mois, un administrateur


judiciaire est chargé d’établir pour le tribunal de commerce un rapport faisant la
synthèse du bilan économique et social de l’entreprise. Il étudie les plans de
continuation ou de cession qui lui sont proposés. L’ancien management pourra ou non
être maintenu.

À l’issue de cette période, un jugement définitif établit si l’entreprise doit être


liquidée ou peut être redressée par continuation ou cession de tout ou partie de
l’entreprise.

Les plans de continuation peuvent porter sur la totalité de l’entreprise ou sur


une partie des activités. Dans un plan de continuation, les actionnaires et les créanciers
restent en principe les mêmes. Les créanciers sont généralement contraints à une
renégociation (moratoire, rééchelonnement, réduction) des dettes. Si le plan de

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continuation n’est pas respecté, c’est-à-dire si les dettes ne sont pas remboursées selon
leur échéancier, le plan sera révolu et l’entreprise liquidée.

Les plans de cession portent sur l’ensemble de l’entreprise ou sur des branches
d’activité. Les biens non compris dans le plan de cession sont cédés comme en matière
de liquidation. Les créanciers ne sont remboursés qu’à concurrence du prix de cession :
ils sont payés selon leur rang.

La liquidation représente la mort de l’entreprise qui est dissoute. Certains actifs


peuvent être vendus, ce qui se fait généralement par mise aux enchères. Ainsi, après
paiement des créances salariales puis des créanciers postérieurs à l’ouverture de la
procédure, le prix de vente est en principe réparti entre les créanciers titulaires d’un
privilège général (comme le Trésor), puis entre ceux qui détiennent une sûreté suivant
un ordre de préférence. Les créanciers chirographaires (c’est-à-dire sans priorité ni
subordination), les créanciers subordonnés et les actionnaires ne retirent
généralement rien de la procédure.

SECTION 4 : LE DROIT DE LA FAILLITE DANS LE MONDE

Pour schématiser, on peut classifier les droits des faillites selon deux grandes
catégories.

La première approche favorise la continuité de l’entreprise afin de sauvegarder


l’emploi et ne pas déstabiliser le système économique. C’est en particulier le cas en
Italie, aux Etats-Unis ou en France où la législation met clairement en avant comme
premiers objectifs la sauvegarde de l’entreprise et l’emploi.

La seconde approche consiste à prendre le parti du créancier. Dans ce type de


système, le créancier dispose d’un large pouvoir dans la façon dont la procédure est
menée. La logique est alors d’avoir une réglementation plus sévère pour l’entreprise et
ses dirigeants, qui agit alors avec un effet dissuasif pour prévenir les faillites. Les
systèmes britanniques, espagnols ou allemands entrent clairement dans cette
catégorie.

Les chercheurs ont mis en évidence que les procédures plus strictes pour les
débiteurs sont les plus efficientes d’un point de vue économique. Par ailleurs, les
systèmes procréanciers favorisent l’offre de dette.

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