Vous êtes sur la page 1sur 32

4H5HM01P Cours général Histoire Moderne, S5 -L3.

2022-2023

Les empires ibériques au XVIIe siècle


TD Mme GUYAU – S1 2022-2023
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

12sept Séance 1 : Introduction. Écrire l’histoire des empires ibériques.


• Introduction historiographique
• Commentaire de document : Memorial secreto, Comte duc d’Olivares, 1624.
19sept Séance 2 : Gouverner les Indes d’Espagne
Préparation du document 2
Comptes-rendus d’articles facultatifs, présentation en classe :
• José Javier Ruiz Ibáñez, « Les acteurs de l’hégémonie hispanique, du monde à la
péninsule ibérique »
• Guillaume Gaudin, « Il faut sauver l’auditeur Matías Delgado y Florez. Lettre d’un
magistrat de Manille du 30 novembre 1631 à son frère Sancho, à Cáceres »,
26 sept Séance 3 : L’Estado da India et l’empire portugais d’Asie au XVIIe siècle
Préparation du document 3.
Comptes-rendus d’articles :
• António Manuel Hespanha, « L’administration d’une “ombre d’empire”:
l’organisation des « Portugais » en Afrique et en Asie »,
• Introduction de Sanjay Subrahmanyam, L’empire portugais d’Asie 1500-1700
3 oct Séance 4 : Maîtriser les mers
Préparation du document 4
Comptes-rendus d’articles :
• Delphine Tempère, « Le port d’Acapulco, escale sur le chemin de l’Asie »
• Chapitre 6 de Serge Gruzinski, Les quatre parties du monde. Histoire d’une
mondialisation
10 oct Séance 5 : Représenter et mesure l’empire : la cartographie
Préparation du document 5
Comptes-rendus d’articles :
• Enali Leca de Biaggi, Martine Droulers, « Cartographie et formation
territoriale »
• Caroline Seveno, « Essai sur la circulation des savoirs cartographiques
traitant des Antilles, XVIe -XVIIIe siècles »
17 oct Séance 6 : Administrer les colonies : l’exemple de la question des terres aux Amériques
Préparation du document 6
Comptes-rendus d’articles :
• Guillaume Gaudin, « La démesure des listes du Conseil des Indes au XVIIe siècle. Le
Nouveau Monde vu depuis les bureaux madrilènes. »,
• Nadine Beligand, « L’agrimenseur, le juge et le roi : mesure et appropriation de
l’espace en Nouvelle-Espagne »

24 oct Séance 7 : La production minière dans les Amériques


Préparation des documents 7 et 8
Comptes-rendus d’articles :
• Chapitre 6. Timothy Brooks, Le chapeau de Vermeer. Le XVIIe siècle à l’aube de la
mondialisation
• Carlos Marichal, « La piastre ou le real de huit en Espagne et en Amérique : une
monnaie universelle (XVIe-XVIIIe siècles) »
Vacances

1
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

7 nov Séance 8 : Le Brésil portugais et les promesses de l’Atlantique sud


Préparation du document 9.
Comptes-rendus d’articles :
• Luiz Felipe de Alencastro, « Le versant brésilien de l’Atlantique-Sud : 1550-1850 »
• Chapitre 9 de Stuart B. Schwartz, Sugar plantations in the formation of Brazilian
Society
• Lara Silvia Hunold, “Marronnage et pouvoir colonial”
14 nov Séance 9 : Concurrences européennes et tensions locales dans les empires ibériques
Préparation du document 10
Comptes-rendus d’articles :
• Chapitre XIV de Romain Bertrand, L’Histoire à parts égales, Seuil, 2011, pp. 445-477
21 nov Séance 10 : Église et évangélisation dans les empires ibériques
RETOUR DES DEVOIRS MAISON
Comptes-rendus d’articles :
• Pierre Ragon, « Entre religion métisse et christianisme baroque : Les catholicités
mexicaines XVIe-XVIIIe siècles. »
• Hélène Vu Thanh, « Construire l’empire, développer le commerce. Le cas des
missionnaires ibériques au Japon (XVIe-XVIIe siècle) »
28 nov Séance 11 : Les échanges culturels dans les empires ibériques.
Préparation du document 12
Comptes-rendus d’articles :
• Solange Alberro, « Les voies du métissage »
• Monique Alaperrine-Bouyer « comment policer les indigènes? »

Semaine de révision
12 dec Séance 12 : Séance de conclusion
• Méthodologie et entraînements
• Approfondissement sujets ouverts

2
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Séance 1 : Histoire politique des empires ibériques. Introduction


I. Historiographie
Texte 1 : Des « empires » ibériques ?

L’expression « empires ibériques » désigne les ensembles politiques et humains composites apparus
aux XVe et XVIe siècles avec la dynamique expansionniste des deux monarchies ibériques : le Portugal et la
Castille. Cet élan de voyage, de commerce et de conquête à une échelle planétaire jusque-là inédite
constitue pour les Européens, encore aujourd’hui, un marqueur de la modernité et de la supposée
supériorité occidentale sur le monde. Ce récit des Grandes Découvertes a lui-même une histoire : il
apparaît au XIXe siècle, sans doute sous la plume d’Alexandre de Humboldt et s’épanouit à partir des
années 1880 avec le partage de l’Afrique par les puissances européennes : les explorations
des XVe et XVIe siècles sont présentées comme un mouvement cohérent et continu révolutionnant la
connaissance du monde par l’homme occidental 1. […].
Soyons optimistes, cette représentation « traditionnelle » du passé est en passe de disparaître : d’une
part, les usages souvent nationalistes de l’expansion européenne des XVe et XVIe siècles sont dénoncés, au
profit d’un récit plus équilibré qui redonne aux acteurs de l’époque leurs véritables intentions, échecs et
réussites2. Ni légende noire, ni légende rose, l’histoire de la Conquête est montrée dans toute son horreur,
mais aussi dans sa complexité. Des cités et des peuples (les Indiens n’existent pas avant l’arrivée des
conquérants3) s’allièrent aux Espagnols jouant un rôle clé dans la victoire castillane tant à Mexico qu’à
Cajamarca […]. D’autre part, l’européocentrisme est battu en brèche par une « histoire à parts égales »
qui tente de saisir les réactions (souvent l’indifférence à l’arrivée des Européens) de l’Autre et ses
interprétations des événements4. Enfin, l’histoire de la première modernité envisage plus la mise en place
de nouvelles sociétés « métisses » ou de « middle ground ». Mais aussi celle d’une « première
mondialisation » qui, par l’intermédiaire des Ibériques, aurait mis en contact toutes les parties du monde,
lesquelles auraient dès lors formé, jusqu’à nos jours, un vaste espace de mobilité 5. Cette nouvelle histoire
connaît un certain retentissement : alors que le Collège de France ouvre en 2013 ses portes à Sanjay
Subrahmanyam, lui offrant une chaire d’« Histoire globale de la première modernité », les programmes
scolaires français incluent désormais cette nouvelle dimension6. Confrontés aux replis identitaires et à un
récit national, voire régional, toujours trop prégnant, ces approches (qui ne se veulent pas non plus
iréniques) livrent sur le temps long le récit complexe et protéiforme, mais connecté, de notre monde
actuel en insistant sur les circulations, les échanges, les confrontations, les incompréhensions, les
métissages.
[…] Soyons rigoureux, au sens strict, ces monarchies n’étaient pas des empires, car dans l’Europe
médiévale seul le Saint Empire romain germanique, soit la domination sur l’Allemagne et une partie de
l’Italie, pouvait prétendre à ce titre7. Ainsi, s’il y eut un empire hispanique, ce fut lorsque Charles Ier de

1
Patrick Boucheron, « Qui a inventé les Grandes Découvertes ? », L’Histoire, no 355, juillet-août 2010,
p. 8-13.
2
Sanjay Subrahmanyam, Vasco de Gama : légende et tribulations du Vice-Roi des Indes, France, Alma,
2012.
3
Stuart Schwartz, Frank Salomon, « New Peoples and New Kinds of People : Adaptation, Readjustment,
and Ethnogenesis in South American Indigenous Societies (Colonial Era) », in Frank Salomon, Stuart
B. Schwartz (dir.), The Cambridge History of the Native Peoples of the Americas, Cambridge / New York,
Cambridge University Press, vol. III, part. 2, 1999, p. 443-501.
4
Stuart B. Schwartz, Implicit understandings. Observing, Reporting, and Reflecting on the Encounters
Between Europeans and Other Peoples in the Early Modern Era, Cambridge, Cambridge University Press,
1994 ; Richard White, Le Middle ground : Indiens, empires et républiques dans la région des Grands
Lacs, 1650-1815, Toulouse, Anacharsis, 2009 ; Romain Bertrand, L’histoire à parts égales : récits d’une
rencontre Orient-Occident (XVIe-XVIIe siècle), Paris, Seuil, 2010 ; Serge Gruzinski, L’Aigle et le
Dragon. Démesure européenne et mondialisation au XVIe siècle, Paris, Fayard, 2012.
5
Serge Gruzinski, Les quatre parties du monde : histoire d’une mondialisation, Paris, Éd. de la
Martinière, 2004 ; Sanjay Subrahmanyam « Par-delà l’incommensurabilité : pour une histoire connectée
des empires aux temps modernes », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 54-4bis, 5/2007,
p. 34-53.
6
Vincent Capdepuy, « Enseignement : histoire connectée / histoire globale », billet publié le 3 juin 2014
sur le blog Aggiornamento, URL : http://aggiornamento.hypotheses.org/2139. Ajoutons que la question
d’histoire moderne au concours de l’agrégation (mais pas du CAPES…) pour 2013-2016 s’intitule « La
péninsule Ibérique et le Monde (1470-1640) » et le thème des Rendez-vous de l’histoire de Blois 2015
portera sur les empires.
7
Christian Hausser, Horst Pietschmann, « Empire. The concept and its problems in the Historiography on
the Iberian Empires in the Early Modern Age », Culture & History Digital Journal, vol. 3, no 1, 2014,
URL : http://dx.doi.org/10.3989/chdj.2014.002

3
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
Castille et d’Aragon fut élu empereur en 1519, l’année du débarquement de Cortés sur les côtes
mexicaines, sous le nom de Charles Quint : les attentes qu’il suscita, celles d’un roi sauveur capable de
gouverner la Chrétienté contre les Infidèles et d’établir une monarchie universelle étaient puissantes 8. Le
bilan apparaît plus mitigé [mais] l’idée d’empire reste fortement ancrée. Dans sa deuxième lettre en date
du 30 octobre 1520, Cortés suggère à Charles Quint de « s’intituler nouvel empereur de ces terres, avec
le titre, et non moins de mérite que celui d’Allemagne9 » ; plus tard, lorsque Cortés entreprend la
traversée du Pacifique, il déclare que Charles Quint est sur le point de devenir « monarca del mundo » !
Chose accomplie par son arrière-petit-fils, Philippe IV, qui porte comme surnom « Rey planeta ». Il est vrai
que depuis l’union des Couronnes portugaise et castillane en 1581, la dynastie des Habsbourg d’Espagne
est à la tête de territoires répartis sur quatre continents : un sujet de la monarchie peut alors entreprendre
un tour du monde en ne s’arrêtant que dans des ports dépendant de la même Couronne 10. […] Toutefois,
le titre officiel et juridique de l’ensemble politique hispanique était celui de « Monarchie catholique », en
référence au privilège octroyé par le pape Alexandre VI en 1494 à Isabelle de Castille et Ferdinand
d’Aragon de porter le titre de Rois Catholiques. S’agissant de l’ensemble territorial portugais, le titre
d’empire est également impropre, par contre les territoires extra-péninsulaires sont rapidement désignés
sous le terme « Ultramar ». Peut-être plus que les Castillans, les Portugais intègrent pleinement, depuis
la fin du Moyen-Âge, l’outremer dans leur horizon mental, créant ainsi aux XVIe et XVIIe siècles une
« conscience d’empire11».
L’historiographie actuelle, débarrassée du poids des dictatures franquistes et salazaristes qui usèrent dans
leur propagande du thème impérial, semble donc désigner les ensembles espagnols et portugais comme
des empires. Au-delà de la commodité d’un terme polysémique, le concept d’empire permet d’intégrer
plusieurs caractéristiques fondamentales correspondant aux réalités historiques de la « modernité »
ibérique : des structures évolutives de très grandes dimensions, constituées d’entités politiques,
juridiques, religieuses et sociales disparates, et de peuples différents, dans lesquelles les circulations et
les contacts de diverses natures sont intenses. L’approche impériale offre une alternative à l’histoire
nationale des États12 et pose également la question des frontières intérieures comme extérieures13.
L’objet empire apparaît ainsi comme un terrain d’étude fertile pour qui s’intéresse à l’impact de la
mobilité, des déplacements, des transferts, des contacts, des circulations sur les sociétés 14.
Extraits de Guillaume GAUDIN et Jaime VALENZUELA MARQUEZ, « Empires ibériques : de la péninsule au
global », in Diasporas, 25, 2015, pp. 13-24.

Texte 2 : Des Monarchies et États composites

L’histoire de la construction européenne, les idées parfois contradictoires qui la portent, ses réussites et
ses échecs n’ont pas été sans faire réagir les historiens de ce qui est communément appelé l’« Ancien
Régime », soit un laboratoire privilégié d’observation des diverses expériences des États composites et
des unions politiques territoriales. Depuis 2005, l’euroscepticisme a même nourri une nouvelle série de
recherches en histoire moderne abordant plus ou moins ouvertement la question des intégrations
régionales via un réexamen des expériences absolutistes et un renouveau aujourd’hui bien connu de
l’histoire des empires. Si les historiens modernistes ne sauraient se donner pour but de faire une proto-
histoire de la construction européenne, le sous-texte de leurs travaux est plus ambitieux et «
contemporain » qu’il n’y paraît. À travers l’étude d’unités territorialement et juridiquement diverses et

8
Jean Michel Sallmann, Charles Quint, Paris, Payot, 2004, p. 224-239.
9
Cité par Luis Adrián Mora Rodríguez, (2013). « Política, imperio e imperialismo : una aproximación
crítica desde las cartas de relación de Hernán Cortés », Tabula Rasa, no 18, 2013, p. 137-153. Consulté
le 20 février 2015, URL : http://www.scielo.org.co/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S1794-
24892013000100006&lng=en&tlng=es
10
Pedro Ordóñez de Ceballos, Viaje del mundo. Hecho y compuesto por el licenciado Pedro Ordóñez de
Ceballos, natural de la insigne ciudad de Jaén, Madrid, 1614.
11
Giuseppe Marcocci, A consciência de um imperio : Portugal e o sue mundo, sec. XV-XVII, Imprensa da
Universidade de Coimbra, Coimbra, 2012.
12
Catarina Madeira Santos, Jean-Frédéric Schaub, « Histoires impériales et coloniales d’Ancien
Régime », in E. Désveaux & Michel de Fornel, Faire des sciences sociales. Généraliser, Paris, EHESS,
2012, p. 293-318.
13
Michel Bertrand, Natividad Planas (dir.), Les sociétés de frontière : de la Méditerranée à
l’Atlantique, XVIe-XVIIIe siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2011 ; José Javier Ruiz Ibáñez (dir.), Las
vecindades de las Monarquias Ibéricas, Madrid, FCE, 2013.
14
Sur la pertinence de l’étude des empires pour l’histoire, cf. Jane Burbank et Frederick
Cooper, Empires : de la Chine ancienne à nos jours, Paris, Payot, 2011. Pour le cas hispanique, Jean-
Paul Zuñiga, « L’histoire impériale à l’heure de l’« histoire globale ». Une perspective atlantique », Revue
d’Histoire Moderne et Contemporaine, tome 54, no 4 bis, 2007, p. 54-68.

4
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
asymétriques, il s’agit de mieux cerner les différentes dynamiques conduisant à créer de l’unité dans la
diversité tout en gardant à l’esprit que chaque expérience politique s’inscrit dans un contexte donné et a
de fait une durée limitée. Dans cet article, nous aimerions montrer comment l’histoire moderne a pu et –
par des travaux récents – semble toujours pouvoir contribuer à une meilleure compréhension des
dynamiques de recompositions des États et des unions politiques […]. L’Europe moderne se présente en
effet comme un ensemble d’espaces politiques par nature composites et non nationaux […].

[Dans cet article] nous discuterons de l’évolution de l’histoire politique de l’époque moderne qui a connu
un renouveau significatif dans les années 1990 à la suite des travaux de l’historien britannique de l’empire
espagnol, John H. Elliott. En 1992, Elliott fixait de façon efficace une définition de la « monarchie
composite » qui apparaît ponctuellement dans les champs historiographiques britannique et allemand de
l’après-guerre5. Ce modèle de l’État composite est à la fois territorial et relationnel. Le travail de
chercheur et d’enseignant d’Elliott a eu un impact considérable auprès des historiens ayant été capables
de dépasser les références nationales de leur champ disciplinaire. Dans une certaine mesure, « la scuola
di Elliott6 » a aussi permis le renouvellement de l’histoire des empires qui s’est emparé de la perspective
cellulaire des unités politiques et a déplacé le regard des historiens des institutions vers les acteurs7.
Aujourd’hui, le développement d’une histoire transimpériale analysant la construction d’unités
économiques, sociales et politiques capables de traverser des espaces divers et asymétriques tout en
participant à leur gouvernance nous invite à jouer avec les échelles du politique […].

Introduction de David DO PAÇO, « de l’État composite à l’État décomposé : le retour de l’Ancien Régime »,
in Histoire et Politique [revue en ligne], 38, mai-août 2019.

Texte 3 : Des Monarchies polycentriques

Comment une équipe d’historiens décentre-t-elle le regard porté sur l’espace impérial et planétaire des
monarchies ibériques sans verser dans l’histoire nationale de chaque territoire ? L’option retenue n’est ni
celle d’une histoire connectée ni celle d’une histoire globale, mais celle d’une histoire impériale
renouvelée des monarchies espagnole et portugaise à l’Époque moderne. Comment ces entités
politiques, sociales, économiques et culturelles fonctionnent-elles, tant bien que mal, comme un tout ?
Comment les acteurs les conçoivent-ils et leur donnent-ils vie ? Polycentric Monarchies se présente
comme un jalon supplémentaire, plus qu’une rupture, dans le questionnement historiographique entamé
en 1972 par John H. Elliott (The Old world and the new: 1492-1650, Londres, 1972), poursuivi vingt ans
plus tard dans un article majeur « A Europe of Composite Monarchies » (Past & Present, 1992, no 137) et
repris par Henry Kamen dans un titre évocateur : Spain’s Road to Empire: The Making of a World Power,
1492-1763 (Londres, 2003). La continuité avec l’historiographie anglo-saxonne est établie lorsque les
auteurs de Polycentric Monarchies affirment leur rejet des histoires nationales centrées sur l’Espagne, le
Portugal ou tel territoire sous contrôle ibérique (Milan, Naples, Mexique, etc.). Néanmoins, Polycentric
Monarchies se distingue par la disqualification du schéma centre-périphérie (Madrid, Péninsule, reste de
l’Empire) qui laissait dans un angle mort une partie du problème : non seulement la contribution décisive
des périphéries à l’édifice politique impérial, mais encore les relations entre les périphéries.
L’ouvrage est donc un manifeste, longuement mûri par des historiens confirmés dans le cadre du réseau
scientifique international sur les monarchies ibériques « Red columnaria », créé en 2004 autour de José
Javier Ruiz Ibáñez. Aussi fallait-il trouver un étendard à ce paradigme en construction : l’oxymore
« monarchies polycentriques » milite en faveur d’une approche « ni nationale, ni proto-nationale ni
coloniale, [mais] multiterritoriale » (p. 4). Quant à la méthode, elle se fixe le même but : « [the authors] all
engage in a global reading of local history in order to both historicize and de-nationalize (as well as de-
essentialize) their particular histories » (p. 4). […] La volonté, affichée de la première à la dernière page,
de s’approcher au plus près des acteurs n’est pas une vaine incantation visant à se placer sous les auspices
d’un Lucien Febvre, mais relève d’un « irrevocable commitment to understanding the past on the basis of
its own logic, escaping anachronistic prejudice » (p. 225, voir aussi p. 3, 5, 155). L’effort de chercher les
représentations et les pratiques des acteurs est patent, comme le soulignent les éditeurs : « how an
imperial reality was built on an everyday and local level » (p. 5). Les contributions ne produisent jamais
une description statique des territoires, mais relèvent et analysent à différentes échelles les processus qui
alimentent « the social and political fabric of the empire » (A. Marcos, p. 224) : premièrement, la
convention royale (la justice distributive de la grâce, moteur de la fidélité offrant de multiples chances au
sujet de la monarchie) et la religion catholique (l’ouvrage ne contient pas d’histoire religieuse proprement
dite, mais le catholicisme militant est bien la toile de fond des monarchies) ; deuxièmement, les finances
(avec le rôle du crédit et de l’endettement de la Couronne) et le dialogue entre les élites ; troisièmement,
« au ras du sol », la famille et les phénomènes de mobilités spatiale et sociale de marchands, de nobles et
de religieux ainsi que les circulations des idées, des représentations, des objets, des instruments de

5
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
pouvoir ; par ailleurs, les relations de la monarchie avec les autres puissances européennes et les
représentation qu’elles génèrent, ainsi que sa capacité de rayonnement.
Extraits de Guillaume Gaudin, « Pedro CARDIM, Tamar HERZOG, José RUIZ IBÁÑEZ, et Gaetano SABATINI
(dir.), Polycentric monarchies: how did early modern Spain and Portugal achieve and maintain a global
hegemony ? », in Caravelle, 100, 2013, pp. 295-300.

II. Commentaire de document

Doc. 1 Lettre dite Memorial secreto du comte duc d’Olivares à Philippe IV d’Espagne, 1624.
Que Votre Majesté considère que l’affaire la plus importante de la monarchie est qu’il devienne Roi
d’Espagne : je veux dire par là, que VM ne se contente pas d’être Roi du Portugal, d’Aragon, de Valence,
comte de Barcelone, mais qu’il travaille, en gardant ce dessein secret dans son esprit, à réduire ces
royaumes, dont se compose l’Espagne, au style et aux lois de la Castille, sans qu’il y ait désormais aucune
différence, et si VM obtient ce résultat, elle sera le prince le plus puissant du monde.
Tout ceci n’est pas une affaire qu’on puisse régler en temps limité, ni projet qu’on puisse découvrir à
quiconque, même à des intimes, parce que cette question ne peut faire l’objet de discussion : il faut autant
que possible agir sans prévenir. Votre Majesté peut entreprendre elle-même ce projet, seulement elle
aura la bonté de jeter un coup d’œil sur les brefs avertissements que je ne manquerai pas de lui faire,
pour que malgré sa prudence et l’expérience que les années lui donneront, elle ne laisse passer aucune
occasion propice dans une affaire aussi capitale.
Je vais d’abord justifie mon appréciation : VM ne doit pas douter que je désir qu’Elle conduise ses divers
royaumes à l’État le plus sûr, et pour le bien et l’expansion de la Religion Chrétienne, car je sais que la
division présente, la multiplicité des lois et des fueros affaiblit le pouvoir de VM et la gêne dans la
réalisation de ces buts si justes et si glorieux. Les fueros et les privilèges particuliers qui ne concernent
point la justice (car elle au moins est unique dans l’ensemble et doit le rester) reçoivent des altérations à
cause des évènements, et les sujets eux-mêmes peuvent en décider dans leurs Cortes, alors que ces lois
peuvent choquer la conscience, s’opposer à elles-mêmes et empêcher la réalisation de nos buts. Il faut
chercher le remède par tous les moyens possibles, trouver des prétextes honnêtes; on criera au scandale,
mais dans une affaire aussi capitale bousculer les habitudes n’est pas un inconvénient, l’essentiel est
d’arriver au principal. Mais, comme je le disais au début, dans tout ce qui arrive, il faut que la conscience
soit bonne.
Or il y a trois chemins, Sir, que l’occasion vous ouvre pour arriver à vos fins […]. Le premier Sire, qui est le
plus difficile à suivre, mais aussi le meilleur, consisterait en ce que VM favorisât les sujets des vos autres
royaumes qui viendraient habiter en Castille et s’y marieraient; il faut leur faciliter cette voie, de façon
que se voyant pour ainsi dire naturalisés Castillans, ils oublient leurs origines…
Le second moyen serait VM ayant rassemblé quelque grosse armée et des marins et soldats parmi les
gens sans travail, amène les royaumes à traiter de leur réunion par voie de négociation, cependant en
unissant la force et la ruse : la force fera beaucoup, mais sans que cela se voie trop, il faut la montrer
comme par hasard.
La troisième voie, qui serait un moyen sans justification préalable, mais le plus efficace, consisterait en
une visite personnelle de VM, avec la force militaire dont j’ai parlé, dans l’un des royaumes que l’on aurait
choisi comme terrain de l’expérience; il faudrait faire en sorte qu’il s’élevât un grand tumulte populaire,
et sous ce prétexte entamer la répression, et dans le but d’amener le calme et d’éviter que ne
recommencent les troubles, disposer les lois de ce royaume comme par droit de conquête en conformité
avec celles de Castilles. On procéderait de la même manière avec les trois autres royaumes.
Les autres affaires de vos royaume, Sire, se réduisent au soin de la justice, bonne administration, maintien
des vassaux sous la dépendance permanent de VM. Il faut faire exécuter sans réplique les ordres de VM
dans ses royaumes et veiller à ce qu’il n’y ait aucune dispense de châtiment pour ceux qui désobéissent;
pour que la leçon puisse servir aux ministres eux-mêmes.

6
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Séance 2 : Gouverner les Indes Espagnoles


Lectures préparatoires
- José Javier Ruiz Ibáñez, « Les acteurs de l’hégémonie hispanique, du monde à la péninsule ibérique »,
in Annales. Histoire, Sciences Sociales, trad. Jean-frédéric Schaub, 69e année, 4, 2014, p. 927-954.
- Guillaume Gaudin, « Il faut sauver l’auditeur Matías Delgado y Florez. Lettre d’un magistrat de Manille
du 30 novembre 1631 à son frère Sancho, à Cáceres », in Diasporas, 25, 2015, p.73-90.
Doc 2. Du gouvernement temporel de l’Amérique espagnole, Jean de Monségur (première
publication au début du XVIIIe siècle).
Du vaste continent de l’Amérique découvert depuis les 44° de latitude nord jusqu’aux 52° sud, les
Espagnols ont reconnu et soumis à leur domination la plus grande partie de tout ce grand pays. Ils n’y ont
trouvé que deux grandes puissances ou empires qui fussent gouvernés par des rois, par des lois, et par
une police qui fut en quelques règles organisée. L’un appelé le Mexique, que Fernand Cortés conquit en
l’an 1521 sur Montezuma, où ils établirent un vice-roi pour gouverner cette grande partie septentrionale
appelée le Mexique ou la Nouvelle-Espagne, lequel fait sa résidence ainsi qu’on l’a dit au chapitre V, dans
la ville de Mexique. L’autre est celle du Pérou que don Francisco Pizarro conquit en l’an 1533 sur l’Inca
Atahualpa, où aussi ont établi un autre vice-roi pour gouverner cette autre partie méridionale appelée le
Pérou, qui fait sa résidence dans la ville communément appelée Lima et dans les commencements de los
Reyes qui veut dire des rois.
C’est sous le nom de ces deux royaumes et sous ces deux vice-rois que les Espagnols ont divisé leur
domination de l’Amérique15; les rois d’Espagne les nomment pour trois ans ordinairement mais ils les
continuent cinq et sept et quelque fois jusqu’à dix, selon qu’ils sont plus ou moins contents de leur
conduite16. Le parlement a toujours des paquets du roi qui sont cachetés et numérotés pour ouvrir lorsque
les vice-rois viennent à mourir ou à manquer à leurs devoirs en quelque point d’État. Lorsque cela arrive,
le parlement assemblé avec d’autres tribunaux qui ont droit de s’y trouver, on ouvre celui qui est marqué
pour premier et on voit celui que Sa Majesté substitue pour remplir le poste de celui qui est mort ou qui
a manqué à son devoir. S’il se trouve qu’il fut décédé, on ouvre un autre paquet marqué pour ce cas
jusqu’à trouver celui qui est en vie, après quoi, s’il n’est pas présent, on lui députe [quelqu’un] pour lui
faire part de la nouvelle dignité dont le roi l’a honoré, lui enjoignant de venir incessamment [en] prendre
la possession. Communément, ses substitués ne sont que les deux archevêques des deux capitales et
quelque fois quelques évêques distingués par leur mérite et leur bonne réputation.
Les dépêches que les rois d’Espagne expédient pour ces deux royaumes sont ordinairement adressées aux
vice-rois et audiences royales et quelques autres tribunaux selon les ordres qu’elles contiennent. Lorsque
les vice-rois les reçoivent, ils font aussitôt assembler le parlement et les tribunaux qui se trouvent compris
sur l’adresse; ceux qui le sont étant assemblés, on ouvre les paquets du roi et un d’entre eux est chargé
de les lire à haute voix; ensuite on retient acte afin qu’il conste qu’on est conformé aux ordres du roi et
qu’en est informé depuis tel jour.
Outre les vice-rois, les audiences royales ou parlement dans les deux capitales sur lesquelles on traite
séparément aux chapitre XXII et XXIII, il y a aussi d’autres parlements dans quelques provinces dont toutes
les appellations sont évoquées aux audiences royales des capitales et de celles-ci au conseil royal des
Indes qui siège à Madrid. Il y a encore divers autres tribunaux qui ont leur juridiction à part, mais tous
relèvent du vice-roi et des parlements, savoir une chambre des Comptes pour la vérification des comptes,
qui regarde le roi un [conseil] d’officiers royaux pour gouverner ses finances; un pour régir le papier
marqué et un autre pour les bulles qu’on appelle cruzada. Toutes les fois qu’il faut résoudre quelque
affaire qui regarder leur juridiction, il faut que ce soit avec le consentement et l’approbation du vice-roi
et de la real audiencia, lesquels aussi quand il s’offre quelque chose de quelque considération qui regarde
le service du roi obligés d’appeler ses tribunaux à leur délibération.

15 À l’époque du voyage de Monségur, il n’y avait que deux vice-royautés : celle de la Nouvelle-Espagne et celle du
Pérou. En 1718 fut créée celle de la Nouvelle Grenade et en 1776 celle du Rio de la Plata. La vice-royauté de la
Nouvelle-Espagne était la plus ancienne (avril 1535) son territoire recouvrait la partie sud-ouest des États-Unis
actuelles, tout le Mexique, la capitainerie du Guatemala, le gouvernement du Venezuela, de Saint-Domingue, ainsi
que les lointaines Philippines. […] La vice-royauté du Pérou créée en 1542 comprenait à l’origine l’ensemble des
colonies espagnoles de l’Amérique méridionale.
16 Les vice-rois (virreyes) étaient nommés pour une durée indéterminée. Leur mandat, théoriquement de quelques

années, prenait fin à leur décès ou s’ils demandaient à en être relevés. Ils cumulaient tous les pouvoirs politiques de
la royauté et étaient accompagnés d’une cour, d’une escorte et d’une garde personnelle.

7
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
Et afin de mieux conserver et de mieux cultiver les conquêtes de l’Amérique, les rois d’Espagne les ont
divisées en plusieurs provinces et évêchés, sous des noms différents. Ils y ont établi des officiers avec le
titre de gouverneur pour les places fortifiées et pour les postes où ils entretiennent quelque garnison,
tant les entreprises d’Européens que contre celles des Indiens des frontières avec lesquels ils sont en
guerre. Leurs appointements sont selon que les gouvernements et les postes sont situés et qu’ils sont plus
ou moins considérables; tous ces gouverneurs ont des officiers subalternes sous eux, et leurs
gouvernements ne sont que pour cinq ans seulement, à la réserver de quelques peu qui sont à vie.
Dans les provinces où ils croient n’avoir rien à craindre, ils ont des officiers avec le titre de alcalde mayor
et de corregidor, qui ont des appointements différents selon leur juridiction. Ils ne sont en charge que
l’espace de cinq ans, et ont les mêmes fonctions que les gouverneurs. Ils ont droit d’élire leurs lieutenants
sans appointements du roi, et comme d’ordinairement leurs juridictions sont d’une grande étendue, ils
en ont plusieurs qu’ils placent en différents endroits où il convient le plus d’en avoir. Ces officiers sont
chargés du recouvrement des tributs de leur juridiction et d’y administrer la justice et la police et de
contenir un chacun dans son devoir, de quoi ils sont obligés de donner caution au vice-roi, au parlement
et aux officiers royaux et aux autres tribunaux avant que d’avoir la possession de leurs employés, ce qu’ils
appellent el paso.
Les vice-rois et les parlements ont autorité sur tous ces officiers et souvent ils sont tenus comme leurs
esclaves, tant ils savent les subjuguer et les tenir bas. Il est assez ordinaire de voir qu’on leur refuse la
possession des emplois qu’ils auront acceptés et de les voir dépossédés de leurs postes et de les mettre
en prison; et si la plupart n’y sont pas morts, c’est à cause qu’ils donnent de l’argent qu’ils savent
reprendre à propos, ce qui les garantit de cette juste peine qu’ils méritent le plus souvent. Dans le chapitre
XXVI qui traite des alcaldes mayores, on verra les injustices et les désordres qu’ils commettent aujourd’hui
plus que jamais. On ne voit que très peur de ces postes qui soient remplis par des personnes de sens, de
naissance ni de mérite personnel; au contraire, ce sera par des gens qui auront quel qu’ami de faveur et
de l’argent comptant qui y feront admettre la canaille plutôt qu’un homme d’une tenue distinguée., ce
qu’on n’attribue qu’à la nécessité dans laquelle Sa Majesté se trouve de vendre au dernier enchérisseur
les postes qui viennent à vaquer; Dieu veuille qu’en cela, ainsi que tout ce qui regarde les Indes, Sa Majesté
puisse y mettre plus d’ordre et de justice qu’il n’y a eu jusqu’à présent ans tout ce pays-là.
Outre ces officiers, le roi en entretient encore d’autres dans les lieux où il y a des droits ç recevoir pour
les entrées et les sorties qu’on appelle oficiales reales, qui veut dire officiers royaux, qui sont des charges
à vie. Ils ne sont pas de meilleure condition que ceux desquels on vient de parler ainsi qu’on le fera voir
au chapitre XXIV.
Jean de Monségur (ou Montségur), Mémoires du Mexique, Chapitre XIII. Publié par Jean -Paul Duviols,
ed. Chandeigne, 2002, p. 89-93.

Séance 3 : L’Estado da India et l’empire portugais d’Asie au XVIIe siècle


Lectures préparatoires
- António Manuel Hespanha, « L’administration d’une “ombre d’empire”: l’organisation des
« Portugais » en Afrique et en Asie », in François Godicheau et Mathieu Grenet (ed.), Raison
administrative et logiques d’empire (XVIe-XIXe siècle), p. 291-335.
- Introduction de Sanjay Subrahmanyam, L’empire portugais d’Asie 1500-1700, traduction de Marie-José
Capelle, Point, 2013 [1999].
Doc 3. Description de l’île de Goa par Pyrard de Laval (1619).
Goa est une île qui dépendait anciennement du royaume de Dealcan ou Decan, et est d’environ huit lieues
de tour, en laquelle y a sept forteresses qui gardent le passage. Elle est environnée d’une rivière qui vient
dudit royaume de Dealcan et va tomber dans la mer à deux lieues de la ville, dont elle passe au pied. À
l’embouchure de cette rivière y a deux forteresses, l’une d’un côté et l’autre de l’autre pour empêcher les
navires ennemis d’entrer. À une lieue au dedans de cette rivière il y a le Fort et passage de Pangin qui est
dans ladite île et dans iceluy y a un Capitaine et Gouverneur de la part du Vice-roi, qui commande là-bas
absolument et faut que tous les navires et vaisseaux quel qu’ils soient viennent parler et prendre leur
passeport et acquit tant pour l’entrée que pour la sortie. Il fait visiter le vaisseau et payer un certain droit.
Bref, il est impossible de passer soir de nuit soit de jour sans sa connaissance, à cause que le passage est
étroit et proche de la forteresse où il y a bonne garde. En cette île, les Portugais ont bâti une belle ville du
nom de l’île, nommée Goa qui a environ une lieu et demi de tour, sans y comprendre les faubourgs. Elle
contient force forteresses, Églises et maisons bâties à la mode d’Europe, de fort belle pierre et couvertes
de tuiles. Il y a environ cent dix ans que les Portugais se sont rendus maîtres de cette île de Goa et me suis
souvent étonné comment en si peu d’années les Portugais y ont pu faire tant de superbes bastiments, en

8
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
Églises, Monastères, Palais, Forteresses et autres édifices bâtis à la façon de l’Europe, aussi du bel ordre,
règlement et police qu’ils ont établis et de la puissance qu’ils y ont acquis, tout y étant aussi bien gardé et
observé qu’à Lisbonne même.
Cette ville est la Métropolitaine de l’État des Portugais es Indes, ce qui lui apporte tant de puissance,
richesses et célébrité. Aussi que le Vice-roi y fait sa résidence et y est honoré avec Cour somme le roi
même, puis l’Archevêque pour le Spirituel, la Cour de Parlement et l’inquisition. Et outre l’archevêque y a
encore un évêque particulier, de sorte que c’est le ressort de toute la Religion et Justice des Indes et tous
les ordres de Religions y ont leurs supérieurs. Tous les embarquements tant de guerre que trafic et
commerce pour le Roi d’Espagne s’y font. Pour le spirituel il y a quatre évêques et un archevêque es indes.
L’Évêque de Goa va jusqu’en Mozambique. Celui de Cochin vers le Nort jusque près de Barcelor et Malaca.
Celui de Malaca et celui de Macao en la Chine qui tous répondent à l’archevêque de Goa.
Quant à la multitude de peuple, c’est une merveille du grand nombre qui y va et vient tous les jours par
mer et par terre, pour toutes sortes d’affaires. Tours les Rois des indes qui ont paix et amitié avec les
Portugais y ont presque tous des ambassadeurs ordinaires et souvent des extraordinaires qui vont et
viennent pour entretenir la paix, comme aussi les Portugais de leur part. Mais pour les marchands qui
continuellement vont et viennent d’Orient, il semble que ce soit tous les jours une foire de toutes sortes
de marchandises dont il se fait trafic. Car encore qu’il y ait des Rois qui ne soient en paix avec les Portugais,
toutefois les marchandises et denrées qui proviennent de leurs pays ne laissent pas de venir à Goa par le
moyen d’autres Marchands amis qui les vont acheter. Et encore quelque inimité qu’il y ait entre eux, si
est-ce que si les Indiens ennemis volaient prendre passeport et assurance, ils y pourraient venir librement.
Mais ils ont trop d’ambition et aiment mieux aller ailleurs.
[…] Il y a un grand nombre de palmero ou orta, comme vous diriez ici de nos vergers pleins d’arbres de
cocos, plantés bien près à près […]. C’est le plus grand revenu des Portugais de Goa. Ils les font fermer de
murailles, avec quelques maisons et beaux jardins qu’ils appellent orta pour s’aller recréer avec leur
famille et font aller l’eau par canaux entre les arbres […]. Ils arrentent cela à des Canarins de Goa qui les
font valoir et en tirer leur nourriture. Ce qui vaut beaucoup à Goa à cause du vin qui s’en fait dont il se fait
grand débit. […] Les habitants aiment mieux travailler et trafiquer par mer et par terres que de s’amuser
à des nourritures de bestiaux […]. De façon que l’ île de Goa donne fort peu de chose du sein et toutefois
tout y est à fort bon marché.
La rivière est assez profonde pour les grandes vassaux, caraques et Galions de Portugal, quand ils arrivent.
Ils s’arrêtent à l’embouchure qu’ils appellent la bare […] puis quand ils sont déchargés on les amène jusque
devant la ville d’où il y a plus de deux lieues. À l’entrée de cette bare où sont les navires à l’ancre […] y a
deux forteresses que l’on a faites contre les Hollandais et autres étrangers pour les empêcher d’entrer et
de mouiller l’ancre en cette rivière comme ont fait quelques fois les Hollandais qui y sont entrés et y ont
brulé et mis à fonds force vaisseaux qui y étaient […]. L’entrée de la rivière est fort large et dure jusque
devant la ville. Il y a force de rangées de gros pieux de bois plantés çà et là et y a quelques entrées
seulement […] de sorte qu’il est difficile d’entrer et sortir sinon en passant contre la forteresse de Pangin
où l’eau est fort profonde. […] Le capitaine qui y est envoie aussitôt visiter les vaisseaux pour voir les
acquis et savoir qu’elle marchandise ils portent.
Goa est fournie tout autour de l’île de sept forteresses passablement bonnes. […] En toutes y a une même
forme et police et y a prisons pour tenir ceux qu’ils soupçonnent et en donnent avis au Capitaine de la
ville. […]. Ils en font ainsi par toutes les autres terres des Portugais. En chacune il y a un capitaine, écrivain17
et soldats de garde. Tous ceux qui sortent de l’île pour aller en terre ferme en trafics ou pour les vivres et
provisions que font les Indiens et Canarins de Goa, tant hommes que femmes et enfants, [doivent]
prendre cachet et signale. C’est que sur le bras qu’ils ont tous nus ils prennent ce cachet trempé dans de
l’ancre. Quand ils rentrent ils prennent la même marque du capitaine du fort. Par ce moyen ils savent le
nombre de gens qui entrent et sortent car il y a écrivains partout qui tiennent registres. […]. Tous ces
passages sont de grands revenus tant pour les marchandises que pour la quantité de personnes qui y
passent.
Pyrard de Laval, Voyage de Pyrard de Laval contenant sa navigation aux Indes Orientales, Maldives,
Moluques, Bresil ; les divers accidens, adventures et dangers qui lui sont arrivez et un bref advertissement
pour ceux qui entreprennent le voyage aux Indes, Chapitre II, 1619. Édition de Pierre Bergon.

Séance 4. Des ponts sur la mer


Lectures préparatoires

17
Ici notaires travaillant au service de la Couronne et titulaires d’un office royal. Il existait aussi des
notaires publics, travaillant à leur compte dans la ville.

9
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
- Delphine Tempère, « Le port d’Acapulco, escale sur le chemin de l’Asie », in Dossier Les ports de la
monarchie espagnole -Amérique, e-spania [revue en ligne], 25, 2016.
- Chapitre 6 de Serge Gruzinski, Les quatre parties du monde. Histoire d’une mondialisation, La
Martinière, 2004, pp. 145-178.
- José Manuel Diaz Blanco, « La Carrera de Indias 1650-1700: Continuidades, rupturas y
replanteamientos, in e-spania [revue en ligne], 29, 2018.

Doc 4. Le voyage du Galion de Manille par Giovanni Francisco Gemelli Careri, 1699-1700.
[L’auteur est arrivé à Manille depuis l’île de Samar un peu plus au sud dans l’archipel des Philippines. Il
décrit les richesses qu’il découvre à son arrivée.]
Quant à Manille, l’Auteur de la nature l’a placée entre les riches Royaumes d’Orient et d’Occident, en
sorte qu’on la peut mettre au rang des endroits du monde où l’on fait le plus grand trafic. Les Espagnols
venants par l’Orient et les Portugais par l’Occident terminent leur voyage aux Isles Moluques qui étaient
sous la dépendance des Philippines : et parce que tout milieu participe ordinairement des extrémités,
comme ce qui les joint, il arrive de là que les Philippines jouissent du meilleur des deux Indes. On y trouve
l’argent du Pérou et de la nouvelle Espagne, et si l’on parle des Indes Orientales, on y trouve les diamants
de Golconda, les rubis, les topazes, les saphirs et la précieuse cannelle de Ceylan; le poivre de Java, le
girofle et les noix de muscades des Moluques; les perles et les tapis de Perse; les toiles et les étoffes de
soie de Bengale; le camphre de Borneo, le Mengioy et l’ivoire de Cambodja, le musc de los Lequios; les
soies, les étoffes, les toiles, les cottons, la belle porcelaine et autres raretés de la Chine. Lorsque le
commerce florissait avec le Japon, il en venait deux ou trois vaisseaux tous les ans qui laissaient de l’argent
le plus fin, de l’ambre, des étoffes de soir, des cabinets, des boetes et des cabarets excellement vernis en
échange pour du cuir, de la cire et des fruits du pays. On peut bien juger combien la situation de Manille
est avantageuse, puisqu’un vaisseau qui va de là à Acapulco, en revient chargé d’argent avec un gain de
quatre cents pour cent. Pour moi je ne crois pas qu’il y ait d’Isles au monde si abondante. […].
[Après avoir passé plusieurs semaines à Manille, l’auteur s’embarque sur un des trois Galions partant pour
Acapulco. Il décrit méticuleusement les calculs effectués par les pilotes du Galion pour rendre compte de
la route empruntée à travers le Pacifique et les difficultés de la vie à bord].
Une quantité de Matelots tomba malade, par les pluies continuelles, le froid, et autres rigueurs du temps,
où ils étaient exposés. […]. Malgré cependant toutes les terribles peines que l’on souffre dans ce
prodigieux voyage, l’avidité du gain en engage plusieurs à le faire deux fois, quatre fois, dix fois même […].
Toute la paye est de trois cent cinquante pièces, mais ils n’en reçoivent que soixante-quinze à Cavite18
quand ils vont en Amérique. Car s’ils en avoient la moitié très peu retourneraient aux Philippines pour
avoir le reste. Ce voyage-là apporte cent cinquante et deux cents pour cent de profit aux marchands, neuf
pour cent aux facteurs, ce qui ne fait pas une petite somme, dans une affaire de deux à trois cent mille
pièces de huit. Cela est effectivement fort agréable de retourner chez soi, avec dix-sept et dix-huit mille
écus de profit en moins d’un an, sans compter ce que l’on fait pour soi-même. Le capitaine don Manuel
Argüeles me dit que sans avoir aucun emploi, il gagnait dans ce voyage vingt-cinq mille pièces de huit. On
comptait au pilote vingt mille, au sous pilotes neuf mille chacun […] il ne faut qu’un voyage pour les rendre
riches. Or tous ces gains si grands en engagent plusieurs à faire un voyage si pénible et s’exposer à tant
de misères et de dangers. […]
Les Espagnols et les géographes ont donné à cette mer le nom de Pacifique, mais cela ne s’accorde pas
bien avec ses terribles et orageux mouvements pour lesquels on devroit plutôt l’appeler Turbulente. La
vérité est que les Espagnols lui ont donné ce beau nom dans le voyage d’Acapulco aux Philippines, qui se
fait sans peine en trois mois, sans aucun mouvement violent de la mer et toujours avec vent arrière. […]
Il y a deux maladies dangereuses dans ce voyage, surtout quand on approche de l’Amérique. L’une est le
Berben, qui fait enfler le corps et mourir en parlant, et l’autre est le Scorbut, qui gâte les gencives et fait
tomber les dents. Le meilleur remède est de mettre un pied à terre.
[Après à peu près trois mois passés en pleine mer, seuls deux Galions parviennent jusqu’aux côtes
américaines.]
Le mardi jour de Noël, on célébra quatre messe après minuit19, en faisant toujours route l’est-sud-Est pour
découvrir plutôt la terre. Quand on eût mis les deux canons dans leur lieu, on donna des mousquets à tout
l’équipage, pour se défendre des ennemis que l’on trouve souvent sur la côte de Californie […] comme les
corsaires Anglais qui longent les côtes de Californie. On vit terre au coucher du Soleil. […]. Il y a beaucoup

18
Port des Philippines.
19
Il y avait régulièrement des missionnaires et des prêtres sur les navires de la Carrera. Careri dit avoir
voyagé avec plusieurs missionnaires dominicains et au moins deux prêtres séculiers.

10
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
de bons arbres; on y trouve de l’eau ; la chasse y est abondante ce qui fait que les Corsaires François et
Anglois qui ont passé par le Détroit de Magellan, pour piller dans la Mer du Sud, y viennent hiverner. […]
Le vendredi 18 [janvier] nous nous trouvâmes à la vue du Port d’Acapulco […] Le vent se trouvant favorable
nous entrâmes par la grande embouchure dans le port d’Acapulco et nous y mouillâmes à cinq heures
après midi. […] Le dimanche matin tout le monde s’embrassa accompagné de larmes et tendresse, se
voyant dans le Port après un pénible voyage de deux cent quatre jours et cinq heures. On chanta le Te
Deum pour rendre grâce. […] On attendit tout le dimanche pour la visite des Officiers du Roi, afin de
pouvoir mettre pied à terre. Ils vinrent sur les trois heures, savoir, le Gouverneur du Château, don François
Mecca contrôleur et le visiteur à qui on donna la facture de la charge du Galion pour régler les droits du
Roi qui se montaient à quatre-vingt mille pièces de huit […]. On lui remit aussi le double des lettres pour
Madrid, afin de les envoyer par un autre courrier en toute diligence à Mexico. Aussitôt qu’ils furent partis
on porta à terre l’Image de la Sainte Vierge et je l’accompagnais jusqu’à l’église paroissiale au bruit du
canon du vaisseau. […] Je fus lundi à terre où l’on me dit que la Sentinelle de Pérou avait découvert deux
vaisseaux qui faisaient voile pour ce port. Il faut savoir que sur une montagne proche de la Ville il y a deux
sentinelles, une qui regarde vers le Pérou et l’autre vers la Chine afin de donner avis des vaisseaux. […] Le
soir je dînai avec don François Mecca. […] Il est à propos que je m’arrête ici, afin de reprendre haleine et
de donner plus commodément mon dernier volume. »
Giovanni Francisco Gemelli Careri, Voyage du tour du monde, « Voyage très dangereux de îles
Philippines à l’Amérique », Tome V livre III, 1699-1700. Première édition française, traduit de l’italien par
Eustache Le Noble, 1719. Disponible sur Gallica.

Séance 5. Connaître et représenter l’empire.


Lectures préparatoires :
- Enali Leca de Biaggi, Martine Droulers, « Cartographie et formation territoriale », in Cahiers des
Amériques Latines, Université Paris 3, Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine (IHEAL /
Université Paris 3), 2000, pp.39-60.
- Caroline Seveno, « Essai sur la circulation des savoirs cartographiques traitant des Antilles, XVIe -XVIIIe
siècles », in Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, 165, 2013, pp. 75–95.

Doc 5. Mappa Mundi de Pedro de Teixeira Albernaz, cosmographe du Roi. Extrait de son Atlas
universel, commandé par Philippe IV d’Espagne, 1634. 200 p., 446 x 348mm, conservé a la
Bibliothèque nationale d’Autriche. (page suivante)

Image couleur et plus grande envoyée ou déposée sur Cours en ligne.

11
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

12
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Séance 6 : Administrer les colonies. Les visitas et la question des terres dans les
territoires américains.

Lectures préparatoires :
- Guillaume Gaudin, « La démesure des listes du Conseil des Indes au XVIIe siècle. Le Nouveau Monde vu
depuis les bureaux madrilènes. », in Dossier. Pour faire une histoire des listes à l’époque moderne,
Mélanges de la Casa de Velázquez, 44, 2, 2014, pp. 83-103.
- Nadine Beligand, « L’agrimenseur, le juge et le roi : mesure et appropriation de l’espace en Nouvelle-
Espagne », in Connaissances et pouvoirs. Les espaces impériaux (XVIe-XVIIIe siècles). France, Espagne,
Portugal., Charlotte de Castelnau-L’Estoile et François Regourd (dir.), 2005, Pessac, France. pp.101-125.
Doc 6. Visite de Juan de Paz de Vallecillo en Nouvelle Galice, 1606-1607.
Le 8 mars [le licencié Juan de Paz de Vallecillo] partit de Thoqualtliche et se rendit dans le pueblo20 de
Vetazintla que l’on appelle San Gaspar, le jour suivant il se rendit à Zalostotiztlan et visita le pueblo
conformément aux ordres de sa commission. Il remédia à certaines affaires pour le bien des naturels leur
faisant donner des terres dont ils manquaient et qu’ils leur avaient été usurpées […] il instruit également
un procès contre Domingo de Licanaras concernant des troupeaux de bétail qu’il cachait en dehors du
pueblo de Zalostotizlan et qu’il avait pris au père Gaspar de Riviera. Il vérifia les faits et fit ratifier les
témoins et pour conclure l’affaire il la transmit à la Real Audiencia et plaça seulement ledit Domingo de
Licanaras en prison car il n’avait pas le temps de rester pour entendre sa défense et la juger. Il visita
ensuite l’estancia21 du père Gaspar de Riviera et le pueblo de Tecpatitlan le 10 mars. Les naturels n’avaient
aucune plainte à faire entendre et il ne trouva rien à corriger pendant sa visite.
Le treize mars il arriva au pueblo de Zapotlan où il se renseigna sur des plaintes de la part des naturels
contre Diego Porras, alférez royal de la ville de Guadalajara, au sujet des torts, ont-ils dit, que leur
causaient ses pièces de bétail dans leurs champs, leurs vergers et leurs maisons. Il entendit les
témoignages, et de même en raison d’un arrêt accordant un terrain pour l’estancia qu’on appelle de
Tepetongo. Il s’informa de tout celan et fit de même pour les plaintes adressées par les Indiens du pueblo
de Matatlan et de Santa Fe au sujet des torts faits par le bétail dudit Diego de Porras. Une fois qu’il eut
tout vu, ledit visiteur prononça une sentence par laquelle il commandait que les Indiens fissent leurs
cultures sur les meilleurs terres qu’on trouverait près de leurs villages, et que ledit Diego de Porras les
clôturât à ses frais. Il le condamna pour les torts qu’il avait causés et lui commanda de maintenir ses bêtes,
juments, mules et ânes bien ensembles et bien gardés par un nombre suffisant de personnes qui
maintinssent lesdites pièces de bétail loin desdits champs, de sorte qu’elles n’y fissent pas de dégâts.
Si elles venaient à en faire, qu’il les remboursât, non pas en poulains, ni bétail, ni viande, mais en maïs ou
argent, de sorte qu’ils en fussent contents et satisfaits; et qu’on leur payât la quantité que
vraisemblablement ils eussent retiré de leurs cultures s’il n’y avait eu aucun dégât. Il commanda qu’on
exécutât toutes les peines, sous peine et sommation qu’aux dépends dudit Diego de Porras on enverrait
quelqu’un avec un salaire, pour les exécuter. Et il condamna ledit Diego de Porras au vu des torts, autres
peines et salaires. En ce qui concerne les concessions d’estancias, en particulier celle de Tepetengo,
contestées par les naturels, il s’en remit à la real audiencia en raison du temps requis pour prendre
connaissance des titres et du droit relatifs aux dites estancias.
Les naturels d’Ascatlan se plaignirent d’un Francisco Méndez, éleveur, pour s’être introduit sur leurs terres
et y avoir peuplé une estancia et les avoir prises aux Indiens, alors qu’ils en ont un grand besoin pour leur
travail et survie. Une fois qu’il eut reçu les témoignages à ce sujet, ledit visiteur établit une sentence par
laquelle il commandait que ledit Francisco Mendez cessât de peupler les terres, d’y construire des maisons
et qu’il les laissât libres pour lesdits naturels, pour qu’ils y semassent et les cultivassent comme étant les
leurs, sans que personne ne l’empêchât. Et il les assura de sa protection quant aux terres, et ordonna aux
justices qu’on les favorisât et les protégeât. Et il ordonna audit Francisco Méndez que s’il avait une plainte
à déposer il se présente à la real audiencia. Conformément à ce qu’il fut convenu, on envoya les

20
Pueblo de indios : ville construite sur le modèle urbain castillan pour rassembler les populations
indigènes. La construction des « pueblos de Indios » était un projet de la Couronne pour faciliter le
recensement, la gestion des terres mais aussi l’évangélisation des populations indigènes. Elles furent
donc souvent déplacées et contraintes d’abandonner leurs anciens villages. Les pueblos de indios étaient
en théorie interdits aux espagnols (y compris aux corregidores de indios) et seuls les prêtres de paroisses
pouvaient y résider. En réalité, à partir du XVIIe siècle, on trouve des populations extrêmement mixtes
dans les pueblos des régions agricoles ou minières dynamiques.
21
L’estancia est une ferme d’élevage.

13
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
ordonnances aux Indiens. Il se rendit également dans le pueblo de Zonacatlan et le visita, et au pueblo de
Catique et dans celui de Xonacatlan. Il y entendu de nombreuses plaintes des naturels contre Juan de
Saldivar Mendez et ses haciendas, à propos des torts qu’il leur faisait et des terres qu’il leur usurpait. Il
établit la même sentence que dans le cas de Diego de Porras.
Relación de la visita del licenciado Juan de Paz de Vallecillo, 1606-1607, Archivos Generales de Indias.
Transcription et traduction Elfie Guyau.
Une partie du texte a été publiée en espagnol par Thomas Calvo dans Jean-Pierre Berthe, Thomas Calvo
et Águeda Jiménez Pelayo (ed.), Sociedades en construcción. La Nueva Galicia según las visitas de
oidores (1606-1616), Guadalajara-México, Universidad de Guadalajara/CEMCA, 2000.

Séance 7: Production et circulation des métaux dans l’empire espagnol.


Lectures préparatoires :
- Chapitre 6. Timothy Brooks, Le chapeau de Vermeer. Le XVIIe siècle à l’aube de la mondialisation,
traduction Odile Demange, Payot, 2009.
- Carlos Marichal, « La piastre ou le real de huit en Espagne et en Amérique : une monnaie universelle
(XVIe-XVIIIe siècles) », in Revue européenne des sciences sociales, XLV, 137, 2007, pp. 107-121.
Doc 7. Le travail de la mine et l’exploitation des populations indigènes selon Guaman Poma
de Ayala, 1615.
[Felipe Guaman Poma, indigène lettré, parlant et écrivant le castillan et très familier de la culture
chrétienne hispanique, rédige un vaste memorial adressé au roi d’Espagne dans lequel il expose son avis
sur le fonctionnement de la société coloniale et propose des exemples de réformes pour soulager les
indigènes et châtier les comportements abusifs des colons espagnols.]
Lesdites mines de mercure de Huancavelica sont celles où on les pauvres indiens sont les plus maltraités
et où ils souffrent mille tourments et où beaucoup meurent. C’est là-bas que les caciques principales22 de
ce royaume sont tourmentés. Et il en est de même dans toutes les autres mines d’argent de Potosí et de
Chocllo Cocha et d’or de Carabaya et autres mines de ces royaumes. Lesdits miniers et mayordomos23,
Espagnols ou mestizos24 ou indiens ont un pouvoir si absolu qu’ils ne craignent ni Dieu ni la Justice car ils
ne sont pas soumis au jugement de résidence25 et ne doivent jamais rendre de comptes ni subir de visite
générale tous les trois mois. Et ainsi, rien n’est fait.
Ils suspendent les caciques principales par les pieds et les autres, ils le font fouetter après les avoir exposés
sur un bouc, nus […]. Ils en jettent d’autres dans la prison publique ou les mettent au pilori avec des fers
sans leur donner à manger ni à boire et sans les autorises à se défendre. Tous ces mauvais traitements et
affronts, ils les font sous prétexte que certains indiens manquent à la mita (ou corvée rotative). Ces
punitions sont aussi administrées aux seigneurs originaires de ce royaume auxquels Votre Majesté a
donné un titre. Ils les châtient avec beaucoup de cruauté comme s’il s’agissait de voleurs ou de traîtres.
Et à cause de cela, beaucoup sont morts dans le déshonneur et rien n’est fait.
Et on ne dédommage pas [les indiens] pour leur travail et leur déplacements aller et retour pour venir à
ces mines, ni le temps qu’ils y restent ni leur salaire journalier. Au prétexte de la mine, on les occupe à
garder des troupeaux, à transporter des marchandises et on les envoie dans les plaines où ils meurent. Et
ils font des cumbes [tissus fins] et à d’autres on leur ordonne de tisser des vêtements et d’autres sont
chargés de secourir. Et ceux-là ne sont pas payés et on tient leur travail secret. On trouve dans les mines
des indiennes cuisinières; mais sous prétexte de faire la cuisine, elles servent de concubines. Certains
miniers et leurs mayordomos prennent, forcent et dépucellent les filles des indiens qui servent dans les
mines et ils forcent leurs femmes en envoyant leurs maris travailler à la mine pendant la nuit ou en les
envoyant travailler loin. Et ils les forcent à leur acheter du maïs, de la viande ou de la chicha26 et du pain
et les décomptent de leur salaire.
Tant et si bien qu’ils repartent très pauvres, avec beaucoup de dettes et ils ne peuvent plus payer leur
tribut. Et rien n’est fait parce que le corregidor et le gobernador ou juge qui est nommé ou l’alcalde

22
Nom donné par les Espagnols aux différents seigneurs indigènes, c’est à dire aux autorités
traditionnelles et aux pouvoirs héréditaires, dans toutes les sociétés indigènes de leur empire.
23
Individu nommé pour déléguer la gestion d’une exploitation en l’absence de son propriétaire.
24
Noms donné aux personnes nées de l’union entre espagnols et indigènes.
25
Procédure administrative de la Couronne, lors de laquelle certains officiers royaux devaient rendre
des comptes sur leurs activités durant leur mandat.
26
Alcool de maïs.

14
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
mayor27 prennent leur parti et s’allient avec eux par corruption. Avec l’argent en tête, ils préfèrent que
l’on tue les pauvres indiens. Le protector28 est inefficace, puisqu’il est toujours contre les indiens. Il ne les
défend pas de ces tourments de l’enfer et ne met pas non plus en garde Votre Majesté ou sa royale
audiencia contre les peines que souffrent les indiens.
Votre Majesté doit savoir pourquoi lesdits miniers peuvent se vêtir de soie, d’or et d’argent; c’est grâce
au travail des pauvres indiens et à ce qu’ils dérobent à Votre Majesté. Ainsi, il serait bon que tous les six
mois lesdits miniers soient visités et qu’ils soient soumis à un jugement de résidence pour leur demander
des comptes. […]. Car il se fait beaucoup d’autres outrages que par pudeur on ne peut écrire et pour
lesquels on s’en remet à Dieu et à ses juges et justices.
À cause de tous ces outrages, les indiens s’absentent de leurs pueblos pour éviter d’aller à ces mines,
[échapper] au tourment et au martyr et pour ne pas connaître un tel enfer face aux peines et tourments
des démons. D’autres encore fuient depuis ces mines, d’autres sur le chemin avant d’arriver pour ne pas
mourir ici. Ils préféreraient mourir que vivre et demandent qu’on les achève une bonne fois pour toute,
plutôt que d’attraper le mal du mercure, qui assèche et provoque de l’asthme et qui empêche de vivre
jours et nuits. Et cela dur un ou deux ans pour finalement mourir.
Ainsi, pour ma part, j’enjoins votre Majesté et son gouverneur et son audiencia de charger un chrétien de
l’aviser, de lui écrire et de l’informer de la condition des pauvres de Jésus Christ pour que remède soit
trouvé et qu’un tel mal ne puisse pas continuer dans le mines de ce royaume.
Felipe Guama Poma de Ayala, El primer corónica y buen gobierno, 1615. El capítulo de los mineros o el
corregimiento de las minas, p. 526 [530]- 527 [531]. Traduction Elfie Guyau.

Doc 8. L’exploitation des Mines de mercure de Huancavelica, par frère Miguel de Agia, 1604.

Miguel de Agia, prêtre franciscain et lecteur en théologie dans le plus grand monastère de Lima,
écrit plusieurs essais pour informer le Roi de la situation des populations indigènes du Pérou, et
notamment des grandes peines qu’ils souffrent au travail des mines. Il décrit ici plus
particulièrement la situation dans les mines de mercure de Huancavelica.
Le grand gouffre de Huancavelica, appelé communément riches mines, doit être fermé ou on
doit cesser les excavations pour que les Indiens n’aillent plus y travailler.
Après avoir rendu mon avis sur les différents sujets évoqués précédemment, pour décharger la
royale conscience de Votre Majesté ainsi que le mienne, je me rendis au mois de mai de l’an
passé de mil six-cent trois à la ville de Huancavelica et visitai ladite mine avec les licencié Pedro
Garcia, prêtre, et Marcos Garcia, son frère, depuis longtemps exploitants miniers de ce sommet,
et du veedor [de la mine] 29. Nous descendîmes jusqu’à une profondeur de 150 stades, plus ou
moins, et je vis de mes propres yeux le travail dans cette nouvelle mine et la manière de travaille
des indiens. Il faut considérer le lieu et son extrême profondeur et la malice et la nature
visqueuse des métaux, l’odeur des bougies de suif est pestilentielle, la promiscuité du lieu, la
corruption de l’air causée par la sueur des corps et d’autres immondices et substances
visqueuses, la poudre qui sort des métaux sous les coups des pioches, la difficulté à respirer que
subissent les indiens car l’air ne peut pas passer; la montée immense jusqu’à l’entrée du tunnel
en portant les métaux en passant par des échelles si longues et abruptes; le très peu d’air qui
passe par la bouche du tunnel est si froid; quand ils sortent chargés et suant, ils boivent de l’eau
glacée sous la chaleur intense; la nourriture qu’ils mangent est peu nourrissante; le poids de
tant de travail et le danger de le réaliser et le peu ou l’absence totale de sécurité des ponts et
des marche pieds qui jalonnent le tunnel d’excavation; et enfin les nombreux milliers d’indiens
que y sont morts et enterrés sans compter les nombres autres aux portes de la mort et souffrant
d’autres maux qu’il faudrait ajouter aux premiers. Tout cela est documenté par les enquêtes
juridiques qui ont été faites.
Je le dis et il m’est avis que pour ce que j’en ai vu de mes propres yeux, le Roi notre seigneur et
le Vice-roi en son nom, a obligation de faire fermer ladite mine ou de faire enlever les premières

27
Officier municipal élu en charge de la police et de la justice municipale.
28
Magistrat nommé par la juridiction royale pour défendre et aider les indiens dans leurs démarches
judiciaires.
29
Officier royal chargé de faire respecter les intérêts royaux et d’appliquer les ordres de la Couronne
dans une mine.

15
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
échelles pour que l’on n’y puisse plus entrer afin d’éviter tant de destructions, de peines et de
morts inévitables qui frappent ces misérables et infortunés indiens. De fait, Votre Majesté
dispose à présent de mercure en quantité suffisante pour plusieurs années puisque qu’elle
dispose d’autres mines proches de celle-ci au travail desquelles elle peut occuper les indiens.
Elle peut aussi envoyer les indiens pour prospecter et défricher afin de découvrir de grandes
richesses de métaux. Ces autres mines pourraient être travaillées à ciel ouvert ou de toute autre
manière qui ne cause pas de peines si grandes et inévitables pour les indiens comme c’est le cas
dans cette mine.
Et je sens par Dieu et dans ma conscience que notre seigneur et Roi n’a pas suffisamment
d’indiens dans toutes les provinces du Pérou et de la Nouvelle Espagne pour les consumer et les
décimer en si peu de temps au travail de cette mine, puisque depuis quelques années on a
constaté et on constate par expérience que tous les indiens qui viennent faire leur mita dans
cette mine et y travaillent en sortent irrémédiablement condamnés à mort et même si certaines
ne meurent de suite et que d’autres meurent plus tard, c’est chose certaine qu’aucun ne survit
plus de trois ans à cause d’une si cruelle maladie qu’ils souhaiteraient mourir plutôt que de la
souffrir avec grand mal et chagrin. Et sur ces mots, il me semble qu’il est bon de conclure.
Fray Miguel Agia, Tres Pareceres graves en derecho, 1604, p. 103-104. Traduction Elfie Guyau.

Séance 8 : Le Brésil portugais et les promesses de l’Atlantique sud


Lectures préparatoires:
- Luiz Felipe de Alencastro, « Le versant brésilien de l’Atlantique-Sud : 1550-1850”, in Annales. Histoire,
sciences sociales, 2, 61e année, 2006, pp. 339-382.
- Chapitre 9 de Stuart B. Schwartz, Sugar plantations in the formation of Brazilian Society, Cambridge
University Press, 1985, pp. 245-263.
- Lara Silvia Hunold, “Marronnage et pouvoir colonial”, in Annales. Histoire, Sciences Sociales, 3, 62 e
année, 2007, pp. 639-662.
Doc 9. Les richesses du Brésil selon 1711.
Livre I, Chapitre I. Des biens que doit posséder le maître d’un engenho « royal »
Être maître d’habitation, c’est un titre auquel beaucoup aspirent car il entraîne avec lui le privilège d’être
servi, obéi et respecté par beaucoup. Si le maître d’habitation est, comme il doit l’être, possesseur de
grands biens et bon administrateur, c’est à juste raison que l’on peut, au Brésil, estimer sa condition dans
la même mesure où, parmi les gentilshommes du Royaume, on estime les titres de noblesse. […]
De même que les roturiers dépendent des gentilshommes, ainsi dépendent des maîtres d’habitation les
planteurs qui ont affermé des champs de canne sur les terres de l’habitation elle-même. Plus les maîtres
sont riches, bien pourvus de tout le nécessaire, affables et loyaux, plus ils sont recherchés, même par ceux
dont la canne n’est pas engagée […].
Au service du maître de l’habitation se trouvent divers corps de métiers. Outre les esclaves à sarcler et à
récolter qui travaillent dans les plantations et au moulin, outre les mulâtres et mulâtresses, nègres et
négresses du service domestique, ou travaillant en d’autres endroits, il y a des matelots pour les barques
et d’autres pour les canots, des calfats, des charpentiers, des cabrouetiers, des potiers, des vachers, des
bergers et des pêcheurs. Tout maître possède nécessairement, en outre, un maître sucrier, un
contremaître-sucrier et un aide-sucrier, un purgeur, un économe employé sur l’habitation, un autre
économe employé à la ville, des commandeurs dans les champs de canne et les jardins à vivres, un chef-
commandeur pour l’ensemble de l’habitation et, pour le spirituel, un prêtre qui lui sert de chapelain.
Chacun de ces derniers reçoit un salaire.
Pour tous les esclaves (qui, dans les habitations les plus importantes, dépassent le nombre de cent
cinquante et deux cents pièces, en comptant ceux qui sont occupés dans les champs de canne), il faut des
vivres, des vêtements, des médicaments, une infirmerie et un infirmier ; il est donc nécessaire d’avoir des
jardins à vivres plantés de plusieurs milliers de pieds de manioc. Les barques veulent des voiles, des cables,
des cordes et du brai. Les fourneaux qui, pendant sept ou huit mois, brûlent nuit et jour, veulent beaucoup
de bois. Et pour cela il faut avoir deux bateaux à voile qui, se relayant sans cesse, aillent en chercher dans
les ports, et il faut beaucoup d’argent pour l’acheter ; ou bien il faut de grandes forêts, avec beaucoup de
cabrouets et beaucoup de paires de bœufs pour le charroyer.
Livre I, Chapitre IX. Comment le maître de l’habitation doit se comporter envers ses esclaves.

16
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
Les esclaves sont les bras et les jambes du maître de l’habitation car sans eux, au Brésil, il n’est pas possible
de constituer, de conserver et d’agrandir un domaine, ni d’avoir un moulin en état de rouler. Et de la façon
dont on se comporte envers eux, dépend qu’ils soient bons ou mauvais à l’ouvrage. […] Comme ils sont
généralement de nations diverses, le uns plus grossiers que les autres, et de constitutions très différentes,
il faut en faire la répartition avec soin et discernement, et non à l’aveuglette. […]
Les mulâtres sont encore meilleurs pour n’importe quel métier ; cependant beaucoup d’entre eux, usant
mal de la faveur de leurs maîtres, sont orgueilleux et vicieux, ils font les braves, et sont prêts à n’importe
quelle insolence. Et pourtant, hommes et femmes de cette couleur ont généralement au Brésil le meilleur
des sorts : grâce, en effet, à cette part de sang de blancs qu’ils ont dans les veines, et qui peut même être
le sang de leurs propres maîtres, ils les ensorcellent de telle façon que certains de ceux-ci en acceptent
n’importe quoi et leur pardonnent tout. Il semble même qu’ils n’osent pas les réprimander, et que ce sont
bien plutôt eux qui font toutes les amabilités. Et ce n’est pas une chose facile que de décider si, en cela,
les maîtres ou les maîtresses sont les plus fautifs ; il n’en manque pas, en effet, parmi eux et parmi elles,
qui se laissent gouverner par des mulâtres qui ne sont pas des meilleurs, afin que se justifie le proverbe
qui dit que le Brésil est l’Enfer des nègres, le Purgatoire des blancs, et le Paradis des mulâtres et des
mulâtresses […] Affranchir des mulâtresses dissolues est une perdition manifeste, car l’argent qu’elles
donnent pour se libérer sort rarement d’autres mines que de leurs propres corps, par le moyen de péchés
répétés ; et une fois affranchies, elles continuent à être la ruine de beaucoup d’hommes. […]
Pour ce qui est de leur nourriture, de leur habillement et de la modération dans leur travail, il est clair que
le maître ne doit pas les leur refuser. En effet, le maître doit, en justice, donner à ceux qui le servent une
alimentation suffisante, des remèdes lorsqu’ils sont malades, et les moyens de se couvrir décemment et
de se vêtir, ainsi que le requiert la condition d’esclave, afin qu’ils ne se montrent pas quasiment nus dans
les rues ; et il doit également modérer le travail de telle sorte qu’il ne soit pas supérieur aux forces de
ceux qui l’accomplissent, si l’on veut qu’ils puissent le supporter. Au Brésil, on a coutume de dire que
l’esclave a besoin de trois P. P. P., c’est-à-dire de Pau, de Pão et de Panno (de bâton, de pain et de
vêtements). Et bien qu’on débute mal, puisqu’on commence par le châtiment, qui est le bâton, plaise au
Ciel cependant que la nourriture et les vêtements soient aussi abondants que l’est, bien souvent, le
châtiment infligé pour n’importe quelle raison peu fondée ou même inventée, et avec des instruments
très cruels, même lorsque les fautes sont prouvées — instruments dont on ne se sert pas même pour les
bêtes, puisqu’un maître d’habitation fait plus de cas d’un cheval que d’une demi-douzaine d’esclaves […].
Comment cela serait-il admis sans châtiment devant le tribunal de Dieu ? […] Si, en plus de cela, les
châtiments sont fréquents et excessifs, ou bien les esclaves partiront et s’enfuiront dans la forêt, ou bien
ils se tueront […], ou bien ils chercheront à ôter la vie à ceux qui rendent la leur si dure, en ayant recours,
si cela est nécessaire, à des pratiques diaboliques, ou bien encore ils élèveront de telle sorte leurs
clameurs vers Dieu que Dieu les entendra et qu’il fera aux maîtres ce qu’il fit aux Égyptiens quand ceux-ci
opprimaient les Hébreux en les obligeant à d’extraordinaires labeurs, en envoyant contre leurs biens et
contre leurs enfants les terribles plaies qu’on lit dans la Sainte Écriture, à moins qu’il ne permette que, de
même que les Hébreux furent conduits à Babylone en punition de la dure captivité qu’ils infligeaient à
leurs esclaves, un cruel ennemi n’emmène ces maîtres dans ses propres terres, afin qu’ils y fassent
l’expérience de la vie pénible qu’ils ont infligée et infligent sans cesse à leurs esclaves. […]. [Au contraire],
s’ils constatent que les maîtres ont soin de donner à leurs jeunes enfants quelque relief de leurs repas, les
esclaves les serviront de bonne grâce et se réjouiront de leur multiplier des serviteurs. Dans le cas
contraire, certaines esclaves cherchent délibérément à avorter, afin que les fils de leurs entrailles n’aient
pas l’occasion de souffrir ce qu’elles souffrent elles-mêmes.
Dernier chapitre. Combien il est juste que l’on favorise le Brésil, à cause de sa grande utilité pour le
royaume du Portugal
Après tout ce que nous avons dit jusqu’à présent, il ne se trouvera personne pour douter que le Brésil ne
soit aujourd’hui, autant pour le Trésor royal que pour le bien public, la meilleure et la plus utile de toutes
les conquêtes que compte le Royaume de Portugal, quand on considère la grande quantité de ce qui sort
chaque année de nos ports, mines assurées et d’un abondant rendement. Et s’il en est bien ainsi, qui
pourrait douter encore qu’un revenu aussi grand et constant ne mérite en toute justice de jouir de la
faveur de Sa Majesté et de tous ses ministres dans l’expédition des requêtes que présentent les
municipalités de cet État et dans l’acceptation des moyens qu’elles proposent humblement pour le
soulagement et le profit de ses habitants. Puisque les maîtres d’habitation et les planteurs de canne à
sucre et de tabac sont ceux qui contribuent le plus à procurer un gain si appréciable, il semble qu’ils ont
davantage de droits que les autres à obtenir cette faveur et à trouver auprès de tous les tribunaux la
prompte expédition qui écourte les délais dans la satisfaction des requêtes, et évite l’ennui et les dépenses
de procès prolongés. Étant donné le si grand accroissement du nombre des habitants originaires du
Portugal qui viennent de plus en plus peupler les régions qui étaient désertes lorsqu’ils les ont occupées,
et étant donné que ces régions sont très éloignées des églises, il est juste que celles-ci se multiplient afin

17
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
que tous trouvent plus près d’eux les secours nécessaires à leurs âmes. Puisqu’on paie si ponctuellement
des troupes qui servent dans les places et dans les forteresses maritimes, ceux qui y concourent ne
pourraient laisser d’éprouver quelque ressentiment si, à égalité de services, ils n’obtenaient pas de
promotion de grades. Puisque, grâce à leur travail, les dîmes offertes à Dieu ont augmenté en si grande
proportion, la raison réclame que ceux de leurs enfants qui le méritent ne soient pas supplantés dans les
concours ouverts pour la nomination aux places vacantes des églises de l’État. Et puisqu’ils sont
généralement si charitables envers les pauvres et si généreux pour le culte divin, ils méritent que Dieu
leur soit favorable sur terre et leur donne d’éternelles récompenses au Ciel.

Doc 10. Carte du Pernambouc illustrée par Frans Post et tracée d’après les relevés de
l’expédition de Georg Marggraf ( années 1640), publiée par Joan Blaeu, dans son Atlas maior
sive Geographia Blaviana, Amsterdam, 1662.

Version en couleur et zoom :


https://cdm15942.contentdm.oclc.org/digital/collection/p15942coll16/id/70

18
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Séance 9. Concurrences européennes et tensions locales dans les empires ibériques


Lectures préparatoires:
- Chapitres 10 et 11 de Michel Faure, une Histoire du Brésil. Naissance d’une Nation, Perrin, 2016, pp.
99-116.
- Chapitre XIV de Romain Bertrand, L’Histoire à parts égales, Seuil, 2011, pp. 445-477
Doc 11. Lettres de Vincent-Joachim Soler, pasteur français au Brésil hollandais (1636-1643)

[André Rivet est un pasteur français refugié aux Pays-Bas. Il s’embarque en 1636 pour Recife, récemment
conquise par les Hollandais. Présent pendant sept ans, il envoie régulièrement des lettres à son ami André
Rivet, professeur de théologie à l’université de Leiden.
Lettre du 16 juillet 1636
Bon Dieu et parmi quel monde suis-je ! J'en ay bien vu, mais je ne m'estoy jamais trouvé en de telles
noces. Aussy qu'y a il icy que la lie de Hollande, Zélande, etc. Gens, qui ne scavent que c'est que de civilité,
ou de l'honeur, moins encore de la crainte du Souverain. Ces peuples [indigènes] en sont tellement
scandalisez, qu'on prendrait aussy tost un lievre au tabourin, que de leur persuader à embrasser la
Religion.
Le pays est bon et fort plaisant, et s'il estoit libre, ce seroit un sejour à souhait. Dieu nous donne tous les
jours de victoires ; et selon le jugement humain, si nous avions encore 1400. ou 1500. hommes, nous
chasserions entièrement l'ennemi. A terre nous sommes aussi forts d'hommes que luy. En mer il n'a point
un seul navire, et nous avons une bonne flotte conduite par un valeureux Admiral 30. […]. Si Dieu nous
envoye un General vertueux, qui ait la crainte de son nom, veritable, et hayssant le gain deshoneste,
accompagné des hommes cy dessus, jamais le Roy d'Espagne ne rentrera au Brésil.
Lettre du 6 mars 1639
L'Eglise de Dieu en ce pays fleurit de jour en jour parmi les Brasiliens, auxquels nous avons envoyé un
jeune Pasteur qui a appris la langue Portugaise, nomé Doreslaer, et un très bon homme espagnol naturel
que la chambre d'Amsterdam nous a envoyéz depuis peu. Ce sont sept ou huict Aldeas (c'est à dire
Villages) esloignés de deux, trois, quatre et huict lieues les uns des autres, ès capitanies de Goyana et de
Parayba, en quelques uns il y a plus de deux mille ames. Parmi nous la discipline ecclesiastique s'exerce
avec vigueur, et sans esgard de personne, tellement que j'espere que le regne du fils de Dieu s'advancera
beaucoup sous le gouvernement de son Excellence. Lequel il m'est impossible de louer assez. Que la
compagnie tienne pour certain qu'après Dieu sa subsistance depend de luy. Quiconque en parle
autrement est malicieux, ou envieux, car on ne peut ignorer en quel estât il a trouvé le pays, et que toutes
choses ont à present une face tout autre que par cy devant. […]
Considérez que la Compagnie possede un grand pays, vaste, et plein d'ennemys, lesquels souspirent nuict
et jour après une flotte invincible ; gens inconstans, et de vie dissolue au souverain degré, accoustumez à
vivre comme rats en paille, et qui pourtant ne peuvent digerer l'exercice d'une bonne iustice, telle qu'on
a commencé à establir et exercer. […] J'adjousteray ce mot, que non obstant toutes choses, il sera
impossible de garder ce pays sans la liberté du traffic. Experience, passe science. Tous ceux qui ont autre
sentiment se trompent, ou veulent tromper. Ainsi me fasse l'Eternel, et ainsi m'adjouste, si en tout ce
récit j'ay esté induit de personne, ou porté pour complaire à qui que ce soit. Mon seul but est que le regne
de Dieu s'advance, et que la Compagnie prospere sous la sage conduite de son Altesse, et de Messeig r les
Estats. Dieu par sa bonté vueille espendre ses sainctes benedictions sur leurs personnes.
Lettre du 2 avril 1639
A present nous avons des hommes (les navires qui les ont portéz pas à la Compagnie) en nombre suffisant
pour nous deffendre, mais point de vivres. Depuis cinq à six mois ils sont deux fois plus chers paravant.
Nous ne faisons que vivotter. C'est la plus grande misere vu en ce pays. […]
Pleust à Dieu qu'aucun Francois Papiste ne mist onques au Brésil, car je les tiens pour autant ou plus
partiaux que les Portugais lesquels amadouent de tout leur pouvoir les Francois qu'ils cognoissent estre

30
Il s’agit de Jean-Maurice de Nassau, gouverneur-général des possessions néerlandaises au Brésil.

19
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
de leur Religion, et non sans fruit. La misere indicible que les soldats souffrent favorise grandement le
dessein des Portugais, comme aussy la difficulté qu'ils ont à sortir d'icy après quatre et cinq ans de service.
[…]
Les Brasiliens espars en villages grandement esloignez demeurent sans instruction ; et les Flamands
manque de Ministres, ont recours aux prestres pour baptizer leurs et bénir leurs mariages. Les Papistes
ont autant de liberté que dans Rome et exercent leurs superstitions en cinq temples de la ville d'Olinda
et nous n'avons sceu en obtenir un jusques à ce jour d'huy ; parce qu'il faut faire quelque despense ; si
est-ce qu'il y a en la ditte ville bon nombre de Flamans habituez, et y logeront ordinairement deux, trois,
et quatre compagnies de gens de guerre. En ce lieu grandement bien basti il n’y a qu'un temple mal-
outrou. […] La licence des juifs passe les bornes, ce qui est en scandale, non seulement aux Portugais
Chrestiens, mais aussy aux Brasiliens et aux Negres. Ils sont supportéz prejudice des Flamans, et le
Magistrat Chrestien […] auctorise leurs festes et sabbaths, à quoy son Excellence ne peut aucunement
remedier pour plusieurs raisons ; encore qu'il leur porte une hayne très grande.
Lettre du 6 mai 1640
Les juifs se multiplient, ont une très grande liberté et louent la corne plus que jamais et c'est une vérité
que le soleil esclaire qu'ils ruinent le traffic, suçcant le sang du peuple, frustrent et volent la compagnie :
quoy non obstant sont supportéz et favoriséz au prejudice des marchands chrestiens ; non de son
Excellence qui les hayt de mort, mais de ces Messieurs.
Les troubles ont fait rabaisser la corne aux Papistes. Leurs Moynes ont esté chasséz de quoy on doibt
donner l'honeur à son Excellence tant seulement ; et s'il avoit voulu les laisser, en suitte d'une infinité et
importunité de prières et de requestes des Portugais, il auroit reçeu contant deux mille francs pour chaque
Moyne ; et ils estoyent en nombre de soixante.
Lettre du 20 mars 1643
Nostre Eglise reçoit une notable diminution par la mort des uns, et esloignement des autres. Ce pays est
tombé tout à coup en une misere incroyable, tellement qu'il est très difficile d'y pouvoir subsister, toutes
choses estant extrêmement cheres ; et s'il n'y a point d'argent, il semble que la Compagnie vueille
abandonner ce pays, pour le quel conquérir on a consommé tant de biens, et espandu tant de sang. Les
Magasins sont vuides, et les soldats périssent de faim : quoy qu'en un petit nombre, qu'il est à craindre
que les Portugais ne fassent quelque entreprinse, comme à Maragnan. J'ose dire, que sans la presence de
son Excellence peut estre l'auroient ils desja fait. Il a fallu les desarmer. En un mot cet estât est beaucoup
plus miserable, et en plus grand danger qu'au fort de la guerre.
Tiré de H. Bots et P.E. Leroy, « Le Brésil sous la colonisation néerlandaise. Douze lettres de Vincent-
Joachim Soler, pasteur à Recife, à André Rivet (1636-1643), Bulletin de la Société de l’Histoire du
Protestantisme Français, vol. 130, 1984, p.556-594.

Séance 10. Église et évangélisation dans les empires ibériques


Lectures préparatoires:
-. Pierre Ragon, « Entre religion métisse et christianisme baroque : Les catholicités mexicaines
XVIe-XVIIIe siècles. », in Histoire et missions chrétiennes, 5, 1, 2008, pp. 14-36.
- Vu Thanh Hélène, « Construire l’empire, développer le commerce. Le cas des missionnaires
ibériques au Japon (XVIe-XVIIe siècle) », in Commemoraciones e identidades (trans)nacionales
entre España y América Latina, Mélanges de la casa de Velázquez, 50, 2, 2020, pp. 241-261

Doc 12. La richesse d'une procession d'Indiens à Potosi à Pâques (1600)

Le matin de la Pâque de la Résurrection, ils firent autour de la place une procession digne d’être vue
[…].Devant on portait un étendard brodé, si riche qu’il a coûté douze mille pesos ; l’indien qui le portait
était très bien habillé : il portait une chemise de brocart, avec bourdalou d’or et d’émeraudes sur le
chapeau, qui lui coûta trois cent pesos. Il portait une ceinture ornée de nombreuses perles et une cape
de velours cramoisi avec une frange dorée et tous les très riches autres ornements qu’ils utilisent. Ensuite
passa un autre étendard, très coûteux lui aussi ; puis une croix avec un manche, la meilleure de tout Potosí
; ensuite une croix de procession toute brodée de perles et d’or. Sur les côtés, réparties en deux files,
marchaient beaucoup d’indiennes en procession, sans aucun homme parmi elles, vêtues de très fines
soies de velours façonné et un jupon plus beau que celui des Espagnoles. Les « líquidas » - qui sont ce
qu’elles portent sur les épaules comme des châles – étaient en velours et tissus damassés ; et même chose
la « ñañaca », qui est le vêtement qu’elles portent sur la tête ; les « chumbes », avec lesquels elles se

20
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
couvrent le corps, étaient faits de leurs laines de toutes les couleurs, comme elles ont l’habitude de les
porter, très soignés. Elles portaient toutes de bougies et de gros cierges allumés, et comme c’était juste
avant l’aube, au lever du jour, il y avait tant de lumières sur la place qu’on aurait dit que le soleil était
paru. Et je me suis mis sur le côté, d’où j’ai commencé à compter les gros cierges à cinq livres, sans
excepter les indiennes qui portaient des bougies. Un quintal de cire valait trois cent pesos d’argent.
Derrière venaient des brancards d’argent, tous merveilleusement ouvragés, avec dedans l’enfant Jésus
vêtu d’un costume indien, avec yacolla, qui est une chemisette sans manches et un châle carré sur les
épaules, si riche en perles et pierres d’émeraudes et si bien fait, qu’il vaut une grande somme d’argent.
Les indiens de cette confrérie, qui sont les plus riches de Potosí, ont tout ce qu’il y de meilleur dans toute
la ville.
Source : Diego de Ocaña, Un viaje fascinante, p. 198-200. (Traduction: A. Maldavsky)

Doc 13. La procession du Corpus Christi dans la ville de Cuzco

Anonyme, 1674-1680, Confréries de Santa Rosa et La Linda, Série du Corpus Christi, Cuzco, Carolyn Dean,
Los cuerpos de los Incas y el cuerpo de Cristo, El Corpus Christi en el Cuzco Colonial, Lima, 2002, p. 68-69.

Doc 14 (non étudié en classe). Lettre de Manuel Díaz Enríquez, de la prison de la ville de
Santiago, au tribunal du Saint office de Mexico (1629)
Très illustre seigneur. Manuel Díaz Enríquez, prisonnier dans la prison de la ville de Santiago de
Guatemala, je déclare ce mercredi, le trentième jour de ce mois de mars, que j’ai été arrêté et écroué,
que mes biens ont été séquestrés sur ordre du Saint Tribunal. Et connaissant l’esprit de justice et la
miséricorde de ce Saint Tribunal, j’espère obtenir, étant innocent de toute faute pour laquelle j’ai pu être
réduit à cet état, et coupable seulement pour mes pêchés, le pardon de Notre Seigneur Jésus Christ par
les mérites de sa divine passion. Je pense que mes ennemis m’ont calomnié à tord, et je fais la requête,
pour que la vérité éclate, que vos seigneuries fassent mener les enquêtes nécessaires. Que vous soyez
servis comme des princes pour tant de miséricorde.
Je suis le fils de Duarte Díaz, habitant de la ville d’Oporto et de Blanca Núñez, vecinos et résidant dans
ladite cité. Ma mère, morte voilà 24 ans est enterrée dans l’église de San Cristóbal, à 6 ou 7 lieux de ladite
cité. Mon père, lui aussi décédé il y a 20 ans, est enterré dans l’église paroissiale Notre Dame de la Victoire

21
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
de ladite cité où j’ai été baptisé.À la mort de mes parents j’étais un adolescent et Duarte Díaz Enríquez,
mon oncle, négociant avec l’Angola, m’a conduit à Lisbonne pour vivre chez lui où je suis resté jusqu’à
l’âge de 23 ans.
En 1617 je me suis embarqué à Lisbonne pour le Brésil où j’ai travaillé dans la raffinerie de sucre de Juan
de Paz, dans la capitanía de la Paraiba, comme administrateur pendant deux ans. (…) J’ai eu
particulièrement maille à partir avec Baltasar de Rocha Pita, sergent major de ladite capitanía, et son
beau-père Gaspar Ferreira Lagarto, ses représentants et mandataires (…). J’ai fait la rencontre d’un de
leurs proches, nommé Jorge Rodríguez Pinto, qui m’a attaqué avec une lance, à cheval ; il est advenu
qu’avec l’aide d’un de mes esclaves je lui ai pris sa lance et son épée et que je l’ai ensuite malmené. Aussi,
Jorge Rodríguez et ses proches ont-ils tenté de me tuer et ils y seraient parvenu si Notre Seigneur Jésus
Christ et la Très Sainte Vierge ne m’avaient pas en leur sainte garde ; et ils ont tué mon esclave par
traîtrise à cause de ce différend. J’ai des témoins, résidant en Nouvelle Espagne pour cela […].
Ainsi, contraint de sauver ma vie et réduit à ne plus pouvoir mener d’activité dans ladite capitanía, la
raffinerie de sucre de Jorge López Blandón ayant déjà été affermée, je me suis embarqué pour l’Angola,
et par mauvaise fortune de mer le navire qui tenta de partir deux fois dû rester toute l’année au port.
Voyant que mes ennemis s’obstinaient à vouloir me tuer j’embarquai avec Manuel de Solis qui était alors
en partance pour ce royaume où je suis venu sur son navire avec les noirs qu’il avait. J’ai demandé
l’autorisation d’embarquer à Francisco López Blandón, oidor de ladite capitanía de la Paraiba, qui étant
informé que j’avais rempli toutes mes obligations à l’égard des caisses de Sa Majesté, m’a délivré une
licence pour partir en date du 13 juillet 1619. […]
Au cours dudit voyage j’ai eu un autre différend avec Vasco Páez de Amaral, un homme âgé, avec lequel
je ne parlais pas, que je ne saluais pas en enlevant mon chapeau (…). J’ai dit en Jamaïque, devant
certaines personnes, qu’il avait l’air d’être et qu’il était un espion des hérétiques de France qui voulaient
ourdir quelque complot dans l’Empire de Sa Majesté. Et de cette inimitié et de cette haine que nous avions
l’un pour l’autre sont témoins Manuel de Solis et le pilote Domingo Conzález (…). Et c’est pour cela et parce
que Vasco Páez avait eu des mots avec la plupart de ceux qui étaient sur le bateau que Manuel de Solis
l’exclut de la traversée (…). Sur le navire était aussi présent un garçon nommé Pascual Fernández Fiuza
qui m’avait servi au Brésil dans la raffinerie de sucre. Il avait sous sa garde certaines choses que je
possédais, mais il jouait et faisait tout de travers, aussi je lui ait repris les clés et je l’ai mis dehors en le
discréditant et en disant à nombre de personnes à quel point il faisait mal les choses. C’est la raison pour
laquelle je peux affirmer qu’il est parmi mes ennemis (…).
J’ai donc embarqué à bord du San Pedro en compagnie de Rodrigo Madera, vecino de Triana, capitaine
de bord, et de son frère fray Simón Madera, religieux de l’ordre de Saint François. Le navire, arrivé à
Campeche, ne poursuivait pas le voyage, aussi je me suis embarqué pour la Nouvelle Espagne sur celui du
capitaine Sebastián de Campos avec la licence de l’alcalde ordinaire de la ville. À Veracruz j’ai eu un
différend concernant le prix du voyage avec Sebastián de Campos et deux marins, c’est pourquoi ils sont
aussi mes ennemis. De Veracruz je suis venu à Mexico, mais ne trouvant pas de travail pour subvenir à
mes besoins, Manuel de Solís m’engagea pour vendre des esclaves noirs en son nom dans la ville de Los
Ángeles. Après quelques jours j’ai été informé que le trésorier de la ville et le licenciado Pedro de Vargara
Gaviria, qui lui adressait tous les noirs qu’ils envoyait dans la ville lorsqu’il était commissaire à Veracruz,
tentaient de nuire à mes affaires car c’est moi et non eux qui administrais les noirs. C’est pourquoi je suis
rentré à Mexico pour remettre les noirs entre les mains de Andrés de Acosta, leur encomendero, pour
qu’il accomplisse les ordre de leur propriétaire. […]. Pour éviter les difficultés que certains souffraient
dans ces affaires je décidai de partir vers la province de Soconusco ou Chiapas (…) et je dû employer le
peu d’argent que j’avais et un noir dans le ramassage du cacao pour pouvoir retourner en Nouvelle
Espagne. Mais ce ne fut pas possible tout de suite car il n’y avait pas assez de Cacao à Guejetan (sic), la
capitale du Chiapas, ni davantage quelqu’un pour troquer le noir contre du cacao, ce dont je à deux
reprises au gouverneur de ladite province don Juan de Velasco et à d’autres personnes. C’est pourquoi
je suis allé au Guatemala en espérant y trouver plus de facilités pour rentrer en Nouvelle Espagne, et de
là embarquer dans l’année pour la Castille : mieux vaut chercher remède à sa vie dans sa terre natale. Je
suis tombé malade et je n’ai pas pu réaliser mon projet avant d’être emprisonné.
Ceci est le récit de ma vie (…) ordonnez de faire les enquêtes nécessaires (…) et punissez les coupables
pour que mes ennemis ne fuient pas en Castille (…) je suis certain de ne pas avoir commis les
mauvaises actions dont m’accusent mes ennemis, ce doit être la cause de mon incarcération, et tout ce
que vos majestés ordonneront sera pour mi une faveur.
Votre humble esclave, Manuel Díaz.

A.G.N.M., Inquisition, vol. 337, S/F, dans Rocío SANCHEZ RUBIO et Isabel TESTON NUÑEZ, El hilo
que une. Las relaciones epistolares en el viejo y el Nuevo Mundo (siglos XVI-XVIII), Mérida, 1999, p.628-632

22
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Séance 11. Étudier les échanges culturels dans les empires ibériques.
Lectures préparatoires:
-. Solange Alberro, « Les voies du métissage », in Annales. Histoire, Sciences sociales, 57e
année, 1, 2002, pp. 147-157.
- Alaperrine Bouyer, Monique. « “Comment « policer » les nobles indigènes. Les stratégies d’une
éduction au service du pouvoir colonial, Pérou, XVIIe-XVIIIe” ». In Transgressions et stratégies du
métissage en Amérique coloniale, Presses Universitaires de la Sorbonne Nouvelle., 201-22. Paris:
LAVALLE Bernard (ed.), 1999.
Doc 15. Don Francisco Heriza de Paz Carguamango, indien principal, présente ses mérites au
Roi d’Espagne
Que les témoins que le Capitaine don Francisco de Heriza y Carguamango indien principal31 et cacique de
la baronnie et du lignage des Incas du Cuzco et de celui de Carguachumbe du Royaume du Pérou, soient
entendus sur les questions suivantes.

Premièrement, sur la connaissance dudit capitaine don Francisco Heriza Carguamango, qu’ils disent ce
qu’ils savent.

S’ils savent que le capitaine don Felipe Carguamango vecino32 de la ville de Lima était le fils légitime et
naturel de don Alfonso Carguamango vecino et naturel de la ville du Cuzco depuis laquelle il se rendit à
ladite ville de Lima, et de doña Inés Carguachumbe indienne principal du pueblo de Santo Domingo
Guanpara de la province des indiens Yaullos. Ils se marièrent in facie eclesie selon la loi de notre Sainte
Mère l’Église et au cours de leur mariage ils eurent, élevèrent et alimentèrent ledit don Felipe père dudit
Capitaine don Francisco de Heriza Carguamango, l’appelant fils et ce dernier les appelant parents. Et ils
furent communément réputés et connus en tant que parents et enfant. Qu’ils disent ce qu’ils savent.

S’ils savent que ledit capitaine don Francisco de Heriza Carguamango est fils légitime et naturel dudit don
Felipe de Paz Carguamango et de doña Isabela Carguachumbe mariés in facie eclesie. Et qu’au court de
leur mariage ils eurent, procréèrent et alimentèrent comme leur fils ledit capitaine don Francisco Heriza
Carguamango, l’appelant fils et ce dernier les appelant parents. Qu’ils disent ce qu’ils savent.

S’ils savent que ledit don Felipe occupa et exerça des offices nobles et honorables tant politiques que
militaires dans la ville de Lima en tant que syndic des lieux saints de Jérusalem dans ce royaume du Pérou
et dans ladite ville de Lima et [en tant que] alcalde ordinario33 des indiens. En l’an 53, le comte de
Salbatierra34 lui fit grâce de [l’office] de capitaine des indiens naturales de ladite ville de Lima et en 55 il
se rendit à l’œuvre et la construction de la muraille du port du Callao35 emmenant avec lui sa compagnie
qui se composait de cent hommes et en considération des services rendu en 56 il fut nommé alcalde
ordinario par le comte de Alba de Liste36 et il se rendit à l’œuvre de l’embouchure du fleuve avec sa
compagnie emmenant avec lui ledit don Francisco de Heriza Carguamango son fils légitime et naturel
dépensant pour ces différents services plus de milles réaux de pièces de huit de ses propres biens grâce
au zèle qu’il avait pour le service de sa Majesté en tant que vassal loyal comme le prouvent les différentes
certifications présentées et les déclarations des témoins. Qu’ils disent ce qu’ils savent.

S’ils savent que les descendants des Incas du Cuzco conservent et accréditent sa noblesse en tant membre
de la paroisse de Saint Jacques, lieu qui leur a été donné par l’Inca et pour cette raison ils vivent dans cette
paroisse. Qu’ils disent ce qu’ils savent.

31
Le titre de « principal » était accordé aux indigènes qui pouvaient faire reconnaître leur appartenance
à un lignage royal inca ou à celui d »un cacique. Par extension, le terme « principal » était utilisé comme
un marqueur et un synonyme de la noblesse chez les populations indigènes des Amériques.
32
Statut de résident dans les villes (ciudades) espagnoles. Pour être « vecino » il fallait être inscrits sur
les cadastres et cens de la municipalité.
33
Office municipal. L'alcalde ordinario est en charge des affaires de justice ordinaire et d’exécuter les
ordres de l’alcalde mayor, premier magistrat de la ville.
34
Vice-roi du Pérou.
35
Port de Lima
36
Vice-roi succédant au comte de Salbatierra.

23
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
S’ils savent que les Vice-rois dudit royaume du Pérou mentionnés plus haut et le Comte de San Esteban
connaissant la qualité et les services dudit don Felipe et dudit capitaine don Francisco Heriza
Carguamango, lui fit grâce de lui donner une dispense spéciale pour qu’il puisse porter des armes pour sa
défense comme personne noble et à son fils ledit don Francisco grâce d’un office de Capitaine d’infanterie
qui servit avec beaucoup de zèle, de probité et de soin. Qu’ils disent ce qu’ils savent.

Requête = Le capitaine don Francisco Heriza Carguamango indien principal et cacique de la baronnie des
incas de la ville du Cuzco et de celle de Carguachumbe dans le royaume du Pérou dit que : étant sorti de
ce dit royaume et m’étant embarqué pour ces royaumes d’Espagne pour différentes affaires, au court
d’un voyage si long il a perdu certains instruments qui comptaient sa noblesse et la pureté de son sang
ainsi que les services rendus au roi par son père et par lui-même en ces royaumes du Pérou. Et parce que
aujourd’hui résident en cette cour des personnes dignes de confiance et importantes de grande exception
qui connaissent le plaidant et peuvent dire et déposer pour l’informacion qu’il ambitionne de faire réaliser
et qu’avec eux il ajoute différents papiers et certifications authentifiés et légalisés par des personnes
connues : je supplie Votre Majesté de revoir ladite informacion et que si fait, on me donne une ou deux
copies autorisées de sorte qu’elles fassent foi et qu’elles aient valeur juridique et qu’il puisse ensuite les
présenter devant les conseils royaux ou là où cela lui semblera nécessaire. Je demande justice et en guise
de preuve je présente cet interrogatoire qui doit guider l’examen des témoins que je présenterai.

Don Francisco Arisa Paz Carguamango.

Interrogatoire et requête de l’información de méritos de don Francisco Heriza, présentée devant le


Conseil de sa Majesté, Madrid, 20 février 1669. Archivo general de las Indias. Transcription et traduction
Elfie Guyau.

24
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Sujets de Devoir Maison à Rendre pour le mardi 22 novembre


Vous traiterez UN sujet AU CHOIX. Le devoir devra être entièrement rédigé (sur feuille ou
ordinateur).

Forme du devoir

ATTENTION : essayez de faire ce devoir en temps réel (3 heures), pour vous forcer à rester
synthétiques. Vous veillerez à ne pas dépasser les longueurs indiquées ci-dessous.

Si vous choisissez de le rendre sous format manuscrit = 10 pages maximum.

Si vous optez pour un rendu électronique = police Times new roman, taille 11 = 18000 signes
maximum - équivalent 7 pages.

Rendu du devoir :

En main propre OU sur mon adresse e.guyau@parisnanterre.fr

Vous avez jusqu’au MARDI 22 NOVEMBRE à 20h.


Tout devoir rendu après cette date sera pénalisé.
Composition
Administrer les empires ibériques
Commentaire de texte
Le monopole portugais aux Indes
« Le principal trafic des Portugais est es Indes orientales, où ils ne veulent permettre qu'aucune autre
nation, ni les Espagnols mêmes, y aillent et trafiquent ; et cela est étroitement défendu par leur roi sur
peine de la vie ; car ils ont obtenu ce privilège du roi d'Espagne, à cause que ce serait autrement la ruine
de leur État. Comme il se voit que depuis que les étrangers de l'Europe ont pris leur même route et trafic,
cela les incommode grandement. Et premièrement à cause de la guerre où les étrangers, Anglais et
Hollandais, ont beaucoup plus de forces et d'avantages qu'eux sur la mer. […]
Mais l'autre incommodité plus grande est pour le trafic et commerce, qui leur est maintenant fort interdit,
tant par les prises qu'on fait sur eux, que pour la rareté et cherté des marchandises, à cause que le grand
nombre de navires marchands rend les marchandises plus rares et plus chères, entre ceux mêmes qui
vont à l'envi les uns des autres ; et ce qui anciennement ne coûtait qu'un sol aux Portugais leur en coûte
à présent quatre ou cinq. […] Ainsi les Portugais ne trafiquent plus qu'en crainte es Indes, à cause des
étrangers de deçà, ce qui a engendré un grand mépris d'eux envers tous les rois et peuples des Indes, que
l'on a rendus plus forts de canons, d'armes et munitions qu'ils n'étaient, jusque même à les assister
d'hommes et de vaisseaux contre les Portugais, qui à la vérité se disaient maîtres de la mer par toutes les
Indes, car ils n'avaient lors aucuns compétiteurs que les Malabars, qui leur avaient toujours fait la guerre,
et la font encore tous les jours et leur donnent bien de la peine, comme j'ai dit, mais cela n'empêchait pas
leur grande navigation.
Or, les Portugais s'étaient établis premièrement es Indes, partie par guerre en des endroits et partie par
commerce et amitié en d'autres, qui a été le plus grand moyen, car ils n'ont guère pris de villes par force,
comme ils ont fait Goa et quelques autres. Ils ont contracté donc paix et amitié avec la plupart des rois de
l'Inde en les appelant irmãos em armas, c'est-à-dire mêmes armes, frères et alliés avec les rois de Portugal,
et par ces traités se sont habitués avec eux de leur consentement, en cette forme que le trafic serait
seulement entre ces rois et les Portugais pour ce qui est des épiceries et autres marchandises requises
par deçà, et que nuls autres ennemis des Portugais n'y seraient reçus. De sorte que ces rois leur ont promis
de ne trafiquer, ni donner retraite à nuls autres sans leur consentement, et les Portugais leur ont
réciproquement promis d'enlever toutes leurs marchandises à un certain prix accordé entre eux pour
chaque espèce, et de leur apporter de celles de deçà qui leur sont plus nécessaires, comme argent, draps
et autres choses plus requises entre eux. Ils ont en outre promis aux dits rois de garder toute la mer de
ces côtes-là, des corsaires et pirates, et les défendre envers tous et contre tous leurs ennemis qui

25
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
pourraient venir de ce côté-là. Pour cet effet, ils entretiennent tous les ans, six mois durant en été, deux
armées à Goa, l'une pour aller vers le nord, et l'autre vers le sud, le tout aux coûts et dépens de leur roi
de Portugal, car là on ne parle que du roi d Portugal, et non de celui d'Espagne.
Suivant donc tous ces traités et accords, les Portugais ont obtenu et fait en sorte qu'ils seraient les maîtres
de la mer des Indes, et que nuls Indiens, tant de terre ferme que des îles, de quelque contrée que ce soit,
n'oseraient naviguer, ni faire aucun voyage sans avoir passe-port d'eux, qui ne dure qu'un an, et ces
passe-ports, qu'ils appellent cartazes, portent qu'ils ne pourront naviguer qu'en certains lieux dénommés,
ni y porter poivre, armes et munitions de guerre, et il y est même spécifié combien d'armes et d'hommes
ils y doivent porter, et s'il s'en trouvait davantage que ce qui est dit dans le passe-port, tout serait
confisqué et jugé de bonne prise, et les hommes mêmes demeureraient prisonniers. II est aussi mentionné
de quel port est le navire. […] Mais il y a bien d'autres rois es Indes qui ne sont en paix avec les Portugais,
et ne laissent pas de naviguer et trafiquer partout où il leur plaît, sans se soucier du passe-port des
Portugais qu'ils ne craignent en rien.
Pour revenir à ce qui est de leur commerce et trafic des Indes, il part tous les ans nombre de navires qui
sont les caraques, et chaque année ils en envoient deux, trois et quatre au plus, qui sont du port de 2 000
tonneaux ou plus, accompagnées et équipées de 1 000 ou 1 200 hommes de toutes qualités, comme j'ai
dit ailleurs plus particulièrement. Tout cela est aux dépens de leur roi, car nul particulier n'envoie jamais
navire ou vaisseau aux Indes. Au reste il n'y a gens au monde si malheureux en leurs voyages, et qui
naviguent si mal et en si grand désordre, comme ils confessent eux-mêmes qu'ils n'ont point de pareils en
disgrâces de mer.
[…] Ce n'est pas la faute des vaisseaux qui sont très bons, ni de leurs pilotes qui sont fort experts, mais à
la vérité on peut dire que comme leurs navires sont grands, ils trouvent aussi de grandes tourmentes, et
leurs gens ne sont de grande fatigue, ni les officiers, excepté les pilotes, guère experts en leur charge.
Mais outre tout cela, je crois que la principale cause que leurs voyages réussissent si mal, c'est pour la
grande sévérité et cruauté dont ils usent envers tous ces pauvres esclaves et autres sortes de gens et
nations qu'ils ont en leur pouvoir et domination. Ce qui cause encore le désordre entre eux est que les
capitaines, étant gentilshommes, ont une grande ambition entre eux à qui arrivera le premier pour avoir
la première charge, et ainsi ne s'attendent jamais
les uns les autres, à cause que le plus souvent il faut que les derniers attendent l'année d'après pour avoir
des poivres et autres épiceries. Tout cela ensemble est cause de la grande perte d'hommes, argent,
vaisseaux et autres choses, que le roi d'Espagne fait es aux Indes, voire de la perte des Indes mêmes. Car
il s'en faut beaucoup à présent que le revenu des Indes soit suffisant pour payer et entretenir tout l'Etat
des Indes, tant pour le spirituel que pour le temporel, de sorte qu'elles lui coûtent plus qu'elles ne lui
valent, et il est bien certain que si ce n'était pour la réputation et pour l'intérêt de la foi catholique, comme
ils disent, il y a longtemps qu'ils auraient abandonné tous ces pays-là.
Pour le regard des choses que les Portugais portent es Indes pour y trafiquer, premièrement leur roi n'y
envoie que de l'argent, mais les particuliers y envoient et portent outre l'argent, des draps de laine,
chapeaux, épées et toutes sortes d'armes et munitions de guerre, ou pour en faire. Plus toute sorte de
quincaillerie de ces quartiers occidentaux, papier, fer, plomb, miroirs, toutes sortes de fruits secs, poissons
salés, vins, fromages de Hollande, huiles, olives, vinaigre et autres choses semblables qui sont en grande
estime par-delà ; outre plus des livres imprimés, car es Indes il n'y a point d'imprimerie. Pour les toiles
blanches, on n'y en porte point car il y en a là en abondance, comme aussi de toutes sortes d'étoffés de
soie et d'or. Toutes ces autres marchandises y sont fort requises, et ils y gagnent le plus souvent quatre
pour un ; et pour les rafraîchissements ils y gagnent jusques à six et sept pour un, en allant.

François Pyrard de Laval, Voyage aux Indes orientales (1601 - 1611), Paris, Chandeigne,
1998, Tome II, Goa, l'empire maritime portugais et le séjour au Brésil, p. 712-759.

26
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Chronologie succincte et indicative


1581. Philippe II d’Espagne devient roi du Portugal (Philippe Ier). Début de l’Union des deux couronnes.
1587 Attaque de Cadix par les Anglais
1588 Invincible Aramada
1592 Première flotte anglaise en Asie
1596 Troisième banqueroute espagnole. Première flotte hollandaise en Asie dirigée par Cornelis de Houtman
1598-1621 Règne de Philippe III d’Espagne (Philippe II du Portugal)
1601-1606 La cour de Philippe III s’installe à Valladolid
1601-1661 Guerre néerlando-portugaise
1607 Première Banqueroute de Philippe III
1609 Signature de la trève de 12 ans. Expulsion des morisques. Les Hollandais prennent Ceylan aux Portugais
1614 Expulsion des missionnaires chrétiens du Japon
1618 Début de la guerre de Trente ans
1621-1665 Règne de Philippe IV (Philippe III du Portugal)
1622 Prise d’Ormuz aux Portugais par les Anglais alliés à Shah Abbas
1624 Fermeture du Japon aux Espagnols
1627 Première banqueroute de Philippe IV
1628 Prise de la flotte espagnole de la Carrera de Inidas par le Hollandais Piet Heyn.
1630 Prise de Recife par les Néerlandais
1630-1654 Brésil Néerlandais
1634 Victoire hispano-impériale à Nördlingen
1635 Signature du traité de paix entre les Anglais présents en Asie et le vice-roi de l’Estado da India, Miguel de
Noronha.
1637 Prise par les Néerlandais de São Jorge da Mina, devenu Fort Elmina.
1639. Fermeture du Japon au commerce européen, à l’exception des Hollandais. Trève de 10 ans entre Jean
IV du Portugal et les États Généraux des Provinces-Unies
1640-1656 Jean IV de Bragance revendique indépendance couronne portugaise
1640-1668 Guerre de Restauration du Portugal
1641 Macao prête allégeance à Jean IV du Portugal et rejette l’autorité du roi d’Espagne
La même année le Brésil et le reste des colonies portugaises suivent à l’exception de Ceuta.
1641-1648 Angola Néerlandais
1641 Prise de Malacca par les Néerlandais
1643 Défaite de Rocroi face à l’armée Française
1645-1654 Insurrection du Pernambouc qui aboutit à l’expulsion des Néerlandais
1647. Révolte de Palerme, révolte de Naples. Deuxième banqueroute de Philippe IV.
1648 Traité de Westphalie
1649 Création de la Companhia Geral do estado do Brasil
1652 Les hollandais au Cap.
1655 Les Anglais à la Jamaïque
1656-1683 Alphonse VI roi du Portugal, puis régence de Pierre de Bragance
1659 Traité France et Espagne sur le Roussillon Catalan. Les troupes espagnoles peuvent se concentrer dans le
conflit avec le Portugal. Les opérations prennent fin avec l’arrivée au pouvoir de Charles II.
1661 les Anglais à Bombay
1661 Traité de la Haye entre le Portugal et les Provinces Unies. Le Portugal rachète la Nouvelle Hollande
(territoires brésiliens des Provinces Unies) et cède en échange Ceylan et les Moluques.
1665-1700 Règne de Charles II d’Espagne.
1665-1667 Régence de Marie-Anne d’Autriche. Tensions autour de la succession au trône espagnol.
1667-1700 Règne personnel de Charles II.
1668 Traité de Lisbonne, reconnaissance du roi du Portugal
1683-1706 Pierre II roi du Portugal
1698 Découverte de l’or au Brésil
1698 Traité de la Haye (France, Royaume-Uni et Provinces Unies) sur le partage des possessions de la
Monarchie espagnole dans le Nord de l’Europe.
1700-1746 Règne de Charles II d’Espagne, de la maison de Bourbon. Fin des Habsbourg d’Espagne.

27
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Bibliographie
Ouvrages généraux
1. Bennassar, Bartolomé, Un siècle d’Or espagnol, Paris, Laffont, 1992
2. Bennassar, Bartolomé, Histoire des Espagnols, Paris, A. Colin, 1985, vol. 1 (VIe-XVIIe siècle)
3. Bennassar, Bartolomé et Vincent, Bernard, Le temps de l’Espagne (XVIe-XVIIe siècle), Paris,
Hachette, 199
4. Leslie Bethell (dir.), Cambridge History of Latin America, Cambidge, Cambridge University
Press, 1984, ol. 2 (traduction espagnole : Historia de América Latina, Barcelone, Editorial
Crítica, 1990, vol. 2, 3 et 4)
5. Boxer, Charles R., The Portuguese Seaborne Empire (1415-1825), 1969
6. Braudel, Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, Paris,
A. Colin, 1979, 3 vols.
7. Calvo, Thomas, L’Amérique ibérique de 1570 à 1910, Paris, Nathan, 1994
8. Carrasco, Raphaël, Claudette Dérozier et Annie Molinié-Bertrand, Histoire et civilisation de
l’Espagne classique (1492-1808), Paris, Nathan, 1991
9. Devèze, Michel, L’Espagne de Philippe IV (1621-1665), Paris, SEDES, 1970-1972, 2 vols.
10. Faure Michel, une Histoire du Brésil. Naissance d’une Nation, Perrin, 2016
11. Hermann, Christian et Marcadé, Jacques, Les royaumes ibériques au XVIIe siècle, Paris,
SEDES, 2000
12. Labourdette, Jean-François, Histoire du Portugal, Paris, Fayard, 2000
13. Lynch, John, The Hispanic World in Crisis and Change, 1598-1700, Cambridge (Mass.),
Blackwell, 1992
14. Mauro, Frédéric, Le Brésil du XVe siècle à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Sedes, 1977 et
rééditions.
15. Mauro, Frédéric, Le Portugal et l’Atlantique, 1570-1670, Paris, SEVPEN, 1960
16. Oliveira Marques, Antonio Henrique de, Histoire du Portugal des origines à nos jours, Roanne,
1978
17. Subrahmanyam, Sanjay, L’empire portugais d’Asie (1500-1700), Paris, Maisonneuve et
Larose, 1999. Ou Seconde édition française de 2013.
Pour approfondir
18. Alberro Solange, « Les voies du métissage », in Annales. Histoire, Sciences sociales, 57e
année, 1, 2002, pp. 147-157
19. Alberro Solange, Les Espagnols dans le Mexique colonial. Histoire d'une acculturation,
Paris, Armand Colin, 1992.
20. Alberro Solange, Inquisition et société au Mexique, 1571-1700, Mexico, CEMCA, 1988.
21. Alencastro Luiz Felipe de, « Le versant brésilien de l’Atlantique-Sud : 1550-1850”, in
Annales. Histoire, sciences sociales, 2, 61e année, 2006, pp. 339-382.
22. Altman, Ida, Transtlantic Ties in the Spanish Empire, Brihuega, Spain and Puebla, Mexico
(1560-1620), Stanford, Stanford university Press, 2000
23. Bakewell, Peter, Mineros de la montaña roja, Alianza Editorial, Madrid, 1984,
24. Bethencourt, Francisco et Chaudhuri, Kirit éds., Historia da Expensao portuguesa, 2d.
Circulo de leitores, 1998-1999, 5 vols
25. Bertrand Romain, L’Histoire à parts égales. Récits d’une rencontre Orient-Occident (XVIe-
XVIIe), Seuil, 2011
26. Boxer, Charles R.: The Dutch in Brazil, 1624-1654, Oxford, Clarendon, 1957
27. Brooks Timothy, Le chapeau de Vermeer. Le XVIIe siècle à l’aube de la mondialisation,
traduction Odile Demange, Payot, 2009
28. Bernand Carmen, Histoire de Buenos Aires, Paris, Fayard, 1997
29. Butel, Paul, Les Caraïbes au temps des flibustiers, Paris, Aubier, 1982
30. Thomas Calvo, “Les réalités du pouvoir aux confins de l’empire : le cas de la Nouvelle
Galice au XVIIe siècle”, in Les élites locales de l’Etat dans l’Espagne moderne, XVIe-XIXe
siècles, Paris, CNRS,1993, p. 145-169.

28
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
31. Cardim Pedro, Tamar Herzog, José Ruiz Ibáñez, et Gaetano SABATINI (dir.), Polycentric
monarchies: how did early modern Spain and Portugal achieve and maintain a global
hegemony ?, Sussex Academy Press, 2012.
32. Castillero Calvo et A. Kuethe (eds.),Historia general de América latina, vol. IIII :
Consolidación del orden colonial, Paris, UNESCO, 2001
33. Chandeigne M. (dir.), Goa, 1510-1685. L’Inde portugaise, apostolique et commerciale, Paris,
Autrement, 1996
34. Chaunu, Pierre, Séville et l’Amérique (XVIe-XVIIe siècle), Paris, Flammarion, 1977
35. Chaunu, Pierre, Les Philippines et le Pacifique des Ibériques (XVIe-XVIIe siècles), Paris, SEVPEN,
1960 et 1966, 2 vols.
36. Devèze, Michel, L'Espagne et le Portugal sous Philippe III. Questions politiques. Questions
coloniales et économiques. Aspects principaux de l'activité intellectuelle et artistique. 1590-
1621, Paris, CDU, 1965
37. Diaz Blanco José Manuel, « La Carrera de Indias 1650-1700: Continuidades, rupturas y
replanteamientos, in e-spania [revue en ligne], 29, 2018.
38. Do Paço David, « de l’État composite à l’État décomposé : le retour de l’Ancien Régime », in
Histoire et Politique [revue en ligne], 38, mai-août 2019.
39. Elliott, John H., Olivares (1587-1645). L’Espagne de Philippe IV, Paris, R. Laffont, 1992
40. Elliott, John H., Imperial Spain (1469-1716), Londres, Penguin Books, 1990
41. Elliott, John H., “A Europe of composite monarchies”, in Past and Present, n° 137, nov. 1992,
pp. 48-71
42. Elliott, John H, José de la Peña y Fernando Negredo (eds.), Memoriales y cartes del Conde
Duque de Olivares, tomes 1 et 2, Marcial Pons , édition de 2013. Première edition entre 1978
et 1981.
43. Flynn Dennis O. , Arturo Giráldez et James Sobredo, (eds), European entry into the Pacific:
Spain and the Acapulco-Manila galleons, Aldershot, Ashgate, 2001
44. García Baquero, Antonio, La carrera de Indias, histoire du commerce hispano-américain
(XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Desjonquières, 1997
45. Gaudin Guillaume et Jaime Valenzuela Marquez, « Empires ibériques : de la péninsule au
global », in Diasporas, 25, 2015, pp. 13-24.
46. Gruzinski, Serge, Les quatre parties du monde. Histoire d’une mondialisation, La Martinière,
2001
47. Guyau, Elfie, « « Caciques et principales “buenos cristianos”. Mérites et foi dans
les informaciones de Oficio y Partes de la vice-royauté du Pérou (XVIe-XVIIIe siècles) », in
'Église des laïcs. Le sacré en partage (XVIe-XXe siècles), Ariane BOLTANSKI et Marie-Lucie
COPETE (dir.), Madrid, Éditions de la Casa de Velázquez, Collection de la Casa de Velázquez,
n. 186, 2021.
48. Hespanha António Manuel, « L’administration d’une “ombre d’empire”: l’organisation
des « Portugais » en Afrique et en Asie », in François Godicheau et Mathieu Grenet (ed.),
Raison administrative et logiques d’empire (XVIe-XIXe siècle), p. 291-335
49. Kamen, Henry, Spain in the later seventeenth century, 1665-1700, Londres – New York,
Longman, 1980
50. Lempérière Annick, Entre Dieu et le Roi, la République.Mexico, xvie-xixe siècles, Les Belles-
Lettres, 2005
51. Morineau, Michel, Incroyables gazettes et fabuleux métaux, Paris, CUP/MSH, 1984
52. Pearson, Michael N., The Portuguese in India (The New Cambridge History of India, vol. I.1,
Cambridge, Cambridge University Presss, 1987
53. Phelan, John Leddy, The Hispanization of the Philippines: Spanish aims and Filipino Responses,
1565-1700, Madison, Wisconsin Press University, 195
54. Ragon Pierre, « Entre religion métisse et christianisme baroque : Les catholicités mexicaines
XVIe-XVIIIe siècles. », in Histoire et missions chrétiennes, 5, 1, 2008, pp. 14-36
55. Romano, Ruggiero, Conjonctures opposées. La « crise » du XVIIe siècle en Europe et en
Amérique latine, Genève, Droz, 1992

29
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022
56. Ruiz Ibáñez José Javier, « Les acteurs de l’hégémonie hispanique, du monde à la péninsule
ibérique », in Annales. Histoire, Sciences Sociales, trad. Jean-frédéric Schaub, 69e année,
4, 2014, p. 927-954
57. Ruiz Ibáñez José Javier et Gaetano Sabatini, « Monarchy of Conquest. Violence, Social
Opportunity, and Political Stability in the Establishment of Hispanic Monarchy », in Journal
of Modern History, 81, 2009, pp. 501-536
58. Sallmann, Jean-Michel, “Les royaumes américains dans la Monarchie catholique”, in Nuevo
Mundo, Mundos Nuevos (revue électronique : http://nuevomundo.revues.org/667)
59. Salinero, Gregorio, “Les commandements de la Carrera de Indias. Propriétaires,
commandants et pilotes de navires dans la formation d’un système de relations entre la
Péninsule ibérique et les Indes (1492-1650) », in Ecrits et peintures indigènes, Bernard
Grunberg éd., L’Harmattan, 2006, pp. 147-163.
60. Schaub, Jean-Frédéric, Portugal na Monarqua hispanica (1580-1640), Lisbonne, Libros
Horizonte, 2001
61. Schurtz, William Lytle, El galeon de Manila, Madrid, Cultura Hispánica, 1992
62. Stuart B. Schwartz, Sugar plantations in the formation of Brazilian Society, Cambridge
University Press, 1985, pp. 245-263
63. J. Serrao et A.-H. de Oliveira Marques (eds), Nova Historia da expansao portuguesa,., vol. 7 :
O império luso-brasileiro, 1620-1750, Lisbonne, Editorail Estampa, 1991
64. Stradling R. A., Philip the IVth and the government of Spain;1621-1665, Cambridge,
Cambridge University Press, 1988
65. Tandeter Enrique, L’argent du Potosi. Coercition et marché dans l’Amérique coloniale, Paris,
Éditions
66. de l’E.H.E.S.S., 1997, 284 p
67. Tempère Delphine, « Le port d’Acapulco, escale sur le chemin de l’Asie », in Dossier Les
ports de la monarchie espagnole -Amérique, e-spania [revue en ligne], 25, 2016.
68. Thomson I.I.A. et Yun Casalilla, B. (dir.), The Castilian crisis of the seventeenth century. New
perspective on the economic and social history of seventeenth century Spain, Cambridge,
Cambridge University Press, 1994
69. Valladares, Rafael, Castilla y Portugal en Asia (1580-1680). Declive imperial y adaptación,
Louvain, Leuven University Press, 2001
70. Villiers, John, “Portuguese Malacca and Spanish Manila. Two concepts of empire”, dans R.
Ptak éd., Portuguese Asia, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1987 [8- O2- 2368 (117)]
71. Vu Thanh Hélène, « Construire l’empire, développer le commerce. Le cas des missionnaires
ibériques au Japon (XVIe-XVIIe siècle) », in Commemoraciones e identidades
(trans)nacionales entre España y América Latina, Mélanges de la casa de Velázquez, 50, 2,
2020, pp. 241-261
72. Zupanov, Ines G., Disputed Mission. Jesuit Experiments and Brahmanical Knowledge in
Seventeenth Century India, New Delhi, Oxford India Paperbacks, 1999

Dictionnaires et outils
73. AMALRIC J.-P., BENNASSAR Bartolomé, et al., Lexique historique de l’Espagne, Paris,
A.Colin,
74. 1976.
75. Bourdeu Étienne, Alameida Mendes Antonio, Guillaume Gaudin et als., La péninsule
ibérique et le monde. 1470-1650, Atlande, 2014.
76. MOLINIÉ-BERTRAND Annie, Vocabulaire historique de l’Espagne classique, Paris, Nathan,
1993
77. MOLINIÉ-BERTRAND Annie, Vocabulaire de l’Amérique espagnole, Paris, Nathan
Université
78. (collection 128), 1996.
79. MORALES PADRÓN Francisco, Atlas histórico cultural de America, Las Palma de Gran
Canaria,
80. 1988, 2 tomes

30
Code cours TD. Mme Guyau S1 2021-2022

Sources en français
81. ACCARETTE, La route de l’argent (1670), texte présenté par J.-P. Duviols, Paris, Éditions Utz,
82. 1992. Autre édition par J.-P. Duviols, sous le titre « Relation des voyages du Sr. D’Accarette
dans
83. la riuière de la Platte et de là par Terre au Pérou, et des obseruations qu’il y a faittes […] »,
Bulletin
84. de la Faculté des Lettres de Strasbourg, 1970, n°8, p.575-626.
85. FRÉZIER (Amédée), Relation du voyage de la mer du Sud aux côtes du Chily et du Pérou, fait
pendant les
86. années 1712, 1713 et 1714 […] par M. Frézier […], Paris, J.-C. Nyon, 1716. Réédition
présentée par
87. Gaston Arduz Eguía et Hubert Michéa, Paris, Éditions Utz, 1995
88. FROGER François, Relation d’un voyage fait en 1695, 1696 et 1697 aux côtes d’Afrique,
détroit de
89. Magellan, Brezil, Cayenne & Isles Antilles, par une escadre des vaisseaux du Roy,
commandée par Monsieur de
90. Gennes, faite par le sieur Froger, ingénieur volontaire sur le vaisseau le Faucon Anglais,
enrichie de grand nombre
91. de Figures dessinées sur les lieux, Paris, de Fer, Géographe de Monseigneur le Dauphin
(quay de l’horloge), 1698. Non réédité, mais disponible sur Internet, à télécharger sur le site
www.bnf(catalogue Gallica).
92. GEMELLI CARERI Giovanni Francesco, Le Mexique à la fin du XVIIe siècle vu par un voyageur
93. italien, texte du XVIIe siècle présenté par Jean-Pierre Berthe, Calmann-Lévy, 1968.
94. INCA GARCILASO DE LA VEGA, Commentaires royaux sur le Pérou des Incas, 3 tomes, Paris,
La Découverte Poche, 2000.
95. PYRARD DE LAVAL, Voyage de Pyrard de Laval contenant sa navigation aux Indes Orientales,
Maldives, Moluques, Bresil ; les divers accidens, adventures et dangers qui lui sont arrivez et
un bref advertissement pour ceux qui entreprennent le voyage aux Indes, Chapitre II, 1619.
Édition de Pierre Bergon

31

Vous aimerez peut-être aussi