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VLADIMIRTSOV
LE REGIME SOCIAL
DES MONGOLS
LE FEODALISME NOMADE.
PREFACE
PAR
RENE GROUSSET
DE LACADEMIE FRANCAISE
CONSERVATEUR DU MUSEE CERNUSCHI
TRADUCTION
PAR
MICHEL CARSOW
ANGIEN ATTACHE AU MINISTERE IMPERIAL DES AFFAIRES ETRANGERES
1948
PREFACE
E. Haenisch paru en 1941 et qu’avaient précédé un volume _ par un comité international. Remarquons qu’elle en vaut la
d’établissement du texte et un volume de vocabulaire’, peine.
ouvrages sans doute meéritoires mais dont Pelliot n’eut Pour l'histoire mongole moderne, la vieille traduction
aucune peine 4 montrer en son temps les insuffisances. de Sanang-siéin par Schmidt a été remplacée, tout au moins
On sait que |’ Histoire Secréte n’était probablement pas la d’aprés la version mandchoue, par celle de Haenisch,
seule source originale «indigéne». On pressent l’existence a qui nous devons aussi une traduction de 1 ’Altan
d’une autre source mongole, aujourd'hui perdue, qui a été tobei'.
utilisée par l’auteur du Chen-wou ts’in-icheng lou et aussi La contribution de la science russe dans cette recension
par Rasid ud-Din, ainsi que !’a démontré Pelliot®. Raison des textes originaux est, comme il se doit, considérable.
de plus d’avoir une bonne traduction du Ts’in-tcheng lou, et Elle n’est pas moindre dans les restitutions historiques.
par un mongolisant. Celle de Palladius, parue en 1872 dans Deux noms s‘imposent ici, celui de W. Barthold, celui de
le facicule I du Vostotchnyi sbornik, est depuis longtemps B. Vladimirtsov. Du turcologue Barthold, je rappellerai
dépassée. Félicitons-nous de ce que la traduction préparée seulement deux ouvrages essentiels, l’un et l'autre traduits
par Louis Hambis sous la direction de Pelliot voie prochai- en langue occidentale. Le premier, dans sa traduction
nement le jour. Quant au Yuan che, le travail exécuté par anglaise (plus compléte que l’original russe), est le Tur-
Hambis sur le seul chapitre cvm de cette histoire dynastique kestan down to the Mongol invasion, paru aux Gibb memorial
montre A quel point une étude critique de l’ensemble, series en 1928, sous l’'impulsion de Sir Denison Ross’*. Le
conduite avec le concours de la mongolistique et de l'irano- second ouvrage de Barthold auquel nous faisions allusion
logie, serait indispensable. vient d’étre heureusement adapté en frangais par M™ Dons-
Du cété iranien, précisément, Mirza Mohammed Kazwini kis sous le titre : Histoire des Turcs d’Asie Centrale’.
a mené & bien dans les Gibb memorial series |’édition critique Quant au mongolisant russe B. Vladimirtsov, ses deux
du texte de Juwaini®. Malheureusement ce beau texte attend principaux ouvrages destinés au grand public ont eu la
- encore son traducteur. Quant & Radgid ud-Din, la traduc- chance de trouver dans la personne de M. Michel Carsow,
tion, si connue et commode, encore que partielle, de Bere- guidé et conseillé par Pelliot, le traducteur le plus quali-
zin exigerait une « reléve ». Mais, comme Pelliot le faisait fié. L'un d’entre eux est la vie de Gengis-khan, déja tra-
un jour remarquer devant moi A M. Michel Carsow, Berezin duite en anglais par le prince Mirsky, mais dont la traduc-
lui-méme, en négligeant trop souvent d’indiquer les manus- tion francaise de M. Carsow, beaucoup plus critique et
crits qu'il confrontait (et dont certains ont été pratique- étoffée, rendra autrement de services. Qu'il nous soit per-
ment reperdus), n’a pas facilité la tache de ses successeurs. mis d’annoncer qu'elle est déja sous presse aux éditions
L'ceuvre devra étre un jour complétement reprise, peut-étre Adrien-Maisonneuve. Le second travail de Vladimirtsov
n'est autre que le Régime social des Mongols, étude sur « le
1. E. Haenisch, Manghol un niuca tobca’an, Leipzig 1937; Wérterbuch,
Leipzig 1939; Die geheime Geschichte der Mongolen, Leipzig, 1941.
2. T’oung pao, 1930, 14. 1. Asia Major, IX, 1933..
3. History of Chingiz-khan and his successors, 1915; History of the 2. On sait qu’en dépit du titre, la conquéte gengiskhanide y est
Khwarezm-shahs dynasty, 1916; History of Mangu-ka‘an and the Isma‘ilis, racontée en détail.
1937. 3, 202 p. in-8°, Adrien-Maisonneuve, 1945.
VIII PREFACE PREFACE Ix
féodalisme nomade » que nous présentons aujourd'hui généralement tous les orientalistes intéressés aux pays, si
au public. divers, qui, de la Chine a l’Iran et & la Russie, ont dad vivre
Ne nous y trompons pas. Sous un titre volontairement ta en contact, en symbiose avec les conquérants gengiskha-
modeste et restreint, c est un véritable manuel des institu- nides. Mais elle s'adresse aussi 4 un auditoire plus large,
tions mongoles, tant Al’ époque gengiskhanide qu’al’époque celui qu’attirent les études de sociologie comparée. Ce
lamaique. C’est aussi a la fois le premier ouvrage sur la volume sur le « féodalisme nomade » vient en effet A son
question et pratiquement le seul. Pour qui a vécu dans heure, au moment owt la conception du régime féodal en
l’intimité de l’Histoire Secréte, c'est merveille de voir com- Occident vient d’étre renouvelée par Marc Bloch, aprés
ment toutes les indications fournies par le vieux barde ont les recherches d’Arthur Christensen et de N. Adontz sur la
été dépouillées, confrontées, mises sur fiches et méthodi- féodalité sassanide', tandis que M. Joiion des Longrais nous
quement élaborées. Que voila du bon travail, un travail rapporte de Tékyé des renseignements inédits sur le régime
que notre école médiéviste francaise, celle des Louis Hal- f{éodal japonais. Voici toute une masse de recoupements
phen et des Edmond Faral, accueillera sGrement avec inattendus qui s’offre dans ce domaine aux comparatistes’*.
honneur, car aprés tant d’histoire-bataille, voire d’his- Médiévistes comme orientalistes sauront gré 4 M. Michel
toires romantiques A propos des Mongols, voici enfin les Carsow du service qu'il vient de leur rendre. Ils lui seront
institutions mongoles étudiées avec la sire méthode encore plus reconnaissants quand ils constateront avec quelle
scientifique, depuis longtemps employée pour les institu- probité scientifique le travail, sous la direction du regretté
tions grecques ou latines, capétiennes, byzantines ou Pelliot, a été exécuté, avec quelle intelligence le texte russe
arabes. L’histoire mongole aura ainsi fait un grand pas. a été, sources mongoles en main, repensé en francais.
Elle sera, comme dirait Auguste Comte, passée de l’age Un seul sentiment tempére notre plaisir de voir paraitre
métaphysique & la phase positive, je veux dire du domaine un tel ouvrage: le regret que Paul Pelliot, qui avait tant
de l’épopée & celui de l'analyse sociale. L’intéressant est, encouragé M. Michel Carsow A entreprendre le travail, ne
du reste, que ce soit précisément le caractére épique de nos soit plus ]8 pour en saluer l’achévement. Mais en vérité
sources, — (qu'il s’'agisse de l’ Histoire Secréte ou de Sanang- Pelliot reste plus que jamais parmi nous. Qu'l s’agisse
sicin) — qui nous permette d’atteindre le mieux, sous la des recherches de Louis Hambis ou des traductions de
fluidité des faits, le lit permanent du fleuve, la réalité Michel Carsow, de mongolistique ou de sinologie, il n’est
sociale. A cet égard quelle différence entre la richesse du guére d’ouvrage en ce domaine et de longtemps il n’y en
Monggol-un ni’ uca tobéi’an et la pauvreté du Yuan-che ! Le aura pas qu'il n’ait d’avance marqué de son empreinte. Sa
second n’est le plus souvent qu'une topographie a tra- grande voix commande toujours, sa méthode continuea
vers une chronologie, tandis que le premier, sous son ruis-
sellement d’images, A travers la véhémence de ses dia- 1. Christensen, L’Jran sous les Sassanides, Annales du Musée Guimet,
logues, nous fait & chaque instant toucher du doigt le fait Bibliothéque d'Etudes, t. XLVIH, 1936 —. N. Adontz, L’aspect iranien
du servage, Bruxelles, Société Jean Bodin, 1937.
concret, la réalité vivante, la coutume, la croyance, 2. Il va sans dire que les points d’analogie avec notre féodalité occi-
lorganisation sociale dans ses ressorts les plus secrets. dentale sont singulitrement plus minimes quand il s’agit de clans
nomades que pour les tenures du sol en usage dans l’Arménie du haut
Une telle étude passionnera les mongolisants et plus
Moyen Age ou dans le Japon des daimyo.
x PREFACE
TRAVAUX SCIENTIFIQUES
DE B. VLADIMIRTSOV
ABREVIATIONS :
1909
« La légende sur Vorigine des princes darbat », Leguenda o proiskhoddenti
derbetskikh knyazei. AV, XVIII, fasc. IL-Il, p. 35-37.
« Le nouvel ouvrage de Ts. Zamtsarano et A. D. Rudnev sur la littérature
populaire mongole : Spécimens de littérature populaire mongole »,
Obraztsy mongol’skoi narodnoi literatury, fase. 1 (4908), AV, XVIII,
fasc. IV, 89-94.
« Compte rendu de mission chez les darbat de la circonscription de Kobdo,
été 1908 », Otdet o komandirovké k derbetam hobdinskago okruga létom
1908 g. BCREA, n° 9, 47-60 (Utilisé par A. D. Rudnev in « Matériaux
sur les parlers de la Mongolie 0. », Materialy po govoram V. Mongolii,
p. XIV-xv).
« Détails ethnographiques de la vie des Darbat kobdo », Etnografigeskié
meloci iz dizni kobdoskikh derbetov, AV, XVIII, fase. IV, 97-98.
XIV TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE B. VLADIMIRTSOV XV
1910 1920
1922
1912
Iz liriki Milaraiby. Vostok, 1, 45-47.
« Compte rendu de mission chez les bait de la circonseription de Kobdo », « Gengis-khan », Cinggis-han, Berlin, Petrograd, Moscou, 1922 [C.-r.:
Otéet o komandirovké k baitam kobdoskago okruga, SPC, 1912, BCRDA, V. V. Barthol, Vostok, V, 234-256; N. Poppe, As. Maj., 1924, 767-
n° 41, sér. If, 1912, 100-104. 712; N. N. Kos min, Zisn’ Buryatit, n° 9-42, 134-182. Traduction fran-
« Bibliographie du conte mongol », Bibliograftya mongol’skoi skazki, SPC gaise par Michel Carsow, Gengis-Khan, préface par René Grousset,
4912, AV, XXI, 524-528. Paris, 1947 ; traduction anglaise: The life of Chingis Khan by Professor
1916 Wladimirtzov, translated from the Russian by prince D. S. Mirsky,
London 1930].
« O éastitsakh otritsaniya pri povelitel’nom naklonenii v mongol’somk
yazyké, BAS, 1946, 349-388 [Analysé dans article de G. J. Ramstedt, 1923
« Die Verneinung in den altaischen Sprachen », Mém. Soc. Finno-Oug.,
L II, 198-499]. . « Les elassiques de l’Orient », « Klasstki Vostoka », Vostok, If, 137-444
[et A. N. Samoilovic] « La peuplade turque des Hoton », Turetskii, (Compte rendu sur cing volumes de la série : Les classiques de V’Orient.
narodets Khotony, ASOSIRA, XXIII, 265-290. Collection publiée sous Je patronage de l’Associalion des Amis de
VOrient et la direction de Victor Goloubew. Editions Bossard, Paris].
« Contes Indiens », Indiiskté skazki, Vostok, Il, 156-158 [(Compte rendu
A917 sur six recueils de contes indiens].
Compte rendu sur: Persian Tales written down for the first time in the ori-
« Un historien géorgien anonyme du x:v* s. sur la langue mongole », Ano-
ginal Kermani and bakhtiari and translated by S. O. Lorimer with illus-
nimnyi gruzinskii istorik XIV v. 0 mongol’skom yazyké, BAS, 1487-4504. trations by Hilda Roberts, London, 1919; Vostok, Ul, 158-159.
Compte rendu sur: Stino-Iranica, Chinese contributions to the History of
1918 Civilization in Ancient Iran, with special reference to the history of cul-
tivated plants and products by Berthold Laufer, Field Museum of Natural
« Manuscrits et xylographes mongols du prof. A. D. Rudnev au Musée Asia- History. Publication 201. Anthropolog. Series, XV, n° 3. The blackstone
tique ASR », Mongol’skié ritkopisi 1 ksilografy, postupivsie v Asiatskti Expedition. Chicago, 1919 ; Vostok, U, 459.
musei RAN ot prof. A. D. Rudneva, Pgd, BAS, 1549-1568. « Le mort magique », VolSebnyi mertvets. Traduction, introduction et notes
SPTG.-M., MCMXXIII [C-2: N. Poppe, As. Maj., I, 678].
1919 Compte rendu sur: Romances of Old Japon, rendered into English from
Japanese Sources by Madame Yukio Ozati, London; Vostok, Il, 160.
« Le bouddhisme au Tibet et en Mongolie », Buddizm v Tibeté t Mongolii, « Représentations thédtrales tibétaines », Tibetskié teatral’nyé predstavle-
cours lu a la premiére exposition boudhique, SPbg, 52 pages. niya. Vostok, UN, 97-407 [C-r.: P. Pelliot, T’oung Pao, 1923, 399].
eee
XVI TRAVAUX SCIENTIFIQUES
DE B. VLADIMIRTSOY XVII
« La Mongolie et PAmdo, et la ville morte de Qara-bhoto », Mongoliya 2
Amdo i mértvyi gorod Khara-Khoto. Expédition de la Société Russe de « Inscriptions sur les rochers du Tsoktu-taiji halha », Nadpisi
géographie en Asie montagneuse de P. K. Kozlov, 1907-1909. Gosizd. kalkhaskago Tsoktu-taiji, BAS, 1233-4980, x
St M4 Shalakh
M., P., 1923 ; Vostok, IU, 171-175.
« L’épopée héroique mongol-oirat », Mongolo-oiratskii queroiéeskiit épos. 1927
Introduction, traduction, P.-M., 1923 [C-r. : N. Poppe, As. Maj., I, 679].
« Sur deux langues mélangées de la Mongolie occidentale ». O duukh mésan- Ibid. [suite], BAS, 2415-240.
nykh yazykakh Zapadnoi Mongolii. R. J. I, 32-52. « Castrén-mongolisant ». Recueil 4 la mémoire de
M. A. Castrén, 4 Pocca-
« Conte sur la magie », Raskaz o volsebstvé (traduction du mongol). Vostok, sion du 75° anniversaire de sa mort. Ed. Académie des
Sciences, Aper-
TE, 55-57. cus sur Phistoire des sciences, II, Led, 87-92.
Compte rendu sur: « Le Bulletin ethnographique de la section Sibéro-orien- B. Laufer. Apercu de littérature mongole. Traduction par
V. A. Kazakevié
tale de la Société russe de géographie et le journal « Le buryat-mon- sous la rédaction et avec la préface de B. Vladimirtsoy
(OL, 20), Led
gol rouge », Etnograficeskii bjuleten’ izd. rVost.-Sib. otd. Russk. geogr. [Préface de B. Vladimirtsov, pp. 1-xx1]. ao
« Recherches ethnologo-linguistiques a Urga, et dans
obsé. ¢ gaz. « Krasnyi buryat-mongol », n° 4 et 2, févr., Vostok, II, 182. les rayons a@Urga
Compte rendu sur The Folk-literature of Bengal, by Kai Saheb Dineshchan a du ant, Mongolie Septentrionale », Etnologo-lingvisticeskiée
izslé-
dra Sen. B. A., with a foreward by W.R. Gourlay, published by the ovantya
v Urgué, Urguinskom i Kenteiskom raionakh, Sevé
Jon-
University of Calcutta, 1920 ; Vostok, IIJ, 187-188. , _ goltya, IT. 1-42, Led. omaua Mon
« ta légende mongole d@’Amursan », Mongol’skoé skazanié
ob Amursané, AO,
> wm tat) .
1924
1929
enn
[avec N. N. Poppe]. « Du domaine du vocalisme de la langue mére mongol-
turque », Iz oblasti vokalizma mongolo-turetskago prayazyka, RAS-V, « Grammaire comparée de. la langue mongole écrite
33-35. et du parler halba.
Introduction et phonétique », Sravnitel’naya grammat
« A propos du surnom « Dayan » -gajan (Dayan-han) », O prozviséé ika mongol’skago
pis’men
FD ednago
tseyazykai khalkhaskago
9 narééiyay . Vuedeniéwé¢t i fonetika
« Dayan », gajan (Dayan-Khan), RAS-V, 119-121. J (IOL,
« Vestiges du participe présent dans la langue mongole », Ostatki pri¢astiya A comparative grammar of the literary mongolian and
nastoyascago vremeni v mongol’skom yazyké, RAS-V, 35-36. of the Khalkha dia-
lect. Introduction and Phonetics (Publications of the Oriental
« Mention du nom Tab-tangri dans l’écriture mongole », Upominanié iment Institute
A 33). (P. an 8°) [Bref résumé de l’ouvrage].
Teb-tengri v mongol’skoi pis’mennosti, RAS-V, 116-417. «A propos de Vancien ture Otitkiin yi », Po povodu drevne-tjurkskago
« Beyamini » de Marco Polo », « Beyamini » Marko Polo, RAS-V, 418. Oti-
kan yié », RAS-V, 133-436. ’ wee
« A propos d’un mot qui se rencontre dans la charte de Il-han
Aryun », 06
1925 oom slové vstrééajuscemsya v gramoté Il’-Khana Aryun’a, RAS-V,
152-
53,
« I, N. Berezin — mongolisant », I. N. Berezin mongolist, ADO, I, 192-494. « Noms géographiques des inscriptions de YOrkhon, conservées dans le
« Traces du genre grammatical dans la langue mongole », Slédy grammati- mongol », Gueografideskié imena orkhonskikh Nadpisei, sokhranivsyesya
éeskago roda v mongol’skom yazyké, RAS-V, 34-34. v mongol’skom, RAS-V, 169-174.
Mongolica I. « Sur les relations entre la langue mongole et les langues indo- « Le nékir mongol », Mongol’skoé nékir, RAS-V, 287-288.
européennes de l’Asie Centrale », 0b otnosenit mongol’skago yazyka k « Notes sur d’anciens textes tures et de vieux textes mongols », Zaméthi
k
indo-evropeiskim yazykam Srednei Asti, ADO, I, 305-344 [C-r.: A. Unrig. B arennetjurkskim ¢ staromongol’skim tekstam. RAS-V, 289-296,
Anthropos, 1926 ; traduction allemande en préparation (1927). « Bodhicaryavatara Cantideva. Traduction mongole Chos-ky
i hod-zer
« En Mongolie. Journal rouge du soir », V. Mongoliju. Vedernyaya krasnaya Bibl. Buddh. XX VII. ° me Bowser t
gazeta, 4, XII, n° 293.
1930
4926
« ae mongols de biki et bagi», Mongol’skié tituly bekt i beg?, RAS-V,
« A propos du dictionnaire tibeto-mongol de Li-sS?i gur k’an », O tibetsko-
mongol’skom slovaré Li-ciht gur’-khan, RAS-V, 27-30. G Rectification de la lecture de V’inscription mongole d’Ardani-ju
« Specimens de littérature populaire mongole (Mongolie du Nord-Ouest) » », Popravka
n
2 eagremenenes
« Mots arabes dans le mongol », Arabskié slova v mongol’skom, ADO, V,
73-82. -
1934
« Langues littéraires mongoles (& propos de la latinisation de Pécriture
mongole et kalmuk », Mongol’skié literaturnyée yazyki (k latinizatsit
mongol’skoii kalmytskot pis’mennostt). Actes de l'Institut orientaliste de
VP Académie des Sciences, I, 1-47.
« Alphabet mongol international du xut® siécle », Mongol’skii mezdunarod- INTRODUCTION
nyt alfavit XUI* véka. Kul’tura t pis’mennost’ Vostoka, M, X, 32-42.
I. — GENERALITES
celles qui ont été observées pour la présente édition francaise, et qui différent . ibid., pp. 62, 397-400.
Go
quelque peu de celles posées par A. Meillet, Les langues du monde, 1924 . ibid., pp. 62, 405-407.
(N. d. t.).]
OF i
tante russe III (cha)', représentant son équivalent. [L’édition Une des premiéres places revient au Dzdmi at-tawdrik, ou
frangaise transcrit ce son par la prépalatale sourde: s]. Somme des Histoires, de Vhistorien persan Rasid ud-Din, termi-
Le ¢ des textes mongols de l’édition russe est équivalent au ¢ née au début du xrv° siécle. Cette ceuvre remarquable est une véri-
russe. [L’édition frangaise le transcrit par le ¢ latin]. table encyclopédie historique, dont, au moyen age, aucun peuple
Le signe ’ exprime un hiatus entre deux voyelles. La voyelle d'Europe ou d’Asie ne pouvait se targuer'; elle est trop connue
venant aprés ce signe est longue’. de nos jours pour qu'il y ait lieu de souligner son importance’.
Le ng de l’alphahet mongol est transcrit dans l’édition russe On se bornera a observer que Rasid ud-Din a illustré la vie
par ng, vélaire postpalatale rappelant par exemple le Jang alle- nomade des tribus mongoles par des détails remarquables. Il se
mand, observe B. Vladimirtsov’. [L’édition frangaise adopte la base sur les nombreux témoignages des chefs mongols, notam-
méme transcription, ng = v|. ment sur les récits de Bolad-cingsang’, représentant du Grand
Dans !’édition russe, le A latin et le signe ‘ indiquent l’aspiration. Han mongol prés la cour des souverains mongols de Perse, et
[Dans l’édition frangaise, méme signe et laryngale sourde #, sauf aussi sur les communications du souverain persan Gazan-han ‘.
dans les cas ot Paul Pelliot remplace cette derniére par un gq]. 4. V. Barthold, Turkestan..., Il, p. 47.
Le signe ~ indique une voyelle longue; il est omis lorsque la 9. Sur la vie et ’ceuvre de Rasid ud-Din, voir: E. Quatremére, Histoire
voyelle est précédée du signe’, comme ci-dessus indiqué. des Mongols de la Perse, t. I, Paris, 1836; V. Barthold, Turkestan..., II,
p. 48-49 ; E. Blochet, Introduction a UVhistoire des Mongols, Leyden-Londres,
Dans les parlers mongols vivants, toutes les voyelles courtes 4940 ; compte rendu de V. Barthold sur cet ouvrage de E. Blochet, Mir
qui ne sont pas des premiéres syllabes, sont bréves, tout parti- Islama, t. 1, p. 56-407; E. G. Browne, A Literary History of Persia, Ul,
culiérement dans les parlers oirat. L’accent tonique se place sur Persian Literature under Tartar Dominion, p, 68-87.
La Somme des Histoires de RaSid ud-Din a été partiellement édilée par
la premiére syllabe du mot. J. Berezin, avec un avant-propos et des notes, texte persan avec quelques cou-
= veut dire: « parallélement », « correspond » ; pures et traduction russe, sous le titre Sbornik létopiset. Istortya Mongolov,
~ veut dire: « ou bien » ; socinenié Rasid-Eddina, Travaux SOSRA, t. V, 1858 (traduction), 1861 (texte
persan). Introduction: Des tribus turco-mongoles; t. XIII, 1868, Histoire de
< veut dire: « provient de ». Gengis Khan jusqu’a son ascension au tréne; t. XV, 1886, Histoire de Gengis
[L’édition frangaise adopte le @ pour la transcription des e Khan depuis son ascension au tréne jusqu’a ‘sa fin. Sur Teuvre de Berezini
figurant dans les textes mongols de I’édition russe, selon la régle voir V. Barthold, I. N. Berezin kak istorik, ADA, U, p. 64-67; voir aussi
ADA, I, p. 199-194. La version russe de Rasid ud-Din a été traduite en chi-
posée par Paul Pelliot]. nois par Hong Kiun qui parle aussi de Iceuvre de Berezin dans un de ses
ouvrages ; mais la traduction chinoise est considérée comme perdue, voir les
remarques de P. Pelliot dans T’oung pao, 1928-4929, p. 171. Cette traduction
lJ. — SOURCES ET ETUDES avait d’ailleurs servi, pour autant que je sache, a l’auteur de la Nowvelle
histoire de la dynastie Yuan-Sin Yuan chi, publi¢e en 1920, La partie de
4, — PERIODE ANCIENNE (xtt-xme s.). Vouvrage de Rasid ud-Din, consacrée aux héritiers de Cinggis-han, de
LES ORIGINES DU FEODALISME Ogadai a Qubilai, a été éditée par E. Blochet, Gibb Memorial Series, vol.
”
parvenu jusqu’a nous. ni aborder cette ceuvre sous un angle exclusivement épique. Les
Une autre source trés importante est le Yuan tch’ao pi-che, narrations épiques présentées dans le Yuan tch’ao pi-che, se trou-
traduction chinoise de l’Histoire générale des Mongols, commu- vent en quelque sorte catalysées dans le but de fixer la légende
nément appelée Histoire Secréte (Monggol-un ni’uca tobéi’an). Le sacrée de la lignée gengiskhanide, d’en établir I’ « histoire » *,
texte mongol de cette ceuvre, écrite en 1240, en Mongolie, a été L’Histoire Secréte donne la généalogie de Cinggis-han et brosse &
conservé sous forme mongole et aussi sous forme de deux ver- larges traits les tableaux animés de la vie nomade. Elle fournit
sions chinoises: une traduction littérale indiquant la signifi- un matériel des plus riches pour I’étude des différents aspects de
cation en chinois de chaque terme mongol, et une transcription la vie mongole aux xu* et xui° siécles. Si méme, considérés isolé-
phonétique, quelque peu abrégée, en caractére chinois. Cette ment, certains témoignages de I’Histoire Secréte ne sont pas
derniére a fait objet d'une remarquable traduction russe par corroborés par Rasid ud-Din, ou d’autres, le tableau d’ensemble
Palladius Kafarov*. Barthold le premier qualifie cette ceuvre de la vie nomade se retrouve identique dans I’ceuvre issue du
génie de la steppe et dans celle élaborée par la science du digni-
1. Cf. Barthold, Turkestan, p. 43. Voir aussi Pavis contraire de P. Melio- taire persan. Aucun peuple du moyen age n’a attiré, au méme
ranskii, Arab-filolog o turetskom yazyké, St Ptbg, 1900, p. xvu; D’Ohsson,
Histoire des Mongols, I, XXXV, XXXVI. degré, que les Mongols, l’attention des historiens. Et aucun
2. Barthold, Turkestan, p. 43. peuple nomade n’a laissé des textes comparables a I’ Histocre
3. Voir les Travaux de la Mission ecclésiastique russe de Pékin, t. IV,
Saint Pétersbourg, 1866. Sur le Yuan teh’ao pi-che, voir aussi Barthold,
Secréte, ot la vie réelle s’exprime avec un si pittoresque détail.
Turkestan, p. 43-44; A. Pozdnéev, O drevnem Kitaisko-Mongol’skom pamyat- On ne doit pas oublier que l Histoire Secréte a été élaborée
niké, Yuan-tch’ao mi shi, Saint Pétersbourg, 1882, le méme dans Je Bulletin par la classe aristocratique des steppes‘, pénétrée d’esprit « épi-
SRA, t. X, opusc. 3-4, pp. 243-289; P. Pelliot, A propos des Comans, J. A.,
avril-juin 1920, pp. 125-185; V. Kotwicz, K izdaniju Yuan tch’ao bi-shi, ADA,
que », habituée & un mode d’expression épique qui se manifeste
I, p. 233-240. A. Pozdnéev entreprit I’édition de l’Histotre Secréte sous le
titre Transcriptsiya paleograficeskago teksta Yuan tch’ao-mi (bt) che; il ne 4. W. Barthold, Turkestan..., p. 43.
put la terminer, seules furent publiées 142 pages lithographiées contenant: 2. Palladius, op. cit., p. 44.
4) la transposition en caractéres russes de la transcription phonétique chi- 3. Cf. B. Viadimirtsov, Littérature Mongole, Littérature de VOrient, édit.
noise; 2) Ja traduction littérale en russe de la traduction littérale chinoise ; « Littérature Universelle » Ptgd., 1920, pp. 94-95; B. Vladimirtsov, L’épo-
3) la reconstitution du texte mongol en caractéres mongols; 4) des notes pée héroique mongole-oirate, Ptgd., 1923, p. 9. W. W. Barthold, qui appré-
(voir: Kotwicz, op. cit., p. 236). La documentation du Musée asiatique de ciait Pimportance historique des « traditions populaires mongoles » (voir
PAcadémie des Sciences russe permet de reconnattre aujourd’hui que, dans Turkestan... p- 409) écrit par ailleurs (compte rendu in Vostok, liv. 3, L.,
Pessentiel du travail (transcription du texte mongol et traduction littérale), 41925, p. 252) a propos de l’Histoire Secréte : « Il s’entend que les thémes de
Pozdnéev édite en y ajoutant seulement des notes personnelles, l’ceuvre de la poésie épique sont liés 4 Pidéal héroique, et Pidéal — aux faits de la vie ;
Palladius qui a retranscrit en caractéres russes tout le texte « mongol » du mais, juger de la vie réelle de l’aristocratie mongole d’aprés les récits épiques
Yuan tch’ao pi-che, et a aussi traduit en russe la traduction littérale chi- serait aussi erroné que juger de Ja vie de la chevalerie européenne d’aprés les
noise. P. Pelliot termine actuellement un travail important qui donnera le romans de chevalerie ». Je me permettrai d’observer, écrit B. Vladimirtsov,
texte mongol, scientifiquement transcrit, reconstituant le texte authentique qu’on peut juger de la vie de l’aristocratie mongole d’aprés l’épique Histoire
de ce document mémorable avec une traduction et aussi, sans doute, des Secréte, dans la mesure ou !’Iliade et l’Odyssée permettent de juger de la vie
commentaires étendus, voir J. A., avril-juin 19920, XV, p. 132; Kotwicz, des antiques « basileus » hellénes. Et I’Histoire Secréte est beaucoup plus
op. cit., Barthold, p. 233; voir aussi P. Pelliot, Notes sur le « Turkestan » prosaique que les poémes d’Homeére et plus apparentée au genre de la « chro-
de M. W. Barthold, T’oung Pao, 1930, p. 20-83 ; Un passage altéré dans le texte nique épique », ne serait-ce que du fait, en dépit de Vaffirmation de W. W.
mongol ancien de VHistoire secréte des Mongols, ibid , p. 199-202; A. Mos- Barthold (voir Turkestan..., p. 43), que la narration du Yuan tch’ao pt-che
taert, A propos de quelques portraits d’empereurs mongols, in Asia Major, vol. est chronologique, a partir de 1204, ainsi que Pa observé Palladius Kafarov
IV, 1927, p. 147-436; E. Haenisch, Untersuchungen tber das Jitan-ch’ao op. cit., p. 195).
pi-shi, die geheime Geschichte der Mongolen, Abhandlungen der philolog- 4. Cette proposition a été motivée avec pertinence par Barthold, Turkes-
histor. Klasse dcr Sachsischen Akademie der Wissenschaften, n° IV, 1934. tan..., pp. 43-36. Cf. Vladimirlsov, Mongolo-diratskii gueroideskti épos, p. 9.
10 INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES 44
constamment'. Si l’un de ses représentants du treiziéme siécle
3° Chen-wou ts’in-tcheng fou, description des campagnes
avait entrepris une narration historique, dans le sens propre du
personnelles du saint guerrier (Cinggis-han)! ;
terme, il n’aurait pu se soustraire & ce mode d’expression. Or, le
4° Notes de voyage de Tchang Té-houei ?.
Yuan tch’ao pi-che a été précisément écrit en 1240, et Histoire
Le Chen-wou ts’in-tcheng lou présente un intérét particulier ;
Secréte peut, par conséquent, étre considérée non comme une
cette version mongole est, dans un certain sens, plus rapprochée
« épopée héroique », mais comme une chronique historique, de la Somme des Histoires de Ragid ud-Din que du Yuan-che,
rédigée dans un style épique, et tout imprégnée par les aromes
histoire officielle de la dynastie mongole des Yuan, éditée en
de la steppe’.
1369 *. Les sources mongoles concernant l’époque de Cinggis-han
Les autres textes, musulmans ou chinois, contiennent beau- peuvent étre par conséquent réparties en trois groupes : — 1. La
coup moins d’éléments relatifs au régime social des anciens Mon-
version Yuan tch’ao pt-che, de Histoire Secréte; — 2. la
gols. Cette observation ne concerne exclusivement que les textes
version de Rasid ud-Din et du Chen-wou ts'in-tcheng lou; — 3.
chinois traduits dans une langue européenne. Autant que les
notices bibliographiques et autres références des sinologues per- Pauteur de ce texte n’était pas Vambassadeur song Mong-Hong, mais un
mettent d’en juger, la documentation trés abondante en langue autre personnage, probablement Tchao-Hong, envoyé en mission 4 Pékin
en
4224 (P. Pelliot, T’oung-Pao, 1928-29, p. 163-165). P. Pelliot a fait ressortir
chinoise pourrait apporter une contribution fort appréciable & une particularité encore plus importante: le rédacteur du texte n’a jamais
Pétude du régime social des Mongols du x1° au xn° siécle *, vu Cinggis-ban; certains auteurs, — je suis du nombre — se basant sur la
Les autres sources essentielles de l’histoire de Cinggis-han, traduction erronée de Vasil’ev, ont attribué a Cinggis-ban des considérations
formulées, en réalité, par son lieutenant Mugali(T’oung Pao, 1930, p. 13-14).
« musulmanes », chinoises, arméniennes, ont été analysées par 4. Traduction, annotations et préface par Palladius dans Vostoényi Sbor-
Barthold‘; leur accés est ouvert. nik, St Ptbg, 1877 (édité par le Minislére des Affaires étrangéres), t. 5,
Du point de vue qui nous occupe, les principales sources sont: p. 149-295 (la partie du Vost. Sb. qui contient le travail de Palladius a paru
dés 1872). P. Pelliot, T’oung Pao, 1928-29, p. 169-472.
1° St yeou ki, voyage en Occident du moine taoiste K’ieou 2. Traduction et préface par Palladius, Putevyé zapishi kitaitsa Dja-deé
Tch’ang-tch’ouen ° ; hot vo vremya putesestviya ego v Mongoliju v pervoi poloviné XIII stolétia,
2° Mong-ta pei-lou, histoire complete des Mongols-Tatars ° ; Zapiski Sib. otd. SRG, 4867, t. IX-X, p. 389-894. Ce travail a élé traduit en
anglais par E. Schuyler dans Geographical Mazazine, 1875, p. 7-14. Les
récits de ce voyageur n’ont pas été suffisamment utilisés jusqu’a présent;
1. Chez Rasid ud-Din de nombreux exemples le confirment, par exemple, V. Barthold n’en a pas fait mention dans son Turkestan..., et pourtant
HI, 46. Cf. avec Pintéressante observation de Ragid ud-Din: « Dans Tchang Té-houei nous apprend beaucoup de choses intéressantes; a fort
les temps
anciens, la coutume mongole voulait que la plupart des messages soient juste raison il avait attiré Vattention d’un mongolisant aussi fin et averti
transmis sous une forme versifiée, difficilement compréhensible que Palladius.
» (II, 419),
Pécriture était inconnue, les messages versifiés facilitaient la mémoire ’ [H. Yule observe dans le Geographical Magazine, 18175, p. 7, que Schuyler
du avait adopté la transcription Tchjan-de-hoi, la plus voisine du texte russe de
héraut, sans lui permettre de tout comprendre, ni d’ajouter quelque chose.
2, Expression de Veselovskii. Palladius, tandis que Bretschneider écrivait Chang-te-hai. Nous adoptons
3. Voir: P. Pelliot, A propos des Comans, J. A., avril-juin 1920, p. 180- pour la présente traduction la transcription Tehang Té-houei, conforme aux
133; du méme auteur, L’édition collective des euvres de Wang régles de la Scciété Asiatique de Paris. — N. d. t.].
Kouo-wei,
T’oung Pao, 1928-29, p. 113-182. — Dr. F. E. A. Krause, Cingis 3. Cf. P. Pelliot, T’oung Pao, p. 1928-29, p. 474 ; 1930, p. 44. Anciennes
Han, Heidel-
berg, 1922, p. 1-7, 42. Voir aussi la préface de Palladius traductions et citations par V. Barthold. Nouvelle traduction allemande, en
a sa traduction du
Yuan-tch’ao pi che, et les Annotations. 1912, par F. E. A. Krause, Cingis Han, Die Geschichte seines Lebens nach den
4. Voir Turkestan..., pp. 38-60. Voir aussi Maspéro, Chine et Asie chinesischen Reichsannalen (Heidelberg). Le D' Krause s’est borné a traduire
cen- une partie des « annales
trale, dans le recueil Histoire et historiens depuis cinquante fondamentales » (bin-tsy) du Yuan-che. Les
ans, II, Paris,
1928, p. 543-549 (incomplet). « annales fondamentales » ont été intégralement traduites en mongol, a plu-
5. Traduction, annotations et préface par Palladius, Travaux de la sieurs reprises semble-t-il. Deux traductions mongoles sont conservées, en
mission manuscrits, dans le Musée Asiatique de I’A. S. Les traductions mongoles ont,
ecclésiastique russe de Pékin, St Ptbg, 1866, t. IV, p 289-436. Traducti
on de méme qu’Hyacinthe Bicurin, adopté la transcription onomastique de la
partielle en anglais par E. Bretschneider, dans Mediaeval Researches from
Eastern Asiatic Sources, Londres, 1888, t. I, p. 35-109; critique Commission réunie pour une nouvelle édition du Yuan-che et présidée par
intéressante YEmpereur K’ien-long; transcription qui a gravement déformé lortho-
de ce texte par P. Pelliot, Toung-Pao, 1928-29, p. 172-475.
6. Traduit en russe par V. Vasil’ev in Travaux SOSRA, St. graphe des noms propres. E. Bretschneider, Mediaeval Researches, I, p. 184-
Ptbg, 1837, 183 ; P. Pelliot, Notes sur le « Turkestan », T’oung Pao, 1930, p. 14; J. Kla-
t. IV, p. 246-235. Wang Kouo-wei, savant chinois, a récemmen
t établi que
proth, J. A., 1930, t. VI, p. 4-44.
e
42 INTRODUCTION SOURCES ET &TUDES 43
version Yuan-che. La deuxiéme et la troisiéme versions se Les jarlig des han de la Horde d’Or et les documents mongols
rapprochent l’une de l’autre plus que de l’Histotre Secréte. officiels des xim*-x1v° siécles', qui nous sont parvenus en petit
Les Mongols ont fait paraitre, & l’époque de Cinggis-han, ses nombre, présentent: aussi un certain intérét.
réglements, Jasaq, probablement une codification du droit cou- Enfin, la langue mongole peut, dans une certaine mesure, étre
tumier et des coutumes populaires mongols*. Le Jasag aurait pu rangée parmi nos sources. On observera toutefois que les recher-
figurer parmi les principales sources du régime social des Mon- ches dans cette voie n’en sont encore qu’a leurs premiers pas®.
gols au xm‘ s. Malheureusement, ces réglements ne nous ont pas Il sera question, par la suite, de I’épopée et, en général, de la
été conservés et les fragments que nous font connaitre les auteurs littérature populaire mongole. L’épopée fournit certains maté-
« musulmans », notamment Vhistorien égyptien Maqrizi, sont riaux mais ils ne peuvent étre utilisés qu’avec une extréme pru-
trop incomplets et douteux pour permettre aucune conclusion dence, du fait surtout que la plupart des épopées mongoles nous
sur le régime social des Mongols ?. ont été transmises par la tradition orale; aucun texte, plus ou
Les Bilig, « Paroles de sagesse », Sentences de Cinggis han, moins ancien, n’a conservé intégralement un seul de ces récits
furent rédigés & la méme époque. Nous en connaissons des épiques. L’épopée héroique mongole reste néanmoins un excel-
fragments épars dans des ceuvres diverses, notamment mon- lent élément d’analyse des développements épiques qui se ren-
goles *. Les Belig peuvent, dans une certaine mesure, documenter contrent dans les anciennes chroniques mongoles, dans le Yuan
notre thése et doivent étre cités au nombre des sources concer- tchiao pt-che, par exemple’.
nant l’ancien régime social des Mongols.
Divers renseignements, pour nous trés importants parfois, se B. — Erunpss.
retrouvent dans les ouvrages bien connus des grands voyageurs L’histoire de Cinggis-han et des Mongols aux xu*-xim® siécles
européens : Plan Carpin, Rubruck et Marco Polo, ainsi que chez a fait Pobjet de nombreux travaux en langues européennes.
les historiens arméniens des xu*-xiv° siécles ‘. Parmi tous ces travaux, auxquels nous avons eu recours, une
41. V. Barthold, Turkestan..., p.42;B. Viadimirtsov, Gengis-Khan, Petrograd- importance particuliére doit étre attribuée a V. Barthold*,
Moscou-Berlin, 1922, p. 81-82 [Paris, 1947]; Quatremére, CLX-CLXIX.
2. V. Ryazanovskii, mettant en ceuvre les recherches de ses prédécesseurs, travaux consacrés a ces illustres voyageurs, tels que H. Yule, The Book of
aborde l’analyse juridique du Jasaq dans Obyénoé pravo mongol’skikh plemen, Ser Marco Polo, third ed. revised by H. Cordier, London, 1903 (il en existe
Kharbine, 1924, I, p. 18-24. — Mongol’skoe pravo, Kharbin, 1931, p. 9-23. une édition plus récente); W. W. Rockhill, The Journey of William of
3. V. Barthold, op. cit., p. 42-43 ; B. Viadimirtsov, ibid., p. 84-84 ; V. Kot- Rubrouck, London, 1900; M. G. Pauthier, Le Livre de Marco Polo, Paris,
wicz, Iz po’uéenii Cinguis Khana, traduit du mongol, Vostok, 4993, liv. 3, 41865, etc. Voir aussi Palladius, Kommentarii na putesestvié Marco Polo po
p. 94-96; B. Vladimirtsov, Etnologo-linguistiéeskié izslédovaniya v Urgé, severnomu Kitaju, Bulletin SRG, St Ptbg, 1902, XX XVIII, fasc. 4.
Urginskomi Kenteiskom raionakh, Severnaya Mongoliya, Il, éd. AS, 1927, 4. Bibliographie des textes mongols officiels dans B. Laufer, O¢erk Mon-
pp. 15-49; P. M. Melioranskii, O Kudatku Biliké [Qutadgu-Biliq] Cinguis- gol’skot literatury, éd. IOL, 1927, n° 20, p. xi-xu, 27-37; sur la question
khana, ASOSIRA, i, XIII, p. 045-023; V. Barthold, K voprosu ob uigurskot des jarliq voir A. Samoilovit, Neskol’ko popravok k yarlyku Timur-
literature¢ eya vliyanti na mongolov, in Zivaya Starina, liv. 10-71, année Kuéluka, BARS, 1918, 4109-4422.
XVIII, 1909, fase. II-III, p. 42-46; cf. Mitteilungen des Seminars fir Orient. 2. B. Viadimirtsov, Sravnitel’naya grammatika mongol’skago pismennago
Sprachen, Berlin, 1904, B. IV, 4 abt., p. 254-255 ; D’Ohsson, 1852, I, 386-449. yazyka i khalkhaskago narédiya, éd. IOL, n° 33, 1929, pp. 289-242.
4. K. Patkanov, Istoriya mongolov po armyanskim istoénikam, fasc. I, 3. B. Vladimirtsov, Mongolo-oiratskti gueroideskii épos, Ptbg, 1923, p. 10.
1+. tzvleéeniya iz trudov Vardana, Stefana Orbeliana i Konnetablya Sembata, C. Golstunskii, dans Mongolo-otratskié zakony, St Ptbg, 4880, se réfere
St Ptbg, 1873; fasc. Il, ... izvledeniya iz istorii Kirakosa, St Plbg, 1874; du (pp. 41-403) au texte mongol Cindamani-yin dripd (Le précieux rosaire),
méme auteur, Istoriya mongolov inoka Magakii, xm s., St Ptbg, 1871; source de l’époque Yuan, pour en tirer quelques conclusions relatives au
we
M. Brosset, Deux historiens arméniens Kirakos..., Oukhtanés..., St Ptbg, régime de l’empire mongol. II s’agit d’un malentendu, car l’ceuvre en ques-
1870; E. Dulaurier, Les Mongols d’aprés les historiens arméniens, J. A., tion remonte au xvim* siécle et ne peut élre rangée parmi les sources rela-
1858, V° série, t. XI, p. 199-238, 426-473, 484-508 ; Plan Carpin, Histoire des tives au xiu*-xtve siécles. Sur ce texte voir A. Pozdnéev, Mongol’skaya léto-
Mongols ; Rubruck, traduction russe par A. Malein, Putegestvié v vostoényé pis’ « Ardaniyn aripd », St Ptbg, 1883, p. Xxxv-Xxxvit.
strany, St Ptbg, 1911; E. Minaev, Putegestyié Marco Polo, traduction russe 4. Obrazovanie imperii Cinguis-Khana, Zapiski SOSAR, t. X, p. 105 449;
d@aprés ancien texte frangais, édité par la SRG, sous la rédaction de V. Bar- Turkestan... (particuligrement p. 409-423 et 496-300) Ocerk istorii Semiréd’ya,
thold, St Ptbg, 1902, actes de la SRG, section ethnog., t. XXVI. Il a été Pamyatnaya knizka Semir. obl. statist. Kom. II, p. 39-68 ; Ulugbek7 ego
tenu compte, bien entendu, de diverses autres traductions connues et des vremya, Actes BARS, section d’hist. et de phil., 1948, t. XIH, n° 5 ; Istoriya
14 INTRODUCTION SOURCES ET ETUDES 45
P. Pelliot * et D’Ohsson? auteur du plus ancien et, jusqu’a nouvel Il serait superflu de mentionner les autres ouvrages. Les plus
informé, du meilleur ouvrage d’ensemble sur ’histoire mongole. récents travaux d’histoire mongole n’apportent aucun élément
V. Barthold, le premier a prété une attention particuliére a nouveau pour notre sujet‘ et je n’ai pas eu l’occasion de me ser-
Pancien régime social des Mongols, et a discerné Vimportance du vir des nouveaux ouvrages parus en langue japonaise et chi-
clan dans la genése de leur empire mondial. Les articles de noi* se(voir, par exemple, indications de P. Pelliot dans J. A.,,
P. Pelliot apportent un trés grand nombre de données entiére- avril-juin 1920, p. 134 et Toung Pao, 1928-29, p. 125-1314,
ment inédites, données que le savant fran¢ais soumet a un con- 160-161, 165-175; voir aussi Review of K’o Shao-wén’s, « New
trdle exceptionnellement étendu et approfondi. La connaissance History of Yuan Dynasty », prepared by the Faculty of the
parfaite des sources « musulmanes » de son temps, relatives a Imperial University of Tokyd, translated et annotated by N. Th.
histoire mongole, conserve a Youvrage de D’Ohsson toute sa Kolessoff ; D'F. E. A. Krause, Cingis-Han, p. 36).
valeur, Barthold l’a fort bien souligné.
Il est indispensable de mentionner également Youvrage de
J. Berezin, Oderk vnutrennyago ustroistva ulusa Jucieva 2. — MOYEN AGE (xiv-xvue s.). — L’EXPANSION DU FEODALISME
(« Apercu de l’organisation interne de l’ulus de Juti »)*, a con-
sulter avec prudence‘, les travaux de E. Bretschneider, tout A. — Sources.
particuliérement ses Mediaeval Researches from Eastern Asiatic
Sources*, Pouvrage précédemment cité de E. Quatremére® Fort peu de sources chinoises relatives A la période d’expan-
et
ceux déja mentionnés de K. Patkanov. sion du féodalisme mongol, c’est-a-dire aux époques Yuan et Ming
(xvi"-xvn’ s.) apportent des précisions quant au régime social des
kulturnoi dizni Turkestana, éd. AS, 1927, p. 85-90; Svyaz’obsdestuennago
byta s khoziaistvennym ukladom u turck i mongolov, Izvéstiya obch. archéol., Mongols. II serait plus exact de dire que les sources chinoises
hist. u ethnogr. pri Kazansk. univers, t. XXXIV, fasc. 3-4, 1929,
p. 1-4;
sont aujourd’hui loin d’étre toutes accessibles. En effet, nous ne
articles Gingis-Khan, dans le dictionnaire encyclopédique Brockhaus disposons méme pas d’une traduction de Vhistoire officielle des
et
Ephron, et Cingis Khan dans Enzyklopaed. des Islam, I, p. 899-898. Une
deuxiéme édition de Vouvrage de V. Barthold, Turkestan..., dynasties Yuan et Ming. Et les sources chinoises traduites en
a paru en
anglais sous le titre Turkestan, etc. Second Edition translated from langues européennes, ou en mongol, contiennent fort peu de
the ori-
ginal Russian and revised by the author with the assistance of H.
A. BR. Gibb, données relatives au régime social qui nous intéresse *.
1928, Gibb Memorial Series. Cette édition indique, en marge du
texte, la
pagination de l’édition russe; le présent ouvrage se référe directement au
texte russe, 4. Par exemple, les ouvrages de F. E. A. Krause, Die Epoche der Mongolen,
1. Les travaux suivants présentent pour le sujet en question une impor- Mittetlung des Seminars fur Orient. Spr., 1924, XXVI-XXVII, I, Ostasiat.
tance particuliére : P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté, in Revue Stud. et Cingis Han. Die Geschichte seines lebens nach den chinesichen
de UVOrient Rei-
chrétien, 3s., t. III, n° 1-2; t. IV, no 3-4; A propos des Comans, J. A., chsannalen, Heidelberg, 1922, et ceux appartenant a d’autres auteurs.
1920,
p. 125-185 ; L’édition collective des euvres de Wang-Kouo-wei,
in T’oung Pao, 2. En faisant abstraction de certains ouvrages qui ne se rapportent pas
1928-29, p. 413-482; Notes sur le « Turkestan» de M. directement a notre sujet, nous écartons délibérément ceux qui ne présenten
W. Barthold, in t
Toung Pao, 1930, vol. XXVI, p. 42-57. aucune valeur scientifique, par exemple le récent travail de H. Lamb,
Gengis
2. Histoire des Mongols depuis Tehinguiz-Khan jusqu’a Timour Beg Khan. The Emperor of All Men, Londres, 4928 ; cet ouvrage médiocre a
ou
Tamerlan, La Haye et Amsterdam, 1834-33 (deuxiéme édition, néanmoins supporté plusieurs éditions; il a méme été traduit en francais et
considéra-
blement augmentée en 4 volumes; la premiére édition a paru en en allemand.
1824; en
1832, une troisiéme édition ne fait que reproduire la seconde). 3. Surle Yuan-che, voir plus haut, p. 10, E. Chavannes, Inscriptions et
Barthold
donne son appréciation sur cet ouvrage dans Turkestan..., p. ptéces de chancellerie chinoise de U'époque mongole, in T’oung Pao,
60-61. Dans un 1904,
compte rendu de la revue Vostok (liv. 5, p. 254-252), V. Barthold p. 357-447 ; 1908, p. 4-42; 1908, p. 297-428; M. de Mailla, Histoire générale
« parmi les travaux des sinologues consacrés a l’hisloire
dit:
de la Chine ou Annales de cet empire, trad. du Tong-Kien-Kang-Mou,
mongole, aucun ne Paris,
peut élre comparé, méme de loin, avec l’ouvrage 4779, vol. IX, X, XI; Delamarre, Histoire de la Dynastie des Ming,
de d’Ohsson ». composée
3. Travaux de SOSRA, VILL, 1864; tirage a part de ce travail par l'Empereur Khiun-Loung, traduite du chinois, Paris, 1865;
publié en 1863. Huang-
4. V. Barthold, Berezin kak tstorik, ADA, II, p. Ts’ing K’ai-Kuo Fang-Litech. Die Griindung des Mandschurischen Kaiserrei-
67-69.
5. London, 1888 ; deuxiéme édition London, 1940. ches, tibersetzt und erklart von E. Hauer, Berlin und Leipzig, 1926,
6. Voir plus haut p. 7. Sur les autres sources chinoises, voir D. M. Pozdnéev, K voprosu o poso-
[Le présent ouvrage de B. Vladimirtsoy a été édité
en 1934 CN. d. t.).]
biyakh pri izuéenii istorii mongolov v period Minskot dinastii, SOSRA, IX.
16— INTRODUCTION
SOURCES ET “TUDES
Il est nécessaire de souligner que depuis le milieu du x1v* s. 17
raissent au xvut siécle et celles du xvin* et méme
jusqu’a la fin du xvn* s., la Mongolie et les Mongols n’ont du x1x° qui
s'y rattachent, se partagent en deux groupes.
accueilli aucun visiteur de la qualité de Rubruck, Marco Polo ou Le premier com-
prend les chroniques élaborées dans le milieu
Tch’ang-tch’ouen. de Varistocratie
mongole des steppes, basées sur les traditions,
Parmi les sources chinoises plus récentes, mais ayant utilisé les légendes
épiques orales ou écrites conservées dans les famill
des textes anciens, on mentionnera le Mong Kou yeou mou ke, es féodales.
Ces chroniques sont essentiellement consacrées, c’est
relations sur les transhumances des Mongols, assez médiocre- naturel, A
Phistoire des familles régnantes de la Mongolie. On
ment traduit en russe par P. Popov sous le titre Sapiskt 0 mon- peut en dire,
comme il a été justement observé au sujet des
golskich kodev'yakh*. D’un grand intérét pour notre époque sont Annales de
les recueils de « biographies — états de service » des princes Tacite: « Son livre est plutét l’histoire des famill
es que celle de
vassaux mongols, édité par tranches, simultanément en langues la société’. »
chinoise, mandchoue et mongole. Les autres chroniques se distinguent par leur carac
La version mongole porte tére cléri-
comme titre : Mlddkal Sastir®. cal. Elles se préoccupent surtout du sort de l’église
: bouddhique,
empruntent leurs sources et cherchent leurs modél
‘ Les relations de voyage nous apportent peu de renseignements, es dans les
la plupart des voyageurs n’étaient d’ailleurs pas en situation de Ouvrages tibétains et affirment des opinions « ultra
montaines ».
fournir une documentation scientifique. Il faudra pour cela Une remarque s’impose: les auteurs du premier group
e ont aussi
attendre la fin du xvu° sidcle et la venue des savants jésuites, eu recours 4 des sources tibétaines et subissaient,
en général,
Vinfluence littéraire tibétaine. Cette tendance leur
parmi lesquels Gerbillon ‘. a fait choisir,
Il faut recourir 4 des sources mongoles postérieures aux chro- pour l’histoire de Cinggis-han et de son temps, des
sources his-
niques mongoles et au Code du xvu' sidcle, qui seront nos prin- toriques tibétaines de préférence aux traditions famil
iales et aux
cipaux auxiliaires pour la période envisagée, notamment pour les vieilles légendes mongoles. C’est précisément pour cette
raison
que les informations concernant cette époque apparaisse
xv°, xvi° et xvii’ sidcles. nt singu-
ligrement brouillées.
Les travaux historiques mongols, les chroniques qui appa- Parmi les sources mongoles, la place d’honneur
revient au
récit du prince ordos Sanang-saéan et a la chron
p. 93 ss.; M. Courant, L’Asie Centrale aux XVU¢ et XVIII stécles, p. 143- ique anonyme
Altan tobci, ou « Légende dorée ». Les érudits
144; Kotwicz, Arkhivnye dokumenty, p. 804-843; P. Pelliot, Les mots 4
H
européens ont
tnitiale aujourd’hui amuie dans le Mongol des XIII* et XIV* siécles, J. A., adopté a l’égard de ces textes des attitudes diver
ses; la plupart
avril-juin 1925, p. 198-199. les dédaignérent, leur attribuant une significat
1. Sur cet ouvrage, voir W. ion médiocre?.
Kotwicz, Arkhiunyé dokumenty, p. 842-4813. Cette réserve est peut-¢tre justifiée en ce qui
2. Cf. W. Kotwicz, ibid. ; P. Pelliot in J. A., avril-juin 1920, p. 134. concerne les
3. Sur cet ouvrage, voir Kotwicz, op. cit., p. 803. Notre travail se réfare a données relatives au siécle de Cinggiz-han, notammen
t a la chro-
Pédition mongole. nologie. Mais une tout autre attitude simpose
4. Du Halde, Description géograph., histor., etc. de Empire chinois et a l’égard de
de Sanang-sitiin et de VAltan tobdd, quand, trave
la Tartarie chinoise, La Haye, 1736, vol. IV. rsés par un
En ce qui concerne les voyages des Cosaques et d’autres voyageurs plus souffle épique, ils content les anciennes légendes et le
« retour »
récents, voir J. F. Baddeley, Russia, Mongolia, China, Being some des Mongols a leurs steppes aprés l’effondrement
the relations between them from the beginning of the XVII th
record of de la dynastie
century to the Yuan.
Death of Tsar Alexei Mikhailovich, A. D. 1602-1676. Rendered
mainly in the
form of Narratives dictated or written by the Envoys sent by the Russian
Tsars, or their Voevodas in Siberia to the Kalmuk and Mongol 41. Fustel de Coulanges, Histoire des Institutions politiques de UVanci
Khans an France, I, p. 267. enne
Princes; and to the Emperors of China with intorductions Historical
and 2. Voir par exemple E. Bretschneider, Mediae
Geographical, also a series of Maps showing the progress val Researches from Eastern
of geographical Asiatic Sources, I, p. 194; D. Pokolilov,
Knowledge in regard to Northern Asia during the XVI th, XVII Istoriya vostoénykh mongolovv
th and early period dinastti Min, p. 1-44; Abel-Rémusat
XVIII th centuries. The texts taken mor especially from Manuscrip , in J. A., t. VIII, 1834, p. B47
ts in the 518 ; t.
IX, 1832, p. 164-166; J. Berezin, Sbornik létopise
Moscow Foreign Office Archives, London, 1919, 2 vol. Voir t... Rachid-Eddina
compte rendu de I, Introduction, p. yur;
V. Kotwiez, ADA, I, p. 849-354 V. Uspenskii, Strana Kuké-nor ili Tsin-khai,
Pthg, 1880, p. 76-80. St
Sen e
i mcme
2
18 INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES 49
Le mal-fondé de ce dédain a déja été relevé’. Et aujourd’ hui, . Sanang-sa¢in, de méme que les auteurs de l’Alt
il nous est encore plus facile de disculper Sanang-sa¢an, sans an tobci et de
l'Histoire de Radloff, ont été inspirés sans aucun
recourir aux louanges excessives de ses thuriféraires, Schott et doute par des
récits épiques oraux et aussi par des textes dont
Laufer. Méme observation a l’égard de l’Altan tobd¢. Nous la plupart
ne nous sont pas parvenus. Sanang-saéain énumére
savons aujourd’hui qu’au cours de la période estimée la plus méme ses
sources, mais nous n’arrivons pas & les identifier avec
.« obscure » de leur histoire, — depuis la chute de la dynastie certitude‘.
Sanang-siiéan, ainsi que les auteurs anonymes
Yuan jusqu’a la « renaissance » de la deuxiéme moitié du de l’Altan tob¢i
etde l’Mistotre de Radloff, s orientent mal dans leurs. sources
xvi* siécle —, les Mongols ont sauvegardé une partie appréciable gengiskhanides; & la faveur des influences boudd
de leur patrimoine culturel ; la littérature et ’écriture n’ont subi, hiques, leurs
préférences vont aux sources tibétaines les plus doute
chez les Mongols de cette époque, aucune éclipse et les traditions uses, mais
aussi les plus conformes A la tradition épique en
littéraires de la dynastie Yuan se sont maintenues®. Ces der- vigueur. Ils
confondent des chronologies, mais brossent alertement,
niers temps on a découvert, cl¥ez les Mongols, des documents par
contre, un tableau de la vie mongole pendant:
dont les savants de l’école de Pozdnéev* ne pouvaient méme la période
« obscure » de leur histoire. Les meilleures pages
soupconner l’existence, par exemple le Yuan tch’ao pi-che, ou de Sanang-
si¢din sont précisément consacrées aux xv‘ et xvi'
Histoire Secréte, dont la perte ne faisait, depuis longtemps, sidcles. Gen-
giskhanide et prince suzerain, Sanang-siéin était
aucun doute ou d’autres textes historiques comme |’ Histoire de & méme de
recueillir de nombreux témoignages de la bouche
Radloff*. de ses ainés,
dépositaires des anciennes traditions de la Horde
d’Or. Une
grande prudence s’impose d’ailleurs a Végard de
ces textes, car
4. Laufer, Ocerk mongol’skoi literatury, 1927, p. 44-45; B. Vladimirtsov, tous ces auteurs, notamment Sanang-siéiin,
Mongol’skaya literatura, Literatura Vostoka, Pgd, 1920, II, p. 97; P. Pelliot,
écrivaient A une
époque ot les Mongols se trouvaient placés sous
L’édition collective des wuvres de Wang Kouo-wei, T’oung Pao, 1928-29, l’égide des
p.474. Mandchous et de « Véglise jaune » patronnée par ces
derniers?.
2, Vladimirtsov, Sravnitel’nay grammatika mong. pism. -yazyka i khalkh- Mais souvent les « faits historiques » présentent moins
d’intérét
askago narédiya, p. 23; Bodhicaryavatara, traduction mongole, I, texte, éd. pour notre sujet que certaines mentions ou quelques
Vladimirisov, Bibliotheca Buddhica, XXVIII, p. u-v; B. Vladimirtsov, traits déta-
chés, concernant I’état économique ou le régime
Mongol'skit Danjur, RAS-V, 1926, p. 34-34; Nadpisé na skalakh khalkhaskago social, qui se
Tsoktu-taiji, Il, BARS, 1997, p. 235. Les sources chinoises laissent voir
qu’aux xv* et xvi* siécles les Mongols envoyaient a la cour des Ming des vant ; voir B. Vladimirtsov, Mongol’skii shorntk raskazov iz Pancat
épitres rédigées en mongol ; et les Ming adressaient aux chefs mongols des antra, Pgd,
19214, p. 46. Dans son article le Dr L. Ligeti fait mentio
messages également rédigés en mongol, voir D. Pokotilov, Istoriya vosto- n d’un autre ouvrage
historique mongol, portant également le titre de Altan
énykh mongolov, p. 417, 139, 168; Mailla, Histoire de la Chine, X, p. 248; tobéi, dont un frag-
ment est reproduit dans la Mongol’skaya Khrestomatiy
-voir aussi Sanang-sicin, p. 200; Istoriya Radlova, p. 100-401. a de Pozdnéev; cette
ceuvre représente une compilation, et en partie
3. A. Pozdnéev estimait qu’au cours de la période « obscure » de leur histoire, une traduction de textes chi-
nois, voir Laufer, O¢erk mongol’skoi literatury,
les Mongols avaient presque totalement oublié leur écriture, ils n’auraient p. 48. On notera que Zamtsa-
rano a été aussi induit en erreur, par le Livre bleu
conservé que la connaissance des caractéres, voir Novootkrytyi pamyatnik (Keka dabtér ou sudur),
quil avait pris pour une ceuvre historique, voir
mongol’skot pismennosti vremeni dinastii Min, in Vostoénye Zamétki, 1895, son rapport Poézdka v Juz-
nuju Mongoliju v 1909-1910, Izvéstiya Russ.
p. 371-374, 386: Istoriya mongol’skoi literatury, édition lithographiée des com. dlya izué, Sredn. i Vost.
Asti, série II, n° 2, St Ptbg, 1943, p. 49, 53,
cours lus en 1897-98, III, p. 78-84. 1. I. J. Schmidt, Geschichte der Ost-Mongolen
4. Le Comité scientifique de la République Mongole a récemment retrouvé und ihres Firs tenhauses
vorfasst von Ssanang Ssetsen Chringtaidschi der
le manuscrit d’un ouvrage historique contenant prés de la moitié du texte Ordus, St Ptbg, 1829, p. 298-
299, 423; Altan tobé?, Mongol’skaya létopis, per.
mongol original de l’Histoire Seeréte, v. P. Pelliot, Notes sur le « Turkestan», lamy Galsan Gomboéva, Tra-
vaux de SOSRA, VI, St Ptbg, 1858, Préface (P. Savel’e
in T’oung Pao, XXVII, 1930, p. 23-24, tbid., 208-333. Des fragments de v, p. V-VI).
; 2. Crest particuliérement évident si Von se rappell
Histoire Secréte se trouvent aussi au Musée Asiatique (MS) qui conserve e lextréme circonspec-
tion avec laquelle Sanang -saéan parle du Lagdan-bin ¢abar (voir Schmidt
V'Histoire de Radloff, B. Vladimirtsov, Nadpisi na skalakh khalkhaskago Op. cit., p. 202-203, 286, 387), tandis que d’autre
Tsoktu-taifi, BARS, 1926, p. 1270, 1272. Dans la méme livraison de T’oung s textes appréciant Pactivité
du han ¢abar, dernier hagan gengiskhanide, le décrivent sans
Pao contenant l'article de P. Pelliot, cité plus haut, le D' L. Ligeti signale possible comme un adversaire des Mandchous, équivoque
quil a vu a Pékin une traduction mandchou de Histoire de Sanang-sicin voir B. Vladimirtsov, Nad-
pisi na skalakh khalkhaskago Tsoktu-taiji, deuxié
me article, BARS, 1927
(p. 58); Pexistence des traductions chinoises était déja bien connue aupara- p. 215-240, a
20 INTRODUCTION
SOURCES ET &TUDES ai
rencontrent assez souvent chez les auteurs des steppes’. Fré- observe d’ailleurs lui-méme': « Au cours des années 70, les tré-
quemment ces données ne se dégagent que d’une analyse lin- sors d’A}én-horo ont attiré les insurgés (dungan) qui emportérent
guistique. tout lor et argent, et brdlérent le reste. » Certains manuscrits
Les ceuvres mongoles se rapportant au culte de Ginggis-han auraient été épargnés par hasard. Il existe chez les Mongols
découvertes par Ts. Zamtsarano dans |’Ordos? nous apportent dautres ouvrages historiques composés aux xvur° et xvut* sidcles;
quelques éléments. On les utilisera avec prudence en raison de ils contiennent quelques matériaux nous concernant. On observe
leur provenance quelque peu douteuse. Ts. G. Zamtsarano que certains auteurs appartiennent 4 un milieu féodal et bureau-
1. Le Musée Asiatique de l’AS et le Comité scientifique de la République
cratique, certains autres au milieu clérical des moines boud-
Mongole conservent plusieurs manuscrils de Histoire de Sanang-sacan, Pun dhiques, de « l’église jaune », placée sous l’influence de la cour
deux est trés ancien ; ceci permet de formuler des réserves quant a l’édition mandchoue et du Dalai-lama.
de Schmidt. Le Musée Asiatique conserve aussi un manuscrit de l’Altan
tobéi qui fut ignoré de Gomboev. Quant a la nouvelle édition de l’Altan tobdi
Les travaux historiques mongols du xvu' siécle, les plus mar-
a Pékin, voir B. Vladimirtsov, Etnologo-lingvistideskié izslédovaniya, etc., quants pour notre thése, sont les biographies de Naiji-toin et de
p. 14. L. Ligeti parle de cette édition in T’oung Pao (Vol. XXVII, 1930, Zaya-Pandita. En dépit de nombreuses conventions,
n° 1), mais n’ayant pas sous la main l’Altan tobi de G. Gomboev, il ne peut
ces textes
établir une relation entre ces deux éditions (p. 58). Mentionnant d’autre
contiennent un assez grand nombre de détails intéressants sur
part, que ’énumération des empcreurs Ming dans |’Altan tobéi se termine les coutumes de la Mongolie du Sud, du pays Halha et’ des trans-
avec T’ten-k’t (46241-4627), L. Ligeti se référe a la page 30 de l’Altan tobéi édité humances oirat. Les auteurs indiquent presque toujours leurs
a Pékin ; il s’agit d’une faute d’impression, car l’énumération figure aux
pages 54, 62 du texte et a la page 156 de la traduction; il est possible que
sources et formulent des réserves quant aux événements sortant
L. Ligeti se soit servi d’une nouvelle réédition dont je n’aurais pas eu connais- de Pordinaire dont ils ont eu connaissance, disent-ils, par
sance. L’observation de L. Ligeti est fort intéressante, car elle définit l’Altan « oui-dire ». Les auteurs de ces biographies appartiennent au
tobéi « terminus post quem ». On estimait jusqu’a présent, avec P. Savel’ev,
que la traduction de l’Altan tobc? qui nous est parvenue remonte aux environs
milieu clérical*.
de 1604 ; voir ’édition de Gomboev, p. vr; Laufer, op. cét., p. 47. Ceci illustre Le recueil de Niiji-toin a été édité & Pékin, par le procédé
Vinsuffisance des études critiques consacrées aux textes historiques mongols et xylographique, tandis que le Zaya-Pandita existe en manuscrits,
la facilité avec laquelle se répétent, faute de contrdle, d’anciennes erreurs. Il y
a lieu de noter que la traduction du « vieux Isaac Jacob » est aujourd’hui
dont le meilleur a été découvert par A. V. Burdukov en Mon-
définitivement périmée, tandis que celle de Galsan Gomboev n’a jamais été golie du Nord-Ouest *.
fidéle. L’édition du texte mongol de l’Altan tobdi ne peut, non plus, étre con- On trouvera dans les ceuvres de A. M. Pozdnéev, A. D. Rud-
sidérée comme satisfaisante en dépit des soins savants qui lui ont été consa-
crés. L’édition pékinoise n’est pas du tout critique. On peut affirmer sans
nev et B. Viadimirtsov* des exposés consacrés aux ouvrages
hésitation qu’une personne ne connaissant pas 4 fond la langue mongole et historiques mongols des xvi’ et x1x* siécles ayant utilisé des
n’ayant pas accés, d’autre part, aux manuscrits adéquats, ne peut se servir ni sources plus anciennes. Un excellent exposé de W. L. Kotwicz'
de Histoire de Sanang-sa¢an traduite par I. J. Schmidt, ni de PAltan tobdi
dans la traduction de G. Gomboev, cette derniére, tout particuliérement, déna-
1. Ibid., p. 48 Ajan-horo, dans VOrdos: endroit ou sont conservées les
ture complétement le texte de l’Altan tobi. Voir RARS-V, 1930, p. 203. En-
reliques de Cinggis-han. Voir aussi G. N. Potanin, Pominki po Cinguizkhané,
core un exemple: 4 la page 81 de ’édition Gomboev on lit: Moolan hagan-u
Bulletin SRG, XXI, p. 303-315 ; 0. Kovalevskii, Mongol’skaya khrestomatiya,
cérig-tin kiimiin oyirad Mu’ulihai-du kala kiirgébé. Gomboev en donne (p. 174)
I, Kazan, 1836, p. 504-302.
la traduction suivante: « Un guerrier du ban en informa Mw ulibai-Ung (ste !)
2. K. F. Golstunskii, Mongolo-oiratskié zakony, St Ptbg, 1880, p. 73-78,
POirat ». Ceci donnera Voccasion a G. D. Grumm-Griimailo de rechercher si
124-430 ; V. L. Kotwicz, Arkhivnyié dokumenty, p. 193.
véritablement Mu’ulibai était un prince oirat, voir Sapadnaya Mongoliya 7
3. Kotwicz, op. cit., p. 793.
Uryankhaiskit Krai, Il, p. 588. En réalité, le collationnement de plusieurs
4. A.M. Pozdnéev, Mongol’skaya létopis « Ardanyin arihd » podlinny? tekst
manuscrits de ]’Altan tobci permet de reconstituer la phrase en question sous
8 perevodom t poyasneniyamt, zakljucaijuséimi v sebé materialy dlya istorit
la forme suivante: Moolan hagan-u ddrig-tin kimiin ujégad, Mu’ulihat-ong- Khalkhi s 1636 po 1736 g. St Ptbg, 1883, préface, p. vi-xxxvit; A. D. Rud-
dur kald kitrgdbé, qui veut dire : « ayant apercu les guerriers de Molan-ban, nev, Zamétki po mongol’skot literaturé, IL, Istorideskaya létopis Bolor-toli
informa Mu’ulibai-ong » (voir édition pékinoise, p. 94).
Zapiski SOSRA, XV, p. 032-033; B. Vladimirtsov, Nadpist na skalakh
2. Rapport de Ts. G. Zamtsarano, Poezdka v Jujnuju mongoliju v. 1909-
Khalkhaskago Tsoktu-taiji, BARS, 1926, p. 4270, 1280; 1927, p. 245-240;
1910 g., I2véstia Russk. Kom. dlya izué. Srédn.i Vost. Azii, série II, n° 2,
B. Vladimirtsov, Gdé pyat’ khalkhaskich pokolénii, RARS-V, 1930, p. 203.
St Ptbg, 1913, p. 48, 52. Les manuscrits cités dans ce rapport sont conservés 5. W. L. Kotwicz, Russkie arkhivnyé dokumenty po snoseniju s oiratami v
au Musée Asiatique de ]’AS.
XVII a XVIII v. v., BARS, 1919, p. 793-797, 801-844.
22 - INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES 23
permet de juger les sources mongoles, chinoises et mandchoues 4° Les « Lois mongol-oirat » de 1640, Dédin dérban Hoyo-
consacrées 4 l’histoire des Mongol-Oirat occidentaux aux xvii
riyin cafe bicig ~ cajiyin bidig et deux suppléments, par Galdan-
xvin® siécles,
hung-taiji (dGaldan hung-tayijiyin zaka zarlig). Seul nous est
On mentionnera encore quelques ceuvres mongoles des xvut
parvenu le texte oirat, conservé chez les Qalmigq de la Volga’.
et x1x° siécles, dont certaines utilisent des sources plus anciennes,
2° Les « Lois des trois hosun halhas » (Jamun-u Halha
y compris des sources tibétaines' et chinoises, les divers travaux
jtrum-un diirim, ou gurban hosigun-u yika ¢agafa) de 1709,
historiques élaborés en Mongolie méridionale, par exemple.
avec suppléments ultérieurs ; documents conservés par le district
Tandis que d’autres reproduisent des traditions populaires ou des
de Sabinsk (sujets du Hutuhtu d’Urga)®.
souvenirs de famille.
3° Le « Code de lois mongol » de la Chambre des relations
A cette derniére catégorie d’ouvrages appartiennent les chro-
extérieures de Empire mandchou (jarlig-cyar tog tagagsan
niques buryat qui apportent, en premier lieu, quelques maté-
gadagadu monggol-un tirii-yi jasahu yabudal-un yamun-u
riaux relatifs au régime social des Mongols du nord a la fin du
xv’
hauli firl-tin bidig) Li fan Yuan tseu. Ce code représente un
siécle et au début du xvnr’ siécle, et en deuxiéme lieu vaste corpus des Ordonnances et des lois concernant toutes les
diverses données concernant les Buryat-Mongols proprement
tribus mongoles faisant partie de Empire mandchou. Il fut
dits *.
édité pour la premiére fois en 1789, en trois langues: mandchou,
Il y a lieu de mentionner également les inscriptions mongoles,
mongol, chinois *. Par la suite, il fut considérablement augmenté
il est vrai peu nombreuses et qui n’ont pas toutes été étudiées®.
et édité, en trois langues, en 1817‘. Le Code de Li fan Yuan-
Les « Codes » ou les recueils de lois mongols sont beaucoup
plus importants du point de vue de l’étude du régime social des 4. Le texte oirat, avec traduction russe et annotations a été édité par
Mongols. Les ouvrages historiques mongols nous parlent de K. F. Golstunskii, Mongolo-oiratskié zakony 1640 g. dopolnitel’nye ukazy dGa-
Idan Khung-tayifiyn 1 zakony, sostavlennyé dlya voliskikh kalmykov pri
plusieurs codes, mais trois seulement nous sont parvenus: kalmytskom Donduk-da-si, St Pibg, 1880. On trouvera dans W. L. Kotwicz,
Russkié arkhivnyié dokumenty, p. 793-197, un excellent exposé consacré aux
états des lois mongolo-oirat, aux traductions anciennes et aux différentes
1. Les sources tibétaines auraient pu nous apporter quelques matériaux, éditions.
mais il est regrettable que leur étude ait été trés faiblement poussée, voir par 2. Voir Ts. Zamtsarano et A. Turunov, Halha jirum (description du docu-
ex. Charles Bell, Tibet Past and Present, Oxford, 1924, p. 34-35. H. Yule, ment) Sbornik trudov... Gos. Irkutsk. univ., fasc. 6, Irkoutsk, 1923
Marco Polo, I, p. 240-254 ; H. Huth, Geschichte des Buddhismus in der Mon- (existe aussi en tirage a part); C. Zamtsarano et A. Turunov, Obozrénié
golei, Strasbourg, 1896, II, p. 249-220; Sanang-sacan, p. 234. En ce qui pamyatnikov pissanago prava mongol’skich plemen, ibid., 1920, p. 2-3,
concerne les sources tibétaines, en dehors de Pouvrage de Huth, voir aussi W. A. Ryazanovskii Mongol’skoyé pravo, Kharbin, 1931, p. 70-81. Une copie
B. Vladimirtsov, Nadpisi na skalach Tsoktu-taifi, 1, p. 1279-4280, de ce code se trouve au Musée Asiatique de l’Académie des Sciences. L’au-
2. Musei Asiatici Petropolitani notitiae curante C. Salemann, VII, p. 058-
teur du présent ouvrage a préparé une édition du texte mongol avec tra-
059; B. Vladimirisov, Etnologo-linguisticeskié izslédovaniya v Urgé, Ur- duction russe et commentaires, d’autre part, il a eu la possibilité de se
guinskom i Kenteiskom raionakh. Severnaya Mongoliya, Il, éd. AS, L. 1997, servir d’un autre manuscrit reproduisant partiellement le texte du code en
p. 35 ; A. M. Pozdnéev, Mongol’skaya khrestomatiya. St Pibg, 1900, p. VINI-Ix, question, réuni avec les extraits des diverses lois et ordonnances sous le
417-56; A. M. Pozdnéev, Mongol’skaya létopis Ardanyin drthd, p. 99, 104, 102, titre : Monggol cagajan-u ndyitd-yin tobéi dabtdr (Musée Asialique de PAcadé-
267; A. Pozdnéev, Obraztsy narodnoi literatury mongol’skich plemen, St mie des Sciences, MS, cote F. 196): Halha jirum a été incorporé au nouveau
Ptbg, 1880, p. 187-195, 240-214, 249, 959-966. A.M. Pozdnéev a fait un code élaboré en pays Halha, probablement vers le milieu du xvi s.
usage négligent des annales bouryat; ainsi a la page 267 de son travail 3. Mongol’skoyé ulozenié, dopoinit. bén-tsy, f. 4. O. Kovalevskii signale
« Ardényin arika » il confond les lignées « mongoles » et buryat, en défor- (Mongol’skaya khrestomatiya, I, p. 491) que A. V. Igumnov réussit 4 obtenir
mant le iexte de la chronique bouryat ; il prend un récit des annales concer- en 4794 « une copie... du code de lois mongol ». On ignore ou se trouve ce
nant les gaman pour un modéle de littérature Samanique, voir B. Vladi- manuscrit. Le Musée Asiatique conserve un manuscrit contenant d’assez
mirtsov, ibid. Le Musée asiatique de l’Académie des Sciences russe conserve larges extraits de la rédaction mongole de ce code (sub. F. 196). La version
plusieurs chroniques bouryat ; toutes les ceuvres énumérées, ainsi que quel- chinoise a été traduite par Hyacinthe Bicurin in Zapiski o Mongolii, II,
ques autres. p. 203-339, St Ptbg, 1828. Pour ce qui concerne les traductions partielles,
3. B. Laufer, Oderk mongol’skoi literatury, p. xu, 37-40; B. Vladimir- voir B. Laufer, O¢erk mongol’skoi literatury, p. 84; voir aussi T’oung Pao,
tsov, Nadpist na skalakh khalkhaskago Tsoktu-taiji, BAS, 1926, p. 4253- 1930, p. 178.
1280; 1927, p. 245-240 ; A. M. Pozdnéev, Mongoliya i Mongoly, I, St Ptbg, 4, La version mandchoue a été traduite en russe par S. Lipovtsov, Ulo-
1896 ; II, St Pthg, 1898, parsim.; W. L. Kotwicz, Arkhivnyié dokumenty, 804. zenié Kitaiskoi Palaty vnésnikh snogenti, 2 vol. St Ptbg, 1828. O. Kovalevskii
24 INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES 25
tseu, paru seulement a la fin du xvi siécle et au début du transcrite par Lipovtsov sous la forme suivante': « Tous les
xix’ siécle, contient cependant une matiére abondante illustrant princes et taiji mongols de tout rang, possédant des domaines
la vie sociale des Mongols a Il’époque précédente. L’analyse des héréditaires doivent annuellement prélever des impdts... », ce qui
trois recueils législatifs ci-dessus mentionnés permet de constater enléve toute signification au terme trés clair d’adbatu, « sujet,
que dans l’ensemble ils reflétent souvent I’époque ayant précédé vassalus, feodatus ». De méme, le terme gamjilga (en mand-
leur publication. chou : gamcsgan), désignant une catégorie déterminée de sujets,
On constatera que la traduction russe par K. F. Golstunskii rattachés 4 une famille féodale pour le paiement des redevances
des « Lois mongol-oirat » n’est pas trés satisfaisante '. Une grande
en nature®, est traduit par « ordonnance » [russe : den’sctk] *, et
circonspection s’impose al’égard de la traduction par 8. V. Lipov- parfois simplement par « gens appartenant (a quelqu’un) » *. On
tsov du « Code de la Chambre des relations extérieures ». En ne peut donc recourir & cette traduction que sous réserve de
effet, dans l'ensemble Lipovtsov a fort bien traduit la version vérifications minutieuses, avec texte original & l’appui, mand-
mandchou du Code, — publié simultanément en trois langues : chou, mongol ou chinois. Les Lots mongol-oirat et le Halha
mongol, chinois, mandchou? —, mais de nombreux termes sont Jjirum ont été a plusieurs reprises interprétés comme des textes
interprétés d’une maniére tout a fait inexacte. Ainsi, la phrase : de droit coutumier *. I] est impossible de se rallier 4 ce point de
« n’importe quel prince et taiji mongols, au moment de la per- vue: ces deux recueils sont des codes législatifs authentiques,
ception des impositions annuelles de leurs sujets... »* se trouve
dont les textes résultent d’une longue évolution antérieure. De
(op. cit., p. 492) indique que le « Code » a paru en 1815, la méme date est méme que le « Code Mongol », ils expriment le droit féodal de la
donnée par Laufer (op. cit., p. 84). Tandis que Hyacinthe Biturin (Zapiski o steppe, sanctionné par la loi®. Cette définition n’exclut pas, bien
Mongolii, I, p. x1) signale que la déuxiéme édition a paru en 1820. En entendu, l’éventualité d’une certaine influence du droit coutumier
réalité, la deuxiéme édition a paru en 4817, vingt-deuxiéme année du gou-
vernement de Kia-K’ing (voir Mong. ul. dopolnit.
sur les codes de lois en question.
ban-tsy, f. 33). En 1826,
parait une troisiéme édition, quelque peu corrigée; de méme que la Les récits épiques, la littérature populaire en général, et |’épo-
deuxiéme elle se compose de 63 dabtar ou ban-tsy + 4 suppl. +- 4 avec tables pée mongole, en particulier, peuvent nous documenter dans une
(d’aprés la version mongole). On ne sait rien des éditions ulterieures:
Kovalevskii signale (Mong. khrestom., I, p. 492) qu’on préparait en 1832, certaine mesure sur le régime social des Mongols au moyen age.
une
quatriéme édition. Par contre, on connait des suppléments plus récents du Comme on l’a déja observé, l’épopée mongole survit par la tradi-
code, en manuscrits, retrouvés dans les administrations hostin (Sind togtagan tion orale. Cependant, plusieurs récits épiques ont été fixés en
Jarlaju irdgsin fandasu « roles (des articles législatifs) récemment ratifiés
et publiés » ; les handasu de ce genre étaient les recueils législatifs de base langue mongole écrite. La plus significative de ces ceuvres est le
de la Mongolie pré-révolutionnaire. Le Musée Asiatique conserve des échan- « Légende dUbasi-hung-taifiyin tiiji », dont la version oirat
tillons de ces manuscrits. En outre nous disposons des réles législatif's rela-
tifs aux affaires mongoles, publiés par les empereurs mandchous des régnes
de Kien-long (1736-1795), Kia-K’ing (1796-1891), V. A. Ryazanovskii fait 1. Lipovtsov, op. cit., I, p. 432.
mention d’un autre code législatif concernant les affaires mongoles ; il s’agit 2. Voir, par ex. Mong. Ul., XI, f. 3.
du recueil contenant les lois promulguées par les empereurs mandchous de 3. Lipovtsov, op. cit., II, p. 444, f. 77.
4629 & 1695; le manuscrit de ce recueil a été récemment découvert 4, Ibid., I, p. 36, f. 88 = Mong. ul., IL, f. 47.
en Mon- 5. Voir Journ. Min. Vn. dél. 4833, VIII, n° 5, p. 104 (article de Hyacinthe
golie ; voir Ryazanovskii, Mongol’skoyé pravo, Kharbin, 1934, p. 84;
auteur Bicurin; F. I. Leontovié, Mongolo-Kalmytskti,.. ustav vayskanii, p, 17-48;
du présent ouvrage n’a pas eu recours ace recueil.
1. B. Laufer exalte oeuvre de K. Golstunskii: « L’ouvrage de Palladius W. A. Ryazanovskii, Obyénoé pravo. mongol’skich plemen, Kharbin, 1934,
se trouve depuis longtemps relégué dans ’ombre grace 4 admirable p. 44-80; C. Zamtsarano et A. Turunov, Obozrénié pamyatnikov pisannago
édition prava mongol’skich plémen, p. 1-3; Halha firum, p.3; . F. Gols tunskii,
critique et a la traduction des lois kalmouks par Golstunskii » (B. Laufer,
Oderk mongol’skoi literatury, p. 87). W. Kotwicz a déja souligné les Mongolo-oiratskié zakony, p. 6; 5.1. Gurland, Stepnoyé zakonodatel’stvo s
graves drevneisikh vremen po XVII stolétié, Bulletin de la Société d’arch., d’hist. et
lacunes de Golstunskii (Arkhivnyié dokumenty, p. 196): changement
non d’ethnogr., prés |’Université de Kazan, t. XX, 1904, p. 404.
justifié de Porthographe originale et utilisation insuffisante des matériaux
existants. 6. Il est remarquable que dés 1837, un fonctionnaire russe ait défini les
« Lois Mongol-oirat » de la maniére suivante: « ce recueil de lois établi au
2. Lipovtsov, op. cit., I, p. xv-xvt.
temps de Dindépendance des Qalmiq et d’une vie guerriére, porte l’em-
3. Mongol’skayé Ulozenié, XII, f. 98: Aliba monggol vang gting tatifi-nar preinte du féodalisme nomade », voir Otedestvennyé Zapiski, 1846, XLIX,
fil nari tagin-u albatu-déa abéagahui-dur...
p- 40 (article de Buhler).
26. INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES 27
nous est parvenue et dont l’action se situe a la fin du xvi’ siécle,
D. D. Pokotilov', M. Courant?, V. M. Uspenskii*, E. H. Parker ‘.
époque & laquelle trés vraisemblablement, cette ceuvre a vu le
Les travaux de Pokotilov et d’Uspenskii ne marquent que les pre-
jour’.
miers pas vers I’étude des sources chinoises. On y aura recours,
On confirmera, au sujet de l’épopée mongole orale, ce qui a
ainsi qu’aé V’article assez obscur de E. H. Parker, en absence de
déja été dit plus haut. Des tentatives de fixer par écrit les récits
toute autre recherche analogue, L’ouvrage de Pokotilov se trouve
épiques ont toutefois été observées chez les Mongols. Nous dispo-
déprécié par des commentaires naifs et des idées préconcues.
sons de plusieurs spécimens de ces essais tentés en différents
On ne doit recourir qu’avec une extréme circonspection aux
lieux du monde mongol*. Ils sont conservés au Musée Asia-
grands travaux de H. Howorth® et de G. E. Grumm-Grtimaile’.
tique.
Ces auteurs, ne connaissant pas les langues orientales, n’étaient
En plus des récits épiques, les devinettes et proverbes sont
souvent pas en mesure de soumettre leurs sources & une analyse
parmi les couvres de la littérature populaire présentant le
plus critique suffisante et se trouvaient a la merci des traducteurs.
dintérét pour notre sujet (voir W. Kotwicz, Kalmytskiya
D’autres travaux nous seront plus utiles, ceux notamment
zagadkit poslovitsy, St Ptbg, 1905).
d’Hyacinthe Biturin’, A. M. Pozdnéev $, E. Bretschneider®, tout
particuliérement l’étude de A. M. Pozdnéey, déja citée a plusieurs
reprises, Arddnyin drihd, contenant des matériaux relatifs A
B. — Erupes. Vhistoire du pays Halha de 1636 & 1736.
Il existe peu d’études consacrées A cette époque. Certains Mais les travaux de A. M. Pozdnéev ne peuvent étre abordés
ouvrages mongols, mentionnés dans la précédente section, qu’avec une grande circonspection, ses. théses doivent étre véri-
concernent aussi le moyen age. Les grands travaux relatifs figes & chaque pas, du fait d’une mise en couvre manifestement
& négligente des sources. On constatera, toutefois, que A. M. Pozd-
Phistoire des Mongols a I’époque des dynasties Yuan et Ming
contiennen peu
t de dossiers pouvant nous étre utiles, par exemple néev a tenté de s’y reconnaitre parmi les données ayant trait &
D’Ohsson *, ou ’Histoire anonyme des Ming‘. De méme pour les Porganisation de la société halha des xvi'-xvu’ siécles, en for-
études mongoles plus circonscrites comme leg ouvrages de mulant parfois, il est vrai, des appréciations curieuses"”.
1, Edité et traduit par Galsan Gomboev, Travaux de SOSRA, 1. D. Pokotilov, Istoriya vostoénykh mongolov v period dinastit Min 1368-
VI, p. 198- 1634 gg. (d’aprés les sources chinoises) St Ptbg, 1893.
224, St Ptbg, 1858. La traduction de G. Gomboev est infidéle et laisse en
général 4 désirer, de méme que Pédition du texte. En ce qui concerne les 2. L’Asie Centrale aux XVII° et XVIII¢ siécles, Empire Kalmouk ou empire
autres éditions et traductions voir W. L. Kotwicz,
Mandchou ? Lyon-Paris, 1942.
Arhhiunyeé dokumenty,
p. 795. 3. Strana Kuké-nor ili Tsin-Khai, s pribavléniém kratkoi istorii oiratov i
2. Pour les ceuvres populaires mongoles, voir B. Laufer, mongolov, Actes SRG, section ethnogr., VI, 1880 (embrouillé et trés périmé).
Oéerk mon- 4. Mongolia after the Tenghizides and before the Manchus, G. of the N.
gol’skot litératury, p. xvu-xx, 71-83. Le Musée Asiatique
conserve de nom- China Branch of the R. Asiatic, Soc. vol. XLIV, 1943 (trés embrouillé dans
breuses ceuvres populaires mongoles, notamment des chants
épiques. Celles Vinterprétation des termes mongols).
publiées jusqu’a présent ne représentent qu’une petite partie
de l’ensemble, 5. History of the Mongols,
voir: Musei Asiatici Petropolitani notitiae, curante C. Saleman Part. I, London 1876 (un supplément est paru
n, VII, p. 030- en 1927: Part IV; Suppl. a
52, 059-068; Izvéstiya Russk. Kom. dlya Izué. Srédn. t. indices).
Vost. Azii, n° 6, 6. Zapadnaya Mongoliya
p. 36-37; n° 9, p. 60; n° 10, p. 73-76. sér. II, n° 4, p. 103; i Uriankhaiskii Krai, t. II, Istoriderskti Oéerk
n° 2, p. 90-94, etikh stran v svyazi s istoriet
On complétera les renseignements trouvés dans l’ouvrag Srednei Asti, L. 1926
e de Laufer par 1. Istorideskoé obozrénié Oiratov ili Kalmykov s XV stolétia do nastotaséago
« Obraztsy narodnoi slovesnosti mong. plemeni, t. II, épideskié proizved
éeniya vremeni, St Ptbg, 1834; Opisanié Jungarii it Vostoénago Turkestana
ekhritbulgatov, Gdsér-Bogdo, epopeya, L. 1930, éd. AS; v drev-
N. Poppe, Zum Khal- nem i nynesnem sostoyanti, trad. du chinois, 2° part., St Ptbg, 1829.
khamongolischen Heldenepos, Asia Major, vol. V, 1998, p. 183-243 ; B. B.
Bambaev, Otéeto komandirovké v Mongoliju létom, 1926, 8. Mongol’skaya létopis’ « Ardanyin drika », Podlinnyi tekst s perevodom
Otéet lingvistideskoi i
ekspeditsti v Sev, Mongoliju, Matériaux CER, fasc. 4, poiyasneniyami zakljuéaijuséimi v sebé materialy dlya istorii Khalkhi
L. 1929, p. 38-70. s 1636
3. Histoire des Mongols, t. Il. po 1736 g., St Ptbg, 1883; Novoolkrytyi pamyatnik mongol’skoi
pismennosti
4. Kitaiskaya istoriya pokoléniya vremen dinastii Min. Vostoényé Zaméthi, St Ptbg, 1895.
Dai-Minskich imperatorov (vraisembla- 9. Mediaeval Researches from Eastern Asiatic, Sources, vol. HM,
blement écrite par Lipovtsov, voir J. A., t. I, 1823, p. p. 139-473.
251). 10. Par ex.,Ardanyin drihd, p. 101: « D’ailleurs celte soumission des
jeunes
28 INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES , 29
On tiendra compte également des travaux consacrés aux ori- caractére d’exception ; ils abordent l’analyse sociologique de l’an-
gines de l’Histoire mandchoue'. Les travaux bien connus de
cienne société buryat. D’ailleurs ces ouvrages transportent le
J. E. Fischer, G. F. Miller et P. S. Pallas? concernent plus par-
lecteur dans le lointain brumeux du passé et restituent un tableau
ticuliérement les Oirat (Qalmiq) et les Buryat.
des anciennes relations sociales d’aprés les traditions, les légendes
M. N. Bogdanov a essayé, dans plusieurs articles, de dégager
et les données générales relatives 4 la « vivante antiquité »,
les caractéres essentiels de la vie sociale des Buryat aux xvi
mais sans rien préciser quant & I’époque. On peut seulement
xvi’ siécles*. M. N. Bogdanov n’a pas utilisé des sources en
supposer que le régime social évoqué par ces auteurs se situe aux
langue mongole, et l'on observera Ax I’égard de ses travaux les
xiv°-xvu* siécles. On ne peut, de ce fait, se reporter qu’avec
mémes réserves qui s'imposent a l’égard de ceux de Leontovié,
réserve a leurs conclusions '.
dont il sera question plus bas. L’ouvrage bien connu de Pallas ‘,
Le droit mongol a retenu l’attention des érudits et a suscité
Sammlungen historischer Nachrichten, malegré l’intérét de son
quelques travaux, dont les plus marquants sont dus a F. I. Leon-
abondant contenu, nécessite des vérifications incessantes et une tovié et &V. A. Ryazanovskii?. Le point faible de ces ouvrages
extréme prudence. Pallas était entitrement & la merci des traduc-
provient du fait que les auteurs n’étaient pas des orientalistes, ils
teurs et n’avait presque aucun moyen de les controler; d’autre part,
ignoraientle mongol; ils dépendaient entiérement des traducteurs,
cet ouvrage a été écrit il y a cent cinquante ans.
— loin d’étre toujours a la hauteur de leur tache, comme on I’a
Dans la littérature mongolisante, les travaux de M. N. Khan-
déja vu, — et aussi des divers ouvrages auxiliaires quils ne
galov*, et de D. A. Klements et M. Khangalov® présentent un
pouvaient aborder avec les réserves critiques qui s’imposent. Et
a autorité des anciens semblait due surtout a des convictions inculquées
par
surtout, ils ne disposaient pas des textes authentiques. On
les traditions familiales et, pour ainsi dire a un impératif moral d’obédien reconnaitra toutefois importance de cette documentation du
ce
et de respect A l’égard des ainés, profondément ancré chez les halhas, plutot
qu’a des causes externes, comme le régime administratif du pays... » point de vue de la classification juridique des anciens textes
1. V. Gorskii, Nadalo i pervyé déla Manjurskago doma ; O proiskhoideénti mongols. F. I. Leontovié hasarde, d’autre part, la tentative peu
nyné tsarstvujuscet v Kitaé Dinastii Tsin i imeni naroda Manddu. Travaux fréquente de présenter une caractéristique du régime social des
de
la Mission ecelésiastique russe de Pékin, t. 1; St Ptbg, 1859, p. 4-247,
2. Sibirskaya istoriya s samago otkrytiya Sibiri do zavoevaniya Oirat aux xvi° et xv siécles ; on ne saurait omettre d’en tenir
sei zemli
rossyisskim oruziem, socinennaya na németskom yazyké, St Ptbg,
4774 (édition
allemande en 1768, J. E. Fischer, Sibirische Geschichte, ete.;
traduction. Mat. pour lethnog. russe, 1940, t. I, p. 117-457; voir aussi V. Mikhailov,
francaise d’aprés l’édition russe : Recherches historiques sur les
principales Zamétka po povodu vyraieniya « Zagaté-aba », Zivaya Starina, 1913, t. XXII,
nations établies en Sibérie, etc., trad. du russe par M. Stollenwerck,
Paris), fasc. 2, p. 181-182; A. Turunov, Progloé Buryat Mongol’skot narodnosti,
Sibirskaya istoriya, « livraisons mensuelles destinées a instruire en amu-
sant », éd. par l’Académie des Sciences, Irkutsk, 1922, p. 13-17: M. N. Bogdanov, Epocha Zagatd-aba, Ocerki istorii
t. X VIII-XIX, 1735-4764 (en Buryat-Mongol’skago naroda, Verkhne’udinsk, 1926, p. 10-47.
allemand, Sammlung Russischer Geschichte, IIT). Opissanié Sibirskago tsarstva
i usékh proizsedsikh v nem dél ot naéala, a osobenno ot pokorenia 1, Cf. Compte rendu par V. L. Kotwiez de Vouvrage mentionné de A. Turu-
ego Rossiis- nov in Vostok, liv. 3, L. 1923, p. 173-476.
koi derzavoi po sii vremena, St Ptbg, 4750.
2. F. I. Leontovit, K istorii prava russhich inorodtsev. Drevnii mongolo-
3. M. N. Bogdanov, Oderk istorii Buryat-Mongol’skago naroda (sous
la kalmytskit ili otratskii ustav vzyskanii, Odessa, 1879 ; Kalmytskoé pravo, é.
rédaction de N. N. Koz’min), Verkhneoudinsk, 1926. Les principau
x articles I Ulozenié 1822 g (tekst). Primééaniya: Sostav, istoéniki i obséii_kharakter
sont consacrés ala répartition au régime social (p. 39-43),
et a Pévolution ulogeniya. Obsdestvennyi byt po kalmytskim ustavam, Odessa, 1880; V. A.
sociale du peuple buryat (p. 92-403).
4. P. S. Pallas, Sammlungen historischer Nachrichten uber Ryazanovskii, Obycnoye pravo mongol’skich plemen (mongolov, buryat, kalmy-
die mongol. kov), I-III p. (tirages a part dans les n°s 54-32, du Véstnik Asit), Kharbin,
Volkerschaften, vol. 2, St Ptbg, 1776-1804 (partiellement en
russe) ; Sobranié 1924; V. A. Ryaznaovskii, Customary law of the Mongol tribus (Mongols,
istorid. tzvéstii o mong. narodakh, St Peterbourgsk. Véstn. 4t¢ partie, n° 4,
p. 65-74; n° 2, p. 148-487; no 3, Pp. 217-229; n° 4, p. 298-307; Buriats, Kalmuchs), part. I-III, Kharbin, 1929 (traduction de Pouvrage précé-
n° 3, p. 387- dent avec quelques compléments); Mongol’skoyé pravo i sravnitel’noyé pra-
392. O razdélénii narodov mungalskago pokoléniya, Mésyacnik istorii 7 geo- vovédénié. Bulletin de la Faculté de Droit de Kharbine, t. VII, p. 287-303,
graft na 1797 9., p. 4-83. | Kharbin, 1929; K voprosu o vliyaniit mongol’shoi kul’tury i mongol’skago
5. M. N. Khangalov, Zagata-aba. Oblava na zvérei u drevnich buryat, Izv.
vost, prava na russkuju kul’turu ¢ pravo, Bulletin de la Faculté de Droit de Khar-
Sib., SRG, 1888, t. XIX, ne 3, p. 1-27; Juridideskie obycai u buryat, bin, t. IX, Kharbin, 1931. Pour les autres travaux dans le cadre du droit
Revue d’ethnog., 1894, n° 2, p. 100-142.
mongol (oirat), rattachés 4 la période en question, on consultera
6.._D. Klements et M. Khangalov, Obécestvennyeé okhoty
u sévernykh buryat, Y. L. Kotwiez, Arkhivnyé dokumenty, 197.
30 INTRODUCTION
SOURCES ET &TUDES 31
compte, bien qu’a de nombreux points de vue, sa thése soit tantes, de méme que le « Nouveau Code Mongol » de la Mon-
périmée. I a déja été observé' que les anciens codes mongols ne golie autonome de 1914 ( Jarlig-tyar logtagagsan Monggol
peuvent étre considérés comme une source de documentation ulus-un hauli fiil-iin bitig)'. La plupart de ces sources
pour le droit coutumier exclusivement. ne sont
pas traduites en russe’.
De trés rares travaux rentrant dans le cadre de notre exposé Viennent ensuite divers documents officiels, ordonnances
sont consacrés a Ia littérature populaire ; on mentionnera quel- (diirim) des hoxun, actes et procés-verbaux*, divers passag
ques pages de A. M. Pozdnéev’®, les articles de G. I. Ramstedt ? et es du
« Code Général des Lois » ‘, et d’autres actes publics *.
de B. Vladimirtsov ‘. Les témoignages des voyageurs et des chercheurs ayant
eu des
relations directes avec les Mongols seront également
rangés au
nombre des sources relatives au régime social des Mongo
3. — EPOQUE MODERNE (Xvitie-x1xe SIECLES. DEBUT DU xxe SIECLE). ls &
Pépoque moderne. Parmi les ouvrages trés nombreux
DECOMPOSITION DU FEODALISME et de
valeur inégale de cette catégorie, on notera tout particuliére
ment
A. — Sources. les suivants:
Certaines sources historiques élaborées chez les Mongols aux
xvi’ et xix* siécles, dont il a été déja question, pourront éga- 1) Voyages chez les Mongols orientauc.
lement servir de sources pour le régime social des Mongols a E. Timkovskii, Puteseste’é v Kitai ceres Mongoliju v
1820 ¢
lépoque moderne ®; il y a lieu de mentionner également les M/ad- 1821 godakh (Voyage en Chine, A travers la Mongolie
en 1820 et
kal sastir et Mong kou yeou mou hi°. 1821), St Ptbg, 1824°; A. Palladius (Kafarov), Doroinyé
zaméthi
Les codes de lois et les recueils de droit coutumier des Qal- na putt po Mongolit v 1847 ¢ 1859 gg. (Notes de voyage
en
miq’et des Buryat* sont des sources particuliérement impor- Mongolie en 1847 et 1859), notes SRG, géogr. gén.,
t. XXII,
n° 1, SPbg., 18927; G. N. Potanin, Oderki Séver
4. Voir ci-dessus, p. 21.
o-Sapad-
2. Obraztsy narodnoi literatury mongol’skikh plemen, vyp. I. Narodnyé obtenu de sanction législative). Le Musée Asiatique
péesni mongolov, St Ptbg, 1880 (trés périmé). et la Bibliotheque de
PUniversité de Léningrad conservent plusieurs copies
3. G. I. Ramstedt, O bylinakh mongol’skikh, Travaux de la Sect. Troitsko- de divers recueils de
«lois » et d’« ordonnances » buryat, rédigés en langue
sav-Kiakht., div. Priamur. SRG, t. III, fase. 2-3, 1902, p. 44-53. mongole.
1. Un spécimen de cette édition rare, imprimé en caracté
4, B. Vladimirtsov, Mongolo-ciratskit gueroiceshii épos, Ped, 1923, intro- res mobiles,
se trouve au Musée Asiatique de lAS-34 dabtar.
duction. 2. [Le présent ouvrage de B. Vladimirtsoy a été édité
5. Voir ci-dessus, p. 21. en russe en 1934
~—N.d.t.J..
6. Voir ci-dessus, p. 16. 3. Parmi ces documents on signalera tout particuliéreme
7. Les lois éditées sous le signe du han qalmiq Donduq-da-si, texte oirat nt le dizrim d’un
posuin de Ordos: Térigin jasag hosigun-u batisd finong
en méme temps que traduction russe, ont été éditées par K. F. Golslunskii, hodsigun-u ditrim (la
copie en est conservée au Musée Asiatique de AS). Voir aussi
Mongolo-oiratskié zakony, p. 23-33 (texte); p. 60-72 (traduction); en ce qui Sbornik mate-
rialov po istorit Buryatii XVIII i pervoi poloviny XIX
concerne les dénommés Zenzelinskiya postanovleniya, voir F. I. Leontovié, véka, fasc. 4, sous la
rédaction et avec annotations de V. I. Guir¢enko Verkhn
Kalmytskoé pravo, C. I., Ulodenié 1822 g. (traduction russe); Golstunskii, op. eudinsk, 1926.
4, Le manuscrit de V. Viadimirtsov avait réservé un emplac
cit., p. 14-46; A. M. Pozdnéev, Kalmytskaya khrestomatiya (trois éditions; ement pour
les renvois (note de la rédact. [russe]).
St Ptbg, 1892, 1907, 1913), p. 89-93 (petit fragment du texte oirat);
voir 5. Voir par exemple Istoriéeskaya zapiska o kitaisko
t granitsé, sostavlen-
aussi N. N. Pal’mov, Etjudy po istorii privoliskikh kalmykov, Ile naia sovétntkom Troitsosavskago pograniénago pravién
p., iya Syéevskim v 1846 g-
Astrakhan, 1927, p. 94-147, Soobscaet V. N. Basnin, Lectures de la Soc. @hist.
8. Ts. Zamtsarano et A. Turunov, Obozrénié pamyatnikov pisannogo prava et d’ant. russes prés
TUniversité de Moscou, 1875, liv. 2, M., 4873.
mongol’skich plémen, Recueil des travaux... de PUniversité d@’Etat 6. Il existe des traductions européennes de cet ouvrage
d'Irkutsk, ,
1920, p. 1-43; V. A. Ryazanovskii, Mongol’skoyé pravo (preimuséestvenno par ex. en
francais,
avec annotations de J. Klaproth (Paris, 4827) et en anglais,
obyénoyé), Kharbin, 1931, p. 1-38, supplément (monument du droit coutu- par le
avec corrections,
méme orientaliste (London, 1827).
mier)— traduction russe de certains recueils; D. J. Samokvasov, Sbornik obyé- 7. Tl en existe une traduction francaise : L’Archimandr
nago prava sibirskich inorodtsev, Varsovie, 1876 ite Palladius, « Deux
; Svod stepnych sakonov koée- traversées de la Mongolie, 1847-1859. Notes de voyage
vykh inorodtsey Vostoénoi Sibiri, St Ptbg, 1844 ; traduites du russe par
Poyasnitel’nyya primééaniya les éléves du cours de russe de U’Ecole des langues
k svodu stepnykh sakonov, St Ptbg, 4844 (on orientales vivantes », Pré-
sait que ce « code » n’a pas face de M. P. Boyer, Bull. de géographie histor
ique et descriptive, 1884.
32 INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES 33
not Mongolit (Apergus sur la Mongolie du nord-ouest), St Ptbg,
1881-1883 ; Tangutsko-Tibetskaya okraina Kitaya (La marche
tangiit-thibétaine de la Chine), St Pthg, 1893; A. M. Pozdnéev, 2) Voyages chez les Oirat.
Mongolya i Mongoly (La Mongolie et les Mongols), St Ptbg,
1896-1898 ; P. K. Kozlov, Mongoliya i Kam (La Mongolie et le I. Lepekhin, Dnevnyé edpiski putesestviya... po raznym pro-
Kham), St Ptbg, 1903-1907; E. Huc, Souvenirs d’un voyage vintsiyam Rostisskago gosudarstva 1768-1769 g., I, p-, St
dans la Tartarie et le Tibet pendant les années 1844 et 1846 '; Ptbg, 1771‘; P.S. Pallas, Putesestvie po raznym provintsiyam
C. G. E. Mannerheim, A visit to the Sari and Shera Yéqurs, Rosstisskot imperii, St Ptbg 1773-17882; Posol'stvo k £jun-
Journal de la Soc. Finno-Ougr., XX VII, 1911; H. G. C. Perry- garskomu Khun-taiji Tsevan Rabtanu Kapitana ot artillerti
Ayscough and E. R. B. Otter-Barry, With the Russians in Mon- tvana Unkovskago i putevot jurnal ego ga 1822-1824 gody.
golta, London, 1914; G. D. Sanzéev, Darkhaty, etnogr. ottet o Dokumenty, izdannyé s predislsviém i primée. N. I. Vesselovs-
potsdké... v 19272? (Les Darhat, compte rendu ethnograph. kago, Actes de la S. R. G., sect. ethnog., t. X, fasc. 2, St
d’un voyage... en 1927)*. Un caractére est commun & tous ces Ptbg, 1887; N. Nephed'ev Podrodnyé svedeniya o voltskikh
travaux: les auteurs (a l’exception de Palladius, Pozdnéev, San- kalmykach, sobrannyé na mésté, St Ptbg, 1834; Bergmann,
zéev et dans une certaine mesure Huc) ne sont pas des -orienta- Nomadische Streifereien unter den Kalmuken, Bd LIV, Riga,
listes. Ils n’étaient pas complétement familiarisés avec la langue 1804-1805 °; articles de N. O. Otirov et B. Vladimirtsov sur les
mongole, etla philologie mongole leur était en général étrangére. I] Qalmiq et les Oirat de la Volga en Mongolie du nord-ouest* ;
leur arrive souvent, de ce fait, de ne pas retenir des faits impor- P. K. Kozlov, Mongolhtya « Kam.
tants, de ne pas en expliquer beaucoup d'autres et de se livrer a des
descriptions faisant double emploi avec les textes originaux. On 4. Deuxiéme édition, St Ptbg, 1795. D’autre part, les « notes » de Lepekhin
sait que dans la troisitme partie de Mongoliya i Mongoly, A.M. ont été éditées par l’Académie russe des Sciences dans la collection compleéte
des voyages scientifiques en Russie, Polnoyé Sobranie udenykh putesestvit po
Pozdnéev avait l’intention de donner des « Exposés sur Vorga- Rossii, St Ptbg, 18418-1825. Une traduction allemande des « Notes » de
nisation administrative de la Mongolie et les méthodes de gou- Lepekhin (J. Lepechin’s Tagebuch...) a paru en 1174-17 ; des extraits ont été
vernement de ce pays, en faisant ressortir la situation actuelle traduits en frangais par Frey de Landres dans son Histoire des découvertes
faites par divers savants voyageurs dans plusieurs contrées de la Russie...
des Mongols des points de vue militaire et politico-économique » °, Berne et La Haye, 1779-1787.
mais ce projet ne put ¢tre réalisé. Les données relatives A notre 2. Deuxiéme édition, St Ptbg, 1809. L’original allemand Reise durch ver-
sujet sont dispersées, sans cohésion, dans Mongoliya i Mongoly *. schiedene Provinzen des Russischen Reichs, a paru en ATTA-1776, deuxiéme
édition en 1801. Traduction francaise 4 Paris, 1793. Les « illustres » voya-
geurs du temps passé sont présentés dans Pouvrage anonyme édité a Berne
1. Sur cet ouvrage et son édition voir P. Pelliot, Le voyage de MM. Gabet en 1792, Voyages chez les peuples Kalmouks et les Tatars. Un apercu assez
et Hue & Lhasa, T’oung Pao, 1928, p. 133-478. complet des voyages chez les Qalmiq dela Volga et des ouvrages consacrés
2. Matériaux CEMTB, n° 40, L., 4930. aux Oirat se trouve dans T. I. Leontovié, Drevnii mon.-kalm. ustav vzyskanti,
3. Mongoliya i Mongoly, I, p. xxv. V. A. Ryazanovskii apporte une cita- p. 38-50.
tion de ce troisisme volume d’aprés le manuscrit mis A sa disposition par le 3. Il existe une traduction franeaise (incomplete) par M. Moris (Chatillon-
professeur G. V. Podstavin, voir V. A. Ryazanovskii, Obyénoe pravo mon- sur-Seine, 1825),
gol’skikh plemen, p. 13-46. A. M. Pozdnéey décrit « Paspect originaire de la 4. Bulletin de la Comm. russe pour l’Etude de l’Asie Centrale et Orientale,
communauté de clan mongole » par voie de déduction logique en partant du n° 9 (1909), Otéet V. Viadimirtsova 0 Komandirovké k derbétam Kobdoskago
régime social des Qalmiq actuels, mais seulement des Qalmig du x1x° siécle. okruga (p. 47-60); n° 10 (1910); N. Odirov, Poézdka k Astrakhanskim kalmy-
4. On constate qu’en général les savants mongolisants, linguistes et phi- kam (p. 61-76); sér. II, n° 4, Otéet V. Viadimirtsova 0 Komandirovké k bai-
lologues, ayant voyagé en Mongolie, n’ont laissé ni relations de voyage, ni tam (p. 100-104) ; n° 2, N. Odirov, Poézdka v Aleksandrovskii 1 Bagatsokhu,
témoignages concernant le pays et ses habitants, abstraction faite de brefs rouskit ulusy (p. 78-91); V. Vladimirtsov, Poézdka k Kobdoskim derbetam,
articles. Par contre, les voyageurs qui ont consacré des ouvrages & la Mon- Bulletin SRG, XLVI, fase. VIII-X, 1940, p. 323-335.
golie et aux Mongols, tous presque sans exception ignoraient la langue mon-
gole. Une place a part étant réservée 4 A. M. Pozdnéev et a Palladius ; @ail-
leurs, ce dernier, orientaliste éminent, paratt avoir ignoré la langue mon-
gole.
34 INTRODUCTION
SOURCES ET ETUDES 35
kov Khocho’utovskago ulusa, St Ptbg, 1852 ; colonel Kostenkov, mailo‘, Pozdnéev®. Mentionnons ensuite les livres de M. J. Bogo-
Statistidesko -khoziaistvennoyé opisanié Kalmytskoi stepi, Kalm. lépov®, G. D. Tal’ko-Grintsevié ‘, J. van Oost®; J. Maiskii®, A.
step’, Astrakh. goub., po izsléd. Kumo-Manyé. eksped., III, St P. Bennigsen’, G. Y. KuSelev *, A. P. Boloban ‘’, L’Ordos *°. Dans
Ptbg, 1868; C. Kostenkov, Istorideskee i statistideskie svedéniya ces ceuvres on trouvera des renseignements sur I’6conomie mon-
o Kalmykach, St Ptbg, 1870; baron von Bihler, Kocujudsieé ¢ gole et un apercu « général » de la situation en diverses régions.
osedlo givuscié v Astrakhanskot gubernit inorodtsy, Otet. On citera encore le recueil de la mission commerciale de Mos-
zap., St Ptbg, 1846, t. XLVII, p. 4-44 (’un des meilleurs cou" et les ouvrages de « référence » de M. Batorskii”, A. Bara-
ouvrages sur les Oirat dela Volga); J. A. Zitetskii Oderki byta nov, T. Busse *.
Astrakhanskich Kalmykov, M., 1893 (Izvéstiya Obsé. tjubit. La plupart des ouvrages que nous avons cités en qualité
estestvoz., antropol. i etnogr., Travaux de la section ethnogr., d’études auxiliaires * présentent un caractére commun, déja sou-
t. XIII, fasc. 1). Cet ouvrage compte parmi les descriptions les ligné: presque tous les auteurs ayant consacré des ouvrages & la
plus détaillées des mcoeurs qalmiq, mais du point de vue socio- Mongolie et aux Mongols ignoraient la langue mongole, n’étaient
logique il est tout a fait insuffisant; le régime du clan y est par-
ticuligrement mal analysé. J. P. Dubrova, Byt Kalmykov Sta-
vropol'skot gub. dovzdaniya zakona 15 marta 1892. Bulletin de 4. Op. cit., voir aussi le t. I] du méme ouvrage.
2. Pis’mo prof. A. M. Pozdnéeva k baronu T. P. Osten-Sakenu a samééa-
la Soc. arch. hist. et ethnogr. prés Université de Kazan, t. XV, niyami na « Dnevntk o. Palladiya po Mongolit, Vedennyi » 1847 g. », Bulletin
1899, p. 1-239; Materialy stat.-ehonomiceskago 7 estestvenno SRG, géographie générale, t. XXII, n° 4, St Ptbg, 1842, p. 114-228; Oderki
estoriceskago obslédovaniya kalmytskoi
stept Astrakhanskoi gub., byia buddtisskikh monastyrei i budditiskago dukhovenstva v Mongolit v svyazi
$ otnogeniyami sego poslédnyago k narodu, Bulletin SRG, section ethnogr.,
L-II p., Astrakhan, 1910; N. Otirov, Astrakhanskié halmyki 1 t. XVI, St Ptbg, 1887; Narodnyé pésni mongol, échantillons de littérature
tkh sovremennoyé ekonomiteskoyé sostoyaniée, opissanié halmy- populaire des tribus mongoles, St Ptbg, 1880.
tskot stepe, Pgd, 1915 (deuxiéme édition: Astrakhan, 1925); 3. Bogolepov et Sobolev, prof. de ?Univers. de Tomsk, Oéerki russko-mon-
gol’skoi torgovli, expeditsiya v Mongoliju 1910 g., Travaux de la société
J. V. Bentkovskii, Z7lisda ¢ pista kalmykov Bol’ederbetskago d’études sibériennes de Tomsk, t. I, Tomsk, 1944. Le meilleur des ouvrages
ulusa, Recueil statistique de la province de Stavropol’, 1868, concernant l’économie mongole.
fasc. 1; A. A. Ivanovskii, Antropolguideshit oderk torgo’u- 4. Materialy k antropologuii ¢ etnografii Tsentral’not Asti, fasc. I, Bulletin
de l’Académie des Sciences, section des sciences phys. math., t. XXXVI,
tov Tarbagataiskoi o6l., Kitaiskoit mperii, Mongoly-torgo’uty, n° 2, L., 1926.
Bulletin de la Soc. des amat. de sc. natur., anthropol. et ethnogr., 5. Notes sur le T’oemet, Variétés sinologiques, n° 53, Chang-Hai, 1922.
t. LXXI, Travaux de la section d’anthrop., t. XIII, M., 1893; 6. Sovremennaya Mongoliya, Irkoutsk, 1924.
7. Néskol’ko dannykh o sovremennoi Mongolii, St Ptbg, 1942.
G. E. Grumm-Griimailo, Zapadnaya Mongoliya « Uriankhais- 8. Mongoliya i Mongol’skié voprosy, St Ptbg, 1912
kit Krai, t. Wl, fasc. 1, L., 1926; fase. 2 L., 1930; N.N. 9. Mongoliya v ee sovremennom torgovo-ekonomiceskom otnosenii, Rapport
Pal’mov, Oderk istorit Kalmytskago naroda za vremya ego de PAgent du Ministére du commerce et de Vind., années 1912-1913, Pgd,
1914.
prebyvaniya v predélakh Rossti, Astrakhan, 1922; N. N. 10. Natsional’no osvoboditel’noyé dvizenié vo vnutrennet Mongolii, dans le
Pal’mov, Etjudy po istorit privolzskikh kalmykov, 1 part., journal Revolutsionnyi Vostok, n° 2, 1927, p. 48-64.
xvu° et xvii siécles, Astrakhan, 1926; IIe part., xvin® siécle, 11. Moskovskaya torgovaya ekspeditstya v Mongoliju, M., 1912.
12. Opyt voenno-statistideskago oderka Mongolii, St Ptbg, 1884, Rec. des
Astrakhan, 1927; III* et IV¢ part., Astrakhan, 1929. mat. géogr. topogr. et statist. sur lAsie, édit. Com. mil. scient. du Grand
On trouve encore moins de données sur les « Mongols orien- Etat Major, fasc. 37.
taux », dans le cadre de notre sujet, chez les auteurs occiden- 13. Slovar’ mongol'skikh terminov (A-N); Materialy po Mandéurit i Mon-
golit, fasc. XI, Kharbin, 1907 ; (0-b), id., fasc. XXXVI, Kharbin, 1941.
taux ; elles sont encore plus fragmentaires et plus dispersées. On 14. Spisok slov bytovogo znaéeniya nékotorykh koéevykh narodov Sibiri.
citera les ouvrages connus de Hyacinthe Bi¢urin ‘, Grumm-Grii- 43. ll a été fait abstraction de nombreux ouvrages du fait qu’ils repro-
duisent les données des travaux antérieurs, soit encore parce que leur docu-
mentation est douteuse. I] n’est pas fait mention, bien entendu, des simples
4. Zapiskt o Mongolit, t. I-II, St Pibg, 1828 (trad. allemande par C. F. von descriptions de voyage ou des apercus généraux qui apportent de trop rares
d. Borg. Berlin, 1832). matériaux 4 notre thése.
38 . INTRODUCTION
4. Les travaux consacrés aux Buryat par M. N. Khangalov, M. N. Bog- In omni Gallia eorum hominum qui
aliquo sunt numero atque honore,
danov, B. E. Petri sont 4 retenir, bien que ces auteurs n’aient pas été des genera sunt duo; nam plebs poene
orientalistes ; mais par contre M. N. Bogdanov, et surtout M. N. Khangalov, servorum habetur loco... Nulli adhi-
connaissaient bien leur parler natal. N. N. Pal/mov développe ses Etudes betur consilio.
dans un cadre nettement circonscrit, en basant ses recherches essentielle-
4 Cazsan, De bello gallico, VI, 13.
ment sur les piéces d’archives. « L’Ordos » posséde complétement la langue
mongole, semble-t-il. On remarquera aussi que la plupart des sinologues Haraéu irgin 4jin-iigdi yakin ya-
russes se sont plus ou moins étendus sur la question mongole également, umui.
SANANG-SAGAN,
tels: A. L. Leont’ev, Hyacinthe Biturin, S. V. Lipovtsov, V. P. Vasil‘ev,
Palladius Kafarov, P. 8. Popov, V. M. Uspenskii,E. V. Bretschneider, D. D
Pokotilov, A. O. Ivanovskii — presque tous sinologues des xvui* et x1x
siécles. Au xx* siécle, au contraire, l’attention des sinologues russes sera 1. — LYECONOMIE DES ANCIENS MONGOLS.
presque exclusivement absorbée par la Chine.
LA FORET ET LA STEPPE
« petit-grisiers », chasseurs de petit-gris'. Judi, fils de Cinggis- vivent sans souci, depuis des siécles, se suffisant 4 eux-mémes »,
han, regoit des zibelines noires aprés la soumission des peuples et demande‘: « Pourquoi le sort-providence*® ayant créé le
forestiers*. L’Histotre Secréte raconte*® qu’un marchand musul- monde, a-t-il voulu que des hommes fassent paitre vaches et
man de |’Asie Centrale, nommé Asan, convoyait mille moutons chevaux dans ces régions? »
chatrés et un chameau blanc le long de l’Argiina‘ « pour les L’élevage et la chasse constituaient. les occupations essentielles
échanger contre des zibelines et des petit-gris ». des Mongols-nomades des xi*-xmi°® siécles. Ils étaient, en effet,
Il est difficile de préciser dans quelle mesure les forestiers se simultanément pasteurs nomades et chasseurs. L’élevage repré-
trouvaient attirés dans |’orbite de l’activité commerciale centra- sentait toutefois la base de leur activité économique.
lisée, aux xu* et xur® siécles, entre les mains des commercants Les Mongols nomades possédaient bétes & cornes, brebis,
ouighour et « musulmans ». Quoi qu'il en soit, la route commer- chévres et chevaux. Peu de chameaux, tout au moins chez les
ciale de la farine, importée & dos de chameau « d’au dela les Mongols de Ia Tu'ula, du Karlin et de ’Onon. Les chameaux
montagnes du septentrion » *, traversait les territoires des peuples se rencontreront plus souvent aprés la campagne de Cinggis-han
forestiers. Les Markit consommaient de la farine®, probablement contre le Tanggut*. Comme tous les transhumants, au cours de
venue de loin; or ils étaient au nombre des tribus mongoles tous les siécles, les Mongols-nomades se déplacent plusieurs fois
fixées sur le cours de la Selenga, a la limite des peuplades fores- par an, & la recherche de bons paturages‘. La longueur des tra-
tiéres, auxquelles ils se trouvaient en partie rattachés. jets dépendait des régions et de limportance des troupeaux. Ils
Les textes nous documentent beaucoup plus abondamment ne constituaient aucune réserve de foin pour l’hiver, mais cal-
sur l’économie des nomades mongols de la steppe: les tribus culaient leurs étapes de maniére 4 disposer en cette saison de
nomades étaient plus nombreuses et leur réle historique infini- pacages convenables, ou l’herbe, séchée sur pied, procurerait au
ment plus important. Cinggis-han est le chef des « lignées habi- bétail une pature facile. Transhumances et stations dépendaient
tant les charrettes de feutre ». aussi de la composition du troupeau: brebis et chevaux n’avaient
Les Mongols estimaient, raconte Rasid ud-Din’, qui le tient de pas les mémes exigences. Jamuga disaita Cinggis-han* au cours
leur bouche, qu’aucune vie ne pouvait étre plus belle et aucune d’une transhumance estivale: « Si nous nous arrétons au pied
félicité plus grande que celles des hommes des bois. En ce qui de la montagne, les gardiens des chevaux se procureront des
concerne les nomades mongols, Tch’ang-tch’ouen, lettré chinois yourtes ; si (nous nous arrétons) prés du torrent, les pasteurs
distingué, résumait autrement, — sous la forme versifiée en des brebis et des agneaux trouveront des provisions de bouche. »
usage au Gobi, — leur genre de vie*: « Aucun arbre ne pousse Plus le troupeau est important, plus les transhumances et les
sur leur sol, rien que l’herbe sauvage ; le ciel a fait naitre ici des étapes sont fréquentes.
tertres, non de hautes montagnes; le blé ne vient pas; ils se Nos sources font ressortir deux aspects du nomadisme chez
nourrissent de lait; ils sont vétus de fourrures, habitent des les Mongols des xi‘, xu siécles. D’une part, transhumances et vie
yourtes en feutre, et sont gais néanmoins. » IJ écrit encore *: « Ils en commun dagglomérations plus ou moins importantes’.
D’autre part, au contraire, familles séparées se déplagant isolé-
ment ou par groupes peu nombreux’; on peut l’observer encore
4. R. ud-D., I, 88; cf. Koz’min, Khozyaistvo i narodnost! (proizvods-
tvennyt faktor v etnideskikh protsesakh), p. 2
2. H. S., 134-432.
3. H. S., 95. D’autres textes font également mention du musulman Asan, 4. tbid.
voir Barthold, Turkestan, p. 446. 2. Yoir les commentaires de Palladius, p. 404 (243°).
. Le fleuve Argun, H. S., 196 [dans i’édition russe : « Ergiine »]. 3. H. S., 2-440-444 ; R. ud-D., III, 7.
- Tch’ang-tch‘ouen, 291-292; cf. Barthold, Turkestan..., p. 424. 4. R. ud-D., I, 2-3, passim. ; Rubruck, 69-71 ; Marco Polo, 87-88; Tch’ang-
H. S., 76. tch/ouen, 286 ; Tchang Té-houei, 486.
I, 90. 5. H. S., 59.
. Teh/ang-tch’ouen, 285; cf. Tchang Té-houei, 582. 6. H. S., 24, 37, 43, 46, 50, 587-60, 120 ; R. ud-D.. II, 94, 94-95 ; I, 359.
. Teh‘ang-tch’ouen, 269. 7. H. S., 4, 45, 64; R. ud-D., Il, 92: Rubruck, 70-71, 82.
AL ' L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS- LECONOMIE DES ANCIENS MONGOLS. LA FORET ET LA STEPPE 45
de nos jours, par exemple chez les Mongols Halha ou Kobdo, régime nomade en général. Pour un riche nomade possédant des
chez lesquels il est rare de rencontrer plus de deux ou trois bestiaux, notamment des chevaux, les agglomérations nombreuses
yourtes-ayil réunis en un méme lieu.
ree)
constituent une géne. Les soins 4 donner & ses troupeaux, ou A
Au cours de leurs transhumances, les grandes agglomérations ses trains de chevaux, lui imposent une existence libre, en aytl
ote
formaient une seule caravane et stationnaient en groupe com- indépendant; c’est 14 ce qu’on observe de nos jours chez les
pact’.
Oirat-Qalmiq de la Volga. Tandis que les nomades pauvres, ou
Plusieurs centaines de yourtes se trouvaient parfois groupées
jouissant d’une aisance moyenne, transhument collectivement,
dans ces camps’. Un camp, Aiiriyin ~ gériyan en mongol, se
par foton (voir p. 220), la transhumance indépendante, par
trouvait constitué par la réunion d’un certain nombre de feux
ayzl, est imposée aux plus fortunés, mais les déplacements sous
nomades, ayz/, qui eux-mémes se divisaient en yourtes particu-
cette derniére forme, c’est-a-direen groupes isolés et peu nom-
liéres et en charrettes-coches. D’aprés Ragid ud-Din*, un hiiriyén
breux ne sont concevables qu’a la faveur d’une sécurité générale
se trouve constitué par une multitude de coches disposés en
assurée. Ils deviennent impraticables en période d’invasion, de
cercle, « en anneau ». Il explique* que « kuriydn » signifie
dévastation ou de guerre‘. En fait, le probléme se trouva résolu
anneau. Dans les temps anciens, quand une tribu faisait halte et -
par le fractionnement des grands Atéircydn en un certain nombre
se disposait en cercle, le chef se trouvant au milieu, comme un de plus petits: les propriétaires vivaient et transhumaient en
point au centre d’une circonférence, cette formation prenait nom
ktiriydn, tandis que leurs troupeaux, notamment les trains de
de ktiriyén. Aujourd’hui, le méme ordre est observé en présence
chevaux, étaient constitués en ayz/.
des troupes ennemies, afin qu’un étranger et un ennemi ne puisse
La conjonction de ces deux formules représentait sans doute,
pénétrer a l’intérieur de l’enceinte *. Tch’ang-tch’ouen a égale-
pour un Mongol du x1’, xn* siécles, le mode économique idéal®.
ment observé des entassements de plusieurs milliers de yourtes°
Les témoignages de Rasid ud-Din et des voyageurs du x1 siécle
et de charrettes dans les camps d’un prince et des épouses du han.
permettent de conclure que le Aiiriydn disparait avec l’'avénemeut
Ainsi, les anciens Mongols se déplacaient par ayzl’ ou par
de empire gengiskhanide.
kiriyan*. Parfois, il était plus commode pour certains de trans-
Une importance capitale était attribuée aux chevaux, dont les
humer par ay7/, isolément. Dans d’autres cas, il pouvait devenir
trains constituaient la richesse essentielle des anciens Mongols :
trés dangereux d’étre exclu des grands quartiers, hiiriyan?.
sans cheval I’économie nomade devenait impraticable *. Il servait
On se heurte ici 4 une des contradictions fondamentales du aux déplacements, a la guerre, aux battues ; les Mongols se nour-
rissaient de sa chair, du lait de jument, ils utilisaient aussi sa
1. H. S., 57, 38-60, 37, 120; R. ud-D., II, 94-98. peau et son poil. Rien ne se perdait, de méme que chez les
2. R. ud-D., II, 13.
3. Ibid. ; kitriyan ow gitriyen < anc. kiirigén. Le terme russe kuren’, nomades actuels. « Quand le Mongol est séparé de son cheval,
par
lequel on désigne les villages cosaques, provient du mongol kiirtyan. que peut-il faire ? », disaient les poursuivants du « Mongol »
4. R. ud-D., I, 94. Qutul-qa’an, traqué dans un marécage‘. « Comment pourra se
5. Au cours de la premiére révolution mongole de 1944-4912, les camps
la milice mongole adoptaient cette méme disposition.
de relever et se battre celui qui tombe de cheval ?, demande Cinggis-
6. « Charrettes noires et yourtes de feutre étaient disposées cdte a
cdte au
nombre de plusieurs milliers », Tch’ang-teb‘ouen, 287-294 ; voir la descrip-
tion qu’en donne Rubruck, 69-71, 82.
4. Voir Skazanié o Cinguiskhané, 453; R. ud-D., II, 46; P. Hyacinthe.
7. Le texte suivant de l’Histoire Secréte permet d’expliquer ce terme :
« Témifin-i...
4-5; H. S., 40-44, 43, 49-52,
abéu adéu, ulus irgan-diir-tyén fasaglaju ayil-tur 2. H. S., 45-47, 64; Skazanié o Cinquizkhané, 183; cf. R. ud-D., II, 92-93
nigén
hono’ulun... » qui veut dire : « S’étant emparé de Tamiijin (Targuta
i Kiril- Cf. V. Radlofl, K. voprosu ob uigurakh, St Pigh, 1893, p. 68-69.
tuq) ordonna 4 son peuple, qui lui était soumis, de le laisser
coucher une 3. Cf. par ex. : R. ud-D., If, 403, 44-45 ; H. S., 43-47,
fois dans chaque ayil, feu nomade » ; ef. traduction de Palladius
, H. S., 44. 4. 8. ud-D.-D., II, 43. Les Mongols montaient presque exclusivement des
8. Cf. expression de H. S.: nikan giriyén irgén, « un seul camp popu- hongres, comme de nos jours encore. Hongre en mongol : ahta = aqta, dont
laire ». . les dérivés ahtadi =-agtadi servaient a désigner
9. H. S., 37-38. les « écuyers » et « grands
écuyers » chargés du dressage des coursiers.
46 - -L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS L’ECONOMIE DES ANCIENS MONGOLS. LA FORAT ET LA STEPPE 47
han *. Et méme s’il se reléve, un piéton peut-il attaquer un cava- vaches ‘. Comme partout ailleurs, les moutons fournissaient
lier et sortir vainqueur du combat? » :
viande, peau et laine*. Et, comme de nos jours, on préparait
Les chevaux sollicitent particuligrement attention; ils per- la
viande tout a la fin de ’automne ou au début de Vhiver, les
mettent d’apprécier la condition d’une milice, d’une lignée*. Les moutons
se trouvant bien en chair; les animaux étaient lués, nettoyé
princes mongols qui ne voulaient pas se rendre aux réunions ou s,
puis frigorifiés*. Aucune donnée ne précise les quantités exactes
répondre a Vappel de l’empereur, invoquaient toujours comme de cheptel dont disposaient les Mongols a cette époque, notamment
prétexte, la maigreur de leurs chevaux les empéchant de prendre en ce qui concerne les brebis. Nous avons déja cité ‘le seul chiffre
la route *. avancé par nos sources; il a d’ailleurs un sens particulier, puisqu’il
L’Histoire Secréte relate* qu’a Vorigine de la brouille avec le concerne un marchand étranger convoyant un petit nombre
Wang-han kirait, Cinggis-han, au cours d’une tentative de de
moutons « chatrés », mille tétes, ainsi qu’un chameau blanc
pourparlers, lui envoya deux messagers qui transmirent les ®.
Les chameaux ne pouvaient servir aux populations habitant le
paroles suivantes: « Nous nous sommes arrétés sur les rives cours supérieur de !’Onon, du Kariilin et de la Tu’ula [Tola] —
orientales de la riviére Tiingali, ’herbe y est grasse et les che- principales régions ot transhumait Cinggis-han dans sa jeunesse ;
vaux bien en chair. » L’Histoire Secréte est remplie de récits régions montagneuses, boisées et couvertes de marécages *.
concernant les chevaux et les manades*. Mais a Yorigine, les L’Histotre Secréte ne mentionne, en effet, les chameaux que
Mongols, ou tout au moins les tribus parmi lesquelles naquit lorsqu’il est question des nomades de la steppe’. Les Mongols
Tamiijin-Cinggis-han, ont sans doute disposé d’un petit nombre s’en servaient comme bétes de charge et aussi de trait.
de chevaux. Ainsi Yasiigii-ba’atur, pere de Cinggis-han, La chair des animaux, bouillie et méme rétie ®, servait a lali-
voulant marier son fils ainé, l’emmena avec lui chez le futur mentation °. Comme chez tous les nomades, un des principaux
beau-pére, auquel il offrit, au moment des accordailles, « un aliments de base était constitué par les produits laitiers, nos
cheval de haras » *. Au temps de leur jeunesse, aprés avoir sources en parlent souvent et Rubruck les décrit en détail "'. La
traversé diverses épreuves, Tamiijin et ses fréres ne possédaient traite était pratiquée aussi bien par les femmes que par les
que huit hongres, et un cheval entier réservé & la chasse aux hommes *. Mais I’économie domestique nomade ne pouvait satis-
marmottes’. Quand par la suite les Markit attaquérent le camp
de Cinggis-Tamiijin, il appardt qu’il ne disposait que d’un seul
4. Ibid. ; Rubruck, 69.
cheval de haras et qu’il ne restait pas de monture pour son 2. H. S., 50.
épouse Borta®. 3. H. S., 26. En mongol: kéngéilémal qonin [L’édition russe mentionne
:
Les bétes a cornes étaient également atfectées aux transports : « Julma bonin », « Julma » est une simple erreur de transcription.
— P. P.].
4. Voir ci-dessus, p. 35.
les charrettes-coches étaient attelées avec des boeufs et des 5. H.S., 95.
6. Voir Actes SGR, VIII, p. 148; Sévernaya Mongoliya, Il, Pgd,
1997, éd.
4. R.ud-D., I, 474. Il est question des chevaux dans les Sentences de AS, p. 37-38 ; M. A. Usov, Orografiya i gueologuiya Kenteyskago
khrebta v
inggis-ban, voir R. ud-D., III, 122-123, mongolii, éd. Comm. Géolog., 1945, t. 34, n° 8; I. A. Moltanov,
Materialy k
2. H. S., 103-104 ; cf. le témoignage de Tchao Hong, voir Vasil’ev, Istoriya voprosu o drevnem oledenenii S-V Mongolit, Bulletin SGR, t. LIV, fase. 4,
i drevnosti vostodnot casti Srednei 1919, p. 66-100.
Asii, p. 225-226. On citera ici son appré-
ciation: « Certains tatars sont trés pauvres, 1. Pages 92, 140-144. Le texte mongol de 1’'H. S. mentionne les
grossiers et propres a rien chameaux
d’autre, sinon a caracoler sur un cheval dans la suite d’autrui » (ébid, lorsqu’il est question de la tribu Qonggirat, habitant les régions
p. 247), steppiques
le long du Karalan (voir H. S., 47-48, cf. D’Ohsson, I, 9; gasaq
Marco Polo, 90-94. tdrgdn-tir
3. Voir par ex., D’Ohsson, H, 364. uno'ulju, qara bu'ura kélgdji: ... juché sur la charrette et
ayant altelé un
4. Page 91; cf. Skazanié o Cinguiskhané, p. 170; R. ud-D., chameau noir.entier... ».
Il, 138. 8. H. S., 23. Les Mongols consomment aujourd’hui la viande,
5. Pages 23, 27, 44, 45-47, 49, 30, 64, 104, 103, 104, etc.; cf. presque
R. ud-D., exclusivement bouillie.
IT, 44-45, ete.
6. H. S., 36. 9. Rubruck, 72.
1. H. S., 45. 40. Voir p. ex., H. S., 43, 68, 74; Tch’‘ang-tch‘ouen, 288-291,
8. H.S., 50. 11. Pages 72-75.
42. Rubruck, 78, H. S., 43,
48 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS >
L ECONOMIE DES ANCIENS MONGOLS. LA FORET ET LA STEPPE 49
faire les besoins vitaux des Mongols aux x1*-x1° siécles : la pro- rais traqué et dirigé le gibier vers la montagne, afin qu’il vous
duction alimentaire était insuffisante. L’appoint était fourni par la soit plus facile de l’abattre! »
chasse, en partie par la péche‘ et dans certains cas critiques, par Parfois, différentes tribus et lignées prenaient part a des battues
des tubercules. Tout ceci confirme, une fois de plus, qu’avant la monstres'. Cinggis-han et le Kiriit Wang-han conviennent:
naissance de l’empire gengiskhanide les Mongols de |’Onon, du « Dans les guerres nous lutterons ensemble contre nos ennemis;
Kiériilin et de la Tu’ula possédaient peu de bétail. dans les battues nous poursuivrons ensemble le gibier® ».
« La plus grande part de leurs vivres vient de chasse », écrit Par la suite, les battues recevront une organisation réguliére
Rubruck’. On poursuit le gros gibier et aussi les rongeurs, soit de trés grande envergure °.
individuellement, soit collectivement sous forme de batitues. La Souvent aussi les textes parlent de tel ou tel personnage se
chasse au faucon est aussi trés appréciée. La chasse est en géné- rendant 4 la chasse seul, isolément*. La chasse est glorifiée, on
ral considérée comme un plaisir raffiné. Les battues accom- la considére comme un adjuvant supérieur de la vie*. Les fau-
pagnent presque toujours, campagnes, guerres, incursions ; elles cons de vénerie sont trés cotés®. Les textes parlent, simulta-
assurent la subsistance de l’armée et jouent, en quelque sorte, le nément, de la misérable chasse aux rongeurs qui s'impose pour
rélede grandes manceuvres préliminaires. Nos sources mentionnent ne pas mourir de faim: « (Tamiijin) pourvoyait & sa subsistance
souvent les battues et les décrivent assez minutieusement; néan- en tuant marmottes (gerboises) et rats des champs’ ».
moins nous ne pouvons encore nous les représenter et les reconsti- Tout ceci nous montre [ancien Mongol sous l’aspect non
tuer dans tous leurs détails. « Wang-han..., occupé par une battue d’un simple transhumant, mais d’un nomade-chasseur. Les
est retourné dans la Forét Noire, prés de la riviére Tu'ula »‘; nomades-chasseurs se distinguent des chasseurs forestiers, par la
« Pendant la battue, Cinggis tempérait Quildar... mais celui-ci possession notamment des troupeaux de moutons, dont le souci
n’obéit pas, Et quand il langa son cheval 4 la poursuite des bétes paraissait insupportable 4 un véritable chasseur ®.
sauvages, sa blessure se rouvrit... »°. Nos textes sont remplis Des différences importantes se manifestent, d’autre part, dans
de remarques analogues. Des appréciations plus rares font res- les habitations. Les nomades-chasseurs habitent des « charrettes
sortir, dans une certaine mesure, la signification particuliére des de feutre », c’est-a-dire des yourtes, recouvertes d’une sorte de
battues dans la vie sociale des Mongols au xu® siécle. Ainsi, les feutre mince [en russe: kosma], assez facilement démontables;
grands ayant élu pour chef Tamijin, prétent serment et déclarent on ne pouvait évidemment rencontrer de tels abris chez les
notamment: « Dans les battues nous marcherons en avant des forestiers, qui ne possédaient pas de moutons. Il n’est pas sans
autres, et le gibier que nous aurons pris, nous te le rendrons® ». intérét de constater que les épopées mongoles, par exemple les
D’aprés un autre texte’, Cinggis paraphrase ces mémes paroles: chants épiques des Oirat du nord-ouest de la Mongolie décrivent
« Si ?on m/avait ordonné de suivre les chefs a la chasse, j’au- la yourte du héros soutenue par une armature faite non avec du
bois, mais avec des os de bétes sauvages, et recouverte non avec
4. R. ud-D., I, 462; Tch’ang-tch’ouen, 287 ; H.S., 38, 85. du feutre, mais avec des peaux de bétes °.
2. Page 76. [« So it is that they procure a large part of their food by the
chase » (William Woodville Rockhill, The journey of William of Rubruck to 4. R. ud-D., I, 96-91; Skazanié o Cinguiskhanéd, 184-138.
the Eastern Parts of the World, 1253-1255, as narrated by himself..., The 2. H. S., 83.
Hakluyt Society, second series, n° IV, London, 1900, p. 70). — N. d. t.]. 3. Marco Polo, 136-444 : H. S., 129-430 ; Barthold, Turkestan..., 445.
3. Voir notamment d’Ohsson, I, p. 404-406; Quatremére, p. 165; Marco 4. Voir par ex., R. ud-D., I, 440-441; H. S., 33.
Polo, 135. 5. W. Kotwiez, Iz po’udenii Cinguis-khana, in Vostok, 1993, liv. 3, p. 94-
4. H.S., 57. 97; D’Ohsson, I. p. 404-406.
5. H. S. ll est aussi relaté qu’aprés sa collusion avec Wang-han, Cinggis 6. Voir par ex., H. S., 434-432.
suivait avec son armée le cours de la Halha et les battues assuraient le ravi- 1. H. S., 45 ; B. Vladimirtsov d’aprés le texte« mongol ». Le contraire des
taillement, H. S., 90; cf. H. S., 444; R. ud-D., If, 423; Barthold, Turkes- chasses grandioses que montera l’empereur Ogadai, fils de Cinggis-han,
tan..., 445. décrites par Rasid ud-Din et Juwaini, voir d’Ohsson, II, 85.
6. H. S., 62. — 8. R. ud-D., I, 90.
1. Skazanié o Cinguiskhané, 173; ef. R. ud-D., Il, 439. 9. Mongolo-ciratshti gueroideskii épos.
- 3
L’ ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS L ECONOMIE DES ANCIENS MONGOLS. LA FORET ET LA sTEPPE 54
50
la yourte mongole
Rubruck! donne une bonne description de et aux pays plats. Cinggis-han faisait dire a Wang-han': « Nous
doute, qu’au cours des
du xi’ siécle, d'un méme modeéle, sans sommes avec toi comme deux brancards d’un coche, quand l’un
les yourtes mongoles
deux siécles précédents. On constate que d’eux est brisé, un boeuf ne pourrait tirer la charrette; nous
dont les voyageurs
actuelles se distinguent quelque peu de celles sommes avec toi comme les deux roues d’un char, si Yune Welles
manque le « goulet »
européens ont laissé la description: i] leur se brise, on ne pourra l’ébranler. »
®. L’évolution d'une
caractéristique, rappelant le tuyau de poéle _Lusage des charrettes-coches chez les Mongols des xi°-xn°
des présente par
habitation aussi primitive que la yourte des noma siécles provenait de la nécessité des déplacements rapides. Elles
du chasseur forestier,
conséquent les étapes suivantes: hutte étaient plus pratiques que les bétes de somme dés qu’il £9) issait
e de feutre avec
ourte recouverte avec des peaux de bétes, yourt de fuir au plus vite l’ennemi au cours d’une incursion, de razzias
e (sans goulet).
« goulet », enfin la yourte contemporain ou de guerres, qui se succédaient continuellement. i était beau-
aussi des chariots
Les anciens Mongols-nomades utilisaient coup plus rapide d’atteler un boeuf a un coche et d’y loger ses
nts actuels. Rubruck
qui ne sont plus en usage chez leurs descenda hardes, que de charger les chameaux ou d’autres bétes de somme ;
chariots mongols *,
donne une description assez détaillée de ces cela impliquait moins d’efforts et de main-d’euvre. Un cam de
nt mention *.
dont nos principales sources fontassez souve charrettes transportant les yourtes présentait une grande mobilité
Mongols connais-
L’Histoire Secréte nous fait savoir que les Plus tard, au xu’ siécle, usage des coches se trouvera main-
Carpin® et Rubruck?
saient deux types de chariots*, que Plan tenu par la pratique des expéditions lointaines, des grandes
ne sont d’ailleurs pas
distinguent également ; leurs classifications transhumances imposées par l’importance des troupeaux, et en
seulement au trans-
concordantes*®. Les charrettes servaient non général par l’expansion de la vie nomade a I’époque de Vem ire
yourtes, qui ne se
port des charges, mais aussi a celui des universel des Mongols. Gomme onl’a déja observé, les charrettes.
représentaient un
démontaient plus. A cette époque, les chars coches apparaissent méme chez les peuplades forestiéres’.
on s’en servait méme
des aspects coutumiers de la vie mongole ; Les auteurs européens avancent souvent que le nomade erre
difficiles que les pays
dans des régions aussi peu accessibles et librement a travers les steppes immenses, se dirigeant arbitraire-
e des énormes char-
d’amont de l’Onon et du Kariilan. Mais usag ment et faisant halte au gré de ses désirs. En réalité il n’en est rien
réservé aux steppes
rettes supportant de grandes yourtes® était et Rubruck observe trés justement* que chez les Mongols, cha ue
chef (capztaneus) « selon qu'il a plus ou moins homies sous ses
4. Page 69 ; Plan Carpin, 6-7. ordres, sait les bornes de ses paturages, et ot il doit s’arréter selon
yourtes-tabernacles afin horé,
9. Il est intéressant de souligner que les s, sont entiérement diffé-
les saisons de l’année, hiver et été, printemps ou automne ».
n, dans Ordo
contenant les reliques de Cinggis-ha ins. Elles présentent,
les des Mongo ls conte mpora
rentes des yourtes usuel descr iption de Rubruck ; i H S., 94; ef. H. S., 412:
lant la
dans le haut, plusieurs « goulets » rappe Pominki po Cinguiskhané, . Tous les Mongols ont aujourd’hui abandonné Vusa i
G. Potanine,
voir le dessin illustrant Particle de coches. Les véhicules modernes utilisés par certaines tribus mona nat ate
in Bulletin SRG, XXI, p. 303-316. emprunteés 4 des peuples sédentaires limitrophes: chinois, russes, tures d
3. Pages 69-74 ; Plan Carpin, 7. Skaza-
4h. H. S,, 24, 33, 43, 50, 94; Tch’ang-tch’ouen, 986-287, 288, 291; Turkestan oriental. Toutefois les Mongols ont conservé le souvenir de le ‘
Kirak os, 73, 88; Tcha ng Té- anciens chariots. Tous connaissent qasaq tdrgiin; il existe des roverbes
nie o Cinguiskhané, 156, 172; Hyacinthe, 4;
dans le genre de : tdrgar tila kictji bolduga (voir W. Kotwicz alm tskié
houei, 582.
qara'utai (ou qara'utu) targan. zagadki t poslovitsy, p. 98), qui veut dire: «on ne rattrape pas un Tiévre
8. Certains véhicules portaient le nom de dénomination qui désigne
a conse rvé cette derni ére ave une crorrette peas » Ot N. Poppe, Dagurskoyé naréc’e, docu-
La langue mongole e sous le nom de arba). Les ; . 6, > p- . Le mot targa shi
connu en Russi
aujourd’hui un chariot (du type élfigadtat cest-a-dire :
targan, rattache étymologiquement aux mots turcs a ter whnin, ter ae acide,
chariots qara’utai tdrgan s’appelaient aussi
» (H. S., texte « mongol »). prompt. Cf. B. Viadimirtsov, Sravnitel/naya grammatika mon vol’ska pis.
« chariot avec avant-train pour s’asseoir me i khalkhaskago narédiya, p. 364, R. ud-D., II, “34 ope
6. Page 7. - P. 69, [«... and every captain, according as : .
7. Pages 69-71.
uck laisse subsister quelques under him, knows the limits of his vaslure lands: and whos to ere fe in
8. La description assez détaillée de Rubr 4.p. 263-26 winter and summer, spring and autumn » (Rockhill, The Journe Will m
obcurités, cf. P. Pelliot in Tioung Pao, 1923-26, vol. XXIV,
of Rubruck, London, 1900, p. 53). — N. d. t.]. v of Welham
9. Dont parle Rubruck.
L ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS - L ECONOMIE DES ANCIENS MONGOLS. LA FORET ET LA STEPPE 53
52
Il est probable qu’aux x1°-xu° siécles, les nomades transhu- dans l’orbite du commerce international, dans une mesure, il est
maient de la méme maniére, d’aprés des itinéraires détermi
nés et vrai, trés faible. Ils manquaient en effet de certains produits de
dans des régions délimitées‘. Il leur appartenait aussi de choisir premiére nécessité, farine, armes*, et aussi de divers « produits
les emplacements pour la chasse, notamment pour les battues. de luxe », surtout de tissus ’, ils étaient habituellement vétus de
La production trés restreinte des Mongols se limitait aux peaux et de fourrures °.
objets indispensables & l'économie primitive des nomades’. Ils Nos textes parlent fort peu des échanges commerciaux et des
calandraient le feutre, fabriquaient courroies et cordages, char- différentes opérations de troc pratiqués par les Mongols jusqu’a la
pentes en bois pour les yourtes, véhicules, ustensiles de ménage, fondation de l’empire gangiskhanide. Mais on apprend par quelques
barcelonnettes, divers autres menus objets. Ils confectionnaient allusions, et méme par une ou deux indications précises que, dés
selles, harnais, arcs et fléches, lances, halecrets*, sabres et cette époque, des marchands du lointain Turkestan visitaient les
autres accessoires de |’équipement militaire de l’époque. A part Mongols; un de ces cas a déja été cité plus haut‘. L’Hestovre
les arcs et les fléches, on remarque qu’ils ont toujours ‘possédé Secréte nous apprend, d’autre part, qu'une certaine division du
peu d’armes; méme & l’époque de leur domination mondiale, ils travail était déja observée par les Mongols du xu siécle. L’Hzs-
appréciaient particuligrement un bon équipement militaire*. toire Secréte parle de forgerons*, de charpentiers * et aussi de
L’économie des anciens Mongols apparait par conséquent sous « pasteurs des troupeaux de brebis ». On constate ainsi l’existence
une forme « naturelle ». Ils paraissent ignorer les signes moné- de techniciens spécialisés dans l’art du forgeron ou du charpen-
taires, et le commerce adopte la forme du troc. Malgré la tier, tenant une place importante dans l'économie nomade des
modestie de leurs besoins et la simplicité de leur économie natu- Mongols.
relle, ces chasseurs-nomades se trouvaient, néanmoins, entrainés La constitution de ’immense empire de Cinggis-han et les
grandes campagnes du conquérant transformérent l’économie de
le précisent fré- la Mongolie et des Mongols: de toutes parts les richesses ’
4. R. ud-D., Ill, 424, Tchang Té-houei, 586. Nos textes
ce que nous savons des nomades. On
quemmen t, ceci ressort nettemen t de
des compa- affluent dans le pays; les signes monétaires* font leur appari-
pourrait citer le passage suivant de PH. S., o8 Sorqan-Sira, un
gnons d’armes de Cinggis-han, et son fils, adressérent un jour
a Cinggis, la tion ; les marchands « musulmans » °y développent leur acti-
nos campe-
priére suivante: « Nous voudrions pouvoir établir 4 notre gré vité; on assiste & la formation de colonies d’artisans divers,
ments dans les pays Markit... ». Cinggis répondit: « Que votre désir soit
Le grand ban transférés des contrées civilisées éloignées*. On voit naitre en
exaucé; disposez 4 votre gré vos camps dans ce pays » (p. 123).
Ogadai, conférant avec son frére Ga’adai (Cagatai) , décide que « pour Paltribu- Mongolie des édifices, des cités"'; parfois aussi des Mongols s’éta-
des territoir es pour les transhu mances, qu’on délégue des gens
tion au peuple
Cf. aussi le texte de R. ud-D., Il, 96:
élus par chaque millier » (H. S., 158). Tch’ang-tch/ouen, 291-292; Rubruck, 146,
rémi- 16 . Voir plus haut, page 42;
« leurs habitations étaient proches du yurt de Cinggis-han ». Des
fréquent es chez Rasid ud-Din. Un « lot de terre
niscences de cet ordre sont
mance d’une
pour transhumer », cest-d-dire l’espace réservé 4 la transhu
. R. ud-D., TH, 125 ; Rubruck, 76.
to PS
nutug et en . Rubruck, 76; Tch’ang-tch’ouen, 285, 288.
entité économique et sociale, s’appelait en mongol nuntug ou . Voir plus haut, page 33; H. S., 25; Barthold, Turkestan..., 424-42.
générale-
turc yurt ; R. ud-D. et aprés lui Berezin, dans sa traduction, font
H. S., 49; ef. R, ud-D., I, 137-138.
or
ment usage du terme ture.
. H. S., 62, 124; Tch’ang-tch’ouen, 288.
9. Rubruck, 78-79. PED
Parlant de Varmement des . Plan Carpin, 7, 26, 38-36, 82-57; Rubruck, 138-144, 161-462; Marco
3. [Ou brognes, en russe: pantsyri-khuyaki.
des hommes de guerre, Plan Carpin décrit de la maniére suivante les hale-
Polo, 99-404, 407, 133, 441-183 ; Tch‘ang-tch’ouen, 292 ; D’Ohsson, II, 65.
« Il y a certaines courroies, ou bandes de 8. Plan Carpin, 33; Rubruck, 183, 444, 122; Marco Polo, 144-146.
crets de cuir qui les protégent:
unes 9. Tch’ang-tch’ouen, 292; Plan Carpin, 62 (marchands européens); Marco
cuir de beeuf, larges comme la main, qu'ils collent trois et quatre les
ou des Polo, 12@(n° 1).
contre les autres, puis lient bien cela avec de plus petites courroies
et en celle 40. Tch’ang-tch’ouen, 293; Rubruck, 104-403; Barthold, Oderk istorii Semi-
cordes. En la bande d’en haut ils attachent des cordes par le bout,
De sorte réé'ya, 44-45 ; Tchang Té-houei, p. 584.
de bas ils les attachent au milieu, et font ainsi de toutes les autres. 44. Rubruck séjournera un certain temps 4 Qara-Qorum, sur VOrkhon,
quand ils viennent 4 se baisser vers celles d’en bas, celles d’en haut se
que, élevé en 1238, sous Pempereur Ogadai. Il est possible que la fondation
haussent, et se redoublent ou triplent ainsi que le corps » (Edition 1930,
de Qara-Qorum soit antérieure 4 cette date, P. Pelliot in T’oung Pao,
p. 201). — N. d. t.].
4925-26, vol. XXIV, p. 79; JA, avril-juin 1920, p. 157; cf. Palladius,
4, Rubruck, 169.
DES ANCIENS MONGOLS. LA FORET ET LA STEPPE 535
B4 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS L ECONOMIE
blissent dans les villes des peuples civilisés*. La Mongolie est d agriculture et irriguent leurs champs a l'aide de canaux @irri-
placée au carrefour des grandes voies commerciales, la capitale gation ; on rencontre aussi des vergers ». Mais l’auteur ne dit pas
est située sur l’Orhon. si ce sont des Chinois ou des Mongols. Une autre de ses
Mais cet état de choses ne dure pas. Le transfert de la capitale remarques, relative A la région du fleuve Kirilin', reste aussi
de Qara-Qorum A Pékin, et les luttes intestines déplacent vers le dans le vague: « Mongols et Chinois vivent ensemble prés de la
Sud les voies commerciales assurant la liaison entre PExtréme- riviére ; il existe des huttes avec un faitage en terre; on travaille
Orient, l’Asie Centrale et le Moyen Orient; par la suite, ces beaucoup le sol, mais on ne séme que du chanvre et du froment. »
communications seront complétement interrompues. La Mon- On constate simultanément qu’au xm siécle, & l’époque de la
golie et les Mongols abordent une nouvelle période de leur formation de ’empire mongol, les populations des bois cédent le
histoire, bien que la dynastie mongole des Yuan gengiskhanides pas a celles des steppes. Le rayon forestier se rétrécit, les nomades
continue, en apparence, 4 régner. s’installent dans certaines régions boisées et une partie des chas-
Nos sources et ouvrages auxiliaires contiennent plusieurs seurs-forestiers adopte l’économie des éleveurs nomades *.
allusions a la vie sédentaire des anciens Mongols dans certaines Mais chez les nomades de la steppe on observe également une
régions ou ils s’occupaient de chasse et de péche*. Cette question évolution qui se produit au xin siécle. Il a déja été constaté que
n’étant pas suffisamment approfondie et les agglomérations de le mode de transhumance par Aiiriyan avait été supplanté par le
mode ayz/. En effet, tout en décrivant le Aiirtyan, RaSid ud-Din
cette nature n’ayant joué aucun rdle quelque peu marquant dans
la vie des Mongols aux xu* et xin* siécles *, l’étude de ces écono- observe que ce mode de transhumance était en usage « dans les
mies sédentaires peut étre laissée de cdté. Ainsi, les Votes de temps anciens » et que de son temps la disposition en cercle
voyage de Tchang Té-houei mentionnent, par exemple*, que « les n’était pratiquée qu’en présence de l’ennemi , Les voyageurs du
habitants (de la région de Qara-Qorum) s’occupent beaucoup x1 siécle ne font mention ni du Aiiriydn, nien général d’agglo-
mérations importantes de yourtes et de chariots. Tch’ang-
tch’ouen parle, il est vrai, de deux camps comptant des milliers
de yourtes et de coches, mais il s’agit d’ordos, c’est-a-dire des
Kommentarii... na... Marco Polo, p. 38; Bretschneider, Mediaeval Researches,
II, p. 462; Patkanov, II, 444; Dai-du [Ta-tou) ou Hanbalig (« Tsar’grad »)
— aucun des deux termes n’est mongol — construit par Qubilai han en. ~ camps du prince héritier et des épouses du han‘. On connait le
4264-4267, quelque peu au nord de l’antique cité de Chang-tou, Hanbaliq récit de Rubruck décrivant une « grande ville » de chariots
n’est autre chose que le Pékin actuel ou Pei-King. Voir Marco Polo, 118-144
Yule, M. P., I, 369-379, 412 445; D’Ohsson, II, 633-636 (traduction d’un
transportant des « maisons », qui venait 4 sa rencontre*. Mais
fragment du Recueil des Histoires de R. ud-D.) ; Klaproth, Description de la du texte méme de Rubruck il ressort que le nombre des transhu-
Chine sous le régne de la dynastie mongole traduite du persan de Rachid-
mants n’était pas aussi important qu’on pourrail le croire, et,
eddin, JA, 1833, t. XI, p. 335-338, 447-470; le frére cadet de CGinggis-han
« aimait beaucoup les batiments, et partout ou il venait, il élevaitun chateau, dautre part, le méme fait a été observé vers les bords de la
un pavillon et un jardin », voir R. ud-D., IH, 60; Tchang Td-houei, 583; Volga, loin de la Mongolie.
Chang-tou ou Kaibung, en chinois K’ai-p‘ing-fou, a été construit par Qubilai
en 41256, voir Marco Polo, 90-141; Palladius, op. cit., p. 29-30; Yule, 1,
4. Tchang To-houei, 583.
p. 298-327. On ne posséde pas de données précises quant 4 l’époque de la 9. H. S., 447, 193, 189-133; BR. ud-D., I, 92... au siécle heureux de
fondation de Bars-hoto, sur le Kardlan; voir Sanang-satan, p. 438-139, inggis-han et de son illustre lignée, ces espaces devinrent les yurt
d’autres
Altan tobét, p. 48, 152. tribus mongoles et ils se mélangeaient avec d’autres Mongols. Aujourd’hui,
4. Par exemple a Qara-boto, voir Varticle de W. Kotwicz dans louvrage autour de ces bois, se trouve le yurt de la tribu Sildas »), 444,
de P. Kozlov, Mongoliya i Amdo, p. 561-865. 3. R. ud-D., II, 94.
9. Tch/ang-tch‘ouen, 283; Bretschneider, I, 48-49; cf. Barthold, Sviaz’- 4. Tch’ang-tch/ouen, 287, 291-292 (« Par ordu, nous entendons un palais
obécestvennago byta s khoziaistvennym ukladom u turok i mongolovyp. 2. ambulant »); a propos de l’ordu, voir Quatremére, 24 ; remarques de P. Pel-
3. C’est presque certain, sinon il n’y aurait pas eu lieu de faire venir la liot in T’oung Pao, 1930, p. 208-240.
farine de loin, fait sur lequel il existe des indications précises; voir plus 5. Rubruck, 82. [« In the morning then we came across the carts
of Scatay
haut p. 35. and it seemed to me that a city was coming towards
carrying the dwellings,
4. Tchang Td-houei, 584; le Mong Kou Yeou mou ki donne la citation me » (Rockhill, The journey of William of Rubruck..., 1900, p. 86).
—
authentique, voir la traduction de P. Popov, p. 383 (sur cet ouvrage et sa N. d.t.]
traduction voir ci-dessus, page 16).
56 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 37
On peut considérer, de ce fait, qu’au xur* siécle, & l’époque de clan’. N’ayant ni religion, ni foi, dans lesquelles élever les
la fondation de empire, le mode ayz/ devint prédominant chez enfants, comme font d’autres, 4 chaque nouvel enfant le pére et
les Mongols. la mére expliquent la lignée et décrivent le clan. Ils ont toujours
conservé cette régle, et actuellement cette régle est toujours en
II. — LE REGIME DE CLAN honneur chez eux... »
DANS L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE La confrontation des témoignages de Rasid ud-Din et de
l Histoire Secréte permet dillustrer la maniére dont les anciens
4. — LE CLAN Mongols « interprétaient » les liens de consanguinité des clans.
> Ainsi, l’aieule (4madgdn) de nombreux clans mongols, Alan-
L’élément de base de l’ancienne société mongole (x1'-x* sié- goa, avait cing fils. Les deux ainés vinrent au monde du vivant
cles) est constitué par le clan, ob0g ou ob0h', « union originaire de son époux Dobun-mirgin. Les trois autres, aprés sa mort,
de parents consanguins » [clan patriarcal]. L’ancien clan mongol Alan-goa étant déja veuve*®: ces trois fils furent considérés
observe l’exogamie: les membres d’un méme clan ne peuvent se comme étant des enfants du miracle, concus par un esprit céleste,
marier entre eux, les garcons doivent obligatoirement choisir par le Ciel *. Et les clans issus de Bodonéar ‘, fils cadet d’Alan-
leurs femmes dans des clans non apparentés. goa, dont faisait partie le clan de Cinggis-han, ne furent pas
Ra&sid ud-Din et Histoire Secréte arrétent leur attention sur considérés comme parents consanguins des clans issus non seu-
un certain nombre de clans mongols, tout particuligrement sur lement des deux fils ainés d’Alan-goa, mais aussi des deux sui-
celui de Cinggis-han, et décrivent minutieusement le tableau des vants, premiers nés aprés la mort de son époux. Par conséquent,
relations familiales. La famille mongole est agnatique: les les membres du clan de Cinggis-han pouvaient librement épouser
membres de chaque clan descendent d’un méme ancétre dbiiga’. les filles du clan Salji‘ut*, dont les origines remontaient4 Buqatu-
Mais les clans s’étant développés avec des ramifications diver- .salji, quatriéme fils d’Alan-goa®. De méme, aucune parcnté
gentes, il se trouve que plusieurs clans, 060g, descendent d’un consanguine ne les rattachait au clan Dérbin’, issu de Duwa-
seul et méme ancétre dbiigd. Le mariage est interdit entre sogor, frére ainé de Dobun-mirgan et beau-frére d’Alan-goa’.
membres de ces clans, car leur parenté est consanguine, agna- Mais tous les clans-oboq descendant de l’ancétre commun
tique dirions-nous, et que tous appartiennent 4 un méme « os », Bodonéar étaient considérés comme parents consanguins,
yasun. RaSid ud-Din précise trés clairement*: « Ils possédent appartenant au méme « os », yasun: ils étaient obligés de prendre
tous une généalogie nettement établie, car usage mongol veut femme dans les clans appartenant a un autre « os ».
quils conservent lorigine de leurs ancétres et de leurs péres; a
chaque nouvel enfant on explique et on commente son origine, 4. Actuellement encore, la plupart des tribus mongoles connaissent les
comme d’autres disent: « de telle nation ». Aussi n’est-il aucun termes obog et yasun, dont la signification s’est maintenue.
2. H. S., 25.
d’eux qui ne connaisse sa tribu et ses origines. En dehors des 3. H. S., 26
Mongols cet usage n’existe pas chez les autres tribus, 4 l’exception 4, H. §., 29-30.
des Arabes, qui conservent leur origine comme des perles... » 5. R. ud-D., I, 182.
6. H. S., 30; R. ud-D., I, 180. ;
Ailleurs, le célébre historien dit encore‘: « ... il existe depuis 7. R.ud-D., I, 195; on prétend qu’une des femmes de Qubilai-han, petit-
toujours chez les Mongols la coutume de connaitre sa tige et son fils de CGinggis-han, appartenait ace clan.
8. H.S., 25. Les récits de Rasid ud-Din font ressortir que l’auteur ne se
-rendait pas trés exactement compte du principe de ’exogamie. Par exemple,
1. Provient de l’ancienne forme obag, terme étymologiquement apparenté il souligne Ja parenté du clan Dérban avec le clan Ba’arin (I, 194). Or, le clan
aux synonymes turcs: omag, omagq, obaq, oba; R. ud-D., I, 136, H. S. (texte Ba/arin représente la branche ainée issue de Bodonéar, cf. H. S., 122 et 29,
« mongol »). voir aussi le tableau généalogique annexé aH. S. (p. 258). Par conséquent,
2. H. S., 29; R. ud-D., I, 148. ce clan était en parenté consanguine non avec le clan Dodrban, mais avec le
3. II, 8. clan Borjigin auquel appartenait Cinggis-han. Voir entre autres R. ud-D., II,
4. TT, 28. 40-44.
58 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 59
Il est avéré que le levirat était en usage chez les anciens Mon- des cadeaux S2thii/', de la part de sa propre mére. Les parents de la
gols. Quand, aprés la mort de son époux, Alan-goa eut mis au fiancée ’accompagnaient habituellement jusqu’au camp du futur’.
monde trois enfants, ses deux fils ainés déclarérent, d’aprés Ces traits mettent en lumiére le caractére agnatique et
V Histoire Secréte': « Notre mére a mis au monde ces trois fils, patriarcal du clan chez les anciens Mongols. Mais on reléve aussi
cependant qu'elle n’a plus d’époux, ni de beau-frére, ni de cou- quelques survivances cognaltiques, matriarcales. Nos sources
sins germains, ni de cousins issus de germains. » indiquent la situation particuliére de loncle maternel 4 l’égard
Les Mongols des x1°-xim° siécles devaient parfois aller chercher de son neveu. A une question sur le but de son voyage, Yasii-
trés loin leurs femmes, et s’accorder avec un clan éloigné. giii-ba’atur, allant marier son fils, répondait*: « Je vais cher-
»
En effet, comme on le verra par la suite, les paturages étaient rd
cher une jeune fille chez les oncles maternels de ce fils, dans le
distribués de telle maniére chez les anciens Mongols, que sou- clan Olqonut. »
vent on ne rencontrait aux alentours aucun représentant d’un On ne saurait méconnattre, non plus, une survivance cogna-
clan étranger. Yasiigii-ba’atur, pére de Ginggis-han ayant décidé tique dans lusage d’envoyer le jeune futur en qualité de
de marier son fils ainé, se rend chez les Olqonut? disposés assez « gendre » dans la famille de sa future épouse. En voici un
loin de ses pacages, dans le Gobi, & Vest du Karilin®. Ceci exemple, & nouveau emprunté a la vie de Cinggis-han : quand
explique, les réminiscences anciennes aidant, la fréquence des Yisiigii-ba’atur et Dai-sitéin eurent conclu leur accord, ce dernier
rapts; les femmes étaient enlevées de force chaque fois que dit‘: « Je donnerai ma fille; et toi, pars en laissant comme
Yoccasion favorable‘ s’en présentait. gendre (gtirgdn ou fiirgdn)* ton fils. » Yasugii-ba’atur
On reléve fréquemment l’usage pour un clan de choisir ses pro- consentit et laissa Cinggis-Timiijin, son fils agé seulement de
mises dans un autre clan, mais toujours le méme*. Les membres neuf ans, « gendre » dans la maison de Dai-siiéin. Les parents
de ces clans s’accordent mutuellement le titre d’ « allié », de du cété maternel, ou ceux de la femme — le principe est le
parent par alliance, guda*. Parfois |’échange des jeunes filles a méme — étaient désignés par le terme de ¢érgiit, pluriel de
marier donne lieu a des traités en régle entre clans’. Ainsi, Dai- térgiin *. Rasid ud-Din, parlant des aieux de Cinggis-han,
sidin, duclan Onggirat, appelle Yasitigai-ba’atur son « allié » °; remonte a l’ancétre de tous, Alan-goa (II, 69)’.
or on sait qu'une alliance entre les Olqonut, rameau des Onggi-
rat, et les Borjigin existait bien avant le mariage de Yasiigii- 41. H. S., 48. Le texte mongol ne correspond pas, en cet endroit, a la tra-
ba‘atur avec Ho‘iliin®. La polygamie était un fait coutumier”, duction chinoise. Le mot stkil ne se rencontre ni dans la Jangue écrite mon-
mais la premiére femme était toujours considérée comme étant gole, ni dans les parlers mongols actuels.
2. H. S., 32, 48.
Yainée". Au cours dela premiére présentation a sa belle-mére, la 3. H.S., 35; cf. R. ud-D., I, £83; Il, 54.
promise accomplissait certains rites déterminés et lui présentait 4. H. S., 35-36.
5. [La forme médiévale est : kitrdgdn. — P. P.]. La traduction du texte
mongol est quelque peu différente de la traduction chinoise, H. S., 36. Le texte
4. D’aprés le texte mongol ; traduction de la version chinoise dans IH. S.,
mongol emploie le terme giirdgdd-td, « comme gendres » [russe : v zyat’ya].
25; cf. R. ud-D., II, 24. 6. H. S., ef. R. ud-D., II, 12, 16.
2. H.S., 35.
7. Les relations cognatiques se reflétent dans les légendes d’Alan-goa, a
3. Les Olqonut appartenaient a la tribu des Onggirat ou Qonggirat, voir laquelle remonteraient en définitive tous les clans mongols y compris celui
ci-dessus p. 39 ; R. ud-D., I, 146, 153, 149.
de Cinggis-han. D’aprés ces légendes, Bodonéar, le commun aneétre, dbigd,
. H. S., 33, 49-34 et 58-36.
DS
serait venu au monde a une époque ol sa mére Alan-goa n’avait pas d’époux,
. R. ud-D., I, 150, 153, 157.
Ot
Qoréi dit (4 Tamiijin): « Notre sage et puissant ancétre Bodonéar eut deux
. H.S., 33.
fils utérins de l’épouse qu’il avait choisie; ce furent les aieux de Jamuqa et
OHO
L/unité agnatique du clan, chez les anciens Mongols, se tra- dont le fils Ba’aridai‘, était & Porigine du clan Ba’arin. C’est
duisait non seulement par la descendance commune du clan d’un pourquoi, a l’époque de Cinggis-han, le vieillard Usiin se trou-
seul ancétre (détigd), mais aussi par les droits particuliers dont vait précisément étre le plus ancien de tous ses parents, de tous
jouissait ’ainé et les liens spéciaux qui lunissaient au culte du les Borjigin descendants de Bodonéar.
clan. Cette circonstance présente un intérét particulier, car selon Ti est intéressant d’observer que l’historien mongol du xvu°
les anciens usages mongols, comme on le verra par la suite, la siécle, Sanang-siitdin accole au nom de Ba’aridai l’attribut: han
part principale de l’héritage paternel revenait toujours au fils ija'urtu®, cest-d-dire « possesseur de lorigine impériale ». On
cadet. Ce dernier était le gardien du foyer domestique, de ce fait disait de lui: Usiin-abiigiin °, « vieillard Usiin », mais abiigan
on Vhonorait du titre de of¢igin ~ otjigin, « prince du feu »', ou veut dire aussi « souche ».
jan, « maitre », « propriétaire »?. La situation particuliére de En rapprochant ces noms accompagnés du titre de 6d/2, on
Yainé du clan se dégage des données suivantes: L’ Histoire arrive & la conclusion que le mot 6ah¢ voulait dire: « pontife » *,
Secréte raconte que Cinggis-han, devenu chef d’un grand empire dans le sens chamanique du terme (« chief-priest »)*, « mage-
nomade, distribuait des récompenses & ses compagnons et leur chef ». On remarquera que ce titre de 6ahi était arboré par les
confiait diverses fonctions. Il dit notamment au vieillard Usiin? : chefs des peuples « forestiers », mirkit et oirat, chez lesquels le
« Aujourd’hui... Baki est une dignité importante; Usiin! tu es chamanisme était particuligrement en faveur *.
Je plus ancien descendant des Ba‘arin; tu dois étre Baki; étant Le professeur P. Pelliot observe, 4 propos de l’édition anglaise
Baki, chevauche un cheval blanc, porte un vétement blanc et en du Turkestan de V. V. Barthold’: « M. Vladimirtsov (Conggts-
société occupe la plus haute place. » han, 14 et 84)... considére que ce dernier titre (bak?) a été porté
Que représentaient les Saki? Cette titulature se rencontre originairement par des chefs qui étaient en méme temps des
souvent dans nos sources, unie au nom de divers personnages sorciers; c’est possible, mais il n’y a 1a qu'une inférence basée
»
appartenant 4 divers clans et lignées mongols. On observera sur le passage méme de l’Hestocre Secréte* que M. V. a cité.
Il me semble que mon hypothése se trouve également con-
que ce titre était porté surtout par les fils ainés. Ainsi, nous
connaissons Sata ou Saéd-biki ‘, fils ainé de Qutuqtu-jiirki; firmée par une autre source, notamment par Ragid ud-Din. Dans
ensuite Toqto’a-biki *, de la lignée Markit. et son fils ainé le passage ci-aprés® il est constamment question du méme vieil-
Toégiis-baki®; Quéar-biki’, fils ainé de Nikiin-taisi®, du clan lard Usiin, du clan Ba’arin: « On dit que Cinggis-han libéra{...|
Borjigin. On connaft aussi: Quduga-biki°, chef de la tribu un certain du clan Ba’arin[...], personne n’a droit sur sa dépen-
était
Oirat, Qaéi’un-baki'? du clan Dérbiin, Bilgi-biki, de la tribu dance, il est libre et darhan. Le nom de cet homme
placé a
Karait "', etc. Biki!’. Dans l’Ordu il est assis plus haut que les autres,
On n’oubliera pas non plus que le clan Ba’arin représentait la
branche ainée des clans issus de Bodonéar, l’ancétre légendaire 4. H.S., 29.
2. Sanang-siiéan, 60-61.
3. H. S., 419.
4. R. ud-D., II, 60. B. Viadimirtsov, Sravnitel’naya grammatika mong.
pism. yasyka i khalkh. narédiya, p. 320, 420. Voir ci-aprés p. 54. 4, Barthold, Turkestan..., p. 424.
8. Barthold, Turkestan..., p. 394. ,
. R. ud-D., I, 207, II, 30 ; cf. Quatremére, 89; Rubruck, 79.
6. Cf. Barthold, ibid. ; Viadimirtsov, Cinggis-han, p. 44, 84; RB. ud-D., [,
. A. S., 499-423.
442, ; Marco Polo, 92-93.
GO
8. Yuan-tchao pi-che.
. A. S., 80; cf. R. ud-D., I, 73; Il, 444. .
9. R. ud-D., I, 198.
. A. S., 64; R. ud-D., Il, 48, 442. de commun avec le titre
40. Ou baki. Ce terme n’a, évidemment, rien
SO OO mI
. Un des fréres ainés de Yasiigai-ba’atur. les princesses mongoles. Voir Barthold, Turkestan, Pp. 494 ;
bagi, porté par
. H. S., 132, R. ud-D., I. 79. i khalkas-
40. H.S., voir A. M. Pozdnéev, O drevnem kit.-mong. pamyatniké « Yuan-
B. Vladimirtsov, Sravnitel/naya grammatika mong. pissm. yazyka question
skago naréciya, p. 276. La lumiére actuellement apportée sur cette
tchao-mi-shi », p. 17; ef. R. ud-D., I, 186; II, 24. ; Vattention ne
permet de faire abstraction de Phypothése de P. Pelliot (¢b¢d.)
44. BR. ud-D., I, 407; H. S., 95.
62 L’ ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 63
main droite de méme que les princes du sang; son cheval est A énergiques, archers adroits, et les lui donna en guise de suite'. »
cété du cheval de Cinggis-han. Il devint tras vieux'. » Nos sources parlent aussi trés explicitement du culte des
Ainsi le témoignage de Rasid ud-Din concorde entiérement avec anciens Mongols, un des aspects les plus importants du régime
les données de | Histoire Secréte; la seule erreur commise par de clan. Ainsi l’Hestoere Secréte décrit lépisode suivant? :
Vhistorien persan est de confondre le titre de 6ah7 avec un nom « Bodonéar prit encore une femme et obtint d’elle un fils nommé
propre. Toutefois, en raison de cette imprécision chez un auteur Barim-Si‘iratu-qabici *. A la mére de ce qabi¢i succéda une femme
aussi averti que Rasid ud-Din, et du fait aussi que dans I’ Histoire qui deyint l’épouse collatérale de Bodonéar et qui mit au monde
Secréte il est peu question des 6a/2, on peut conclure que cette un fils nommé Juwiiridai. De son vivant, Bodonéar le légitima
institution commengait déja & tomber en désuétude chez les Mon- ’ et lautorisa a prendre part aux sacrifices‘. Mais lorsque Bodon-
gols du xiu* siécle, l’ancienneté dans Je clan commengait a perdre tar mourut, Barim-si/iratu-qabiti n’adopta pas a l’égard de Jawii-
sa signification, ce qui correspondait entiérement a Tétat de ridai une attitude fraternelle... Aussi, pendant le sacrifice,
choses en vigueur dans la société mongole de cette époque; ony bannit-il Jawiiriidai qui, par la suite, constitua le clan Jawii-
reviendra par la suite. Néanmoins, on peut relever dans nos rait.* » On soupconnait Jiwiiridai d’étre le fils dun étranger,
sources plusieurs passages qui attribuent au fils ainé une cer- dun homme appartenant a un autre clan.
taine importance dans la famille. Il ressort de cet alinéa, que seuls les membres du clan pou-
Ainsi, Cinggis-han reprochant & Cagatai, son deuxidme fils, vaient prendre part au sacrifice; Yinterdiction de participer au
d’offenser Juci, son fils ainé, aurait daprés Histoire Secréte? sacrifice était équivalente au bannissement hors du clan, hors de
prononcé les paroles suivantes : « Comment est-il permis de tenir la société®. L’ Histoire Secréte mentionne encore un sacrifice,
sur Juti de pareils propos? I] est l’ainé de mes enfants; que ou la non-admission signifiait la rupture avec la société de clan
dorénavant on ne dise plus ces choses. » La méme source relate en question’.
qu’au cours d’une conversation avec ses fils sur l’ordre de suc- En général, on rencontre dans la tradition mongole une suite
cession au tréne, il dita Judi*: « Tu es l’ainé de mes fils, que de récits attestant les tendances de la société de clan A sauve-
diras-tu? » Dans la méme Histocre Seeréte on reléve un passage garder la pureté des liens du sang unissant ses membres.
encore plus significatif*: « ... Le tsar Qabul avait sept fils ; Painé
s'appelait Olbarqaq * (Okin-barqaq); par égard pour son ainesse,
Qabul choisit parmi le peuple des hommes hardis, robustes, 4. On verra plus bas que certaines tribus mongoles contemporaines, —
par exemple la tribu Bait, une des lignées oirat, habitant la circonscription
de Kobdo, au Nord-Quest de la Mongolie, — conservent l’usage de révérer
le plus ancien du clan qu’ils qualifient de b&ral awa, « pére blanc ».
manquera d’ailleurs pas d’étre retenue par son observation (id., p. 54) sur On ne saurait toutefois oublier le réle particulier dévolu a Batu [« Batyi»
le titre digi, qu’on retrouve dans le Yuan-che-avec la signification de est une forme purement russe, pas a garder; le mongol n’a que Batu. —
« ministre », cf. Pannotation de Palladius, in H. S., p. 228.
P. P.j., fils ainé de Juci, dans l’empire mongol ot Ogadai et ensuite Giyik,
4. Cf. la tentative malheureuse de Berezin d’expliquer qui était Usiin, ses parents puinés, étaient empereurs ; cf. Grousset, Histoire de VExtréme-
R. ud-D., II, 253. Voir RAS-V, 1930, p. 163-167. Orient, II, 444.
2. Page 144; cf. 445, 133. 2. H. S., 30.
3. Page 443. , 3. Le texte russe mentionne : Barin, et Vindex : Si/iritu [Barin est une
4. Page 68. Le Jasaq de Cinggis-han réserve aussi la prérogative (maté- mauvaise restitution du chinois qui est en réalité « barim »; s//iritu est une
rielle) au fils ainé, voir Ryazanovskii, Obyénoyeé pravo mongol’/skikh plemen, simple faute de Pindex seul. — P. P.].
I, p. 46, 84. Rasid ud-Din, parlant de la tribu Naiman, raconte que « le tréne 4. Dans le texte mongol: jigdali, terme étymologiquement proche de I’an-
du clan appartenait 4 Tayang-han, qui était plus agé » (R. ud-D., I, 113) que cien ture, yiikiin, « saluer, se tenir avec déférence, vénérer ».
son propre frére Buyuruq-han, cf. H. S., 91-92: « Au temps passé, disait 5. Le texte mongol de base ne dit pas que « BodonZar en fit un fils légi-
Cinggis-han 4 Wang-ban, ton pére Qurjaqus-buyuruq avait quarante fils; tu time », et le commentaire de Palladius, p. 168 (40°) devient de ce fait sans
élais Painé de tous, c’est pourquoi tu as été ordonné tsar ». Cinggis-han objet.
réserve un fief en premier lieu a son fils ainé, Juci. H. S., 132. b. Cf. annotations de Palladius ; H. S., p. 168, 177-478. .
5. [En réalité: Okin-barqaq; « Olbarqaq » est a supprimer. Simple faute 1. Page 37, le texte mongol de ce passage différe de la traduction chinoise,
@un texte chinois alléré. — P. P.]. mais le fond reste le méme.
64 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCLETE MONGOLE 65
D’aprés ces traditions, les personnes dont l’origine était mise en « Nous sommes avec toi d’un méme clan-
tribu ». Ragid ud-Din,
doute, se détachaient du clan et étaient obligées d’en constituer — qui pourtant écrivait d’aprés les traditions
un autre; il en était de méme pour ceux dont l’ascendance mongoles, — nous
dit tout a fait autre chose sur Vorigine de Jamu
paternelle était plus ou moins déterminée, mais dont les méres,
ga'.
Dans l’ancienne société mongole, les enfants qui
étant déja enceintes, se mariaient dans un autre clan. n’étaient pas
de l’épouse principale, étaient considérés comm
On sait, par exemple’, que Bodonéar s’empara d’une femme e légitimes et
reconnus fréres et scours des enfants nés de l’épo
use principale’.
enceinte du clan Jarvi‘ut, et ’épousa. « Venue chez Bodontar, On ne sait presque rien du totémisme et du tabou
elle mitau monde un fils ; on Je nomma Jadaradai du fait qu’il était chez les
anciens Mongols. L’ Histoire Secréte dit, il est vrai
le fils d’une tribu étrangére (fa?); et il devint l’ancétre (du clan) *, que l’ori-
gine du clan (AuJa‘ur) auquel appartenait Cinggis-
Jadaran? ». Tandis que les descendants de Bodonéar consti- han est due a
birté éino «le loup pie » et go'ai [goa, go’a] mara
tuérent le clan Borjigin. l, « la belle
biche ». Mais cette indication trop sommaire ne
Encore un exemple. On sait que I’épouse de Cinggis-han fut permet pas de
parler des anciens totems mongols.
emmenée en captivité par les Mirkit, qui « la donnérent pour RaSid ud-Din fait allusion au tabou ; par ex. il rappo
femme a Phercule Cilgar »*. Barta, épouse de Cinggis-han, aurait rte que le
quatriéme fils de Cinggis-han s’appelait Tuli‘; «
tuli en langue
été enceinte au moment ou on l’emmenait en captivité*. Libérée mongole veut dire miroir *. Quand il mourut,
miroir est devenu
par la suite, elle mit au monde un fils auquel on donna le nom un nom interdit jusqu’A maintenant® ». Nous ne dispo
de Juti, et qui fut reconnu comme étant le fils ainé de Cinggis- sons pas
de données suffisantes pour juger de l’ancienneté de
han. Lorsque Cinggis-han examina avec ses fils ordre de suc- ces interdits
et_pour apprécier si une institution de cette nature
cession, Cagatai, son deuxiéme fils déclara : « Pére! tu demandes n’aurait pas
été, & l’époque de l’empire mongol, empruntée a des
Judi, n’est-ce pas a lui que tu voudrais remettre la succession? nations civi-
lisées, par exemple aux Chinois.
Mais il a été apporté du clan Markit, permettrons-nous qu’il nous Nous rencontrons chez les anciens Mongols, comme chez
gouverne ?° » les
autres peuples, l’institution de la vengeance familiale,
mais cette
Il y a lieu d’observer, simultanément, les récits contradictoires institution tombe déja en désuétude. On peut néanmoin
s observer,
sur l’origine de tel ou tel clan, de telle ou telle personne. Ainsi, chez les Mongols de cette époque la transmission du
nous savons, par l’Histoire Secréte, que Jamuqa-sitin, descen- devoir de
vengeance d’une génération a lautre, vengeance dirig
dant de Jadaradai,
ée contre
était adopté par les descendants de Bodon¢éar des personnages n’ayant aucun lien direct avec le fait géné
du clan Ba’arin °, ainsi que binguis qui appartenait lui-méme au rateur de
la vendetta, mais seulement parents ou descendants des
clan Borjigin; en effet, Tamiijin, 4 un moment critique de son fauteurs.
Ambagai, du clan Borjigin, pris par les Tatars, légue a ses paren
existence, fait transmettre 4 Jamuqa les paroles suivantes’: ts
le soin de le venger’. Ceux-ci se battront treize fois
avec les
Tatars, mais sans arriver toutefois a satisfaire leur
6
ft vengeance
4. p. 29. 4
I
2. Traduction du mongol: Bodondar-tur irdjit ké'u térabdi ; jad irgan-u i
1. R. ud-D., I, 200-201.
koltin bélé’a Kd'aén Jadaradai naéraidba; Jadaran-u dbugd tard boluba. La 2. H.S., 29-30, 38 ; R. ud-D., I, 62 passim. De
traduction chinoise est quelque peu différente (H. S., 29) Jadaran veut dire méme dans le Jasaq,voir
Ryazanovskii, Obyénoye pravo mongol'skikh plemen,
« personnage étranger », au pluriel : Jadarat. Il n’y a pas lieu d’examiner p. 46, 48.
3. Page 23.
ici les témoignages contradictoires des sources quant aux clans Jadarat, Jaji- 4. R. ud-D., Il, 77. En mongol, le nom de ce prince
rat, « Juryat », cf. observations de Berezin, R. ud-D., IL, 4159-660; voir aussi héritier se pronon-
gait Tului; il est possible que certains dialectes le
Pelliot in YA, avcil-juin 1920, p. 446. pronongaient presque
comme Tuli. Cf. R. ud-D., I, 47, 120. Cf. Barthold,
3. H.S.,55; R. ud-D., II, 76. K voprosu 0 pogrebal'nykh
obryadakh turok i mongolov, p. 63-64.
4. R. ud-D., ibid. La relation de cet épisode par auteur persan différe 5. En mongol « miroir » = told.
quelque peu du récit de Histoire Secréte. 6. On se trouve sans doute en présence d’une étymologie
5: H. S., 443 (dans le texte: « Marki »). populaire ayant
rapproche le nom Tului du mot toli, dépourvus en réalit
6. H. S., 60; voir ci-dessus, p. 64. é de tout lien étymo-
ogique.
T. H. S., 52-83, 1. H. S., 32-33; RB, ud-D., I, 33,
66 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS "LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 67
(48)*. Puis, les Tatars empoisonnent Yasiigii-ba’atur *, qui les Alan-goa, les cing fréres partagérent le bétail: Balgiinitii,
avait attaqués 4 plusieurs reprises en faisant un assez grand Bigiintéi, Bugu-qatagi, Bugatu-salji, 4 eux quatre, accaparérent
nombre de prisonniers*. Quand par la suite Cinggis vainquit les tout, sans laisser aucune part 4 Bodonéar, réputé sot et borné et
Tatar il se souvint de la vendetta‘, et l Mistoire Secréte dit: qu'ils ne reconnaissaient pas comme parent. » Le fils cadet rece-
« S’étant emparé de quatre clans Tatar, Cinggis se concerte vait Pavoir fondamental du pére: il héritait de la yourte pater-
secrétement avec ses parents et dit: « Les Tatar méritent notre nelle et de ses femmes, s’il y en avait plusieurs, avec leurs camps,
« vengeance, car ils ont assassiné notre pére; une opportunité et aye ambulants; c’est pourquoi les fils cadets arboraient la
« favorable se présente maintenant d’exterminer tous ceux du sexe qualité d’éJdén, « maitre, propriétaire' ». Mais, comme ils étaient
« masculin dont la taille ne serait pas inférieure a lessieu d’une aussi les gardiens du foyer domestique, on les appelait également
« roue; nous nous partagerons les autres eten ferons des esclaves. » otdigin ou otfigin, cest-a-dire « prince du feu? ». Ragid ud-Din
Rasid ud-Din, parlant des relations entre tribus « mongoles » parle de cette institution en termes explicites* : « L’usage mon-
et tatar, dit*: « Il y avait entre eux, vieux sang et rancune. » gol veut que le cadet des fils soit appelé AJan; du fait qu'il est
On peut citer l’exemple de vendetta suivant: Taiéar, frére cadet dans la maison, les biens, le ménage et l’économie domestique
de Jamuga, s’était emparé du train de chevaux de Joéi-Darmala, lui reviennent » ; A}dn signifie fils cadet, qui reste dans la maison
compagnon de Cinggis-han. Joti-Darmala rattrapa la nuit les che- et dans la yourte; c’est-a-dire le maitre « du feu et de la yourte * ».
vaux dérobés, tua Taitar et ramena les bétes. Alors, Jamuqa On peut supposer, bien que nos sources ne le mentionnent pas
« voulut venger le meurtre de son frére Taiéar; a la téte de son explicitement, que les fils non mariés vivaient, en général, avec
clan et de treize autres... forma le dessin de combattre Cinggis- leurs parents dans un méme ayz/; quand ils se mariaient, ils
han * ». recevaient leur propre ayz/ individuel, sauf le fils cadet (djan,
Des narrations de ce genre remplissent des pages entidres de otdygin), qui méme aprés son mariage demeurait dans Pay du
V Histoire Secréte et de la Somme des Histoires de Rasid ud-- pere, ou avec sa mére en cas de mort du pére. Ainsi, le jeune
Din. Bo‘oréu, futur compagnon de Cinggis-han, habite, étant déja
En ce qui concerne le régime des biens, on trouve dans |’an- adulte, avec son pére®. Les fils de Sorqan-Sira, Cila‘un et Cim-
cienne société de clan mongol la prédominance du type indivi- bai, déja murs, futurs compagnons, eux aussi du han mongol,
duel. Chaque famille, chaque ayz/ possédait son bien individuel. habitent le méme ayzl que leur pére *. D’autre part, au moment
Les fils se partageaient l’avoir du pére ou de la mére, des droits de la répartition des apanages, Cinggis-han réunit Yapanage de
particuliers étant réservés au cadet. L’Histocre Secréte nous sa mére avec celui de son frére cadet, Otéigin ’. Ceci ressort de
apporte le témoignage suivant’: « Aprés la mort de leur mére, Rasid ud-Din et des autres sources.
1. L’édition russe mentionne : és (68 est bien la forme de la source de Vla-
Les veuves avec des enfants mineurs disposent autocratique-
dimirtsov. — P. P.]. H. S., 34. ment des biens de la famille jusqu’a ce que leurs fils ne soient
2. H. S., 36-27. devenus grands et ne se marient : par conséquent, elles prenaient
3. H. S., 34, R.-ud-D., II, 63-64, 86-87.
4. H. 8., 18; R. ud-D., I, 36. Dans ses Sentences, Cinggis-han parle de
vengeance: « Je suis celui qui cherche pour leur sang dédommagement et 1. R. ud-D, II, 30, 60. Il est aussi fait mention de cet usage dans la Yasa
vengeance », R, ud-D., II, 427. de Cinggis-hin, voir Ryazanovskii, Obyénoyé pravo mongol’skikh plemen,
5. R. ud-D., I, 82. p. 46, 54. Le Jasaq dit aussi: « Le partage des biens est basé sur la régle que
6. H. S., 64; Cf. R. ud-D., Il, 92; Skazanie o Cinguiskhane, 453 ; P. Hya- Painé recoit plus que les cadets... L’ancienneté des enfants est considérée par
cinthe, 9 (version trés embrouillée) (H. S., 39, 83, 57, 66, 443; R. ud-D., I, rapport au rang de leur mére... », ibid.
52-34, 36, 97, 116 ; II, 43, 120). - R. ud-D., II, 60; voir ci-dessus page 60.
Ot & CO BD
7. Texte mongol: dkd-yi/dn Alan-goa-i tigdi boluhsan-u hoina ahanar . R.ud-b., I, 207.
mI)
déiindr tabu'ula adulusun idd'd-ban hubiyaldurun: Balgiintai, Biugintai, » R. ud-D., I, 30; cf. Rubruck, 79; Quatremére, 89.
Bugu-hatagi, Buhatu-salfi dérba'itla abuléaba ; Bodonéar munghah buda'ubiyu . HL S., 47-48,
ké'én urug-a ili to’'anhubi dsd égba. La version chinoise est quelque peu
. .S., 43; cf. H. S., 123.
différente, voir H. S., 27. » H.8,, 183; R. ud-D., IIL, 443 ; mais voir UI, 447-148.
68 L'ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 69
intégralement Ja place de leur époux et jouissaient de tous ses
pant une place importante dans l’économie, la femme, chez les
droits. La vénérable Alan-goa', Monulun ®, et la mére de Cinggis-
anciens Mongols, jouait aussi un certain rdle dans la vie sociale.
han* se sont trouvées dans cette situation. A l’époque de l’empire
Les femmes accompagnaient les chefs dans leurs expéditions! ;
mongol les veuves recevaient les fiefs et commandaient l’armée,
empereurs et princes régnants prenaient souvent conseil des
qui revenait par la suite 4 leurs fils‘. On sait aussi, que les
illustres fatun (hansa, princesse)?; la Yasa de Cinggis-han
veuves des empercurs mongols et des chefs d’ulus, aprés la mort
spécifie* « que les femmes qui suivent les troupes, auront a remplir
de ces derniers, devenaient régentes de l’empire et administra-
Jes travaux et les obligations des hommes, pendant que ces der-
trices des fiefs.
niers iront au combat ». La situation économique et matérielle
La situation matérielle des veuves dans l’ancienne société
des femmes, notamment des veuves, ressort de tout ce que nous
mongole est fonction de la situation de la femme en général. Les
savons des tribus mongoles ayant le plus fidélement sauvegardé
mceurs nomades, chez les anciens Mongols — comme chez tous les
les anciennes coutumes, comme les Bait de la circonscription
transhumants — ne permettaient pas & la femme de vivre isolée,
de Kobdo, etc.
en recluse. Marco Polo constate: « Les femmes, vous dirais-je,
Les membres du clan possédent individuellement divers biens :
achétent et vendent tout ce qui est nécessaire & leurs maris et a
cheptel, yourte, chariots, outillage primitif*. Il y avait par consé-
leur ménage*. » Le « ménage » est entiérement confié aux
quent des pauvres et des riches, les sources |’attestent explici-
femmes, en outre, ce sont elles précisément qui fabriquent les
tement: Dobun-mirgiin, l'un des ancétres lointains de Cinggis,
rares objets indispensables a la vie fruste du nomade. « L’emploi
des femmes est de conduire leurs chariots, de poser leurs maisons rencontra une fois un pauvre homme (yadanggu gii'iin), suivi
de son fils*. Dobun-margin lui ayant demandé qui il était,
ambulantes dessus, de les décharger aussi, de traire les vaches,
de faire le beurre et le Gri-ut®, ou lait sec, d’accommoder
Phomme répondit®: « J’appartiens au clan Ma‘alig-baya'u’;t je
les suis devenu pauvre. Donne-moi de la chair de ce gibier, et moi
peaux des bétes, les coudre ensemble avec du fil de cordes...
je te donnerai mon fils. » Bo’oréu, encore adolescent, disait &
Elles font aussi les souliers, des galoches, et toutes autres sortes
d’habillemens... Les femmes aussi s’adonnent a faire des feutres Cinggis-Tamiijin qu'il venait de rencontrer*®: « Ce que mon pére
et en couvrent leurs cabanes et maisons », écrit Rubruck 7. Occu-
a aquis me suffit amplement », et refuse les chevaux que lui offre
Cinggis, en remerciement d’un service rendu. Au moment de
t. H. S., 25-97; R. ud-D., UW, 7-4h. Pincursion des Markit, la vieille femme qui servait dans la maison
2. R. ud-D., II, 44-16; P. Hyacinthe, 4-5. de Cinggis, voulant cacher Barta, déclara®: « Je suis de la maison
3. H. S8., 37-45. de Timiijin ; j'allais tondre les brebis dans les maisons riches. »
4. H. S., 98, 432, 433; R. ud-D., I, 64, 80; IL, 449; P. Hyacinthe, 260.
- Marco Polo, 68 [citatation francaise d’aprés G. Pauthier, Le livre de La jeune mariée apportait dans la maison de son époux une
on
Marco Polo..., Paris 1865, Ch. txvi, pp. 188-189 : « Et les dames achétent
et vendent, et font tout ce qui a leurs maris et a leur mesnie (= ménage)
appartient » ; Moule et Pelliot, 1938, Ch. 69, I, p. 169: « And I tell you that 1. H. S&., 146, 149 ; Marco Polo, 110; D’Ohsson, Il, 334.
the Tartar ladies trade, buy and sell and do all the work that is needed for 2. H. S., 89; D’Ohsson, II, 247, 335, etc.
their lords and family and for themselves », les éditeurs ajoutent a ce der- 3. Ryazanovskii, Obyénoyé pravo mongol'skikh plemen, I, 44.
nier propos la note suivante : « a se mesme, Luigi Foscolo Benedetto corrects 4. Cf. H. S., 44, 48, 47, 48, 49.
plausibly to a se mesnie ». — N. d. t.]. 5. H. S., 5.
6. C.-a-d. « petit fromage » [russe : syréik], du mongol hurud ~ gurud): 6. H. S., 25; traduction d’aprés le texte « mongol », quelque peu diffé-
7. Rubruck; 78 [« It is the duty of the women to drive the carts, get the rent de la version chinoise.
dwellings on and off them, n.ilk the cows, make butter and gruit, and to 7. Dans Védition russe : Ma’ariq-baya’ut [Ma’aliq est seul correct. — P.P.].
dress and sew skins, which they do with a thread made of tendons... They 8. H. S., 47; traduction d’aprés le texte « mongol ». Son pére se nommait
also sew the boots, the socks and the clothing... They also make the felt and Naqu-bayan, « le riche Naqu » ; cf. H. S., 146.
cover the houses » (Rockhill, The journey of William of Rubruek..., 1900, 9. H. S., 50. Dans ses « Sentences », Cinggis-ban fait également mention
p. 75-76). Le texte de la citation francaise dans la présente waduction est des « riches », ce qui implique aussi des « pauvres » dans la société mon-
emprunté a Pierre Bergeron, Voyage de Rubruquis en Tartarie, édition 4735, gole avant la constitution de son empire : « les gens riches voyaient le bien,
p. 16, 47. — N. d. t.]. mais ils ne rendaient pas puissants les dirigeants et ne leur permettaient pas
de s’affermir », R. ud-D., II, 190.
70 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 71
dot, d’importance variable selon la fortune du clan et de la mai- « domicile » *. Cinggis-han dit 4 son parent Altan?: « Je ne lais-
son auxquels elle appartenait’. En outre, elle devait offrir & sa serai pas effacer le campement et la demeure des ancétres et des
belle-mére un présent au nom de sa mére (S2¢hii/)?. La jeune péres, je ne perdrai ni n’abimerai leurs voies ni leur statut. » La
épousée était accompagnée par un personnel apporté en dot -inja*. communauté des terres de pacage découle du fait que les anciens
On sait aussi que les anciens Mongols payaient pour la fiancée Mongols nomadisaient par grands campements; et il arrivait
une rangon* et qu’au moment des ententes matrimoniales ils souvent, pour des raisons exposées dans la section suivante, que
offraient au pére de la fiancée des cadeaux en confirmation d’ac- plusieurs clans transhumassent ensemble. Cinggis-han disait a
cord (bald) *. un de ses parents’: « Autrefois, avec trois maisons Toqura‘ut,
L’ancien clan mongol connaissait la communauté des terres de cing maisons Tarqut et deux clans, Cangsi’ut * et Baya‘ut, tu as
pacage, dans les cas, s’entend, ot le clan transhumant avait la formé avec moi un seul camp. Tu ne t’es pas égaré dans |’obscu-
possibilité de nomadiser dans son ensemble sur un méme terri- rité et dans le brouillard ; dans les désordres et I’éparpillement
toire®, quand tous les parents cohabitaient soit en un seul tu ne tes pas séparé de moi; tu as supporté en méme temps que
kiiriyén, soit par ayzl’s peu éloignés les uns des autres. Nos moi le froid et ’humidité*. » Dans ces conditions, l’économie
sources le font ressortir d’une manieére il est vrai indirecte. pastorale ne pouvait étre conduite qu’a la condition d’utiliser en
On sait, par exemple, que la célébre montagne Burqan-Qaldun commun les paturages.
se trouvait depuis les temps anciens en la possession du clan A plusieurs reprises, RaSid ud-Din parle clairement du yurt
Uriyanghat’. Ces Uriyanghat, non « forestiers », étaient maitres d'une tribu ou d’un clan, mais sans mentionner la présence sur
(Gjat)* du pays et l’ont partiellement conservé depuis l’époque ce territoire déterminé d’aucun nomadisant étranger.
de la légendaire Alan-goa jusqu’a celle de Cinggis-han. Ce n’est Ainsi, il observe & propos des Tatar®: « Toute cette tribu
pas fortuitement, bien entendu, qu’un représentant du clan représentait soixante-dix mille coches. Leurs terrains, habitations
Uriyanghat se présente dans la famille de bingsis-han au nom et yurt étaient désignés séparément par tribu et par branches,
« de la montagne Burhan-Qaldun » *. Le fait que cette montagne prés des limites du pays chinois. Le yurt qu’ils s’arrogeaient de
appartenait 4 un clan déterminé n’a pas empéché la famille préférence est la région nommée Buir-nor. » Et a propos des tri-
appauvrie de Cinggis-han, alors encore trés jeune, de s’installer bus mongoles proprement dites, l’historien persan écrit’:
auprés d’elle pour chasser le petit gibier . Nos sources font aussi « Chez cette tribu, yurt et terrain étaient confondus, et il était
savoir que le territoire sur lequel une entité sociale avait l’habi- fixé & partir d’ou et jusqu’ou s’étend le yurt de chacun. »
tude de nomadiser, s’appelait en mongol: nuntug ou nutuq, et Chez les Mongols du xu* siécle, guerres incessantes et incur-
en ture: yurt''; ces mots voulaient dire aussi: « campement », sions de toute nature, fréquentes migrations et transhumances
qui en résultaient, faisaient que, précisément, la possession en
1. H. S., 30, 118-149 ; R. ud-D., II, 80. Marco Polo le conteste, voir Yule,
31, 253 (la traduction de Minaév n’est pas trés claire en cet endroit, p. 88). commun des terres de pacage présentait une importance capitale
2. Voir ci-dessus, page 59. pour la société, et non la possession de tel ou tel terrain de
3. Voir ci-aprés, page 82. transhumance, pouvant facilement étre changé. Néanmoins, la
4, Plan Carpin, 5; Rubruck, 78 ; Marco Polo, 88.
5. H. S., 36. notion de nutug (yuré), rayon territorial appartenant 4 un seul
6. Les parents n’avaient pas toujours la possibilité de transhumer clan, était parfaitement définie.
ensemble, voir ci-aprés, p. 78. ,
1. H.S., 9A. 1. H.S., texte « mongol ».
8. La traduction russe, d’aprés la version chinoise de I’H. S., dit: « chez 2. BR. ud-D., Il, 139.
le possesseur de la montagne », « k vladételju gory » (p .24); tandis que le 3. H. S., 120 (la transcription des noms propres est modifiée).
texte « mongol » donne djdd, pluriel de djdn, qui signifie « propriétaire, 4, L’édition russe porte: CangSikit [C’est une mauvaise legon. — P. P.].
maitre, possesseur ». 5. Voir la description des treize kitriyén de Cinggis, R. ud-D., If, 93-95;
9. H. S., 49, 120. H. S., 64.
10. H. S., 44-43, 54. 6. R. ud-D., I, 49; voir aussi I, 79, 87, 93, 94, 108, 135, 175; Il, 44-15.
41. Voir ci-dessus, p. 59, n. 4, 7. R. ud-D., I, 435.
72 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 73
On remarque aussi que les droits de propriété sur le bétail sur la ligne de démarcation entre la « forét » et la « steppe ».
étaient constatés par des marques spéciales (tamaga), les mémes, Il semble aussi que linstitution des 4a’, conservée chez les
semble-t-il, pour tous les membres d’un clan; nos sources n’en Mongols nomades, ait été héritée de la période de chasse
parlent d’ailleurs qu’en termes vagues'. antérieure '.
On observe encore que dans I’ancienne société mongole —
Comme chez tous les peuples au stade du régime de clan — une
2, — GROUPEMENTS DE CLANS ET DIFFERENCIATION
attitude particuliére était adoptée a l’égard des ambassadeurs, DE LA SOCIETE DE CLAN
alét
~ alder, en leur qualité de représentants d’un clan et d’une
tribu* ; et la personne d’un ambassadeur était réputée « sacrée ». A. — VassaUX-SERFS, ESCLAVES-SERVITEURS.
Parfois le terme d/é¢ servait d’attribut & un nom propre, par
exemple : Qati’un-alti, nom d’un frére puiné de Cinggis-han *. L’étude des relations de clan & clan (0609) chez les anciens
Il résulte de tout ceci que l’ancien clan-ob0g mongol repré- Mongols du x1°-x1° siécles, et une analyse plus approfondie de la
sente une association assez caractéristique de parents consan- société de clan mongol, dégagent certains traits plus originaux
guins, basée sur le principe agnatique et l’exogamie, association et plus significatifs. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de phéno-
patriarcale avec seulement quelques survivances des anciennes ménes absolument inédits, qui ne se seraient jamais manifestés
coutumes cognatiques, économie ménagére individuelle, mais a aucune autre époque et chez aucun autre peuple. Néanmoins,
communauté des terres de pacages, attribution de certains droits Yétude des relations familiales dans l’ancienne société mon-
particuliers au fils cadet sous réserve des droits déterminés de gole, du sein de laquelle naquit, on ne l’oubliera pas, leur
Painé, association cimentée par l’institution de la vendetta et par empire universel, présente un grand intérét, non seulement du
point de vue des études mongoles, mais d’un point de vue socio-
un culte particulier.
Tous ces traits ne présentent aucun caractére particulier ou logique général.
original qui puisse distinguer les anciens Mongols des autres
peuples soumis, ou ayant été soumis au régime de clan. D’aprés Nos principales sources, |’Histocre Secréte et la Somme des
V. V. Barthold, usage de laisser le fils cadet auprés du pére et Mistoires de Rasid ud-Din, attestent fréquemment que, chez les
de lui réserver le capital de fond, se présente chez les nomades anciens Mongols les clans (0609) se trouvent perpétuellement en
comme une survivance de l’état de chasseur‘. A I’égard des mouvement et présentent des unités d’importance essentiellement
anciens Mongols, cette thése trouve une confirmation dans le fait variable, en raison du regroupement incessant des divers ras-
que les Mongols méme nomades de cette époque se trouvaient semblements de clans. En effet, au xu° siécle, et sans doute aussi
étroitement liés au régime des chasseurs, ils sont des nomades- aux époques antérieures, il était fort rare qu’un clan mongol vive
chasseurs *, et une partie d’entre eux continue a rester de véri- seul, isolé; ils constituaient généralement divers groupements
tables chasseurs « forestiers » ; il y avait aussi des lignées établies que les Mongols appelaient irgan, qu’on peut traduire par « tri-
bu », « sous-tribu », et ulus, « état », « fief ». D’autre part, des
branches séparées se détachent continuellement des clans pour
1. R. ud-D., 1, 76; H. S., 44-45, 37-61, passim. Cf. V. V. Radloff, K voprosu
0b wigurakh, St Ptbg, 1843, p. 68 ; Marco Polo, 91. constituer & leur tour de nouvelles sociétés de clans. On se
2. H. S., 66, 145; R. ud-D., II, 33, 102, 419 ; III, 42. trouverait par conséquent en présence, semble-t-il, de deux ten-
3. Cf. R. ud-D., I, 169. dances diamétralement opposées.
4. Barthold, Sviaz’obédestvennago byta s khosiaistvennym ukladom u turok
+ mongolov, Bulletin de la Soc. arch., hist. et ethnogr. prés l’université de Pour chaque membre de l’ancien clan mongol un parent était
Kazan, t. XXXIV, fase. 3-4, 1929, p. 3. uru
~ urug,
h « descendant, rejeton de ce clan », par conséquent
5. Cf. La coutume cynégétique décrite par R. ud-D.(III, 93): « L’usage
mongol veut que lorsque pour la premiére fois les Jeunes garcons prennent __ 4. Le chamanisme a été plus facilement conservé par les peuples « fores
part 4 la chasse leur grand doigt est oint, c’est-a-dire on Penduit de viande liers », R. ud-D., I, 142; cf. V. V. Barthold, Sviaz‘obséestvennago byta s
et de graisse » ; cf. Tchang Té-houei, 585. khosiaistvennym ukladom u turok t mongolov, p. 2.
74 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOcIETE MONGOLE
« parent », « proche »'; tandis que toute personne étrangére 715
était Jat, « stranger », « aubain »*. Tous étaient, par conséquent, mon visage de travers, attendu que ton clan ne peut me consid
érer
divisés en urug et Jat. Mais parmi les Jat se trouvaient le clan, de cette maniére. » Dans les Sentences de Cinggis-han on
trouve
ou des clans et des lignées entiéres abritant les tdrgiit, « parents ces paroles’: — « Si quelqu’un de notre clan agit a l’enco
ntre
du cété de I’épouse ». Les membres de ces clans pouvaient étre des prescriptions du Jasaq, une premiére fois qu’on l’exhorte
par
considérés autrement que jaz, on les appelait guda®, « parent la parole; s'il s’agit A Pencontre deux fois qu’on agisse sur lui
par
par alliance » [russe : svaé]. V’éloquence; aprés la troisisme fois qu’on lenvoie dans le pays
Les relations avec les parents étaient différentes de celles éloigné de Baléin-Quléur . Aprés y étre allé et en étre revenu —
observées 4 l’égard des étrangers, Jat, et on exigeait d’eux une il sera_attentif. S’il ne s’assagit pas, qu’on le mette aux fers
et
attitude particuliére. en prison. S'il en sort vertueux et assagi — fort bien ; Sinon que
La défense, la protection, l’aide aux siens
“heniatee:
étaient les obligations fondamentales du clan, des parents. On tous les parents se rassemblent, constituent un conseil général
et
n’oubliera pas que l’on considérait wrug non seulement les décident ce qu'il y a lieu de faire avec lui. »
Les compagnons de Cinggis-han lui disent, quand il se prépare
ea tate
membres d’un méme clan, mais aussi ceux des autres clans consan-
guinement unis par la descendance d’un méme ancétre commun a tuer son oncle, passé aux ennemis?: « Détruire ses parents,
(abtiga), ceux de tous les clans d’un méme « os » (yasun). Ainsi c'est la méme chose qu’éteindre son feu. »
Encore un passage intéressant dela Somme des Histotres*:
oo
Cinggis-han, ayant appris les délits commis par le clan apparenté
des Jiirki, dit*: « Pourquoi souffrons-nous de pareilles offenses Qoro- Qajar-ba’atur * et Sartaq-bahadur... étaient fréres, au temps
PAN USO
de la part des Jiirki? Autrefois, pendant un festin sur les bords de Cinggis-han. Au moment du partage ils s’engagérent dans le
de la riviére Onon, « millier » de Jadi-noyan ° et... induisirent la tribut Bargut...
dans la forét, leurs gens ont tué le grand-
échanson et fendu I’épaule de Bilgiitdi ; maintenant, quand j’ai dans une parenté-alliance avec la tribu Manqut... Ils prétérent
ESE
voulu, avec eux, venger les ancétres, ils ne sont pas venus; au alors serment, s’engagérent et se lidrent par un pacte : « Nous
contraire, ayant passé 4 l’ennemi ils sont devenus des ennemis. » serons comme des fréres et le clan l’un pour l'autre... »7.
Voici un récit caractéristique de Ragid ud-Din®: « Il y avait Linstitution de la « fraternisation » observée chez les
encore deux jeunes garcons, deux fréres : l’un se nommait Quli ®, anciens Mongols, appartient au domaine des relations inter-
Vautre Qara-Mongiitii-Uha. Ils étaient, tous les deux, des Tatar nationales. Deux personnages, appartenant généralement a des
Tutuqli’ut’. Deux épouses de Cinggis-han, qu'il avait prises-dans clans différents, méme s’ils sont proches, concluent entre eux
la tribu tatar, Yesiiliin un pacte d’amitié en échangeant obligatoirement des présents.
et Yesiikin ’, intervinrent en faveur de
ces deux jeunes garcons, car elles étaient du méme os. » L’her- Aprés quoi, selon l’ancienne coutume mongole, ils devien-
cule tatar Qamus, fait prisonnier par le Karait Sary-han, dit a ce nent anda, « fréres de nom » [fréres jurés] °. L’Histocre
dernier qui le regardait de travers’: — « Tu ne peux regarder
1. R. ud-D., III, 128 ; ef. D’Ohsson, II, 247,
1. Cf. Quatremére, 7-8. 2. L’édition russe porte: Baljiut-Quljur [Nom omis a l’index de l’édition
2. Voir ci-dessus, page 64, extraits du texte « mongol » de I’'H., russe; forme douteuse; le Baljiun-Quljur de Berezin ne repose sur rien ;
S. Les le
deux termes se retrouvent dans les parlers tures. Baljiut-Qulcur de Vladimirtsov est une simple erreur. — P. P.}.
‘
3. Voir ci-dessus, page 38. 3. H. S., 434.
4. H. S., 67, ef. R. ud-D., IE, 104. 4. R. ud-D., I, 137.
5. 1, 64. 3. [Nom douteux. — P. P.].
6. L’édition russe mentionne : Qulu (Cest une fausse transcription 6. [« Jadai » est seul correct. — P. P.].
de 7. Les italiques sont de B. Vladimirtsov.
Berezin. — P, P.}.
7. Dans Pédition russe: Tutuquliut (Mauvaise lecon de Berezin 8. Cf H. S., 48-49. La traduction chinoise s’écarte de Voriginal mongol
pour :
Tutuqli’‘ut. — P. P.}. Ydstigdi gan dcigd-li'd Kardi irgdn-t Ong-gan anda kd'aldiksén ajulu.déi-
8. L’édition russe mentionne: Bisiikat et Bisalin (Mauvaises gélu'é minu anda ké'aldiiksin dcigd mati bijé « Wang ban de la tribu des
lecons des Karait, avec le han-pére Yasigai, s’appelaient mutuellement fréres de
Berezin. — P, P.]. nom
9. R. ud-D., I, 67. (anda). Celui qui est frére de nom de mon pére, m’est aussi comme un pére. »
Cf. R. ud-D., T, 104 ; IT, 408, 106, 108-109.
16 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 17
Seeréte en apporte Je témoignage suivant': Tamiijin et entretenaient souvent des relations hostiles, mais que les clans
Jamuga disaient entre eux: « les vieilles gens racontent que parents, urug, guerroyaient aussi entre eux et se couraient sus.
lorsqu’on devient anda, alors deux amis ont comme une seule Nous apprenons méme que les membres d’un méme clan -oboq
vie; l'un n’abandonne jamais l’autre, et ils défendent la vie ’'un pouvaient se faire la guerre et se trouver dans divers camps
del’autre ». En réalité il n’était pas indispensable que les deux anda ennemis. Les urug devenaient alors jat, et ils étaient traités en
vivent ensemble, les anda devaient seulement se soutenir et s’aider Jat; Vamitié n’y pouvait rien, les anda de naguére cherchaient
mutuellement, comme s’ils avaient fait partie d’un méme clan- parfois 4 s’entre-tuer, comme les ennemis les plus féroces. En
obog. Le Karait Wang-han et Cinggis-han en fournissent un général, il serait vain de chercher dans la société mongole des
exemple historique. On sait que leurs relations avaient pris une xu-xu® siécles: « U’harmonie entre la liberté individuelle et la
tournure particuliére : Wang-han aurait en quelque sorte adopté plus étroite solidarité »*, que certains ethnographes inclinent a
Cinggis, devenant ainsi son pére d’adoption. Wang-han « se mit voir chez les tribus dites primitives. Ginggis-han lui-méme définit
d’accord avec Cinggis-han, prés la Forét Noire de la Tola, et comme suit l'état de Pancienne société mongole?: « Leurs
Vadopta. Auparavant, Cinggis donnait a Wang-han le nom de enfants n’écoutaient pas les enseignements moraux des péres ;
pére en raison de son amitié avec Yasiigii; cette fois-ci ils ont les fréres puinés ne faisaient pas attention aux paroles des ainés;
eux-mémes conclu un pacte de pére a fils »*. Cinggis appelait le mari n’avait pas confiance dans sa femme, et la femme
Wang-han: ddigd. « pere », et Wang-han appelait Cinggis : wobéissait pas aux ordres de son mari... De ce fait (il existait)
ho'tin, « fils » *. une opposition de voleurs, menteurs, provocateurs et brigands.
En général, les traditions mongoles parlent souvent des Le soleil n’éclairait pas les demeures de ces gens, c’est dire qu’ils
enfants adoptifs, qui devenaient fréres d’adoption des membres pillaient; leurs chevaux et manades n’avaient pas dé repos ; les
de divers clans. D’habitude on adoptait les petits enfants, ramas- chevaux montés par l’avant-garde, ne connaissaient ni paix ni
sés dans les camps ennemis pendant les guerres et les invasions’. tréve, jusqu’a ce qu’ils périssent, crévent, pourrissent et dispa-
Mais, un fils adoptif ne s’incorporait pas au clan de son pére raissent. Tel (était) ce peuple sans régle, sans raison. » Rasid
d’adoption, de méme les enfants adoptés n’étaient pas toujours ud-Din décrit certaines tribus mongoles sous des couleurs encore
incorporés au clan de leurs parents ou de leurs fréres d’adoption : plus sombres, les Tatar par exemple, qui d’aprés lui: « sans
ils continuaient 4 appartenir au clan dans le camp duquel ils arrét... se livraient a l’assassinat, au brigandage et au pillage les
avaient été saisis. Ils jouissaient néanmoins des mémes droits uns des autres » *. Enfin l’Histoire Secréte est en effet la source
matériels que leurs nouveaux fréres, eux véritablement issus de « secréte » décrivant les événements les plus sombres survenus
leurs parents; toutefois, ils recevaient la plus petite part ®. L’es- dans le sein d’un méme clan, d’une méme famille, d’un méme
sentiel est qu’ils obtenaient asile et protection dans la maison, et « os »*. On a déja rappelé qu’il existait dans l’ancienne société
par conséquent dans le clan qui les avait accueillis.
Simultanément nos sources rappellent sans cesse que non seu- 4. Voir l'article de L. J. Sternberg, Teoriya rodovogo byta, in Dictionnaire
Encyclopédique Brockhaus et Ephron, XXXII, A, p. 906 (les italiques sont
lement les clans étrangers, jat, éloignés les uns des autres, de L. J. Sternberg).
2. Voir « Sentences » de Cinggis-han, R. ud-D., HI, 120. Cf. les paroles
4. H.S., 58. d’un compagnon de Cinggis-ban parlant des temps passés aux fils du ban,
2. H. S., 82-83 ; cf. R. ud-D., I, 106; I, 103. citées par lH. S.: — « Quand vous n’éliez pas encore nés, Punivers était
3. H. S., 91-93; R. ud-D., II, 138-140. Le titre, en quelque sorte, de rempli de troubles; les hommes se battaient et se dépouillaient les uns les
déigd, « pére » était aussi conféré parfois dans d’autres occasions. Ainsi, il autres, et personne ne pouvait vivre tranquille » (444). Si nous ne possé-
se trouvait attribué 4 Ménglik, parce qu’il avait épousé la veuve de Yastigai- dions d’autres renseignements, de semblables témoignages émanant de per-
ba/atur, mére de Cinggis-han, voir R. ud-D., I, 438. sonnes directement intéressées, pourraient sembler entachés de partialité.
4. H. S., 39, 67, 68, 124; R. ud-D., I, 88-59, 123, 167. 3. R. ud-D., I, 32.
5. H. S., 413. Ils appelaient les parents adoptifs ddigd, « pére », et aka, 4. Dans la plupart des cas, ces récits se trouvent corroborés
« mére », voir R. ud-D., I, 58-39. Ainsi, il est dit de Sigi-Hutubu en termes par d’autres
sources, R. ud-D. par exemple. Le milieu de l’aristocratie mongole en conserva
explicites: « Sigi-Hutubu de la tribu Tatar. Cinggis-han Yappelait son cin- un souvenir durable, comme le prouvent les narrations de Sanang-sacan et
quiéme fils », R. ud-D., III, 149. . Altan tobdt; voir par ex., Ss, 64-63 ; A. t. 88 ; voir aussi RAS-V, 1930, p. 219,
78 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 19
mongole des pauvres et des riches, nous: savons qu’il y avait des pour ainsi dire; dans !’autre, la dispersion et la scission des clans,
maitres et des serviteurs, nous savons aussi qu’il y avait des la subordination leur sont imposées par la force, contre leur
« esclaves ». volonté.
Comment expliquer tout ceci? Que disent nos sources? Que Arrétons-nous tout d’abord au deuxiéme cas. La dispersion des
représentait la société « de clan » mongole des xix" sidcles? clans résultait, comme on s’y attend, d’une détaite militaire. Les
Qui donc étaient ceux qui paraissaient génés de transhumer avec ennemis vainqueurs divisaient les clans; les parents disséminés
leurs autres parents? Qui occupait les meilleures places dans allaient vivre, avec les jat-allogénes, parmi les membres de clans
les battues? Et qui donc, par contre, rabattait le gibier et noma- étrangers. Les sources montrent aussi, que parfois des clans
disait en Aiiriyén populeux? D’ot les Aan, les « esclaves »? Qui entiers tombaient dans la dépendance d’un autre clan soit parent-
sont les « compagnons d’exploits » de Cinggis-han ? urugq, soit étranger-jat, indifféremment, ou méme d’une branche
L’ancien clan mongol et la société de clan mongole des x1°- d’un clan quelconque. Nous savons encore, que différents clans ou
xu’ siécles étaient fort éloignés d’un régime de clan primitif. Nos branches mongols devenaient vassaux d’autres clans et de leurs
sources montrent l’ancien clan mongol et la société « de clan » ramifications, non seulement du fait de guerres malheureuses,
sous un jour tout a fail différent. On peut avancer qu’A cette — ce qui était le plus fréquent, — mais aussi pour d’autres rai-
époque le clan, chez les tribus mongoles, en était déja a un stade sons: « Lorsque ingais han, dit Rasid ud-Din, eut entirement
de décomposition, aprés avoir sans doute traversé une longue vaincu la tribu des Taiéiut et que les tribus Uru’ut et Manqut
période d’évolution, sur laquelle nous ne possédons pas de ren- meurtries et affaiblies se furent soumises, il donna l’ordre d’en
seignements positifs. Par contre nous disposons de données suf- tuer la plus grande part et d’abandonner tous les autres a Jadai-
fisantes — répétons-le — concernant la vie sociale des Mongols noyan ‘ en esclavage... Bien qu’étant ses parents, ils sont devenus
aux xu*-xul* siécles. ses esclaves sur l’ordre de son rescrit, et jusqu’A maintenant la
Notre attention se trouve de prime abord sollicitée par un troupe uru’ut et manqut est esclave du clan de Jidai-noyan ®. »
aspect de la vie de clan des Mongols de ce temps. Tandis que de De tels récits se rencontrent trés souvent, tant dans I’ Histoire
trés nombreux clans mongols vivaient sur un méme sol, chacun Secréte que dans la Somme des Histoires; les autres sources
de ces clans nomadisant dans les limites d’un méme territoire contiennent aussi des allusions. Mais les liens de vassalité se
commun, il s’en trouvait d’autres qui vivaient éparpillés, trans- trouvent le mieux décrits par Rasid ud-Din.
humant conjointement avec d’autres clans étrangers. On sail que Ragid ud. Din donne la description suivante, traduite par Bere-
les gens du clan Baya’ut vivaient éparpillés, une partie nomadi- zin dans une langue comme d’habitude un peu fruste, mais assez
sant avec Ging. is-han, et l'autre avec la tribu Taiéi'ut ! ; de méme
lapidaire’: « On nomme & cette époque les Ongu-Bugul tribu
pour la lignée Fala, les différents clans entrant dans sa compo- [issue] des Mongols, mais au siécle de Cinggis-han ce nom ser-
sition vivaient séparément parmi des clans et lignées étrangers vait & les désigner tous. Ongu-Bugul signifie qu’ils sont les
(Jat). Enfin, il est avéré que les représentants du clan Borjigin, esclaves, et les enfants des esclaves des ancétres et des péres de
notamment de la branche & laquelle appartenait Cinggis-han, ne Cinggis-han: certains d’entre eux, qui au temps de Cinggis-han
vivaient pas, non plus, en commun ; peut-étre sans se joindre a ont rendu d’éminents services et ont acquis des droits solides, se
des clans étrangers*. L’analyse des sources fait ressortir que nomment de ce fait Ongu-Bugul. Ceux qui tiennent fermement
dans ce cas le méme phénoméne résulte de causes, de facteurs la route ongu-bugul, seront mentionnés chacun & sa place ; main-
entiérement différents. Dans un cas les clans se dispersent volon-
tairement, des fractions de clans se détachent de leur plein gré,
4. L’édition russe mentionne ici : Jida-noyan [« J ida-noyan » est incorrect.
contraire 4 tous les manuscrits. — P. P.].
2. 1, 190-194. On sait aussi qu’une partie des clans Uru’ut et Manqut men-
1. H. S., 60, 120; R. ud-D., I, 475 ; I, 43, 93. tionnés par R. ud-D. s’est ralliée a Cinggis-ban avant ce massacre. H. S.,
2. R. ud-D., 33-44; H. S., 59, 60, 64, 68. 87-91 ; R. ud-D., I, 189-190.
3. H. S., 44-46, 48-61; R. ud-D., II, 30. 3. R. ud-D., Il, 44.
80 ” LANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE
tenant, 4 cet endroit, la narrationa été suffisante pour qu’on 31
sache ce que ce nom veut dire. » vir en temps de paix et en temps de
guerre, et en général les
«... Comme Cinggis-han — continue lhistorien persan ‘ — considérer en urug, sans égard a leur
qualité réelle Vurug ou
était souverain (han), seigneur de la conjonction des planétes. de Jat. Le service du clan suzerain
consistait essentiellement
autocrate de la terre et du temps, tous les peuples et clans mon- pour les unagan 6ogol, & transhum
er en méme temps que
leurs Suzerains, ou a réunir
gols, apparentés et étrangers, sont devenus ses esclaves et ses sur. leurs instructions hiiriyan
serviteurs: en particulier ceux de ses parents, oncles ou cousins et ayil facilitant a leurs maitres la
gestion en grand d’une
germains, qui pendant les opérations de guerre furent de concert *conomle pastorale'. Au cours des
battues ils faisaient office
avec ses ennemis et se battirent contre lui, dans une moindre de rabatteurs et rabattaient le gibier*.
Souvent les relations
mesure les autres, el nombreux furent ceux qui devinrent esclaves entre seigneurs et unagan bogol s'hu
manisaient au point de
des esclaves. » commencer a rappeler les relations
de deux clans voisins et
Le terme « Ongu-Bugul » de Rasid ud-Din alliés. Le clan suzerain, s'il appartenait
n’est autre chose a un autre os, prenait
que le unagan bogol mongol (anciennement: femme chez ses unagan bogol, et
dogal). On dési- lui donnait ses jeunes
gnait ainsi les vassaux immémoriaux d’un clan filles® ; compagnons d’armes et amis
ou d’une maison, des membres du clan
héréditairement attachés 4 son service. Contant Suzerain sortaient du milieu unagan bogol
le massacre de la *. Tout ceci permet
tribu Jalair, Rasid ud-Din observe?: « Leurs d’assimiler les relations entre clan
femmes et leurs suzerain et clan unagan
enfants, tous devinrent les esclaves de Qaidu, fils de Munulun ; bogol, a celles du suzerain, du seigneur
et des vassaux serfs.
parmi eux, plusieurs jeunes garcons furent gardés prisonniers et Les unayan bogol des anciens Mongols
étaient des vassaux
devinrent esclaves de leur clan. A partir de ce moment et jusqu’a serfs, qui ne pouvaient librement défai
re les liens qui les
présent la tribu Jalair représente des esclaves-serfs; ils échurent attachaient au clan suzerain °,
par voie de succession 4 Cinggis-han et a son clan et c’est de «Cinggis, — dit) Histoire Seeréte, —ordon
nade transmettreau
chez eux que viennent les plus anciens biki. » frére To’orin (To'oril) : « Je tappelle frére
pour la raison sui-
Le terme unagan bogol ne peut étre traduit par « esclave », « vante: autrefois Tumbinai et Caraqai-ling
qum * possédaient un
« serf». En effet, du point de vue de RaSid ud-Din, familiarisé « esclave, pris parmi les prisonniers, du nom
de Ohda; Ohda avait
avec le pouvoir illimité et capricieux des monarques orientaux, «un fils, Siibagai; le fils de Siibigii était Koko
“« fils de ce dernier Yagai-Qongtagor ; tu-kirsa’an ; et le
tous leurs sujets étaient « esclaves »; ce terme contenait un sens quant au fils de Yagii-
entierement différent de celui que nous lui attribuons. Les una- « Qongtagor, c’est toi. A cause de quel
peuple flattes-tu Wang-
gan bogol des anciens Mongols n’étaient pas esclaves dans toute « han? Altan et Quéar ne permetiront jama
is & d’autres de gou-
lacception du terme: ils conservaient leur propre bien, jouis- « verner mon peuple. Tu es mon esclave
par voie d’héritage de
saient d’une certaine liberté personnelle, leurs seigneurs ne pré- « mes ancétres. C’est la raison pour laquelle
je te nomme frére. »
levaient pas la totalité des fruits de leur labeur. Tout d’abord, les Ce passage montre que les généalogies n’éta
ient pas seulement
unagan bogol se trouvaient dans la dépendance non d’une seule établies pour les seuls Mongols « libres
», membres de clans
personne, mais de tout un clan, ou d’une de ses branches, ce qui déterminés ; la généalogie d’un vassal serf
parait aussi bien
est, en définitive, la méme chose. D’autre part, les unagan bogol connue, bien que Cinggis-han ne dise pas si
le clan tout entier de
maintenaient souvent les liens de clan entre eux: ils vivaient
4. R. ud-D., 92, 94-98, H. S., 23, 49-44
d’une méme vie de clan, sous un méme régime de clan que 3 ir med Eat» IH, 129 (témoignag
, 39-61, 64,
leurs maitres. Leur obligation essentielle & l’égard du clan suze- es indirects).
rain était le service. Ils devaient assister leurs seigneurs, les ser- 4. R. ud-D., I, 33, 169, 175; H.S.,
94, ete.
ji 5. Cr Les termes correspondants du féoda
lisme francais : servus (« serf »),
1803, ar eeE A. Luchaire, Manuel des institutions frang
aises, Paris,
4. R. ud-D., I, 12.
2. R. ud-D., II, 16. un 6. Wind
Ginitiex
al de V’édit
Py ion russe mentionn e onne:: Jarag
enti Jaras a i lecon, ili faut
[Mauvaise
6
82 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOGIETE MONGOLE 83
To’oril et de ses ancétres vivait dans la maison-clan du futur han trés caractéristique circulait sur le compte de l’ancétre de cette
mongol’. ; branche des Baya’ut'. Une fois que Dobun-miargin, époux
de
Voici encore un témoignage de nos sources? : « Cinggis dit au Villustre Alan- goa, allait A la chasse, il rencontra un Uriyanghat,
grand échanson Onggiir, fils de Ménggitii-Kiyan: « Autrefois, qui lui offrit de la viande de renne. Ensuite il rencontra
un
« avec trois maisons Toqura’ut, cing maisons Tarqut et deux homme du clan Ma‘aliq-baya’ut?, conduisant_un jeune gargon,
« clans Cangsi’ut? et Baya’ut, tu as formé avec moi un seul camp... son fils. Cet homme était pauvre, en échange de la viande de
« Maintenant, quelle récompense souhaites-tu ? ». Wangur renne il donna son fils 4 Dobun-mirgin. Dobun-mirgiin emmena
répondait : « Si magnanimement tu m’ordonnes de choisir moi- ce jeune garcon et en fit un serviteur dans sa maison. Ragid ud-
méme, je voudrais réunir les fréres du clan Baya‘ut actuel- Din écrit? comme s’il commentait Histoire Seeréte: « La plu-
lement dispersés dans divers ulus. » On sait que les Toqura’ut, part de la tribu Baya’ut esclaves de Cinggis-han, descendent de
dont le fragment cité fait mention, formaient l’une des branches de ce jeune garcon. »
la tribu Jalair’, qui était unagan bogol du clan de Cinggis ; Il serait facile de multiplier ces exemples en puisant dans nos
les « Jalair » devinrent prisonniers et esclaves de Qaidu-han... et sources. Ainsi, le célébre Sorgan-Sira, qui sauva la vie & Cinggis-
de ses enfants et de ses parents, et se transmettaient par voie de han et pére de deux de ses compagnons, était un des « gens de
succession d’un ancétre de Cinggis-han A l’autre, c’est pourquoi maison » du clan Taiti’ut* et devait se déplacer avec son camp *.
ces tribus étaient des esclaves serfs (ungu bogol) », écrit Rasid ud- Un récit curieux de I’ Histoire Seeréte décrit la manidre dont
Din*. On sait que les Tarqut étaient une tribu « forestiére » °; les hommes entreprenants réduisaient en servage des vassaux
l’épouse de Bartan-ba’atur, grand-pére paternel de Cinggis-han, unagan bogol, aux anciens temps légendaires *. Bodonéar,
en provenait. Ragid ud-Din parle de cette lignée®. Il est possible ancétre du clan Borjigin, descendait le cours de l’Onon, aprés
ue plusieurs familles de cette lignée aient été offertes au clan de s’étre brouillé avec son frére, & propos du partage de la succession
bingsis au titre de « dot », znjd, de sa grand’mére; il sera de leurs parents. Il rencontra une branche, une lignée d’un quel-
question de 2nJd par Ja suite. conque petit peuple (4dliig irgdn), et remarqua que chez cette
On ne sait rien des Cangsikit [séc]’, appelés dans un autre peuplade « il n’existe ni grands, ni petits, ni mauvais, ni bons,
passage de I’ Histotre Secréte: Cangsi‘ut*. En ce qui concerne le ni téte, ni pied, et (tous) sont égaux » 7. Aprés s’étre réconcilié
clan Baya’ut on sait qu’une de ses branches était depuis les temps avec ses fréres il leur proposa de s’emparer de cette peuplade,
anciens unagan bogol du clan de Cinggis-han®. Une légende dont il serait facile de venir A bout en raison de son état: « I
/ est bon, quand sur le corps d’un homme ily a une téte, et sur
1. H. S., 94; Cf. les narrations relatives au méme message chez R. ud-D., le vétement un collet », dit-il’. Les fréres consentirent, atta-
II, 440 et dans Skazanié o Cinguiskhane, p. 173. Le fond des trois versions est
le méme. Il est intéressant d’observer
quérent, et 4 eux cing s’emparérent de la peuplade. Et ils
que To’oril, pendant une conférence
avec les ennemis de Cinggis, lorsqu’on proposait de le tuer, déclara: « Non, « arrivérent ainsi, dit l’Azstozre Secréte, A vivre avec des trou-
mieux vaut conquérir son peuple; alors, que lui restera-t-il a faire? » (H. peaux de bétail et des gens de service » °.
S., 84). Paroles caractéristiques dans la bouche d’un vassal insurgé.
2. H. S., 120. | 1. H.S., 23; cf. R. ud-D., -Il, 5.
3. [Ed. russe: Cangsikit, voir p. 74, n. 4.]
4. R. ud-D., I, 33, ef. I, 248; H. S., 188. 2. [Voir page 69, note 7.]
. R. ud-D., II, 5.
me OD
.#H.S., 48. 8 H.S,, 417; R. ud-D. rend compte du méme fait d’une maniére quelque
. Test possible que le barattage du lait, c’est-a-dire la préparation du peu différente, mais le fond est le méme.
a
86 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 87
A Vépoque de Cinggis-han, du fait des guerres et des incur- bouche... » Il dit ensuite a Qisliq: « Attrape et attache ensemb
le
sions on voit se multiplier considérablement le nombre des clans un cheval blanc et un cheval bai; je pars demain matin. » Ayant
conquis, qui portent déja simplement le nom de dogo '; mais rapi- écouté ces paroles Qisliq s’en alla et dit & Badai: « Je viens de
dement ou bien aprés quelques générations, ils se transforment vérifier; les paroles sont exactes. Allons prévenir Tamijin. »
en unagan bogol, recommengant en quelque sorte l’histoire de Ayant attrapé et attaché deux chevaux, ils pénétrérent dans leur
ces derniers*. D’ailleurs, on remarque dans ce cas une différence yourte, tuérent un agneau et le firent cuire sur un feu allumé
capitale, sur laquelle nous aurons A revenir en détail: les nou- avec le bois de leur chalit; ils enfourchérent ensuite les chevaux
veaux dogo/ deviennent souvent les vassaux serfs non pas d’un quils avaient attrapés, et dans la méme nuit atteignirent la
clan, mais d’une personne déterminée, et c’est elle et sa maison demeure de Timijin, par derriére ».
qu ils sont tenus de servir ’. Les éogol, vassaux et serviteurs des anciens Mongols pou-
D’autre part, la société de clan mongole des x1*-xmi° siécles vaient étre libérés, auquel cas le lien entre noyan et bogol, entre
connait aussi les esclaves-serviteurs [russe: rab-slugitel’]; sans maitre’ et « esclave » se trouvait rompu. Le dogol devenait
étre assimilables aux esclaves des peuples sédentaires, ils se dis- darhan, ¢ est-a-dire un « esclave affranchi » 2. « Sorqan-Sira, Badai
tinguaient néanmoins des « vassaux » serfs. Ils portaient le nom et QiSliq! soyez libres, déclara Cinggis-han®. Conservez pour
de dtéla bogol* « simples esclaves », ou jala’u®, ce dernier qua- vous seuls le butin ramassé au cours des campagnes et le gibier
lificatif de « vaillants lurons » [russe: molodtsy, sing : molodets| pris dans les battues *. »
traduitle mieux leur qualité d’adroits sigishées, palefreniers, etc. °, A une époque fort reculée, dont la légende seule conserve le
Incidemment, l’Histoire Secréte nous parle, avec force détails souvenir, le clan mongol aurait peut-étre été constitué par les
pittoresques, de deux « sigisbées » de ce genre’: « Siingiin... dit... seuls parents -urug, parmi lesquels « il n’existe ni grands, ni
« Allons plus t6t, encerclons et emparons-nous de Tamiijin... » petits, ni mauvais, ni bons, ni téte, ni pieds, et (tous) sont
Yaki-Carin, frére cadet d’Altan... dit : « Nous avons aujourd’hui égaux ». Mais aux xu*-xm° siécles, l’ob0g-clan représentait
décidé de concert, de partir demain et de saisir Tamiijin ; si quel- une formation complexe. L’oé0qg se composait, en premier lieu de
qu'un en avisait aujourd’hui méme Tamiijin, je ne sais comment il seigneurs parents consanguins, puis de vassaux asservis, wnagan
Yen récompenserait...» A ce moment, le garcon d’écurie Badai bogol, ensuite de « simples » domestiques, dtéla bogol, Jala’u.
apporta le gumyz; il entendit ceci; rentré, il le raconta & son Le clan se composait, par conséquent, de plusieurs groupes
camarade QiSliq. Qisliq dit: « Jirai encore pour écouter. » Entré sociaux. On pourrait méme les répartir en deux classes: la
dans l’habitation, il apercut Narin-Kiyan, fils de Yaki-Caran, classe supérieure avec les seigneurs wrug, ainsi que les unagan
aiguisant ses fléches, qui disait: « Oui, certains de nos gens bogol les plus en vue et les plus fortunés; la classe inférieure
de maison (il y aurait lieu) d’enlever la Jangue, de barrer la avec les vassaux serfs cadets et les serviteurs, dté/é bogol et
Jala'u. Les uns étaient noyat, « maitres », les autres garadu,
. ud-D., Il, 41-12, 50, ete. ; H. S., 36, 98, 410-144, « plébe », dogoldad « esclaves ». On a déja remarqué que Cing-
Doma
. ud-D., I, 57-58, 64, etc. gis han appelait « frére » un de ses unagan bogol influents*; on
CE By 4 2D
A
. Cf. R. ud-D., If, 23-24.
. A. S., 65; BR. ud-D., Il, 104-102.
H. S., 30; R. ud-D., II, 40, 49. . A. S., 32, 69; R. ud-D., I, 102.
H. S., 29-30; R. ud-D., I, 495. . A. S., 67. Cf. R. ud-D., Uf, 4384: « Ils ont fendu avec un sabre Pépaule
8 Po
Sot
. A. S., 34; R. ud-D., I, 182, 487; I, 13, 23-24. de mon frére. » Le grand échanson fut roué de coups par les « dames » du
H. S., 66-67; R. ud-D., II, 104-108. « clan » Jurki, H. S., 63; R. ud-D., 104.
H. S., 68-69. 6. R. ud-D., I, 182-183 ; II, 96.
. [Voir p. 62, note 5.] 7. Cf. R. ud-D., I, 182; H. S., 34.
92 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 93
maitres-urug Taiti’ut et de leurs subordonnés', unagan bogol,
bogol, nékét, etc... De telles agglomérations peuvent vraisem- Simultanément une véritable lutte s’engage tant avec les concur-
blablement étre appelées « clans ». rents, qu’avec ceux qu'il est question d’asservir, bogol'. L’iné-
;
Le récit consacré a la « grande famille » Jiirki est important a galité matérielle est & la base de ce processus. Les pasteurs
un autre point de vue. riches, et ceux quis’enrichissent, veulent raffermir, consolider
Il explique pour quelles raisons, dans leur
certains cas, qui devaient étre la majorité,
situation ; les pauvres résistent, mais ils doivent aller chez les
les clans se fraction-
naient. La tradition dit assez clairement que les hommes d’un riches, vivre auprés d’eux en qualité de bergers ou de serviteurs,
clan s’en détachérent avec un groupe dhommes « hardis, transhumant avec eux”; enfin ils deviennent ndkue.
robustes; énergiques et habiles au tir & V’are », compagnons pré- Dans cet ordre d’idées on observe aussi un autre phénoméne.
cieux pour les incursions et les razzias. Les hommes audacieux Les clans puissants, les richards [russe: bogaci| commencent aA
des autres clans devaient rallier volontiers une bande de ce genre. s’adjoindre par force, ou par l’attrait de divers avantages, les
En effet, nous avons déja entendu parler de Biiri-boké, qui membres d’autres clans ou des branches entiéres, constituant
fen- déja des groupements assez importants.
dit ’épaule du frére de Cinggis-han. Biiri-boké était le petit-fils
de Qabul-qa’an, il appartenait par conséquent au clan Borjigin’. Cette évolution est caractérisée par la formation d’une aristo-
Biri-b6kd trompa les descendants de Barlan® et devint cratie de clan nomade, née sur le terrain d’une économie nomade
le individualiste, engendrée par la lutte avec les groupes écono-
compagnon des hardis descendants de Okin-barqaq‘, explique
UHistoire Secréte*. Les clans détachés aspiraient a une vie miquement faibles. Partout & la téte des maisons ou des clans
plus aristocratiques, apparaissent des guides, des chefs particuliers.
libre, 4 une économie nomade plus large, 4 une meilleure part
dans Ces chefs obtiennent le pouvoir non point en vertu de leur
les battues. Les maisons, les familles qui se détachaient étaient bien
entendu parmi les plus riches, n’ayant rien a craindre d’une exis- ancienneté dans le clan, non point en qualité de doyens consan-
tence indépendante *. Mais le départ d’une de ces familles ou guins, mais pour leur force, leur adresse, leur bon sens, leur for-
d’une tune. Leur pouvoir peut étre considéré comme une prise de force,
fraction du clan n’était concevable que si les dissidents avaient
une. une usurpation. Ces chefs des maisons aristocratiques portent le
clientéle suffisante de vassaux et de serviteurs. Il leur fallait non
seulement d’habiles guardians et de bons bergers ’, mais nom générique de noyan, « maitre »‘; mais trés souvent on leur
aussi des attribue des surnoms qui paraissent refléter leur personnalité. On
guerriers résolus bons pour l’attaque et pour la défense.
Une méme évolution s’observe chez toutes les tribus et les appelle souvent: ba’atur, «le preux »; sdédn, « le sage»;
peu- mérgan*, « archer adroit »; dilga@°, «
plades de la société de clan mongole des x1°-xi" siécles, le sage »; b0k0’,
& Pexcep- «Lathléte ». Souvent ils arborent aussi des titulatures empruntées
tion des « forestiers », sur lesquels il n’existe pas de données
précises. Partout, maisons, « grandes familles », ou a d’autres peuples, aux Chinois par exemple®: tadsz, noyan,
simplement
des familles, qui se détachent de leur clan, pour sdngiin, ou bien tures: tagen, buyurug *. Leurs épouses et leurs
constituer
une nouvelle communauté de clans dont ils prennent la téte, filles portent des titres de hatun, bagi, femme du han, princesse
ou (cette énumération est loin d’étre complete).
bien obtiennent une situation prépondérante dans l’ancien
clan °.
1. H. S., 25, 40, 56, 59, 62, 63, 65, 66, 67 ; R. ud-D., II, 13-17, 20, ete.
1. R. ud-D., If, 90-91, 97-98 ; H. S., 38, 42-44. 2. H. S., 23; R. ud-D., I, 208; IT, 99.
2. H. S., 32, 69. Cf. R. ud-D., I, 101. 3. Il sera question des ndkét plus bas, page 110.
3. Cest-a-dire le pére de Yastigai-ba‘atur. 4. Ou « seigneur », cf. P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté, 1; in Rerue
‘. [« Barga » dans l’édition russe est une forme de VOrient Chrétien, 3 s., t. IV (XXIV), 1924, n° 3-4, p. 306. H. S., 30
fautive. — P. P.].
5. H. S., 69. (« boyard »).
6. Les familles économiquement faibles avaient peur 5. H. S., 23, 34, ete. ; RB. ud-D., I, 448.
de se détacher de la
société de clan, voir H. S., 37-38, 40. 6. H. S., 34.
7. Cf. R. ud-D., IE, 124. 7. H. S., 29, 32.
8. H. S., 29-32, 36-38, 61-62, 68-69, 74; R. ud-D., 8. R. ud-D., II, 19, 34.
II, 44, 12, 20, 21, 97,
28, etc., 29-30, 90-94, ete, 9. R. ud-D., I, 39, 409.
10. H. S., 83; R. ud-D., II, 78.
94 . L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE 95
Illustrons ces considérations sur J’aristocratie de clan des L/histoire du clan ou de la maison de Cinggis-han est encore
anciens Mongols par quelques exemples empruntés a nos sources. plus significative'. Le pire de Cinggis, Yisiigii-ba’atur, se
Voici le clan Taiéi’‘ut. Selon les traditions, qui ne sont pas abso- détache des autres lignées de son clan-tribu et constitue son clan
lument concordantes', ce clan est issu de la famille de Caragai- propre. [] réunit uneassez grande quantité de monde. II posséde una-
lingqum * petit-fils du légendaire Qaidu. Les Taiéi’ut étaient nom- gan bogol et serviteurs, il est également suivi par certains clans
breux; c’est-a-dire qu’une grande foule de parents, alliés, una- parents. Puis, « ses parents, c’est-d-dire ses oncles et cousins
gan bogol, nokot, etc. les servait, de sorte qu’on les désignait germains tous se soumettent et se subordonnent A lui ». Qui
comme une tribu, méme comme une fédération de tribus ou de donc est-il? Du point de vue d’un fonctionnaire chinois cultivé,
clans. « Les Taiti'ut, écrit Ragid ud-Din 4, étaient une tribu trés il était « chef de dix hommes »*. Aux yeux de Rasid ud-Din,
nombreuse... ; chaque tribu séparée avait un bek et un chef, et homme de cour et ministre d’un monarque tout-puissant, descen-
tous étaient liés par une alliance les uns avec les autres. Les dant direct de Yisiigiii, il fait figure d’une sorte de « tsar » ;
parents et alliés, unis avec eux, étaient tous appelés Taiti’ut. Les évitant, il est vrai, toute affirmation péremptoire, lhistorien
tribus et descendants de Ja’udin Hordiigiii ‘, ses parents et alliés, relate avec une certaine hésitation qu’il fut appelé « a régner ».
qui étaient avec la tribu Taiti‘ut, étant donné qu’ils étaient aupa- Mais que disent les Mongols? L’Histotre Secréte en fait non
ravant souverains de l’autre tribu, tous s’appelaient Taiti‘ut, de pas un « tsar » ou un « décurion », mais précisément un
méme qu’aujourd’hui, toute tribu qui s’est mélangée aux Mon- « ba‘atur », c’est-a-dire un preux, appartenant aux. clans
gols et a adopté leur caractire, et s’est fondue avec eux, quoique aristocratiques de la steppe *, qui a su se détacher de ceux qui le
n’étant pas du nombre des Mongols, porte le nom de Mongol. »* génaient et réunir autour de lui céux qui pouvaient lui étre
Bien que les Taiéi/ut aient été « tous unis et alliés les uns utiles.
avec les autres »°, certaines de leurs branches faisaient partie de On retrouve auprés de lui: parents et alliés qui acceptent,
différents groupes de clans’, tandis qu’une partie dentre elles s’entend, de le revonnaitre pour chef et de lui obéir; subor-
étaient soumises 4 Yasiigii-ba’atur, pare de bingsis-han, repré- donnés appartenant a divers clans, proches ou éloignés, unagan
sentant et chef d’une branche différente bien qu’apparentée a leur bogol, serviteurs, milice-ndkdt. Un concours heureux de cir-
clan. Aprés la mort de Yasiigii-ba’atur, les Taiéi/ut se séparent constances lui permet d’entreprendre quelques petites expédi-
de sa famille*. Ils se composent maintenant de plusieurs tions, d’effectuer des razzias, de se procurer des étalons rapides,
branches, a la téte de chacune se trouve placé un parent-urug « de belles jeunes filles » et de conduire son économie nomade a
Taiéiut *. Quand ils entrent en lutte avec Cinggis, un petit grand train. Mais, voici l’envergure de ses entreprises: avec
nombre d’entre eux, appartenant a une lignée collatérale, pour Vaide de ses fréres, il enléve une jolie fille rencontrée sur sa
ainsi dire, suivront le futur hagan mongol "'. route — on naura pas aaller loin chercher une fiancée. I] se bat
a plusieurs reprises avec les Tatar, mais sans résultat décisif, et
la prise d’un quelconque dirigeant tatar défraye les conversations.
1. R. ud-D., I, 182-484; II, 19, 23: Il contracte une alliance fraternelle avec le Kariit Wang-han et
2. R. ud-D. Vappelle Jaraga-lingum (ou lingu) ; la transcription de Berezin
n’est pas exacte; I, 182-183. lui rend d’importants services. Quand il part pour marier son
3. IT, 49. \ fils, il emméne un cheval de haras. I] aime agir seul, sans aides
4. Lédition russe mentionne: Ja’ucin Urguz [« Urguz » est mauvaise lecon et si des collaborateurs sont indispensables, qu’ils soient au
de Berezin. — P. P.]. — R. ud-D., II, 23-24.
5. R. ud-D., II, 24. moins du nombre de ses parents consanguins‘. I sait attirer les
6. R. ud-D., II, 49.
1. Ibid., II, 24. 1. H. S., 34-44; R. ud-D., II, 49-30, 33-54, 86-92,
8. H.S., 37. 2, Voir Vasil’ev, Tchao Hong, 247.
9. H. S., 37; R. ud-D., Il, 90-94. 3. Cf. Vladimirtsov, Cinggis-han, p. 18-49 [édition russe, 1922].
410. R. ud-D., Il, 24; H. S., 74. 4. Tl est possible qu’en Voccurrence ceci tienne au style de lHistotre
44, R. ud-D., Il, 93. Secréte.
96 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOcIkTh MONGOLE 97
représentants des clans soumis et les nékét, conserve les tradi- Yasiigdi-ba’atur commence A se relever'. L’ainé des fils, Tamit-
tions relatives 4 son clan, y attache du prix et s’en fait gloire. Jin se révéle doué, robuste, maitre de soi; sa mére l’élave dans
Mais Yasiigii-ba’atur meurt: rentrant seul de voyage il ren- les traditions d’un aristocrate de la steppe et lui rappelle le mal
cantre des Tatar en train de banqueter. La coutume des nomades que leur ont causé les « fréres Taiti’ut ».
exigeait qu'il s’arréte pour manger un morceau et boire un coup Autour du Tamiijin se groupent les jeunes gens désireux de
avec eux. Mais les Tatar, n’ayant pas oublié ses injures, mélan- devenir nko, les anciens vassaux de son clan, puis certains
gent a ses aliments du poison. Et peu aprés sa mort, des évé- parents-urug Borjigin. L’ancien clan parait renaitre avec tout son
nements importants allaient se produire. entourage. Tamiijin posséde urug, unagan bogol, nokot, et
Ces événements expliquent la nature de l’évolution que subis- alliés. Il soumet les uns par la force, séduit les autres par sa
sait alors la société mongole. Yisiigdi-ba’atur n’a pas réussi a qualité de chef authentique d’un clan aristocratique, ayant su
conserver a ses descendants le « peuple réuni ». Il est évident rétablir ses droits méconnus.
que l’édifice n’était maintenu que par Ja personnalité du ba’atur Voici histoire significative de la branche d’un de ces nobles
et par le concours qu’il obtenait de ses proches parents, en pre- clans constituant V’aristocratie des steppes dans lancienne
mier lieu de ses propres fréres. Il semble qu’au moment de la société mongole. Cette histoire ne présente dans l’ensemble rien
mort de Yasiigii, ils n’étaient plus avec lui, ayant eu le temps de particuliérement neuf ou d’inédit, rien qui ne soit bien connu
de s’en séparer pour vivre en communautés économiques indé- et qui n’ait déja été relevé, sauf parfois en ce qui concerne le
pendantes. II est possible que du vivant de Yasiigii quelques détail. On disait® de antique Qaidu, l’un des ancétres de Cing-
mésententes et quelques frictions se soient produites entre lui et gis-han: « On lui vit d’innombrables femmes, serviteurs,
« Yulus réuni »; nos sources y font allusion. Commandés par
manades et troupeaux » Tamiijin, le futur Cinggis-han, ne se
deux parents, les Taiéi‘ut lévent maintenant la téte. Is refusent présente pas du tout comme une exception. Bien au contraire, il
a la veuve de Yiisiigiii le droit de prendre part aux sacrifices du incarne un de ces nombreux représentants et chefs de clans
clan, soulignant ainsi leur rupture et s’en vont emmenant une aristocratiques, ou de leurs ramifications, issus de la société
partie importante des « gens » de la famille de Yasiigii-ba‘atur. de clan mongole’, caractérisée par l'économie pastorale indivi-
Sa veuve essaie de résister, mais ne peut rien faire. Une partie duelle et la communauté tribale des terres de pacage. On ne
du peuple qu’elle avait retenu, suit bientét les Taidi‘ut, qui ont
doit pas oublier que le clan mongol a cette époque n'est plus
manifestement la force de leur cété. Mais ces gens ne sont pas une simple fédération primitive de parents consanguins; il repré-
partis seuls, ils ont aussi emmené les bestiaux de Yasiigai, qu’ils sente une sorte de groupe, socialement subdivisé en couches
faisaient paitre. Il reste trés peu de bétail & la disposition de la déterminées, et en outre de sang différent.
famille du ba’atur et de ses femmes, restées avec des enfants en
J. N. Bérézin a observé il y a longtemps, a fort juste raison,
bas age, et avec quelques rares serviteurs ou servantes, attachés qu’au xu° siécle nous nous rencontrons chez les Mongols avec la
a leurs yourtes. Cette famille fut bientot obligée d’abandonner classe supérieure de la société, et que Raid ud-Din nous fait
l'économie nomade pour s’adonner a la chasse aux petits ron- connaitre: « la généalogie de laristocratie des steppes et ses
geurs et A la péche. Bientét, les derniers vassaux et alliés du exploits au temps de Cinggis-han et de ses successeurs » *. Il ne
preux décédé abandonnérent. Au lieu d’un seul groupement on parle qu’incidentment de Varistocratie mongole des xu‘ et xm*
en observe maintenant plusieurs et le groupe dominé par les sitcles; V. V. Barthold approfondit et développe la these de
parents taici’ut se trouve étre le plus nombreux et le plus influent, Paristocratie des steppes et de l’importance de cette classe de
mais lui aussi est dépourvu d’unité ; il se divise, chaque branche
a son chef, transhume par camp séparé, et se borne a maintenir 1. H. S., 44-74.
des relations « d’alliance » avec les autres branches tai¢i’ut 2. R. ud-D., Il, 19. ,
apparentées. 3. H.S., 37, 40-44, 4-14, 68-69.
4, J. N. Berezin, préface du t.I de R. ud-D., p. x1; cf. J. N. Berezin,
Cependant, aprés diverses infortunes, la famille abandonnée de Ulus Juci, 430-431.
7
LANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE sSOCIETE MONGOLE 99
98
recule d’un tous les peuples; alors mon état apparaitra avec clarté et vérité
Vancienne société mongole. G. E. Grumm-Griimailo
suivi Cinggis- a vous et aux autres tribus qaratu‘'. » L’Histoire Seeréte nous
pas; il n’admet pas que Varistocratie mongole ait
u, n’était pas communique la méme chose en termes plus laconiques? :
han, et dit’: « Le premier ami de Tamiijin, Bo’oré
quent , Jalma , non plus. » « Quand ils deviendront souverains de tous, alors le simple
un aristocrate, son compagnon subsé
ue, annex é a la peuple comprendra. » La distinction entre une origine « bonne »
Mais il suffit de se reporter & l’arbre généalogiq
corre spon- illustre et une origine « mauvaise », obscure (huja’ur)*, existe
traduction russe de l’Histoire Secréte, et aux pages
la preuve du incontestablement, de méme que la notion de « coutume sei-
dantes de Ragid ud-Din, pour obtenir précisément
issu du fils cadet gneuriale », noyad-un abiri [russe: povadka gospodskaya]'*.
contraire. Bo’préu appartenait au clan Arulat,
aussi aristocra- Les premiéres pages de lHistovre Secréte sont remplies par la
de Qaidu’, et d’ot provenaient des branches
e de ce généalogie des clans aristocratiques ° ; il n’est fait aucune men-
tiques que les Taiti’ut et les Borjigin ; cest la ligne cadett
au clan tion de ceux qui devinrent par la suite « vassaux » — unagan-
méme clan Borjigin. Quant a Jilma, il appartenait
clans mongo ls dont Vorig ine bogol. On chercherail en vain la généalogie des Jalair, Baya’ut
Uriyanghat, un de ces antiques
n-goa et a la forma - etc... C’est trés symptomatique.
légendaire serait antérieure & V’époque d’Ala
naiss ance® . Un épisode de I Histocre Secréte, et de la relation de Rasid
tion des clans mongols auxquels ses fils donneront
pas consan- ud-Din, permet de déduire que |’aristocratie mongole des steppes
On estimait, de ce fait, que le clan Uriyanghat n’était
in ‘. Mais ceci’ n’excl ut aucu- rencontra des adversaires en la personne des saman, ces survi-
guinement apparenté au clan Borjig
trés ancien , d’autant vants du régime « forestier » et chasseur®. On mentionnera
nement le caractére aristocratique de ce clan
e riche. Il que M. N. Khangalov et D. A. Klements aboutissent 4 la con-
plus que le pére de Jalmi, Jarciudai, était un homm
tenait & un clusion que les anciens Buryat ont traversé une période ot s’af-
était tout d’abord forgeron *, d’autre part il appar
de temps immé mori aux proprié- firme la souveraineté de Voligarchie chamanique’. Toutefois
clan, dont les membres étaient
n-Qal dun, ot le méme en admettant cette thése, il y a lieu d’observer qua
taires (djad) de la célébre montagne Burga
nouve au-né ’époque en question le réle des Jaman dans la vie sociale des
gibier abondait®. Aussi, Jaréiudai put-il offrir au
« des Mongols n’était pas important *, non plus que celui des représen-
Tamiijin-Cinggis un présent somptueux pour l’époque:
Laieu le des Mongo l-Bor jigin , tants des autres religions °.
langes doublées de zibeline » 7.
amical es avec le clan
Alan-goa, entretenait déja des relations
se sont
Uriyanghat'; ces relations entre Borjigin et Uriyanghat
f sbarae ou farafu mongol, « plébe, simple peuple » ; voir ci-aprés,
°.
maintenues par la suite pendant plusieurs générations
Pp
2. H. S., 26. Traduction d’aprés le texte « mongol ».
La tradition veut que l’aieule du clan Borjig in ait dit, parlant 3. H. S., 67.
bien apres la mort
de la descendance de ses plus jeunes fils, nés
4. H. S., 30; la version chinoise est différente ; B. Vladimirtsov traduit
d’un autre du « mongol ».
de son époux'?: « Ces enfants que jai apporté sont 5. H. S.. 23-32.
de
clan, quand ils seront grands ils deviendront han autocrates 6. H.S., 134-138 ; R. ud-D., I, 158-460 (Histoire du saman Kodké¢ii); ef.
Vladimirtsov, Cinggis-han, p. 87 [édition russe].
Grumm-Griimailo, Zapadnaya Mongoliyat Uriankhaiskti krat, ; ‘ A propos des Travaux de M. N. Khangalov et de D. A. Klements, voir
4. G. E.,
1980 16S4GT cf. P. Pelliot, Notes sur le « Turkestan », 49-51: RAS-V,
II, p. 408.
_H. S., 34, 60; R. ud-D., I, 9, 164.
8. R. ud-D., J, 59-53, 142, 207, 208; IIE, 8, H. S., 122-423.
0 A SDE em OO bo
. ud-D., I, 444-4144.
. ud-D., I, 134-138. 9. Cf. Palladius, Kommentarit... na... Marco Polo, 16-49, 25-27 ; P. Pelliot,
Chrétiens d’Asie Centrale et @Extréme-Orient, in Toung Pao, 1914, 623-644.
me
p. 89.
40. R. ud-D., U, 10.
SOCIAL DES MONGOLS LE REGIME DE CLAN DE L’ANCIENNE SOCIETE MONGOLE ~ 404
400 L’ANCIEN REGIME
discute les projets fortuitement établis, auquel ne prennent part
que ceux qui sy intéressent et qui désirent y participer*. De ce
fait, il arrivait souvent, que les fractions d'une méme tribu-
C. — Cuers-Ha’an.
irgan s’affrontaient dans des camps différents, parfois méme
« Tous les liens du sang n’ont pu les
hostiles et belligérants*. Souvent, surtout pour la guerre,
le retenir ! »
Racine, Phédre, IV, 1. grandes battues, etc., les conseils de tribus élisaient des chefs,
des dirigeants, qui restaient parfois en fonction méme en temps
Les clans, tels que nous les avons définis, rapprochés par les de paix®. On les appelait généralement: ha’an*. Mais leur pou-
liens étroits du sang, constituaient chez les anciens Mongol
s une voir était trés faible, négligeable; tout dépendait du clan ou du
tribu ou sous-tribu (lignée) * appelée ¢rgdn. Ainsi, différents clan groupe de clans, qui mettaient en avant tel ou tel fa’an. On
Taitiut groupés ensemble constituaient une tribu-irgdn; méme constate également, qu’une méme ancienne tribu mongole peut
les Onggirat, constitués par différentes lignées®, étaient ergan. avoir simultanément deux ou plusieurs fa’an*. Le titre de ha‘'an
On pouvait appeler tribu-ergan tous les Qi’at-Borjigin, scindés était parfois adopté par les chefs de groupements trés réduits,
en un grand nombre de branches, clans, « grandes familles ». composés de plusieurs branches appartenant chacune a un clan
Dans certains cas il est évidemment difficile d’établir une limite différent®, Ceci montre ce qu’étaient les Mongols des x1°-xu' siécles.
précise entre le clan-ob0g, qui est lui-méme une entité com- De méme qu’on ne saurait assimiler la tribu-crgdn mongole a un
plexe, dont les éléments sont parfois de sangs différents, et la état, on ne peut confondre les fa’an mongols de cette époque
tou-
tribu-irgan*. Tatar et Karait étaient également irgan, bien que avec des souverains, tsars, han, etc. Revétus d’un pouvoir
dans leur composition entrassent des tribus wgdn séparées, jours contesté, ils n’étaient que les chefs éphéméres de grou-
constitués 4 leur tour par plusieurs clans-oboq *. pements indéterminés. Le pouvoir de ancien ha'an mongol
La tribu-irgan était une entité instable, fort peu organisée, et résulte d’une prise de force; il est douteux que les conseils de
fort peu cohérente*. Une certaine unité s observant en temps de tribus aient été en mesure de procéder & des élections réguliéres.
guerre, soit pour attaquer, soit pour se défendre contre les entre- Etait « élu » ha’an celui qui était en mesure, et qui savait s’em-
prises d’une tribu ennemie °. L’unité du clan se manifestait par parer du « pouvoir » avec V’aide de ses parents, de son clan’.
un
les conseils de la tribu, gurudtaé ou quriltai, auxquels prenaient — Ces fa’an pouvaient rarement léguer & leurs descendants
pouvoir, qui revenait généralement a d’autres, — ceci en confir-
part les chefs de clans, les personages importants et méme les
vassaux influents, bref, les représentants de la classe supérie
ure mation des considérations ci-dessus *.
de ancienne société mongole’. Des conseils analogues existaient Le « pouvoir » et les « droits » de ancien ha‘an mongol évo-
de
aussi dans les clans ; ces conseils de clan ou conseils de famille des quent dans une certaine mesure les prérogatives d’un chef
ati, « meeting,
~ qurulta brigands. D’ailleurs l'ancien a‘an mongol était désigné * sur-
parents-urug *s’appelaient aussi qurilt
conférence ». Il est impossible d’assimiler le guru/fat a une ins- tout pour le temps de guerre, c’est-a-dire en yue d’incursions,
titution organisée. Ce n’est en aucun cas une diéte ou un parle- de razzias, de pillages. Le récit de ’ « élection » du ha’an Timi-
ment; c’est précisément un conseil de famille, de parents, ou l’on jin-Cinggis par un groupe de clans mongols, est particuliérement
°
Oo
5
rat (ou Jadarat), étail le chef du mouvement démocratique mon- « faisant paitre brebis et agneaux »‘ et de leur « nourriture de
ol, en opposition au mouvement aristocratique, dirigé par bouche »' ; il pouvait « aimer ce qui est nouveau et mépriser ce
Ginggis-han Cette question est d’une grande importance, car qui est ancien’ », mais sans plus. Cependant, voici l’essentiel :
nos vues sur la société mongole de la fin du xn® siécle et du on ne peut soutenir la thése de Barthold, estimant que le simple
début du xin’ siécle dépendront de sa solution correcte. L’essen- peuple, préoccupé non par la richesse ou la gloire, mais par la
tiel est de savoir s’il existait & cette époque un mouvement recherche de sa nourriture quotidienne, se rassembla autour d’une
démocratique, ayant pris la forme d’une lutte ouverte contre les autre personnalité, Jamuga précisément. L’ Histoire Secréte énu-
aristocrates de Ginggis-han ? mére tous ceux qui suivirent Jamuga et l’élurent chef. Ce fut une
Javais autrefois adhéré sans réserves a la thése de Barthold *. coalition de différents clans, lignées et de meneurs isolés « avec
Mais depuis, j’ai sensiblement modifié mon point de vue. leurs gens ». On rencontre ici des représentants des anciens clans
L’analyse des manifestations sociales qu’on observe chez les Dorbin, Onggirat, Je Naiman Buyuruq-han, le chef oirat Quduga-
Mongols des xi-xn° siécles me permet de constater (ainsi biki, des dirigeants taiti‘ut, des parents de Cinggis avec leurs
quil a été dit ci-dessus) que le processus de la formation gens, etc. *.
d’une aristocratie des steppes avec subordination des classes On observe que la majorité des coalisés n’était pas Qi’at-BorJi-
inférieures, dans le cadre du régime de clan et de la consti- gin, elle appartenait a d’autres lignées et clans mongols. Mais
tution d’unités de clans complexes, était terminé vers la fin ceci ne suffit pas pour affirmer son caractére démocratique, d’au-
du xn’ siécle. tant plus que-les Taiti’ut et divers ha’an en faisaient partie.
L’aristocratie des steppes était & cette époque une classe En réalité, Jamuga ne pouvait pratiquement imposer ses ten-
nombreuse et puissante; J. N. Bérézin observe a fort juste dances démocratiques, il lui manquait pour cela un milieu et une
raison * que « aristocratie rencontrée par Cinggis-han dans ambiance favorables. Il devient un de ces fa’an mongols de
les steppes aurait été largement suffisante en nombre pour Vépoque, chef éphémére et faible d’un ramassis hétérogéne de
sa monarchie ». Nos sources n’avancent rien de précis concer- clans et lignées, ballottés sans cesse d’un cété a l’autre.
nant un mouvement de caractére nettement démocratique. Sil L’HMistoire Secréte dont les témoignages font ressortir cer-
est exact que Cinggis ait été mis en vedette et soutenu par taines tendances démocratiques de Jamuga, nous le montrent
la noblesse mongole des steppes, il y a lieu d’observer que de aussi sous un autre aspect. Ainsi, quand ses propres partisans le
nombreux éléments appartenant aux classes inférieures de la saisirent et le livrérent a Cinggis-han, Jamuga observe: « les
société mongole le suivaient également et s’affirmaient de fidéles esclaves ont osé saisir leur maitre » °.
serviteurs ‘. Jamugqa était appelé 4 devenir l’ennemi de Cinggis, non du fait
Ce n’est pas sans raison que Cinggis avait la réputation d’un qu'il dirigeait un mouvement démocratique, mais du fait que
« prince impérial [tsarevit] généreux » °. Pour l’instant, il y a
lieu de constater qu'il n’existait 4 cette époque aucun mouvement 4. H. S., 59; V. V. Barthold, ibid. ; B. Viadimirtsov, ibid.
démocratique, — nous disons bien « mouvement ». 9. H. S., voir A. M. Pozdnéev, Mongolo-Kitaisskii pamyatnik « Yuan-tchao-
Des tendances démocratiques pouvaient bien entendu, se mani- mi-chi », p. 16-47. Il est trés significalif de trouver également dans nos autres
sources une description de la coalition de Jamugqa, voir R. ud-D., II, 92, 426-
fester. Barthold a fort justement défini, en partant d’éléments 498 ; Skazanié o Cinguiskhané, p. 153. G. E. Grumm-Grdimailo a déja attiré
d’appréciation trés modestes, les tendances démocratiques de Pattention sur ce point, op. cit., p. 409. Le récit de Histoire Secréte s’écarte
des autres versions, voir aussi P. Hyacinthe, 20-24, mais elle donne une
Jamuga. En effet, Jamuga pouvait se préoccuper du sort des bergers méme caractéristique de la coalition. Les sources font ressortir explicitement
que ce sont divers clans et tribus qui se groupérent autour de Jamuqa, et
. V. V. Barthold, Obrazovanié imperit Cinguis-khana, p. 444. non pas les subordonnés, bogol, de Cinggis. Bien au contraire, des indices
. B. Viadimirtsov, Cinguis-khan, p. 41-42 [édition russe]. montrent précisément qu'une partie des Baya’ut et des Jalair (unagan-bogol
GO BD
. J.N. Berezin, Oderk vnutrennyago ustroistva ulusa Judieva, p. 431. de Cinggis) ralliés a Jamuga, abandonnérent ce dernier pour rejoindre
. H. S., 59-60, 86, 123-124 ; R. ud-D., II, 99, 434. Cinggis; voir H. S., 39-60.
CT i
Jamuga lui aussi,- n’était qu’un fa’an usurpateur, prétendant passion de régner: Tun Alaq-Udur', de ‘la tribu Tatar; l’autre
rival de Cinggis. On observera que, d’une manitre générale, Sata-biki de la tribu Kiyat-Yiirkin *, et Jamugqa-siitin, de la
Cinggis était amené a entrer en lutte avec tous les chefs de tribus tribu Jajirat : ceux-ci cherchent la grandeur et ont la passion du
mongoles: avec Wang-han, avec les chefs naiman, markit, avec régne, mais en définitive Tamiijin aura le dessus, le régne lui
le « souverain » oirat, enfin avec Jamugqa. Fait curieux, aucun sera confié a ’unanimité des tribus, car il a les aptitudes et le
chef de tribu, fa’an, quelque peu important, ne s’est rallié a mérite nécessaires, et l’aide du ciel et la souveraine grandeur
Cinggis. Les chefs les plus éminents des différents clans aristo- sont inscrits avec évidence sur son front. »
cratiques, Altan et Quéar, du clan Borjigin, Saéa-baki, du clan C’est d’ailleurs 1a ce qui advint en définitive. « Selon l’usage
Jurki, ceux-la méme qui élevérent Cinggis a la dignité de fa’an, noe
mongol ces paroles furent dites avec art et sous une forme ver-
tous périrent de sa main. sifiée *. »
La noblesse mongole des steppes éprouvait impérieusement un Le méme historien nous apporte encore un témoignage’. Il
besoin d’ordre a l’intérieur de ses camps, elle appréciait aussi les raconte comment un certain nombre d’aristocrates mongols,
avantages des incursions et des guerres contre les ennemis parmi lesquels plusieurs parents de Timiijin-Cinggis, qui
étrangers, sources d’un fructueux butin qui n’était pas perdu, du s’étaient ralliés au Wang-han kiriit au cours de sa lutte avec
moment qu’il y avait « d’habiles guardians » et de « vaillants Cinggis, « se réunirent tous et tinrent conseil: « prononcons
lurons », etc. pour en assurer la conservation. Cette aristocratie «.une altaque nocturne contre Wang-han, et devenons nous-
nomade préfére par conséquent un fa’an puissant a des chefs « mémes souverains: nous ne nous rallierons ni 4 Wang-han, ni
débiles, comme Altan et Quéar, ou a des agités téméraires dans « a Cinggis-han et ne nous inclinerons pas ». Cette nouvelle
le genre de Sata-biki. Dans d’autres cas, le choix dépend du parvint 4 Wang-han: il les attaqua, les dépouilla... »
sort des armes, et Cinggis-han est victorieux. Les aristocrates On peut supposer que la constitution décrite ci-dessus de l’aris-
de la steppe ont bien reconnu leur véritable chef’, celui qui saura tocratie des steppes, l’apparition des chefs-ja’an qu’elle mettait
créer le yaké monggol ulus, » le grand ulus mongol », celui qui en avant et qu’elle soutenait, la formation de ligues tribales,
permettra de proclamer’: « ses quartiers d’été sont devenus des résultaient de la transition du régime de transhumance par
lieux de joie et de banquets, et les quartiers d’hiver étaient kiiriyén a celui par ayzl, et des modifications apportées par ce
convenables et adéquats ». changement dans lorganisation des battues. En effet, Rasid ud-
Nos sources contiennent des précisions 4 cet égard. Ainsi Din, décrivant le kiircyan ~ kitrigan mongol, observe qu’il en
Ragid ud-Din écrit’: « A l’époque ou Cinggis-han n’était pas était ainsi « dans les temps anciens »*. On peut citer plusieurs
encore padisah et qu’entre tribus se manifestait la passion pour textes laissant entendre qu’a l’époque de l’adolescence et de l’age
la primauté et le régne, ce Surqan‘ disait: « les gens qui ont la viril de Cinggis on transhumait par ay7l’*.
L’évolution observée au cours d’une période assez longue a été
4. Cf. Les prédictions et les avis prodigués aux chefs par les représentants cléturée par le rassemblement des clans, tribus et lignées mon-
de Varistocratie mongole: H. S., 60-61, 147; R. ud-D., I, 476-477; Ii, 122- gols, « lignées habitant les charrettes de feutre » et en partie
123. Il ne faut pas tenir compte du fait que ’'un d’eux appartient aux unagan « forestiéres », par la création d’un empire nomade. D’une part,
bogol; j'ai essayé de faire ressortir ci-dessus que la couche supérieure
des « vassaux » se rattachait a la classe dirigeante de l’ancienne société
mongole. gh
2. Paroles attribuées a Cinggis-han (R. ud-D., II, 124), parlant de lui- 4. L’édition russe mentionne: Aolan-Udur [« Aolan-Udur » et « Olan-
méme, Udur » sont de mauvaises lecons de Berezin. — P. P.].
3. R. ud-D., I, 177. La méme narration se trouve reproduite en un autre 9. Dans Pédition russe: Kiyiit-Yurkin [« Kiyit » est une mauvaise trans-
endroit: I, 122-423. La transcription de certains noms propres a été corrigée cription de Berezin. — P. P.].
d’aprés les indications de J. N. Berezin, voir R. ud-D., I, 286-287. 3. R. ud-D., II, 123.
4, « De la tribu Baya‘ut » (R. ud-D., U, 122); «... il (Cinggis-han) en fit 4. R. ud-D., I, 142-443; cf. ¥, 107.
Vainég et le vénérable et il se trouvait au nombre des esclaves hérédi- 5. Voir par exemple Skazanié o Cinguiskhané, 164.
taires » (I, 176-477). 6. R. ud-D., II, 94.
410 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FRODALES 44
cet empire fait figure d’allié et de protecteur de l'économie antrustions mongols s’appelaient nokot ~ nokiit, « compagnons »,
commerciale! des populations civilisées et sédentaires*, de singulier : ndkor~ nokiir, « compagnon » '.
Yautre, il observe pendant longtemps, a l’égard de ces mémes Nous rencontrons ces nokdt chez les anciens fa’an mongols,
populations civilisées, l’attitude d’une bande de brigands’. chez divers ba’atur et chez d’autres chefs de clans, lignées et
Dans la formation de )’empire mongol et dans le groupement tribus. Trait caractéristique, les nokdé sont au service d’un clan
des tribus un rdéle important fut réservé a la truste-ndhkdt* qui, autre que le leur, parfois apparenté il est vrai. Ainsi, deux per-
de méme qu’en Occident, se trouve a la base des relations sonnages, l’un de la tribu Juiridt, lautre de la tribu Uriyanghat
féodales. « étaient cousins pour leur amitié et leur attachementa Juéi-
La figure du preux chevalier de la steppe apparait haute en Qasar »?, frére de Cinggis-han. Quidu, l’un des 5442, c’est-a-dire
couleurs dans |’épopée mongole, conservée jusqu’a présent dan8 des noyan du Wang-han kiriit, « avec son unique épouse, un
certaines régions. De trés nombreux héros de légendes épiques, fils de trois ans, un chameau et un cheval baill et (gonggur), se
en Mongolie septentrionale par exemple, évoquent a tous points détacha et entra au service de Cinggis-han »*. Liillustre Jaba,
de vue, jusque dans le détail, Yastigii-ba‘atur et le jeune Tami- du clan Basiit, a été dans sa jeunesse « homme de la maisonnée »
fin-Cinggis°. chez un représentant du clan Taiti’ut*. Alaq et Naya’a, qui
devinrent par la suite compagnons de Cinggis-han, ont débuté
comme «gens de la maisonnée » d’un chef de tribu, du clan
Taiti‘ut, Targutai-Kiriltug®. Tous deux appartenaient au clan
Il. — LES RELATIONS FEODALES Ba’arin, branche ainée des Qi’atBorjigin. Il serait facile de mul-
tiplier ces exemples.
4. — LES ANTRUSTIONS Une particularité de service caractéristique du nékor était la
libre acceptation de ses devoirs 4 l’égard de son maitre. Le
La truste festoie prés du rivage : nokor, dans l’ancienne société mongole n’est pas le sujet ou le
Les guerriers évoquent les jours
[d’antan mercenaire du maitre-noyan. C’est un guerrier libre, s’étant
Et les batailles ou ils combattirent engagé & servir son chef, devenu son hospodar « légitime ».
{ensemble.
Cinggis-han voulut engager en qualité de ndkér Bo'ortu, qu'il
(DryZina piruet u brega :
Boitsy pominajut minuvsie dni connaissait depuis peu. Bo’oréu, qui devint par la suite un des
I bitvy, gdé vmésté rubilis'oni.) plus remarquables émules de Cinggis-han, appartenait au clan
aristocratique des Arulat, son pére était un homme fortuné. Quand
Les sources de l’histoire des Mongols parlent assez souvent on se présente chez lui, de la part de Cinggis-han, pour |’inviter&
des antrustions, c’est-a-dire des personnes libres au service rejoindre celui-ci en qualité de compagnon-nikir, il se rend
caea
des dirigeants, des chefs de clans et de tribus, notamment en immédiatement auprés de ce dernier, sans méme en parler 4 son
qualité de guerriers. Les antrustions des anciens Mongols ont de pére °
nombreux points de ressemblance avec, d'une part, les antrustions On raconte de Buri-béké’, du clan Borjigin, qu il « circonvint’
des anciens chefs germains, d’autre part, ceux (drugennikz) des
princes de l’ancienne Russie. Comme les uns et les autres, les 4. A propos de ce terme voir B. Vladimirtsov, Mongol’skoé nékir, RAS-V,
1929, p. 287-288, Cf. avec Vinstitution des comitatus de Tacite. Le « nuker »
4. [Le texte russe dit: torgovago kapitala = « du capital commercial »]. russe remonte bien entendu au mongol ndkiir, par une filiation perso-turque
2. Cf. Barthold, Turkestan..., 424. R. ud-D., II, 143.
99 po
3. [russe : « druzina », la truste. La truste, chez les Francs, était une sorte R. ud-D., I, 105.
de compagnonnage guerrier qui se composait d’hommes libres groupés H. S., 73: R. ud-D., Il, 99.
autour des chefs. — N. d. t.]. H. S., 14; R. ud-D., I, 196; I, 100.
oe
4. Cf. Barthold, Ulug-bek i ego vremya, p. 33. H. S., 48, R. ud-D., I, 464, 164-163.
B. Viadimirtsov, Mongo'o-oiratskii queroiéeskii épos. Voir ci-dessus, p. 92.
ri
112 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 413
les descendants de Bartan’ et devint le compagnon (nokor) des a lainé nommé Gii'tin-u’a, de se présenter a Cinggis-han avec
intrépides descendants de Barga? », c’est-a-dire du clan Jiirki. ses deux fils Mugali' et Buga, et de se rendre a lui, disant:
Au cours d’un banquet organisé par Cinggis-han sur les bords « Qwils deviennent & jamais tes esclaves. S’ils abandonnent tes
de l’Onon, Biri-béké avait été chargé de veiller au bon ordre et « portes, alors arrache-leur les tendons des jambes et extirpe-
sur les chevaux « du cété Jiirki » ; au cours de la bagarre occa- « leur le cceur et le foie. » Ensuite il ordonna & son deuxiéme
sionnée par le vol d’une bride, il fendit Il’épaule au frére de fils Cila'tin-Qayiti, avec ses deux fils Tiingga et Qasi, de se pré-
Cinggis*. Ceci n’empécha pas Buri-hdké de passer au service de senter également, disant: « Qu’ils protégent tes portes d’or.
Cinggis-han. Apres la défaite des Jéirki, le han mongol se vengea Sls abandonnent, enléve-leur la vie. » Enfin, il donna son
de lincident en le faisant périr ‘. troisitme fils Jabki au frare de Cinggis-han, Qasar. » Pour
Parfois les parents destinent leurs enfants au service de ndkor, rendre plus clair ce passage de l’Histotre Secréte, on observera
dés le berceau en quelque sorte. L’ Histoire Secréte rapporte un que le clan-tribu Jalair était vassal-unagan bogol du clan Qi‘at-
cas significatif*: « Tamiijin, une fois rentré 4 la maison, le vieux Borjigin®; le surnom de dayan « riche, richard » indique aussi
Jaréi’udai® se présenta chez lui de la part du mont Burgan, un que le pére du célébre Mugali était un homme fortuné, appar-
soufflet de forge sur les épaules et amenant son fils, Jialmia, et il tenant par conségent a la couche supérieure des vassaux serfs°.
dit: « Quand tu naquis prés du mont Dali’in-Buldagq, je t’ai fait On peut considérer les paroles: « s’ils abandonnent tes portes
« cadeau de langes doublés de zibeline, et te donnais mon fils alors... », « sils abandonnent, enléve-leur la vie », comme
« Jailma; mais comme il était jeune encore, je l’ai pris chez moi. un « serment », un pacte juré », homagium, prété par les ndkot ;
« et Pai élevé. Maintenant, je te le donne ; qu’il selle ton coursier par ce « serment » les ndkdt étaient liés & leur seigneur-
« et touvre la porte. » Cinggis-han s’en est souvenu par la suite maitre *. Mais pouvaient-ils le quitter avec la méme liberté? Oui,
et, voulant récompenser Jilmii lui dit’: « En ce temps, Jalma était bien que nos sources ne donnent pas A cette question une
encore dans les langes; il me ]’a cédé depuis lors en qualité d’esclave réponse explicite°. Quoi qu’il en soit, en fait, les ndkét quittaient
inaliénable. Il a grandi avec moi, fut mon camarade jusqu’a leur seigneur-maitre et passaient souvent de l’un a l’autre. Mais
présent et rendit de nombreux services ; c’est mon heureux il semble que ce comportement n’était pas assimilé a une trahison
compagnon. Je le tiens quitte de chatiment pour neufcrimes. » ou a une perfidie; ceux, tout particuliérement, auxquels se ral-
Les nokot des chefs de clans et de tribus se recrutaient égale- liaient les ndhdt, délaissant leurs anciens chefs, ne pouvaient en
ment dans la couche supérieure des vassaux unagan bogol, ce juger ainsi. Seuls les actes directement préjudiciables au chef
qui confirme leur rattachement 4 la classe dirigeante de l’an- étaient considérés comme une trahison, une perfidie. Auquel
cienne société mongole. Ainsi, on raconte* qu’un « homme du cas, méme ses ennemis, ses rivaux, reconnaissant Vindignité de
clan Jalair, nommeé Taligitii *-Bayan * qui avait trois fils ordonna
- Bartan-ba’atur, grand-pére de Cinggis-han. 41. Par la suite un des plus brillants émules de Cinggis, voir R. ud-D., I,
. Okin-barqaq. 134. ;
SE me OO BD
. A. S., 98. son service a Cinggis-han dans les termes suivants: « Je vais nettoyer,
. Voir par exemple H. S., 74-73; R. ud-D., III, 5. comme une ene souris, me précipiter en volant comme un choucas, cou-
. H. §., 124; voir ci-dessus, p. 113. vrir
HS. comme
62 63, la housse d’un cheval, et protéger
protéger comme 1 le revers du feutrer »,
. Voir ci-dessus, p. 443.
OO mt
. H. S., 409. On rappellera le « serment » des preux qui élevérent Cing- 9. H. S., 149. Les paroles de jaba et de Cinggis ne traduisent pas un
gis 4 la dignité de ha'an ; voir ci-dessus, p. 102. adage mongol, comme le supposait Palladius (H. S., 4197); elles reproduisent
9, R. ud-D., II, 132; H. S., 68; cf. R. ud-D., II, 38. un « cliché » épique.
416 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES , 417
han en termes épiques‘. « A ce moment, Jamuga se trouvait de leur milieu. L’institution des n6/#62, compagnonnage militaire
aussi chez les Naiman. Tayang lui demanda: « Qui sont-ils, permanent, cohabitant avec son chef, représentait l’embryon de
« ceux qui talonnent les ndtres, pareils 4 des loups poursuivant Yarmée et de la garde. Chaque néfér est un futur officier, un
«un troupeau de brebis jusqu’é la bergerie? » Jamuga répon- futur capitaine'. Par conséquent, la truste d’un ancien chef
« dait: « Ce sont les quatre chiens de mon Tamiijin, nourris mongol était en quelque sorte une école militaire.
«de chair humaine; il les a attachés avec une chaine de fer; L’ordre de bataille de la milice nationale groupait générale-
«ces chiens ont des fronts en cuivre, des dents tran- ment les combattants par familles, par clans. Tous les parents se
« chantes, des langues subulées, des cceurs de fer. Au lieu groupaient ensemble avec leurs dogo/, et constituaient des déta-
« d'un fouet ils ont des sabres recourbés. Ils boivent la rosée, chements séparés. Voici la description d’un combat entre Cinggis
« chevauchent le vent; dans les batailles ils dévorent la chair et le Wang-han karait?: « Jiréddai’ dit « Mes Uru’ut et Man-
« humaine. Maintenant, ils sont déchainés; ils bavent, ils se qut* vont se battre en présence du tsar, en avant. » Aprés ces
« réjouissent. Ges quatre chiens sont: Juba, Qubilai, Jalma et mots, il rangea les deux clans devant Cinggis. A peine étaient-ils
« Sibbdai. » rangés que les Jirgin *, détachement d’avant-garde de Wang-han,
Faisant partie de la suite de leur chef militaire, les antrus- les attaquérent. Uru’ut et Manqut allérent a leur rencontre et les
tions sont toujours préts au combat, comme de véritables sol- mirent en déroute ; pendant qu’ils poursuivaient ce détachement,
dats, guerriers avant tout. Dans les Sentences qui lui sont attri- ils furent assaillis par un détachement auxiliaire de Wang-han,
buées, Ginggis-han décrit le cas suivant*: « Dans les émeutes il commandé par Atiq-sirum, du clan Tiiman-Tiibagan, qui trans-
y a lieu Wagir comme le faisait Dargai-Uha. En temps de perca notre Quildar® et le renversa de cheval; le détachement
troubles, il revenait de la tribu Qatagin, deux nd‘dt étaient avec Manqut retourna en arriére et s’arréta a l’endroit ou était tombé
lui. Ils apergoivent de loin deux cavaliers. Les nékot dirent: Quildar. Jiiréddai, ala téte du Uru'ut attaqua et défit le détache-
« Nous sommes trois hommes, ils-sont deux: attaquons-les. » ment auxiliaire; tandis qu’il lui donnait la chasse, il rencontra
Tous les personnages énumérés et mentionnés dans |’Histovre les Olon Donggait’, dont il vint également a bout ; ensuite il fut
Secréte et dans la Somme des Histoires, anciens antrustions de attaqué par Silamiin-Taiji, avec mille gardes du corps, qui fut
Cinggis-han, tous étaient ses servants militaires, guerriers avant également défait par Jiréddai®. »
tout’. Cette description nous montre le combat sous son aspect social,
Les antrustions des anciens Mongols, — servants militaires des pour ainsi dire: milice nationale allant au combat en ordre de
chefs, — n’avaient rien de commun avec la milice du clan, bataille par clans, chefs de clans en téte, détachement auxiliaire,
qu’on mobilisait pendant les guerres plus ou moins importantes, enfin détachement de mille hommes ou régiment de gardes du
quand la plupart de ceux (sinon tous) capables de porter un are
et des fléches délaissaient leurs troupeaux et constituaient une 1. Les principaux compagnons de Cinggis-han, devenus par la suite des
capitaines parfois illustres, sortaiemt tous du milieu des ndkét, tels Bo’orcu,
troupe, une armée: « Conjointement, ils oppostrent les ndkét, Mugali, Jaba, Siibédai, et dautres. .
constituérent une armée et une discipline », observe Rasid ud-Din 2. H. S., 88.
4 propos d’une bataille‘. Dans ces cas une partie des antrustions _ 3. Chef du clan Uru’ut; dans la traduction de Palladius il est aussi appelé
Jur-Judai (A. S., 64), chez R. ud-D., il est connu sous le nom de Kaitai (I,
prenait le commandement des différentes unités de la milice du 192) [Jur-Judai est une simple erreur. — P. P.].
clan, et autre constituait un détachement d’élite. Les comman- 4, Ces deux clans sont d’anciens rameaux des Qi’at-Borjigin.
dants des corps séparés et des « armées » sortaient également 5. Une des tribus des clans Karait, voir H. S., 87, R. ud-D., I, 95; II, 94,
133.
6. Un des chefs Manqut.
4. H. S., 106. 7. Le texte russe mentionne: « les Oman et les Dunqait », avec le renvoi:
2. R. ud-D., Ill, 124. « Tribus des clans Karait, R. ud-D., (1. 299. » — [I] s’agit d’une mauvaise
3. Cf. BR. ud-D., Ul, 417. lecon, faute d’un texte chinois; il y a lieu de lire « Olon Dongqait », les
4. R. ud-D., TH, 146; Cf. AH. S., 32-54, 64, 70, 71. R. ud-D., If, 92-96, 103, nombreux Dongqait, et non pas « Oman et Dunqait ». — P. P.].
126-127, etc., I, 203. 8. Cf. Le récit de la méme bataille par R. ud-D., UJ, 139-133.
118 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES. MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 119
corps, c’est-a-dire selon toute vraisemblance les antrustions et naturellement étre entendu, non pas dans sa signification actuelle,
les nokot des antrustions du Wang-han karait. Les parents-urug mais dans le sens que lui attribuaient les anciens Mongols’.
vont au combat. sans se mélanger avec les alliés des autres clans, La différence de situation entre l’antrustion et I’ « esclave »
chaque clan constitue un détachement particulier, une unité, bogol, jala'u était cependant trés sensible. L’antrustion est un
sous le commandement du chef de clan, ba’atur, noyan, mar- homme libre, d’un clan souvent aristocratique, pouvant rompre
gan, taisc, etc... Tandis que les antrustions, provenant de clans les liens qui l’attachent 4 son seigneur. Un dogod est attaché a
divers, ont aussi sous leurs ordres un quelconque détachement, jamais 4 son noyan; le lien se trouve rompu dans le seul cas ot
ou bien vont au combat sous les ordres de leur chef militaire, le dogol viendrait a étre libéré, devenant ainsi un « esclave
ha’an, etc., ou d’un autre personnage spécialement désigné a cet affranchi », darhan*. Les antrustions des anciens Mongols
effet*. vivent en commun avec leurs chefs, dont ils partagent les
Indépendamment de leurs devoirs de soldats, les antrustions soucis et les joies; ils sont « gens de la maisonnée », dans
ont aussi 4 remplir d’autres missions qui leur sont confiées le sens propre du terme. RaSid ud-Din, décrivant treize
par leurs chefs : messagers, ambassadeurs®, par exemple. Ils kiiriyén du jeune Cinggis* observe: « Les treize kiriyan sont
s’occupent aussi d’affaires purement économiques®: ils ont bien distribués de la maniére suivante... le deuxiéme. Cinggis-han,
entendu, sous leur surveillance, tout ce qui concerne les battues *, enfants, nékét... Le dixiéme. Judi-han, fils de Qutula-ha’an, ...
a Voccasion ils s’occupent de péche*. Les antrustions sont une ses partisans et ses compagnons. » D’aprés l’Hestorre Secréte
pépiniére non seulement « d’officiers », mais aussi « d’adminis- Ginggis-han parle en termes épiques de ses gardes du corps, des
trateurs » °. , antrustions du début de son régne‘: « Pour la tranquillité de mon
_ Différentes considérations et allusions de nos sources per- corps et de mon 4me, vous avez, satellites de la garde de nuit,
mettent de constater qu’en temps de paix les antrustions étaient protégé les alentours de mon quartier pendant les nuits de
en réalité « gens de la maisonnée » dans les quartiers de leurs neige et de pluie, ainsi que pendant les nuits claires d’alertes et
chefs et qu’ils se consacraient aux affaires domestiques les de combats contre l’ennemi. » Dans cet ordre d’idées également,
plus variées, se distinguant peu des simples serviteurs et les anciens ndkot mongols rappellent leurs homologues européens
domestiques’. Cet état de choses était particulitrement fré- du moyen age*. On peut dire que le chef mongol du x1°-xn°
quent, sans doute, dans les quartiers modestes des petits chefs siécles, ba’atur, taisi, noyan, ha’an, etc., est en toutes circons-
de peu d’importance. On sait que Jalma tuait la vache « du cété tances inséparable de ses ndk6t; en nombre plus ou moins
nord de la yourte », dans le quartier de Cinggis; on sait aussi grand, ils se trouvent invariablement auprés de lui et constituent
que son pére l’avait donné 4 Tamiijin, pour seller son cheval et sa suite. Au camp, le nokor est un serviteur; en guerre, un sol-
ouvrir la porte*. Le « grand-pére » Mugali, par la suite un des dat; pendant les battues, un auxiliaire; il dirige toujours, ou
plus remarquables émules de Cinggis-han, présentant ses enfants contréle quelque chose, il fait partie de la suite ; il est aussi l’ami
et ses petits-enfants pour le service, observa notamment: « Qu’ils le plus intime et le conseiller de son chef*. Ces antrustions fami-
deviennent 4 jamais tes esclaves®. » Le terme « esclave » doit liers étaient appelés enag, « ami intime »’. La tradition dit que
1. H. S., 102, 119, 126; R. ud-D., 17, 146. - 1. Cf. ci-dessus, p. 142.
2. R. ud-D., II, 143; cf. H. S., 96. 2. « Celui qui aura trouvé un esclave fuyant ou un prisonnier en fuite
3. H. S., 62. et ne l’aura pas rendu a son détenteur sera tué, » dit la Yasa, voir Ryaza-
4. H. S., 129-450; R. ud-D., III, 129. novskii. Op. cit., p. 43.
3. R. ud-D., I, 162. 3. R. ud-D., II, 94-95.
6. H. S., 416-147. 4. H. S., 128-129.
7, Etat de choses existant a l’aube du moyen 4ge en Occident ainsi que 5. Cf. N. P. Pavlov-Sil/vanskii, Féodal’/nyé otnogeniya v udél’noi Rust, St
dans l’ancienne Russie. Ptbg., 1904, p. 4.
8. H. S., 49; voir ci-dessus, p. 142. 6. H. S., 430; R. ud-D., [, 163; Il, 143, 102; III, 124, 129. ,
9. H. S., 68; voir p. 412. 7. R. ud-D., I, 62, 163 ; Quatremére, p. 1, n° 84; Berezin, Ulus Juci, p. 425.
120 L ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 424
Cinggis-han avait distingué les mérites de Bo’oréu et de Mugali loger, nourrir, vétir et armer. Les antrustions préféraient, natu-
en qualité de conseillers; il aurait dit & son émule et compa- rellement, entrer au service d’un chef comme Cinggis-han dont
gnon': « Avec Mugali, tu m’as aidé et m/as obligé de faire ce on disait: « Il est le souverain bienfaiteur des esclaves et maitre
qui devait étre fait, tu m’as blimé et m’as empéché de faire de l’'armée’. » « Ce tsarevié Taimijin quitte le vétement qu'il
ce qui ne devait pas étre fait; par cela j'ai atteint a cette haute porte pour loffrir ; il descend du cheval qu’il chevauche pour le
dignité. » On attribue 4 Cinggis-han la caractéristique suivante donner. Il est Phomme possédant le pays, nourrissant l’armée et
de ses compagnons les plus éminents, formulée dans le Bilig administrant bien lulus?. » Cinggis-han parle lui-méme des
(d’aprés la version « stylisée » de Berezin)*: « Ils ont, derriére devoirs du ha’an, il est vrai non seulement a I’égard des antrus-
moi et devant moi, servi et aidé avec art, bien décoché les tions, mais de tous ses « partisans »: « J’ai estimé qu’étant tsar
fléches, tenu en bride les chevaux, en main les oiseaux de et devenu chef de l’armée en de nombreux pays, un engagement
venerie, attaché les chiens de chasse aux courroies de leurs s’'impose envers les partisans; je me suis emparé de nombreux
selles. » Enumération presque compléte des fonctions du nékor trains de chevaux, troupeaux, chariots, femmes, enfants, hommes
des anciens Mongols. et vous les ai donnés; pour vous, au cours des chasses dans la
Quelles sont, par contre, les obligations et l’attitude du chef a steppe, j’organisais les étapes et la battue, et rabattais de votre
Végard de ses antrustions? Le chef doit avant tout accorder cété le gibier des montagnes*. » La femme d’un antrustion du
sa protection 4 son compagnon-servant militaire. Parlant de ses Sangiin, le fils du Wang-han karait, reprochant 4 son mari de
anciens compagnons-gardes du corps, Cinggis-han déclare®: trahir ses devoirs 4l’égard du maitre, lui dit*: « Quand tu étais
« Je légue & mes descendants le devoir de considérer ces gardes vétu d’or, quand tu mangeais ce qui est bon, oh! mon Kokééu’,
du corps comme mon vivant souvenir, d’en prendre soin, de ne est-ce que tu parlais ainsi? » [en russe: « Kogda ty odévalsya v
pas les mécontenter*. » On sait qu’au cours du banquet fameux, solotoyé, kogda ty él vkusnoyé, 0 moi Kokodu, razvé ty govoril
sur les bords de !’Onon, un homme du clan Qatagin déroba une (tak)? »] Souvent les jeunes gens dont la situation matérielle
bride®. Cet homme était ndkr°® chez les Jiirki, notamment de était devenue précaire se ralliaient 4 différents chefs en qualité
Biiri-bdk6, lui-méme servant militaire chez les « descendanis d’antrustions °, ’entretien des antrustions étant 4 la charge des
intrépides » de Okin-Barqaq’. Le ndkér qui avait dérobé la bride chefs, ha'an, etc., les conditions d’entretien représentaient pour
trouva un défenseur en Biiri-béké, qui, selon Rasid ud-Din* beaucoup d’entre eux un grand appat. Ce point avait une impor-
« faisait cause commune avec Saca-Biki [biki] et protégeait cet tance considérable, compte tenu notamment d’un paupérisme
homme ». On ne perdra pas de vue que Biiri-béké et auteur du généralisé et de la capacité de production trés réduite de la plu-
larcin appartenaient a des clans différents, et se trouvaient au part des tribus mongoles.
service d’un autre clan-maison, les Jiirki. Les antrustions-nd/6t de l’ancienne société mongole se distin-
L’ancien chef mongol devait entretenir ses antrustions, les guaient des notables, seigneurs et maitres, ba’atur, et noyan qui
suivaient la fortune d’un chef ou d’un fa’an, ou qui l’avaient
4. H. S., 116.
2, R. ud-D., TI, 129.
3. H. S., 129. 4. RB. ud-D., II, 97.
4, Envoyant en campagne Siibédai, son ancien antrustion devenu capi- 2. R. ud-D., UH, 98.
taine, Cinggis-han lui dit: ... « Celui qui enfreindra les ordres s’il m’est 3. R. ud-D., I, 139.
connu, améne-le ici, sinon chatie-le sur place. » Ceux qui pouvaient étre 4. Cf. H. S., 99; P. Pelliot, A propos des Comans, p. 178-180. « Notre tra-
connus étaient tout d’abord les ndket. Cinggis ajoute ensuite: « Bien que duction, écrit B. Vladimirtsov, est quelque peu différente de celle du profes-
a seras loin de moi, c’est comme si tu étais prés de moi, » H. S., 441- seur P. Pelliot. »
19. 5. Nom propre de cet antrustion. ,
. H. S., 65; R. ud-D., I, 404. 6. Evoquons, par exemple, la situation de Jaba, voir ci-dessus, p. 144.
ot
. BR. ud-D., LU, 402. Bo’oréu, quittant la maison fortunée de son pére pour aller servir
SD
. H. S., 69; voir ci-dessus, p. 112. Cinggis-han, ne prend avec lui qu’un seul vétement, et une seule monture,
co ~I
élu : en effet, le chef qu’ils servaient assurait leur entretien. Les comment les antrustions-ndAkdt se transforment en noyat des
compagnons notables du fa’an ou du da’atur prennent part aux seigneurs militaires.
combats, incursions et chasses de leur chef, sous son comman- On saisit Vimportance que présente dans l’ancienne société
dement, mais ils vivent séparément, dans leurs camps, Aiiriyan mongole, l’apparition de chefs militaires entourés d’une truste
et ayzl, et possédent eux-mémes des antrustions. Tandis que les composée de servants militaires appartenant 4 des clans étran-
nokot — servants militaires avant tout, — vivent avec Jeurs gers, la plupart aristocratiques, ayant usurpé le pouvoir sur une
chefs, ha’an, ba’atur, noyan; ils sont leurs « gens de la maison- tribu ou sur plusieurs clans. Importance d’autant plus grande, que
née» et se trouvent a leur charge. Les « preux » vivent avec l’économie nomade des anciens Mongols, faiblement développée,
leur parentéle. La plupart des antrustions ont quitté leur clan et ne produisait que quelques objets de premiére nécessité et connais-
vivent avec des étrangers. sait a peine le troc. Parallélement a la décomposition du régime
La truste entretenue par le chef, déterminait sa conduite. de clan se manifeste une tendance 4 l’expansion des relations
Le chef militaire était obligé d’effectuer chez ses voisins des féodales, dont nous pouvons maintenant aborder l'étude.
incursions fructueuses, d’organiser des chasses, de capturer
« belles femmes et filles et bons chevaux ». I! obtient souvent,
2. — LE VASSELAGE
lui-méme, la meilleure part. Un chef de clan militaire avec
sa truste présente pour tous ses voisins les dangers d’un pré-
dateur, d’un chef de pillards. Sata-baki, du clan Jurki, L’un des précédents chapitres a été consacré a I’étude des rela-
Yasiigai-ba’atur et son fils Tamijin-Cinggis-han, Jamuqa- tions de servitude vassale dans l’ancienne société mongole, se
sacan, et bien d’autres, étaient des chefs de bandes pillardes. manifestant lorsqu’un clan se trouvait dans la situation de vassal-
L’institution des nékét renforce la décomposition du régime serf (unagan bogol) d’un autre clan‘. Il a été observé que l’ins-
de clan et Yasservissement du simple peuple qui supporte, titution des unagan bogol commence 4 tomber en désuétude
en définitive, les charges d’entretien de ces trustes aristocra- et, qu’avec le temps, les vassaux serfs ont presque complétement
tiques: « Ceux qui étaient compétents et hardis, il en fit cessé de se distinguer des autres catégories de « libres », aux
les aki de larmée ; ceux qui étaient lestes et adroits....il en ordres d’un chef aristocratique, ha’an, ba’atur, noyan, etc. Nous
fit des guardians; aux ignorants, il donna une courte longe pouvons maintenant aborder l'étude du vasselage issu du service
et en fit des bergers », dit Cinggis-han, parlant de lui-méme auprés des chefs militaires, en qualité d’antrustion ou de par-
dans ses Sentences'. La complication et Vorganisation des tisan, reconnaissant l’autorité et certains droits des ha’an,
servants militaires-ndkot, devint la préoccupation essentielle des noyan, etc.
anciens chefs mongols, notamment des fa’an, dont lexistence Nos sources contiennent d’assez nombreuses données concer-
prenait souvent fin avec une seule incursion d’un voisin nant les relations de vasselage formées dans |’empire de Cinggis-
batailleur. Aussi peut-on suivre comment les fa’an organisent han, mais elles ne parlent presque pas de la période précédente,
leurs servants guerriers en détachements militaires permanents, ni de l’évolution analogue pouvant s’observer dans les autres
en corps de guet réguliérement constitué’, et enfin, pour cou- khanats mongols, par exemple chez les Naiman, les Kirait. Mais
ronner l’édifice, en une troupe d’élite : la « Garde » du Wang-han du fait que @’habitude, Cinggis-han n’innovait pas, du fait aussi
et de Cinggis*, qui a également son histoire car sa création et de certaines indications de nos sources quant aux tendances du
sa formation ont été progressives’. On peut également suivre vasselage chez diverses tribus, il est permis de supposer que les
nouvelles relations vassales, issues du service auprés des ha’an
4. R. ud-D., Ill, 194. et noyan, se manifestaient dés avant l’époque de Cinggis-han
2. H. S., 87, 88, 118; ef. P. Pelliot, Notes sur le « Turkestan » de W. W.
Barthold, p. 30.
3. H. S., 125-430; ef. P. Pelliot, op. ctt., p. 27-30.
4, H. S., 62, 102-103; cf. V. V. Barthold, Turkestan..., 440-445. 1. Voir ci-dessus, p. 143.
424 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 425
chez diverses lignées mongoles, réunissant les conditions a Cingeis, Cinggis offrit cent maisons Jirgin... A Badai et a
requises*. Qisliq, Cinggis donna... les gens qui prenaient soin des réci-
Chez les anciens Mongols, tout rassemblement de clans, pients; il leur donna la famille Ongqajit', du clan Kariait.
lignées, tribus, envisagé du point de vue de la soumission 4 un Ensuite il distribua toutes les maisons Kariit entre ses compa-
chef, ha’an, noyan, tatsi, ba'atur, etc., s’appelait ulus, c’est-a- gnons ». Ayant nommé centenier un preux Kirait, Cinggis en
dire « peuple-propriété » [en russe: narod-vladénié], « peuple- « fit don & la veuve de Quildar, pour l’éternité des temps, en
patrimoine » [en russe: narod-udél]°. ualité d’esclave et de serviteur »?. Sigi-qutuqu, fils adoptif de
Ainsi, les Taiti’ut considérés en tant que clans-familles con- cinggis-han, lui adresse la demande suivante*. « Si telle est ta
sanguinement apparentés, représentent un zrgdn, c’est-a-dire mansuétude & mon égard, donne-moi le peuple qui habite a
une « lignée », ou une « tribu »*. Mais ces mémes Taiti'ut, lintérieur du rempart de terre », et obtient satisfaction. Rasid
ou méme une partie d’entre eux, réunis sous le commande- ud-Din raconte* & propos de Da‘aritai-ottigin, frére cadet du
ment de Targutai-Kiriltug par exemple, représentent déja un pere de Cinggis-han : « De sa tribu et de son clan un grand
ulus, cest-a-dire un « peuple-patrimoine », l’u/us du chef en nombre furent tués. Il avait un fils, son successeur et rem-
question‘. De ce fait, le terme u/us peut se traduire sous plagant, nommé Tainal-Yaya°*: Cinggis-han en fit don, avec
certaines réserves par « patrimoine », « propriété ». Mais, deux cents hommes qui lui appartenaient, 4 son neveu Iléidai-
nomades par excellence, les Mongols attribuent a cette notion noyan. Ils étaient au rang de ses esclaves et jusqu’é présent son
un sens démographique, ils portent 4 la population plus d’in- clan est avec le clan de [tidai-noyan. De cette tribu et de son clan
térét qu’au territoire. En effet, 4 Yorigine, le terme ulus (provient) Burhan... au nombre de ses enfants se trouvait Guroh®,
signifiait précisément « les gens ». C’est pourquoi, le terme bik millenier, auquel fut transmise la place de Burhan. »
ulus peut aussi étre entendu comme « peuple », peuple- De pareils récits se rencontrent souvent’. Ils témoignent que
patrimoine, peuple faisant partie de tel ou tel patrimoine, Vinstitution des unagan bogol était maintenue a l’époque de
peuple constituant un « patrimoine-propriété ». Par la suite Cinggis-han, méme au temps de la création de son empire
ulus voudra dire « peuple-état » [russe: narod-gosudarstvo], nomade. Les exemples qui viennent d’étre cités montrent aussi
peuple constituant un état-patrimoine, un « Etat ». que la définition ci-dessus des unagan bogol reste en vigneur a
Nos sources, Histoire Secréte, Somme des Histotres de Rasid une époque plus avancée : au temps de Cinggis-han, les unagan
ud-Din, etc., relatent souvent que Cinggis-han attribuait des Gogol n’étaient pas des « esclaves » mais des « vassaux serfs »,
patrimoines a des personnes physiques ou a un clan, une lignée, pouvant facilement accéder aux places d’honneur, devenir par
en récompense de fidéles services. Ainsi*®, « ayant vaincu le exemple noyan-chiliarque *. Un passage de Rasid ud-Din affirme
le peuple Kirdit, Cinggis le distribua entre ses compagnons. explicitement que des rapports semblables 4 ceux qui viennent
A Taqai-ba’atur, du clan Sildiidai, qui avait rendu service détre décrits, existaient A l’époque de Cinggis-han également
4. Dans Pédition russe: Wang-qojin [Il s’agit des Ongqajit, nom de clan
4. R. ud-D., I, 95; II, 105-106, 443; cf. H. S., 80.
2. [Le terme russe « udél » signifie textuellement: « le sort » ou « la part et pas nom @homme. — P. P.].
dans Vhéritage patrimonial ». Entendu ici dans un sens démographique 2. H.S., 98.
on traduit ce terme par: patrimoine, et non par « apanage » ou « fief », afin 3. H.S., 445.
4, R. ud-D., II, 50-54.
d’éviter une confusion avec les conceptions relatives au moyen age occi-
8. L’édition russe mentionne: Tainal-Bia [« Bia » est faute de Berezin. —
dental. — N. d. t.].
P. P.j. .
3. Voir ci-dessus, p. 100.
6. L’édition russe mentionne: Qurug [La lecon du texte est Gurdh; pro-
4. Ainsi, PH. S. contient la phrase suivante : Témitjin-i Targutai-kiriltuh
bablement nom altéré. — P. P.].
abéu odéu irgdn-diir-iydn jasaglaju, « Targutai-Kiriltug, emmenant avec soi
7. Voir par ex. R. ud-D., I, 38, 190-494 ; II, 11-42; H. S., 140-444.
Tamiujin ordonna a son peuple-tribu », c’est-a-dire 4 ses gens, a tous ceux 8. Bak et émir—noyan (le beg en ture chez R. ud-D., et d’autres
qui constituaient son patrimoine ; cf. H. S., 44; Patkanov, Istoriya mongolov auteurs, de méme que Vanir arabe, sont équivalents au noyan mongol ; voir
po armyanskim istoénikam, II, 138. Barthold, Ulug-bek, 13; Defrémery-Khondémir, J. A., IV s. XIX, 284).
5. H. S., 98.
126 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 427
entre « seigneurs » et « vassaux serfs »-unagan bogol. L’histo- L’attribution des patrimoines était basée sur le principe que
rien persan relate que la plus grande partie de la tribu Tatar « Pétat » (ulus irgdn) constitue lavoir de tout le clan du
fut décimée par Cinggis. Ceux demeurés par hasard en vie fondateur de Il’empire, lui-méme devenu han’. Le clan,
furent distribués entre diverses maisons illustres. Et, « au ou une de ses branches, posséde un territoire déterminé sur
temps de Cinggis-han, de méme qu’aprés lui, les dah? les lequel nomadisent conjointement les membres-urug, ainsi que
plus anciens et les plus respectables, servant en qualité d’ad- les « gens », ses « vassaux serfs » héréditaires, unagan
ministrateurs de camps (ordos) et suivant la voie de l’asservis- Gogol; le clan peut aussi posséder un « peuple-état », ulus
sement héréditaire (unagan bogol)' », étaient précisément du vivant sur un territoire déterminé, nuntug~ nutug. On
nombre de ces Tatar. assiste & une transposition de la notion de propriété patri-
Perpétuant d’antiques traditions nomades, aprés le rassemble- moniale, du niveau du clan au niveau plus élevé du peuple-
ment d’un certain nombre de tribus mongoles, aprés la création état*. Considérés sous cet angle, tous les peuples et tribus
de son empire nomade, Monggol ulus, Cinggis-han commence a englobés dans Pempire mongol de Cinggis-han deviennent
distribuer des patrimoines-u/us a ses enfants et 4 ses plus proches unagan bogol de Cinggis-han et de son clan: « Comme Cinggis-
parents. D’aprés!’ Histozre Secréte, des patrimoines furentattribués: han, écrit Rasid ud-Din ’, était hin, maitre de la conjonction des
aux quatre fils de Cinggis-han nés de sa premiére femme, Bértii; asa planétes, autocrate de la terre et du temps, tous les clans et
mére et a ses fréres Qasar et Balgiitdi, ce dernier, frére consan- tribus mongols, apparentés ou étrangers devinrent ses esclaves
guin de Cinggis-han, était né d’une autre femme de Yisiigii. Le et serviteurs. » De ce fait, Monggol ulus acquerra le sens de
frére cadet du souverain mongol recut un patrimoine conjointe- « peuple-état du clan mongol ». Le pouvoir du clan de Cinggis-
ment avec sa mere. Le frére de Cinggis-han, Qati’un étant mort, han sur son ulus, c’est-a-dire sur son « peuple-état » s’affirme
le fils de ce dernier, Aléidai, regut un patrimoine*. D’aprés par l’accession au pouvoir d’un des membres-parents du Clan
Rasid ud-Din, le fils de Cinggis-han et de Qulan, son autre d’Or, altan uruq (uruh)* élu par le conseil de toute la parentéle
épouse*, recut également un patrimoine. D’autre part, le (quriltat ~ qurultai) empereur, khan (han, Lagan) dont la puis-
frére cadet de Ginggis-han aurait aussi possédé un patrimoine, sance s’étend sur l’empire tout entier °.
indépendamment de sa mére‘. Les deux sources montrent Les autres membres du clan, notamment les rejetons males °,
que Cinggis-han n’attribua des patrimoines qu’aux membres de sont reconnus princes impériaux, Aébd'tin ~ hibdgiin (terme
sa propre famille, aux Qi’at-Borjigin *. Le fils cadet de Cinggis- dont le sens propre est: « fils »)’, prétendant a la possession
han, Tului, en plus du patrimoine obtenu du vivant de Cinggis, héréditaire d’un patrimoine-ulus.
devait encore, aprés la mort de son impérial pére, recevoir en
qualité de ott¢gin-djin le patrimoine-u/us principal’, yaka- _ 1. Cf. V. V. Barthold, Oderk istorii Semiréc'ya, p. 44-42; B. Viadimirtsov
ulus (« le grand ulus »)’. Le premier qui obtint un patrimoine Cinggis-han, p. 10-12.
fut Jodi [Judi], son fils ainé *. 2. Cf. V. V. Barthold, Cinggis-pan, dans Brockhaus et Ephron, XX XVIII
A. 843,
3. R. ud-D., II, 42.
4. R. ud-D., f, 57, 58.
2. H. S., 132, 133-434, 445. 4, C’est-a-dire le « clan d’or », ainsi qu’on désigna le clan de Cinggis-ban;
3. R. ud-D., IU, 446-447. ef. R. ud-D., I, 147.
5. L’aristocratie en service armé assistait également aux qurultai.
4, R. ud-D., Il, 147-448. D’ailleurs, selon la coutume mongole, dont il a
6. Les veuves recevaient parfois aussi des patrimoines et les princesses
été déja question a plusieurs reprises, le patrimoine de la mére aprés sa
impériales des inja: R. ud-D., I, 80; Kirakos, 60-62; Vasil’ev-Tchao
mort, revenait au fils cadet, ofcigin ; voir ci-dessus, p. 49.
3. Ainsi, les enfants de Monggatia-Kiyan, oncle paternel de Cinggis-han, Hong, 216.
7. P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté, chap. 11, p. 323; R. ud-D., II,
ne jouissaient pas des prérogatives des princes du sang, voir R. ud-D., II,
94; Magaki, 30. Il est remarquable que chez les descendants actuels des
47; TIL, 137-438.
6. R. ud-D., fT, 132, 443, 149.
anciens Mongols formant le ydkd ulus, le terme kébdgitn n’est presque jamais
7. R. ud-D., IL, 95. employé dans le sens de: « fils, gargon », tandis qu’ailleurs cette significa-
tion se trouve généralement admise, par exemple chez les Oirat et les
8. H. S., 132; voir ci-dessus, p. 64.
428 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FKODALES 129
De cette maniere, tous les AéSdgiin ont droit a un patrimoine, Les pays civilisés & population sédentaire, faisant partie
des
c’est-a-dire A une fraction du bien commun, & une fraction du patrimoines princiers, étaient 4 l’origine soumis au han-e
mpe-
peuple-état. Le cadet des princes impériaux hérite du patrimoine' reur, qui les gouvernait par l’entremise de gouverneurs 8
éeiale-
principal, de celui de son pére ; ainsi, le fils cadet de Cinggis-han ment désignés a cet effet, darugadin ; les princes impéri
aux
hérite du « grand ulus », ydkdé ulus, de la masse principale des n’obtenaient que la jouissance des revenus de ces terres inais
il
tribus mongoles, avec le territoire sur lequel elles nomadisent. mavaient pas le droit de collecter les impéts'. Par consé uent,
chef du clan et fondateur de l’empire, était empereur, dans leurs patrimoines respectifs, les princes impériaux faisaio
Cinggis, nt
figure de féodaux
han, possesseur du principal wus mongol, car il avait de son militaires, leur pouvoir s’étendait au nutu
vivant attribué des patrimoines & tous les princes impériaux, yurt dans les limites duquel nomadisaient les Mongols (ulus)
ni
kébdgiin. Apres sa mort, ehacun de ses fils ou petit-fils prince du leur avaient été attribués; quant aux pays civilisés habités nar
sang pouvait devenir empereur ‘ ; par conséquent un prince impé- des populations sédentaires, les princes ne pouvaient recovoi
r
rial possesseur d’un patrimoine autre que le grand ulus, patri- qu'une partie de leurs revenus, qui se trouvaient a la disposition
moine principal, pouvait aussi devenir han mongol. C’est d’ail- immédiate du darugadin, désigné par les grands han. Cet état
leurs 1a ce qui se produisait en réalité. de choses ne pouvait durer, et, en fait, les princes impériaux
Tous les princes patrimoniaux étaient vassaux de l'empereur devinrent rapidement des souverains, d’abord & moitié, ensuite
mongol et régnaient hagan-u su-dur, cest-a-dire « par le tout a fait indépendants, régnants sur les empires autonomes
bonheur-grandeur de Pempereur » *. Chaque patrimoine-ulus, y de la Mongolie occidentale. En Mongolie orientale on observe
compris le « grand ulus », était goaverné par un seul prince, de un état de chose tout a fait différent ; nous y reviendro ]
méme que sur empire ne régne qu’un seul empereur: « Dans suite. , ev
les familles de mes fréres: Qasar, Altidai®, Ottigin et Bilgitai, L’empereur mongol est un monarque au pouvoir illimité ; il est
qu’un seul de leurs descendants hérite respectivement de la toutefois « élu » par le conseil de clan, gurultai, et selon la
dignité du pére ; qu’un seul fils hérite de ma dignité. Mes paroles volonté de Cinggis-han il ne peut chatier de son propre chef le
sont irrévocables; je ne permettrai pas qu’elles soient trans- membre du « clan d’or » qui se serait rendu coupable d’un délit?
gressées », déclare Ginggis-han, d’aprés |Histoire Secréte?. Les traditions de clan, le principe de la possession en commun
Mais les princes impériaux descendants des premiers possesseurs de l’empire par tous les membres du clan de Yasiigdi-ba’atur et
de patrimoines-udus obtenaient a leur tour des patrimoines, deve-
d
e Cinggis-han
1 igcthan
* 3 s’affirment
©’
dans ces institutions. Mais en réalité,
. . . .
ces principes ne se maintinrent pas longtemps. Les princes tudeal’égard d’Ogidai, auquel Je souverain mongol destinaitsa suc-
impériaux s’engagérent dans des luttes civiles, complots et assas- cession, Tului répondit*: « Pére, tu m’as dit que je rappelle &
sinats de leurs parents: il en résulta une décomposition rapide mon frére ce qu'il viendrait 4 oublier ; que je le réveille s'il s’as-
du « clan d’or ». soupit ; que je m’élance s’il m’envoie au combat*. » Réponse qui
Lattribution d’un patrimoine impliquait une sorte d’investi- peut-étre considérée comme un serment de fidélité (Adelitas), en
ture du Grand Han. Ainsi Cinggis dit a son fils ainé, Joti‘: « Tu quelque sorte.
es l’ainé de mes enfants ; maintenant étant parti en guerre pour Le han-empereur, s'il était assez fort, pouvait de son propre
la premiére fois tu as soumis tous les peuples habitant les bois chef réduire le patrimoine d’un prince reconnu coupable, ou
sans fatiguer l’armée; ces peuples, je t’en fais cadeau. » Cinggis- méme aliéner complétement ce patrimoine. Les possesseurs des
han distribue une partie des peuples vaincus entre sa mére, ses ulus pouvaient agir de méme a I’égard de leurs princes-vassaux'’.
frares et ses enfants, disant: « Ma mére a constitué l’empire Le patrimoine se compose de l’ulus, « gens, peuple », c’est-a-
conjointement avec moi ; Vainé de mes enfants est Jodi ; le cadet dire d’un certain nombre de nomades mongols, et du nutug
de mes fréres, Otcigin®. » (yurt); cest-a-dire d’un territoire sur lequel ces « gens » peuvent
A la mort du prince patrimonial, titulaire d'un u/us, le han nomadiser *.
mongol confirmait par une investiture I’ attribution du patrimoine* L’ulus-patrimoine est défini par la quantité de ses ayz/, de ses
‘et des arriére-vassaux A ses successeurs, fils, petit-fils, ou autres feux nomades *, d’une part, et de l’autre par le nombre de guer-
proches parents. riers (cdrzk), qu'il est en mesure d’aligner °.
D’autre part, les princes du sang faisaient acte de soumission, Une question trés importante se pose maintenant : comment se
« homagium », et confirmaient leur dépendance vassale 4 l’égard formaient ces ulus, ces patrimoines féodaux, tenus de fournir des
de leur suzerain par un « agenouillement frontal », mérgiihi'*, contingents déterminés de troupes, tandis que les Mongols de
comme dans la Russie féodale °. cette époque vivaient divisés en tribus, lignées, clans et familles?
Ginggis ayant demandéa son fils cadet Tului quelle serait son atti- On pourra y répondre en analysant les relations féodales de vas-
selage, issues du service des antrustions et « compagnons »
auprés du fa’an ou du noyan.
ditions se sont maintenues fort longtemps, méme dans la partie occidentale
de empire mongol ; le dictionnaire Jagatai Abuska traduit le terme mongol L’ Histoire Secréte fait savoir que Cinggis-han se préparant a
giyat (= mong. quiad ~ }iyjad) par « tribu du clan royal » [ou « khanal »] ; la lutte contre les Naiman, aprés avoir décimé les Kariit’,
voir V. V. Vel’yaminov-Zernov, Slovar’ Jagataisko-Turetskii, St Ptbg, « ayant dénombré ses troupes... nomma chiliarques, centeniers
1868, p. 334.
1. H.S., 132.
et dizeniers... On choisit comme gardes du corps les jeunes gens
%. H. S., 133. adroits et de belle prestance, appartenant aux maisons des chi-
3. D’Ohsson, II, 204; Kirakos, 87; Quatremére, 12-43; Defrémery-Khon- liarques et des centeniers ainsi que des gens de condition libre * ».
démir, J. A., 1Vs., XIX, p. 94-93.
4, Berezin, Ulus Judi, 424; Plan Carpin, 38; D’Ohsson, II, 40-44]
Décrivant l’organisation des gardes du corps, | Histoire Secréte
E. Blochet, Djami-el Tévarikh... par Rachid-ed-Din, I, II (Gibb Memorial, ajoute encore’: « Des fonctions furent aussi attribuées aux chi-
vol. XVIH, 2), planche IV: Ogadai sur le tréne, d’aprés une miniature per-
sane.
5. N. P. Pavlov-Sil’vanskii, Féodalizm v drevnéi Rusi, 1923, p. 128. [En 4. H.S., 445.
Russie féodale, ’engagement d’un homme d’armes au service du chef 2. H. S., 454 (Tului évoque son « serment »).
qu’il avait choisi était consacré par la prestation du serment. La requéte 3. H.S., 136; R. ud-D., I, 64-62; nombre d’exemples se retrouvent dans
d’entrée en service prenait la forme extérieure d’un « salut frontal », éelo- tous les ouvrages retragant V’histoire de empire mongol.
bitié: Vhomme d’armes s’agenouillait et touchait du front le sol, bil delom 4, Cf. Barthold, Ogerk istordi Semiréd'ya, 42; Turkestan..., 422-23.
(text.: « frappait du front «). En France, le vassal 4 genoux et sans armes 5. H. S., 133-434.
mettait ses mains jointes dans celles de son suzerain et se déclarait son 6. R. ud-D., II, 132-149.
« homme » pour tel fief; c’était Phommage, hominium, plus tard par réfec- 7. Cest-a-dire en année 1204.
tion du mot sur le francais, homagium (J. Calmette, La société féodale, 1942, 8. H. S., 402.
p. 31). — Nid. t.]. 9. H. S., 103.
432 LANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 133
liarques, centeniers... et 4 d’autres. » La troupe de Cinggis regoit au développement des relations nouvelles. Mais, aprés avoir
de cette manidre une nouvelle organisation qui la transforme en obtenu des « gens », l’antrustion ne rompait pas le lien qui
armée; autrefois, la troupe, la milice de Cinggis était recrutée Pattachait au chef. Au contraire, la disposition d’un personnel
et répartie par Aiireyan’. lui imposait l’obligation de continuer & servir son chef, par
Enfin, en 1206, devenu han-empereur, Cinggis répartit défi- les armes ou autrement, avec le contingent de guerriers que les
nitivement tous les Mongols en « milliers » et désigna des noyan- ayil, confiés & son administration, se trouvaient en mesure de
chiliarques *. fournir'’.
La répartition des Mongols en dizaines, cenlaines, etc., ne Le méme ordre de faits s’appliquait aux représentants de
constituait évidemment aucune innovation; l’origine de cette Varistocratie de la steppe qui se ralliaient a tel ou tel chef, par-
ancienne coutume des nomades de l’Asie Centrale se perd dans ticulidrement aux: fa’an. Les ha’an choisissent et mettent en
Vobscurité des siécles. Le seul caractére nouveau de l’organisa- avant les plus aptes d’entre eux, ou bien ceux des 6a'atur, noyan
tion de Cinggis-han était la codification et la cristallisation en un et autres chefs qui se seraient déja distingués, afin de leur assurer
systéme cohérent de tout ce qui avait été élaboré au cours d'une la possession d’un certain nombre d’ayz/, clans ou lignées, qui
longue éyolution antérieure: notamment les relations de vasse- pourraient sous leurs ordres assurer le service, en premier licu
lage, issues des liens de service établis entre chef et hommes le service militaire?. D’autre part, les faits qui s’observaient dans
d’armes. Pempire en gestation de Ginggis-han se produisaient aussi, sans
Centeniers et chiliarques, vassaux du fa’an ou d'un autre chef doute, dans les autres khanats, sur une moindre échelle peut-
quelconque cxistaient antérieurement, méme avant la campagne étre, et avec une organisation moins stricte; nos renseignements
contre les Naiman; l’Histoire Secréte nous en apporte le témoi- a cet égard sont des plus modestes*. Dans I’u/us de Cinggis-han
gnage*. Cette couvre contient une documentation abondante sur on peut observer ce qui suit: Ginggis exploite activement !’an-
cette question, mais elle rapporte. tous les événements a l'année cienne institution de la truste afin d’organiser en un systeme
1206, ou Tamiijin fut élu Cinggis-han de lempire mongol. En cohérent un vasselage basé sur le service armé; avec une pers-
Yoccurrence, ainsi que dans d’autre cas, il y a lieu de prendre picacité rare, Ginggis-han discerne le processus de féodalisation
en considération le style de ’ Histoire Seeréte. Les témoignages qui se manifeste alors dans la société mongole et il sait utiliser a
du Yuan-tch'ao-pi-che se trouvent presque intégralement ses fins sa force la plus active et la plus réelle : les antrustions
confirmés’ par Rasid ud-Din. En se basant essentiellement sur ces [nakot]. Les chefs de file aristocratiques suivent une voie iden-
sources, on peut tracer le tableau suivant des relations de vasse- .tique dés qu’ils deviennent « compagnons » d’un ha’an, en
lage chez les Mongols vers le début du xu siécle. Les antrus- particulier de Cinggis.
tions des anciens Mongols regoivent de leurs chefs, pour Selon le systeme en honneur dans Vempire gengiskhanide,
prix de leur service armé, un fief (gudz), un certain
nombre d’ayi/ nomade s, dont ils devienn ent maitres et 4. R. ud-D., Ul, 439-154; H. S., 414-425.
re leur permett ant de [russe : nadel-
seigneurs, et conjointement, un territoi 9, H. S., 60 et 147, 64 et 147-419. En mongol, le lot -feodum
de « gens » altribués a titre de patri-
feod], c’est-a-dire un nombre déterminé
nomadiser avec leurs gens, et de chasser. L’ancienne institution moine a un seigneur militaire, s’appelait qubi, « fief, part », voir P.
Pelliot,
des unagan bogol était comme le stade préparatoire préludant Notes sur le « Turkestan » de M. W. Barthold, T'oung Pao, XXVII, 1930,
39-40. Le passage suivant de R. ud-D. est significatif: « Du temps de Ccing-
présenta une requéle: « Quli-noya n et son frére
gis-han, Yesilin-Hatun
4, H. S., 64; R. ud-D., HW, 94-95, 103. « Mongatii-Uha sont devenus les ainés, font partie de la suite et ont obtenu
la
9, H. S., 1444-425; Pozdnéev, O drevném kitaisko-mongol’skom pamyatniké, ; leurs parents et (les membres de) leur tribu se trouvent en tous
« confiance
47-49. R. ud-D. raconte souvent comment Cinggis-ban « distribuait les baki « lieux. Siordreen est donné, on pourrait les réunir. » L’ordre
fut donné, et
et les troupes aux princes impériaux » (I, 187), mais sans indiquer une date tous les Tatar, encore restés (en vie) furent rassemblés et réunis
avec eux,
précise. bien qu’ils n’aient pas été en parenté avec eux, et ils leur appartienn ent. »
3. H. S., 64, 98. Annotation de Palladius, 189.
R. ud-D., I, 63-64).
4, Il ne s’agit bien entendu que de ce cas concret. 3. Voir ci-dessus.
LES RELATIONS FEODALES 135
134 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
dominé par le « Clan d’or » des Borjigin, les n&két, les aristo- seulement il était vassal de l’empereur, en tant que chef de
crates de la steppe ralliés au Aa’an — la plupart des néAét, appar- Vempire et de l’armée mongols’. De méme, les centeniers
tenaient Ace méme milieu aristocratique — obtiennent en fonc- étaient presque toujours vassaux des chiliarques, et ces
tion des services‘qu’ils ont rendus et compte tenu de leur derniers, trés souvent vassaux des chefs de myriades. Les
personnalité, a titre de patrimoine féodal, un nombre dayz/ relations vassales formaient ainsi un systéme assez homo-
nomades pouvant selon les cas lever cent ou mille combattants, gene, une chaine continue de vassaux et d’arriére-vassaux,
dans des cas plus rares jusqu’a dix mille. En conségence, toutes ces relations pouvant étre schématiquement figurées de la
les tribus et lignées mongoles, tous les clans et familles sont maniére suivante:
distribués en dizaines=arban, ‘ centaines = jd'iin ~ jagiin, Empereur (han),
milliers = minggan, et myriades (dix mille)= tiémdn c’est-a- Prince impérial, possesseur d’un patrimoine-w/us,
dire en groupes d’ayz/ susceptibles d’aligner dix, cent, mille Commandant de myriade, .
guerriers, etc.'. Cette répartition, bien entendu trés approxi- Chiliarque,
mative, était loin d’atteindre une précision mathématique. Les Centenier ;
passages arbitraires d’un chef a l’autre étaient interdits? sous en bref :
peine de mort. La répartition de la population® en milliers et hagan,
centaines, leur distribution entre chiliarques et centeniers, était hibdgiin,
enregistrée dans des livres spéciaux. noyan.
Les fonctions de centenier, chiliarque, commandant de my-
L’Histoire Secréte et la Somme des Histoires le contirment.
riade étaient héréditaires; ceux qui en étaient revétus, rece- Ainsi, Rasid ud-Din décrivant l’armée mongole écrit: « Lepare
vaient le titre générique de noyan, « maitre », « seigneur »,
moine du fils ainé Juci-han... (est) le millier de Monggir
« seigneur militaire » ; titre d’origine chinoise adopté depuis fort un de ses descendants du nom de Cairkis*
Aujourd’hui,
longtemps par les représentants des clans aristocratiques de la
(exerce) son commandement dans la voie de son pére‘. »
steppe *. « Millier de Jadai-noyan. Il appartenait & la tribu Manqut. Par
L’attribution du titre de noyan aux vassaux féodaux militaires la suite, 4 l’époque de Qubilai-qa’ an, son petit-fils, nommé Méng-
est particuligrement significative. Chaque noyan, ayant obtenu en
giidai, obtint sa place »*, etc. Citons encore un témoignage de
féage héréditaire « centaine », « millier », ou « myriade », Vhistorien persan : « Ces enfants de biki, tous devinrent
était tout d’abord vassal du prince impérial de l’un des patri- baki de myriades, centaines, milliers, de sorte que
moines-u/us dont se composait l’empire mongol*, ensuite de ces enfants, s’ils étaient biki doyens a "époque de Cinggis-
han et que leur clan soit au service de Hiilégii-han et que
4. En plus des sources mentionnées plus haut, voir Plan Carpin, 24, 27, chacun suive sa voie particuliére et indépendante, jusqu’a pré-
40; Marco Polo, 89-90; Rubruck, 69; Yasa, voir Ryazanovskii, Obyénoé
pravo..., p. 45.
2. Voir le témoignage de Juwaint dans V. V. Barthold, Turkestan. 4, R. ud-D., II, 150, 454.
2. L’édition russe mentionne : Gungur [« Gungur » est mauvaise legon de
p. 445.
3. H. S., voir P. Pelliot, Notes sur le Turkestan de M. W. Barthold, p. 39-40. Berezin. — P. P.]. ,
3. L’édition russe mentionne: Carbas [Le b est une simple erreur. —
Plan Carpin parle du vasselage plus explicitement que les autres auteurs:
« Les chefs possédent en tout le méme pouvoir sur leurs gens, précisément sur P, P.j.
les gens. c’est-a-dire Tatar et autres, répartis entre les chefs » (Plan Carpin, 24. 4. R. ud-D., Ill, 144.
Comme beaucoup d’autres — c’est bien connu — Plan Carpin désigne les 5. R. ud-D., Ill, 134; voir aussi, par ex., R. ud-D., I, 163. Des indications
Mongols parle nom de « Tatar »). de ce genre se rencontrent souvent chez Phistorien persan. — Dans certains
4. Sous Pempire mongol les princes du sang arboraient également ce cas, R. u-D. désigne aussi un « millier » sous le nom de « fiiman », par ex.
titre ; ainsi Tului est nommé ydkd noyan, « grand noyan » ; voir ci-dessus, IIE, 132, 136, 137, 139, 140, 142; parfois, il le fait ressortir explicitement (I,
p. 126; Cf. Barthold, Turkestan..., 444. 163; IU, 136), détail dont ses commentateurs ont parfois omis de tenir
5. H. S., 419, 1434; R. ud-D., IIT, 139-154, compte.
136 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LES RELATIONS FEODALES 137
sent le premier clan et sa descendance sont constammen
t appelés étaient consacrés par une sorte d’investiture du grand-han, en
a suivre la méme voie que leurs péres '. » Autre exempl
e signi- foi de quoi, par la suite, on leur délivrait une lettre d’investiture,
ficatif: énumérant les « milliers », Rasid ud-Din
mentionne le /arlig'. A titre d’exemple on peut citer le texte suivant’:
« millier de Quildar-siédn »: « I appartenait & la tribu
Manqut, « Cinggis dit & Qoréi: « Au temps de ma jeunesse tu pronon-
de la branche Niran?. » Cependant, on sait que Quildar
avec son « gais sur mon compte des discours prophétiques, tu partageais
clan se détacha de Jamuga et se rallia A Cinggis *.
Blessé dans « mes peines et fus mon compagnon... Je te laisse libre de choi-
un combat avec le Wang-han kiiriit, il ne tarda pas & mourir
des suites de sa blessure, ayant inconsidérément pris « sir chez les peuples soumis trente belles épouses et jeunes filles.
part a une « En outre, ayant réuni trois mille du clan Ba’arin avec les
battue. « Ses cendres furent ensevelies au sommet
d'un mamme- « clans Adarkin et les autres, gouvernés par Tagai et ASsiq, et
lon escarpé du mont Ornu‘u, prés la riviére Halha‘.
». Pour que « les ayant constitués en (unité de)
son fils puisse lui succéder, Quildar devait 10000, sois leur chef de
avoir obtenu la qua- « myriade et commande-les. Dispose ton campement, a ton
lité de chiliarque soit de son vivant, soit a titre
posthume. De « choix, parmi les peuples forestiers le long de l’Ardi§* et
toute maniére, la veuve de Quildar « commande » incontesta- « sauvegarde le pays, la-bas; que toutes les affaires de ces
blement le « millier » qui porte le nom de « millier
de Quildar », « peuples soient de ton ressort; chatie les’rebelles. »
car on sait qu’aprés avoir anéanti les Kariit, Cingg
is-han fit d’un De méme que les princes impériaux, les noyan chiliarques
preux Karait « un centenier, et le donna
a la veuve de Quildar apportaient « ’homagium » & leurs suzerains et consacraient
pour l’éternité des temps, en qualité d’esclave
et de serviteur® », leur sujétion vassale par une génuflexion et un salut frontal,
Par la suite, Cinggis devenu han, distribuant
fonctions et morgiikii *.
récompenses, évoqua et confirma en quelque sorte
les droits du Le han mongol et les princes du sang disposaient souveraine-
compagnon disparu®, _
D’aprés l’'Histotre Secréte’, Cinggis-han aurait ment de la personne du noyan, pouvaient lui enlever son patri-
adressé les moine féodal, ou bien lui en offrir un autre *. Dans le premier
paroles suivantes & Narin-To’oril, fils de Cagan-goa
: « Ton pére cas, le millier ou la centaine, etc., était généralement confié au
m’a fidélement servi: il a péri par Jamuqa
dans le combat... parent le plus proche du déchu *. Quant au noyan, — ala diffé-
Demande maintenant la faveur que méritent
les orphelins. » rence des antrustions d’antan et des compagnons aristocratiques
To’oril répondit: « Mes fréres, Nagiis, sont dispers
és dans divers des fa'an tribaux pré-gengiskhanides, — il ne pouvait de son
ulus; je voudrais les rassembler. » Cinggis Vautor
isa a les ras- propre gré quitter son service, abandonner le patrimoine qui lui
sembler et lui ordonna, ainsi qu’a ses descendants,
de les gou- avait été confié a titre fieffé, ou changer
verner a titre héréditaire. » Et Ragid ud-Din mentio de suzerain. Dans les
nne le mil- « Sentences » quilui sont attribuées, Ginggis-han dit’: « Chaque
lier de To’oril, du clan Nagiis®.
Les noyan, chefs de myriades, chiliarques bik * qui ne sait pas organiser sa décurie, nous ’en rendons res-
et centeniers,
1. R. ud-D., I, 163. Par la suite les noyan se virent attribuer des insignes
1. R. ud-D., II, 153. distinctifs particuliers, des tablettes [r. : dséitsy}, dites paidzy, voir Marco
2. R. ud-D., IT, 140. Polo, 114-415 ; Yule. I, 380-385 ; Tch’ao Hong-Vasil’ev, 229 ; Berezin, Ulus
3. H.S., 64. Jugi, 443-444,
4, H. S., 88-90. 2. H. S., 417 (La transcription russe de certains noms a été corrigée par
5. H. S., 98. B. Vladimirtsov) [La transcription francaise se conforme aux régles énon-
6. H. S., 123, cées ci-dessus, pp. 4, 3, 6].
3. Le fleuve Irtis.
. Voir ci-dessus, p. 130.
we
ponsable avec sa femme et ses enfants, et désignons en qualité Comme s'il désirait faire ressortir le lien entre compagnons-
de bak un autre de sa décurie. De méme pour le bak centenier, nokit et noyan-chiliarques, Cinggis énonce dans ses Sentences! :
chiliarque et commandant de myriade. » Ra’id ud-Din, parlant « Les baki de myriades, milliers et centaines, qui viennent
des biki faisant partie du patrimoine de Hiligii-han, observe que entendre nos pensées au début et a la fin de l’année et s’en
les enfants des biki des autres w/us qui allaient servir en Iran, y retournent ensuite peuvent commander la troupe; l’état de celui
deviennent tous « des biki militaires estimés, 4 l’exception des qui est assis dans sa yourte et n’entend pas les pensées est pareil
rares personnes qui pour cause d’insuccés, ayant orienté leur a celui d’une pierre tombée dans l’eau profonde, ou d’une fléche
coeur vers des pensées frivoles, se rendirent coupables et furent décochée dans les roseaux : il disparait. Il ne convient pas que de
\e
déchues de la qualité de bik. Toutefois, elles sont en vie’ ». tels hommes commandent. » Tout en attribuant des patrimoines
Un certain nombre de noyan mongols devinrent vassalement aux princes impériaux, Cinggis leur donnait des noyan, des
subordonnés aux princes impériaux. D’aprés Rasid ud-Din’*, commandants de myriades et des chiliarques, ainsi que certaines
Ciriggis-han définit de la maniére suivante les relations entre recommandations. Ainsi, selon Histoire Secréte?: « Cinggis
vassal et suzerain: « Je vous donnerai ces biki; toutefois, vous dit...: « Ce Qunan, chez moi, est semblable la nuit4 un loup
étes de jeunes enfants, et leur route a été longue. S'il arrive « audacieux, le jour 4 un noir corbeau. Il s’est attaché 4 moi et
qu’a un moment quelconque (l'un d’eux) se rende coupable, ne « n’a jamais voulu suivre de mauvaises gens... Judi est mon fils
les tuez pas de votre propre chef, prenez mon conseil, aprés moi « ainé ; que Qunan commande les Ginigis et soit chef de myriade
prenez conseil les uns des autres, et punissez ce qui mérite un « gous les ordres de Judi. » « — Cinggis... attribua... & Ca’adai
chatiment. » Cette recommandation était motivée par les consi- « trois nobles de Qaratar et d’autres; en disant: « Ca’adai est
dérations suivantes : « Tant que ces anciens biki sont en fonc- « de caractére roide® »; c’est pourquoi, il prescrit 4 Kékééés *
tion et ont a coeur leur service, s'ils commettent une faute, « de lui parler plus souvent’. »
établissez leur coulpe aprés vous étre convenablement concertés, Dans certains cas les commandants de myriades pouvaient
afin qu’ils ne gardent pas de rancune pour cette affaire, pour choisir leurs chiliarques, le han se bornait a ratifier la nomina-
qu’ils soient persuadés et convaincus que les reproches sont la tion. C’était généralement le cas pour les myriades composées
conséquence de la faute et non de la colére ou de la déraison *. » des représentants d’un méme clan rallié a Cinggis-han. Ainsi,
Rasid ud-Din, parlant de Naya’a-noyan, raconte qu'il apparte-
4. R. ud-D., Til, 453. nait « a la tribu Ba’arin et toute sa troupe est de la méme tribu.
9. R. ud-D., Il, 148-149; cf. D’Ohsson, II, 6-7. Comme il était l’ainé des biki, il se soumit sincérement et rendit
3. J. N. Berezin estimait que seuls devenaient baki, noyan, ceux qui accé- des services appréciables, Cinggis-han lui confia les troupes des
daient a la condition de chiliarque (Ulus Judi, p. 434). Mais lui-méme signale
que RaSid ud-Din mentionne également les baki de centuries. Le passage sui-
taines qui viennent entendre nos pensées... » (R. ud-D., III, 124-122). D’autre
vant de PH. S. confirme lopinion de Berezin et définit avec précision ceux
part, il y avait aussi les centeniers de la Garde qui occupaient incontesta-
des Mongols qui appartenaient 4 laristocratie féodale: « Lorsque Cinggis
blement une haute situation dans la société féodale mongole (R. ud-D., II,
expira, les grands princes de la main droite, Ca‘adai et Batu, le grand prince
de la main gauche, Otcigin, en méme temps que ceux de lintérieur, Tului
133; H. S., 1427-4298). Il y a lieu de citer également le passage suivant de
et les autres princes et gendres, ainsi que les chefs de myriades et chi- PH. S. (428): « Lorsque les gens ayant travaillé a la fondation de empire
sont nommés chefs de myriade, chiliarques et centeniers... » Le mot noyan
liarques, organisérent... une grande réunion. Conformément aux derniéres
signifiait, comme on sait, non seulement « seigneur militaire, maitre »,
volontés de Einegis, ils proclamérent tsar Ogédai et ?annoncérent aux dix mille
mais aussi « chef » (capttaneus, disait Rubruck), c’est pourquoi les dizeniers
hommes de la Garde de Cinggis et a tous les peuples » (H. S., 152). Les
s’appelaient également harbad-un noyat (H. S., cf. R.ud-D., Il, 122).
« princes » dont il s’agit dans ce texte sont, bien entendu, les princes impé-
riaux, kébdgiin [en russe : tsarevici], membres du clan royal; les « gendres », 4. R. ud-D., WI, 424-422.
9. H.S., 449; ef. R. ud-D., J, 178 ; UT, 144.
giirgdn [~ kurdgdn] du ban, c’est-a-dire de Cinggis. Il y a d’ailleurs lieu de
3. L’édition russe mentionne, dans le texte et 4 Vindex: Kékésés
formuler une réserve qui modifie sensiblement le fond de la question : Rasid
[« Kdkdsés » est une erreur de Palladius et de Viadimirtsov. — P. P.].
ud-Din parle souvent des « baki de centuries », et ceci en termes les mettant,
4, H. S., 134; la transcription [en russe] des noms propres a été quelque
sans aucun doute possible, au rang des noyan, des mattres, bien que n’étant
pas compris dans les rangs de la haute aristocratie féodale. D’aprés Rasid
peu rectifiée par B. Vladimirtsov [La transcription francaise s’inspire des
régles énoncées ci-dessus, p. 4, 5, 6].
nd-Din, Cinggis lui-méme disait: « Les baki de myriades, milliers et cen-
4140 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 141
Ba’arin ; il désignait les biki chiliarques a sa guise, et (Cinggis- Manqut se trouvait dés lors remplacé par le « millier » de Quil-
han) les confirmait' ». dar, ou le « millier » de la troupe Manqut‘. Dans ces cas Cing-
Deux chefs de tribus, le « souverain » des Oirat? et le « sou- gis ne faisait que consolider et organiser les éléments déja
verain » des Ongiit’, s’étant placés sous la dépendance de Cing- constitués 4 la faveur d’une évolution sociale antérieure. Dans
gis-han ‘, se trouvérent dans une situation identique a celle des le cas examiné on observe d’ailleurs une légére complication. Le
antrustions et des « compagnons »-chefs de file de l’aristocratie fait est que la veuve de Quildar se vit attribuer, a titre de vassal,
mongole de la steppe. Cinggis-han fait des deux souverains ses un preux kirait, qui lui fut donné avec la qualité de chef de cen-
vassaux-noyan et leur affecte, 4 titre de patrimoine féodal, taine*; il est permis de supposer que le centenier n’était pas
leurs propres tribus. Les « souverains » oirat et Sngiit deviennent, seul, mais qu'il était accompagné par une certaine quantité de
dans l’empire de Cinggis-han, noyan-chiliarques au méme titre, « gens »-kirdit, devenus maintenant ses vassaux et astreints au
par exemple, que Jiba, Qorti, et d’autres. Ceci prouve, une fois service militaire dans sa centurie. On sait aussi que le groupe-
de plus, que les chiliarques, chefs de myriades, etc., du han clan Manqut ne fut pas intégralement attribué a Quildar; le
mongol, ne sont pas des gradés militaires, mais des vassaux « millier » du noyan Quildar se trouva constitué seulement par
attachés 4 leur han par les liens établis sous le régime féodal ceux des Manqut qui quittérent en méme temps que lui Jamuqa
entre suzerain et vassaux. Ragid ud-Din relate*: « Millier de la pour se rallier A Cinggis*. Les autres Manqut formérent le
tribu Oirat. Il se composait de quatre mille, toutefois on ne les « millier » de Jiidai-noyan‘ qui déja auparavant s’était rallié a
connaissait pas séparément, Quduga-biki (Qotuga-biki) était Cinggis*.
leur bik et souverain. Lorsqu’il fit sa soumission, toute la Dans d’autres cas la formation d’un « millier » présentait
troupe oirat lui fut concédée selon l'usage, et les gens qu'il plus de difficultés. Nos sources révélent par de nombreuses indi-
voulut furent biki chiliarques. Par la suite, commandérent des cations que souvent les « milliers » du han mongol étaient for-
descendants, gendres et anda. » més avec les représentants de divers tribus-clans. Ainsi, selon
Ce texte curieux contient une phrase a laquelle il y a lieu de PHistoire Secréte®: « Aprés avoir réparti le commandement sur
s’arréter: « la troupe oirat lui fut concédée selon Pusage ». En les populations, il apparut que le peuple commandeé par le char-
effet, élevé dans les idées de clan, Ginggis-han constituait pentier Giidiigiir’ était en petit nombre. En vue de le compléter,
généralement un « millier » avec les représentants d’une méme Cinggis ordonna de détacher plusieurs hommes du peuple de
tribu-clan et plagait 4 sa téte un noyan appartenant au méme chaque chef et désigna (en qualité de) chiliarques Giidigir
clan. Autrement dit, Cinggis prenait simplement une unité avec Mulgalqu, du clan Jadarat. » « Ensuite, ingais donna
déja constituée, une lignée, un clan, c’est-a-dire une
Yordre au pasteur de brebis Digii® de rassembler tout le peuple
famille
aristocratique avec ses unagan bogol, par exemple le clan sans feu ni lieu et de devenir son chiliarque®. » Ragid ud-Din
Manqut, confirmant le chef qui le commandait déja, en loccur- écrit: « Le millier de QoSa’ul et de Jusuq". Ils étaient deux fréres
rence Quildar ; ensuite, un recensement approximatif permettait du clan Jajirat, de la branche Niran. Au temps ot fut conquis le
de déeréter que le groupe-clan constitue un millier-minggan,
et de V’attribuer & titre de patrimoine féodal & Quildar. Le clan . R. ud-D., Il, 140; cf. H. S., 64.
. Voir ci-dessus, p. 105.
PDD
. BR. ud-D., Ill, 140; cf. HI, 136, 139, 143. . H.S., 64.
Co
. R. ud-D., I, 78-85.
. R. ud-D., I, 144-448. , . H.S., 60; cf. R. ud-D., I, 189-194.
3 OO
- Le chef oirat s’est rallié a Cinggis-han aprés une certaine résistance. . A. S., 124-493,
Ot me
. R. ud-D., III, 136. A propos de la troupe Ongiit voir ibid., 137. J. N. . Du clan Basut, H. S., 60; R. ud-D., 242-213.
. Egalement du clan Basut, voir ibid.
OO
Berezin supposait que les « chefs de centaines » n’étaient pas compris « dans
les rangs de l’aristocratie » (Ulus Judi, 431). Des indications précises dans . H.S., 124.
SS
DP Histoire Secréte et dans Ragid ud-Din affirment le contraire, voir H. S., 97- 40. R. ud-D., III, 142.
98, 102, 125; R. ud-D., I, 423, 208; III, 183, Mareo Polo, 115.
41, L’édition russe mentionne: Jasug {Faule de Berezin. — P, P.}.
142 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES 143
pays Hitai et Jurtat, Cinggis-han ordonna que sur dix Mongols les noms de leurs noyan’, majtres-chiliarques; les maisons et
on en préléve deux. Comme il les jugeait habiles, il lear donna clans aristocratiques seront maintenant supplantés par les mai-
cette troupe, trois mille (hommes) et leur confia cette frontiére. » sons des noyan, chefs de myriades, chiliarques, centeniers *,
Le patrimoine d’Otcigin se composait de cing « milliers », descendants de ces mémes aristocrates, et des antrustions de
notamment: « Un millier de la tribu Kilinggut-Orna’ut’, un simple extraction sortis du rang.
millier de la tribu Bisut*, les autres de chaque tribu, et certains Ce que l’on sait de ’empire de Cinggis-han permet de consi-
de la tribu Jajiirat®. » Les trois « milliers » constituant le patri- dérer comme féodal le régime social des Mongols de son époque.
moine d’Alvtidai, neveu de Cinggis-han, furent recrutés comme En effet, les données dont nous disposons permettent, malgré
suit: « certains étaient de la tribu Naiman, et certains: étaient leur pénurie, de dégager le caractére général de ce féodalisme
recrutés dans d’autres tribus‘. » Ces exemples permettent de se nomade naissant, et d’en préciser certains détails.
faire une idée sur la maniére dont se constituaient et se « recru-
taient » les « milliers ». Il arrivait encore plus fréquemment que
le noyan-chiliarque appartienne a un clan tout a fait différent de
3. — LES BASES DU FEODALISME
celui des « gens » de son « millier » *.
De ce mélange de clans, lignées et tribus mongols au moment « Car il estoit homme au Gran
la constitution des « milliers », unités de base de l’empire de Kaan. »
Cinggis-han, résultaient des conséquences trés graves pour le Marco Poto.
1. Dans Pédition russe : Kilinggut-Urya‘ut (« Urya‘ut-» est une mauvaise 2. R. ud-D., HI, 132-154.
lecon de Berezin. — P. P.]. 3. R. ud-D., I, passim.
2. L’édition russe porte: « Yisiit » avec le renvoi suivant: « Yisit R. ud- 4. Voir par ex. Rubruck, 73-76.
D. = Basut » (Les Yistt n’existent pas ; c’est une mauvaise lecon arabe pour 5. Il y a toutefois lieu de rappeler que le mode de transhumance par ayi
Basut. — P. P.]. semble avoir supplanté le mode par kirtydn (voir ci-dessus, p. 109). On
3. R. ud-D., III, 447. observe aussi la tendance des « chefs » mongols d’augmenter |’élendue des
4, R. ud-D., III, 148; If, 59-60. - paturages. Ainsi, certaines régions de chasseurs « forestiers » seront peu-
5. H. S., 145, 447, 124; R. ud-D., I, 406, 150, 157; Pozdnéev, O drevnem plées par des pasteurs nomades (voir ci-dessus, p. 85). Au milieu du xm¢
kitaisko-mongol’skom pamyatnike Yuan-tehao-mi-si, p. 19. siécle, sous le régne d’Ogadai-ban il est décidé que: « Dans le désert, él, en
“a Rouen, I, 57-58, 63-64, 74, 144, 204; II], 139-154; H. S., 98, 440- raison du manque d’eau, il n’y vivait jusqu’a présent que des béles sauvages
et il n’y avait pas habitations humaines. Maintenant, il faut y mettre une
7. Pozdnéev, O drevnem kitaisko-mongol/skom pamyatnike Yuan-tchao-mi-&, population ; que Canai et Uiurtai viennent et indiquent les emplacements
p. 49; R. ud-D., III, 436. qui conviennent 4 l’établissement des campements et qu’ils y creusent des
8. R. ud-D., Ill, 136, 187, 447, 4130. puits. » CH. S., 458).
144 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LES RELATIONS FEODALES 145
Les questions suivantes se posent maintenant: a qui appar Tout d’abord, c’est le clan qui posséde le nutug
tenait le bétail, et qui donc possédait les paturages et les chasses ? , ensuite ce
sera le chef, da‘atur, ha'an, etc. A époque de
Nos sources permettent de répondre a ces questions. ul y a lieu l’empire mongol
ce sera le seigneur, noyan, kibdgiin. On disait
de rappeler qu’on se trouve en présence d une économie nomate du jeune Tamii-
jin-Cinggis': « C’est un homme qui posséde
et pastorale, non point agricole et sédentaire. Pour des nomades un pays, nourrit la
troupe et entretient bien l'ulus. » Ragid ud-Di
habitués & une économie naturelle extensive, i] n’importe guére n écrit d’autre
part: « odjigin (fils cadet) — maitre du
de posséder un terrain plus ou moins grand, exactement déli- feu et du yurt® »,
« ijain veut dire le fils cadet qui reste dans
mité, un patrimoine territorial. Ce qu’il leur faut, c’est de pou- la maison, dans le
yurt (yur ~ nutug
t ) c’est-a-dire le maitre du feu et du yurt?
voir utiliser de vastes espaces pour leurs transhumances pério- Tandis que, décrivant la troupe et les seigneurs ».
diques a différentes époques de l’année, la possibilité de choisir militaires mon-
gols, V’historien persan observe entre autre
s‘: « Celles des troupes
pour leurs quartiers les emplacements adéquats. de Cinggis-han faisant partie du centre, de
Qui est le possesseur des bons territoires de nomadisme dans Vaile droite et de
Vaile gauche, constituent sa propriété, et aprés
lempire mongol ? Nos sources mentionnent explicitement que le lui ont appartenu
a Tului-han, Tului qui était le maitre du
nutug‘ (yurt), Cest-a-dire le territoire suffisant & Ventretien de yurt fondamental
(yurt, nutug) et de habitation, ce sont
telle ou telle unité nomade, appartient au maitre-noyan ou prince ces milliers et
myriades... * »
impérial, Adbdgiin. En effet, tous les Mongols, illustres ou Les droits du seigneur nomade sur le sol s’exprimen
obscurs, noyan ou bogoléad, tous « appartiennent » 4 un sei- t dans les
relations avec ses vassaux tout autrement que
gneur (noyan), prince impérial (Aibagiin) ou chiliarque, cente- chez les peuples
agricoles et sédentaires. La nature de ces
nier. Du moment que le seigneur possédait les gens, il devait relations a été, de ce
fait, souvent méconnue ; souvent aussi, il a
naturellement posséder le territoire sur lequel ces gens pouvaient pu étre avancé que
les nomades ont ignoré, et ignorent les formes
vivre et transhumer. Aussi, chaque seigneur obtenant des gens, de la propriété du
sol.
peuple-wlus, a titre de patrimoine, ou méme de commandement, Dans l’ancienne société mongole, sous Vempire, chez les
se voyait obligatoirement pourvu d’un yurt, nutuq déterminé, nomades, la possession du sol était concrétisée
cest-a-dire d’un territoire pouvant suffire 4 lentretien des par le comman-
dement des transhumanees : le noyan, prince du
nomades qui lui avaient été attribués. sang, seigneur
féodal ou chiliarque oriente A son gré les transhuman
Le fief-guéc? se composait de deux éléments: une quantité ces des gens
qui dépendent de lui (w/us), répartit entre eux
définie de familles nomades (u/us), et une étendue de pacages et les meilleures
terres de pacage (6aldi ~ baléi
gé 'ér)*
r et choisit les emplace-
de terrains de chasse (nutug) permettant de suffire 4 leur entre- ments de ses quartiers dans les limites du nutug-yurt
tien. L’attention du nomade était bien entendu concentrée sur qui lui a
été réservé. Le seigneur féodal est véritablem
ent le maitre, é7an,
Pélément démographique udus, car on pouvait toujours trouver Yordonnateur des pacages. L’observateur altentif qu’éta
un autre nutug. C’est pourquoi le terme ulus a servi a désigner le it Rubruck
a remarqué ce trait significatif de la vie mongole
patrimoine attribué 4 tel ou tel personnage’. Aussi nos sources contemporaine.
Ainsi, il écrit’: « ... chaque chef (capitaneus) connai
arlent-elles souvent des « fractions de peuples vaincus » par t, selon le
nombre plus ou moins important de gens placés sous
Cinggis, attribuées en patrimoine a ses parents, et ne mention- ses ordres,
nent que rarement le yur. -1. R. ud-D., II, 98,
2, II, 60.
3. II, 30.
i tug. ; 4. R. ud-D., Ill, 143,
Fi Nous traduisons ici par « fief » (possession exclusive, bien propre) le 3. Cf. N. J. Grodekov,
méme mot russe « udel », entendu maintenant dans un sens large, démo- Kirghizy i kara-kirghizy
Syr-Darinskoi oblasti,
Tachkent, 1889, p. 102-148 (annexe),
graphique et territorial, voir ci-dessus p. 124, note 2. — N, d. t.]. 158-169.
6. R. ud-D., If, 143. Les dictionnaires
3. H. S., 417, 132. de Kovalevskii et de Golstunskii
transcrivent ce mot sous la forme incorrecte
4, H. S., 133. de bildigir.
7. Rubruck, 69; ef. H. S., 138.
10
146 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LES RELATIONS FEODALES 447
les limites de ses padturages, ainsi que les endroits ot il doit En ce qui concerne la chasse, il est certain que les seigneurs
faire paitre ses troupeaux en hiver, en été, au printemps féodaux nomades occupaient dans les battues les meilleures
et en automne. » Nous trouvons aussi certaines données places, choisissaient leur gibier et obtenaient dans les prises la part
chez Plan Carpin, qui écrit & propos des Mongols‘: « Nul du lion. Pour eux, la chasse représentait non seulement un
n’ose séjourner dans une région qui ne lui aurait été assignée délassement, mais aussi une source de revenus; tandis que pour
par l’empereur. I] indique lui-méme ot doivent résider les leurs subordonnés, les battues représentaient une servitude, par-
chefs’ [duces], les chefs assignent des emplacements aux fois astreignante, qui ne devait guére augmenter leur aisance'.
chiliarques, les chiliarques aux centeniers, et les centeniers aux Aussi, en affranchissant deux serviteurs, devenus par la darhat,
dizeniers. » Cinggis-han leur dit? : « Soyez libres. Conservez pour vous-
L’ensemble des terres soumises aux Mongols appartenait au mémes le butin obtenu au cours des campagnes et les bétes prises
clan royal (a/tan uruq), ’ordonnateur supréme en était le han- dans les battues. » Il leur accordait ainsi le droit de ne pas sou-
empereur, attribuant et confirmant l’attribution de fiefs* (guéz) mettre au partage et de conserver intégralement? leur butin de
aux fils (Aébdgiin) de ce clan, & ses fidéles serviteurs et guerre ou de chasse.
compagnons (nékét, noyat). Le butin militaire était réparti « en parts proportionnelles
D’autre part, le seigneur nomade pouvait de son plein gré entre supérieurs et inférieurs »‘: en outre, une quote-part
« interdire » certains emplacements de son nutug, en faire des était toujours réservée au han mongol, aux princes impériaux
« lieux interdits » (gorzq) ‘, réservés a la sépulture des membres et aux anciens noyan, méme n’ayant pas participé & Ja cam-
du clan royal*, ou aux chasses seigneuriales®. L’accés de ces pagne *. Il semble que, dans ces cas, tous les noyan n’obtenaient
« lieux interdits » était, comme leur nom lindique, absolument pas un lot du butin, mais seulement ceux d’entre eux qui avaient
défendu aux personnes étrangéres. On observe que, parfois les pris part 4 Yexpédition et les anciens, peut-étre commandants
anciens chefs de tribus mongols, les ha’an, réservaient déja de de myriades.
tels emplacements sacrés‘ [russe : « sapovédniki »}. Examinons maintenant la question du cheptel, des troupeaux.
A qui appartenait le bétail chez les Mongols de l’empire, qui
4. Plan Carpin, 23 [« Personne n’oserait arréter son habitation en quelque était le véritable maitre des troupeaux? Nos sources ne nous
lieu, s’1] (’Empereur) ne le lui assigne lui-méme; car il ordonne les lieux apportent pas de réponse explicite. Mais, ce que l’on sait des
ot ils (les Tartares) ont a se placer, tant ducs qu’officiers de mille, de cent,
et de dix hommes, chacun en son ordre » (Pierre Bergeron, Voyages... de Mongols du xu siécle, et de Pépoque antérieure, laisse sup-
Jean du Plan Carpin..., Paris, Imprimerie Nationale, aoit 1830, p. 182, poser que tous les Mongols, hommes libres, simples soldats,
d’aprés les éditions anciennes. D’Avezac écrit a propos de Bergeron: « La « plébe » mongole, vassaux, tous possédaient en propre leur
version de Bergeron, telle qu’il l’a donnée en 1634 est jusqu’d présent ce que
nous possédons de plus fidéle et de moins incomplet » (Relation des Mongols bétail, avec lequel ils transhumaient *. On en conclura donc que
ou Tartares par le frére Jean du Plan Carpin... par d’Avezac, Paris, 1838, les maitres féodaux, princes impériaux et noyan n’étaient pas
p. 47). « Nullus audet in aliqua parte morari nisi ubi ipse (Imperator) assi- propriétaires des troupeaux se trouvant a la disposition de leurs
gnet ce: ipse autem assignat ubi maneant duces ; duces vero assignant mille-
nariis loca, millenarii centenariis, centenarii vero decenariis » (D’Avezac,
Relation des Mongols ou Tartares par le frére Jean du Plan Carpin, Paris,
1838, p. 272, 273). — N. d. t.]. 4. Marco Polo, 138-142, 138 ; D’Ohsson, I, 404-406, II, 88; H. S., 139-460,
R. ud-D., II, 129; Ryazanovskii, Obyénoe pravo mongolov, 45 (Yasa), Bar-
2. Plan Carpin désigne par « chefs » [duces] les princes du sang mongols
(kébdégiin). thold, Turkestan..., 445 (citation du témoignage de Juwayni); voir aussi
3. Barthold, Turkestan..., 421-423 ; Oderk istorii Semiréd'ya, 44-42; Isto-
Abu-’l Gazi, 166-167.
riya kul'turnot zisnt Turkestana, 86-89, 91. 2. H. S., 124,
3. H. S., 98.
4. Barthold, K voprosu o pogrebal'nikh obryadakh turok i mongolov, Actes
4. Tchang-tch’ouen, voir Vasil’ev, Istoriya i drevnosti, p. 225,
V. 0., t. XXV, p. 63-64, 66, 69, 73.
5. H. S., 442, 448 ; Tch’ang-tch’ouen- Vasil/ev, ibid.; Kirakos, 64-65.
5. Id., p. 62, 69-50; R. ud-R., I, 144-445.
6. Voir par ex. R. ud-D., III, 126: « homme du commun, c.-a-d. de la
6. Marco Polo, 444.
plébe, s’il boit avidement du vin, liquidera cheval, troupeau et tout son bien
7. Barthold, op. e7t., 63.
et deviendra un gueux » (Sentences de Cinggis-han).
148 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS LES RELATIONS FEODALES _ 149
gens. Il y a lieu toutefois de formuler certaines réserves impor- « chefs » mongols frappaient d’étonnement
tantes qui modifient sensiblement le tableau. les voya
geurs
européens qui exprimaient leurs sentiments
Le fait, tout d’abord, que le Mongol du commun en termes virils':
devait noma- « L’Empereur et les Princes prennent tout
diser en exécution des ordres de son selgneur, ce qui leur plait sur
s’arréter aux eux (les autres sujets), et tant quils en veule
lieux indiqués et se diriger vers de nouveaux paturages selon nt, disposant & leur
la plaisir d’eux, et de leurs biens. » « L’Empere
volonié de son maitre, l’assimile aux gardiens de troupeaux ur de ces Tartares
a un extraordinaire pouvoir sur eux tous?. »
appartenant a autrui, bien plus qu’a un propriétaire indépendant.
Il résulte, de ce qui précdde, qu’au xui's
D’autre part, toutes les familles mongoles du peuple étaient ., A l’époque de
Yempire, les « chefs » mongols, dn, princ
astreintes & différentes prestations en nature au profit es impériaux, et
des noyan, tenaient entre leurs mains tous les inst
féodaux. ruments de pro-
duction de I’économie naturelle des nomades.
Ces prestations consistaient en premier lieu dans l’abata Is disposaient de
ge « gens a eux », inféodés a leurs personnes
du petit bétail et Venvoi dans les camps des féodaux mais jouissant de
pour quelque bien propre et d’une certaine liber
un temps déterminé, d’un certain nombre
té, susceptibles de
de bétes a lait, faire valoir leur économie individuelle, et en réser
notamment de génisses, afin d’alimenter en lait les quartie vant la plus-
rs ‘. value complémentaire & leurs maitres.
Cette prestation portait le nom de &iis~tin Sistin (ration, pro- Mais les féodaux, tout au moins les grands
vision) *. La prestation alimentaire existait sans aucun seigneurs, fdn,
doute princes impériaux, et parfois les principaux
auparavant; les anciens ha‘an et 6a’atur y avaient recours noyan, disposaient
, mais encore d’une autre arme.
on ne peut encore établir dans quelles limites ni quelle
était en Ainsi qu’il a déja été observé, le butin de guerr
général Yimportance des « rations » prélevées sur e était partagé
un feu-ayil a un prorata entre féodaux *. Le méme principe était
nomade. On sait, par exemple, que pour venir en aide observé dans
au Ong- Yempire mongol a l’égard des revenus provenan
han karait, Cinggis « ordonna & son peuple de lui t des régions
fournir des civilisées conquises ‘. Aprés la conquéte, les han
provisions pour sa subsistance » °, mongols attri-
buaient des patrimoines territoriaux, avec leur
Sous Ogiidii-han, successeur de Cinggis, on tenta de population agri-
norma- cole et sédentaire, aux princes impériaux et
liser les prestations alimentaires en faveur des princip noyan; mais ces
aux féo- terres ne représentaient pour ces seigneurs mong
daux, le han-empereur et les princes impériaux patrimoniaux. ols que des
I sources de revenus, car les seigneurs mongols
fut décrété: « Ne prélever annucllement sur les ne pouvaient
troupeaux du administrer ces domaines, ni collecter eux-méme
peuple qu’un seul mouton chatré de deux ans ct le s les redevances
cuire; dans et impdts*. Une partie des revenus de ces
chaque u/us, sur cent moutons en prélever un pour terres était remise
venir en aide en nature aux féodaux mongols ; ainsi, on leur _livrait
aux pauvres de cet wus *.» D’aprés les versions chinoises,
Ogadai : millet et farine des propriétés chinoises, et ces revenus les
« institua que les Mongols paieraient chaque année:
pour cent
chevaux, une génisse, et pour cent bétes A cornes et
brebis, une 1. Plan Carpin, 24 [Citation francaise @aprés Pierre
téte® ». Mais encore a l’époque WOgidai, les exactions Bérgeron, op. cit.,
des édition de 1830, p. 484. « Et ut breviter dicam, quicqu
id Imperator et duces
volunt, et quantu m volunt, de rebus eorum accipiunt. De personi
eorum disponunt per omnia, secondum benepl s etiam
1. Plan Carpin, 23-24; cf. H. S., 138 (il est acitum suum » (D’Avezac,
question de l’envoi des Relation des Mongols ou Tartares par le frére
génisses pour la traite a Pépoque des qurultai, Jean du Plan Carpin, Paris,
c.-a-d. des assemblées 1838, p. 276). — N. d. t.].
seigneuriales),
2. P. Pelliot, Notes sur le « Turkestan... », 2. Plan Carpin, 23 [Citation francaise d’aprés Pierre
p. 37-38. Bergeron, op. cit.,
3. H. S., 76; Rasid ud-Din écrit la méme édition de 4830, p. 182. « Imperator autem eorum
chose a propos de cet épisode : Tartarorum habet mira-
« le coeur de Cinggis-ban eut pitié de bile dominium super omnes » (D’Avezac, Relatio
lui: il imposa aux Mongols une n des Mongols ou Tartares
contribution en sa faveur, installa dans par le frére Jean du Plan Carpin, Paris, 1838,
son kuriyan, dans ses ordos et p. 272). — N. d. t.].
Pentretint sur son pacage » (R. ud-D., II, 410). 3. Voir ci-dessus, p. 447.
4. H, S., 138; ef. Skazanié o Cingiskhané, 196, 4. Barthold, Oderk? istorii Semtreé'ya, p. 42-43.
D’Ohsson, Il, 63. 5. P. Hyacinthe, 260, 264-268 ; Barthold, Istorty
5. P. Hyacinthe, 149; D'Dhsson, II, 44. a kul'turnot diznt Turkes-
tana, 89; Berezin, Ulus Judi, 464,
150 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES MONGOLS
LES RELATIONS FEODALES {54
différenciaient essentiellement de la masse des guerriers-vassaux, de patrimoines-u/us, étaient de véritables seigneurs féodaux. De
leurs gens. C’est 14 ce que Rubruck a fort justement souligné: méme que l’empereur était souverain maitre de Pempire, en
« Les grands seigneurs... ont des métairies et lieux pour leur qualité de chef et de représentant du clan régnant (altan uruq)
provision vers le Midi, qui leur fournissent de millet et de de Cinggis, de la maison de Yasiigiii-ba’atur, les princes impé-
farines durant l’hiver: les pauvres s’en pourvoient, par échange riaux, eux aussi, étaient maitres et possesseurs (é/dn) de tel ou
de moutons et de peaux'. » tel patrimoine (ulus et nul ~ nuntuq),
ug qui leur avait été attri-
En outre, les divers artisans des nations civilisées étaient bué a titre de fief (qubc)', de patrimoine féodal. Ces fiefs, y
considérés comme une source de revenus trés importants. C’est compris le fief du Aan-seigneur, étaient leur propriété, et ils en
pourquoi on s’emparait des artisans dans les pays conquis, dans disposaient, avec seulement quelques restrictions, comme de leurs
les villes surtout, et on les distribuait ensuite aux princes propres domaines, y rendant la justice et appliquant dé sanctions’.
impériaux, a titre de participation dans l’ensemble du butin En leur qualité de propriétaires-d}an, les princes impériaux
appartenant au clan royal; et ils étaient obligés de travailler bénéficiaient d’une certaine immunité. Ainsi, Ogidiii-han se
pour les princes impériaux qui leur assignaient une résidence, reprochait « de s’étre emparé de jeunes filles du peuple (appar-
soit dans les villes, soit dans les colonies spécialement constituées tenant) 4 son oncle... Ottigin® ». Et Rasid ud-Din écrit*:
a cet effet. Les agriculteurs (¢arcyacin)* étaient rangés au nombre « Lorsque Ogidai-ha’an devint han, aprés la mort de Tului-han,
de ces artisans (urat~ uradit). Il y avait des maitres, spécialisés il céda a son fils Kétin, de son propre chef et sans prendre l’avis
dans la fabrication des armes*. Le fan-empereur mongol rece- des princes du sang et des biki, les troupes qui appartenaient aux
vait aussi de ces artisans qualifiés et les domiciliait dans le enfants de Yakd-noyan...°. Les anciens biki de Cinggis-han...
« yurt fondamental » qui lui était attribué: car le han mongol et les autres chefs de myriades et chiliarques, & l’unanimité...
était non seulement le chef du « clan d’or » et de l’empire, exposérent que « ces troupes Siildis et Sunid qui nous appar-
mais aussi le possesseur d’un des w/us-patrimoniaux +. tiennent, Ogidii-han les donne maintenant a son fils Kotin,
Le chef de empire féodal * était l’empereur mongol (han) dé- mais comme Cinggis-han Ya distribué aux ordos, comment
signé par la grande assemblée (qurultai~ quriltat) des princes transgresser et agir 4 l’encontre de son ordre? Nous exposerons
impériaux (Adbdagtin) membres du « clan d’or », des gendres impé- cette situation en présence de Ogiidai-ha’an, il ordonnera ».
riaux (kiirgén ~ giirgan), et des noyan-maitres, commandants Rappelons aussi les instructions de Cinggis quant aux fautes
de myriades et chiliarques. Les princes impériaux, possesseurs commises par les membres du clan impérial °, princes impériaux.
4. Rubruck, 75 [« The great lords have villages in the south, from which
millet and flour are brought to them for the winter. The poor procure (these 1. H. S., 182-144; R. ud-D., TI, 149-154; U1, 77, 84.
things) by trading sheep and pelts » (Rockhill, Tke journey of William of ,
2. Voir par ex. R. ud-D., III, 149, 152; Berezin, Ulus Juéi, 422, Kirakos,
Rubruck..., 1900, p. 68. Citation francaise dans le texte de la présente tra- 73-76 ; Magakii, 34-35 ; Marco Polo, 332-333, o& nous trouvons un passage
duction d’aprés Pierre Bergeron, Voyage de Rubruquis en Tartarie, 1735,
significatif en « style féodal », 4 propos du prince impérial Naya’a: « Il était
p. 13-14. — N. d.t.]. Dans les ulus occidentaux de l’empire mongol, han et vassal du Grand Han et devait tenir de lui sa terre, comme tous ses ancé-
princes impériaux attribuaient des terres a titre d’ « usufruit héréditaire » tres » (cette phrase est omise, sans autre mention, dans la traduction de
(soyurgal, concession), a différents personnages, ce qui confirme une fois de Minaev; notre texte [russe] cite d’aprés I’édition de Pauthier et Yule ; voir
plus la qualité de maitre et d’administrateur du sol du seigneur féodal; voir aussi les annotations de ce dernier: I, 27, n° 2); Vasil’ev-Tchao-hong, 224
Berezin, Ulus Judi, 428; Quatremére, 143 (Quatremére transcrit inexactement
[Pauthier, 1865, ch. uxxvi, p. 244: « I] estoit homme (= vassal) de son nevo
le terme mongol en siourqal; Berezin traduit par « fermage héréditaire »;
le granl Kaan, qui Cublay a nom, et le devoit étre par raison »; Moule et
akii, 18. Pelliot, 1938, ch. 77, I, p. 193: « His ancestors have formerly been under the
“S Tch’ang-tch’ouen, 993, 404 ; Rubruck, 104-105, 122 ; Tchang Té-houei, great Kaan, and this man himself was also under... the great Kaan... ».
583-584; Barthold, Istoriya Semireé'ya, 45; Plan Carpin, 36-47; Mong kou —
N.d.t.J.
yeou mou ki, 383; Barthold, Turkestan, 58 ; Quatremére, 309.
3. H. S.. 159, 288 (annotation de Palladius).
OD
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lorganisation des relais postaux (Jam)', les fournitures de char- Ces gens, appelés 4 se trouver auprés de ma personne, devront
rois, de moyens de transport (ula’a, ulaga)*, etc. (concelium et étre choisis parmi les enfants des dignitaires* et des gens de
auxilium). condition libre?, on les choisira adroits, bien faits et robustes.
En outre, les noyan mongols et leurs « milliers » devaient Le fils d’un chiliarque aménera avec lui un frére et dix cama-
fournir l’équipement et verser un contingent déterminé d’hommes rades; le fils d’un centenier aménera un frére et cing camarades;
dans la garde aristocratique (Adszk), du han-empereur, instituée les enfants des dizeniers et des gens de condition libre, emméne-
par Cinggis*. Cette garde, dont la filiation directe remonte aux ront chacun un frére et trois camarades. Les chevaux destinés
anciens antrustions et aux détachements spéciaux de gardes du aux dix camarades du fils de chiliarque seront prélevés sur son
corps des fa’an de tribus, regoit une organisation réguliére qui fait millier et centaines, de méme que le harnachement; en outre,
ressortir, une fois de plus son caractére féodal et aristocratique; il y aura lieu de les munir, conformément a larrété nouvelle-
la garde était, aux mains du fam mongol, un instrument ment confirmé, en plus du bien qu’ils recevront de leur pére, du
puissant qui le distinguait des princes impériaux patrimo- bien et des gens quils auront acquis eux-mémes. Pour cing
niaux. compagnons du fils d’un centenier et trois compagnons du fils
Par la suite, ces princes ont aussi créé une garde, organisée dun dizenier et du fils des gens libres*, les chevaux seront
sur des bases quelque peu différentes‘. équipés comme prévu par l’arrété antérieur. Celui des chiliarques,
Cette organisation se trouve si bien décrite dans l’Hestozre centeniers, dizeniers et gens libres qui résisterait, sera chatié
Secréte, qu’il suffira d’en citer simplement un extrait?: Cinggis comme un coupable. Si le titulaire s’abstient et ne prend pas
dit: « Autrefois je n’avais que quatre-vingts hommes gardes de son service de nuit, le déporter dans des régions éloignées et
nuit et soixante-dix autres pour le service de sécurité Safibani °. en désigner un autre a sa place. Nul ne doit retenir celui qui
Maintenant que le ciel m’ordonna de régner sur tous les peuples, voudrait faire partie de la garde. » Cinggis disait encore?:
qu’on rassemble pour le service de garde, Saribai, et les autres, « Safban est au-dessus des chiliarques de l’extérieur’, les
dix mille hommes pris dans les myriades, milliers et centaines. membres de leur maisonnée sont au-dessus des centeniers
et dizeniers de lVextérieur. Si un chiliarque de l’extérieur, se
450, 452. Les princes du sang corivoquaient également des qurultai dans leurs considérant égal au Safbai du service de garde, entame une
ulus. discussion et se bat avec lui, il subira un chatiment. »
1. H. S., 458-459; voir RAS-V, 1929. p. 290-295; T’oung Pao, 1930, p. 192- Ce texte montre que le recrutement et l’équipement de la
1938; P. Hyacinthe, 149; Skazanié o dinguiskhané, 196; Marco Polo, 147-
430 ; Tchang Té-houei, 582-586. garde impliquaient la participation des noyan-féodaux avec leur
2. H. S., 458; B. ud- D., 1, 422; IW, 132; P. Pelliot, Notes sur le « Tur- « maisonnée », c’est-a-dire leurs parents et unagan bogol, et
kestan, p. 37-38. LH. 8. (138) cite avec candeur un arrété de l’époque d’Oga- celle de leurs « milliers », c’est-a-dire de leurs guerriers-vassaux.
dai-ban: « Princes du sang et gendres pendant la réunion (c.-a-d. qufultai)
prélévent généralement les provisions de bouche sur le peuple; ceci ne con-
Il est certain que la garde ne se composait pas exclusivement des
vient pas; que sur chaque millier, on préléve annuellement une jument (lai- seuls aristocrates ; c'est d’ailleurs fort naturel: les jeunes gens
tiére) et qu’on lui affecte un homme pour le pacage et la traite; ce cheval et aristocratiques, fils denoyan, avaient besoin d’avoir sous la main
cet homme seront toujours amovibles. »
3. Voir les observations de P. Pelliot in T’oung Pao, 1930, p. 27-34. V. V.
des gens sur lesquels ils pourraient se décharger des gros tra-
Barthold, le premier, a défini le caractére aristocratique de la garde mon- vaux; les gardes aristocratiques ne ressemblaient déja plus aux
gole, voir Turkestan, 411-44 ; voir aussi Palladius, Kommentarii... na Marco antrustions d’antan. Tous les membres de la garde étaient
Polo, p. 40-44, La description de la garde de Cinggis par R. ud-D. (I, 63,
122 ; III, 432-433) contient beaucoup d’erreurs et de contradictions. L’H. S.
astreints 4 une discipline trés sévére, mais par contre ils jouis-
présente une documentation plus stre : p. 62, 102-403, 125-130 ; Quatremére, saient de divers priviléges qui leur conféraient une situation
309-311, Vasil/ev-Tchao-Hong, 230.
4, Magakii, 35; Yule, I, 379-381 ; Defrémery-Khondémir, YA, IVs., XIX, 4. Noyad [noyat].
p. 278-277. 2. Ditri-yin gii'tin, voir ci-dessus, p. 154.
5. H. S., 125. - 3. H. S., 127-428.
6. Chin. : Sahbah, mong.: haath, 4, Autrement dit, de la simple troupe, de Parmée,
158 L’ANCIEN REGIME SOCIAL DES. MONGOLS
ce nent
chinois (howang-ti) de la nouvelle dynastie Yuan (deuxiéme Cinggis forment précisément un « clan », une réunion de
moitié du xu° siécle). parents consanguins, exogames, liés par le culte. On constate
Ainsi qu’il a déja été observé, la pénurie des renseignements aussi, en dépit de la pénurie de nos données, que méme au temps
concernant le développement du régime social mongol au cours des guerres intestines entre princes impériaux, les droits des
de cette période, ne permet pas de retracer un tableau complet de membres du clan « d’or »‘ sur les revenus de l’avoir commu-
son évolution. Nous sommes plus ou moins bien renseignés en nautaire du clan, n’étaient pas contestés, de méme que leur
fait, sur état de la société mongole & lapogée de Vempire, faculté d’exercer ces droits.
cojncidant a peu prés avec le régne du successeur de Cinggis-han, L’empire mongol a été démembré — et il devait l’étre — en
(Ogidai-han'; nous disposons aussi de quelques renseignements plusieurs troncons indépendants du fait surtout qu'il était basé
sur le régime social des Mongols au xvit' siécle, la société mon- non seulement sur le principe du clan, mais aussi sur le principe
gole s’apprétant déja & entrer dans une nouvelle phase de son féodal.
évolution ®. Nous nous trouvons, en quelque sorte, en présence A la téte de empire créé par Cinggis, et considérablement
dun début et d’un aboutissement ; ces deux moments doivent augmenté par ses successeurs, devait se trouver le han-empereur,
nous permettre de reconstituer ce qui se passa dans Vintervalle, en sa qualité de représentant du clan patrimonial des descendants
A moins de recourir & des sources tardives, de ce méme xvi" de Yisiigii-ba’atur, hin-maitre et souverain au pouvoir illimité,
siécle. précisément fort du soutien et du dévouement absolu de tous ses
Le processus ultérieur de féodalisation se manifesta dés la parents, membres du clan « d’or »; mais dés la deuxiéme moitié
mort de Cinggis-han: empire se disloqua en plusieurs parties du xur* siécle, empire se transforme en un état féodal nettement
inégales, qui donnérent naissance par la suite 4 plusieurs états, caractérisé, en une simple fédération féodale. L’empire mongol
ou, plus exactement a plusieurs groupements féodaux *. En Chine n’existe plus que de nom. Les princes impériaux mongols
« mongole » par contre nous nous trouvons en présence de vice- du clan de Cinggis sont « assis » [siégent]* dans divers pays
rois & moitié indépendants, princes impériaux de Ja maison de avec tel ou tel contingent de troupes nomades, constituant de
Cinggis‘, reconnaissant le pouvoir du grand han « assis » a grandes seigneuries qui tantét reconnaissent et tantét contestent
Dai-du et Chang-tou. Yautorité du « grand han ». A Vextréme limite du monde
Le démembrement de l’empire mongol a été expliqué, entre
autres, par la décomposition du clan régnant®, qui considérait la may-un han), descendant de Judi, comme son parent (¢6ritl), et espére trouver
Il y a lieu de constater que le processus de cette évolution A partir du xv° siécle, Pancien clan mongol, clan patriarcal,
nous échappe, par contre nous disposons de quelques renseigne- et le « millier » de ’époque impériale sont remplacés par de nou-
ments sur son aboutissement. De cette évolution il est résulté, veaux groupements dénommeés ofog. Que représente l'otog mon-
eptre autre, que la plupart des Mongols ont abandonné le régime gol, que voulait dire ce mot & cette époque? Une réponse a cette
de clan et la répartition en « milliers ». En effet, si nous nous question implique le recours aux sources les plus diverses, car ce
reportons & nos sources nous n’y retrouvons plus les clans mot, que les Mongols ont conservé de nos jours, a désigné au
mongols, o60q', et nulle part ne s’y trouvent mentionnés les cours d’une longue évolution des choses différentes.
« milliers », minggan, de Cinggis-han. La plupart des Mongols A l’époque qui nous intéresse on observe chez les Mongols le
« orientaux » contemporains ignorent bien entendu le régime phénoméne suivant: les Mongols « orientaux », de méme que
de clan. Mais chez les Mongols « occidentaux », c’est-a-dire chez les Mongols « occidentaux », c’est-a-dire les Oirat, sont partagés
les Oirat, on observe le phénoméne contraire : les tribus otrat ont en tribus-e/us, d’importance variable. En général, le terme w/us
conservé le régime de clan et l’exogamie, ainsi qu’en témoignent désigne un grand rassemblement tribal, également désigné par
nos sources relatives au moyen age” et les coutumes actuelles le terme tiimdn, « multitude, dix mille ». Le terme tiémdn s’est
des Oirat en diverses régions *. maintenu, tandis que le terme « millier » -menggan a comple-
tement disparu.
4. Etant entendu qwil s’agit du fait, non du mot. Le terme oboq est
conservé chez presque toutes les tribus mongoles et contient non seulement Ulus ou tiiman' étaient & leur tour divisés en groupes d’ayzl
la notion de « lignée, clan », mais désigne aussi le « nom de famille ». nomades unis par le territoire commun réservé a leurs transhu-
J. N. Potanin observe que « les Mongols ordos ont gardé le souvenir de mances, dénommé otog. A cette époque, l’otog précisément
leurs clans, ou omog disent-ils » (Tangutsko-Tibetskaya okraina, I, 103).
En note, Potanin explique que chez les habitants de l’Altai « omoq constitue P'unité de base économique et sociale. Chaque Mongol
signifie la méme chose que siok (os) ». I] est permis de mettre en doute le devait obligatoirement faire partie d’un ofog, ce qui l’entrainait
bien-fondé de ce témoignage. Tout d’abord nous n’en trouvons aucune dans l’orbite de divers rapports économiques et sociaux.
confirmation dans les sources mongoles; en second lieu, J. N. Potanin
(ibid.) énumérant les dénominations des omoq ordos, cite des noms dont on Fait significatif, l’otog mongol a comme base Vunité territo-
sait grace aux diverses sources mongoles (S. s. et A. ¢., notamment), que riale. Un groupe d’ay:/, de quantité variable, nomadisant dans
la plupart sont des noms d’otog. De méme, Polanin (ibid.) en communiquant les limites d’un territoire déterminé et utilisant ses dépendances,
« les noms des clans » d'un hosién halba et de certains auires Mongols
méridionaux cite en réalité des olog et non des clans (omog). I est fort pos- constitue précisément un ofoq ; le territoire peut étre modifié en
sible que cette confusion se soit produite chez Potanin en raison de l’analogie raison de faits de guerre ou pour d’autres causes, mais des rela-
graphique en russe des mots « omog » et « otoq » [Rappelons que le T tions identiques seront maintenues sur les nouveaux terrains de
minuscule russe (m) s’écrit comme le M minuscule latin (m), et que le M
minuscule russe s’écrit comme le M majuscule latin. — N. d. t.] transhumance. Par son origine, le mot oéog est étroitement lié
2. Zaya-Pandila, 2. Chez les Oirat « le clan, union exogame de parents au territoire, région de nomadisme’.
consanguins » est le plus souvent désigné par le terme yasun, « os », Le mot mongol ofog, provenant de la forme plus ancienne de
cf. ci-dessus, p. 57. Mais, simultanément, le terme yasun désignait aussi
Vappartenance 4 une tribu. Aussi n’existait-il pas de terme spécial tradui- otaq, appartient au groupe des mots de |’Asie Centrale remon-
sant la notion de clan, le nom du groupe patriarcal servait simplement
a le désigner, par exemple : yasun inu hosud, otoq inu gérddin, gérédin 4, S.s., 138 et 202: jirgu/an timdn et firguan ulus, « six tuman » et
dotorén_Sanggas amut, « son os est Hogud, son otoqg est Gérdcin, parmi « six ulus », constituant la nation mongole. Le fief du bagan s’appelait
les Gordtin se trouve (le clan) Sanggas (« Zaya-Pandita, 2); cf. Golstunskii, yaké ulus, « grand ulus », voir S. s., 470, 200, 280; A. ¢., 80: Ongnigud-
Otratskié zakony, 124 (inexact). un sayid Muulihai-ong-i ydkd ulus-un toric togtaba... gabd (A. t.): « les sayid
3. Le régime de clan est également maintenu dans la tribu Qotogoitu Ongnitt disent 4 Mu’ulihai-ong : Vadministration du grand ulus est
autrefois rangée parmi les Oijrat, maintenant rattachée aux Halhas et halha- assurée ». La notion de ydkd ulus était parfois Péquivalent de firguian
cisée dans une certaine mesure ; voir Ubasi-hung-taiji, 204; Bolor toli, III, ulus.
488 ; ces deux ceuvres sont absolument indépendantes lune de l’autre. D’au- 2. S. s., 166, 182, 190, 194, 196, 200, 204, 208, 280, 284; A. t., 66, 84, 85,
tre part, le véritable régime de clan est connu des Buryat septentrionaux, 404, 106, P. Hyacinthe, Oirat., 130-135 ; Oirat-zak., 3, 4,42, 20, 225 H. j.,
c.-a-d. cisbaikals, et en général de tous les groupes tribaux mongols qui ne 6, cf. Baranov. Dictionnaire, I, 171-172; Nouveau code mongol, VI, 24;
furent pas entiérement absorbés par Vorganisation de Cinggis-hin, voir Pozdnéev, Mongoliya ¢ Mongoly, I, 38; Léontovit. Kalmytskoé pravo, p. 208-
ci-aprés. 2419,
{72 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE oTog ET TUMAN 173
tant aux termes du sogdien évolué: le sogdien, une des langues Il est vraisemblable que les otog de I’époque en question ne
iraniennes répandue en Asie Centrale au cours du premier millé- sont autre chose que les anciens « milliers » du temps de lem-
naire de notre ére, connaissait le mot dtah, « pays », « terri- pire universel des Mongols. En fait, les ofog occupent exacte-
toire »'. ment la place qu’il y aurait lieu de réserver aux « milliers ».
® Ce terme se retrouve aussi, sous differentes formes dans les Cette hypothése trouve une confirmation partielle dans le fait que
parlers tures, mongols et tongus, montrant le lien qui Punit a dans la partie occidentale de V'empire mongol, dans le Mogo-
la région, au territoire, etc. *. jistan ': « On appelait hosan un détachement de mille hommes? ».
Du point de vue militaire, l’o¢og mongol représentait égale- Mais simultanément on observe que des unités militaires moins
ment une unité définie, la milice de lotog constituait une unité importantes, par exemple de 50 & 100 hommes, s’appelaicnt aussi
militaire ~ hosi’un un
appelée hosig ~ hosin, « corps, division, « hoSin », dans le Maveranna’ar*. On peut supposer que la dési-
etc. »*. C’est pourquoi les termes ofog et hosigun étaient sou- gnation minggan a élé changée en ofog, du fait que les groupe-
vent employés l'un a la place de l'autre. Ainsi p. ex. Hala ulus ments autrefois astreints 4 aligner des « milliers », n’ont plus
ou Hatha tiimdn, cest-d-dire «la tribu halha (le groupe tribal été avec le temps, en mesure de le faire, et ont commencé a
halha) » ou « tiimin halha » se composait de « sept otog » ou fournir des contingents plus réduits de guerriers.
« sept hoSan » *. On peut généralement considérer que le rapport Des représentants de divers clans et tribus pouvaient faire
de otog a hosigun est équivalent a celui de ulus & tiimdn. Otog- partie des « milliers », et de méme les ofog étaient loin de ne
hosigun et ulus-tiiman représentaient les divisions constituantes comprendre que des groupements aparentés‘. Il vient d’étre dit
de la nation mongole. que la constitution de l’otog était essentiellement basée sur la
dépendance territoriale. L’évolution ultérieure permet de cons-
4. Voir C. Salemann, Manichaica, V, BAS, 1443, p. 1134; E. N. Titov, tater, dans certaines régions, l’apparition d’une parenté territo-
Tungssko-russkii slovar', Irkutsk, 1926, 124. riale, avec toutes les conséquences découlant de la parenté, y
2. Cf. par exemple, turc: krm, osm,
son, soldats, habitants dans une seule
oda, « chambre » ; habitation, mai-
chambre »; uigur: ofag, « maison,
compris l’exogamie; mais au lieu d’étre basée sur les liens du
chambre »; jag: otaq, « hutte, tente » ; sor., sag., koib.: odag, « hutte sang, cette parenté résulte du voisinage territorial °.
camp »; tel. alt.: odd, «hutte, camp»; yakut: oft, « hutte, camp, Ainsi, d’aprés le témoignage des chroniques buryat, lotog
étape » ; tongus: otek, « train » (manade). Dans certains parlers mongols dit Suburbain des Buryat de la Selenga a été constitué par
actuels otog veut dire: « ’étape » (buryat-bohan), « hutte » (buryat-alar.),
« groupe d’ayil du méme os, stationnant et nomadisant sur un méme terri- la réunion de divers clans-familles qui occupérent a différentes
toire » (bait-oirat) ; chez les Oirat dela Volga, « les territoires occupés par les époques les lieux actuels de leur habitat ; le nombre de ces
camps nomades d’un méme clan, 4 exclusion des étrangers, s’appelaient clans-familles (yasun-omog ou ayimag-yasun) était supérieur
Otoq » (Kostenkov, Istoriéeskié ¢ statistideskié svedénia o kalmykakh, p.31; cf.
Nebol’sin, O¢erki byta kalmykov Khoso'utovskago ulusa, p. 8). On constate a vingl*. D’aprés le témoignage d’une source chinoise, il est
que le terme otog est connu de presque toutes les tribus mongoles, méme de
celles qui habitent les marches tangguto-tibétaines (Mannerheim, A visit to
the Saré and Shera Jégurs, p. 34); chez les seuls buryat septentrionaux d’Ir- 4. C’est-a-dire, l’état eréé par Puladti et Tuqluq-Tamur, comprenant le
kutsk le terme ofog parait emprunté au ture. Turkestan oriental et les régions au nord de I’Irti8 et de ’Amil jusqu’aux
Tien-chan, et de Barkél jusqu’au Balkas.
3. S.s., 166, 258, 282; A. t., 65, 84; Oirat, zak, 4,21; H. j., 2, 4. le mot gosun,
9. Barthold, Ulugbek, 24. L’osm. et le j. connaissent
4, Un autre groupe halhas se composait de cing otog, voir RAS-V, 1930,
p. 201-203. Nous disposons d’un assez grand nombre de données de cette emprunté au mongol et voulant dire : « la quantité (contingent) de troupes 4
fournir par la ville ou par la province; contingent de troupes; armée en
nature. Ainsi, les Cahar étaient divisés en huit otog (S. s., 190), et par la
suite en huit hogiin (Code mongol, XLVII, 8); il serait tout a fait inexact campagne; détachement » (j.); « armée, troupe » (osm.).
3. Barthold, Ulugbek, 24.
W@assimiler chaque hosiéin mongol actuel a l’ancien otog. En différents
4, Cf. Zaya-Pandita, 2.
endroits et a différentes époques, chez les Mongols, ofog et timén ont subi
de nombreuses modifications, aussi dans chaque cas est-i]l indispensable de 3. La parenté territoriale est étudiée dans la brochure deB. E. Petri (Tert-
torial'noé rodstvo ou severnykh buryat, Irkutsk, 1924). Voir ci-dessous,
rechercher Vorigine du fosun actuel en question. La biographie Zaya-pan-
dita remplace le mot « Halha » par l’expression doldn hogan, « sept hosun », ATT. :
voir Zaya-Pandita, 4: dolén hosiin gurban yakd han, « Halha et trois grands
. 6. Ms. Musée Asialique (sub. F. 7), contenant Vhistoire des Buryat, f. 62,
f. 66: Monggol jig-acd urida hojis irdgsin olan omog-un ulus bi bayinam.
hain halha ».
4174 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA P&RIODE MOYENNE OTOQ ET TUMAN 475
vrai assez tardive’, les ofog oirat se composaient de deux est maintenue plus tard: Décin Dérbdn hoyar, « quarante et
lignées, ou plus’. quatre », c’est-a-dire « tous les Mongols (et les Oirat) » *.
A l’époque envisagée, les otog mongols étaient généralement Généralement, un groupe tribal étendu constituait précisé-
désignés par un nom, probablement celui du clan ou du groupe
Bye
ment le tiéimdn, « corps de dix mille, multitude », et lui donnait
en faisant partie et occupant une situation prépondérante, ou en son nom * par exemple Uriyanghan tiimdn, « tiimiin ou ulus des
att,
vee; on indiquait souvent & quel u/us-tiimadn appartenait un Uriyanghat »*. En raison de son importance, et du fait aussi
otog déterminé*, Ainsi: Cahar Hulabat otog: « otoq Hulabat que dans la composition du ¢tiéimadn entraient quelques unités-
(appartenant)4 (Pulus-tiimin) Cahar »*, Oyirad Bagatut-un otog de base malaisément divisible, les u/us-téimdn constituaient
ei
Bagarhun otoqg: « otoq Bagarhun (appartenant) a (l’ulus) Baga- des unités d’un ordre de grandeur moins permanent. Ils se per-
tut (Ba‘atut) (de la tribu) Oirat » * fectionnaient et se mélangeaient; les anciens disparaissaient, les
ee
Encore du temps de Cinggis- han, toute « la troupe mongole », nouveaux prenaient leur place‘. D’ailleurs au temps de Cinggis-
et par conséquent le peuple mongol, étaient partagés, selon la han les ¢éiman représentaient des unités beaucoup plus variables
coutume immémoriale de la steppe, en deux ailes, l’aile gauche que les « milliers ». C’est pourquoi il sera difficile de retrouver
(Jatin ~ jagiin gar), et Vaile droite (ara'un ~ baragun gar)’. les « multitudes » de Ginggis-han dans les tiimédn-ulus mongols
Cette division sera maintenue4 I’époque post-yuan: sur les six de l’époque post-yuan.
tiiman épargnés, des quarante (déczn) qui auraient existé avant Nous ne possédons des données précises ni sur le nombre des
la destruction accompagnant |’effondrement de la dynastie mon- feux nomades (ay?/) entrant dans la composition des tiimdn, ni
gole en Chine ’, trois ééimén appartenaient a l’aile gauche, et les sur le contingent d’hommes d’armes que chaque ¢iimdn devait
trois autres 4 laide droite*. Les quatre tiimdn oirat n’entraient fournir. Mais on peut supposer que, de méme que les ofog ne
pas dans ce nombre °, c’est pourquoi l’ensemble du peuple mongol correspondaient plus aux « milliers », les tiimdn mongols de
était partagé en deux parties : six (édéimdén mongols)" et quatre l’époque ne représentaient plus des unités susceptibles de fournir
(tiiman oirat)". On disaita cette époque, et la tradition s’en méme approximativement un contingent armé de dix mille
hommes. Les termes tiimdn et ulus désignaient simplement A
notre €poque un groupe tribal étendu, dans la composition duquel
tédan-i nigddkaji nigdén ayimag-otog bolft Lolhu kéman mdddgiligsdn-di,
jébsiydfi hort garun ayimag yasun-u ulus agsan-t nigddkdgsén tula, Pod-
entraient plusieurs otoq °.
gorodna kimdn nara aldarsigsan... térd otog... drtd cag-tu otog bolugsan hori Il est probable que les ofeg mongols, bien que difficilement
garun yasu omog-dda.. divisibles, ne demeuraient pas invariables. Guerres, attribu-
1. Sin-kiang tche-lio ; n propos de ce texte voir Kotwicz, Arkhivnyé doku-
menty, 840-814.
tions de fiefs aux féodaux, grandes étapes, devaient exercer une
2. P. Hyacinthe, Oirat, 130-135. action sur la composition et le nombre des ay?/ faisant partie de
3. S.s.3 166, 182, 186, 190, 204; A. ¢., 8%, 104. Votog. Les otog trés étendus se divisaient vraisemblablement
4. S.s., 166; A. t., 84.
5. 8. s., 182. Cf. S.s., 190, 204.
en plusieurs parties, qui se fractionnaient a leur tour en plu-
6. R. ud-D., Tf, 182, 134, 138; H. S., 146-147, 152
; mong. gar= textuel : sieurs autres. La comparaison suivante permet d’arriver a cette
« main », déduction. Comme on le sait, les Halhas septentrionaux étaient
7. S.s., 478; cf. S.s., 70,198; A. t., 49. C’est pourquoi le terme dédin
(« quarante ») a désigné pendant fort longtemps les Mongols orientaux.
8. S. s., 184, 188 (jd/iin timén, « les timan de gauche »), 190, 192, 196; . S.s., 180, 154, 460; Oirat. zak,, 2, cf. constatation n°?
Istoriya Radlova, 159, 162 ; Gombojab, 45; A. ¢., 103, 104, 106, 108. . 5. s., passim.
CO RD
2S
9. Peut-étre du fait que leurs troupes ne sont pas entrées en Chine et en . 8. 8., 194.
général parce qu’elles occupaient une siluation particuliére encore a l’époque .S.s., , 194. Les Qoréin qui au début n’étaient pas compris dans |’énumé-
de Cinggis-han. L’expression Dérbdén Oirat doit étre entendue par « quatre ration des tumdn chez S. s. (446, 190) et dans d’autres sources (Istoriya
(tiiman) oirat » ; ceci tranche la question de lorigine de ce nom, entiérement Radlova, 159-162), formérent par la suite un ttimdn, ou bien furent ainsi
semblable a celle de jirgu’an Monggol, etc. ; A. t., 91, cf. annotation n° 9. désignés (S. s., 196 ; A. t., 104).
40. S.s., 484, 194; Gombojab, 85; A. ¢., 140. _ 5. On observait la méme chose dans les ulus occidentaux, sous Timur-
44. S.s,, 142, 1448; A. t., 57 (ou il est dit: dérban tiimédn). Tamerlan par exemple, voir Barthold, Ulugbek, 24.
DE LA PERIODE MOYENNE OTOQ ET Ti'MAN 177
176 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS
entre Pay:maq et Votog réside dans le fait que les membres
partagés en sept ofog, et par la suite en sept hosun'. Dans la
d’un quelconque ayzmag étaient censés appartenir 4 un méme
deuxidine moitié du xvn® siécle, la tradition maintenait le terme
groupe apparenté'. Les ayemaq représentaient des grandeurs
« sept otog », mais, en réalité, le nombre des otog était devenu
essentiellement variables. Aussi plusieurs ayémaq pouvaient
de beaucoup supérieur. Le fait est, que les anciens otog-hosun se
forme de « nouveaux » hosun, faire partie d’un seul ofog; mais dans d'autres cas l’ayimag ne
sont maintenus sous la seule
se distinguait pas de !’otog par ses dimensions’. Par ailleurs on
cest-a-dire de fiefs particuliers ayant 4 leur téte les ainés des
peut supposer que l’unification territoriale pouvait favoriser
princes-suzerains, tandis que le nombre des ofog, en tant qu’uni-
la réunion de deux ou plusieurs ayzmagq, donnant ainsi naissance
tés économiques et sociales, augmentait considérablement’;
a un nouvel ofog, comme certains ofog buryat, par exemple’.
chaque nouveau fosan halha allait contenir plusieurs nouveaux
Il y a lieu de souligner que l'ay¢magq n’est pas un clan, c’est-a-
otog, provenant sans doute du dédoublement des anciens *. Il est
dire une union particuliére de parents consanguins. L’aydmaq
probable que les circonstances aidant un phénoméne analogue
chez les Mongols du moyen age, représentait un groupement de
aura pu se produire en d’autres lieux*.
familles étroitement apparentées, une sous-tribu, et pouvait se
En plus de la division des ulus (tiimdn) en otog, on connais-
composer de personnes appartenant a divers clans (yasun,
sait également la division en ayimag. Que représente Yayimaq
« os »); mais dont lorigine remontait au méme ancétre
et par quoi se distingue-t-il de l’o¢og? Dans la Mongolie du
commun. De cette maniére, un ay¢magq constitue Punion ou
moyen age un groupe @’ayz/ apparentés, nomadisant sur un
le rassemblement de familles apparentées, appartenant & des
méme territoire, s’appelait aycmag*; le ayzmag est une sous-
branches différentes provenant du morcellement des anciens
tribu, ou plus exactement une fratrie*. La distinction essentielle
clans (0609).
Il était par conséquent facile d’établir une confusion entre les
4. RAS-V, 1930, p. 204-203 ; Zaya-Pandita, 4.
2. H. j.,6; Pozdnéev, Arddnyin drihd, 96; Istortya Radlova, 221. A. 6, termes otog et ayimag; dans certains cas, en effet, on commence
par exemple, mentionne: Sarta’ul otog (66), on sait d’aulre part qu’un des & remplacer l’un par l’autre*. Le type ancien de l’ayezmag a été
fils de Garasiinja hérita de ce méme otog, comme étant un des otog halha, on le mieux conservé par les Oirat-Qalmiq de la Volga, ou il se
retrouva ensuite au pays Halha le grand hosin Sarta’ul, voir Potanin, O¢erkt
S.-Z. Mongolii, II, 22.
maintient jusqu’a la deuxiéme moitié du xix’ siécle*,
3. Les Halhas recurent, sans doute, des otog du timan Uriyanghat, aprés On constate non sans intérét, de méme que pour l’otog, que
sa défaite et sa répartition entre les autres témdn par Dayan-han (voir S.s., Yunité territoriale présente une importance capitale pour
494); quoi qwil en soit, nos sources signalent explicitement que les Uriyang-
hat entrérent dans la composition de Pulus halhas, voir Istoriya Radlova, Yayimagq : Yayimaq posséde obligatoirement un terrain de
924-222; Gombojab, 4; Pozdnéev, Ardaniyin dripd, 96 ; cf. Pokotilov, 40,
41, 64-63, 90, 148; Bretschneider, H, 174; Mong-kou-yeou-mou-ki, 4 ; B.
Vladimirtsov, Etnologo-lingvistideskié izslédovaniya v Urgue, Urguinskom ¢
4. Oirat-zak., 48, 19, 24, 22; H. f., 42,416; A. ¢., 74; Naiji-toin, 8; nos
Kenteiskom raionakh, p. 20-21. sources distinguent systématiquement les otog des ayimag, cf. Zaya-Pandita,
4. Cf.la constitution des nouveaux otog chez les Buryat, voir ci-dessus, p. 173. , 34.
8. Otrat. zak., 2, 3, 6,48, 19, 21, 22; H.7., 42, 16, 83; A. ¢., 14, Ayimaq, 2. P. Hyacinthe, Oirat., 130-133; pour le P. Hyacinthe Bi¢urin, layimaq
OOO
en mongol, signifie essenticllement: « réunion, rassemblement de choses est un clan 4 la téte duquel se trouve placé le jaisang (ibid., p. 131).
rapprochées ».
DDE AAO
tion de Golstunskii).
la présente définition tient compte des significations plus tardives du terme.
42
LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LES FEODAUX 1479
178
peut étre
nomadisme, nutug, sans cette condition le groupe ne les anciens qualificatifs mongols: 6a’atur, « héros », « preux »',
tobdi, une dame
désigné sous le nom de ayemaq. D’aprés l’ Altan margan, « adroit tireur »*, sdddn, « sage », « prophétique »°,
protég eait,
de qualité, désirant sauver un jeune gargon qu'elle Grliik, « paladin », « héros »*. Parfois on les appelait simple-
Gka, nutug
lui conseilla de dire les paroles suivantes: dcigd ment hosegucr ~ hose'udt, c’est-a-dire: « chef du hosan-otog » *
tula iilii madam ', « Je ne « seigneur-chef militaire du hostin »°. Généralement, ces chefs
ayimag-tyan baga-du abtaysan-u
ni mes nutug -ayim ag
connais ni mes parents (pére et mére) d’otog-hosun, et parfois d’ulus-tiimadn, faisaient partie des sayzt’,
bas age. »
natals, car j’ai été saisi [fait prisonnier] en des « meilleurs », des « magnats » *. Leurs femmes portaient
d’ordinaire le titre de: aga, « dame »°, dazbucin (c’est-a-dire
femme du datbu)", ou gargat ~ gargan", « épouse ».
It, — LES FEODAUX Les ayzmagq étaient gouvernés par leurs seigneurs féodaux,
vassaux moins importants de personnages considérables. Nos
qua-
Ala téte de Potog, et parfois de Pulus* étaient placés, en sources, faisant abstraction de leurs titres, les désignent simple-
res,
lité de maitres héréditaires (ajan)* et de seigneurs militai ment sous les noms de « ainés » (aga” ou agalagdi *),
des titres de proven ance chi-
_ des chefs* portant généralement
leur attribu ait aussi
noise ; taisi® Jaisang ° daibu’. Souvent on reviendrons par la suite; certains autres, par exemple: ongnigad, gondin,
datbu, sont complétement tombés en désuétude et ont été oubliés, cf. Bolor
e (qui pré- toli, III, 147. Nos sources mentionnent encore un terme, sigiisi, probable-
4. A. t., 74 (le texte est déformé), p. 84 de Védition pékinois
ment aussi un titre féodal (S. s., 182; A. t., 102), pour Pinstant il n’y a rien
sente un texte satisfaisant).
a dire de plus sur son compte. G. N. Potanin signale également que dans
9. S.s., 184.
POrdos, celui qui accompagne le fiancé pendant les noces se nomme honjin
3. H.jg. 1, 16; 5. 8., 186.
(Tangutsko-Tibetskaya okraina, I, 415-417). Voir aussi 0. Kovalevskii, Mon-
4, Hg. f.1, A. t., 81-82 5 Zaya Pandita, 7. Notes
t/ai-che, mot a mol « grand inslituteur »; P. Pelliot, goliskeya khrestomatiya, I, 502 (Taiji-Taibo en Ordos dans le « palais de
8. Du chinois
Rachid-ed-Din, Il, 451; S.s., 444, 146, inggis »). Nos sources mentionnent encore le titre de sigddin (S.s., 246
sur le « Turkestan », 44-45 ; Blochet.
13. 280; A. t., 97; Istoriya Radlova, 214; H. j., 56, 26). ,
168, 188, 284; A. t., 54, 60, 61, 63, 65, 78, 88 ; Oirat. zak.,
f. 1; Bolor toli, 4. S.s., 188, 490.
6. Du chinois ts’ai-siang; S. s., 234, 266, passim. H. j.,
he, Oirat., 134. 2. S. s., 168, 184; A. ¢., 88; cf. Vel’yaminov-Zernov, Izslédovanié o Kasi-
Ill, f. 447; ef. P. Pelliot, op. cét., 45, 54; P. Hyacint
7. Ou daibun, du chinois dai-fou, mot 4 mot: « grand homme », titre movskikh tsaryakh 7 tsarevicakh, 1, 244-245. ~
; S. s., 166, 168, 482; A. t., 35, 56, 89; Bolor told, Il, f. 447, La 3. S.S., 206; A. ¢., 63, 65.
honorif ique
taibu < chin. : 4. 8. s., 178, 184; A. t.
version mongole du Yuan-che distingue daibu et taivu-~
r que le terme 5. hosigu + suffixe ¢7. On traduit généralement ce titre d’une maniére assez
tai-fou, « grand administrateur ». Mais on peut aussi suppose t & chinois, qui servaien inexacte par « chef du détachement d’avant-garde ».
mongol datibu est né de la confusion de trois mots
tai-fou,
désigner les titres des hauts dignitaires de la dynastie Yuan : dai-fou,
6. S.s., 192, 244, 258, 260, 266; A. t., 83; Oirat zak., 4; Cf. Fisher,
chancelier »; cf. Blochet, ;
Rashid-ed-Din, H, 450-453 Sibirskaya istoriya, 237 ; Pozdnéev, Arddnyin drihd, 99 ; ce titre s’est conservé
et tai-bao, « grand
lorthographe dans VOrdos jusqu’a nos jours, voir Jinong-un diirim, f. 96. Le titre de
Vasil/ev-Techao Hong, 222. Ce serait notamment confirmé par
terme mongol voir A. f., S.s., 138. Nos sources mentionnent hosudi était souvent porté par les taij?, voir par ex. 8. s., 220.
variable du
encore certains titres, par exemple gonjfi~n hon~jin gonéin (8. 8., 212, ac Pluriel de sayin, « beau », « admirable ». Le terme sayit veut aussi
234, 276; Istoriya Radlova , 276); ongligé d < ongnigud dire : « élevé », « noble » ; voir Pancienne traduction mongole du Subhashi-
928, 230, 232,
de tribu. — P. P.] (S. s., 284; A. #., 58). On peut taratnanidhi (a ce propos, voir B. Vladimirtsov, Mongol’skii sborntk razskazov
[Ongli’ut, Ongni/at, nom
, mais iz Pancatantra, p. 44, o& le mong. sayit correspond au tibét. dam-pa,
expliquer la provenance du terme ongnigtid (RAS-V, 1930, p. 248-223) t
de données permett ant d’établi r si les personn es arboran « excellens », « nobilis », les nouvelles traductions mongoles emploient déja
on ne dispose pas de d@autres termes, p. ex. digddii, « le plus élevé ».
Une commun icatio n intéress ante
ce titre étaient des seigneurs, ou non.
c.-a-d.
J. N. Potanin signale que dans ]’Ordos, jusqu’a nos jours, les Darbat,
8. S.s., 444, 174, 184, 266, 268, passim. ; A. t., 61, 84, 97.
de tout ce qui concerna it les ordos de Cinggis- 9. Ce mot est jusqu’a présent en usage chez les Oirat de la Volga, et chez
la lignée spécialement chargée certaines autres tribus oral ; chez les zabat., par ex. aga signifie « dame —
daibucin
han, ont conservé les anciens tilres mongols : jaisang, taisi, daibu, 10. cartes
aux 8 9 »,1087
S. 4 148,
s., 4. 4,168, 109
478, , 188,18 , 208; ;A.t.,
A. t., 60, 72, 94, 92,2 97.
litre mongol,
(féminin de daibu, voir S. s., 94,160; A. ¢., 14), édrbi (ancien
~ gonjin ~ gon-
souvent mentionné par l’H. S., et R. ud-D.), koko (2?) honjin 44. S.s., 478.
Pominki po Cin-
gin), voir Potanin, Tanguto-Tibetskaya okraina, 1, 122;
n° 4, p. 305. La plupart des titres qui viennent 42. Oirat. zak.,18, H. j., 42.
gquizkhané, SRG., t. XXI,
été conservés par les Mongols contemporains, nous y 13. Otrat. zak., 20-22; le chef de l’otog porte le méme nom.
Wétre Gnumérés ont
480 LE RECIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYEN NE LES FEODAUX 481
« régents », Jasaqg', ou « grades » (tiis¢mdal)*. Il est probable occidentale portaient les noms de leurs domaines, au moyen age
que dans la seconde partie de la période en question a la téte des mongol les possesseurs d’ofog portaient le nom de leur otog ou
ayimaq se trouvaient placés, chez les Mongols, des jacsang (chez tribu, souvent sans qu’il soit fait mention de leurs titres, par
les Oirat, des zayisang). De toute maniére on retrouve une exemple, Qorlat-un Sadai, « Sadai Qorlat, des Qorlat »*; Ordus-
situation analogue chez les Oirat au cours de la période sui- harhatan-u Bayan ¢okur darkan, « Bayin-éohur? darhan (sei-
vante’. gneur) de l’otoq Harhatan, (du fiimdn ou de la tribu) Ordos » *;
A la suite des auteurs chinois, probablement, D. D. Pokotilov Tiimad Hanggin-u Aljulii-Agulhu, « Aléulai-Agulhu ‘ (seigneur)
appelle ces chefs d’otog, les « ancétres » *. Ce terme parait inadé- de l’otog Hanggin, de (la tribu) Timid? ».
quat, car il évoque le régime de clan et les anciens du clan, qui Les seigneurs des ofog disposaient de fonctionnaires*, éga-
commandaient 4 leurs parents consanguins, tandis que dans le lement héréditaires, sans doute, qui d’une part s’occupaient des
cas présent, il s’agit de tout autre chose, de rapports tout a fait questions coucernant la guerre, offensive ou défensive, de l’admi-
différents: ’ofog mongol ne représentait en aucun cas un grou- nistration et de la justice, et d’autre part du recouvrement des
pement de parents consanguins, et ses chefs, fazsz, etc. ne impdéts. Ces fonctionnaires s’appelaient jasa’u/ (intendant) ;
représentaient aucunement les ainés de la famille. . commissaire’, daruga (chef) *, démdt (adjoint)*®, sciilangga ~
Du fait que l’ayimag ou ofog mongol représente une unité silanggd (collecteur d’impéts)", dd? (émissaire, messager,
économique, ayant un maitre (@/dn) quia obtenu ses droits par huissier) '. Un réle plus ou moins important était réservé
voie de succession (« fief héréditaire »*, gubz, dmcz), et comme
Yotog pouvait faire partie du fief d’un prince impérial, ou méme rions-nous diviser le peuple de notre Badma. Plagons au-dessus des quatre
otog Dordii, fils de Banzar », décident trois fréres, princes impériaux (xvi°
constiluer ce fief (gubc, dmdz)*, on peut considérer Votog (et s.). « Retourné alors dans son quartier (le Caéan-han oirat) fit venir les jai-
Yayimaq) comme un fief (feodum) nomade, une seigneurie sang et daméi de chaque otog et leur déclara: « J'ai décidé d’effectuer un
ambulante, unité fondamentale féodale-domaniale. C’est pour- « voyage au Tibet. Réunissez dix milles hongres, je les conduirai en Chine,
« pour les vendre. » I] réunit dix mille hongres et les conduisit (en Chine),
quoi, il était difficile de fractionner Votog ou layimag: Votog ayant désigné cent hommes et placé 4 leur téte le Hanjin-lama mongol »
mongol, de méme que l’ay:mag représentait avant tout une suite (Zaya Pandita, 7).
ininterrompue de rapports économiques, liant tous les membres 4. S.s., 178, ef. A. t., 94.
9, L’édition russe mentionne : Bayan [« Bayan » est une mauvaise lecture
entrant dans sa composition, et simultanément les familles des
de Viadimirtsov; Schmid a Bayin, confirmé par mandchou et chinois. —
seigneurs feudataires’. De méme que les féodaux de |’Europe Pp, Pj.
3. S.s., 184, 192, 194.
4, L’édition russe mentionne : Aljulai-Agulhu [La bonne lecture est : Alcu-
1. H.j., 46. lai-Agulhu. — P. P.].
2. Oirat. zak., 3.
5. S.s., 494. Les chroniques mongoles, S. s., A. t., et autres, sont rem-
3. Voir ci-aprés.
4, Pokotilov, 37-84; on se sert également d’autres termes imprécis dans
plies, bien entendu, de remarques analogues.
6. En mong. : tisimdl< tisi, « s’appuyer », « compter sur », « avoir
dans le genre de « supérieur » [russe : nadal/nik], « meneur » [russe: gla-
confiance »; cf. P. Pelliot, Sur la légende d’Uyuz-khan, T’oung’Pao, 1930,
var'}. Le terme « souche » [russe: rodonadal’/nik] appliqué aux chefs
(féodaux) mongols est assez souvent employé par d’autres orientalistes éga- p. 343-344.
. 1. Inscriptions sur Cagan Baising (Huth, 36); H. j., 93; chroniques
lement, par ex. A. M. Pozdnéev (voir par ex. Ard. drihd, 99).
buryat.
5. 8. s., 206; Gombojab. 37, 40; H.7., 9.
8. H. j., 3, 6, 25, 97, passim.; Oirat zak., 109; Vel’yaminov-Zernov,
6. S. s., 204, 206.
Izsledovanié 0 Kassimovokikh tsaryakh i tsareviéakh, I, 29-30; Bolor-toli, III,
7. Cf. S.s., 196, 498; A. £., 106, 110; Otrat zak., 20, 22; Aléudai-yin
6tiiliigsdén horon, Alagéi'ut-un tarhagagsan horon (A. t., 410): « Le mal vient 464.
de ce que Aléudai a vieilli ; le mal vient de ce qu’on a dispersé les Alagéci’ut », 9. Oirat zak., 6, 8, 20; H. j., 97; chroniques buryat, Zaya Pandita, 7.
40. Oirat zak., 6,8; H. j., 63, 74, 97; chroniques buryat. On constate avec
proclamé un sayin, fait prisonnier par Pennemi. Alagéi’ut-otoq (S. s., 456,
intérét que le mandchou connait les mots : Sule-, « collecter les impdts » et
178; A. t., 64, 92, 103), entré dans la composition de ’Auban * en Mongolie
son dérivé sulegen ~ Sulehen, « redevances, impots, contributions; impdt
méridionale (Gombojab, 43) ; Badma-zugan ulus-i bida yakin hubiyamui Ban-
personne! et foncier ».
jara-yin Dorfi-yi dérbdn otog dégdrd sagulgaya (S. s., 208), « comment pour-
44. 8. s.,4176; A. #., 36, 61; Oirat zak., 5, 6, 17, 18; H. j., 5, 26, 39, 83-
* Dans lédition russe : Anhan {Simple erreur d'impression. — P. P.]. 84; Zaya-Pandita, 32.
182 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
LES FEODAUX 183
a ces gradés a différentes époques et dans différents otog; Il est méme possible, dans certains cas, de suivre la fortune
on ne les y retrouvait peut-étre pas toujours, tous, au de certaines maisons de noyan mongols. Considérons par exemple
complet. Bogoréu (Bo’oréu)-noyan, illustre compagnon de Cinggis, appar-
Mais d’ou proviennent ces tazs’, jaisang, hosuci, etc.? De tenant au clan aristocratique des Arulat et ayant pris son service
quel groupe social sont-ils venus ? Nos sources fournissent des fort jeune auprés de Cinggis-Tamiijin, en qualité de nékér'.
éléments permettant de répondre a ces questions. Leur analyse Son descendant, [laqu, contemporain du dernier empereur yuan
permet de reconnaitre qu’a I’époque de la dynastie Yuan, les Togugan-timiir, arbore la qualité de ¢cingsang*. Nous rencon-
hauts dignitaires mongols portaient précisément les mémes trons ensuite le sayzt arulat Mulan, chef d’armée de Dayan-han’.
titres honorifiques ou actifs et remplissaient les fonctions atta- Nous apprenons aussi que les descendants de Bogortu-noyan
chées a leur condition. Nous retrouvons parmi les grands sei- sont & la téte de l’otog des Darhat, dans l’Ordos, déja mentionnés
gneurs mongols de la dynastie Yuan les ¢éngsang (ministre), lus haut, et chargés de veiller sur l’ordu et les reliques de
taisi, darbu', jaisang’*. Il n’était pas question des ¢éngsang aupa- inggis-han : ils ont les qualités de ¢azse et de Jarsang *.
ravant; on remarque maintenant que dans la Mongolie du ‘A l’époque de la dynastie Yuan un grand nombre de noyan-
moyen age, post-Yuan, ce titre se rencontre souvent. Il est sur- chiliarques furent détachés de leurs milliers-fiefs; ils se transpor-
tout porté, non par les possesseurs d’otog, mais par les adminis- térent dans les villes chinoises, surtout 4 Dai-du (Pékin) et
trateurs, choisis par les fan dans le milieu de ces mémes saytt Chang-tou, ot ils oceupérent les plus hautes charges militaires
féodaux, ou bien des seigneurs « assis », dominant des groupes et civiles de l’empire; ils servaient également & la cour impé-
tribaux plus ou moins étendus*. Mais, dans les deux cas, les
riale et a celles des princes feudataires impériaux *. Les noyan
dingsang ne faisaient pas partie du clan « d’or » de Cinggis-
étaient désignés aux postes de « ministres » et aux autres fonc-
han ‘. °
tions importantes par ordre du han houang-t, mais il ressort
On peut déduire de ce qui précéde, que les dignitaires mon- néanmoins de Yuan-che, que le fils héritait généralement de la
gols du temps de la dynastie Yuan, tous sortis du milieu de
_ charge du pére; presque toutes les hautes fonctions se trouvaient
Yaristocratie féodale, noyan-chiliarques, chefs de myriades, et
centralisées entre les mains d’un petit groupe d’aristocrates
gardes-aristocrates, furent obligés, aprés l’effondrement de la
féodaux.
dynastie et la fuite des Mongols hors de Chine, d’abandonner
La garde suivait le Adn mongol, et les gardes-aristocrates
la vie citadine et leurs domaines chinois, et de retourner a leurs
« milliers » dans les profondeurs des steppes mongoles. Mais les suivaient a peu prés la méme fortune que les noyan-dignitaires.
Pour un grand nombre, la qualité de Garde (Aasekei ~ hastktu)
« milliers » se trouvaient maintenant transformés en ofog, et les
était. simplement honorifique et n’impliquait aucune obligation
noyan-chiliarques en jaisang, daibu, etc.
de service’.
Ul est tras difficile de préciser les rapports existants entre
1. Blochet, Histoire... de... Rachid-ed-Din, II, 454-454, Yuan-che; Vassi- Varistoratie féodale des dignitaires et ses fiefs-« milliers » ori-
V’ev-Tchao-hong, 222; Yule, I, 423; Quatremére, 178-479; Skazanié o Cin-
guiskhané, 197. ginaires. Mais le fait que les dignitaires féodaux se retrouvent
2. S.s., 436 ; voir ci-dessus, p. 178 ; n° 6; Vassil’ev-Tchao Hong, 223. de nouveau a la téte de leurs feodum-otog, apres l’effondrement
4. On connait @ailleurs, chez les Oirat, des cingsang possédant un ofog, de la dynastie Yuan et leur retour a la steppe, permet de conclure
voir S. s., 182. Il sera question plus en détail, par la suite, des dingsang
oirat et du sort ultérieurement réservé a ce titre chez les Mongols « orien- que les liens avec leurs ficfs n’avaient pas été rompus a I’époque
taux ». On remarquera que nos sources mentionnent parfois les dingsang
mongols-«-orientaux », qui semblent n’avoir possédé qu’un seul otog : voir 4. Voir ci-dessus, p. 424.
par exemple, 5. s., 168, 194 ; A. t., 82 (Tumdd-iin Angkdgisd, otoqg-un Corug- 9. S. s., 192, 132; cf. A. t., 48, 19 (Magu).
bai Tamir cingsang, « Corug-bai Tamir ¢ingsang de lotoq Angka’it de . A. tb, OT.
bs OS
3. S.s., 120, 122, 136, 138, 142, 152, 168, 174, 182, 194, 268; A. ¢., 37, . Yuan-che, bdn-tsy, passim.
59, 63, 78, 82.
. Chavannes, Inscriptions, Tioung Pao, 1904, p. 429-432,
184 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LES FEODAUX 185
Yuan. Il est probable qu’ils les gouvernaient par l’entremise de se répandit le titre de hong-tazji, que seuls, & V’époque de la
leurs proches parents, de méme que le han houang-ti mongol, dynastie Yuan, portaient les héritiers du tréne'. Aprés le retour
établi & Dai-du, envoyait généralement son héritier & Qara- 4 « la steppe » ce titre fut adopté par de nombreux princes impé-
Qorum pour y régner sur la Mongolie nomade et défendre la riaux, se distinguant par l’importance de leurs fiefs, ou par leur
frontiére nord-ouest de l’empire. renommée ; il s’est conservé jusqu’a nos jours *.
On ne peut affirmer que la vie urbaine et la civilisation chi- A l’époque de la dynastie mongole, I’héritier du tréne se ren-
noises n’aient exercé aucune influence sur l’aristocratie mongole. dait généralement & Qara-Qorum et recevait le titre de jin-
Si les maitres mongols obligeaient les Chinois & apprendre le vang ~ ong *. Dans la Mongolie post-yuan nous rencontrons déja
mongol et a écrire, au lieu du chinois classsique, une sorte de Vinstitution particuliére du jénong. Le prince impérial jinong,
chinois conventionnel a Vaide de caractéres.mongols officiels, de un des plus proches parents du fam mongol, fait figure de
nombreux noyan mongols, par contre, et méme des princes co-régent, César auprés d’Auguste, et commande Paile droite
impériaux lisaient les livres chinois, apprenaient a écrire le chi- (4aragun gar) du peuple mongol‘. D’aprés le récit de Sanang-
nois classique, livresque, apprenaient A traduire du chinois en sicdin, un prince impérial mongol .aurait défini de la maniére
mongol. On constaterait méme l’apparition chez les Mongols suivante le han et le finong:
d'un milieu cultivé, « intelliguentsiya »‘. Ainsi cette « intelli-
Dans l’azur, en haut, Je soleil et la lune,
guentsiya » était constituée par les seuls représentants de la
Sur la terre, en bas, le han et le jinong *.
classe féodale, elle était peu nombreuse et faible, détachée de la
masse profonde des Mongols. C’est pourquoi, ce milieu cultivé Le hagan mongol et le Jinong, de méme que les autres grands
et ses entreprises sombrérent rapidement au moment de l’effon- seigneurs féodaux, hong-taifi, taiji, ong, possedent leurs fiefs-
drement de la dynastie Yuan, sans presque laisser aucune trace. seigneuries (gubz), composés de [plusieurs] w/us-tumdn, ou bien
Passons maintenant au rang le plus élevé de la classe féodale, d’un seul, ou de plusieurs ofog appartenant 4 un méme u/us. Le
aux princes feudataires impériaux de la maison de Cinggis. Déja .
Chine. A l’époque post-yuan, ce titre ne fut porté que par les descendants des
au temps de la dynastie Yuan leur titre de Adbdgiin fut remplacé fréres de Cinggis. Par la suite la forme ong fut oubliée, tant dans I’écriture
par tazjz, mot emprunté a la langue chinoise ®, titre qui a con- mongole que dans les parlers vivants, elle a été conservée toutefois dans cer-
servé jusqu’a présent une signification identique, nous permet- tains dialectes, voir RAS-V, 1930, p. 187.
4. A propos des houang t/ai-tseu chinois, « prince héritier, fils ainé de
tant souvent de déchiffrer les textes des chroniques et Iégendes Yempereur, prince impérial », voir P. Pelliot, Tioung Pao, 1943, p. 140 (1930,
mongoles. p. 44).
Seuls les descendants de Yasiigii-ba’atur et de Cinggis-han, 2. S.s., 138, 140, 264; A. t., 55; Otrat zak., 24. A propos du changement
de hong en hung, voir RAS-V, 1930, p. 224.
membres authentiques de l’A/tan urugq, « clan dor », portent le 3. Duchinois teheng-vang, « prince régnant » (chin. teheng-vang > mong. :
titre de ¢azjz, et nulle autre personne, en aucun cas, n’a droit & jin-ong > jinong, voir B. Vladimirtsov, Sravnitel/naya grammatika, 183 ;
ce titre*®. Les descendants de Qasar et des autres fréres de cet ouvrage mentionne la forme quelque peu pédante de jinung); écrit.
oirat : fonong ou jfonom ; explication de Parker est inacceptable.
Cinggis-han arboraient souvent, en outre, le titre de van 4. 8. s., 154, 136, 160, 174, 176, 184, 192, 264, 266; A. ¢., 63, 86; Mong
(ong < vang, en mongol) a I’époque post-yuan ‘. C’est alors que kou yeou mouki, 48.
5. S.s., 160: dagdraé kékéradgdi-daé naran saran hoyar doura kérisittit-da
1. Yuan-che ; J. Pauthier, DeValphabet de Pa’Sse-Pa, J. A., 1862, p. 1-47; hagan finong hoyar. Cette locution n’est autre chose, sans doute, que la para-
Bazin, Le siécle des Youén, J. A., mai-juin, 1852, p. 436. phrase d'un adage répandu chez les Mongols et chez les Chinois: « Le ciel
2. Du chinois ¢/ai-tseu, « prince impérial », voir P. Pelliot in T'oung Pao n’a pas deux soleils, le peuple n’a pas deux souverains » (H. S., 100-104 ;
(4930, p. 44), 214 — commentaire de Palladius). Cet adage, avec diverses variantes, se ren-
3. Les dérogations tardives a cette régle seront rappelées par la suite. contre souvent dans les cuvres historiques mongoles (voir par exemple,
4. S.8.,470, 174, 178, 190, 196; A. #., 73-73, 80, 81, 83, 84, 91, 93, 94, Bolor toli, III, 48) et dans les romans historiques adaptés du chinois (voir
95, 103-410; Istor’ya Radlova, 229; cf. RAS-V, 1930, p. 4187, 224-299. par exemple Baragun han ulus-un bidig, VIII, 38, IX, 54; cf. la formule du
A Hutubtai-sacan hong-taiji), S. s., 232: lama... hagan hoyagula kikd ogtargui-
l'époque des Yuan on conférait généralement le titre de ong ~- vang, « tsar,
roi », aux princes du sang feudataires gouvernant diverses provinces de la dur naran saran hoyar nigdn-é urgugsan mati sagumut, ef. inscriptions de
Cagan Baising (Huth, 51).
186 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
LES FEODAUX 187
han est le chef-suzerain de tous les princes feudataires impériaux de la maison de Cinggis — on les appelle parfois hat, « souve-
et des arriére-vassaux, c’est-a-dire des fads, Jaisang, etc., il rain, prince, prince impérial » * — quelles que soient leurs rela-
surveille tout particulitrement Vaile gauche (/é’iin-gar) du tions réciproques, représentent un clan patriarcal et agnatique,
peuple mongol, tandis que le jinong, indépendamment de son uni non seulement par le sentiment de leur parenté et des tradi-
fief-(gué¢), gouverne Vaile droite’. tions communes, mais aussi par un culte particulier auquel ils
Tous les princes du sang, éazjé de différent degré, sont peuvent seuls accéder.
parents ; tous sont apparentés, membres (wrug) d’un méme clan L’objet du culte devint Cinggis-han?, ses reliques, c’est-a-dire
et os (Kiyad yasutu, Bor}igin obogtu)* et ne peuvent en aucun ses camps *, sa bannitre — tug-siildd, habitée par son Ame (sii,
cas, de ce fait, épouser des femmes de ce clan. Tazje et han siir) selon les croyances mongoles et qui devient de ce fait le génie-
mongols accordent d’habitude la main de leurs filles’ & des protecteur (sakz’ulsun) de son clan et du peuple mongol qui lui
représentants de l’aristocratie féodale, tazs, jaisang, des mai- est soumis*. On vénéra ensuite l’aieule et souche du clan Borji-
sons de ces mémes « gendres » (Aiirgdn) avec lesquelles ils gin, la vénérable Alan-goa*, ainsi que le fils cadet de Cinggis.
échangeaient leurs fiancées depuis des temps trés anciens‘, par- Tului, dont proviennent tous les princes et Aan de la dynastie
fois antérieurs 4 Cinggis. Mais les « gendres impériaux et prin- Yuan °.
ciers » ne s’appellent plus Adirgan, ils regoivent, de méme que les Comme bien s’entend, les tazji ~ hat défendaient jalousement
princes du sang, le titre plus pompeux de tabunang’. leur situation d’exception et n’admettaient dans leur milieu
La hiérarchie sociale dans la société féodale mongole de aucune personne étrangére. Nous ne connaissons pas un seul cas
l’époque post-yuan peut étre représentée par |’échelle suivante: oll une personne consanguinement étrangére au clan de Cinggis-
han, ait été admise d’une maniére quelconque dans le milieu des
taisi princes impériaux et soit devenue membre de leur « clan d’or »’.
hagan cingsang
jinong daibu
4. &. s., 86, 182, 184, 200, 202, 206, 234, 244, 278; A. £., 55.
hong-taiji, ong jaisang 2. Le culte de Cinggis-han apparait dés l’époque de empire universel chez
taiji ongnigid ° les Mongols, en premier lieu chez Varistocratie mongole, voir D’Ohsson, HU,
tabunang 323-324; P. Hyacinthe, 334 ; Yuan-che.
3. P. Hyacinthe, 334; S. s., 148, 150, 184, 192, 980; A. t., 73; Vladimir-
(gonéin) tsov, Nadpisi Tsoktu-taifi, 1, 1276-4278.
4. S.s., 192 (qara sitldd); d’aprés la légende mongole, gara sildd serait
Tous les altan uruq, cest-a-dire les tatjz, princes impériaux jusqu’a présent conservée dans I’Ordos, voir Potanin, Tibetsko-Tangutskaya
okraina, I, 129-130. Zamtsarano, Otéet, p. 48. Dans VHistoire Seeréte il est
1. 8. s., 156, 184, 192. question de ydsiin kéltt éaqa'an tug (voir P. Pelliot, Notes sur le « Turkes-
2. S.s., 62; A. t., 9. tan », p. 32), « banniére blanche a neuf flammes » ; d’apres les croyances
H 3. Mis portaient les titres de giinji et abagai puis abai, voir S.s., 176, 194, mongoles elle était conservée jusqu’a ces derniers temps dans le hogidn de
H.j., 29. Pancien Qo-sait dans le nord-ouest du pays Halka; on la vénére (stildd sdngga-
4, Voir ci-dessus, p.58. ndm) chaque trois ans ; en 1943, j’ai assisté a cette cérémonie, je l’ai photo-
graphiée et décrite et j'ai aussi recopié le livre des rites. Cette banniére
3. Gombojab, historien mongol du xvui® siécle, décrit fort bien tout ce ,
qui concerne les litres féodaux, a propos du jinong il observe : finong, hitad s’appelle, jusqu’a maintenant, éagan tuq, voir Vladimirtsov, Cinggis-han
p. 72, Yuan che (VID. ,
vang kimdgsdn itgd (f. 34; il sait méme que ong, kitad-un vang kimdgsdn
tga (f. 16). A propos des taiji et des tabunang il écrit : monggol had-un nugun fe 8, On la nomma Géi-hatun, S. s.,180; A. ¢., 92-94; Zamtsarano, Otéet,
p. 47. Sur le mot asi, voir K. Shiratori, A study on the Titles Kaghan and
iird-yi taiji kdmamui ; abahai dggitgsdn kirgdn, tabunang kdémdn daguda jubut
(f. 41), « On appelle taiji les descendants males des princes mongols ; et les Katun, Memoirs of the Research Department of the Toyo Bunko, n° 4, Tokyo,
gendres, qu’épousaient les princesses, furent proclamés tabunang. » Le mot 1926, p. 8. ,
tabunang est probablement d’origine chinoise ; mais je ne peux l’expliquer 6. P. Hyacinthe, 309; Zamtsarano, Otéet, p. 48.
pour Vinstant. Le titre kiérgdn s’est conservé dans les ulus occidentaux, 7. Sanang-siéin, lui-méme prince feudataire, cite dans son histoire un
mais ce mot mongol, écrit en caractéres arabes, fut prononcé 4 la persane : passage de Subhashitaratnanidhi, ceuvre de Saskya-Pandita, trés populaire
qurgan. chez les Mongols, parmi lesquels il en était répandu une quantité de traduc-
6, [Voir p. 178, note 7]. tions innombrables. Et Sanang-saéan place dans Ja bouche d’un des proches
LES FEODAUX 489
488 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
Une narration fort intéressante des chroniques mongoles
La pratique de l’adoption était pourtant connue et répandue. rapporte que le fais oirat Togdn, dont la puissance avait
Mais, les éaiji, pour que leurs héritiers soient légitimes considérablement augmenté, congut le projet de prendre la
devaient obligatoirement adopter l’un de leurs parents éloignés, place du fan mongol. De méme que le célebre Timur-
fils de cazJé!. Méme les descendants de Qasar et des autres fréres Tamerlan, il était « gendre impérial »‘; et Phistorien mongol,
de Ginggis étaient parfois considérés de travers, comme si l'on lui-méme prince feudataire de la maison de Cinggis, lui attribue
cuit douté de l’égalité de leurs droits avec ceux des ¢azji authen- les paroles suivantes, par lesquelles il aurait prétendu justifier
tiques, descendant de Cinggis-han en personne®. Taisi, éing- son entreprise: « Il dit, se tournant vers la tente de binges.
sang et zaisang, — aussi puissants soient-ils, — ne pouvaient vb Han, qu’il osa frapper de son sabre? « Si tu es la yourte
songer & faire partie du clan de Cinggis : il fallait étre né tazj2, « blanche de celui qui posstde le bonheur-grandeur (c’est-a-
la parenté par les femmes ne conférait aucun droit a cet « dire Vempereur-han), moi, Togon, je suis le fils, dit-on, de
égard’. « celle qui posséde le bonheur-grandeur (c’est-a-dire l'impéra-
C’est pourquoi, seul pouvait étre fan mongol, souverain de « trice, hansa). »
tous les Mongols, un descendant de CGinggis-han, lequel avait « Sur les instances de son entourage — continue l’historien
créé Pempire-état pour lui et pour son clan; il était seul qualifié mongol — Togon-taisi décide de monter sur le trdne selon le
pour étre a la téte des princes impériaux gengiskhanides, sei- cérémonial des han mongols. Mais au moment de l’adoration
gneurs féodaux, de méme que les princes impériaux, et seuls les de la tente de Ginggis, il fut transpercé par une pointe invisible ;
princes impériaux pouvaient étre & la téte des tazse, jaisang et et tous constatérent qu’une fléche du carquois de Cinggis-han,
autres féodaux, arriére-vassaux du hagan ‘. Ainsi pensaient les az/2. conservé danssa tente, se teignit desang *. En mourant, Togon dit:
de Togugan-tamir-hagan le passage suivant de lPouvrage en question qu’il « L’homme possédant le bonheur-grandeur a créé son homme;
présente comme |’enseignement destiné 4 ?empereur ; « la femme possédant le bonheur-grandeur, n’a pu protéger, tan-
6bar-tin nokid dayisun bolbdsu, tusatu ; « dis que je m’adressais & la mére-impératrice, ainsi agit 4 mon
dtdgdd dayisun nékiir botbasu, hourtu, « égard l’auguste souverain ‘. »
cest-a-dire :
« si ton propre ami (ou « servileur ») devient un ennemi, il est utile ; ,
»
et si un adversaire étranger devient ami (ou « serviteur »), il fait du tort. impérial aux descendants des fréres de Cinggis-han, S. s., 170, 178, A. t.,
Le texte tibétain de différentes éditions du Subhashitaratnamidhi, de 91-93; mais on apprend simultanément, par S. s. (146), que Adai-taiii, des-
méme que les nombreuses traductions mongoles (Sayin tigd-ti drddni-yin cendant du frére cadet de Cinggis-han, occupa le tréne impérial. Non seule-
sang) reproduisent ce passage sous une forme quelque peu différente. En ment les taiéi oirat ne se soumettaient pas au an mongol, mais ils s’empa-
tibétain ce passage donne (VI, 18): raient méme du trone impérial.
4. Descendant du clan des anciens kirgdn; sa mére, Samur-giinji était la
phan-byed dgra-bo yin-yang bsten, fille du pagan Albag, S.s., 142, 146, 148.
gien-yang gnod-na spad-bar bya
2. S. s., 130: di sii-tit-yin bayd dagan gar bolosa, bi sii-td-yin (sit-tdi-yin),
cest-a-dire : ira Togain gdndm. A. t. lui attribue presque les mémes paroles: cz siti
« il faut s’en remettre a celui qui apporte du profit, bogda bolosa, bi stitdi hatun-u tira, « si tu es le fils de ’impératrice possédant
serait-il méme un ennemi; il faut abandonner un parent s'il nuit. » le bonheur-grandeur ».
3. S.s., 130; ef. A. t., 75.
Il est permis de supposer que la traduction trop libre — peu importe
4, 8. s., 450:
qu’elle soit de Sanang-saéan ou non — exprime les idées féodales en honneur
dans la société mongole de cette époque. ard stutit drd-yligdn ddigtlbai;
1. Cf. S.s., 178; A. ., 90-94. dma siitdt ébdriditn dsd cidabat;
2. S.s., 78-180; A. t., 91-93, 80. dkd sitdi-dir drin yabugsagar,
3. Il n’est pas sans intérét de souligner que S. s. appelle taigsi (p. 284) les djan bogda-dir dyin kigddbai.
princes impériaux mandchous (beild). D’aprés S. s., le célébre Arugtai-taisi
se dit « homme de la plébe » : haradu kiimiin nadur yagun ? Ajai-taiji tingri- ef. A. &., 73-76:
yin ira boliiga, « Que suis-je, homme de la plébe? Tandis que Ajai-taiji — dra bogda ara-bin maddgilhai,
(est d’une) famille de bienheureux » (S. s., 146). dma sitdi-yin kébagiin Togon bi tikiiba.
4, Nos sources indiquent qu’on ne reconnaissait pas de droits au trdne
SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LES GUERRES FEODALES 49M
490 LE REGIME
Les récits des « steppes » reflétaient aussi le sentiment des Mongols orientaux' et a l’antagonisme entre l’aile gauche et
féodaux al’égard de leur Aan, qui devail obligatoirement appar- Vaile droite’.
tenir au clan de Cinggis. Aprés l’expulsion de Chine des Mongols le processus de féoda-
D’ou vint cette ambition de l’Oirat Togdn-taisi? Pourquoi, et lisation se développe plus rapidement. Refoulée vers le nord, en
comment, le éaisé put-il devenir plus puissant que les princes partie méme derriére les limites du Gobi, les Mongols se trou-
impériaux gengiskhanides, ceci jusqu’d prétendre au trone de véerent séparés des marchés extérieurs et des contrées civilisées
Cinggis-han ? Car nous savons aussi que Asin-taisi, fils de Togon, en général. Cet état de chose devait nécessairement exercer une
devint an mongol’; nous savons qu’a plus d’une reprise ¢azsz et influence sur |’économie mongole, dont indépendamment de ceci,
jaisang mongols disputérent le pouvoir aux gengiskhanides. le développement n’avait pas dépassé un degré fort bas: écono-
Comment naquit cette lutte? mie naturelle, comme auparavant. basée notamment sur un éle-
vage primitif. L’expulsion de Chine des Mongols, l’interdiction
Waccés aux grands marchés, la stagnation complete et la dispa-
rition de la vie urbaine en Mongolie, devaient favoriser tout par-
IV. — LES GUERRES FEODALES ticuligrement les tendances de leur particularisme économique.
Oh! mon précieux Dai-du, construit par le puissant Saéan-hagan,
L’analyse des termes féodaux donne la clef de nombreux évé-
Ou la douleur n’existe pas, si vivre et en hiver et en été! ®
nements. L’examen de nos sources montre sans peines que les
interminables guerres civiles qui, pendant plus dun siecle, La puissance du 4am mongol tomba et s’amenuisa dés l’expul-
depuis la chute de la dynastie Yuan, se déroulérent en Mongolie, sion de Chine. Sa garde, ses trésors, son éclat, sa cour, ainsi que
les meurtres fréquents et les changements de han, la régression ses troupes et ses lieutenants lui furent enlevés. Quelle autorité
et ’appauvrissement général, résultaient de la lutte impitoyable pouvait conserver un monarque ayant fui sa capitale, ayant tout
déclenchée entre les grands et les petits seigneurs, entre les abandonné aux caprices du sort?
princes impériaux féodaux de la maison de Cinggis, et les petits — « Mon pauvre grand nom: hagan-souverain universel ! * »
féodaux, issus des clans de l’aristocratie mongole des steppes, Les princes impériaux partagérent le sort du chef de leur clan.
des « chiliarques » de empire et des dignitaires de la dynastie Les uns périrent dans la lutte avec les Chinois, les autres ne
Yuan. Devant nous se déroule une longue lutte entre deux purent maintenir leurs fiets, ow les petits féodaux commencérent
couches d’une méme classe féodale: la lutte des ¢azJz contre les de plus en plus a relever la téte. Le « clan d’or » s’appauvrit;
sayit®. Toutes les guerres et tous les conflits, alors si fréquents les princes impériaux devinrent simplement moins nombreux.
en Mongolie, remontent a cette cause essentielle ; elle donne Tandis que les petits féodaux, les sayzt, retournés a leurs
également naissance & la lutte tenace des Oirat contre les « milliers », transformés en otog, ne tardérent pas a prendre
conscience de leur force. Le particularisme économique et féodal
en fit bientét des princes presque indépendants *. De nombreux
4. Les sources mongoles lui attribuent intention d’exterminer en général
le clan de Cinggis-han, le clan Borjigin: ydri Borjigin-u trdi-yi tasulaya
(S. s., 1466). L’historien mongol, lui-méme du nombre des princes patrimo-
4, C.-a-d. des sayit contre les princes impériaux.
niaux du clan de Cinggis-han, parle méme de la croyance répandue chez les
9. Princes impériaux et hagan dominérent tout d’abord l’aile gauche du
Mongols, que le ciel punissait par divers maux toute action hostile a Pégard
peuple mongol; les sayit disposérent de l’aile droite, jusqu’a l’effondrement;
d’un membre du clan Borjigin (S. s., 138: Borjfigin-@ magu kibdst ganigdr les princes impériaux établirent leur domination sur I'aile
bolumut, 170 ; Borfigin-i magu kigsdn-t gdnigd buyu ; cf. S. s., 186). a ce moment
droite également.
2. Le méme phénoméne se produit dans les ulus occidentaux de lempire 3. S. s., 136 ; paroles attribuées a Togén-Tamirr-han.
mongol : les bdki-noyan luttent contre les princes impériaux gengiskha-
4. S.s., 136; paroles attribuées a Togon-Tamir-ban.
nides, et s’affirment vainqueurs dans la plupart des ulus. « Le chefde chaque
5. Parlant de l’aristocratie des ulus occidentaux, les orientalistes nomment
clan faisait figure de prince feudataire dans sa région; tous appartenaient
souvent Iss descendants de Cinggis, « princes impériaux, han, sultans », et
aux clans mongols turcisés » (Barthold, Ulugbeg, 10).
LES GUERRES FRODALES 193
492 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
«forestier » a moitié chasseur, & moitié transhumant, ils se
sayit se trouverent placés & la téte de plusieurs: ofog et méme
d’udus, lorsque les circonstances favorables le permettaient’. transformaient en véritables nomades de la steppe. Cette évolu-
On peut constater par la suite, comment les sayzt prennent tion économique devait renforcer le féodalisme dont Cinggis-hart
conscience de leur force et de la communauté de leurs intéréts, avait semé les germes chez eux. Au xv° siécle le sommet de la
en opposition avec ceux des hauts seigneurs, fagan, jenong et hiérarchie féodale o\rat est occupé par le ¢azsz et deux cengsang,
des tats’. Ils ont compris qu’ils peuvent eux-mémes prendre ses subordonnés féodaux'. Ces titulatures indiquent déja que
leurs places. L’historien mongol attribue 4 deux sayzt les paroles Paristocratie oirat ne se distinguait pas par ses origines de
caractéristiques suivantes ? : Varistocratie mongole, « orientale »-mongole. Mais elle se trouve
— « Pourquoi accepterions-nous un maitre? Nous pouvons placée dans une situation plus forte et plus avantageuse. Ayant &
donc nous-mémes gouverner nos tétes! Tuons maintenant ce sa téte les « gendres impériaux » (Aiirgan), elle ignorait la subor-
prince héritier impérial! » dination aux seigneurs-princes impériaux féodaux et dépendait
Les sayit oirat se trouvérent particuligrement bien placés. directement du fagan*. Elle gouvernait un peuple jeune, nou-
Les Oirat avaient été moins atteints que les autres tribus vellement venu & la « steppe », et moins éprouvé que les autres
mongoles par l’organisation en « milliers » de Cinggis. I tribus mongoles par les guerres de [empire et les rivalités
constitua la-bas quatre myriades, mais ne désigna pas ses gens féodales des princes impériaux.
a leur téte. Tras vite les taz#i olrat sentirent la dépendance du han mon-
Les chefs oirat devinrent tout simplement vassaux du fan gol leur peser: «... le hagan... confie le commandement des
mongol et furent tenus, le cas échéant, en leur qualité de quatre (myriades olrat) & mon homme de la plébe G@ninu garacu),
Batula, tandis que moi, son maitre, suis en vie », s’exclame
myriarques, de fournir un contingent déterminé de troupes
qu’ils commandaient eux-mémes et dont ils désignaient les chi- avec colére le ¢azs? oirat, écrit I’historien mongol *, lorsque, pour
liarques*. Par la suite ils devinrent « gendres impériaux » (Aiir- des raisons personnelles, le fan Albig nomma ¢ingsang oirat
gan). Batula, qui lui avait rendu des services.
A la fin du xrv° siécle et au début du xv* siécle nous trouvons Les tavsi oirat et les féodaux placés sous leur dépendance
paraissent répéter l’histoire des Mongols: ils s’engagent leur
les Oirat dans des régions qu’ils n’habitaient pas au temps de
Yempire mongol. Ils sortent de leurs foréts natales, s’aventurent tour dans la voie suivie par Cinggis-han. Mais si les circonstances
dans la steppe et commencent a nomadiser a travers l’Altai et les économiques et sociales leur imposaient la lutte avec les féodaux
régions limitropbes, steppiques ou montagneuses *‘. Ils ont par mongols, ces mémes circonstances ne leur permettaient pas de
conséquent subi une profonde évolution économique: peuple rassembler la totalité ou un grand nombre de Mongols. Ils ne
disposaient pas d’une classe sociale assez forte pour les soutenir,
ils ne trouvaient un appui qu’auprés de leurs seuls féodaux,
les baki (noyan) — « princes ». La littérature mongolisante ayant depuis et la fragilité de cette base se manifesta trés rapidement. Le tazs?
longtemps désigné sous le nom de « princes », les noyan (noyon) descendants
de Cinggis, nous nous trouvons liés par cette terminologie. De ce fait, je oirat pouvait méme devenir fagan mongol et s’emparer du tréne
désignerai les taisi, jaisang, etc. par le terme « sayif », comme le font de Cinggis, il pouvait entreprendre une campagne victorieuse
nos sources mongoles.
4. 8. s., 182; cf. Pokotilov, 412-413, 148; A, ¢., 96, 98; voir encore A. ¢., étaient
98-440, 87-88, cf. Pokotilov, 148-449. Il ne faut pas oublier dautre part, des A. S. s., 160, 1468. De méme que les Mongols orientaux, les Oirat
: bara’tin gar et ja'in gar, command eées par des éing-
« sayit » comme les Oirat Togén-taisi, et Asan-taisi qui devint han. partagés en deux ailes on
2. 8. s., 184; ef. A. t., 104: bida dagdrd-bin noyan abhu manu yagun? sang. Il se peut qu’il n’en ait pas été toujours ainsi et que cette dispositi
abdr-in tdrigi-ban ibis ban mdddji yabuhu bui-ja! dnd abagai-yi ddugd
ait été imitée des Mongols orientaux.
encore
tabéiya ! « Ainsi parlent deux sayit de l’aile droite du fils de Dayan-ban, son 9. Au début de l’époque post-yuan l’autorité du fagan n’avait pas
héritier (abagaz), qui avait été nommé jinong » (S. s., 7b¢d.) (cf. Pokotilov, complétement disparu, les Oirat purent s’en rendre compte.
les ©
4143-143). 3. 442; ef. le récit quelque peu différent in A. ¢., 57; en Voccurrence,
que l’essen-
3. Voir ci-dessus. divergences des sources ne présentent aucune importance, du fait
4, Cf. Bretschneider, I, 161-168 ; Pokotilov, 32. tiel se retrouve dans S. s. et dans I’A. ¢.
13
MOYENNE LES GUERRES FEODALES — A495
SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE
494 LE REGIME
pas en état de conserver la posi
- ga n
~ cilgan) se terminent souvent par une bataille ou par une
contre la Chine, mais il n’était
qui l’avait élevé devenait rixe accompagnée de meurtres ‘, d’oti le dicton suivant”:
tion conquise. La vague féodale oirat
aussi l’instrument de sa chute’. noyad-un tikiid culgan-du,
continuée par les sayzt
La lutte contre le Aan mongol est nohai-yin tikiil hana-du.
lent aucunement prétendre
mongols-« orientaux », qui ne semb
ent que pour leurs intéréts c’est-a-dire :
au trone impérial, et ne se batt
*. Dvailleurs, ils luttent « mort des maitres a l’assemblée,
personnels, pour leur indépendance
contre les Oirat, et aussi mort du chien au carreau de la yourte ».
également entre eux, ils luttent
iskhanides °. Et les princes
contre les princes impériaux geng Contrairement a ce qui s’est produit dans les wus occidentaux
concevoir et de comprendre
impériaux sont loin de toujours élevés sur les ruines de l’empire mongol, chez les « vrais »
aux sayit. Au contraire, ils
Vintérét commun qui les oppose batlent aussi les Mongols cette lutte des féodaux se termine par le triomphe
contre le Ragan, et se
se déclarent parfois complet du pagan et des tazjz ; les sayzt, en tant que feudataires,
uns contre les autres‘. Parfois méme les femmes prennent le
se maintinrent seulement chez la plupart des Oirat, et fortui-
sabre*.
de relever un cas de « désaveu », en tement, a la périphérie du monde mogol, dans une seule
Il est intéressant
de son suzerain. Ainsi, un région.
quelque sorte, d'un yassal 4 l’égard Les guerres féodales mongoles, qui rappellent tout a fait les
lui avait pris son écuyer
jinong, mécontent du fagan qui guerres féodales du moyen age occidental, sont caractérisées
tli sanam bi hamagad
(kotaer), déclare *: cimai-yi aha gaji par la lutte entre deux couches de la classe féodale. Ceci devient
: hagan) considére pas
ama aldaju, « je ne te (cest-a-dire particuligrement apparent & la fin du xv° siécle et au début du
a serm ent >.
comme Vainé! il dit et prét xvit sidele, quand la victoire compléte des gengiskhanides met fin
ols étaient aussi alimen-
Les guerres civiles des féodaux mong ay cette lutte. En effet, quels sont les adversaires de Batu-
du butin, en raison de la
tées par la nécessilé de se procurer Méngki-Dayan-hagan? Contre qui se bat-il? Nos sources
d’un seul domaine féodal "
pauvreté des échanges dans les limites affirment unanimement que les adversaires de Dayan-han
iculiers qui caractérisent le
En général, les intéréts étroits et part étaient les tais, dingsang et autres sayit mongols dont
ance.
féodalisme affirment leur prédomin certains avaient atteint A ce moment un degré suffisant de
eau caractéristique des
Nous avons sous les yeux un tabl puissance a la téte de groupes entiers d’otog*; certains sayzt
es des féodaux (Eigiil-
guerres féodales*. Meme les assemblé étaient par conséquent devenus de puissants seigneurs, comme
Vétaient les tazje.
s., 468; A. t., 78-79. Il est trds difficile de discerner les causes qui, dans cette longue
A. t., 87-89, 96-108.
s., 158, 170, 178, 182, 188, 190, 494; lutte, donnérent la victoire au pagan et au clan de Cinggis-han.
PootPo
et aussi de certains sayzt, petits seigneurs sans doute, auxquels n’avaient remarqué ni compris la portée de |’évolution sociale
la suzeraineté du han mongol paraissait plus avantageuse que le qui se produisait en Mongolie, constatérent un changement ; les
pouvoir des grands seigneurs sayrt. attaques mongoles « ne peuvent plus étre considérées comme des
D’ailleurs, taz/i et say?t ne suivirent pas le hagan sans quel- campagnes de brigandage fortuites, mais plutdt comme des
ques hésitations'. Il est probable que le simple peuple soutint entreprises militaires minutieusement étudiées et bien organi-
également dans une certaine mesure le fagan et le clan de Cing- sées ' ». D’autre part, en raison du prestige de son titre aux yeux
gis-han, dans l’espoir que la victoire de l’ainé des suzerains des Chinois, il fut plus facile au Aan mongol, qu’aux autres
jugulerait les féodaux. féodaux, de nouer des relations commerciales avec les Ming, ne
Mais la cause essentielle de la victoire du Aan mongol sur les serait-ce que sous forme d’échanges de présents. Des « relations? »
féodaux-sayit parait résulter des relations établies avec la Chine. de cette nature devaient inévitablement placer leur promoteur, en
Au xvi‘ sidcle, le succés des incursions prédatrices d’une part, et Voccurrence le Aagan, dans une situation favorable, et imposer sa
les rapports commerciaux de l’autre, exigeaient un commande- loi aux vassaux. Le hagan devenait en quelque sorte le répartiteur
ment unique, un seul centre, une certaine méthode. La prospé- des produits du marché chinois et du butin capturé en Chine.
rité des Mongols, appartenant aux groupes sociaux les plus divers,
dépendait dans une certaine mesure de cette double activité a V. — HAGAN ET TAII
Végard dela Chine, laquelle de son cété avait besoin du marché
mongol ?. La victoire du hagan et du clan de Cinggis se raffermit parti-
Le han mongol organisa, mieux que les autres féodaux-sayit, culigrement quand les fils et les petits-fils de Dayan-han parta-
les razzia contre Populent voisin sédentaire. Les Chinois, qui gerent entre eux les myriades et ofog-mongols (6mdz hubcyar-un)
et s’établirent en qualité de seigneurs féodaux*. Mais ceci ne
gneur féodal des Qortin, voir 5. s., 490, 196; A. ¢., 103, 106, 107; ef. A. t., faisait qu’exprimer la victoire sur les sayzt, rapidement déchus
409-410. On voit méme apparaitre l’'adage (A. t., 110): au rang de gens de service. Les ¢azJi s’affirmérent seuls feuda-
Qasar-un trad taires véritables. :
hagan-u tird-di nigdn tusa kirgdba
Depuis lontemps, dés I’époque Yuan, les say¢t avaient perdu
c’est-a-dire : ,
« le descendant de Qasar tout contact avec leurs clans, bon nombre d’entre eux avaient
vint une fois en aide au descendant du hagan » oublié leurs origines aristocratiques. N’étant pas soutenus par leur
(c.-a-d. de Cinggis). parentéle, ayant perdu toute force réelle, ils sont devenus haralig,
cest-a-dire « appartenant au simple peuple noir » ‘, tandis
Du fait que les descendants des autres fréres de Cinggis-han ont maintenu
leur qualité de maitres féodaux au méme titre que les descendants de Dayan-
ban (voir Mong kou yeou mou ki, 27, 38, 40, 330; RAS-V, 1930, p. 249; 4. Pokotilov, 123; cf. Parker, 89-90.
Gombojab, $2) il est permis de déduire qu’au temps de Dayan-han les ong 2. Pokotilov, 147-418. En vertu d’une tradition ancienne, les Chinois
n’étaient pas tout au moins, des adversaires du }an mongol. nomment les transactions de cette nature : remise d’un tribut. Aux yeux des
4. On ne saurait oublier le récit naif de S.s. et del’A. ¢. concernant le des- nomades du }an mongol, et des autres, par contre, ceci n’était autre chose
cendant de Qasar, le Una-Bolad-ong bortin (plus exactement, uru’ut) qui qu’un échange commercial trés avantageux, activement recherché par eux.
recherchait la main de l'impératrice veuve Mandugai-sacan-hatun, qui lui D’aprés une source chinoise (Pokotilov, 117), « l’attention des gardes-fores-
aurail peut-étre apporteé le tréne de Cinggis si elle avait épousé; voir S. s., tiers fut attirée par le fait que le rapport écrit en langue mongole, étail rédigé
478; A. t., 91. Certains sayié tantot soutiennent Dayan-ban, tantot s’insur- sous une forme grossiére... ». Les Chinois entendaient par « rapport » un
gent ouvertement contre lui, pour se retrouver en définitive au nombre de édit de Dayan-han dans lequel il s’attribuait le titre de « Grand Hagan Yuan »
ses gens, voir S. s., 184, 190, 192 (le Bayin-éohur * harbatan). Une allusion (Pokotilov, ibid. ; Parker, 88-89).
aux sentiments du simple peuple se retrouve dans S. s., 196, cf. aussi S. s , 3. S. s., 196, 198, 204, 208.
iditkdn irgan quittent, se détachent de Asan-taisi devenu 4. Le célébre Altan-han tiimad disait: ta arban hoyar Tiimad-tin noyad
482 (Monggol-un
han mongol). sayid... minu mati had, tan-u mati: paralig-ud kin méinghkdrdligdi (S. s.,
2. Pokotilov, 143-124; 441-150. 244) « vous autres, noyan et sayit (seigneurs et dignitaires) des douze (otoq)
Tamad... qui done, descendant des tsars, comme moi ou simples (noirs),
* Voir p. 2417, note. comme vous, vécut éternellement ? », Voir ci-dessus.
498 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE HAGAN ET TAII 199
que les taiji appartenaient au ¢agdn yasun, a « Vos blanc ». Les Alag-han, lorsqu’on proposa de dissoudre les tiimadn de Vaile
sayit mongols se transformaient tout d’abord en petits féodaux, droite. Ceux qui s’opposaient 4 ce projet observérent simple-
puis en fonctionnaires-tisemal. Mais, entre temps, les sayzt oirat ment’ que les ofog et tiiman de Vaile droite sont dominés par des
qui n’avaient pas été vaincus par le fagan et les tarfe, conser- seigneurs féodaux, descendant de Dayan-han, du jinong Bars-
véerent leur qualité de seigneurs féodaux, et nombre d’entre eux Bolad-Sayin-Alag, qui n’abandonnent pas leur bien sans lutte.
adoptérent a partir de la deuxiéme moitié du xvi* siécle les titres « Encore bien, si nous arrivons a avoir le dessus ; mais si nous
taiji et de hong-taijt. Et comme ils sont puissants, personne ne le pouvons pas, nous nous perdrons ainsi que les autres et
n’en est surpris, et personne n’ose rappeler que les noyan-oirat nous nous ruinerons »’, disent-ils pour conclure.
sont d’un « os noir ». Ces propos avouent explicitement que le fagan n’avait pas la
La victoire du hagan ne mit pas fin au processus de féodalisa- possibilité d’anéantir les féodaux-¢azjz. Il n’y a rien de surpre-
tion, elle lui donna seulement une direction nouvelle. Méme nant A ce que trés rapidement, dans Ja deuxiéme moitié du
aprés sa victoire le Aan mongol n’osa pas modifier le régime xvi siécle, le Aan mongol soit devenu simplement le maitre d’un
féodal pour tenter d’édifier un empire sur des bases autocratiques. des tiimdn®. Son pouvoir, plus exactement sa suzeraineté, s’avére
Il n’y avait d’ailleurs pour cela aucune prémisse. Les sources tellement débile, qu’il cesse d’étre le seul et unique han mongol.
mongoles le soulignent fort bien, tout en appréciant les événe- Dans plusieurs fiefs-tiimdn, les féodaux de sa propre parentéle, se
ments avec une certaine candeur. proclament fagyan*; et dans certains fiefs, 4 limitation du passé,
Des tendances vers une sorte d’absolutisme se manifestaient 4 cdté du Aan apparaissent aussi les jznong *. Comme pour faire
dans les milieux proches de Dayan-han et de son petit-fils et suc- ressortir le changement survenu et souligner que le grand fan
cesseur, Bodi-Alag. Les sources mongoles disent que les ong « mongol » ne se distingue aucunement des autres, le /dn sera
gorcin, descendants de Qasar et fidéles vassaux du hagan, parfois appelé non plus fan mongol, mais éahar’. La Mongolie
auraient proposé& Dayan-han tout d’abord, et aprés sa mort a se trouve par conséquent démembrée en plusieurs khanats’,
son successeur, d’anéantir « Vaile droite », de mélanger les otog
entrant dans sa composition avec les otog de |’ « aile gauche », 1, 8. s. (496, 198) attribue ces paroles a l'impératrice [panSa] mére de Bodi-
de les lui rattacher et de les répartir entre ses féodaux; un Alag-han.
2. §.s.,198. ,
contingent important aurait été attribué au fan également en 3. Précisément du tiumdn ¢abar. Cahar timén ou ulus était le fief hérédi-
sa qualité de scigneur feudataire du éiéimdn cahar '. On proposait taire (qubi) du han mongol, voir S. s., 182, 196, 254, 256; A. t., 98, 106, 92.
méme de simplement défaire et disperser l’aile droite’. 4, Ainsi, le célébre Altan timid devient han et transmet ce titre a sa
descendance (S. s., 200, 246; A. ¢., 410- 112), trois taiji halha adoptent le
Comme suite a ces suggestions, Dayan-han aurait formulé une titre de han (S. s., 254; Nadkal Sastir, XLV, 5; Mong kou yeou mou ki, 36,
réponse intéressante pour nous’: « Le peuple a vu le mal d’Ibiri 87, 102), a cette occasion Tusiati-han obtint son titre du Dalai-lama. Le
et Mandulai‘. Si l’on écrase les six tiimiin, seuls vestiges des Bogugtu-jinong ordos devient aussi ban (S. s., 236-264), ayant obtenu d’un
hiérarque tibétain le titre bizarre de finong-hagan (S. s., 264): Bolor toli,
quarante anciens tiimin de l’ulus mongol, quel avantage y aura- source mongole tardive, définit la situation d’une maniére trés précise : «en
t-il pour moi d’étre devenu hagan-souverain de tous? » Encore ce temps dans notre pays mongol il y avait beaucoup de noyan qui s "appe-
plus significatives furent les considérations formulées sous Bodi- laient bagan » (III). Altan tobéi signale que déja Bars-Bolad-Sayin-Alag, troi-
siéme fils de Dayan-ban se faisait pendant quelque temps, appeler hagan (A.
t., 107); S. s.’ déclare ouvertement qu'il était pagan (S. s., 206). Les sources
4. S.s., 196; A. #, 106-408. chinoises parlent, elles aussi, de la profusion des fiefs princiers et de la fai-
9. Svs. ibid., Baragun gurban kan-diir sayitu ulus béligd, dsdbast dob- blesse du pouvoir central, voir Pokotilov, 941-212.
tuljis dbuntdrbagaya ; dsdbdsit harin fisifu, jagin timdn-ligd ndyitldgiiliin _ 3. Par exemple, en pays Halha, voir Ilddkdl gastir, XLV, 13.
holidhan hubiyaya. 6. S. s., 254, 286, 258. C’est pourquoi, dans les sources plus tardives, il est
3. S.s., 196, 198: ulus Ibiri Mandulai hoyar-un magu-yi tijdbdi, drtin-it souvent question de tel ou tel ulus mongol « reconnaissant Vautorité du
dééin tiiman Mongéol ulus-déa tildgsdn, dndgikdn jirgugan timédn ulus-i dbda- éabar », voir par exemple Mong kou yeou mou ki, 29, 48; IL. s., LUI, 4.
bdsit, hamug-un djan hagan bolugsan-u habiya minu yagun but. 7. Pour distinguer le descendant direct des grands han, les sources mon-
4. Deux sayit de Vaile droite, Pun deux était tazés?, principaux adversaires goles plus tardives Pappelleront térd-yin yakd “hagan, « grand hagan souve-
de Davan-han; i] en a été question plus haut. rain » (Bolor toli, TIT).
900 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DF LA PERIODE MOYENNE HAGAN ET TAWI 201
mutuellement liés dans la mesure ou cette union parait avanta- devient plus apparent, on cesse de leur donner le titre de noyan;
geuse ét souhaitable 4 ceux qui se trouvent placés & leur téte'. ce titre servira a désigner, presque exclusivement, les véritables
Mais chacun de ces khanats mongols ne représente en aucune seigneurs féodaux, c’est-a-dire les tacji, hong-taiji, jinong et
maniére un état autocratiquement gouverné par le an souve- han. ‘Et dans de nombreuses régions on oublie 4 jamais les plus
rain. Les khanats mongols de la fin des xvi° et xvu° siécles, anciens titres des sayit, par exemple: tazd:, dathu, ¢ingsang'.
représentaient des groupements féodaux, a l'image de « ulus Chez les Oirat on observe un autre phénoméne. Ils n’ont pas
mongol » considéré dans son ensemble *. Toutefois, a Vintérieur été soumis par les taiji et le han mongols. L’ancienne aristo-
d’un méme khanat, les fiefs apparaissent plus étroitement groupés cratie féodale se maintient chez eux sous les formes d’antan. Les
et unis’. sayit: tais’, Jaisang, etc. sont établis chez eux en qualité de
Dans chacun de ces khanats mongols, en Ordos, chez les seigneurs féodaux. Mais chez les Oirat également on observe des
Tiimad, chez les Halha, ou apparaissent trois han, enfin chez les changements qui rappellent de trés prés ce qui se produisait chez
Gahar, les han attribuent des fiefs a leurs fils, 4 leurs petits-fils; les Mongols orientaux. Il est probable que sous l’effet de causes
ceux-ci font de méme et les fiefs se multiplient 4 linfini, de sensiblement pareilles, le processus de féodalisation dans la
méme que les familles des han, et le clan « d’or » dans son société nomade mongole se déroulait partout d’une maniére plus
ensemble. On observe que la notion de tiimdn* commence a ou moins uniforme.
disparaitre avec l’apparition des khanats, la notion de l’otog On observe, chez les Oirat également, la constitution de grandes
évolue, elle aussi. seigneuriés nomades, s’appuyant sur des groupes de tribus avec
Les say¢t ne sont plus admis parmi les féodaux authentiques, leurs féodaux, plus petits, presque indépendants les uns des
ils deviennent rapidement de simples fonctionnaires, souvent autres. On voit comment les grands féodaux oirat, trouvant leurs
héréditaires il est vrai, et peuvent disposer d’un petit nombre de anciens titres inguffisants, adoptent les titulatures de Long-tazjz
gens leur appartenant*. Peu a peu, & mesure que ce changement et de taiji?, tandis que certains d’entre eux adoptent enfin le
titre de Aan ou jinong*; dailleurs ces titres ne signifient aucu-
4. La tentative du dernier grand han Altan d’imposer sa suzeraineté, ne nement que leurs attributaires soient devenus les maitres
serait-ce qu’aux seigneurs féodaux les plus proches, rencontra un échec, il suprémes de tous les Oirat. De méme que les Halha par exemple,
avait pourtant des partisans, en pays halha par exemple, voir B. Vladimirtsov,
Nadpisi Tsoktu-taiji, Il, 232-238.
les Qirat pouvaient avoir simultanément plusieurs de ces pan‘.
2. §. s., 196, 200, 204, 206, 208, 242.
3. Voir par ex. S. s., 264, 268, 270, 280, 282.
4. Au xvue siécle ce mot n’est plus employé qu’en qualité « d’épithéte des anciens tabunang se sont conservés dans les hosin mentionnés, voir Code
flatteuse », par la grace du souvenir, cf. S. s., 278; Cagan Baising (Huth), Mongol, II, 10; Bolor toli, III, 89; ef. Hyacinthe, Zapiski o Mongolii, II, 204.
34. Par la suite, le mot fumdn recevra la signification: « masses popu- Ce que A. M. Pozdnéev écrit dans la préface a la « Chrestomatie mongole »,
laires », « foule ». p. ex. a propos des garadin, s’applique en réalité aux qoréin; B. Laufer
3. Ce changement dans la situation des sayit s’est bien-entendu produit répéte aprés lui la méme erreur (in Oderk mongol'skoi literatury, trad. russe,
progressivement, et de différentes maniéres selon les régions. Nous savons 4927, p. 48): les descendants de Qasar, ce sont les princes et taiji qoréin, et
que méme au début du xvime siécle on rencontrait au pays Halba des jaisang non pas garadin, et les princes Aru-gortin (Il. s., Mong kou yeou mou kt,
possesseurs (djdn) de hogtn, voir H. j.,4. Au xvue® siécle, également chez etc.).
les Halba, existait institution des noyad-un kéb-ti: bolugsan, « assimilés aux 1. Ces titulatures paraissent avoir été maintenues a titre honorifique dans
noyan », les lois halha confirment leurs droits: « les sayid auparavant assi- le milieu des sayit mongols jusqu’au milieu du xvu’s., voir S. s., 268;
milés aux noyan dans les trois hosdn, continuent avec leur parentéle & béné- B. Vladimirtsov, Nadpist Tsoktu-taiji, 11, 220-222 (dingsang). Le titre de fai-
ficier de la situation de noyan » (H. j., 89). A propos des saytt féodaux, méme sang s’est maintenu jusqu’a nos jours.
peu importants, voir les chroniques buryat. Le seul endroit ot les anciens 9. Ama connaissance, jusqu’au xvi‘ siéle, aucun seigneur oirat ne portait
sayit ont maintenu leur position de véritables seigneurs féodaux, possesseurs le titre de taiji. Mais a partir de la deuxiéme mojtié du xvi’ siacle, les titres
de hogan, est layimag haratin ot siégent les descendants de J alma, nokér et de taiji (oirat: tayzji) et pong-taiji deviennent aussi répandus que tats, ce
capitaine de Cinggis-han, de la lignée des Urianbat, voir Schmidt, Volks- dernier titre s’est maintenu chez eux jusqu’au xix¢ siécle. En russe « gon-
stdmme, 427-428 Mong kou yeou mou ki, 13 (Popov n’a pas rétabli le nom du tatéa » provient de la contamination des pong-taifi et taiéi mongol-oirat.
capitaine de Cinggis, il écrit « Tszirma »), et aussi le jogun des Tumad 3. Gabang Sarab, 3-4; Zaya Pandita, 34.
orientaux, voir Schmidt, dbid., p. 429; Mong kou yeou mou ki, 46. Les clans 4, Voir par ex. Oirat-Zak., 1-2, Les seigneurs féodaux des Hodut, lune
202 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE HAGAN ET TAUT : 203
Dans la plupart des cas, les ja‘sang oirat' s’avérent seigneurs Tous les feudataires mongols, Mongols orientaux et Oirat,
dayimagq’ et d’otog’. étaient des seigneurs de rang et de puissance variables occupant
Il serait vain de rechercher ceux des feudataires mongols et différents fiels (gué¢) du peuple mongol. A la téte de tous les
oirat qui reconnaissaient le « pouvoir » du « grand » han mon- féodaux se trouve le grand Aan, leur suzerain supréme. Les
gol, et ceux qui, en refusant de le reconnaitre, se détachaient par féodaux pouvaient, compte tenu de divers besoins, tantét accep-
conséquent des Mongols pour devenir indépendants. On ne sau- ter la suzeraineté du grand han, tantot la récuser et méme s’en-
rait non plus assimiler les Oirat avec leurs fan et tats, A un gager dans des relations semi-vassales avec d’autres états. Ceci
état indépendant‘. ne changeait rien, car le grand seigneur féodal conservait la
faculté de reconnaitre & nouveau le grand han, ou bien de
des lignées mongoles, étaient descendants de Qasar, frére de Cinggis-han, conclure une alliance avec un autre, ou plusieurs seigneurs
voir Gabang Sarab, f. 3-4; Batur-Tiiman, p. 26-27; P. Hyacinthe, Oirat., mongols ou oirat du méme rang.
25-26.
1. Oirat: zayisang. L’ulus mongol dans son ensemble représentait aux xvi'-xvu*
2. P. Hyacinthe, Oirat., 134; Pallas, III, 244. siécles un état féodal caractéristique avec un pouvoir central
3. Zaya Pandita, 7.
4. Il faut dire que la soi-disant « fédération oirat », dont parlent souvent
, extrémement faible, qui finit par s’amenuiser au point, peut-on
les orientalistes européens, n’a jamais existé en réalité. Quoi qu'il en soit, dire, de disparaitre complétement. Au lieu d’un han unique on
les sources mongoles et oirat n’y font pas une seule allusion. La représenta- en voit plusieurs, mais « ulus mongol » se maintient en tant
tion dune fédération oirat provient d’une interprétation incorrecte du mot
qu’union féodale et nomade, avec son économie naturelle cloi-
(oirat) oyirad, « proches » et par conséquent « alliés ». Du fait qwexistait le
nom Dérban Oirat « Quatre Oirat » on ne saurait en aucune maniére déduire sonnée, ses échanges commerciaux peu développés et limités en
qu'il existait une fédération oirat. La dénomination Dorban Oirat, « Quatre outre a des rayons déterminés et assez variés.
Oirat », avait la méme origine et se maintenait comme les autres noms ana-
logues de tribus mongoles, par exemple arban hoyar Timdd,
Il est évident que dans un « groupement » de cette nature les
nayman Cahar,
dééin Monggol, « douze timad, huit éahar, quarante mongol », etc. Le facteurs antagonistes étaient plus nombreux que les facteurs de
chiffre indiquait, en l’occurrence, le nombre de titmdn ou dotog. La dénomi- cohésion. I] était inévitable que son évolution entre rapidement
nation Dérbdn Oirat a la méme origine et veut dire : « quatre timan oirat ».
Et nous savons en effet, par le récit de Rasid ud-Din que sous Cinggis-han
dans une nouvelle phase: « La parentéle princiére (had-un uru-
les Oirat furent répartis en quatre timdn. Il est vrai qu’en occurrence ilest gut) des descendants de Dayan-han dispersés 4 travers six grands
question chez Rasid ud-Din, comme chez beaucoup d’autres, de « milliers » ulus, et le simple peuple (haralig-un yak ulus) eurent beaucoup
et non de « myriades », voir R. ud-D.,
déja été observé,
III, 136; mais, ainsi quil a d'affaires et d’actions contre l'état », observe l’historien mongol'
Rasid ud-Din confond assez souvent le « millier » avec
le « tiimdn ». Ceci ressort trés clairement, dans le cas présent, du contexte
en parlant du dernier fan mongol, Ligdan (xvu* siécle), qui
de R. ud-D. disant: Leur bak et souverain était Qotuga-biki {Qudugabaki]. tenta de relever importance du hagan.
Lorsqw’il fit sa soumission, toute la troupe oirat lui fut attribuée, et les
baki des « milliers » furent les gens qu’il youlait » (R. ud-D., ibéd.). On
sait aussi, qu’avec le temps, l’indication du nombre des otog et tiimdn peut des seigneuries féodales. A l’origine, ce groupement féodal nomade était pro-
cesser de correspondre a la réalité ; nous connaissons de nombreux cas ou les bablement soumis 4 un seul suzerain (¢aisi, voir ci-dessus) ; mais par la suite,
anciennes dénominations précisant un’ nombre dotog ou de titmdn se sont ce commandement unique disparait chez les Oirat, comme chez les Mongols
maintenues & une époque ou il apparaissait clairement a tous qu'elles ne cor- orientaux du xvu° siécle. L’ouvrage bien connu de Hyacinthe Biturin,
respondaient plus a la réalité. Prenons la dénomination Dédin Monggol: Istoriéeskoé obozrénié oiratov ili kalmykov, St. Ptbg. 1834, rempli d’indica-
on savait fort bien que les quarante timan mongol n’existaient plus depuis tions inexactes, est 4 ’origine des nombreuses théses absolument fausses qui
longtemps (S. s., 438, 198), néanmoins cette dénomination est toujours en considérent les Oirat comme une « fédération », ou bien, autre exemple, leur
usage au xvii° siécle (Oirat. Zak., 2). La méme chose se produit avec le nom Dér- attribuent au xv siécle un chef unique. Ceux qui ont eu des contacts
ban Otrat, avec cette différence toutefois, qu’avec le temps le nombre des Oirat directs avec les Oirat ont obtenu une vue beaucoup plus exacte des choses.
devint beaucoup plus grand qu’A Pépoque de Cinggis et de Ja dynastic Yuan. Ainsi le capitaine Unkovskii, qui se rendit chez les Oirat en 1722-24, écrit:
Et voila que certains auteurs orientaux (nouveaux) ont recours a des comhi- « Aucune autorité unique ne s’est imposée 4 ce peuple qalmiq jusqu’a Bos-
naisons variées pour retrouver A tout prix le chiffre quatre, tandis que les tuhan (c.-a-d. BoSoqtu-han), mais de nombreux taisi régnaient individuelle-
auteurs européens recherchent qui pouvait faire partie de la « fédération des ment sur les peuples en question ; tandis que Bostuban en soumit un grand
quatre ». En réalité, de méme que les Mongols orientaux, les Oirat repré- nombre 4 son pouvoir « (Posol’stvo... Unkovskago, p. 195).
sentaient un agglomérat de diverses tribus (alus), tiiman et otog constituant 1. S.s., 202; cf. Istoriya Radlova, 105.
204 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FRODAL 203
recrutement » aléa(n)'; aléan, c’est le lien de base de la société
féodale mongole, correspondant au « hominium et fidelitas » de
’Europe médiévale *. C’est pourquoi le vassal est toujours nommé
VI. — LE REGIME FEODAL
albatu, « astreint au service-recrutement, sujet », « vassalus,
feodatus » *. Le dernier des arat est albatu de son seigneur, mais
4. — LES CLASSES INFERIEURES
les seigneurs eux-mémes, méme les princes impériaux, peuvent
A. — ALBATU-VASSAUX SERFS, DOMESTIQUES ET ESCLAVES. étre dénommés aléatu par rapport a leur d}dn, le hagan'.
Simultanément on constate une différence trés sensible entre
Passant 4 l’analyse du régime féodal au moyen-age, il est ae Paléan du féodal envers son suzerain et l’a/ban de l’arat, malgré
indispensable de rappeler une fois de plus que Jes sources dont la similitude des termes.
nous disposons se rapportent au xvu’ siécle, c’est-a-dire a la fin La différence réside tout d’abord dans le fait que les grands
de l’époque envisagée; aussi est-il pour l’instant impossible de féodaux n’appellent /dn leurs suzerains, y compris le hagan, que
donner un tableau suffisamment complet de la vie féodale. par considération, par tradition héréditaire. Ils « n’appartiennent »
La France méridionale connaissait l’adage caractérisant les en aucun cas au suzerain; il n’existe entre eux qu’un lien, de
relations féodales: « nulle terre sans seigneur ». Dans la Mon- méme que les cadets des familles sont liés & leurs ainés. Pour
golie post-yuan, a la fin du xv* siécle, on disait: garacu irgan les féodaux, le suzerain n’est qu’un ainé — aga*. Mécontent de
ajan-iigai yakin yabumui', « comment le simple peuple peut-il son suzerain et disposant de certaines forces, le féodal peut
vivre sans maitre ». En effet, dans la Mongolie féodale les gens entrer en lutte avec lui*, répudiant toute dépendance’, il peut
du peuple, dépourvus de priviléges, garadu, harahgq, arat, « la s’en détacher et l’abandonner pour aller nomadiser au loin®.
plébe, le simple peuple », tous avaient un maitre-seigneur Enfin, les féodaux mécontents peuvent recourir a l’aide de leurs
(ajan-noyan)’. L’aristocratie féodale mongole se distingue de la pairs, rechercher la protection d’autres seigneurs °.
classe des arat par le fait, tout d’abord, quelle posséde ses Toute autre apparait la situation d’un a/éatu issu de la masse
gens a titre héréditaire. Le féodal mongol est considéré comme des arat. Avant tout, l’araé « appartient » a son seigneur, il est
un seigneur (noyan) du fait qu’il est le maitre héréditaire (d}an) son « vassal-serf » (servus). Le seigneur féodal dispose de ses
de tel ou tel groupe: le han est le maitre du « grand ulus »*; aléatu au méme titre que de son cheptel et de ses autres biens ".
les grands seigneurs, d’un tiimdn (tiiman-u Gjan)*; les féodaux
de moindre importance — maitres d’otog- (hosigun-u djan)*; 1. L’alban mongol provient de la racine al-, « prendre »; il est curieux
les trés petits féodaux, maitres d’ay/®. de constater qu’en langue yakut, ov les éléments mongols sont nombreux,
Chaque suzerain par le mot alban signifie « extorsion, sollicitation » (voir E. K. Pekarskii, Sto-
rapport & son vassal, prince impérial ou sayit, ou arat, peu var’ Yakutskago yasyka, 69).
importe, est un maitres-d}an’. 2. Les sayit de Vaile droite venus auprés du Dayan-han lui disent notam-
Le premier devoir de chaque vassal par rapport 4 son suze- ment : firgugan yakd ulus alban hubdihui yosutu, « il faut imposer des con-
tributions aux six grands ulus » (S. s., 484). Alban a encore la signification
rain — seigneur féodal de tel ou tel rang —, est « le service, le suivante, dérivée de la principale: « impét ».
3. Les albatu-nar mongols correspondent aux homines de corpore de ’Eu-
1. S. s., 186. rope féodale.
2. Par ex. 8. s., 480: ulus-un djdn Dayan-hagan ; cf. S. s., 256. 4. 8. s., 172: un prince impérial gengiskhanide déclare en parlant de soi:
3. H.f., 46,79. albatu bolugsan Mu’ulibat-ong, « Mu’ulibai-ong, devenu vassal-sujet » (du
4. Par ex., Cagan Baising (Huth, 31): Hatha timdn-u dja bolugsan (Jalayir grand han).
bong-taiifi) « (le Jalair hung-taiji), devenu seigneur héréditaire du timan 5. Cf. S.s., 156; A. t., 64,
halhas ou de Pulus (population) halhas ». 6. Voir ci-dessus.
5. Par ex.: H. j., 2. 7. S.s., 186; A. t., 64-63.
6. Par exemple H. f., 118: nigdnjagun dritkd-dcd dorugsi albatu-tai noyad, 8. Voir Pozdnéev, Ardéniyin drihd, 102; A. t., 65, 83 (ndgifu garbai)
« les noyan qui ont moins de cent familles de serfs au nombre de leurs Zaya Pandita, 16.
sujets ». 9. Oirat. sakon., 3; A. t., 400, 83; S. s., 166.
T. S.s., 146, 148, 150, 184, 200; A. #., TB; H. f., 16, 48, 79, 10. Les textes mongols de nos sources, parlant des biens des féodaux, inen-
206 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FEODAL 207
Les arat mongols, simple peuple, appartenaient obligatoirement gens vers d’autres régions, et leur réserver de nouveaux campe-
a un féodal : dJdn-tigat yakin yabumui, « comment pouvoir ments (nutug)'; affecter certaines parties du territoire & des
vivre sans seigneur ». destinations spéciales, par exemple a la chasse, au labour, etc. ?;
La dépendance personnelle de l’arat vis-a-vis de son féodal désigner les régions de transhumance, par exemple les stations
résultait tout d’abord dans le fait que presque tous les instru- Whiver, d’été ou autres*. I] est trés intéressant de conslater que
ments de production se trouvaient directement, ou indirectement, le mot nulug~ (oirat) nutug, qui a toujours signifié, et qui
possédés par le seigneur. Quels étaient les principaux aspects de signifie « campement nomade, campement nomade natal » a été
cette possession? en outre, chez les Oiralt, employé a la place du mot « ulus,
4) La terre, les terrains de pacage avec leurs diverses dépen- wy peuple, constituant la propriété de quelqu’un » ; exemple: Dérbid
dances, nutug, réservé aux transhumances, se trouvent en la Kéndéling-Ubasiyin nutug urw niifi, Abalayin nutug Ardis
possession et & la disposition du seigneur féodal. Comme aux ido siiman tamaéa}i niigsan (Zaya Pandita, 19), « ulus (peuple)
temps anciens de l’empire, gens (u/ws) et région, paturages ot du Kéndélén-Ubasi dirbit a campé en descendant, et ulus Ablai
ils peuvent nomadiser (mutug) appartiennent au seigneur. Uné- campe en remontant l’Irtis, se dirigeant vers le monastére » ;
Bolad-ong, sollicitant la main de la veuve d’un han s’exprime « Saéan-han... yaké nutug-an abei Ili 6dé niibdd (aya Pandita,
sous la forme pittoresque suivante: gal-c dinu sakiJu dgsii, 31), « Sidin-han... emmenant son grand (principal) ulus (nutuq)
nutug-2 cinu Jigaju dgsii', « je protégerai ton feu, je Uindiquerai leva le camp en remontant I’Ili ».
les camps »*. Cette courte phrase est significative car elle fait La littérature européenne formule parfois lopinion que les
ressortir la préoccupation essentielle du nomade: la possibilité nomades, notamment les Mongols, ne s’intéressent pas a la terre,
de commander et de diriger les transhumances. au territoire. Ceci est bien entendu tout 4 fait inexact, et anor-
Chez les nomades, celui qui peut 4 son gré disposer des terres mal. Les Mongols de !a période examinée, en premier lieu les
de pacages est le maitre (d/dén) des dépendances territoriales féodaux, étaient naturellement trés intéressés a leurs nutugq,
(nutug)*. Le seigneur féodal pouvait, de ce fait, transporter ses campements nomades, seulement les rapports entre le nomade
et son nufug ne sont pas du tout les mémes que ceux qui
tionnent trés souvent, parallélement, le cheptel et les gens (ulus, albatu), par existent entre un agriculteur sédentaire et son lot de terre ou sa
exemple: ulus mal-i inu da'uliju abulai (S. s., 168, 176), « s’emparaient de propriété. Il est trés important pour le nomade de pouvoir utiliser
ses gens et de son bétail » ; les sayit-noyon oirat disent 4 l’écuyer (kétd¢?), en
lui confiant une mission : ayil kiimiin, afarga-tu adugu mdddgilst, « pour - un nutug, étendu sur un vaste espace, pour ses campements
Vadministration des ayil nous te donnerons des gens, et un train de chevaux @hiver, d’été, et pour ses autres transhumances. C’est pourquoi
avec un étalon » (A. t., 85) ; han kiimiin nokocaji dmiigdrdbast, tabin gar kumin
nigd fagun huyag, nigd fagun timdgd, niga jagun adagu (H. j., 120), « sile
Obraztsi mongol’skoi narodnoi slovesnosti, L., 1926 (éd. [OL., n° 44), p. 133:
prince impérial se rallie et prend parti(de ceux qui ont attaqué le monastére), éndr bayin AUG Hanged nutugin dzdn bolat téréksn sain drd, « le glorieux
on lui prendra les gens de cinquante maisons, cent cuirasses, cent chameaux
paladin, devenu maitre des campements du haut, riche Altai et Hangai »
et cent chevaux » ; « si les grands noyon (grands seigneurs), entrainant eux-
(épopée bait); cf. ibid., p. 160. Oirat. zak. parlent explicitement du maitre
mémes (les autres) fuient devant l’ennemi, il faut leur prendre cent cuirasses,
du campement nomade, maitre de la terre destinée aux campements
cent chevaux, cinquante familles (dréké) de gens et mille chevaux » (Oirat. nomades », nutugiyin dzdn (p. 16; la traduction de Golstunskii en cet
zak., 3); cf. Oirat. zak., 3-4; han ba paracu ijagur-un djdn... éggigsdn dd
endroit est complétement erronée, voir p. 53).
mal kitmiin (H. j., 24), « le bien, le bétail et les gens, donnés par le ban ou 4. Oirat, zak., 24; Zaya Pandita, 49, 30, 34.
par le seigneur originaire d’un homme ordinaire ». 2. La notion d’interdit s’exprimait par les termes: fori-, « interdire,
1. A. t., 91; dans l’édition de Gomboev le texte est défiguré ; de méme
mettre Pinterdit », horigul, porig, « lieu interdit » ; voir Oirat. zak., 6, 33;
dans l’édition de Pékin (p. 102); mais les erreurs des deux éditions ne sont H. j., 13, 422,52. Exemple : kdjid-tin sakiguldin, nutug-tyan noyad-un érgiigd
pas concordantes.
bagubu gafaraca bist horigul iigdi, ali tagalal-tu gajar-tu nutuglahu bui (H.
Q. C.-a-d. il deviendra son époux et « maitre de la maison ». j., 422), « pour les gardiens du monastére il n’est pas d’interdit sur la terre
3. Cf. S. s., 4196; A. ¢., 106-408. Voir ci-dessus, p. 144. On observe la natale réservée aux campements, a l’exception des endro'ts ot s’arrétent les
méme chose chez les Mongols a l’époque suivante ; voir ci-dessous. L’épopée quartiers des princes; ils peuvent transhumer dans n’importe quel autre
héroique mongole, décrivant la vie d’autrefois, observe que le féodal nomade endroit qui leur plait ». Voir aussi #7. f., 41, 13.
est le maitre (@jdn) du nutuq, c’est-a-dire de l’emplacement réservé aux trans-
3. Oirat. zak., 21 ; Zaya Pandita, 19, 30, 31.
humances, avec toutes ses dépendances, voir par ex., B. Vladimirtsov,
208 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FRODAL 209
les nomades savent fort bien que ce qui importe, c’est l’ensemble Kola ait ee iene En effet, lorsque le seigneur
du nutug c’est-A-dire l'ensemble du territoire sur lequel nomadise stre ndes, ses aléatu' payaient pour
une unité économique et sociale déterminée (ofog, ayzmag, etc.). lui avec du bétail. D’autre part, les arat devaient remettre leur
Il en résulte de toute évidence que le maitre et seigneur du nutug bétail a leur maitre dans toutes les circonstances
importantes
est celui qui peut administrer les campements, les étapes, et qui de sa vie impliquant des débours, par exemple
a l'occasion
peut méme imposer un changement de nutug. Nos sources men- d offrandes destinées au suzerain, de convocation des
assembl&ées
tionnent l’intérét que portaient les seigneurs féodaux et les « diri- de levées de camp, en cas de mariage dans sa famille cecil
geants » aux nufug, aux espaces réservés aux campements, a indépendamment des impéts courants et des contri
butions en
la chasse, ou A tout autre usage. Par exemple, le chef des nature ®.
féodaux halhas sollicite, en acceptant la suzeraineté de l’em- 3) Tous les actes des arat concernant leur propre
pereur mandchou : 6a/tigdr usu-bar sayin gajar bgkil ajiyamu, bien se
trouvaient placés sous la tutelle et le contréle
« ne daignera-t-on donner une terre, bonne en paturages et des seigneurs
féodaux, exemple: attribution d’avoirs aux enfants
en eaun'. Les sayzt mongols se rendent dans les limites de *, opérations
de commerce et de crédit avec les étrangers (russes
empire russe, espérant recevoir pour eux et pour le peuple qui et chinois) *
entrée dans les ordres bouddhiques °, mariages °,
les a suivis, des terres en usufruit éternel (méngha djalabiri Pour étre en mesure Wexercer leurs « droits » féoda
gajar)’. ux et de
bénéficier de leur situation privilégiée, les seigne
Il est remarquable, que, dans certains cas, les lois féodales
urs devaient
S appuyer sur une force pouvant servir de mesure de
contrainte
mongoles reconnaissaient le droit de possession en considération contre leurs vassaux-serfs, Les seigneurs disposaient
d’un certain labeur dépensé. Ainsi le Code Halha (#7. j.) dit a cet effet
de fonctionnaires dont il a déja été question’: darug
a, jasa’ul.
qu’un puits nouvellement foré ou réparé appartient & celui qui I’a damei, stilangga. Bien que le titre d’une fonction ait
aménagé, et le propriétaire est astreint a fournir gratuitement été parfois
héréditaire, peut-étre, les diéis¢mal étaient étroitement
eau a un cheval de selle seulement; la loi défendait également attachés
aux noyan, et se trouvaient a leur entiére disposition
par une amende (un cheval et un taurillon) le possesseur d’eau ®. D’autre
part, les seigneurs étaient entourés de serviteurs de
contre toute tentative de détérioration (souillure intentionnelle, rang divers
qu ils entretenaient probablement, et parmi lesquels
on distin.
etc.)*. guait: les écuyers (Aétad?), d'une situation trés voisin
2) Le bétail était possédé par les arat en état d’exploiter une e de celle
de leurs maitres °, et qui devenaient les familiers de ceux-c
économie pastorale individuelle‘; mais cette possession était i (inaq)"°
et jouaient assez souvent un réle considérable; les
relative. Il serait plus exact de considérer le bétail comme une « servants A
tour de réle » dans les quartiers (kasigiicin) ", et courri
ers-émis-
1. Ard. drikd, 28, A cette époque (1688), les nutug balhas avaient été sai-
sis par les Oirat. 1. H.9., 4.
2. Chronique buryat, MS. musée Asiatique, F. é, f. 2. Le Mongol-nomade . 2. Otrat. zak.,
ak., 6-7;
6-1; ef. cf. Mongéggol cagaja
say (6): alba barir-a
igulpu, een ndgikit Okin dghit bari bagulgahu jargayin irdkit, cisuls
J
aime son nutug autant que Phomme sédentaire aime ses terres natales : le hardig-tti jagun.
paladin mourant au combat demande qu’on laisse partir son cheval, « qu’il g raed dgagst arban gar-tin doturdéa nigd mort nigit ihar-iin targa abtu-
porte la nouvelle dans les campements natals », nutug-tu zanggi oréltugai gai ; “aya Pandita, 7 (voir citation ci-dessus),
,
(Ubasi-hung-taiji, 240). . 3. A. f., 54-53.
3. H. j., 81-82: basa kiimiin-dit sind ubugsan jasagsan usu-yi buliyalduju 4 . A. 5., 83.
kdraldubasi, nigdén kijdlan mori dgki usulaju digtréi bayifi dsa dgbasu, mon 3 . qi. Jj. 16; Zaya Pandita, 4.
mori égki, hajagar morin-du usu dsd égbdsit, sidiildn honi abju. unugsan 6 » Girat, zak. 9; H.j., 32.
morin-déa bisi-yi haguréu usulabdsu, mén hont abpu, mddagd bayiji sog-iyar : Voir ci-dessus, p. 181.
usu bujarlabdsu sidiilén mori ukar poyar-i égki ujdgsdn garddi-di ukar-+ . Cf. Oirat. zak., 3-4, 12, 20-21; S.s., 142,
238; A. t., 61: H jus pas-
ogki. sim
4, Des indications précises 4 ce sujet sont contenues in Oirat. zak. et 2. f. 9. 8. 8., 140, 148, 136, 162, 164, 166: 4.6, 90-4. 4
Les biens héréditaires, bétail, ete., possédés par Varat se nommaient 10. Ou bien nokir, A. t., 62, 69: 8. sy 162, 164. 166.” "8
éméi ~ énéi, voir H. j., 8, Oirat. zak, 7. 11. Ce mot présente incontestablement des affinités éiymologiques
avec le
14
210 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
LE REGIME FEODAL 244
saires (d/¢2), qui remplissaient également les fonctions d’huissier'’. xvu’ siécle. Tout d’abord, 'albatu était étroitement
Par la suite les noyan auront des pages, ou aides de camp attaché a son
seigneur, aussi n’avait-il pas le droit de le quitter
(hiya)?. ; se détacher
de son maitre (d/én) était considéré comme une fuite
En outre, certaines allusions de nos textes permettent de sup- ; le fuyard
(4osha'ul = boshil) devait étre sans retard restitué et
poser que parfois les puissants féodaux avaient auprés d’eux des remis a la
disposition de son seigneur'. D’autre part, le seign
détachements de guerriers, dans le genre d’une truste ou d'une eur féodal
pouvait remettre A un autre, ou faire cadeau de son albatu®, et
garde du corps, choisie parmi les hommes courageux (ja/a’us’, dans le cas d’une serve, la donner en mariage a l’inté
« vaillants »; éa’atur, « preux »)*, ete. rieur de
son fief ou dans un domaine étranger*. Dans le cas ow un
Enfin, les féodaux disposaient encore d’une arme de défense albatu
s'était rendu coupable de graves méfaits, entrainant
et d’attaque: le tribunal (jargu), quils administraient eux- comme
conséquence des amendes au profit de seigneurs étrangers,
mémes*, et auquel ils imposaient les lois, lois purement dont
les intéréts avaient été lésés, méme s'il s’agissait des suzerains
« féodales » élaborées en fonction des intéréts de la classe du féodal en question, l’a/batu restait chez son maitre originaire
féodale®. Le tribunal et le serment (szha’a), dont le rdle était (uk-tu noyan), et si Valbatu v’était pas en mesure de payer
trés important dans les proces, étaient organisés selon le prin- lamende, ou toute autre pénalité, son seigneur payait pour lui‘;
cipe: « chacun doit étre jugé par ses pairs »’. Les Codes de loi dans certains cas, le seigneur obtenait la faculté deffectuer
expriment également la tendance manifeste de souligner Pimmu- le
rachat (mong. : jolig; oirat: doltq) pour son albatu sans avoir
nité des seigneurs dirigeants et la dépendance servile de leurs &
verser intégralement l’amende °.
albatu’. Laléan dun simple particulier vis-a-vis de son maitre féodal
La dépendance personnelle de l’a/batu vis-a-vis de son seigneur comprenait en fait les éléments suivants : 1° redevances en nature
se manifestait dans le fait que le maitre (noyan) disposait & son ,
bétail et produits d’élevage (aléan qubciur, sr'iistin) ; 2° servic
gré de son vassal-serf; mais il ne pouvait pas cependant lui ~ e
dans le quartier du seigneur, surtout en ce qui concerne
enlever impunément la vie sans jugement, tout au moins au la
recherche du combustible (l’argol) (argal tagiihii)", etc. ; 3°
ser-
vice dans la milice du seigneur et participation aux battues (ayan
mot késik, « tour, reléve, faction a tour de role », par lequel on désignait la aba)’ ; 4° redevance des charrois, c’est-a-dire service postal et ravi-
vieille garde impériale. A propos des kdsigidin voir H. j., 68.
4.8. s., 176; A. ¢., 36, 64; H. j., 5, passim; Oirat. zak., 5, 6,47, 18;
Zaya Pandita, 32. 1. A, t, 61-64; Oirat. zak., 3,173 H. je, 49-47.
2. Oirat zak.; voir S.s., 244-280; Oirat. zak., 4, 6, 8; Nadpist Tsoktu 2. H.j.,%; Oirat. zak., 3. Les seigneurs mongols donnai
Taiji, 1, 1286, 1257, 1259, 1260; II, 224. Nos sources mentionnent encore ent hahituelle-
ment en dot a leurs filles une certaine quantité de leurs albatu
drkdtdn a Végal de ka (Oirat, zak., 4); celte qualité se trouve également ( injt
~ inza),
voir Otrat. zak., 8, H. j., 30-31. Li-Si’i gur-k’an, dictionnaire
mentionnée dans d’autres ceuvres (H. j., 10 ; chronique buryat des Jusmun, tibéto-mongol
(voir ace propos RAS-V, 1926, p. 27-30) donne l’explication
108), mais les fonctions remplies par ces drkdtdn (textuellement : « ayant le ini batun-u nokar, « Inji-acolytes, servants d’une suivante : inji
pouvoir, forts ») sont imprécises. On peut croire que, d’une part, on dési- noble dame » (xylogr.
pe a fam crtains cas les féodaux mongols
gnait par drkatdén ceux qui s’appelaient les sayit et que d’autre part les arkd- payaient des amendes
é €s de leurs gens, voir par exemple H. j., 3
tan étaient les « guerriers et serviteurs intimes » auprés des quartiers, cf. 3. Voir aussi Zaya Pandita, 19. ir r
Leontovié, Mongolo-kalmytskii ustav vzyskanii, p. 14, 456-457 ; P. Nebol’sin,
° Pi HE doo Sts 180 Oras sat
ask Bde BY 83, 52; akigsan Kiimiin-t dma-yi noyan
Oéerki byta kalmykov khogo'utovskago ulusa, p. 24-22. ni kitmin-dir ogb-
see e...» (iJveuve
mariag 3a) (épo
Pouse . d'un homme décédé)
scé le seigneu
i r Ja donne en
3. Ubasi-hung-taiji, 199, 203-204, 209-210 ; cf. S. s., 2445; A. t., 73
(nékiir); Zaya Pandita, 30 (hosacin). 4, H. j., 8, 49, 48,
4, 8. s., 492. . g Jus 88,
5. S.s., 4905 0. f., 33-54, . S.s., 236, Oirat zak., 7, 33; H. j.,
9
6. Comme mentionné ci-dessus; les deux codes Oirat. zak., et H. j. sont i U. J. 68, 69, 84; of. 8.', 144.
particuliérement intéressants a cct égard. ' stat de i 236; Oirat zak., 4; cf. H. j., 92-93. Il semble que tous
7. A. Luchaire, Manuel des institutions frangaises, période des Capétiens née porter des armes étaient appelés au service militaire;
ceux en
directs, Paris, 1902, p. 209. Cf. #. j., 73-74. étaient consi-
oe majeurs ceux qui avaient atteint Page de 43 ans, ef. S.
8. H. j., Oirat zak., passim ; détail ci-dessous. s., 166, 209,
1A. ¢., 83, 419; Ubasi-hung-taiji, 207.
212 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
LE REGIME FEODAL 213
taillement des courriers seigneuriaux de passage (wlaga si’iisti)' ; le moine commettait des délits ou violait ses serments, il retom-
8° participation aux procés devant les tribunaux en qualité de bait dans la condition d’un aléatu'.
témoin (garace)? et de juré (stha’a)’. Les garacu, arat, haraliq, du peuple mongol, appartenant
Le seigneur pouvait libérer 'a/batu d'une partie ou de la tota- aux classes non privilégiées, pouvaient disposer de gens qui leur
lité de ses charges‘. Mais ce n’est qu’exceptionnellement qu'un étaient directement assujettis. Ces gens étaient appelés, tantét
simple aléatu était libéré de Valban, de la subordination per-
kitat, « esclave® », tantot madél ou madalti, « subordonné »*,
sonnelle a l’égard de son seigneur. Les personnes affranchies et aussi madal kibdgiin* « adolescent subordonné » *, ou sim-
des charges portaient le nom “de darhat (pluriel de darkan); plement Adbdgiin, « adolescent », et. madal bogol, « esclave
quant a ceux qui étaient libres de toute dépendance personnelle subordonné »*, ou simplement dogo/ ~ bal, « esclave »7. Les
a Végard de leur seigneur féodal, on les appelait noyan-igdt, gens assujettis aux hommes du peuple, arat, garacu; ne sont
c’est-a-dire qu’au-dessus d’eux « il n’y a pas de maitre » ou jamais désignés par nos sources sous le nom d’a/éatu, dans cer-
alba-iigai, qu’ils « ne sont pas liés par la charge-aléa »*. Ces tains cas on rencontre les expressions ulus, « gens »°, htimiin
personnes s’appelaient aussi dat darfat, « grands darhat »*. I ~ ktimin (oirat) « individu » *. Les moines bouddhistes pouvaient
semble d’ailleurs que les deux termes, darhat et dai darhat, également disposer de subordonnés ".
étaient employés indifféremment. En réalité, chez les Mongols, 4 ’époque en question, était
Das la fin du xvi‘ siécle on commenga a exempter de l’a/éan, albatu, celui qui se trouvait attaché 4 son seigneur par l’alban,
et des autres contributions, les moines bouddhistes ‘, appartenant cest-a-dire « hominium et fidelitas », par une chaine de ser-
sans doute a la secte des Chapeaux Jaunes, qui, 4 cette époque, vitudes. Cependant un « individu » appartenant & un arat se
s’était répandue chez les Mongols*, mais seulement dans le cas trouve placé dans la condition d’un demi-esclave, demi-serviteur.
ou le seigneur féodal avait autorisé l’entrée dans l’ordre mona- Les rapports féodaux dans Ja société mongole ressortent avec une
cal *. Le moine bouddhiste devenait alban qubdi'ur tigdd (S. 8., netteté particuliére si l’on compare les albatu « vassaux-serfs »
236): «non assujeti & alban et aux contributions », noyad-tu dun noble seigneur (ajdn, noyan), avec les « gens» « subor-
tatalya gabiya tigat (H. j., 16)" : « Nayant pas a payer tribut et donnés », d'un arat (qaracu). Celui qui posstde de véritables
a servir les seigneurs ». Nos sources indiquent, d’ailleurs, que si albatu est un seigneur féodal véritable; si ’aléatu est lié a
son seigneur par l’a/ban, le seigneur, de son cété, a aussi des
1. H. j , 4-1, 26-27, 37, 41; Oirat sak., 5, 6, 47.
2. HH fe. 40, “44, 37, 39, 63, TA, T7, 86-87 ; Oirat-sak., 3, 42, 18.
devoirs envers son vassal-serf. De ce fait, nos sources ne désignent
3. H, j., 3, 6, 14-12, 43, QT, 33, 64; Ovrat. sak., 5, 12, 18. Seul nous est jamais les subordonnés, pris dans un sens général, par le terme
parvenu le texte du serment mongol dans la rédaction du xvin* s. (Monggol
éagaja). 1. Il retombait, par conséquent, sous la juridiction de son seigneur origi-
4. S$. s., 482, 488; A. &, 36, 105, 106; H. f., 7, 37, 42; Otrat. zak., 4 naire, voir H. j., 17 (busu gajar odugad, sakil-iyan dbdadbdsu ug-tu noyan inu
Zaya Pandita, 26, 34. ndkajit abtugai, « si (le moine) s’en va sur unc autre terre et trahit ses
5. S.s., 188, 194, 936; A. t., 108, 106. veeux, son seigneur originaire devra le poursuivre et Pappréhender »);S s.,
b. S. s., 188, 494. 235. Cet exemple fait ressortir la force des traditions féodales; les moines
. 8. s., 236; H. 7., 16-26; Oirat. sak., 8, Zaya Pandita, 26, 34. bouddhistes issus du peuple se trouvaient, bien entendu, dans la situa-
8. On ne posséde pas de données concernant Vexonération des moines tion de quasi-libres. L’évolution ullérieure confirme cette proposition; voir
bouddhistes jusqu’a cette époque; jusqu’a la fin du xvi* siécle, méme plus ci-aprés,
tard dans certaines régions, les sectes des « chapeaux rouges » furent trés 2. A. J. 27, 32, 49, 59.
répandues chez les Mongols. 3. H.j., 47, 22.
s
9. H. j., 46 (har-ba djdn ba ddigé aka dda bosig tigdi toyin bolhula, tolugai-
3
4. H, j., 87.
ban bit mada-tigai, « s'il devient moine sans l’autorisation du seigneur et des 3. Hj, 4.
3
7. Otrat. zak., 7.
sigisit ugdi, « il n’y a pas de servitudes (a I’égard du seigneur) et il 8. H. f., 13.
w’y a aucune obligation de fournir des charrois ou de donner du ravitail- 9. Oirat zak., 4, H. j., 49.
lement ». 10. Oirat. sak., 3; H.j., 47, 20, UW, 35.
214 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FEODAL 215
albatu, par exemple les subordonnés d’un dignitaire ou d’un gigagsan ani madal bogol hoyar-aéa aqula gakii yola-tai bur
fonctionnaire: ydarii noyad albatu kibdgiin-tyan, daruga anu (A. }., 87), « il est criminel de recevoir (quelque chose) d’une
ulus-tyan, adigad anu kibdgiin-iyan hulagai higsdn dagudaji femme divorcée et d’un esclave subordonné ».
gargahula..., « si le prince (seigneur) déclare que son vassal- On peut aussi déduire de ce qui précéde que la masse des
serf ou adolescent a commis un vol, et le chef que ses gens, et le arat, garatu, le simple peuple, était loin de constituer un grou-
pére que son fils... »'. pement homogéne dans la Mongolie médiévale. On y distingue
Dans le milieu des « subordonnés » on peut distinguer deux trés clairement plusieurs couches. D’ailleurs nos sources signalent
groupes : les uns étaient de véritables esclaves (Actat®, 601°), les explicitement cette stratification des masses garacu. Nous n’au-
autres se trouvaient dans la situation de domestiques ‘. En raison rons qu’a les citer.
des conditions du régime nomade, la différence entre les deux Chez les Mongols de notre époque, tous ceux qui n’étaient
pouvait étre souvent a peine sensible. Les seigneurs féodaux pas des noyan, des seigneurs féodaux, étaient partagés en trois
avaient aussi leurs esclaves (Azéat) et leurs domestiques subor- groupes, selon leur condition matérielle et la condition sociale
donnés (madal bogol, kébagiin et gar-tin kumiin)*. Etant sei- qui s’y trouvait attachée. Au premier groupe, groupe supérieur,
gneur (djdn) de ses albatu, le maitre féodal se trouvait bien appartenaicnt les sayin hiimiin', textuellement « prudhomme »
entendu, de ce fait méme, suzerain des gens « subordonnés » [russe : khorosdt celovék|. Ul s’agit de familles cossues et posées,
aux arat’®. disposant de quantités importantes de bétail, de domestiques, et
Il apparait de ce qui précéde, que la condition des a/batu au parfois aussi d’esclaves *. De leurs rangs sortaient les tabunang,
moyen age mongol, en dépit de leur asservissement aux noyan, cest-i-dire les gendres des han et des princes’, et les sayzt,
était plus favorable que celle des subordonnés et des esclaves. fonctionnaires de rang et de grade divers‘, en général tous ceux
Les conditions du régime nomade permettaient, il est vrai, & ces qu’on appelait yaméu-tu, « dignitaire »*. Ainsi qu’il a été observé
derniers de disposer d’un certain avoir, mais ils n’en étaient pas ci-dessus, aprés Tayang-han et la victoire des princes impériaux,
juridiquement responsables, car il ne leur appartenait pas’: un grand nombre de féodaux (non_gengiskhanides) furent rat-
tachés & ce groupe chez les Mongols orientaux. On peut supposer
que les darhat, c’est-a-dire les personnes exonérées des presta-
4. H. j., 14-75. Selon le contexte il se peut qu’au contraire lalbatu soit tions, appartenaient également a cette couche*; d’ailleurs
appelé « individu » (kiimiin), p. ex.: kiimiin-iydn égki dura-iigdi bolbasu,
noyan anu dnd mal-i gitidagdji ég-, « si le maitre (seigneur) ne veut
pas livrer son individu, quwil paie intégralement cette rangon en bétail » « subordonnés », son remplacement par un jeune chameau et un cheval; un
CH. fT). | chatiment — recevoir cent coups de fouet et étre livré en esclavage au dernier
des hommes du fief-hosiin (H. j., 49). D’aprés les lois oirat (Oirat. zak.) celui
2. H.j., 27, 32, 49, 39.
3. Oirat. zak., 7. qui a tué son esclave (65/) payait 5 neuvains de bétail, et pour le meurtre
4, H.j., 4, 35, 64: gdr-iin kiemiin, kdbagiid. dune esclave (amd bol) trois neuvains (page 7); tandis que pour le meurtre
5. Comme dans lantiquité, chez les Mongols 4 l’époque considérée les dun individu de condition moyenne il fallait payer une amende de 30 objets
termes bogol (bdl) et garacu étaient parfois employés dans un sens trés large, précieux et 300 tétes de bélail, et pour le meurtre d’un inférieur (adaq), un
désignant la masse par opposition au ban ou a un seigneur important. objet précieux et 15 neuvains de bétail (zbid.).
Exemple: Arugtai-taisi, d’aprés le témoignage de S. s., (p. 446), se dit 1. Oirat: sayin kiimizn; Oirat. zak,, 10,193; U7. j., 78; Ubasi-hung-taijt,
qaraéu ; Mandugai-sacan-hatun, adressant une invocation a Vaieule du clan 198, 199, 202.
de Cinggis, se dit bogol bdri (esclave-bru), voir S. s., 180. A propos des 2. Oirat. zak., &, 10, 44,19; H. j., 71. 42. ya lieu d’observer que par-
esclaves et des domestiques (kébagiin, gdr-iin kitmiin) chez les féodaux, voir fois le terme sayin kitmiin servait a désigner un « prudhomme », un per-
H. f., 4, 35, 36. sonnage éminent en général, c’est pourquoi ce terme désignait aussi les say7t,
6. Cf. H. f., 27, 32, 49, 59. tout particuliérement 4 une époque ou les sayit étaient encore des scigneurs
7. Pour le meutre de son mddal, un qgaracu devait acquitter la moitié de féodaux, cf. A. t., 60, 90.
Ja grande amende (anjfu); représentant 300 tétes de bétail, dont 130 de gros 3. Oirat. zak., 3-4, 1-8; H. j., 4, 43, 44 (aing-iin yambu-tu, « simple
bétail et 150 de petit bétail (voir H. 7., 25) et ne subissait aucun chatiment gradé »). .
(CH. j., 87); tandis que pour Je meurtre d’un individu ordinaire impliquait: 4, Voir ci-dessus, p. 479, 180.
une amende de 30 objets précieux et 300 tétes de hétail ; une compensation 3. Otrat. zak.,2, 7; H, f., 3L, 48, 49; S$. s., 23845; olrat : yamu-ty.
~~ restitution d'un individu, ou hien, si le coupable ne possédait pas de gens 6. Cf. H. j., 42: tért barigsan sayid... tabunang, darhad-nar tasulbasu,
216 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FKODAL 217
« Vexonération » était dans la plupart des cas octroyée ax ‘Compte tenu des témoignages de toutes nos sources, et
des sayin kiimiin, qui, en guerre, ou en d’autres circonstances, principalement du Code de lots halhas (H. j.) on peut
se trouvaient en meilleure posture, que ceux d’un rang conclure que dans la deuxiéme moitié de la période envisagée
moins élevé, pour se faire valoir aux yeux de leur seigneur les Mongols a/batu étaient partagés en deux classes. A la
féodal'. premiére, la plus importante et la plus riche, appartenaient
Au deuxiéme groupe, groupe moyen (dumda ~ dumda les sayin kiimtin, yambu-tu, sayit; les tabunang et bon
kiimiin)*, appartenaient les garadu non-dignitaires, yambu- nombre de darhat y étaient bien entendu rattachés. Etant
tigat*, mais jouissant d’une certaine aisance; ils partaient donné que les membres de cette classe disposaient de domes-
pour la guerre bien armés ; un erat de cette catégorie était /ib- tiques et d’esclaves leur appartenant, on peut les considérer
iti’(« cuirassier, hoplite monté »), du’ulgatu (« porteur de comme des petits seigneurs féodaux issus du « commun.
casque »), dagdldai-huyagtu* (« un homme cuirassé »). Il ne En effet, chez les Oirat, qui avaient des jasang, daibu et
semble pas qu’ils aient possédé des gens a eux °, sauf dans des d’autres anciens say?t-féodaux, depuis longtemps la condition
cas exceptionnels. Il est possible que divers petits fonctionnaires, des petits jfarsang, ou petits propriétaires, pour ainsi dire,
courriers, etc. soient parfois sortis de leur milieu ; nous n’avons ne se distinguait pas de celle, par exemple, des tabunang
pas de renseignements précis a cet égard. et des autres nouveaux sayzt'. D’autre part, chez les Mongols
Enfin, au groupe inférieur, le dernier, appartenaient les pauvres, de la période suivante la plupart des ¢azj: n’ayant pas
les gens tout & fait simples, qu’on nommait avec mépris gara obtenu de fief-hosun, fusionne avec ces « nouveaux » sayin
hiimiin, «noir »°, déng-iin kiimiin, « individu ordinaire » 7, ma’u kiimiin, sayit, nous y reviendrons plus en détail par la
(mi)*, « vilain, mauvais individu », adag° (oirat) « le dernier ». suite.
Ils partaient en guerre armés généralement d’un seul sabre, ou La place intermédiaire entre les pelils seigneurs féodaux
bien encore d’un arc et de fléches ". (say?t) et la classe des véritables garacu (dng-iin garacu) était
occupée par les « gens de condition moyenne », qui possédaient
parfois des domestiques et des esclaves ’*.
gurban boda, « si les sayit-chefs, gendres princiers et darhan interrompent Enfin, & la classe inférieure des garacu « ordinaires » apparte-
(la fourniture des charrois), alors (ils seront pénalisés par) trois tétes de gros
bétail ». naient les plus misérables « vilains », constituant le degré infé-
1. Cf. A. t., 105, 106; S. s., 488, 194 ; Istoriya Radlova, 90. rieur (adag) de l’échelle sociale, ceux qu’on appelait yambu-
2. Oirat. zak., 10, 14, 49 ; Ubasi-hung-taiji, 198, 199, 202.
3. Oiral: yamu-tigdi; Oirat. 2ak., 2; H.j., 34, 49.
tiga’.
4. Otrat. 2ak., 4. En réalité, il existait des groupes se rattachant 4 la méme
5. H. j. prévoit Péventualilé ot le yambu-tigdi kitmiin posséderait ses gens: classe, dont la condition était encore pire: les domestiques et
kin kiimiin-i Osldjit.,. albadsu... yambu-tigit kiimiin bolbasu, kitmin-iydr; les esclaves. En raison des conditions de la vie nomade, la Mon-
kiimitn-tigdi bdgdst jalagu tamdgd, soydlan mori-bér oru boshagad; jasag
inu nigdn jagun tasigur fancigad, hosigun-u dotura kitad-un kitad-tu barifi golie ne parait pas, dans la plupart des cas, avoir connu de véri-
dggiiyd (H. j., 49), « si quelqu’un tue une personne par vengeance... s'il tables esclaves. Les esclaves, par exemple les prisonniers de
s’agit @un homme qui ne soit pas gradé (il devra compenser) par un
guerre, étaient mis sur le pied des « gens de maison »‘.
individu; s'il ne posséde pas de gens, il compensera pas un jeune chameau
et un cheval; sa punition sera la suivante : lui appliquer cent coups de La condition de ces derniers variait probablement, selon
fouct, de le livrer au dernier individu (esclave d’esclave) dans le fief- Yimportance de la maison seigneuriale a laquelle ils étaient
hosun ».
attachés.
6. Oirat. zak.., 4.
7, Ou bien dng-iin haraéu ~ avrad, H. j., 10, 42, 71, 87; Naiji-loin, 44.
8. Oirat. zak., 10, 14,19; Ubasi-hung taiji, 198, 199, 202. La signification
de « vilain », entendu dans . Cf. Qirat. zak., 4, 8; Zaya Pandita, 7.
woo
Le niveau spirituel généralement inférieur, notamment au cet appui, Aadce’ur, textuellement : « qui se trouve dans des
cours de la premiére moitié de cette période, placée sous le tenailles » *.
signe de guerres ininterrompues, ressort du fait que la vendetta La loi féodale prescrivait®: « Celui qui se place sous protec-
régnait partout', et que l’institution des inhumations collectives, torat (habdci'ur) recoit au départ ce avec quoi il était venu ; et la
accompagnées de sacrifices d’animaux et d’enfants n’était pas personne qui accorde la protection (iisr’iiliige?) regoit ce qui a
encore abolie. On ignore d’ailleurs, si la coutume des inhuma- été donné. On partagea parts égales le bétail né de celui qui
tions collectives était observée dans tous les milieux de la société existait au début, dans l’intervalle entre l’arrivée et le départ du
mongole, ou seulement chez les grands seigneurs, ainsi que patronné?. »
Vattestent des témoignages directs’. Dans cette ordonnance, comme dans nombre d’autres cas, se
Des transformations sensibles n’intervinrent qu ‘apres la vie- refléte la tendance des féodaux a entraver l’évasion des biens de
toire définitive du Aagan et du tazjd dans les guerres féodales, leurs seigneuries.
lorsque le régime social des Mongols fut modifié et que commen- Les chaines féodales étaient si lourdes, et si habilement éten-
cérent & s’ériger des khanats semi-indépendants, en mesure de dues 4 toutes les manifestations de la vie, qu’il était impossible
mieux assurer la sécurité des travaux pacifiques et de mieux a un simple garadu de s’insurger contre le joug des seigneurs et
organiser les expéditions. La renaissance du bouddhisme en de leurs suppéts. Quoi qu’il en soit, nos sources ne nous en disent
Mongolie et la diffusion en Mongolie de la nouvelle secte des rien. Des mouvements populaires se produisaient seulement dans
Chapeaux Jaunes, fondée par Tsongkhapa date de ce moment. Au des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu’une hansa,
début, l’entrée dans l’ordre monacal signifiait l’affranchissement a Poceasion de la mort de son fils, donnait l’ordre de massacrer
du joug féodal*. Mais rapidement, l’église bouddhique devint cent enfants pour les enterrer avec lui, ainsi que cent chameaux,
elle-méme une importante seigneurie. pour que les chamelles aient lair de pleurer la mort du jeune
L’institution particuliére du protectorat s’était développée chez prince. Dansce cas précisément, selon le témoignage de l’historien
les Mongols sur la base de la dépendance personnelle de l'a/éatu mongol, yaéka ulus-a abdéral bolun jabduhuy-d, « lorsque la
envers le seigneur. Si quelqu’un désirait abandonner une révolte menaga d’éclater dans le grand ulus (c’est-a-dire dans le
seigneurie pour s’établir avec son bétail dans les domaines d’un peuple entier) », cette coutume barbare fut abandonnée; certains
autre féodal sans tomber dans la condition d’un fuyard, il devait taiji également protestérent avec énergie contre cet usage‘.
obtenir la « protection » (sub protectio, sub commenda) soit du La forme d’opposition au seigneur la plus courante, et la plus
seigneur, soit de l’un de ses aléatu; les Mongols appelaient ceci facile, était la levée du camp‘, qui, bien entendu, ne pouvait
tisikii, « trouver refuge, protection » ‘. La personne qui accordait toujours réussir, car les féodaux, comprenant fort bien la
aide et protection était appelée tiseiliigd?*, et celui qui sollicitait situation, prenaient conjointement toutes mesures utiles contre
les fuyards °.
4. S.s., 442, 148, 150, 152, 136, 158, 166, 168, 170, 174; A. ¢., passim.
2. S. s., 248, 250, cf. S. s., 234; voir aussi Ch. Bell, Tibet Past and Pre- 1. H. j., ibid.
sent, Oxford, 1924, p. 34-35 (extrait de Youvrage tibétain — Biographie du 2. H.j., 83: habdigir kiimiin yagu-tai irdgsin bolhula, tdgiin-iyin abpu;
tisigtligei kimiin yagu éggugsin bolpula, tdgitn-iyain abhu. jabsar-un érfig-
3e Dalai-Lama). L’ouvrage tibétain exagére sans doute en affirmant que selon
sin ifjagur-un mal-tyan kiri-bdér hubiahu.
Pusage mongol on brilait la femme, les servileurs et le bétail du défunt.
Aucune indication dans les autres sources ne mentionne la soi-disant cou- 3. Cf. Oirat. zak., 40 (traduction : 45).
tume mongole d’enterrer simultanément les veuves. Au contraire, de nom- 4, S. s., 248, 980.
breux témoignages nous apprennent que les veuves de personnages trés 5. Cf. S. S., 132; chroniques buryat; cf. Pozdnéev, Ardanyin dripd, 267
(les générations sont mélangées); Obraztsyi narodnoi literatury mongol'skikh
divers ont vécu et déployé leur activité aprés la mort de leurs époux. II est
possible que ’ouvrage tibétain voulait parler non pas des épouses mais seu-
plemen, 188-194.
6. Oirat. zak., et H. j. contiennent une série d’articles qui traitent en
lement des servantes-domestiques.
détail la question des fuyards. Les chroniques donnent un tableau vivant de
3. Hf. be 416-26; Oirat. zak., 3, 5.
ces levées de camp, de la fuite de groupes entiers de gens du peuple fuyant
4, H. j., 38, 84, 420, 124; Oirat. zak., 410; ef. S. s., 168; A. ¢., 88.
Voppression des féodaux.
5. Haj. 33.
224 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
LE REGIME FEKODAL 225
Le fagan mongol, en sa qualité d’ainé du clan des princes
9. — LA CLASSE DES FEODAUX impériaux gengiskhanides, était considéré comme étantle réparti-
teur supréme des fiefs, mais en fait tout se trouvait entre les
Le seigneur féodal mongol, c’est-a-dire le noyan possédant des mains des grands seigneurs. Lorsque plusieurs han s’affirmérent
albatu, recevait dhabitude son fief par héritage et le transmet- en Mongolie, le méme tableau se répéta dans chaque khanat'.
tait A son fils. Les seigneurs mongols dotaient leurs fils de leur En distribuant des fiefs A leurs fils, aux membres de leur
vivant, réservant la part essentielle de héritage au fils ainé, famille, les féodaux mongols espéraient consolider leur position :
ceci aprés leur mort. L’usage de réserver le fief principal du pére de ce fait, partout et en tous lieux simplantent les membres
au fils cadet, comme aux temps anciens, a disparu dés l’époque d’un méme clan, d’une méme maison 2. Mais le systéme de I’attri-
Yuan; de toute maniére il ne se rencontre jamais & l’époque bution perpétuelle des fiefs aux taiji adultes contenait
considérée'. Les droits d’ainesse sont dominants. Lorsque, selon une contradiction. Si, dans les premiers temps, la distri-
VAltan tobéd, le frére ainé, fait prisonnier par les Otrat, rentra bution des fiefs-apanages consolida le hagan et les princes
dans sa patrie, le fils cadet, Unii-Bolad-ong, dont il a déja été impériaux, par la suite, trés rapidement, ce morcellement affai-
question ci-dessus, lui dit: « En ton absence, mon frére ainé, blit le pouvoir et l’autorité du pagan, il affaiblit ensuite les
je possédais contre la coutume. Tu es mon véritable frére ainé, autres han « domaniaux », jusqu’au moment ou il ne resta plus
possédes, toi. » En prononcant ces mots, il lui donna sa banniére rien a distribuer en fief.
noire ®. D’apres l’A/tan tobcd également, le troisiéme fils de Dayan- Les gengiskhanides devinrent si nombreux qu'il n’y eut plus
hin, Villustre guerrier Bars-Bolad-Sayin-Alag prit le titre de suffisamment d’otog et d’acymag a leur donner en fief et posses-
hagan*, pendant la minorité de Bodi-Alag, fils ainé de Térii- sion *. Vers la fin du xvu® siécle en différents lieux du monde
Bolod, ainé de tous les enfants de Dayan-han‘. Ayant atteint sa
majorité, Bodi-taiji dit & son oncle: « Tu t’es done assis [établi] frére Sira, Sira n’ayant pas d’enfants, les fiefs des deux fréres, héritiers de
hagan contrela coutume, pendant ma minorité. Maintenant salue- leur pére Ubasanéa (ou Ubsigun, voir S. s,, 482) -cing-taiji, les otoq Asul et
moi. Si tu ne me révéres pas, je commencerai la guerre’. » Yongsiabi, furent attribués au tsarevié Bodidara-othan-taiji, fils cadet de
Bars-Bolad, lequel, étant encore enfant, aimait fredonner pour rire:
Dans certains cas exceptionnels, le suzerain, l’ainé (294), le
plus souvent le pére, pouvait priver son fils du fief ou tui en _ Adi Sira hoyaralaldutugai ni,
Asud Yongsidbu hoyar digdra bi sagugai.
attribuer un moins important. On connait des cas ou le seigneur ce qui veut dire :
féodal était privé de ses biens par les autres proches féodaux avec
Que Ati et Sira se battent Pun avec l’autre,
leur suzerain en téte, ou bien encore on attribuait aux princes Alors je m’établirai sur les Asud et les Yongsiabi.
impériaux de nouveaux fiefs®.
« Priver d’un fief, enlever un fief » s’exprimait par le verbe talahu de méme
que pour l’expression « confisquer » (voir par exemple, Oirat. zak., 12; H. j.,
1. Mais les gengiskhanides ont conservé beaucoup d’autres survivances du 31); cf. Pozdnéev, Ardényin drihd, 179 ; 8. s., 208.
régime de clan, par exemple: l'usage d’épouser les veuves du pére, a l’excep- 4. Cf. 8. s., 208; Istoriya Radlova, 221-222 ; ef. Pozdnéev, Arddnyin
lion de sa propre mére s’entend; voir aussi S. s., 474, 182, 206, 208, 286. drihd, 96.
On constate avec intérét que simultanément, les princes édifiaient diverses 2. Cf. S. s., 192, 194, 196, 198, 204, 206.
ordonnances interdisant au tabunang de prendre une épouse autre que la 3. Toutes les chroniques mongoles, qui suivent trés attentivement la
premiére, la princesse, fille de seigneur féodal (abai ~ abagai), H. Ju 29-34. généalogie des gengiskhanides, témoignent qu’a la fin du xvi s., les descen-
2. A. é., 73 (texte quelque peu dénaturé), p. 84-85 de Védition pékinoise 3 dants de Tayang-han étaient déja au nombre de plusieurs centaines; a
ce
aha-yugan dimat tigdi-dit yosun tigdt bi dfdldju bild, yosutu aha minu ci ajala nombre, il faut ajouter la descendance des fréres de Cinggis, de Qasar, Bal-
gajit hara tug-iyan ajdldgulba. : “glitai et Otcigin, également seigneurs féodaux, et dont certains possédaient
3. A. t., 107; ef. S.s., 206. de grandes seigneuries, comme par exemple les descendants de Qasar
4. 8. s., 192, 196. auxquels appartenait la tribu Qorcin (« tirailleurs », « archers ») repré-
5. A. t., 407. « Révérer », mérgitki voulait dire: rendre hommage 4 son sentée par les descendants de Una-Bolad. En outre, de ci de la, des descen-
suzerain. - dants des sayit d’antan ont conservé la situation de noyan ; on rencontrait
£.
6, S.s., 204; le tsarevié Aéi fut privé de son fief pour avoir assassiné son également des « assimilés aux noyan », noyad-un kdb-tii bolugsan (H. j., 2).
15
SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FRODAL 227
296 LE REGIME
puis, les La méme chose s’observe chez les Oirat. Chez ces derniers, d
mongol apparaissent de tous petits noyan' domaniaux, nombreux membres des familles princiéres (oirat: no on)
plus en patrim oine de
cadets des familles féodales ne regoivent deviennent des petits feudataires domaniaux (baga ou itda
« domestiques »,
véritables aléatu. ils doivent se contenter de noyod), lesquels,
r lieu ®. C'est en fait, ne se distinguent
et des biens nomades courants, bétail en premie pa exemple des Jarsang (oirat : zay¢sang) et des tabunang'. “
en rien des sa it
trouve
pourquoi un trés grand nombre de gengiskhanides se fod quen Europe médiévale, ot les obligations du
que a celle des représ entant s
maintenant dans une situation identi ai, en tant que vassal de son suzerain, s’exprimaient par la
supérieure, alébatu, cest-a-dire tabunang, sayrt,
de la classe formule consi/ium et auxilium, les obligations du féodal mongol
etc. ?. Un nouveau déplacement des couches sociales s’est pro- wien Oe vassal de son ainé (294), y compris le hagan, étaient
duit dans la société mongole.
pression alban. Mais, ainsi qu’il a été observé
Les taiji, apres avoir évincé les anciens sayt de leurs posi- plus haut, Paléan dun féodal, n’avait rien de commun avec l’al |
tions féodales, se trouvaient maintenant placés dans une situation ban dun homme ordinaire. L’adban d’un féodal mongol consistait
identique. A partir de ce moment, seuls seront considérés comme également, en somme, en consilium et auxilium: le Féodal
étant de véritables noyan les féodaux possédant des albatu; on devait a“ conseil » & son
cesse de les nommer taé}i, car on commence & désigner sous ce
suzerain, c’est-d-dire prendre art
aux réunions (v'ulgan) pour discuter toutes: questions ot en
titre un groupe particulier: celui des gengiskhanides auquel général participer aux affaires judiciaires et a l’administration
échoit la situation des say?t. A partir de la fin du xvn’ siécle, les ( Jjasaq). D’autre part, le seigneur féodal mongol était astreint a
noyan sont les seigneurs féodaux, les princes, tandis que les taiji service militaire, devait offrir des présents & son suzerain et Paider
sont des sayzt privilégiés, en quelque sorte le corps nobiliaire. dans ses diverses entreprises. Comme autrefois, ’homma :
Mais simultanément, de nombreux noyan-princes posstdent de s exprimait par le salut frontal (mérgiihii) *.
trds petits fiefs. Ainsi, dans la troisiéme décade du xvu® siécle, , “
Rintin-satan, Jinong-hagan, chef de l’ Ordos, c’est-a-dire de tous
les princes et tazji ordos de la maison de Bars-Bolad, premier
s A. — Consttium.
Jinong ordos, ne possédait directement qu’un seul otog, — d’apré
le témoignage de Sanang-sitan, l'un des vassau x et adjoin ts du
Les assemblées ou didtes d’ulgan > culgan, ne peuvent ét
jinong*, qui prenait part aux événements contemporains. On considérées comme une institution organisée fonctionnant ré te
;
voit enfin apparaitre des noyan qui ne possédaient aucun albatu ligrement. ‘étaient des assemblées de composition trés indéter-
les premiers temps, on les distingue néanmoins des tazji*. minée, et dont les membres se proposaient Waccorder a leur
dal- suzerain une aide « volontaire » dans les cas les plus divers*
4. H. j., 15 parle de noyan qui possédaient moins de cent familles
zak., connaiss ent égalemen t les petits propriét aires domania ux,
batu; Oirat.
j.(p. 4) mentionne _ de le Mensch wae
princes — baga noyod, par ex. p. 4, 8; Naiji-toin, 65; A. le curieux épisode suivant: Pépouse d'un taiji
égalemen t les noyan pauvres, possédan t moins de cent tétes de gros bétail, ridionale se présenta chez Naiji-toin afi invi i
albatu : kar-bér tigdi-tai noyad bolugad et ses dt‘compagnon
Jour nega s,y ochez elle e; ; ; les moines
i tardérent entita a4 vanir.
venir. Le hatun
venir Le boven (dame)
mais qui avaient néanmoins leurs Gian)
u bariya. Wun petit taili : (néskan me
mal jagu asé giiddhula, albatu-dca ni nigén jagun mal giticagaj beatentraitez sans considérat i
ration, me considéra
idé nt l’épouse
é
il Vur
2. H. j. dépeint les taifi sous ce jour précisément; déja a cette époque aiji). Si les grands
invitési vous auriez sans doute daialgneé vous mettre
princes j-ti i
des taiji qui n’avaient personne sous leurs ordres, voir H. j.; ef. N en Conde
route cone
sans dala
délai. Weta
Mai
y avait
», A. j, 8
parmi 5
‘Ard. ar, 6 = iiéiikin taiji tabunang, « petits taiji et tabunang
les grands princes il en est d e plus riches
i que moi, Sen iJ en entest aussi
aed
ent en propre moins de cinquant e d wes qul ne se compareront pas avec moi. » (f. 63).
connait des taiji et des tabunang qui possédai Diy Hen est auss|
de bétail (H. j., 4). Tous ne se trouvaie nt pas, bien entendu dans cette Pocourronce, mee passim ; Zaya Pandita, 13, 15-16. On n’oublier
tétes a pas en
( ; noyon oirat, a exception des noyon hog
situation. r
tazji et (agent non tos pamees impériaux gengiskhanides, mais
3. Plusieurs articles des Oirat. zak. situent sur un méme pied,
at . roe : ; v
des « sayit > “ee
ut d ° a
. A propos des duels-¢rd'iil, voir S. s., 134, 494; A. t., 58-89. .4 LZaya Pandita, 16-30.
OS
Nom propre d’un seigneur oirat. 5. S.s., 194, 252, 288, 264, 280, 282.
. Zaya Pandita, 6. 6. S.s., 194, 282; A. t., 110, 142.
MS
. S.s., 134, 199. Les sayit sont maintenant désignés sous le patronyme de 7. S.s., 4194; H. j., 89. On attribuait aux sceaux une signification particu-
leurs princes, dont ils portent le nom, voir S. s., 238, 278, 280, 289. liére, saerée, cf. Bolor Toli, II, 162.
236 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FEODAL 237
les seigneurs militaires. C’est ainsi qu’on vit apparaitre les important que celui de l’antique chamanisme, qui s‘était
« assimilés aux princes », noyad-un kab-ti bolugsan, qui conservé'.
n’étaient pas des gengiskhanides, mais sortaient du milieu des Dés ses premiers pas, la nouvelle secte s’est trouvée placée
saytt!. dans une situation particuliére. Conformément 4 une antique
On remarquera qu’assez souvent les enfants des seigneurs tradition du bouddhisme, observée en tous lieux, les propaga-
recevaient leur éducation non dans leur maison, dans les camps teurs du nouvel enseignement s’adressérent, pour commencer,
de leurs parents, mais chez les vassaux féodaux. Le cas était presque exclusivement aux classes supérieures de la société mon-
particuliérement fréquent dans la premiére moitié de la période gole, en premier lieu a l’aristocratie féodale mongole. Ilse trouva,
en question. Les grands seigneurs confiaient |’éducation de leurs qu’a ce méme moment, la situation des féodaux mongols leur
enfants a des. vassaux pour deux raisons : 1) ils voulaient établir permettait de s’intéresser 4 autre chose qu’aux troupeaux, & la
ainsi des liens plus étroits entre leurs vassaux, leur propre per- guerre et a la chasse. A la suite de victoires féodales et de la
sonne et leur descendance, 2) ils voulaient assurer a leurs reje- constitution des grandes seigneuries, l’existence de la plupart
tons une enfance comportant un minimum de risques, en les d’entre eux se trouve dans une certaine mesure assurée. Le pro-
faisant séjourner en des lieux divers, éloignés du quartier du grés du bien-étre matériel est également favorisé par le commerce
suzerain, toujours soumis au danger d’une attaque éventuelle. avec la Chine et l’expansion vers le Sud, dans la Mongolie « inté-
Le renforcement des hagan et tazfi dans leur qualité de seigneurs rieure », dont un écrivain chinois du xrx° siécle, Wei-yuan,
féodaux, parait avoir rendu cette coutume moins fréquente. disait?: « Les routes vers la Mongolie intérieure sont favorables
D’autre part, les seigneurs féodaux considéraient que l’éducation aux relations commerciales, elles abondent en herbe et en eau. »
des enfants des grands seigneurs dans leurs maisons faisait par- Cependant, ni l’ancien chamanisme, ni l’ancien bouddhisme ne
tie des devoirs d’un fidéle vassal. Il pouvait arriver souvent, que donnaient plus satisfaction & personne*. Tandis que la nouvelle
par sa qualité d’éducateur un vassal se trouvait sensiblement secte bouddhique apportait avec elle une culture plus élevée et
avantagé par rapport aux autres’. un culte pompeux; ses propagateurs étaient préts 4 devenir
clercs (6ah3¢)*, médecins (dméz)*, devins (jaya’act)*, cest-a-
dire & remplir intégralement le réle des anciens /ama et Saman.
C. — Motes-rtopaux BOUDDHISTES. Mais a beaucoup de points de vue ils leur étaient supérieurs.
Dans la deuxiéme moitié du xvi’ siécle, aprés la victoire des 4. Cf. Nayiji-toyin, 37. On observera toutefois, que lui aussi commence A
gengiskhanides et le démembrement de la Mongolie en plusieurs « renaitre » a partir de la seconde moitié du xvi siécle, pour les mémes
raisons qui favorisérent l’expansion dela nouvelle église bouddhique. Nous
khanats, une nouvelle secte bouddhiste, les « chapeaux jaunes », disposons de fort rares documents concernant l’ancien bouddhisme mongol
fondée et organisée par Tsongkhapa, pénétre chez les Mongols, aux xvie et xv siécles, car les Chapeaux Jaunes ont soigneusement dissi-
venant du Tibet. Cette secte était appelée 4 jouer un grand rdle mulé et parfois méme déformé de nombreux faits, que la découverte de nou-
yeaux monuments permet de dévoiler peu a peu, voir B. Vladimirtsov, Nad-
dans la vie de la société mongole*®. L’ancien bouddhisme, qui pisi na skalakh khalkhasskago Tsoktu-taiji ; cf. également S. s., 200.
pénétra chez les Mongols encore du temps de l’empire mondial, 9. Cf. Palladius Kafarov, Doroznyié zamétki na puti po Mongolii v 1847 a
n’avait pas complétement disparu ‘, mais il n’avait aucune 1859 gg., p. 54.
3. Cf. Nayiji-toyin, 53.
portée sociale, de toute maniére son rdle n’était guére plus 4, Les Mongols du moyen age appelaient toutes les personnes versées dans
Vart épistolaire— probablement par vieille habitude — ba}ési, « clerc, précep-
1. Voir ci-dessus, pp. 204, 226; H. 7., 89. teur », voir A. t., 103; S. s., 224, 236; Zaya Pandita, 44-42; Vladimirtsov,
2. Voir S. s., 168, 170, 176, 178, 186, 488; A. ¢., 80, 32, 86, 90, 102-103. Nadpist... Tsoktu-taiji..., I, p. 225-226; Naiji-toin, 53.
Cette ancienne coutume se refléte fort bien dans l’épopée héroique mongole. 3. On sait que les saman sont avant tout « medecine-man »; cf. Naiji-
3. Voir S. s., 240, 242, 224-978. toin, 37. .
4. Cf. $.s., 200, voir ci-dessus. Parmi les travaux récents qui signalent 6. Les Mongols du moyen age désignaient ainsi les devins qui n’étaient
cette circonstance, envers et contre l’opinion généralement répandue, voir pas Saman ; et qui, peut-étre, remplissaient des fonctions déterminées auprés
G, E, Grum-Griimailo, Zapadnaya Mongoliya, \. II, p. 486, des féodaux, cf. S. s., 246, 252, 288, 268; Zaya Pandita, 24.
238 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FEODAT 239
d'une part, ils apportaient des habitudes civilisées, s’élevaient l’aristocratie féodale '. Mais le moine bouddhiste ne peut avoir des
contre les sacrifices sanglants et les coutumes barbares, contri- enfants, & qui reviendra le bien qui lui aura été attribué? L’église
buaient au progrés de lécriture, d’autre part ils accomplis- bouddhique jaune donne & cette question une réponse nette et
saient des « miracles », apaisaient les vieux esprits (onggud)', ferme : un grand prélat ne disparait pas ; sa mort ne signifie rien,
introduisaient des rites auparavant inconnus, des _proces- car c’est un réincarnable (hudelgan) ; il se réincarne, renait sur le
sions, conféraient les « initiations » ? les plus variées, affir- champ, et ses droits et ses prérogatives sont bien entendu attribués
maient que les noyan sont devenus maitres en récompense a sa nouvelle incarnation. D’autre part, il existe des monastéres,
des bonnes actions accomplies au cours de leurs incarnations institutions permanentes dotées d’une organisation réguliére,
antérieures *. conservant invariablement leur personnalité juridique.
Les féodaux mongols s’affili¢rent 4 la nouvelle secte, commen- Voici que les féodaux mongols commencent a donner en
cérent a protéger ses propagateurs; ensuite, a leur instigation, apprentissage aux moines bouddhistes leurs a/batu et leurs
ils entreprirent de « catéchiser » leurs sujets, d’encourager l’en- bogol, ainsi que des gens de service. Avec la multiplication des
trée dans l’ordre monacal par des faveurs et des priviléges (les donations de ce genre, il devint trés rapidement évident que
moines étaient exonérés des charges, etc.). Des monastéres souvent entre disciples (Saz) et serviteurs des lama? il n’y
bouddhiques ne tardérent pas 4 apparaitre chez les Mongols, avait aucune différence ’.
ainsi que des /ama et prélats de naissance mongole, souvent Sabi et serviteurs devenaient de véritables vassaux-serfs
issus des rangs de cette méme aristocratie féodale. Les prélats (albatu) des moines bouddhistes, mais par fausse dévotion on
tibétains répondirent par des attributions de titres‘, et ne mar- continuait et jusqu’a présent on continue a les appeler sadz‘.
chandérent pas — fait remarquable — les titres de han a ceux
qui, par leur situation, étaient devenus des souverains presque | 4. De nombreux exemples peuvent étre empruntés a diverses scurces ; ils
indépendants *. sont particuliérement nombreux dans Zaya Pandita, voir par ex. f. 46: deux
princes oirat offrent a Zaya Pandita (milieu du xvu® s.) quarante jeunes
Comment le féodal mongol! pouvait-il exprimer le mieux ses garcons, quarante maisonnées de gens ordinaires et cing cents chevaux mo-
bonnes dispositions envers le prélat ou le monastére bouddhique ? reaux; tandis qu’un autre féodal, également oirat, imposa la tonsure du
En leur attribuant, bien entendu, les faveurs dont il disposait: noviciat 4 cinquante garconnets, dont il offrit trente 4 Zaya Pandita; f. 4:
le prince dérbal offre au prélat bouddhiste dix novices, qui viennent de
priviléges (darha) et dons (dglgd). Et les féodaux commencent recevoir la tonsure, cing mille tétes de bétail et divers objets. Un autre
4 consentir aux moines bouddhistes le don de leurs principales prince oirat agit de la maniére suivante (idid.. f.7): afin dese procurer les
richesses, bétail et gens. Ceci tout simplement, et facilement, moyens nécessaires 4 un pélerinage au Tibet, il réunit tout son bétail, conduit
personnellement le gros bétail en Chine, pour le vendre, et offre six mille
parce que les moines bouddhistes avaient besoin de disciples pee brebis & Zaya Pandita. Et les princes mongols méridionaux offrent au moine
susceptibles de continuer leur ceuvre, et de serviteurs (Adt6¢?): bouddhiste les garconnets ct les jeunes gens ohinois ou coréens dont ils se
et d’autre part, certains prélats faisaient eux-mémes partie de sont emparés en guerre, et celui-la en fait des moines. Naiji-toin, 64.
2. Selon l’époque et le lieu, on les’ désignait par des noms différents par
exemple qara kétééi (Zaya Pandita, 5); ou encore selon leur spécialité:
4, [Onggiit est un nom de tribu. — P. P.]. stiritkéin. « berger du bétail monacal », kdyid-tin sakiuldin ~ sakigéin,
2. Un prince mongol a méme déclaré que « Vinitiation en vue d’obtenir « garde-protection du monastére » (H. j.); mais le plus souvent on rencontre
des pouvoirs parliculiers » (abisig) est un fait coutumier pour le hagan et les la dénomination générale de gabinar « disciples » ; [« éléves »], hurarag-un
fonctionnaires, voir S. s., 280. Sabinar (« disciples de ordre »).
3. Les moines bouddhistes ont méme déclaré que les noyan sont des divi- 3. Les moines pouvaient, eux-mémes, provenir du milieu des éadi, leur
nités (¢déngri), dont la filiation remonte aux habitants des cieux. C’est préci- situation, dans ce cas, était tout 4 fait différente. Le mot Sabi recoil, a partir
sément pourquoi ils ont introduit ’usage hindou de donner aux noyan le du xvu® siécle, deux significations: 4) il désigne le « disciple » de telle ou
titre de téngri (tanggar) noyan, « divin-maitre ». Mais d’autre part, on telle personne, ou bien le « disciple » de tel ou tel monastére, c.-d-d. un
suggérait que pour avoir fait preuve de grand mérite dans les vies antérieures, moine bouddhiste simplement, 2) il désigne un sujet, un vassal asservi,
les hommes pouvaient étre jugés dignes de devenir des moines bouddhistes. laique ou non, appartenant au monastére, au prélat ou méme a un moine
D’ot Valliance naturelle de ces « meilleurs ». quelconque; mais le plus souvent on donnait ce nom aux vassaux-serfs
4. S.s., 236, 254, 264, 276. laiques des moines.
5. S.s., 252, 254, 264, 4. Zaya Pandila, 32, 35; H.7.,
v 2.
240 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE LE REGIME FRODAL 241
Hubilgan et monastéres se trouvérent, par conséquent, faire leurs seigneurs féodaux et voyant dans léglise bouddhique la
figure de feudataires patrimoniaux'. Leurs gens regoivent la possibilité d’une carriére tout a fait exceptionnelle pour un
méme organisation que ceux des féodaux laiques. Ils sont éga- mongol ordinaire.
lement répartis en ofog et ayzmagq, possédent des fonctionnaires®. Parmi les prélats bouddhistes, une situation particuliére était
Ils dépendent des trésoreries des monastéres ou des pudbslgan réservée au hutuhtu d’Urga'. Tout d’abord, le premier hudelyan
(sang chez les Mongols °, Sang chez les Oirat)‘. Seigneurs féodaux fut réincarné par le fils de l'un des plus puissants princes halhas,
et suzerains reconnaissent volontiers les prélats ou les lama maitre d’une trés grande seigneurie, Tusi/itii-han. Cette seule
comme étant leurs vassaux, ou leurs égaux’. Ils ne craignent circonstance, c’est-a-dire le fait que le fils d’un illustre et puis-
guére les féodaux spirituels qui, de méme que les moines, ne sant suzerain était devenu moine bouddhiste, lui créa une situa-
sont pas des guerriers; les seigneurs ont bien compris les avan- lion que nul autre n’aurait pu atteindre. C'est pourquoi, le
tages résultant pour eux d’une alliance avec les prélats, tout par- hutuptu d’Urga est devenu le chef, en quelque sorte, de tous les
ticuliérement & l’époque ou l’église bouddhiste est parvenue a monastéres du pays halhas, de tous les prélats et des autres dama
conquérir les larges couches populaires®. Enfin, un grand halhas. D’autre part, il disposait d’un si grand nombre de sabi
nombre de personnes devenaient de leur propre gré saé¢ d’un et de moines* qui lui étaient immédiatement subordonnés, qu il
prélat ou d’un monastére’, échappant ainsi & la domination de devint l’un des seigneurs les plus puissants du pays halhas. Les
circonstances politiques, les fortes pressions extérieures qui se
manifestaient de différents cdtés, la fin des grands Aan mongols
4. Lois oirates, 3.
2. H. f., 6, 8, 9, 45, 42-43.
et d’autres causes intérieures, firent que les féodaux halhas,
notamment dans les deux khanats orientaux, commencérent 2
4, Zaya Pandita, 28, passim. Les gérants de ces trésoreries s’appelaient considérer leur parent, le Autwhtu, comme leur suzerain et leur
Sangjodba, mot emprunté au tibétain ; ils remplissaient le réle d’administra- chef supréme, presque comme un hagan® panhalhas. Ceci se
teurs ; voir encore Hf. j., 2, 42-43. A. M. Pozdnéev attribue a tort au gouver-
nement mandchou linstitution du sangjodéa d’Urga (voir La Mongolie et trouve, entre autre, attesté par le fait que les féodaux halhas
les Mongols, I, p. 549), les Mandchous n’ont fait que confirmer ce qui renoncérent en faveur du Autustu A certains de leurs droits,
existait déja. ;
3. Enumérant les participants au congrés ot furent élaborées les lois
exprimés par Vimmunité‘.
halbas, H. j. réserve une des premiéres places de gangjodba au prélat boud- Ainsi, par exemple, l’assemblée des princes des trois hogan
dhique et seigneur feudataire Jabzun damba-hutuhtu (p. 2), dont il sera orientaux (deux khanats) attribua au Autuhtu le droit dasile,
question plus bas. ; cest-a-dire le droit d’accueillir et de protéger tous les fuyards des
6. Dans les conflits féodaux, les moines bouddhistes prenaient parti pour
Pun ou pour l’autre, selon les circonstances. Mais i] est fort intéressant d’ob- autres seigneuries et fiefs *.
server que parfois, les moines bouddhistes déclaraient qu’ils ne sont les par- D’autres droits et prérogatives réservés au hutuhtu d’Urga lui
tisans d’aucun groupe féodal, mais qu’ils se rattachent au peuple entier. réservaient une situation beaucoup plus forte et plus haute que
Lorsque s’affirma la victoire du han de Djoungarie {Ja/in gar), Galdan-
Bosoqtu-han, les moines hosut déclarérent, afin de sauver leur vie et leurs celle méme des fan halhas °.
biens: Dérbén Oyirodiyin blama miini tula, mani ilgahu tigdi. bidan-dn cu Ainsi, un nouveau courant pénétre la société mongole, sous
Ogligdyin dzdn ilgal-iigdi mini tuta, kant gadana dbayibadu ilgal-ugai (daya
Pandita, 31), « Puisque nous sommes les lama des Dorbén oirat, on ne doit
pas nous répartir (entre groupements poliliques). Comme il nous importe 1. Il portait officiellement le titre de Jabdzun-damba-hutubtu ; le peuple
peu qui est notre bienfaiteur, il nous est égal auprés de qui nous trouver. » Phonorait du titre de dndur-gagén, on sait qu'il passait pour incarner
Par ailleurs, devenus papes bouddhistes au milieu du xv’ siécle, les Dalai- Pillustre historien tibétain Taranatha.
lama commencent a exiger que les moines bouddhistes en Mongolie et chez 2. I reconnait Jui-méme « avoir un trés grand nombre de Sabi », Arda-
les Oirat soient exonérés @impdts et ne soient pas soumis a la volonté des nyin drihd, 28,
princes; voir le message du Dalai-lama au han oirat, princes, sayit et au 3. H. j., 3-45.
peuple entier, Zaya Pandita, 34-35. Moines et monastéres commencent éga- 4. Ibid., passim.
lement a se charger de l'éducation des seigneurs-féodaux, comme le faisaient 3. 9.6 49-43, 13.
autrefois les sayit. 6. H. j., 248; voir également les autres sources concernant la deuxieme
7. Voir par ex. Naiji-toin, 37, 46-47. moitié du xvne¢ siécle, I. §.; Ardanyin ariha.
16
942 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
dailleurs liés ’'un & Vautre par la parenté et par la transmission sation entre les mains d’un seul féodal ou d’une seule maison
des droits de succession. Par ailleurs, l’empereur mandchou est féodale des possibilités du marché étranger, l’éventualité
plus puissant. En effet, les grands Lagan mongols ont fini par d’exploiter les incursions et les expéditions militaires contre des
devenir de simples Aan éahar, tandis que l’empereur mandchou régions civilisées, contribuaient 4 grouper les fiefs autour d’un
a su obtenir le sceau de jaspe et s’asseoir sur le tréne a Dai-du seul suzerain. Ce que favorisait également la tendance des petits
(Pékin), cité impériale de la dynastie Yuan, dont les féodaux féodaux 4 s’assurer une existence plus calme, plus sire, méme
mongols déploraient la perte depuis tant d’années. Ceux qui au prix de certains sacrifices, notamment l’obligation de servir
répudient l’empereur mandchou s’insurgent non point contre un le suzerain.
conquérant étranger, mais contre leur suzerain légitime, lequel, Ces tendances,. observées 4 diverses époques chez les Mongols,
dans le seul souci de l'intérét général, notamment celui des Mon- se manifestent avec évidence également au xvn® siécle, ainsi
gols, a décidé de retenir d’une main ferme le sceau de jaspe. qu'il a déja été mentionné. A ce propos on remarque que les
Si lon observe les relations de la cour mandchou avec les Halhas, c’est-a-dire les seigneurs féodaux halhas, tendaient a se
Mongols au xvn' siécle et au début du xvin‘ siécle, ainsi que les grouper autour du hutuhtu d’Urga, le Cahar Ligdan-han cherchait
réactions provoqueées par la politique mandchou sur les esprits de a rétablir le pouvoir des grands Adn, tandis que lOirat Galdan-
la classe mongole dirigeante a cette époque, on constate l’adresse BoSoqtu voulait entreprendre la conquéte des Mongols orientaux
inflexible avec laquelle les Mandchous appliquaient ces principes et les soumettre 4 son pouvoir, comme il avait soumis une partic
dans la vie, sans égard aux dépenses, sans épargner les prin- des Oirat. Mais ces tentatives échouérent, car ceux qui cher-
cesses de la maison impériale, contraintes 4 épouser des féodaux chérent & les réaliser n’avaient pas leurs arriéres suffisamment
mongols, sans hésiter a recourir & la force armée si les cir- assurés, du point de vue économique et social, ils n’avaient ni la
constances |’exigeaient. possibilité, ni la force de tenir les routes conduisant vers les
La situation intérieure de la Mongolie féodale était particu- marchés étrangers et vers la conquéte des régions riches et civi-
ligrement favorable aux Mandchous. On a déja eu loccasion de lisées.
signaler & plusieurs reprises deux courants opposés qui s’affron- Vers le début du xvi’ siécle, les Mandchous, l’aristocratie
taient dans la vie féodale mongole. Tout en essayant de saisir la féodale dirigeante des Mandchous, se trouvérent précisément en
réalité & travers ces contradictions, on ne saurait oublier que le bonne posture & cet égard. Leurs arriéres étaient solides et bien
féodalisme mongol maintenait une économie nomade stagnante assurés, ils possédaient des régions civilisées, livraient a la Chine
et primitive, une économie naturelle, qui dépendait malgré tout des guerres victorieuses, annoncant sa conquéte, et contrélaient
du marché extérieur et des relations commerciales ou des guerres le commerce de toute l’Asie centrale et de ‘Empire du Milieu.
prédatrices avec les régions civilisées. Les féodaux mongols leur accordérent la préférence, ils pré-
Les courants qui s’affrontaient dans le féodalisme mongol se férérent ’empereur mandchou 4 leur fan Cahar, lequel préten-
manifestaient d’une part dans la tendance ininterrompue, de plus dait devenir un second Cinggis. Mais Liigdan ne pouvait qu’ar-
en plus accentuée, vers le morcellement des fiefs et vers l’affai- borer le titre de Cinggis, tandis que l’empereur mandchou avait
blissement complet du pouvoir central; d’autre part, on obser- partiellement réalisé lceuvre de Tamiijin: il avait occupé la
vait dans ce méme féodalisme une tendance au groupement des| Chine et soumis & son pouvoir d’autres régions et d’autre pays.
fiefs autour d’une ferme autorité souveraine. Les féodaux mongols ont suivi le plus riche et le plus fort,
Le régime féodal des Mongols contribuait par lui-méme au celui qui pouvait le plus facilement les réunir sous leur ancienne
morcellement des fiefs et conduisait 4 l’affaiblissement du pou- banniére. On n’oublie pas, non plus, qu’ethniquement les Mand-
voir de tout suzerain, en raison de la coutume d’attribuer des chous étaient trés proches des Mongols, leur aristocratic parlait
fiefs 4 tous les fils du seigneur, en raison aussi de l'économie le mongol et fit pendant quelque temps usage de la langue litté-
nomade extensive favorisée par l’abondance des paturages et des raire mongole. Les milieux féodaux mongols et mandchou étaient
autres dépendances territoriales. Et simultanément, la centrali- particuli¢rement liés. Des mariages ne tardérent pas a unir
252 LE REGIME SOCIAL DES MONGOLS DE LA PERIODE MOYENNE
encore plus étroitement les représentants des deux sociétés
féodales. En outre, a cette époque, l’aristocratie mongole s’affir-
mait une adepte zélée du bouddhisme tibétain, tandis que la cour
impériale mandchou s’était non seulement convertie & ce méme
bouddhisme, mais était devenue en outre son protecteur supréme;
mieux encore, aux yeux des masses populaires, Vempereur.
mandchou était devenu l’incarnation méme de la divinité boud-
dhiste, presque le chef de l’église bouddhiste. Les féodaux ecclé-
BIBLIOGRAPHIE
siastiques, les nombreux monasteéres et les Jama suivirent natu-
rellement l’empereur mandchou voyant en lui une source d’éclat
pour leur foi, et d’expansion pour leur bien-étre. 4. — PRINCIPALES SOURCES EN LANGUE MONGOLE:
En soumettant méthodiquement & leur pouvoir, au xvi siécle,
lun aprés |’autre, les groupements féodaux mongols, les Mand- Altan tobdi (La légende dorée) (A. t.).
chous cherchaient 4 imposer partout, dans la mesure du possible, Batur-Timan.
Bilig de Cinggis-han.
un état de choses sensiblement pareil. En ragle générale, ils ne Biographie de Nayiji-toyin.
détruisaient pas les seigneuries, groupements féodaux ou khanats Biographie de Zaya-Pandita.
déja constitués, mais établissaient seulement des frontiéres bien Bodhicaryavatara
Bolor toli.
délimitées tant l’intérieur qu’a Pextérieur de ces groupements. Chroniques buryat.
Les grandes seigneuries, khanats d’antan, se nommérent ayimaq, Code de lois de la Chambre des relations extérieures de empire mandchou
.
et les fiefs attribués a certains seigneurs féodaux a titre personnel Nouveau Code de lois mongol de la Mongolie autonome, 1914.
Arddnyin dria.
furent désignés sous le nom de fosigun > hosu. L’unité féodale Gabang Sarab.
de base, le fief-propriété nomade était précisément le hogan, Gombojab.
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be >
PPAR sete geet
INDEX
Chine, 38, 155, 160, 162, 164, Kariilin, 43, 47, 48, 50, 54,
165, 167, 168, 4169, 174, 55, 58.
481, 182, 183, 194, 196, Kobdo, circonscription de, 38,
237, 239, 243, 249, 251. 63, 69, 244, 246. ,
Corée, 162, Koké-hoto, 168, 245.
270 INDEX DES NOMS DE TRIBUS, CLANS, FAMILLES
INDEX DES NOMS DE TRIBUS, CLANS, FAMILLES 271
Kilin-Buir, 40. Perse, 7, 162, 163.
Halhas, 1, 2, 24, 44, 169, 170, Markit, 42, 43, 52. 60, 64, 69,
Mandchourie, 4, 162, 243. Qara-Hoto, 54. 176, 200, 204, 204, 228, 142.
Maveranna‘ar, 173. Qara-Qorum, 53, 54, 159, 165, 230, 234, 243, 244, 246, 251. [Ming (dynastie), 15, 18, 20,
- Mogolistan, 173. 184, 185. Hanggin, Qanggin, 181. 26, 167.]
Mongolie méridionale, 1, 22, Russie, 110, 118, 130. Harhatan, 181. Mogols, voir Afghans mogols.
129, 243, 244, 245, 246, 248. Hatagin, 116. Mongols habitant le Tibet, 4.
Mongolie septentrionale, 2,243, Selenga, 42, 85, 173. Honggirat, voir Onggirat.
244. Tanguto - Tibétaine, marche, Hortin, voir Qoréin. Nagiis, 136.
Mongolie du Nord-Ouest, 2, 33, 168. Horde d’Or, 13, 19, 162. Naiman, 62, 116, 128, 131,
129, 162. T’ien-chan, 173. Hogut, 201. 132, 142.
Mangui, 163. Tibet, 168, 181, 236, 239, 243. Hulabat, 174. Nirin, 136, 142.
Onon (Onan), 43, 47, 48, 50, Tola, Tu'ula, 43, 48, 76.
Transbaikalie, 24, 245. Jadarat, Jajirat, Jadaran, 64, Oirat, 2, 20, 21, 28, 33, 33, 45,
74, 83, 941, 412, 120.
Ordos, 20, 168, 169, 178, 183, Tiingili, riviére, 46. 106, 109, 144, 142. 49, 60, 117, 128, 129, 140,
245. Turkestan oriental, 2, 54, 53,
Jalair, 78, 80, 82, 84, 83, 99, 142, 167, 169, 170, 174, 177,
Orhon, 53, 54. 173. 107, 113, 169, 204. 186, 182, 190, 192, 193, 194,
Orna’ti, 136. Tu'ula, voir Tola.
Jarti‘ut, 64. 195, 201, 202, 203, 206,
Jawuriait, 63. 208, 217, 219, 220, 221,
Pekin (Pei-king), 38, 54, 159, Volga, 2, 23, 33, 33, 48, 88, Jirgin, 417, 125. 224, 227, 228, 230, 231,
163, 167, 183, 184, 250. 172, 177, 179, 244, 247, 248. Jurki, 74, 89,90, 91, 162, 108, 233, 234, 240, 243, 248, 251,
— 142,120, 122. Olon Donggait, 117.
Jiuryat, 64, 104, 114. Olqonut, Olqunut, 58, 39.
2. — INDEX DES NOMS DE TRIBUS, CLANS, FAMILLES « Oman », voir Olon Dong-
ET LIGNEES MONGOLS Kalmouk, voir Qalmiq [Qal- qait.
maq]. Onggirat, Qonggirat, Honggi-
Adarkin, 137. Borjigin, 57, 58, 60, 61, 64, Karait, 46, 49, 60, 74, 76, 84, rat, Qongrat, 58, 100, 107.
Afghans mogols, 3. 63, 78, 83, 84, 89, 90, 91, 85, 95, 100, 103, 104, 108, Onggajit, 123, 127.
Alagéi’ut, 180. 98, 100, 108, 117, 129, 134, 441, 144, 115, 417, 123, Ongiit, 140, 171, 238.
Alains (Asut, Asot), 169, 225. 187, 190. 124, 125, 131, 136, 4142, Ordos, 181, 226, 235.
Arulat, 98, 111, 183. Bulagatin, 44. 148.
Asses, 169. Buryat, 2, 28, 30, 34, 40, 99, Karamii¢in, 44. Qalmiq, Qalmaq (Kalmouk), 2,
Asut, Asot (Alains), 169, 225. 128,170, 173, 243, 245, 247, Kasigtiin, 169. 23, 30, 32, 33, 38, 45, 177,
Auhan, 180. 248. Kirgiit, 169. 243, 245, 246, 248,
Angka’‘iit, 182. Kilinggut-Orna’ut, 142. Qanggin = Hanggin, 181.
Cagan Tatar, 169.
« Kilinggut-Uryad'ut », voir Qatagin, 120.
Ba‘arin, 57, 60, 61, 64, 89, Gahar, 9, 169, 172, 174, 200. Kilinggut-Orna‘ut. Qi’at
102, 141, 114, 137, 139, 140. « Cangsikit », Vor Cang3i’ut. (Qiat > Kiyat)-Borjigin,
Kiyat- Borjigin, voir Qi’at. 89, 100, 102, 107, 114, 143,
Bagarhun, 174. Cangéi’ut, 74, 82. Qiat. 126.
Bagatut, Ba’atut, 174.
Bait, 63, 69. Dahur, Da’ur, 4. Kiyat-Yiirkin, 109. Qonggirat, voir Onggirat
Darhat, 178, 183. « Kiytit »-Yiirkin, voir Kiyat- Qoréin (Hortin), 176, 198,
Bargut, 75.
Donggait, 115, 117. Yirkin. 225, 245.
Barulas, 145.
Dorban, 37, 60, 107, 202. Qorilar, 41.
Basiit, 144, 144, 142. Ma’aliq-baya’ut, 69, 83. Qori-Tumat, 41.
Baya’ut, 71, 78, 82, 83, 85, Ganigis, 139. Manqut, Manhut, Manqgut, 75, Qorlat, 184.
99, 107, 108. Gorbtin, 170. 79, 117, 136, 144. Qotogoitu, 170.
272 INDEX DES NOMS PROPRES INDEX DES NOMS PROPRES 273
Salji’ut, 57. Tumin-Tibiigan, 117. Banzarov Dordzi, 39, 181. 174,177, 178, 187, 204, 202,
Sarta’ul, 169, 476. Tutuqli’ut, 74. Baranov A., 37, 174. 203.
Suldiidai, 125. Ujuiméin, 169.
Barim-8i/iratu-qabiti, 63. Bilga-biki, 60.
Siildiis, Suldas, 55, 84, 85, 151. « Barga» [forme fautive. — « Bisiiliin », voir Yesiiliin.
Urat, 169.
Sunnites, 154. P. P.j, voir Okin-bargaq, Blochet E., 7, 130, 178, 182,
Sanggéas, 170.
Uriyanghat, 70, 83, 83, 98, 118. 235.
141, 1413, 175, 176, 260.
Bars - Bolad - Sayin-Alag, 199, Bodi-Alag, 198, 224.
Taiti‘ut, 78, 79, 88, 84, 87, Uru'ut, 79, 147.
224, 225, 226, 234. Bodidara-othan-taiji, 225.
90, 91, 92, 94, 96, 97, 98, « Wang-gojin », voir Ongqa- Bartan-ba’atur, 82, 89, 92, 112. Bodonéar, 57, 59, 60, 61, 63,
100, 104, 107, 111, 115, 124. jit. Barthold (Bartol’d) V. V. 3, 7, 64, 67, 83, 89.
Tanggut, 43, 169. 8, 9,10, 44, 12, 138, 14, 44, Bogdanov M. N. 28, 29, 34,
Tarqut, Tarqat, Targut, 71, « Yisiit », voir Basit.
42, 48, 49, 53, 54, 61, 65, 35, 38.
82. Yongsidbii, 225. 70, 72, 73, 85, 97, 102, 108, Bogolepov M. J., 37.
Tatar, 65, 66, 71, 74, 76, 77, 95, Yuan (dynastie) (11, 13, 45, 106, 107, 140, 122, 125, 127, Bolad-cingsang, 7.
96, 100, 109, 126, 133, 134, 18, 20, 54, 160, 164, 165, 129, 131, 183, 134, 4146, Boloban A. P., 87.
142, 146, 148, 164, 163. 168, 175, 180, 182, 186, 147, 149, 150, 133, 156, 158, Bo'oréu, Bo’oréu-noyan. 67,
Toqura‘ut, 71, 82. 187, 190, 202, 204, 224, 160, 163, 4165, 41738, 175, 69, 98, 1415, 117, 120, 124,
Tiimiid, 181, 182, 200. 228, 230]. 176, 190, 155, 183.
Basnin V. N. Borg C. F. von, 36.
Batorskii M., 37. Bort, 46, 64, 69, 126.
3. — INDEX DES NOMS PROPRES Batu, 63, 138, 174. Bosoqtu-han, 203.
Batula, 193. ‘Bo'urci-noyan, voir Bo’ortu-
Abel Rémusat, 17, 98. Aristov, N. A. 3. Batu - Méngka - Dayan - hagan, noyan.
Abu-/] Gazi, Abu-'] Gazi Baha- Aruq, 160. voir Dayan-han. Boyer P. 31.
dur Han, 3, 147, 176. Arugtai-taisi, 188, 244. Batur-hung-taiji, 228, 234. Bretschneider E. 10, 14, 44,
Ati, 224. Asan == Hasan, 42. Batur-Timin, 202. 17, 27, 38, 54, 129, 176,
Atiq-sirum, 117. « Ast »-Timir, voir Asig- « Batyé », voir Batu. 192,
Adai-taiji, 188, 189. Tamir. « Bayon »-cohur, voir Bayin- Brosset M., 12.
Alan-goa, Alan-go’a, 57, 58, Asig, 137. cohur. Browne E., 7.
59, 67, 68, 70, 83, 89, 98, ASiq-Timiir, 85. Bayin-cohur, 181, 196. Bugu-qatagi, 67.
187. d’Avezac, 146, 149. Bazin, 184. Buhler F., 25, 36, 177.
Alagq, 111. Albig, 72, 115, 229, 232. Bell, Charles, 22, 222. Buga, 113.
Alaq-Udur, 109. Asiin-taisi, 190, 192, 196. Bennigsen A. P., 37. Bugatu-salji, 57, 67.
Aldi, 145, Bentkovskii J. V., 36. Burdukov A. V., 21.
Alvidai, 126, 128, 142. Ba‘aridai, 60. Berezin J. N., 7, 44, 17, 39, Burguji-noyan, 28.
Aléudai, 180. Badai, 86, 87, 125, 158. 40, 52, 58, 62, 64, 74, 82, Burhan, 125.
Aléulai-Agulhu, 181. Baddeley F. F., 16. 97, 106, 108, 109, 119, 120, Buri-béko, 94, 141, 1412, 120.
« Aljulat »-Agulbu, voir Aléu- « Béduanéar » [forme fautive 125, 128, 129, 130, 137, 138, Busse T., 37, 249.
lai-Agulhu. & supprimer. — P. P.], voir 141, 142, 149, 150, 151. Buyuruq-han, 62, 107.
Altan-han, 71, 81, 86, 108, Bodonéar. Bergmann, 33.
446, 167, 197, 233. Baiju-noyan, 152. [Bergeron P. 68, 146, 149, 150.] Charignon, 163.
Ambagai, 65. Balgiiniitii, 67. Bicurin P. Hyacinthe, 11, 23, Chavannes E. 15, 183.
Amur-Sanan, 35. Balgitai. 74, 91, 126, 128, 24, 25, 27, 36, 38, 45, 50, Cordier H., 413.
« Aolan »-Udur, voir Alagq- 153, 225. 66, 107, 148, 149, 156, 174. Courant M., 16, 27.
Udur. Bambaev B. B., 26.
18
274 INDEX DES NOMS PROPRES INDEX DES NOMS PROPRES 275
Ca’adai, Cagatai. 52, 62, 64, Dogolqu, 115. ‘Hasan, voir Asan.
138, 139, “160, 162. D’Ohsson, 7, 414, 26, 46, 48,
Joti, Judi, £2, 62, 64, 126, 130.
Hasan, voir Gasan. Joti Darmala, 66, 84.
. Cabi tin-han, 181. 49, 53, 54, 69, 129, 130, 138, Hauer E., 153. Juci- han, 119, 135, 139.
Cagan- -goa, 136. - 147, 148, 152, 154, 155, 165, H@‘éliin, 58. * Juéi-Qasar, 414, 153,
Canai, 443. 187. Homére, 9.
Caraqai-lingqum (Caraga-lin- irdadai, 417.
Dondugq-da-si, 23, 30. Hong Kiun, 7. « Jur-Judai », voir Jurcadii.
gum), 81, 94. Dubrova Y. P., 2, 36. Howorth H., 3, 27.
Cirkiis, 135. Du Halde, 16. Jusuq, 75, 141.
Huc E., 32. Juwaini, 49, 134, 153.
Cila’un, 67. Dulaurier E. 12. Hiilagii-han, 7, 135, 138.
Gila’ un-Qayiti, 113, Duwa-sogor, 57. Huth G, 22, 167, 169, 188, 204.
Cilgir, 64. Hutubtu d’Urga, 228, 244, 251. Kiaitai-noyan, 85, 117.
Fischer J. E., 28. Kafarov Palladius, 8, 9,10, 44,
Gimbai, 67. Hyacinthe P., voir Bicurin.
Fustel de Coulanges, 17. 13, 34, 32, 38, i, 44, 83,
Ginggis- hin, 9, 10, 14, 17, 24.
42, 43, 45, 46, 48, 49, 54, Gabang Sarab, 204, 202. 62, 63, 85, 87, 99, 103, 104,
Ibir, 198.
52, 536, 57, 58, 59, 60, 64, Galdan-BoSoqtu-han, Galdan- 105, 112, 148, 117, 132, 136,
Tlaqu (Ilagu),183.
62, 64, 66, 68, 71, 72, 74, hung- taiji (dGaldan- -hung- 139, 151, 154, 186, 163, 164,
Iléidai-noyan, 125.
73, 76, 77, 78, 80, 83, 84, taiji), 23, 219, 240, 231. Igumnov A. V., 23. 185, 237.
86, 87, 88, 89, 90, 91, 94, Giriisiinja, 476. Kallinikov A. 32.
Ivanovskii A. A., 36.
97, 98, 102, 103, 104, 105, Gasan- han
= Hasan, Gazin, 7. de Keralio, 3h.
Ivanovskii A. O., 38.
106, 107, 108, 411, 112, 113, Gasir-Bogdo, 26. Khangalov M. N., 28, 34, 38,
114,145, 116, 147, 118, 119, Gengis-khan, voir Cinggis-han. Jabi, 141, 118, 146, 117, 140. 40, 99.
120, 121,122, 123, 124, 126, Georgi J. G., 34, 35. Jabka, 113. Khanykov N., 3.
127, 128, 130, 132, 133, 133, Gerbillon, 16. Jadai--noyan, 75, 79, 1415, 144. Khondemir = Hondimir, 125,
136, 137, 138, 139, 140, 141, Gmelin J. G., 34. Jadaradai, 63, 64.. 130, 156, 165.
142. 143, 147, 148, 154, 153, Golstunskii C. F., 13, 21, 23, « Jédi », voir Jadii- -noyan. K’ien-long, 11.
154, 1535, 137, 158, 159, 160, 24, 25, 30, 145, 170, 177, Jagatai, voir Ca’adai. Kirakos, 50, 88, 127, 130, 147,
161, 164, 169, 170, 174, 173, 228. Jalair-hung-taiji, 204. 154, 152.
182, 183, 184, 187, 188, 189, Gomboev Galsan, 20, 26, 195. Klaproth J., 7, 14, 34, 54.
Jilmé, 98, 112, 118, 116, 118,
190, 191, 192, 193, 195, 196, Gombojab, 169, 174, 176, 180, Klements D. A., 28, 40, 99.
200.
200, 202, 214, 225, 235, 186. Koétnev D. A., 176.
Jamuga, Jamuga, Jamuga-
_ 249. Gorskii V., 28, 269, Kokoéu-kirsa’an, 84.
sitin, 40, 43, 59, 64, 65,
Corug-bai Timur, 182. Grodekov J. J., 145. Koékbdbs, 139.
66, 76, 84, 103, 107, 108,
Da‘aritai-ottigin, 125. Grousset R., 63. 109, 116, 122, 136, 141. K6k6ti, 81, 99, 144, 124.
Digii, 144. Grumm-Griimailo G. E., 20, « Jaraya », Voir Caraqai-ling- Kolesov N., 15.
Dai-sidtin, 58, 59. 27, 36, 39, 40, 98, 107, 236. K6éndélén-Uba&i, 207.
qum.
Gidciigiir, 141. Kostenkov C., 2, 36.
Dargai-Uha, 116.
Guilinti, 234.
Jartiudai, 98, 112. Kotin, 154.
Dayan-hagan, 176, 183, 192, Jasaqtu- han, voir Zasaqtu-han.
195.196, 198, 199, 203, 205, Guiréenko Y. P. Kotwicz W., 8, 9, 16, 24, 22,
Jasugq,, voir Jusuq.
224, 235. « Gungur », voir Ménggiir. 24, 36, 29, 49, 54, 54, 84,
Jaucin-« Urguz », voir Jauéin
Defrémery M. G., 125, 130, Gurland Y. J., 25. 144, 162, 165, 168, 174.
Guroh, 125. Mordigai.
136, 165. Kowalevskii O. 21, 23, 24,
aucin Hordigai, 94.
Delamarre 15. Gi'iin-u’a, 113.
Jawuriidai, 63.
443, 179.
Desmaisons, 3. Giyiik, 63. Kozlov P. C., 32, 33, 54.
« Nida »-noyan, voir Jidai- Koz’'min N. N.. 28, 35, 42.
Dobun-miirgiin, 57, 69, 81. Haenisch E., 9. noyan.
Krause A. E., 10, 44, 15.
18,
276 INDEX DES NOMS PROPRES INDEX DES NOMS PROPRES 277
Kroll M., 34. Monulun, 68, 80. Pal’mov N. N., 30, 36, 38. Qaidu-han, Qaidu, 80, 82, 94,
KusSelev G., 37. Moule, 68, 129, 151, 161, 164. Parker E. H., 27, 167, 168, 97, 98.
Ligdan-han, 203, 249, 254. Moris M., 33. ; 185, 197. Qamus, 74.
Lamb H., 15. Mostaert A., 9. Patkanov K. P., 12, 35, 54. Qara-Mongiitii-Uha, voir Mon-
Laufer B., 13, 18, 19, 20, 22, Mugali, 11, 143, 117, 118, 120, .Patkanov S. K., 14, 124. gati-Uha.
23, 24, 26, 201. 455. Pauthier, 13, 68, 129, 154, 104, Qasar, 113, 126, 128, 153, 184,
Leont’ev A. L., 34. Mulan, 183. 164, 184. 188, 195, 198, 201, 202, 225,
Leontovié T. J., 25, 28, 29, Mulgalqu, 141. Pavloy-Sil'vanskii N., 119, 130. 233.
174, 210, 220. Munulun, voir Monulun. Pekarskii
E. C., 176, 205.. Qasi, 113.
Lepekhin J., 33. Muulihai-ong, 20, 1741, 205. Pelliot P., 5, 6, 7, 8, 9, 10, 14, Qisliq, 86, 87, 125, 153.
Ligeti L., 18, 19, 20. 14, 18, A, 47, 80, 53, 5B, Qorti, 59, 102, 137, 140.
Lipovtsov S., 23, 24, 25, 38. Niiiji-toin, 24 167, 216, 217, 2214, 61, 63, 66, 68, 69, 74, 74, Qorilartai- mirgin, 41.
Luchaire A., 841, 86, 210. 226, 227, 231, 234, 239, 240. 75, 79, 81, 82, 89, 92, 94,
Niikiin-taisi, 60, 102. Qoro-Qajar-ba’atur, 78.
Magakii, Ma’akii, 128, 150, 99, 103, 109, 112, 114, 115, QoSa'ul, 144,
Naqu-bayan, 69. 117, 124, 122, 125, 197, 128,
151, 456. Narin-kitin, 86.
Quatremire E., 7, 12, 14, 48,
de Mailla, 15,48. 129. 133, 134, 135, 139, 144, 55, 60, 67, 103, 119, 130,
Narin-To’oril, voir To’oril. 142,148, 154, 153, 156, 159,
Maiskii J., 2, 37. Naya’a, 111, 113, 114, 139, 150, 152, 153, 156, 182.
Maqrizi, 12. 161, 162, 164, 165, 166, 178, Qubilai- han, 7, 54,
151. 57, 418,
Malein A. J., 12. 180, {84 , 184, 188, 187, 193, 116, 135, 165.
Nebol’sin J., 35, 172. 272, 273, 283, 285.
Manduégai- siitiin- hatun, 194, Nefed’ev N., 33, 220. Quéar-biki, 60, 107, 140, 202.
196, 244. Perry-Ayscough, 32. Quduga-biki, 60, 107, 140, 202.
Mandulai, 198. Petlin, 167, 168.
Olin, voir H6‘aliin. Quidu, 111.
Mannerheim C.G.E., 32, 173. Otirov N., 33, 36, 220. Petri B. E., 34, 39, 173. Quildar-sitain, Quildar, 48, 103,
Plan Carpin, 12, 50, 52, 53, 117, 125, 136, 140, 144.
Marco Polo, 12, 16, 43, 46, Ogiidiii-ba’atur, 233.
48, 49, 53, 54, 58, 64, 68, Ogiidii-han, Ogadai, 7, £9, 52, 70, 130, 153, 158, Qulan, 126.
69, 70, 72, 129, 134, 137, 53, 63, 130, 131, 138, 143, Pozdnéev A. M., 8, 13, 18, 21, Quli, 74, 133.
140, 143, 146, 147, 181, 152, 148, 151, 156, 160, 162. 22, 27, 30, 32, 37, 39, 60, « Qulu », voir Quli.
156, 161, 163, 164. Ogiilai, 115. 103, 107, 132, 142, 153, 169, Qunan, 139.
Maspero G., 10. « Ol6arqag » voir Okin-Bargaq. 171, 176, 180, 201, 205, 224, Qurjaqus-buyuruq, 62.
Meillet A., 4. Okin-barqaq, 62, 89, 90, 112, 225, 240. « Qurug », voir Guroh, 125.
Melik-Sah, 152. Pozdnéev D. M., 15. Qutugtu-jiirki, 60, 89, 90.
120.
Melioranskii P. M., 8. Pokotiloy D., (7, 18, 27, 38, Qutul-qa’an, 45, 102, 103, 119.
Oljditu, 164.
Mikhailov V., 29. 165, 166, 167, 168, 176, 180,
Onggiir, 82.
Miller G. T., 28. 192, 195, 196, 197, 199, Rabtan, voir Tsewang Rabtan.
Oqda, 81.
Minaey J. P., 12, 70, 129, 150, Pokrovskit T. J., 167, 168. Racine, 99.
van Oost, 37.
164. Orbelian, Stefan, 12. Popov P. S., 16, 38, 54, 200. RadloffV. V., 18, 19, 43, 72,
Moléanov J. A., 37. Ordoguhai-ong, 195. Poppe N., 26, BA, 165. 169, 203, 216, 225.
Molon-han, 20. Potanin G. N., 24, 34, 50, 169, Ramstedt G. J., 3, 30.
Otter-Barry, 32.
Mong Hong, 41. L’Ordos, 20, 37, 169. 170, 176, 178, 179, 183, 187. Ramusio, 163, 164.
Mongiitii Uha, 74, 133. Puladéi, 173. Rasid ud-Din, 7, 8, 9, 41, 39,
Osten-Sacken T. P., 37.
42,44, 43, 49, 52, 55, 37,
Monggiitii-Kiyan, 82, 126. Otéigin, 67, 118, 130, 138, 142, Qabul-qa’an, 62, 63, 89,90, 102.
Ménglik, 76. 453, 225. 58, 59, 7, 61, 62, 65, 66,
Qaéi’un-ialdi, 72, 115, 67, 74,
Monggidai, 135. Pallas P. S., 28, 33, 34, 35, 73, 74, 76, 77,
Qati’un- biki, 60, 126, 153. 78, 80,
Monggir, 135. a. 83, 84, 85, 86,
117, 220, 229. Qadag-ba’atur, 103, 114, 89, 90, 91, 93, 94, 95, 97,
278 INDEX DES NOMS PROPRES INDEX DES NOMS PROPRES 279
98, 99, 100, 102, 103, 104, Stapov A. P., 34. Tch’ang-tch’ouen, 10, 16, 44, Ui urtai, 143.
105, 106, 107, 108, 109, 444, SchmidtI. J., 19, 20, 163, 169, 42, 43, 44, 47, 48, 30, Uni-Bolad-ong, 196, 206, 224,
144, 115, 116, 417, 118, 119, 181, 200. 53, 34, 55, 88, 147, 150. 225.
120, 121, 122, 124, 126, 127, Schott, 18. Tchang Té-houei, 14, 39, 42, Unkovskii J., 203.
128, 129, 134, 132, 133, 135, Schuyler E., 44. 43, 50, 52, 53, 54, 55, 72, » Ortuguhat »-ong, voir Ordo-
136, 137, 138, 139, 140, 144, Sembat, 12. ; 150, 156. guhai-ong.
142, 143, 145, 147, 148, 152, Sigi-qutuqu, Sigi-hutuhu, 76, Tchao Hong, 11, 46, 95, 127, Usov M. A., 47.
154, 155, 158, 162, 169, 174, _ 4125. 137, 151, 152, 135, 156, 178, Uspenskii V. M., 17, 27, 38,
202. Silimiin-Taiji, 417. 182, 166, 167.
Razumov, 35. Sira, 225. T’ien-k'i, 20.
Ryazanovskii, V.
Usiin, 60, 64.
A, 12, 23, Shiratori K., 187. Tiesenhausen V. G., 163..
24,25, 29, 30, 32,62, 65, 67, Sobolev, 37. Vambotsyrenoy J., 35.
Timkovskii E., 31.
69, 119, 134. 147, 138, 229. Sorqan-Sira, 52, 67, 83, 84, Timur-Tamerlan, 175, 189. Vardan, 12.
Rinéin-sicin, 226. 83, 87. Vasil’ev V. P., 10, 38, 46, 95,
Titov E. J., 172.
Rockhill W. W., 413, 48, 34, Sosnovskil, 35. 127, 137, 147, 154, 152, 155,
Togon-taisi, 189, 190, 192,
55, 68, 150. Stollenwerek, 28, 156, 178, 182.
233.
Rudnev A. D., 21. Sternberg L. J., 77. Vel'yaminay-Zernov V. V.,
Togugan-timur, 183, 187, 191.
Rubruck (Rubruquis), G. de, Strakhov N. J., 35. 130, 154, 161, 179, 181.
Toégiis-biki, 60.
12, 16, 43, 44, 47, 30, 52, Sibigii, 84. Veselovskii A. N., 10.
Toli-han, voir Tului.
53, 53, 58, 60, 67, 68, 70, Subodai, Sibi’adai, 1158, 116, Veselovskii N. J., 33.
To’oril, 81, 82, 84, 136.
134, 139, 143, 145, 150, 135. 417, 120. Vladimirtsov B. Ya. 4, 5, 6, 9,
« To'orin », voir To’oril.
Rytkoy P. J., 38. Surgan, 108. Toqmaq [Toqmay-un =
han 12, 18, 14, 18, 19, 20, 24,
Sata (Sata)-biki, 60, 102, 108, Sycevskii, 34. khan de Toqmaq. — P. P.], 22, 30, 31, 33, 49, 51, 59,
109, 120, 122. 161. 60, 64, 66, 95, 99, 107, 110,
Tacite, 114.
Sadai, 181. Toqto’a-biki, 60. 144, 121, 129, 137, 139, 166,
Tagai, 137. |
Satan-han, 207. Torii-Bolod, 224. 166, 176, 181, 185, 187, 201,
Tagqai-ba’atur, 125. 206, 237.
Salemann C., 172. Taiéar, 66. Tsewang Rabtan, 33.
Samokvasov D. J., 30, 219. Tainal- « Bid », voir Tainal- Tsongkhapa —_ [bCoa-kha-pa, Wang-han, 46, 48, 49, 51, 62,
Samoilovit A. N., 13. Yaya. Tsong-kha-pa], 222, 236. 75, 76, 81, 84, 85, 95, 103,
Samur-giinji, 189. Tainal- Yaya, 125. Tamiin-qagan, 228, 230. 104, 105, 106, 108, 109, 114,
Sanang-sitan, 17, 18, 19, 20, Tal’ko-Grintsevié G. D., 37. Tumanskii, A., 3. 114, 4417, 118, 124, 122, 136.
22, 39, 54, 61, 77, 165, 167, Tamijin, (voir Cinggis-han), Turunov A., 23, 23, 29, 30, Wang Kouo-wei, 10.
169, 170, 171, 172, 174, 178, 44, 59, 64, 69, 76, 835, 86, 35, 220. Wei-yuan, 237.
180, 181, 182, 183, 184, 185, 87, 97, 98, 101, 102, 109, Tului, 65, 126, 130, 134, 134,
186, 187, 188, 189, 193, 196 138, 145, 154, 160, 187. Yigii-Qongtagor, 81.
2 110, 112, 116, 118, 121, 122, Yaka-Carin, 86.
242, 226, 230, 234. 132, 145, 183, 254. Tumbinai, 81.
Saniéev G. D., 32, 170, 231. Tiingg’d, 113. Yaka-noyan (Tului), 151.
Taranitha, 244.
Singin, Singgiin, Tuqluq-Tamur, 173. Yasiigii-ba’‘atur, 46, 38, 59,
Singgiim, Talagadti-Bayan, 112.
86, 144, 121. Tusidtii-han, 199, 241. 60, 66, 75, 76, 89, 94, 95.
« Taérgati »-Bayan, voir Tali- 96, 97, 103, 110, 145, 122,
Sartaq-bahadur, 75. gitt-Bayan. UbaSanéa-ting-taiji, 225. 126, 129, 151, 161, 183.
Sary-han, 74. Targutai-Kiriltuq, 44,141,113,
Saskya-Pandita, 187. Uba&si-hung-taiji, 25, 170, 208, Yesiikin, 74.
115, 124. 2410, 2141, 215, 216, 234, 235.
Savel’ev P., 19, 20, Yesiiliin, 74.
Tayang-han, 62, 104, 416, Ubsigun, voir Ubaganéa. Yule H., 44, 13, 22, 54, 70,
Sayin-Alag, 235. 218, 225. Ugidai-ha’an, voir Ogiidii-han. 137, 154, 156, 182.
280 INDEX DES TERMES MONGOLS INDEX DES TERMES MONGOLS 281 .
Zasaqtu-han, 228. 912, 246, 247, 227, 228, 231, bela, 188. dayisun, 229.
Zaya-Pandita, 21, 167, 168, 234, 233, 239, 240. baltigar~ baléd’ar, 145. da’ adit, (T9.
170, 173, 176, 178, 4184, Zamtsarano Ts., 20, 23, 25, balgd, 70. dagalai-huyagtu, 216.
202, 205, 207, 209, 210, 214, _ 30, 187, 220. bara'un (baragun) gar, 139, démé?, 181, 209.
Zitetskii J. A., 36. 174, 185, 193. didéin, 174, 249.
basar, 167. Déiéin Dirbén hoyar, 173,
bayan, 113. 228. ° |
4, — INDEX DES TERMES MONGOLS bidaet, 147. Dééin Monggol, 202.
bigi, 62. dolon hosiun, 172. |
=
If. — Transcription des termes mongols et signes conventionnels. .
Qe
III. — Sources et études. .
4. — Période ancienne (xie-xitt® 88 :). Origines du féodalisme
mongol..
a
2.-— Moyen age (xivexvae ss.). Expansion du féodalisme
mongol. . : 45
3. — Epoque moderne (xvime-x1x° ss., ‘début du xx? 8.)
Décomposition du féodalisme mongol..
1
Cuarirre PREMIER. — LV’ L’ancien régime
régim des s Mongol
Mongols (x1°-x1®
8x TI ° 6s.). Le Les
origines du féodalisme.. .
I. — L’économie des anciens Mongols. La forét et la steppe..
II. — Le régime de clan dans l’ancienne société mongole..
4. — Le clan (000g). .
2. — Groupements de clans et différenciations de la société
de clan. . .
A.— Vassaux-serfs et esclaves-domestiques. .
B. — L’aristocratie des steppes. .
C. — Chefs-Han.. . . an
ee III. —- Les relations féodales. .
4. — Les antrustions. .
9. — Le vasselage.
3. — Les bases du féodalisme.
ACHEVE D’ IMPRIMER
LE 15 pé&cemsre 1947,
SUR LES PRESSES DE
L'IMPRIMERIE DURAND,
A CHARTRES (E.-ET-L.)
1934-1935
3-2-1942
26-6-1946
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DE MERTZEMFELD DEL./ 1946)
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