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Piganiol André. Sur la source du Songe de Scipion. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, 101ᵉ année, N. 1, 1957. pp. 88-94;
doi : 10.3406/crai.1957.10720
http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1957_num_101_1_10720
fuit potius) que d'aller voir Massinissa, uni à sa famille par les liens
d'une amitié traditionnelle. Cette date de 149 n'est pas celle que
conserve la grande histoire : celle-ci enseigne que Scipion se rendit
auprès de Massinissa au printemps 150, envoyé auprès du Roi par
le proconsul d'Espagne pour quémander des éléphants ; elle
rapporte aussi qu'en 148 Massinissa, à la veille de sa mort, manda
auprès de lui Scipion, qui" arriva trop tard. L'épisode que Cicéron
date de 149 est inconnu de notre tradition, et celle-ci dérive de
Polybe ; il n'est pourtant pas invraisemblable encore qu'une
confusion soit possible avec la visite de 150.
Cicéron cite les paroles d'accueil de Massinissa : « Je te rends
grâces, Soleil très haut (Summe Sol), et vous, autres dieux du ciel,
de ce qu'avant de quitter la vie d'ici-bas je vois sous mon toit, dans
mon royaume, P. Cornélius Scipion ». M. Boyancé nous fait observer
que l'invocation de Massinissa au Soleil convient au rang éminent
du soleil dans le panthéon numide, et il nous invite à y voir un trait
de couleur locale, habilement introduit par Cicéron. Mais Appien
nous dit que Scipion parlait volontiers de sa visite auprès de
Massinissa ; pour recueillir ses paroles, il avait auprès de lui et Polybe
et Panétius et toute une famille dont Cicéron a pu recueillir encore
la tradition orale. Il n'est pas invraisemblable que les propres paroles
de Massinissa aient été correctement rapportées par Scipion.
Entre Scipion et Massinissa une conversation s'engagea, qui se
prolongea tard dans la nuit. De quoi parlèrent-ils ? Massinissa
songeait à sa mort prochaine, il évoquait le souvenir du premier
Africain. Admettons pour un moment la réalité de cette conversation.
Quels pouvaient être les thèmes du dialogue entre le Numide et le
Romain ?
Notre connaissance de la civilisation numide a fait de bien grands
progrès, dus à l'archéologie et même à l'épigraphie. Cette
civilisation n'a pas tout emprunté aux Puniques, elle les a même influencés ;
il est pourtant de fait que le Maghreb a toujours assimilé avec une
aisance surprenante ce qui lui venait de l'Orient. Les idées des
Numides sur lé sort de l'âme après la mort sont illustrées par des
centaines de stèles1. Ces documents sont difficiles à utiliser pour
deux raisons. D'abord il est difficile de distinguer stèles votives et
stèles funéraires. Ph. Berger étudiait en 1901 des inscriptions
néopuniques de Maktar, dont le type était : « Vœu qu'a voué (un tel)
à Baal Hammon ; il Va béni », et il observait : « La rencontre de cette
formule et de formules funéraires sur des inscriptions trouvées
1. M»e Hours-Miédan, dans les Cahiers de Bgrsa, I, 1950, p. 15-76 ; M»« C. Gilbert
Picard, Catalogue du Musée Alaoui, nouv. sér., collect. puniques, I (s. d.)> Pour le
commentaire, G. Picard, Les religions de l'Afrique antique (Paris, 1954) ; Le monde de Car-
thage (Paris, 1956).
90 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS - 1957
1. Le signe de Tanit, s'il désigne l'âme sur les stèles funéraires, peut être aussi employé
ailleurs pour signifier simplement la présence d'un esprit.
2. J. G. Février, L'inscription funéraire de Micipsa, dans la Revue d'Assyriologie, 1951,
p. 139. — CIL, VIII, 17159 ; VIH, 8836.
SUR LA SOURCE DU SONGE DE SCIPIOtf 93'
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