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« LES ÉNIGMES DE L'UNIVERS »

Collection dirigée par Francis Mazière


DU MÊME AUTEUR

La Mecque de glace, roman. Robert Laffont. 1981.


L'Or des druides. Éditions Henri Veyrier. 1989.
Les Chouans, Au nom du Christ-Roi. Éditions
Henri Veyrier. 1989.

A paraître :
Saint Bernard de Clairvaux - La France chrétienne
et combattante.
L'Atlantide saharienne.
Les Nomades de Dieu, Éditions Fayard.
Chartres, récit d'un pèlerin. Tiquetone Éditions.
JEAN-PAUL BOURRE

LES CELTES
DANS LA BIBLE

ÉDITIONS ROBERT LAFFONT


PARIS
© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1990
ISBN 2-221-06555-7
« J'ai ouvert pour toi le livre des traditions.
Reine de la tribu, je t'ai faite héritière des
grands secrets de Salomon que, dès l'obscur
des temps, de chef à chef, nous nous pas-
sons. Je t'ai donné les lettres et les chiffres
de toute science, la clé des vérités qui suffit
à tout connaître. Les dieux sont mêlés à
ces choses, Sara. Parce que toutes les forces
sont en toi, avec le sel et l'or et l'argent de
la terre. »
Noune JUDLIN

« On sait que, au cours des migrations du


second millénaire avant notre ère, une partie
des " Aryas orientaux ", des " pré-Indiens ",
venus sans doute du nord de la mer Cas-
pienne, au lieu de continuer à infléchir leur
marche vers l'est jusqu'au bassin de l'Indus,
prit la direction opposée et vint se fixer à
l'extrême ouest du continent, sur l'Eu-
phrate. En particulier, une dynastie " para-
indienne " gouverna pour quelques décen-
nies le royaume de Mitani, limitrophe de
l'empire hittite... »
Georges DUMÉZIL
Introduction

Ce livre n'a pas d'autres buts : abattre des pans


d'obscurité, et retrouver la Bible, dans ses formi-
dables origines.
Nous sommes remontés aux sources, sans tenir
compte des truqueurs, des réducteurs, qui depuis
2 000 ans montent la garde autour du livre sacré.
On ne touche pas à la Bible, après 2 000 ans d'his-
toire. Les spécialistes ont défini, une bonne fois pour
toutes, son origine, son message, sa destinée. La
révélation n'est plus qu'un vestige préhistorique,
tétanisé dans du formol. La Bible ne parle plus. Ce
sont les exégètes qui parlent à sa place. Ce sont
eux qui bâtissent les systèmes religieux, inter-
viennent, d'autorité, pour trancher, retrancher,
expliquer.
Mais il suffit d'être attentif à leurs propos, pour
déceler la supercherie : ils sont le contraire de la
ferveur, de l'incandescence. Comme d'autres rac-
courcissent les têtes, ils pratiquent la réduction
spirituelle, l'étouffement, l'étranglement de tout ce
qui ressemble à l'ancienne volonté héroïque et solaire.
Qui oserait reconnaître, aujourd'hui, l'importance
des Celtes, dans la révélation du livre sacré?... Il
lui faudrait d'abord vaincre 2 000 ans de tabous,
d'obscurantisme, et retrouver la piste ancienne, effa-
cée, reniée, et finalement oubliée par les hommes.
Pourtant, l'histoire des civilisations prouve la pré-
sence des Celtes, sur les terres de la Bible, 3 000 ans
avant J.-C., derrière tous les grands faits bibliques,
les extases, les fulgurances, dans le brasier du Sinaï
- et tous ces noms, qui apparaissent sur la carte,
dans les déserts rouges d'Egypte et de Palestine,
lieux saints, villes fortifiées, ou camps nomades,
tous d'origine sanskrite, indo-européenne.

Les Celtes en Asie Mineure

C'est un fait historique : les Indo-Européens ont


atteint l'Asie Mineure 3 000 ans avant J.-C. Ils
appartiennent au premier courant migrateur, venu
du nord-ouest de l'Europe.
En 278 avant J.-C., Tite-Live, Plutarque et Lucien
décrivent des tribus gauloises, portant la javeline et
le bouclier rituel, lancées sur les routes de Palestine.
Elles formeront le second courant migrateur qui
s'installa sur les rives du Jourdain et fonda la ville
de Rama, en Galilée, qui devint la terre des Gaëls.
Il apparaît, au terme de cette étude, que le
premier courant, se mêlant aux populations locales,
prépara la révélation de l'Ancien Testament, lorsque
les Indo-Européens établirent leur dynastie dans le
Bas-Euphrate, sur la terre du patriarche Abraham,
et fondèrent le royaume de Mitani.
George Charachidzé - spécialiste des religions du
Caucase - écrit :
« Au cours du troisième millénaire, les Indo-
Aryens se dirigent les uns vers l'Inde, d'autres vers
l'Iran. D'autres encore vers le Proche-Orient, où ils
fonderont le royaume de Mitani, éphémère et sans
avenir 1 »
Déjà, dans Les Mystères de Mithra, Franz
Cumont affirmait :
« Les documents cunéiformes de Cappadoce nous
ont révélé que les dieux indo-iraniens Mithra, Varuna
et Indra étaient adorés vers le XlV siècle avant
notre ère par un peuple voisin des Hittites, les
Mitani, établis sans doute dans le Nord de la
Mésopotamie 2 » Il suffit de relire les pages de la
Genèse - dans l'Ancien Testament - pour retrouver
la trace de cette tradition primordiale, venue du
Nord : le chêne des druides, qu'on retrouve à chaque
fois qu'Abraham fait une alliance avec Dieu. Il est
dit : « L'Éternel lui apparut parmi les chênes de
Mamré. »
Avant chaque apparition, Abraham, le père des
tribus, dresse sa tente rituelle sous les chênes sacrés...
exactement comme le faisaient les druides d'Europe.
Lorsque Jacob - devenu père des tribus - rencontre
l'Éternel, il célèbre l'Alliance par une pierre plantée,
un menhir :

1. G. Charachidzé, La Mémoire indo-européenne du Cau-


case, Hachette, 1987.
2. Franz Cumont, Les Mystères de Mithra, éditions Lamar-
tine, Bruxelles, 1913.
« Jacob prit une pierre, et il la dressa comme un
monument. »
Le chêne et la pierre plantée sont les deux figures
centrales de la vieille tradition celto-nordique. La
deuxième migration, en 278, prit possession des
terres bibliques, après le pillage du temple de
Delphes. Ils laissèrent des confréries d'initiés à Kou-
ram, sur les bords de la mer Morte.
Ces premières communautés du désert prirent le
nom d'Esséniens, dans la tradition ascétique de
Palestine. On les rencontrait dans les palmeraies de
Kouram, vêtues de la robe blanche des druides,
invoquant la toute-puissance du soleil.
Ce nouveau courant migrateur prépara la révé-
lation du Nouveau Testament, et le retour du soleil
nordique, à travers la haute lumière du Christ. Il
est étonnant de comparer le sacrifice du Christ Jésus
pendu au bois de la croix, le flanc percé par la lance
du centurion, et le sacrifice du dieu scandinave Odin,
suspendu dans l'arbre de la Connaissance. Dans la
tradition scandinave, Odin se suspend dans l'arbre
sacré, neuf jours et neuf nuits, le flanc percé par sa
propre lance, pour obtenir la révélation des runes
magiques. Il préfigure le Sacrifice du Christ.
Cette fusion des symboles montre qu'il existe une
volonté surnaturelle qui échappe au temps des
hommes - une conscience primordiale, immuable,
prophétique, enracinée dans l'épaisseur du monde,
des univers, à un niveau de profondeur que nous ne
pouvons plus atteindre.
La terre de naissance du Christ Jésus - la Galilée -
est en filiation directe avec la tradition celto-nor-
dique. C'est le grand mystère des origines, sur lequel
personne ne s'est jamais interrogé : la Galilée fut
une colonie gauloise, au III siècle avant notre ère :
la terre des Gaëls, et c'est cette terre que choisit
Dieu pour s'incarner.
Tous ces exemples montrent déjà l'influence cel-
tique dans les pays de la Bible. Tite-Live raconte
qu'en 278, le roi de Bithynie, Nicodème, fit venir
en Asie Mineure des tribus celtes commandées par
un chef nommé Léonnorios. Une de ces tribus
s'attribua l'Hellespont, une autre la Phrygie, une
troisième le Bas-Euphrate, d'où sortira la tribu
d'Abraham.
Les Celtes installés sur le plateau phrygien prirent
le nom de Galates. On les retrouve enrôlés dans
l'armée égyptienne de Ptolémée II, dans les guerres
de Haute-Égypte. Pour célébrer cet événement, le
pharaon Ptolémée II fit graver un bouclier gaulois
sur ses monnaies. Une inscription, sur l'un des murs
d u temple de Séti I atteste la présence des tribus

celtes en H a u t e - É g y p t e : « N o u s , d u corps des


Galates, nous s o m m e s venus » D a n s ses œuvres,

P l u t a r q u e a raconté par d e u x fois l'histoire d'une

belle Gauloise, K a m i n a , qui était prêtresse de la

déesse phrygienne Artémis.


D a n s son livre i m p o r t a n t sur les Celtes, H e n r i
H u b e r t écrira : « C e t t e colonie d'Asie M i n e u r e fut

p e r d u e p o u r le m o n d e celtique 2 »
D a n s cette étude, d a t é e de 1932, H . H u b e r t

constate la disparition d ' u n g r a n d c o u r a n t tradi-

1. Henri Hubert, Les Celtes, depuis l'époque de la Tène,


1932.
2. Op. cit.
tionnel, emporté par l'histoire, qui s'enracina dans
la terre d'Orient, et finit par oublier d'où il venait :
la terre du Nord.

Le Soleil en exil

Pourtant, tout est là, dans la fulgurance de la


révélation biblique : la vision solaire des Indo-Euro-
péens, tragique, et dévorante, qui arrache l'homme
à lui-même, et le transfigure - la haute cosmogonie
des druides, leur science du ciel et des enfers, leur
participation immédiate à l'Esprit, le sacrifice néces-
saire, qui donne la vision suprême, les combats, le
bruit et la fureur sacrée, le Ragnarôk nordique, le
« crépuscule des dieux », révélé à l'apôtre Jean, dans
l'île de Patmos.
Le soleil se lève à l'est, et c'est vers l'est que les
cavaliers indo-européens lancèrent leur croisade, en
espérant trouver la terre des Immortels, le lieu d'où
le soleil se lève, sa demeure flamboyante, son
royaume.
Pour écrire ce livre, nous avons suivi la piste des
anciennes migrations, préceltiques, puis celto-euro-
péennes, qui nous ont conduits en Grèce, en Égypte,
en Mésopotamie, jusque dans la Galilée du Christ.
L'histoire est formelle : Il y a 3 000 ans, les Celtes
se sont installés sur les terres de la Bible, avec leurs
rites, leurs croyances. Ils sont là, vivants, derrière
chaque vision, chaque page de la Bible, comme le
montre la comparaison de l'Apocalypse de Jean -
extrait de la Bible - et la Vôluspà scandinave, tirée
des Eddas :
VÖLUSPÀ (Edda scandinave)
« Et je vois émerger
une seconde fois
une terre de l'onde
éternellement verte... »

APOCALYPSE (Bible)
« Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre,
car le premier ciel et la première terre avaient
disparu. »
VÔLUSPÀ

« Alors, arrive d'en haut, au dernier jugement


le Puissant, le Magnifique,
celui qui tout gouverne. »
APOCALYPSE

« Puis je vis le ciel ouvert, et voici,


parut un cheval blanc. Celui qui le monte
s'appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat
avec justice. »

Beaucoup plus qu'un jeu de correspondance, il


s'agissait d'une même vision, comme j'essaierai de
le montrer tout au long de ce livre. Les Celtes ont
chevauché aux côtés des nomades d'Israël, combattu
les Cananéens, dans les terres rouges de Palestine.
Il a fallu les 2 000 ans d'histoire des hommes, les
chaos, les guerres, pour que l'histoire de la Bible
soit falsifiée, modifiée, avec l'intention évidente de
gommer définitivement la présence celtique.
L'homme a mis le soleil en exil, et il s'est tourné
vers l'obscurité, en pleurant, poussé par son vieil
instinct mortel, suicidaire. La Bible est devenue un
opium, une sorte de sédatif spirituel, au profit des
marchands de religions.
3 000 ans en arrière, sur les bords du fleuve
Euphrate, les cavaliers celtes et les nomades hébreux
se rencontrèrent avec cette formule rituelle : « Béni
soit l'homme qui porte la Lumière! »
Dans les psaumes de Sagesse du roi Salomon,
l'Éternel est un dieu de lumière. Il est le feu qui
ne s'éteint pas, la Grande Force Tournoyante, qui
se manifeste dans le brasier du Sinaï, dans les
colonnes de flammes de l'Exode, sur les pentes du
mont Horeb, dans le cœur incendié des prophètes...
jusqu'à la Résurrection du Golgotha, qui ouvre les
portes du Ciel.
D'ailleurs, le roi Salomon - auteur des psaumes
de Sagesse, roi et prêtre devant l'Éternel - n'est
autre que Salmon, dans la langue celto-saxonne : le
saumon sacré, le poisson de la suprême sagesse, qui
deviendra l'emblème des premiers chrétiens.
Tous les pays de la Bible, de l'Euphrate au
Jourdain, du Nil à la mer Morte, ont subi l'influence
des grandes migrations celtiques. Les tribus de
Léonnorios ont participé à l'élaboration de la Bible,
se sont mêlées aux populations nomades, ont fait le
voyage au désert sous les emblèmes de Ram, le
Bélier sacré.
L'histoire commence il y a 5 000 ans. Nous
sommes dans le Bas-Euphrate, dans le royaume
indo-européen de Mitani, sur la terre d'Abraham...
Les prêtres invoquent la divinité suprême, mysté-
rieuse, sur des montagnes entourées de ténèbres...
Le Sinaï, le mont Horeb - énormes solitudes de
pierres, brûlées par la foudre et le feu du désert.
Jusqu'au jour où la divinité cosmique, insaisissable,
va s'incarner, dans le Christ Jésus. Toute l'histoire
du paganisme est la préparation de cette Nouvelle
Alliance, qui ferme les portes de l'Enfer, et arrache
l'homme à la mort.
Colonies celtiques sur les terres de la B
1.

LES FEUX DU DÉSERT

On peut voir au musée du Caire une tête de


Gaulois, avec une expression pathétique de douleur.
L'émotion est intacte. La sculpture ressemble à un
masque mortuaire, saisi quelques instants avant la
mort. Elle dégage une formidable énergie, comme
si toute la souffrance de l'homme était concentrée
là, taillée dans la pierre.
L'inscription indique qu'il s'agit d'un chef celte
qui vivait en H a u t e - E g y p t e , s o u s le r è g n e d e S é t i I
D'autres têtes semblables ont été trouvées dans l'île
de Délos, sous le mur d'enceinte du temple d'Apol-
lon... Même expression de souffrance, de défi.
Le musée du Caire abrite les vestiges d'une his-
toire ancienne, oubliée. On y voit le corps d'un
guerrier celte, hurlant sa douleur, s'empalant sur
sa propre épée 1
Les têtes sculptées du musée du Caire commé-
morent le suicide collectif des Gaulois de Haute-
Égypte, en 270 avant J.-C.

1. S. Reinach, Les Gaulois dans l'art antique, Paris, 1889.


Le scholiaste Callimaque, qui a raconté leur échec,
parle d'une tentative pour mettre au pillage les
trésors du pharaon : « Les Égyptiens enfermèrent
les Gaulois dans une île de la branche sébennytique.
Ils y périrent tous, soit par la famine soit par une
espèce de suicide rituel »
4 000 guerriers celtes, installés dans le delta du
Nil, avaient pris d'assaut le temple de Mendès, au
bord de la « Grande Mer ». Pausanias parle d'un
« complot pour s'emparer de l'Égypte » 2
La colonie gauloise d'Égypte campait sur les
bords du Nil depuis plusieurs générations, lorsque
les tribus du delta s'armèrent contre le pharaon
Séti I et dévastèrent la Haute-Égypte.
Il semble bien que les Celtes d'Egypte n'aient
jamais été vraiment absorbés par la civilisation
égyptienne, qu'ils aient gardé leur identité, leurs
rites, leurs croyances - comme le prouve le suicide
collectif de 4 000 guerriers, unis dans le même esprit,
le même désir d'appartenance au clan, à la vieille
tribu indo-européenne.
Dans les camps nomades des bords du Nil, un
autre groupe d'hommes protège jalousement ses
croyances, sa tradition; ce sont les Hébreux, venus
de la terre de Canaan, voilà déjà plusieurs siècles.
C'est peut-être là, autour des feux de bivouacs,
que les druides et les lévites d'Israël ouvrirent les

1. Suicide collectif des Gaulois de Haute-Égypte - cf. Justin,


XXVI, 2. Callimaque - Hymne à Délos, 185-188. Traduction
d'Émile Cahen. Éditions Budé.
2. Pausanias : propagande de Brennus pour l'expédition de
279, VII, 2.
livres d e la G r a n d e T r a d i t i o n , c o m m u n i è r e n t d a n s
l ' e x t a s e , l a vision, t a n d i s q u e les g u e r r i e r s p o r t a n t
le b o u c l i e r e t le j a v e l o t b u v a i e n t l ' h y d r o m e l e t les
b i è r e s f e r m e n t é e s d ' É g y p t e , s o u s les t e n t e s n o i r e s ,
d a n s la n u i t d u d é s e r t .
L e d é s e r t , e n h é b r e u , signifie q u e l q u e c h o s e o u
quelqu'un d'abandonné, une terre qui n'est pas
e n s e m e n c é e . D a n s les l a n g u e s c e l t i q u e s , le d é s e r t
signifie a u s s i le vide. C ' e s t l ' e n d r o i t p r i v i l é g i é , p o u r
é c o u t e r p a r l e r l ' u n i v e r s , d e r r i è r e les f o r m e s visibles,
d ' o ù l'on p e u t explorer l ' â m e h u m a i n e , r e m o n t e r la
c o u r b e des générations, j u s q u ' a u point de l'origine,
d ' o ù les c h o s e s se d é v o i l e n t d a n s u n e f a n t a s t i q u e
l u m i è r e . C ' e s t ici q u e f u r e n t é l a b o r é s les p r e m i e r s
livres d e l a B i b l e : le f a m e u x P e n t a t e u q u e , d a n s
lequel on retrouve de n o m b r e u x éléments celtiques,
d ' u n bout à l'autre de l'histoire sacrée.
L e b i v o u a c d e s n o m a d e s d u d é s e r t , c ' e s t la f l a m m e
d e s g u e t t e u r s , d e s v e i l l e u r s - les p r e m i è r e s l a m p e s
votives i n s t a l l é e s p a r l ' h o m m e , s u r la t e r r e f r o i d e ,
l a c o l o n n e d e f e u a u t o u r d e l a q u e l l e se r é u n i t le
c l a n , la c o m m u n a u t é .
P o u r l ' h o m m e a c c r o u p i s u r l a n a t t e d ' o s i e r , le
feu c'est aussi la m é m o i r e ancestrale, l'obscure
m é m o i r e , t o u t à c o u p é c l a i r é e . D a n s la n u i t d u
d é s e r t d ' É g y p t e , d r u i d e s e t lévites s o n t les g a r d i e n s
d e la t r a d i t i o n p r i m o r d i a l e , c o m m e le p r o u v e le
t e x t e b i b l i q u e s u r le D é l u g e , d a n s l e q u e l o n r e t r o u v e
un nombre impressionnant d'éléments traditionnels,
a p p o r t é s e n É g y p t e p a r les C e l t e s , p l u s d e 3 0 0 0 a n s
avant J.-C.
L a p r é s e n c e d e ces é l é m e n t s d a n s la t r a d i t i o n
b i b l i q u e e s t b i e n réelle. Ils c o n s t i t u e n t m ê m e le fil
Gurnemanz :
L e d i r e est vain,
m a i s si c ' e s t t o i q u ' i l v i e n t
d'élire,
à t o u t j a m a i s il va t ' i n s t r u i r e .
E t vois!
J e c r o i s a v o i r vu c l a i r en toi.
Vers lui ne s ' o u v r e a u c u n s e n t i e r
et n u l ne p e u t t r o u v e r la r o u t e
qu'il n'ait p a s dirigée lui-même.

P a r s ifal :
je m a r c h e à peine
e t suis d é j à b i e n loin.
Gurnemanz :
T u vois, m o n f i l s ,
l ' e s p a c e ici n a î t d u t e m p s . »

( T a n d i s que G u r n e m a n z et Parsifal s ' a v a n c e n t


l e n t e m e n t , le d é c o r i n s e n s i b l e m e n t se t r a n s f o r m e ;
le b o i s d i s p a r a î t ; d e g r a n d s r o c h e r s a p p a r a i s s e n t o ù
s ' o u v r e u n l a r g e p a s s a g e , d a n s l e q u e l ils s ' e n g a g e n t .
Ils m o n t e n t à t r a v e r s d e s g a l e r i e s d e p i e r r e s m o n -
t a n t e s ; la s c è n e s ' e s t c o m p l è t e m e n t t r a n s f o r m é e . Ils
s o n t e n t r é s d a n s la g r a n d e s a l l e d u B u r g d u G r a a l 1

1. Richard Wagner, Parsifal, Acte 1. Avec José Van Dam,


Kurt Moll, Peter Hofmann. Direction Herbert von Karajan.
Deutsche Grammophon.
Les voyageurs du Sid

Dans le Moyen Age chrétien, la Quête du Graal


est faite par des guerriers nomades - les fameux
« chevaliers de la Table Ronde » - groupés en fra-
ternités, en chevalerie.
Cette structure traditionnelle est celle du clan,
de la tribu - dont la famille chrétienne aurait bien
fait de s'inspirer, pour échapper aux forces de dis-
solution et de décadence.
La Quête est toujours celle de l'homme déraciné,
privé de son identité profonde, qui ne reconnaît plus
sa terre. C'est une tragédie, aux dimensions cos-
miques. La Table ronde des chevaliers du Graal
signifie la même chose que le Chœur antique des
tragédies grecques, dans les rites de Dionysos :
l'Unité, l'Harmonie.
Les Héros vivent la tragédie en dehors du Chœur,
parce qu'ils sont expulsés, arrachés, et qu'ils ont
perdu l'Unité, l'âge d'or - tout comme les chevaliers
du Graal quittant la Table ronde pour accomplir la
Quête qui les ramènera, peut-être, au Centre.
Les chevaliers du Graal sont des chevaliers errants,
des vagabonds intemporels, qui se déplacent d'un
monde à l'autre, explorent les mers lointaines,
combattent des monstres, visitent des îles où le
temps n'est plus le même, sont frappés par des
armes redoutables qui brillent comme de la lumière,
des épées vivantes, qui boivent l'âme à travers le
corps.
La Grande Épopée ne se contente pas d'une terre
géographique. La Terre sainte s'étend aussi dans la
hauteur, dans la profondeur, et touche aux autres
mondes. Elle se déplace dans l'espace et le temps -
et l'homme se modifie au fur et à mesure de la
Quête. A chaque épreuve, il se purifie, comme le
feu qui chauffe le métal, et de cuisson en cuisson
le transforme en or liquide.
Nombreux sont les voyageurs qui ont accompli
la Quête. Ils sont revenus porteurs d'images, de
visions. Tous décrivent le Sid - le paradis celtique,
les îles d'Éternelle jeunesse - le pays d'Hyperborée,
d'où sont venus les maîtres de la pierre sacrée :
« Cette île est aussi appelée " île fortunée " parce
que toute végétation y est naturelle. Il n'est point
nécessaire que les habitants la cultivent. Toute
culture est absente, sauf celle que fait la nature
elle-même. Les moissons y sont riches et les forêts
y sont couvertes de pommes et de raisins. Le sol
produit tout comme si c'était de l'herbe. On y vit
cent années et plus. Neuf sœurs y gouvernent par
une douce loi et font connaître cette loi à ceux qui
viennent de nos régions vers elles. De ces neuf sœurs,
il en est une qui dépasse toutes les autres par sa
beauté et sa puissance. Morgane est son nom, et
elle enseigne à quoi servent les plantes, comment
guérir les maladies 1 »
« Il y a une île lointaine; alentour, les chevaux
de la mer brillent, belle course contre les vagues,
écumantes; quatre pieds la supportent. Charme des
yeux, glorieuse étendue est la plaine sur laquelle les
armées jouent... Jolie terre à travers les siècles du
monde, où se répandent maintes fleurs. Un vieil

1. Vita Merlini, de Geoffroy de Monmouth (La Vie de


Merlin).
arbre est là avec les fleurs, sur lequel les oiseaux
appellent aux heures... Inconnue la plainte ou la
traîtrise dans la terre cultivée bien connue; il n'y a
rien de grossier ni de rude, mais une douce musique
qui frappe l'oreille. Ni chagrin, ni deuil, ni mort,
ni maladie, ni faiblesse, voilà le signe d'Émain; rare
est une pareille merveille. Beauté d'une terre mer-
veilleuse, dont les aspects sont aimables, dont la
vue est une belle contrée, incomparable en est la
brume... Des richesses, des trésors de toute couleur
sont dans la Terre calme, fraîche beauté, qui écoute
la douce musique en buvant le meilleur vin 1 »
« Je suis allée d'une allure alerte dans un pays
merveilleux, bien qu'il me fût familier... Il y a un
arbre à la porte du château; l'harmonie qu'il émet
n'est pas déplaisante, arbre d'argent où brille le
soleil; sa splendeur est pareille à l'or. Il y a là trois
vingtaines d'arbres; leurs sommets se touchent, ne
se touchent pas; trois cents hommes se nourrissent
de chaque arbre, de leur fruit multiple et simple...
Là est une cuve d'hydromel joyeux que l'on partage
à la maisonnée; elle reste toujours, la coutume est
établie qu'elle soit pleine à tout jamais 2 »
C'est vers cette île merveilleuse que se dirigent
les héros païens comme Bran, fils de Fébal et
Cûchulainn, des personnages à peine christianisés
comme Maelduin 3 ou le roi Arthur, après la bataille

1. La navigation de Bran. George Dottin. L'Épopée irlan-


daise.
2. La maladie de Cûchulainn, in Mythologie celtique.
3. J. Markale, L'Épopée celtique en Irlande, édit. Picolec,
1981.
où il est b l e s s é m o r t e l l e m e n t , d e s s a i n t s d u c h r i s t i a -
n i s m e c e l t i q u e c o m m e B r a n d a n , « à la r e c h e r c h e d u
P a r a d i s '. »
P l u t a r q u e r a c o n t e q u ' u n e c e r t a i n e île O g y g i e se
t r o u v e « à c i n q j o u r s d e n a v i g a t i o n d e la B r e t a g n e ,
vers l'ouest ». D a n s l'île, K r o n o s ( K R N ) a u r a i t é t é
e m p r i s o n n é p a r Z e u s . Il a r r i v e q u e d e s h u m a i n s
p u i s s e n t a b o r d e r d a n s c e t t e île : « Il l e u r est p e r m i s
d e p a r t i r u n e fois q u ' i l s o n t c é l é b r é p e n d a n t t r e i z e
a n s le c u l t e d u d i e u . M a i s la p l u p a r t p r é f è r e n t
r e s t e r , les u n s p a r c e q u ' i l s se s o n t h a b i t u é s , les
a u t r e s p a r c e q u e , s a n s p e i n e e t s a n s t r a v a i l , ils o n t
tout en a b o n d a n c e 2 »

D a n s les r e m p a r t s d'Antioche :
la lance du dieu W o t a n

D a n s le M o y e n A g e chrétien, la T e r r e sainte c'est

d ' a b o r d u n e terre g é o g r a p h i q u e , située en Asie


M i n e u r e , la terre des peuples de la Bible, avec son

centre de gravité : le t o m b e a u d u Christ.

E n l'an 1000, les chroniqueurs des croisades -

c o m m e le c h a n o i n e d u chapitre de la c a t h é d r a l e d u
P u y - parlent de la présence d'une a r m e sainte,

surnaturelle, d a n s les r e m p a r t s d ' A n t i o c h e : la lance


d u Graal, qu'on retrouve d a n s toute la tradition

celto-nordique, depuis le sacrifice rituel d u dieu

W o t a n , qui préfigure celui d u Christ.

1. Bénédeit, Le Voyage de saint Brandan, Paris, 1984.


2. Plutarque, Sur la face de la Lune, p. 26. (Textes recueillis
par J. Markale : le Druidisme.)
D a n s la Q u ê t e d e la N o u v e l l e A l l i a n c e , le G r a a l
est d e v e n u le s a n g d u C h r i s t . Il est l ' E s p r i t d e D i e u .
Il p e u t d o n n e r la vie é t e r n e l l e , et c h a n g e r le c œ u r
de l ' h o m m e . Les croisés d ' A n t i o c h e l'utilisèrent p o u r
b r i s e r l ' e n c e r c l e m e n t d e s S a r r a s i n s , m e t t r e fin à la
m o r t , à la f a m i n e . C ' e s t l ' u t i l i s a t i o n g u e r r i è r e d u
G r a a l . L a l a n c e p o r t a les d i x m i l l e h o m m e s d e
R a y m o n d de Saint-Gilles j u s q u ' à J é r u s a l e m . L a cité
s a i n t e t o m b a a u x m a i n s d e s c r o i s é s le 14 j u i l l e t
1099.
A u x e s p r i t s spirituels, la l a n c e p e u t d o n n e r l ' a m o u r
d e D i e u , et le r e n o n c e m e n t a u x v a l e u r s m a t é r i e l l e s
d u m o n d e . A i n s i G o d e f r o y d e B o u i l l o n , q u i f u t élu
roi d e J é r u s a l e m , m a i s r e f u s a d ' a c c e p t e r le t i t r e d e
« Baron du Saint-Sépulcre » disant qu'il ne prendrait
j a m a i s u n e c o u r o n n e r o y a l e d a n s u n e ville o ù le
S a u v e u r des h o m m e s avait porté u n e c o u r o n n e
d'épines. L a p r e m i è r e croisade était achevée.
U n c h a n o i n e d u c h a p i t r e d e la c a t h é d r a l e d u P u y ,
R a y m o n d d ' A i g u i l h e , d é c r i v i t le c o m b a t d ' A n t i o c h e
e t l ' a p p a r i t i o n d e la l a n c e :
« D a n s A n t i o c h e , les c r o i s é s t r o u v è r e n t l ' a n g o i s s e ,
c a r ils f u r e n t b i e n t ô t a s s i é g é s p a r u n e a r m é e p e r s e
v e n u e a u s e c o u r s d e s T u r c s . E t ce f u t à n o u v e a u la
f a m i n e et le d é s a r r o i . L e s s o l d a t s d é s e r t a i e n t , d ' a u t r e s
se r e n d a i e n t , e t les p r i n c e s e u x - m ê m e s e n v i s a g e a i e n t
d e r e g a g n e r la F r a n c e . L e C i e l enfin m o n t r a p a r
u n m i r a c l e o ù a l l a i t son s o u t i e n . U n p a u v r e p r ê t r e
d u P u y - e n - V e l a y , q u i a v a i t suivi la C r o i s a d e - il
s'appelait Pierre Barthélémy - d e m a n d a audience
a u c o m t e d e S a i n t - G i l l e s e t à l ' é v ê q u e d u P u y . Il
c a m p a i t e n d e h o r s d e l a ville e t a v a i t e u u n s o n g e .
Il v o u l a i t e n f a i r e p a r t à ses c h e f s . M i s e n l e u r
présence il leur parla ainsi : " Deux hommes revêtus
d'habits éclatants me sont, la nuit dernière, apparus.
L'un d'eux me dit : Je suis l'apôtre André. Viens,
je te montrerai la lance de notre Père Jésus-Christ
que tu donneras au comte. Alors j'ai suivi l'apôtre
dans la ville. Nous sommes entrés dans l'église
Saint-Pierre, dont les Sarrasins ont fait une mosquée
et l'apôtre, parvenu près de l'autel, est descendu
sous terre puis en a remonté la lance. Voici, me dit-
il, la lance qui a percé le flanc d'où est sorti le salut
du monde entier. Va et dis au comte de venir ici,
et tu chercheras la lance en ce lieu d'où je l'ai
retirée et où je vais la renfermer. Et lorsqu'il l'aura
recouvrée la victoire lui sera acquise. Et l'apôtre
me ramena dans mon campement. "
Le comte, ému de ce récit, se rendit au vœu du
prêtre et fit rechercher la lance. Douze hommes s'y
employèrent et enfin on la retrouva. La nouvelle en
est aussitôt proclamée, la foi des Croisés est émer-
veillée, leur courage raffermi et tous demandent le
combat. Il eut lieu le 20 juin 1098. Les soldats se
confessèrent, assistèrent à la messe puis se rendirent
à leur quartier. Douze bataillons furent constitués,
dont Adhémar commandait le cinquième, portant
la Sainte Lance, qu'aucun des barons n'avait voulu
prendre, de peur de la briser. Et l'armée sortit de
la ville.
Splendide et fantastique vision!
L'un après l'autre les bataillons apparaissent à
toutes les portes de la ville, chacun précédé de ses
porteurs d'oriflammes et de ses officiers, à cheval,
et en tête le prince qui les commande. Voici le duc
Godefroy et puis les barons et les chevaliers aux
cuirasses étincelantes, armés de la lance, de l'épée,
et du bouclier de cuir... Et voici l'évêque du Puy
dans son costume de guerre, son étole jetée sur les
armes, bien campé sur son destrier, tenant la Sainte
Lance, et, derrière lui, les prêtres revêtus de leurs
habits sacerdotaux, et, enfin, l'armée, l'immense
armée des soldats qui rejoignent leurs chefs et
prennent position au-devant des murailles. Et puis
la plus émouvante cohorte, celle des femmes des
chevaliers, qui ont voulu servir aussi, et mourir s'il
le faut. Enfin l'heure du combat est venue. L'évêque
du Puy lance une ultime exhortation et les armées
avancent dans la plaine. L'affrontement est terrible.
La mort fauche autour d'elle, et le duc Godefroy
ne dut son salut qu'à l'intervention de ses barons.
Mais tous, soutenus par leur foi, offrent leur vie
pour le Christ. Les femmes elles-mêmes assaillent
les Turcs avec des pierres et apportent de l'eau aux
combattants assoiffés. Pendant longtemps le combat
fut indécis, mais c'est enfin la victoire des Croisés.
Alors, au soir du combat, s'éleva dans le silence la
voix d'Adhémar de Monteil, voix inspirée qui ren-
dait à la croisade son sens et sa juste valeur :
" Ce n'est pas vous qui avez défait les Turcs,
mais le glorieux Jésus, seul, par ses saintes bontés. "
Les soldats du Christ avaient offert leur vie pour
leur divin Maître, mais une telle cause exigeait plus
encore, et c'est leur victoire même qu'ils offraient,
suprême dépouillement à l'image et au service de
Celui qui s'était dépouillé pour eux jusqu'à la mort
sur la Croix. Tout au long de la bataille l'évêque
du Puy s'était efforcé de protéger ses hommes et il
n'avait pas eu de blessés sinon le vicomte de Polignac
qui, généreusement, avait voulu combattre au pre-
mier rang et qui avait reçu une flèche au visage,
blessure dont il devait mourir quelques jours plus
tard, le 28 juin 1 »
Le miracle, la Révélation, les apparitions, sont
les éléments dynamisants de la Quête.
Peut-on douter des forces obscures qui dirigent
nos existences, et respirent à travers nous? Nous
ne sommes pas seuls. Nous sommes reliés. Ce que
nous appelons la « conscience », celle qui décide,
éprouve des émotions, n'est que l'écume d'un iceberg
fantastique qui s'enracine hors du temps. Le sen-
timent d'être séparé, voilà la souffrance. Les héros
sont des êtres dissociés, et qui recherchent l'har-
monie perdue. Ils ont conscience d'une totalité dis-
parue, et dont l'immensité, la profondeur les appelle,
les tourmente.
L'Esprit de Dieu les visite en extase, pendant
le rêve, la prière, les états de conscience modifiée.
Il descend sur eux comme la foudre, et les fait
participer à sa haute altitude. L'homme est bou-
leversé par cette mystérieuse relation. Il s'interroge
sur les limites de sa propre identité - avec vertige
- et prend conscience qu'il est, lui aussi, infini,
sans limite. Ce qu'il prend pour son identité, ce
n'est que la partie visible de l'iceberg. Il s'étend
au-delà, dans l'avant comme dans l'après - mais
il a subi une sorte de convulsion, de pliure de la
conscience, qui lui a donné l'illusion d'une identité
séparée. La Quête du Graal va le sortir de lui-

1. Le Velay, tome IV, par Jacques Viscomte, Le Puy-en-


Velay, 1980.
m ê m e , l ' a r r a c h e r à ses l i m i t e s , le d é p l o y e r h o r s
d u t e m p s , e t lui r e n d r e u n c o r p s g l o r i e u x , i n c o r -
r u p t i b l e , a u t e r m e d e la Q u ê t e . D a n s le C h r i s t
qui contient tout.

L e R o i e n d o r m i e t le r e t o u r du C h r i s t - R o i

O n assiste a u j o u r d ' h u i à un d é t o u r n e m e n t de
s i g n i f i c a t i o n s , o ù les i m a g e s , les m o t s , les s y m b o l e s
n'ont plus d'épaisseur. C e ne sont q u e des slogans
de papier, qui ne pèsent plus leur poids de lumière,
d e c h a i r et d e s a n g . E n vérité, n o u s s o m m e s e m p o r t é s
dans un vaste m o u v e m e n t de reconquête, de retour
à l ' â g e d ' o r , à t r a v e r s les c h u t e s , les e f f o n d r e m e n t s ,
les t r é p i d a t i o n s d u m o n d e m o d e r n e q u i a s p i r e à la
d i s s o l u t i o n , c ' e s t - à - d i r e à la p h a s e u l t i m e d e r e c o n -
v e r s i o n , b i e n c o n n u e d e s a l c h i m i s t e s . . . c o m m e le
m o n t r e la r é c e n t e r é v o l u t i o n f r a n ç a i s e d e 1789, q u i
a v o l o n t a i r e m e n t d é c a p i t é la f o n c t i o n r o y a l e .
L ' a r b r e - q u ' i l soit g é n é a l o g i q u e o u v é g é t a l - e s t
t o u j o u r s relié à la r o y a u t é s u p r ê m e , à la fois spi-
rituelle et temporelle. S a i n t Louis l'exprime avec
u n e p a r f a i t e c o n s c i e n c e , l o r s q u ' i l se coiffe d e la
c o u r o n n e , élève le s c e p t r e , e t v i e n t r e n d r e la j u s t i c e
sous u n c h ê n e c e l t i q u e . Il r é c a p i t u l e t o u t e l ' h i s t o i r e
d u G r a a l , des premières tribus nordiques, au sang
précieux du Christ Jésus.
E n 1789, p o u r d é t r u i r e l ' A n c i e n R é g i m e , les révo-
l u t i o n n a i r e s s ' a r m e n t d e p i q u e s , e t s e coiffent d u
b o n n e t p h r y g i e n . S a n s le s a v o i r , ils a c c o m p l i s s e n t
un véritable rituel de transformation, de mutation,
comme le faisaient les prêtres phrygiens, lorsqu'ils
évoquaient le sacrifice du dieu païen Athys - image
de la fonction royale, solaire - mis à mort devant
l'Arbre de Vie.
Avant sa décapitation, Louis XVI sera coiffé lui
aussi du bonnet phrygien. A la chute de l'Ancien
Régime, les républicains vont planter sur les places
des villes et des villages - en leur milieu - le fameux
« arbre de la liberté », constellé de cocardes bleues
et rouges, symbole du nouveau régime. Ils obéissent
à une volonté souterraine, dont ils n'ont aucune
conscience, qui les emporte dans une histoire de
fureur et de sang. Ils ne savent pas qu'ils célèbrent
un sacrifice païen, celui d'Athys - roi solaire - qui
renonce à sa fonction royale visible, dans l'attente
du Rédempteur.
C'est la grande tradition du Roi endormi, qui
s'éveillera de son long sommeil lorsque l'Arbre
refleurira : l'empereur Charlemagne, ou Frédéric II,
endormi dans une grotte profonde, sous un chêne
immense - Ogier le Danois, l'un des douze paladins
de Charlemagne, qu'on dit endormi dans les sou-
terrains de son château de Kronburg. C'est aussi le
Grand Monarque, le Roi de Gloire annoncé par
l'Apocalypse biblique, déjà évoqué dans les Eddas
scandinaves sous le nom de Balder-le-Brillant, et
devant lequel toutes les nations courberont la tête :
Jésus-Christ, Fils de Dieu.
La mort sainte du roi Louis XVI (qui refuse de
faire tirer sur la foule et pardonne à ses meur-
triers) est l'un des signes visibles qui marquent
nettement l'entrée dans ces temps d'Apostasie, de
confusion diabolique, de décadence, dans l'attente
du Christ-Roi de la Tradition Chrétienne, Dieu
d'amour, et de charité, espéré dans la longue nuit
du paganisme, crucifié par les hommes, ressuscité
dans la Gloire, et dont le Règne s'étend sur tous
les âges.
CET OUVRAGE A ÉTÉ COMPOSÉ
ET ACHEVÉ D'IMPRIMER POUR
LES ÉDITIONS ROBERT LAFFONT
À PARIS PAR L'IMPRIMERIE FLOCH
À MAYENNE EN DÉCEMBRE 1989
DÉPÔT LÉGAL : JANVIER 1990
N° D'ÉDITEUR : 3 2 2 4 9
(28608)
Dans la même collection

Robert Ambelain
JÉSUS
ou
LE MORTEL SECRET
DES TEMPLIERS
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avec un autre monde

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LE GRAND CHOIX
Une aventure médiumnique

Roger de Lafforest
LEFFET NOCEBO
Enquête sur les voies et les mécanismes
de l'influence à distance

Jean-Paul Bourre est né en 1946. Il a publié un essai


sur les romantiques extrémistes, L'orgueil des fous
(Encre), puis un roman, La Mecque de glace, chez
Robert Laffont (1981). Il s'est longtemps passionné pour
la démonologie, avant de revenir à un christianisme
qui tiendrait compte des apports du paganisme et de
la tradition indo-européenne. Il a également fait
paraître, aux éditions Veyrier, un essai sur les Chouans
(1989) et va publier, début 1990, chez Fayard, Les
nomades de Dieu.

Couverture : Art romain (II s. av. J.-C.), sarcophage avec le combat


des Romains et des Galates (détail). Cl. Giraudon.

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