Journal des savants

J. et H. Brémond. Les Pères du désert

Paul Monceaux

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Monceaux Paul. J. et H. Brémond. Les Pères du désert. In: Journal des savants, Août-octobre 1928. pp. 369-370;

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 LIVRES NOUVEAUX
nature et aux limites, du contrôle que les
Églises des premiers siècles pouvaient
exercer sur le culte des Saints et les reliques.
Aux lecteurs qui aiment les surprises et
les contrastes, nous recommandons le
chapitre V, qui pourra étonner d'abord
comme un paradoxe, et dont le titre est à
lui seul une révélation. Il s'agit des « Saints
qui n'ont jamais existé » , et dont plusieurs
ont réussi pourtant à se faire honorer d'un
culte. Rien n'est plus imprévu ou plus
étrange ; et rien n'est plus certain.
Avec le chapitre VI, on arrive à la
conclusion, et le ton s'élève : l'auteur
entreprend de définir la Sainteté. Il le fait en
une série de fort belles pages, aussi émues
que vraies. Il suffirait de lire ces pages-là,
pour réduire au silence certains critiques,
peu au courant de la science
hagiographique, qui dénonceraient volontiers dans
notre savant auteur un nouveau dénicheur
de Saints.
En résumé, le Sanctus de M. Delehaye
complète fort heureusement ses Origines
du culte des martyrs. Ces deux ouvrages
forment désormais la première moitié,
surtout historique, d'une précieuse tétralogie
critique, dont l'autre moitié, surtout
littéraire, est constituée par les Légendes
hagiographiques (troisième édition, Bruxelles,
I927)etparle livre sur les Passions
desmartyrs (Bruxelles, 1921).
Paul Monceaux.
J. et H. Brémond. Les Pères du désert.
Deux vol. in-16, de lix-582 pages. Paris,
Gabalda, 1927.
Voici un aimable livre, aussi amusant
qu'édifiant : un recueil de récits originaux,
mis en français, sur les Pères du désert.
Au cours d'un voyage en Orient, où il
s'était aventuré avec ses compagnons dans
le fameux désert de Nitrie, M. Henri
Brémond, de l'Académie Française, se prit
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d'enthousiasme pour ces vieux moines,
solitaires ou cénobites, qui du ive au vie siècle
conquirent les imaginations du monde
chrétien, et qui attirèrent dans les solitudes
d'Egypte ou de Syrie tant de pèlerins ou
de curieux. En évoquant là-bas leurs
souvenirs des Vies des Pères, nos savants
voyageurs durent s'avouer à eux-mêmes
que les moines des premières générations
étaient aujourd'hui un peu oubliés du
public. D'où l'idée d'un recueil méthodique,
où l'on reproduirait les plus belles pages
des récits originaux sur les ascètes d'Orient.
M. Henri Brémond s'est chargé de Y
Introduction, qui est importante, fort
instructive, et non moins agréable à lire. Il y a
résumé à grands traits les travaux
critiques et les controverses, dont les Vies
des Pères ont été l'objet depuis un demi-
siècle. Puis il nous conduit chez les
principaux solitaires, nous peint leur vie, nous
dit leurs préoccupations, nous conte leurs
exploits. Enfin, il met en lumière l'action
profonde exercée jusqu'à nos jours, par ces
premiers ascètes, sur la conception de
l'ascétisme chrétien et de l'idéal monastique.
Le reste de l'ouvrage est de M. Jean
Brémond. C'est lui qui a choisi, classé,
commenté les textes. Il est aussi l'auteur d'une
seconde Introduction, très précise, où il
passe en revue les sources, explique le plan
du recueil, indique la bibliographie
indispensable.
La plupart des textes ici donnés sont tirés
du célèbre recueil connu sous le nom de
Vies des Pères : vaste compilation moderne,
confuse et incohérente, formée elle-même
de diverses compilations, où se mêlent des
récits de voyages, des notes de pèlerins,
des souvenirs d'entretiens, des traits
édifiants, des apophtegmes. Les sources
principales sont la Vie de saint Antoine par
Athanase, la Vie de Pacôme, YHistoire
Lausiaque de Palladius, VHistoire des
moines (original grec, adaptation latine de
Rufin), les Apophtegmata Patrum, les
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370 LIVRES NOUVEAUX
Verba seniorum, le Philothée de Théodo-
ret, les Institutions et les Conférences de
Cassien, les Instructions de Dorothée,
VÉchelle de Climaque, le Paradis d'Héra-
clide, le Pré spirituel de Moschus.
Le plan du recueil était presque imposé
parle caractère de la Collection où il figure :
Collection des Moralistes chrétiens, textes
et commentaires. Tout est donc subordon^
né ici à lu doctrine. On s'est efforcé de
reconstituer dans les grandes lignes, avec
textes à l'appui, l'enseignement commun
aux Pères du désert, et d'en marquer les
étapes : premiers principes et premières
formules, lutte contre les démons, solitude
et dépouillement, rigueurs corporelles,
ascèse intime, discrétion, charité,
contemplation. Aux profanes, ce plan pourra sembler
un peu sévère, artificiel ou conventionnel.
Mais ils trouveront leur compte dans le
détail des récits, où défilent les héros de
l'ascèse : Antoine, Ammon, Arsène,
Benjamin, les Macaires, Moïse, Pachon, Pa-
côme, Pambon, Paphnuce... Arrêtons-
nous : ils sont trop.
En terminant, on ne peut s'empêcher
d'exprimer un regret. « Le plus grand
nombre des textes, dit M. Jean Brémond,
sont pris des traductions du xvne siècle
(Cassien traduit par Saligny-Fontaine,
Climaque et les Fies des Pères, par Arnaud
d'Andilly, Dorothée par Rancé). Nous les
avons choisies pour la beauté et l'ampleur
de la phrase et pour leur saveur archaïque. >
— Par malheur, ces versions centenaires
nous paraissent souvent inexactes, toujours
trop longues et trop lentes. Evidemment,
elles ont vieilli : on n'admet guère
aujourd'hui ces façons de paraphraser, où
s'estompe l'original. Donc, pour les lecteurs
du xxe siècle, mieux eût valu traduire de
nouveau ces vieux textes, la traduction
exacte dût-elle sembler moins savoureuse.
Paul Monceaux.
Victor Chapot. Le monde romain.
(T. XXII de L'évolution de Vhumanilé,
synthèse collective dirigée parHenri Berr.)
In-8°, 503 p. avec 2 planches hors texte et
12 cartes. Paris, Renaissance du Livre,
1927.
Ce livre est, parmi les ouvrages qui
composent la collection, un de ceux dont
le sujet a, tout à la fois, le moins de
nouveauté et le plus d'importance historique.
Double difficulté pour l'auteur, de qui l'on
attend qu'il apporte du nouveau sur un
sujet rebattu, et qu'il fasse revivre avec
toute l'érudition et toute la hauteur de vue
désirables une des grandes époques de
l'histoire. Disons tout de suite que M. Chapot
s'est tiré à son honneur des difficultés de la
lâche, grâce à deux qualités qui s'affirment
tout au long de son ouvrage , une
information sûre et étendue, une parfaite
pondération de jugement.
Le but de l'auteur n'est pas de faire
l'histoire de l'Empire romain, mais,
essentiellement, de brosser un tableau des
différents pays qui le composaient. Depuis
environ un demi-siècle — depuis Mommsen
— personne ne s'y était essayé.
L'accroissement, pendant cette période, du matériel
archéologique et épigraphique justifiait
une pareille tentative. M. Chapot a su, et
le mérite n'en est pas mince, réunir
l'es entiel de la documentation très dispersée qui
concerne l'histoire des provinces romaines
sous l'Empire ' ; il Ta utilisée très
heureusement. Après avoir étudié L'expansion
romaine et ses vicissitudes, puis, dans une
deuxième partie, les rouages
gouvernementaux dans V ensemble des provinces, il nous
promène, au cours d'une troisième partie,
La vie régionale, qui remplit plus des deux
tiers du volume, à travers tout le monde
1 . Qu'il nous permette de lui signaler que notre
mémoire sur Gighlis n'a pas paru dans les Notes
et Documents, mais dans les Nouvelles Archives
des Missions, fase. 14.