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Mango C. Le Diippion. Étude historique et topographique. In: Revue des études byzantines, tome 8, 1950. pp. 152-161;
doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1950.1027
https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1950_num_8_1_1027
imaginer que l'édifice soit resté trois siècles sans être terminé. Le
Synaxaire de Sainte-Sophie, qui remonte à l'an 880 environ, parle de
l'église comme d'un sanctuaire en exercice (1). Bien plus on voit
pendant le patriarcat de Paul II (641-654) un scribe nommé Théodore
habiter εις τον άγιον Ίωαννοφωκαν (2), ce qui semble confirmer le
récit des Patria et le double vocable du sanctuaire.
Cette église est certainement celle que les Synaxaires signalent près
de Sainte-Sophie, mais sans dire qu'elle était dans le Diippion, sauf en
un endroit (3). Elle renfermait deu-x martyria, celui de Saint-Phocas (4)
et celui de Saint-Tryphon (5). On y célébrait une dizaine de synaxes
particulières, dont la principale était sans doute celle de la fête de
l'apôtre saint Jean, le 26 septembre (6). Ce jour-là la cour impériale
se rendait au sanctuaire du Diippion, d'après le Livre des cérémonies (7),
ce qui enlève tout doute sur l'identification des deux édifices. La
dédicace de l'église était commémorée le 2 août (8).
Dans le narthex se trpuvait le tombeau de saint Georges le Jeune
qui mourut sous Jean Tzimiscès (969-976) (9). D'après la tradition, ce
personnage termina sa vie dans l'église même et son corps résista à
toute tentative faite pour l'enlever, en sorte qu'on l'ensevelit dans un
tombeau de marbre qu'Antoine de Novgorod vit en 1200, ainsi qu'une
pierre tirée du sépulcre de l'apôtre saint Jean sur laquelle la tête du
saint avait reposé (10). Cette pierre venait probablement d'Éphèse, où
le tombeau de l'Évangéliste était vénéré par des milliers de. pèlerins (11).
J. Ebersolt pense même que l'église du Diippion fut construite
expressément pour la recevoir (12), hypothèse que rien ne permet de vérifier.
D'après Antoine de Novgorod, l'église Saint-Jean du Diippion était
près de Sainte-Sophie (13). C'est ce que disent également les synaxaires :
(1) Miklosich et Müller, Acta et diplomata graeca medii aevi, II, 495-496.
(2) Traduction de Malcolm Letts, Hakluyt Soc, 2« série, n° XCIV, 1946, pp. 241-242,
244.
(3) De topographia Constantinopoleos, II, 23; Lyon, 1561, 124.
(4) Les observations de plusieurs singularités et choses mémorables trouvées en Grèce, etc.,
Paris 1553, 74. Voir aussi Carlier de.Pinon, Voyage en Orient (1579), éd. E. Blochet,
Paris 1920, 87.
(5) Travels, Hakluyt Soc, p. 76.
(6) Le voyage du Levant, éd. H. Häuser, 100.
(7) Tagebuch, Francfort, 1674, 79.
LE DlIPPION 159
son (1597) (1) et de Pietro délia Valle (1614-1615), qui parle d' « vne
belle Église des anciens Chrestiens, laquelle paroissoit à la teste de
(l'hippodrome) et qui a esté ruinée et convertie par les Tvrcs a d'autres
vsages » (2). L'église existait donc encore au début du xviie siècle.
Cependant une note d'un évangéliaire du mont Athos (cod. Ε 136 de
Lavra) dit qu'elle fut renversée par un tremblement de terre, le
10 septembre 1510; le texte spécifie qu'elle était près de l'hippodrome
et abritait les lions (έν φ ήσαν ·οί λέοντες πλησίον τοΰ ιπποδρομίου (3).
Ou cette destruction ne fut pas complète ou l'édifice fut suiRsamment
réparé pour continuer à servir de ménagerie.
Les documents turcs, encore très imparfaitement connus, fournissent
quelques données complémentaires sur la ménagerie, qu'ils situent
entre le palais d'Ibrahim Pacha et la mosquée Firuz Agha (4). Il semble
bien qu'elle est représentée sur une vue de Stamboul à vol d'oiseau,
dessinée au commencement du xvie siècle (5).
Au cours du xvne siècle, les animaux sauvages du sultan furent
transférés dans un autre édifice également voisin de l'hippodrome. Son
emplacement entre Sainte-Sophie et la mosquée Sultan-Ahmet peut
être déterminé avec certitude, car le monument figure sur le plan de
Kaufïer et Lechevalier (1776-1786). Dans le grand ouvrage de Choiseul-
Gouffier (6), qui contient le même plan avec quelques additions et
corrections, cette nouvelle ménagerie est désignée sous le nom d' « église
ancienne ». En effet, c'est bien une église byzantine qu'ont visitée
Du Loir (1639-1641) (7), Thévenot (1655-1656) (8), Tournefort
(1700) (9) et Dallaway (1795) (10). Nous voulons surtout attirer
l'attention des spécialistes sur une gravure exécutée en 1786 et qui fait partie
du Museum Worsleyanum. C'est une vue de Sainte-Sophie prise d'un
des minarets de la mosquée Sultan-Ahmet. A main droite, à l'endroit
même où le plan de Lechevalier place la ménagerie, s'élève la coupole
(1) An Itinerary, etc., Glasgow, 1907, II, 96. Moryson dit cependant que les animaux
sauvages se trouvaient dans les ruines d'un palais sur les murailles maritimes.
(2) Voyages, Paris 1670, I, 31.
(3) Γρηγόριος ό Παλαμά:, Ι, 1917, 419.
(4) Cf. Ibrahim Hakki Konyali Istanbul Saraylari, 101, 16Γ. Un document de 1563
mentionne une boutique qui avoisinait à la fois la ménagerie et la rue Divanyolu. Cf.
Ibrahim Harki Konyali, Mimar Koca Sinan, 1948, 24.
(5) Publiée et discutée par A. Gabriel, Syria, IX, pi. XXV et p. 337.
(6) Cf. Resad Ekrem Koçu, Istanbul Ansiklopedisi, II, n° 20 sous Arslanhane.
(7) Les voyages du sieur Du Loir, Paris 1654, 50.
(8) Relation d'un voyage fait au Levant, Paris 1665, lre partie, ch. XVI.
(9) Relation d'un voyage du Levant, 1717, I, 360.
(10) Constantinople ancieni and Modem, Londres, 1797, 98.
160 ÉTUDES BYZANTINES
d'une église byzantine; son haut tambour percé de sveltes fenêtres est
tout à fait caractéristique (1).
Cette ménagerie périt dans l'incendie de 1808, et sur son
emplacement s'élevèrent en 1813 les casernes des cebeci (armuriers) (2). Les
animaux sauvages furent de nouveau transportés à l'hippodrome.
Se. Byzantios pensait que la vieille bâtisse qui les abrita alors était
peut-être l'église Saint- Jean-Chrysostome (3). S'agit-il de l'édifice
primitif, celui que P. Gylles et tant d'autres voyageurs ont visité.
Nous l'ignorons. En tout cas leur position est à peu près identique.
Comme les animaux sauvages furent finalement transférés au château
des Sept-Tours en 1831-32 (4), il est probable que l'édifice était alors
complètement ruiné. Lors de la constrution du café qui se trouve encore
au nord-est de l'hippodrome, Paspati y vit des murs byzantins qu'il
prit à tort pour le Cathisma. C'était peut-être les restes de l'église Saint-
Jean du Diippion.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de ce qui précède? A notre
avis, la première ménagerie est bien l'église Saint-Jean du Diippion
réparée en 1402. Pourquoi en effet rejeter une tradition si tenace qui
identifie les deux édifices, puisque l'emplacement que les textes
byzantins donnent au sanctuaire correspond exactement à celui de la
ménagerie turque. Or, par une curieuse coïncidence, qui ne peut être
fortuite, quand les animaux sont transportés au xvine siècle dans une
bâtisse voisine, il s'agit encore d'une église byzantine d'époque assez
basse. On confond les deux et dans la seconde on voit encore l'église
Jean-1'Évangéliste. Enfin l'identification de Saint-Jean du Diippion
avec les ruines démolies lors de la construction du café turc situé au
nord-est de l'entrée de l'hippodrome peut être considérée comme
probable.
On voit par notre travail que l'étude attentive des textes permet
d'apporter des précisions nouvelles sur l'emplacement de monuments
byzantins dont le site était pourtant considéré comme solidement
établi. Il n'y a pas lieu de s'en étonner, car on a déjà bien des exemples
qu'il ne faut pas suivre à l'aveugle les identifications faites par les
ADDENDUM
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