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Van Berchem Denis. Sanctuaires d'Hercule-Melqart (suite et fin).. In: Syria. Tome 44 fascicule 3-4, 1967. pp. 307-338;
doi : https://doi.org/10.3406/syria.1967.8502
https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1967_num_44_3_8502
PAR
(PI. XV-XVI)
///. ROME
(1) Nous avons formulé notre thèse dès dans Univ. of Michigan Studies, Human.
1960; voir Rendic. Pontif. Accad. Rom. di Ser., IV, 1912, pp. 171 ss. La fondation de
Archeologia, 32, 1959-1960, pp. 61 ss. l'Ara Maxima était déjà relatée par Timée
(2) G. Wissowa, Religion und Kultus der de Tauromenium, selon R. Laqueur, RE,
Rômer, 2e éd., Munich, 1912 (cité dorénavant VI A, 1178.
RKR), p. 273, n. 6; K. Latte, Rom. Reli- (3) Varro, ap. Macrob., Sat., Ill, 6, 17;
gionsgeschichte, ibid., 1960 (cité dorénavant 12, 2; Serv. auct., Aen., VIII, 276 et 288.
RRelG), p. 213, n. 2; et plus particulièrement Cf. Strab., V, 3, 3; Liv., I, 7, 3; Dion. Hal.,
J. G. Winter, The Myth of Hercules at Rome, I, 40, 3.
308 SYRIA [XLiv
(x) The Swedish Cyprus Expedition, III, (8) Dion. Hal., I, 40, 6; Ov., Fast., I, 581 sq.;
Stockholm, 1937, pi. 16; 19; 29; 30; 35 etc. Solin., I, 10.
(2) O. Gruppe, Griech. Mythologie und (6) Tac, Ann., XII, 24.
Religions geschichte, Munich, 1906, p. 1107, (7) Serv. auct., Aen., VIII, 271.
n. 1; J. Bayet, Les origines de l'Hercule (8) CIL, VI, 312-319. Cf. H. Lyngby,
romain, Paris, 1926 (cité dorénavant Ori- Beitrâge zur Topographie des Forum Boarium-
gines), p. 456 [ss. Gebietes, dans Acta Inst. Rom. Regni Sueciae,
(3) J. Bayet, Origines, p. 475 ss.; F. Alt- Ser. 8°, 7, Lund, 1954, pp. 7 et 155.
heim, Rom. Religions geschichte, II, 1932, (9) XL, 51, 6.
pp. 32 ss.J (10) Ann., XV, 41.
(4) Virg., Aen., VIII, 102 sqq.; Diod., IV, (n) V, 3, 3.
21, 4.
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ce qu'a tenté de faire le savant suédois H. Lyngby, dans une étude qui a
le grand mérite de reproduire toutes les données topographiques dont nous
disposons (1). La synthèse qu'il en a faite est compromise par l'opposition
trop rigoureuse observée par lui entre les deux vocables attachés au nom
d'Hercule, Victor et Invictus. Elle l'amène à postuler l'existence d'au
moins deux lieux de culte, partout où ces vocables sont employés
concurremment. Or le choix de l'épithète reflète moins un aspect particulier du
dieu que l'état d'esprit de qui l'invoque. Au témoignage des inscriptions,
c'est en l'honneur d'Hercule Invictus que le préteur urbain sacrifiait sur
l'Ara Maxima; il s'en est néanmoins trouvé un pour adorer le même dieu
sous le nom de Victor (2). A la date du 13 août, deux calendriers apparentés
enregistrent une même fête, l'un sous le nom d'Hercule Victor, l'autre,
sous celui d'Hercule Invictus (3). On trouve même les deux épithètes
juxtaposées (4). Ailleurs qu'à Rome, enfin, à Tivoli, par exemple, elles sont
attestées l'une et l'autre (5), sans qu'on puisse conclure à l'existence de
deux sanctuaires ou de deux cultes indépendants.
A plus forte raison faut-il se garder de vouloir les rapporter à des images
différentes d'Hercule. Pline mentionne une statue de bronze qui se trouvait
au Forum Boarium et qui, lors de la célébration de triomphes, était revêtue
des insignes du triomphateur (6) ; son aspect archaïque l'avait fait attribuer
à Êvandre. Il en signale une autre, en terre cuite, qui passait pour une
œuvre du Véien Vulca, ce qui la ferait remonter à la fin du vie siècle (7) ;
c'était peut-être l'image conservée dans le fanum et qui, au témoignage
de Macrobe (8) et de Servius (9), avait la tête couverte de la peau du lion.
La statue en bronze doré du Musée des Conservateurs reproduit un type
plus récent d'Hercule, imberbe et couronné de branches d'olivier, tenant la
massue dans la main droite, les pommes des Hespérides dans la main
gauche. Elle fut retrouvée sous le pontificat de Sixte IV, dans les ruines
d'un édifice circulaire identifié par certains comme Yaedes rotunda Herculis
(x) Ouvrage cité plus haut, p. 308 et n. 8. (5) H. Dessau, dans CIL, XIV, p. 367.
(2) CIL, VI, 319. (6) NH, XXXIV, 33 (Hercules triumphaUs).
(3) Inscr. Ital, XIII, fasc. 2, Rome, 1963, (7) NH, XXXV, 157 (Hercules fictilis).
p. 16 (Fasti Ant.) et 181 (Fasti Allif.) et le (8) Sat., Ill, 6, 17.
commentaire d'A. Degrassi, p. 494. (8) Aen., III, 407; VIII, 288.
(4) CIL, VI, 328; BCAR, 68, 1940, p. 144.
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ad Forum Boarium de Tite Live (1). Il est clair que chacun des temples
d'Hercule élevés au cours des âges contenait une image du dieu (2). Mais
temples et statues, qui ont proliféré au voisinage de l'Ara Maxima, ont
tous un caractère secondaire par rapport à elle. L'apparence médiocre de
cet autel (3), contrastant avec l'élégance des monuments rassemblés autour
de lui, le rendait encore plus vénérable.
Considérons maintenant les données relatives à l'histoire du culte de
l'Ara Maxima. Elles s'ordonnent autour d'une réforme opérée en 312 avant
Jésus-Christ et qui a laissé un souvenir durable dans la tradition
littéraire (4). Jusqu'à cette date, le culte aurait été administré par deux gentes,
les Potitii et les Pinarii. Les premiers apparaissent comme les vrais
desservants du culte; ils accomplissent sur l'autel les rites enseignés à leur ancêtre
par Évandre ou par Hercule lui-même; ils reçoivent une part privilégiée
des viandes du sacrifice. Les Pinarii ont un rôle moins bien défini; ils se
comportent comme les gardiens du sanctuaire et les auxiliaires des Potitii.
En 312, à l'instigation, nous dit-on, du censeur Appius Claudius, les Potitii
vendirent leur office à l'État, qui le confia à des esclaves publics. C'était un
sacrilège, qui attira sur ses auteurs la colère divine; la race des Potitii
s'éteignit dans l'année qui suivit, et Appius Claudius perdit la vue.
Cette représentation des choses reflète l'opinion défavorable qui a cours
dans la tradition annalistique sur le compte des représentants de la gens
Claudia. La réforme elle-même fut interprétée très diversement par les
savants modernes. A la suite de Mommsen (5), la plupart d'entre eux ont
considéré le culte de l'Ara Maxima avant 312 comme un culte public, confié
à la famille des Potitii. L'étatisation survenue en 312 s'expliquerait soit
par l'extinction préalable de la gens (6), soit par les charges grandissantes
(*) X, 23, 3; cf. Lyngby, op. cit., p. 30. de médaillons impériaux (pi. XVI, 1 et 2),
(2) Pline cite encore une statue de Myron voir la note additionnelle à la fin de cet article,
conservée dans le temple de Pompée (NH, (4) Tous les témoignages relatifs à cette
XXXIV, 57) et une peinture de Pacuvius réforme sont cités et discutés par R. E. A. Pal-
dans un des temples du Forum Boarium mer dans Historia, 14, 1965, pp. 293 ss.
{NH, XXXV, 19). (5) De colleg. et sodal. Romanorum, Kiel,
(3) Dion. Hal., I, 40, 6 : rf) (zÉvtoi xaTocoxeuf) 1843, pp. 7 ss.
7ioXù xrjç 86£y]ç EcttL xaTaSséaxspoç. Sur une repré- (6) W. Ehlers, dans RE, XXII, 1184;
sentation probable de l'Ara Maxima au revers Latte, RRelG, p. 213.
312 SYRIA [XLIV
que lui aurait imposées un culte toujours plus populaire (1). On peut
toutefois se demander si les Potitii ont réellement constitué une famille, au
sens physique ou juridique de ce mot. S'il s'était agi, comme le veut Tite
Live (2), d'une des plus anciennes familles du pays, on s'attendrait à la
voir jouer un rôle dans l'histoire de Rome, au moins dans la période
antérieure à 312, et figurer notamment dans les fastes consulaires. Il n'en est
rien; les Potitii ne sont jamais nommés indépendamment du culte d'Hercule,
et tout se passe comme s'ils n'avaient jamais exercé aucune autre activité.
Le premier à s'en aviser fut J. Carcopino (3) ; convaincu, avec J. Bayet,
que le culte romain d'Hercule provenait des colonies grecques de l'Italie
du Sud, il proposa une interprétation symbolique du nom de ses principaux
acteurs; les Potitii seraient les échansons du dieu, dispensateurs de la
nourriture sacrée (TOmÇcov), Jes Pinarii étant au contraire ceux qui
l'attendent, parce qu'ils ont faim et soif (uEivcovreç) (4). A notre tour, et dès 1960,
nous avons suggéré de reconnaître dans le nom des Potitii le participe
passé du verbe potiri qui, à l'époque archaïque, avait une conjugaison
normale, potire, potio, etc. Potitus, au passif, signifiait donc « captif » ou
« possédé ». C'est cette appellation qui, appliquée au pluriel aux premiers
desservants du culte d'Hercule, aurait été prise à tort, une fois oubliées
les circonstances exactes de la réforme de 312, pour le nom d'une gens
romaine (5). Nous avons eu la satisfaction de voir notre hypothèse reprise
par le savant américain Robert E. A. Palmer, dans une étude consacrée
aux interventions du censeur Appius Claudius dans les affaires religieuses
de Rome (6). Mais notre accord s'arrête à l'aspect purement linguistique
du problème. Car, pour Palmer, les potiti auraient été dès l'origine des
esclaves de guerre consacrés à Hercule avec la dîme du butin. La réforme
(*) J. Bayet, Origines, pp. 263 ss. Aen., VIII, 270. Mais, à la différence des
(2) I, 7, 12. Potitii, les Pinarii ont constitué à Rome une
(3) Publiée dans JS, 1928, pp. 212 ss., famille patricienne très suffisamment attestée
son étude a été reprise dans Aspects mys- dès l'époque royale et pendant toute l'histoire
tiques de la Rome païenne, Paris, 1943, pp. 173 de la République : F. Mûnzer, dans RE, XX,
ss. 1395 sqq.
(4) L'étymologie du nom des Pinarii, admise (5) Voir la communication signalée ci-
par Carcopino, figure déjà chez Plutarque, dessus, p. 307 et n. 1.
Quaest. rom., 60, et chez le Servius de Daniel, (6) Dans l'article cité ci-dessus, p. 311 et n. 4.
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(x) Op. cit., p. 297. Antiquités syriennes, IV, Paris, 1953, pp. 181
(2) R. Schilling, La religion romaine de ss. Peut-être aussi à Baalbek, d'après un graf-
Vénus, Paris, 1954, pp. 233 ss. ; cf. F. Bomer, fite publié par Seyrig dans BMBeyr, 1, 1937,
op. cit., II (1960) pp. 82 ss. p. 95.
(8) Katoche, Hierodulie und Adoptionsfrei- (5) L. Delekat, op. cit., pp. 159, 168 ss.
lassung (Miinchener Beitràge zur Papyrus- Delekat rapproche xixtoxoç du sémitique âsûr;
forschung, 47), Munich, 1964, pp. 156 ss. R. Dussaud songeait aux qedéshim déjà attestés
(4) OGIS, n° 262, 26; D. Krencker — à Ugarit : Les découvertes de Ras Shamra et
W. Zschietzmann, Rom. Tempel in Syrien, l'Ancien Testament, 2e éd., Paris, 1941, p. 179.
Berlin, 1938, p. 90, nos 2 et 3; cf. H. Seyrig,
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est bien, comme nous le croyons, le Melqart de Tyr, les Potiti auront offert
l'aspect d'un clergé semblable à celui que décrit Silius Italicus à propos
de Gadès (1). Les progrès de l'hellénisme à Rome, sensibles sur le plan
religieux tout au long du ive siècle, auront finalement eu raison d'une
institution, dont on avait depuis longtemps oublié la provenance et la raison
d'être.
Le moment est venu d'étoffer notre démonstration en considérant
successivement le calendrier du culte et les autres traits connus du rituel
de l'Ara Maxima. Les sacrifices qu'on y célébrait pouvaient représenter
l'accomplissement de vœux individuels; la date en était alors déterminée
par les circonstances propres à chaque cas. Mais d'autres étaient commandés
par le retour de fêtes annuelles. Les calendriers romains enregistrent
plusieurs fêtes sous le nom d'Hercule; les épithètes dont ils assortissent ce nom
montrent qu'il s'agissait du natalis d'un des temples consacrés au dieu
dans la ville de Rome (2). L'Ara Maxima n'est pas mentionnée dans les
calendriers. L'attention des savants s'est portée principalement sur deux
fêtes du mois d'août; on lit dans les Fasti Allifani, à la date du 12 août,
Herculi Invicto ad Circum Maximum (3), et à la date du 13 août, Herculi
lnvicto ad Portam Trigeminam (4). Il faut citer ici G. Wissowa : « Der Tag
(des praetorischen Opfers) ist nicht ûberliefert, wird aber durch eine
annàhernd sichere Kombination erschlossen : nach den Hemerologien fand
am 12. August ein Opfer statt Herculi Invicto ad circum maximum, es war
dies also der Stiftungstag eines der Ara Maxima benachbarten Hercules-
tempels, der offenbar ebenso neben dièse getreten war, wie die aedes Martis
in campo neben die alte ara Martis, und dessen natalis nach rômischem
Brauche ebenso auf den alten Jahresfesttag der Ara Maxima gelegt war (5). »
Nous avons vu plus haut que l'existence de l'Ara Maxima avait déterminé
(x) Voir ci-dessus, p. 86. (4) Les Fasti Antiates offrent, à la même
(2) Ainsi Hercules magnus custos, dans date, la leçon Hercules Victor; cf. ci-dessus,
le Circus Maximus, le 4 juin (Fasti Venus.; p. 310 et n. 3.
Ovid., Fast., VI, 209 sqq.) et Hercules Musa- (5) EKR, p. 275. Voir aussi A. Piganiol,
rum, au même endroit, le 30 juin (Ovid., dans Hommages à Albert Grenier, Bruxelles
Fast., VI, 797 sqq.). 1962, p. 1261.
(8) Même mention dans les Fasti Amiterni.
316 SYRIA [XLIV
f1) Voir ci-dessus, p. 309 et n. 11. On consta- invicte peractis, rite tuis laetus dona ferens
tera que le seul calendrier pré-julien, les meritis, etc.
Fasti Antiates, qui n'enregistre aucune des (5) CIL, VI, 313 : Hercules invicte, Catius
fêtes instituées par Pompée, omet aussi celle hoc tuo donu[m libens] numini sancto dicavit
du 12 août : A. Degrassi, dans Inscr. ItaL, praetor urbis, cum pia sollemne mente rite
XIII, fasc. 2, Rome, 1963, p. 28. fecisset [sacrum], etc.
(2) CIL, VI, 315. («) Varro, De ling, lat., VI, 25 sq.; Macr.,
(8) RKR, p. 275, n. 3. Sat., I, 16, 5 sq. Cf. Wissowa, RKR, p. 440
(4) CIL, VI, 312 : Te precor, Alcide, sacris et RE, VI, 2211.
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agraire, est aussi très caractéristique des cultes sémitiques (1). L'absence
du nom d'Hercule dans ce qu'on est convenu d'appeler, depuis Mommsen (2),
« le plus ancien calendrier romain » n'a donc aucune signification
chronologique.
On remarquera que le 20 septembre coïncide à un jour près avec l'équi-
noxe d'automne. Peut-être le dieu de l'Ara Maxima s'identifiait-il, comme
tant de dieux orientaux, avec le cycle du temps, et le sacrifice de septembre
marquait-il le déclin du soleil (3). On admettra plus volontiers qu'il
s'agissait initialement d'une fête agraire, comportant l'offrande de la dîme des
récoltes (4). Dans les deux cas, une fête d'automne fait attendre une fête
de printemps. Il n'est pas sans intérêt de noter qu'une telle date nous a
été transmise par un auteur tardif et néanmoins digne d'attention, le
Byzantin Lydus. « A la date du 3 avril, écrit-il, les Romains honoraient
Hercule Victor, dispensateur de la santé (5). » Nous avons de bonnes
raisons, comme on va le voir, d'accorder ce renseignement au rituel de
l'Ara Maxima. Le retour du printemps était marqué, à Tyr, par une fête
où l'on célébrait le « réveil » de Melqart (6). Il se pourrait que Lydus ait
arbitrairement fixé au 3 avril un sacrifice qui, à l'origine, oscillait autour
de l'équinoxe de printemps.
Lydus nous apprend en outre que, pour participer à cette cérémonie,
les hommes revêtaient des vêtements féminins (7). Ce renseignement n'est
pas isolé et, remontant du panégyriste de Justinien à des témoins plus
anciens, nous allons être ramenés à l'Ara Maxima. Un groupe cohérent
de textes nous dépeint l'accoutrement de l'empereur Commode lorsque,
(x) R. de Vaux, Les institutions de VAncien (8) Sur la fête israélite des récoltes, dite
Testament, II, Paris, 1960, p. 368. des Tabernacles, R. de Vaux, op. cit., pp. 397
L'observation du cycle lunaire peut aussi avoir ss.
entraîné des variations au sein du calendrier : (6) De mens., IV, 46. Lydus cite dans le
E. Dhorme, La religion des Hébreux nomades, même passage le néopythagoricien Nicomaque
Bruxelles, 1937, pp. 247 ss. de Gerasa, selon qui Héraclès se confondait
(2) CIL, I2, pp. 297 sqq. A. Degrassi, op. avec le Temps, ou mieux, avec le Soleil.
cit., pp. 364 sqq. (•) Voir ci-dessus, p. 102 et n. 5.
(3) M. P. Nilsson, Geschichte der griech. (7) Ibid., yuvaixstaiç axoXatç. Négligeons
Religion, II, 2e éd., Munich, 1961, pp. 502 l'interprétation de Lydus, qui se rattache à
ss. Sur la notion phénicienne de l'Aion, la vision cosmique de sa source.
voir Macr., Sat., I, 9, 12.
318 SYRIA [XLIV
(x) I, 14, 8; cf. Dio, LXXII, 17, 3 et Athen., (4) Bayet, Origines, p. 316; M. Delcourt,
XII, 537 f. Hermaphrodite, Rites de la bisexualité dans
(2) SHA, Comm., 9, 6. le monde antique, Paris, 1958, pp. 33 ss.
(3) Sur la dévotion de Commode à l'égard (6) Dans NSA, 1902, p. 117.
d'Hercule, voir ci-dessous, p. 333 s. (6) Voir ci-dessus, p. 86.
1967] SANCTUAIRES D'HERCULE-MELQART 319
(1) Plut., Quaest. rom., 60; cf. Prop., IV, Balbus; cf. Serv., Aen., VIII, 176.
9, 69; Gell., XI, 6, 2; Macr., Sat., I, 12, 28. (8) CIL, VI, 263, 305, 314, 315, 318, etc.;
Le dieu ne permettait même pas aux femmes Verg., Aen., VIII, 275. Cf. D. Vaglieri,
de prononcer son nom; l'interjection hercle, dans E. De Ruggiero, Diz. Epigr., II, p. 1716.
si fréquente dans la littérature latine, n'est (9) CIL, IX, 4672; X, 5160; numen
jamais mise dans la bouche d'une femme : sanctum, CIL, VI, 313; XIV, 16, etc. Cf. un autel
G. Lodge, Lex. Plaut., I, p. 673. récemment découvert à Tyr : M. Chéhab,
(2) Témoignages recueillis par Bayet, dans MUSJ, 38, 1962, p. 16, et l'inscription
Origines, pp. 429 ss. ; ajouter la viande de bilingue de Pouzzoles, IG, XIV, 831 = CIL, X,
porc (suilla) qui figure en bon rang dans 1601 = IGRR, I, 419.
l'énumération de Festus, p. 298, Lindsay. (10) Le Baal d'Ascalon est adoré sous le
(3) Verg., Aen., VIII, 180; cf. Serv. ad nom de 'HpocxXvjç BîjXoç 'Avsixtjtoç : IGRR, l,
loc, vers. 183. 1092. Autres exemples d'Héraklès Aneiketos
(4) Varro, De ling, lat., VI, 54; Liv., I, 7, à Dorylaion {JHS, 8, 1887, p. 504, n° 79)
12; Dion. Hal., I, 40, 3. et à Priène (Inschriften von Priene, Berlin,
(5) Plut., Quaest. Rom., 90, d'après Varron. 1906, n° 194). Sur l'emploi de cette épithète
(6) E. Renan, Mission de Phénicie, Paris, pour d'autres dieux, voir O. Weinreich,
1864, p. 574. dans Athen. Mitt., 1912, p. 29 et note 1.
(7) Macr., Sat., Ill, 6, 16, d'après Corn.
1967] SANCTUAIRES D'HERCULE-MELQART 321
(!) Serv., Aen., VIII, 269; cf. Bayet, Ori- Aen., VIII, 183 et probablement Fest., p. 242
gines, pp. 298 ss. Lindsay. Dans l'Ancien Testament, Lv, 7,
(2) / R, 18, 25-29. Cf. R. de Vaux, dans 15-18; 22, 29-30; cf. R. Dussaud, op. cit.,
BMBeyr, 5, 1941, pp. 1 ss. p. 107 et R. de Vaux, Les sacrifices de l'Ancien
(8) R. de Vaux, Les institutions, II, p. 364. Testament, Paris, 1964, pp. 31 ss.
(4) Aen., VIII, 284 sqq. Des Saliens étaient (7) Plin., NH, X, 79; Plut., Quaest. Rom., 90;
affectés, à Tibur, au culte d'Hercule : CIL, Solin., I, 10. Le même renseignement était
XIV, p. 367. rapporté par Phylarque {FGrHist, 81, 33) et
(5) R. de Vaux, dans BMBeyr., 5, 1941, par Ménandre (ibid., 783, 6) à un temple de
p. 10. Kronos, qui était à coup sûr un dieu oriental.
(«) Varro, De ling, lat., VI, 54; Serv. auct., (8) Solin., I, 10; Serv., Aen., VIII, 278.
322 SYRIA [XLIV
(l) Nous ne comprenons pas pourquoi Véies est un phénomène relativement récent,
Mrs. Holland tient si fort à affirmer l'antério- et les effets de son alliance avec Fidenae sont
rite du passage de Fidenae sur celui de Rome : surtout sensibles au ve siècle.
TAPhA, 80, 1949, p. 308 et encore AJA, 59, (2) Op. cit., pp. 41; 55 ss.
1955, p. 86. Si Fidenae avait été la première (3) TAPhA, 80, 1949, pp. 300 ss.
à offrir un moyen de traverser le fleuve, les (4) Op. cit., p. 313.
Sabins n'auraient eu aucun besoin de descendre (5) A. Alfoeldi, Early Rome and the Latins,
jusqu'à Rome, dont la position est excen- Ann Arbor, 1965, pp. 206 ss.
trique par rapport à leur pays. Mais l'essor de
324 SYRIA [XLIV
f1) Posid., dans F GrHist, 87, 1. Cf. ci-dessus, (B) Op. cit., pp. 261 sa.; cf. Wissowa,
p. 309. RKR, p. 279, n. 3.
(2) Diod., IV, 21, 4 (Lucullus); Plut., Crass., («) I. Mendelsohn, dans BASOR, 1956,
2, 2 et 12, 2; SulL, 35, 1; cf. Quaest. Rom., 18. pp. 17 ss; T. H. Gaster, dans Mélanges
(8) Une seule exception, mais significative : Dussaud, II, Paris, 1939, p. 577. Voir ci-dessus,
Théra {IG, XII, 3, 431) où, selon Hérodote p. 78 et n. 2.
(IV, 147) et Théophraste (Schol. ad Pind., (7) H. Lesêtre, dans Diet, de la Bible, II,
Pyth., VI, 2), des Phéniciens s'étaient établis. Paris, 1926, p. 1431; R. de Vaux, Les institu-
(4) Diod., XX, 14, 2; Just., XVIII, 7, 7. tions, I, pp. 303 ss.
BIBLIOTHEQUE
IFAPQ
326 SYRIA [XLIV
ts Der Orient und die frûhgriech. Kunst, Vatican, 1947; R. Rebuffat, Une pyxis
Leipzig, 1912. d'ivoire perdue de la Tombe Regolini-Galassi ,
(2) Early Greek and Oriental Ivories, dans dans MEFR, 74, 1962, p. 369. Cf. M. Pallot-
JHS, 78, 1948, p. 1; A Catalogue of the tino, dans Encicl. Univ. Arte, X (1963),
Nimrud Ivories, Londres, 1957. pp. 223 ss.
(3) Objets orientaux en Grèce et en Italie aux (5) Dans CRAI, 1948, p. 12. Pour la date de
VIIIe et VIIe siècles avant Jésus-Christ, dans l'inscription, voir aussi W. F. Albright, dans
Syria, 35, 1958, p. 72. ■BASOR, n° 83, 1941, p. 14 et R, Dussaud.
(4) L. Pareti, La tomba Regolini-Galassi, dans Syria, 26, 1949, p. 390.
328 SYRIA [XLIV
(x) VI, 2, 6. Des fouilles sont en cours à Or. Ant., 4, 1965, p. 35.
Motya; les vestiges retrouvés jusqu'ici ne (4) J. Heurgon, dans CRAI, 1965, p. 89,
remontent pas au-delà du vme siècle. Mais il et les articles cités à la note précédente.
faut inscrire dans ce contexte la statuette de Heurgon a nuancé son opinion, depuis, dans
bronze recueillie dans la mer au large de JRS, 56, 1966, pp. 1 ss.
Sciacca (?), qui est sensiblement antérieure : (5) G. Levi Della Vida, dans Or. Ant.,
S. Chiappisi, II Melqart di Sciacca e la ques- 4, 1965, pp. 50 ss; A. Dupont-Sommer,
tione fenicia in Sicilia, Rome, 1961. dans JA, 1964, p. 289, pour qui la Sardaigne
(2) A. Minto, L'antica industria mineraria a servi de relais.
in Etruria..., dans St. Etr., 23, 1954, p. 291. (8) G. Camporeale, dans Archclass, 17, 1965,
(8) M. Pallottino, et alii, dans Archclass; p. 36.
16, 1964, pp. 49 ss; cf. G. Garbini, dans (7) Hypothèse de J. Ffrron, dans Or. Ant.,
1967] SANCTUAIRES D'HERCULE-MELQART 329
4, 1965, pp. 181 ss. Rappelons, à son sujet, préromaine, Paris, 1942, pp. 21 ss; T. J. Dun-
l'existence, dans la seule Tabula Peutingeriana, babin, The Western Greeks, Oxford, 1948,
d'une station appelée Punicum et correspon- pp. 7 ss; H. Muller-Karpe, Vom Anfang
dant à l'actuelle S. Marinella, à quelque dix Roms (Roem. Mitt., Ergânzungsheft 5) 1959,
kilomètres de S. Severa-Pyrgi. pp. 70 ss.
(L) J. Heurgon, Recherches sur... Capoue (2) Voir ci-dessus, p. 322.
SYRIA. — T. XL1V. 21
330 SYRIA [XLIV
(1) Diod., IV, 19, 1 : xaréXucre fièv ràç L'accord semble s'être fait entre savants sur
CTUVTjOeiç TOXpavojnaç xal Çevoxrovtaç. Le rôle l'attribution à ces deux déesses des temples
civilisateur que les Anciens prêtaient à Héra- du vie siècle retrouvés dans le sous-sol de
klès est, pour une large part, imputable à son S. Omobono.
double tyrien, Melqart. (4) MH, 17, 1960, pp. 30 ss; cf. Mélanges
(2) Voir les exemple cités dans MH, 17, A. Piganiol, Paris, 1966, p. 741.
1960, pp. 21 ss; ajouter la dîme de Baby- (5) Plin., NH, XXXV, 157; cf. ci-dessus,
lone, Ps. Arist., Oecon., II, 3, 34. p. 3io.
(3) Liv., V, 19, 6; Dion. Hal., IV, 27, 7.
1967] SANCTUAIRES D'HERCULE-MELQART 331
(x) Voir ci-dessus, p. 3^4 et n. 9. (4) Stat., Silv., I, 3, 79; cf. Inscr. Ital, I,
(2) Sur le culte d'Hercule à Tibur, voir 1, p. 11, n° 11.
surtout H. Dessau, dans CIL, XIV, pp. 367 sq. (5) V. Ehrenberg, dans RE, XIII, 1451
et S. Weinstock, dans RE, VI, A, 827 sqq. sqq. (Losung).
Les inscriptions de Tibur ont été republiées (6) G. Becatti, dans BCAR, 67, 1939, pp. 37
par J. Mancini, dans Inscr. Ital., IV, fasc. 1, et 70; 1942, p. 115. Reproduit dans R. Meiggs,
Rome, 1952. Roman Ostia, Oxford, 1960, pi. 30 a.
(3) RKR, pp. 272 ss.
332 SYRIA [XLIV
(*) Sur Théogénès, J. Pouilloux, Recherches, (*) hoc. cit. : àxpifi&ç ècmv AtyÔTmov.
I, pp. 62 ss.; sur l'Hermès d'Ainos et le (5) La statuette récemment retrouvée à
Dionysos de Methymna, voir ci-dessus, p. 108, Sciacca est un nouvel exemple d'un type
n. 3. désormais représenté à plusieurs exemplaires :
(2) VII, 5, 5. S. Chiappisi, op. cit. Pour l'apparition de ce
(3) BMC, Ionia, p. 146 et pi. 16, n° 17; type dans la plastique grecque, voir W. Schwa-
SNG, Copenhagen Ionia, n° 767; v. Aulock, bâcher, dans Ant. Kunst, 5, 1962, pp. 9 ss.
I, 6, n° 1970.
1967] SANCTUAIRES D'HERCULE-MELQART 333
(1) V. Ehrenberg, RE, XIII, 1457; R. de (8) Hercule Victor apparaît pour la première
Vaux, Les Institutions, II, pp. 200 ss. fois, et en fin de liste, parmi les dieux auxquels
(2) Voir ci-dessus, p. 325 et n. 2. sont adressés des Vota publica : CIL, VI,
(3) La remarque est de A. Degrassi, Inscr. p. 530; cf. J. Beau jeu, La religion romaine à
lat. lib. rei publ., I, p. 98; cf. Latte, RRelG, l'apogée de l'Empire, l, Paris, 1955, p. 84.
p. 216, n. 4. (7) F. Gnecchi, / Medaglioni Romani, II,
(4) D. van Berchem, Les distributions de Milan, 1912, en part. pi. 53, 1 (n° 90) et 54,
blé et d'argent à la plèbe romaine sous l'Empire, 3 (n° 91). Sur la destination de ces pièces, voir
Genève, 1939; G. Barbieri, dans Diz. Epigr., J. M. C. Toynbee, Roman Médaillons (Numism.
IV, p. 839 (Liber alitas). Studies, 5), New York, 1944.
(6) Tac, Ann., XV, 41.
334 SYRIA [XLiv
(!) J. Beaujeu, op. cit., p. 401 ss. (3) IGRR, III, 1012 = Jalabert-Mouterde,
(2) CIL, VI, 312; cf. Prosop. Imp. Rom., IGLS, IV, 1265 : inscription datée de 221.
2e éd., III, p. 97, n° 27 : L. Fabius Cilo.
1967] SANCTUAIRES D'HERCULE-MELQART 335
(*) Sur les attaches orientales d'Aphrodite, 164, 1963, p. 161. On trouve aussi à Beyrouth
voir M. P. Nilsson, Gesch. der griech. Religion, Mater Matuta {CIL, III, 6680) qui serait, selon
I, 2e éd., pp. 519 ss; sur les hiérodules de G. Wissowa (RKR, p. 110), un autre nom de
Corinthe et de l'Éryx, F. Bômer, Untersu- la déesse de Pyrgi.
chungen, II, pp. 82 et 156. (6) E. Maass, Griechen und Semiten auf dem
(2) S. Eitrem, dans RE, XII, 2293 sqq. Isthmos von Korinth, Berlin, 1903. Cf. A. Lesky,
(3) Arist., Oecon., II, 2, 20 (p. 1349, 1. 34); dans RE, XV, 519 et R. Dussaud, dans Syria,
Polyen., V, 2, 21; Aelian., Var. hist., I, 20. 25, 1948, p. 210. Voir en sens opposé,
Strabon (V, 2, 8) l'appelle Eileithya. A. F. Pfiffig, dans Oest. Akad, Wiss., PhiL-
(4) H. Seyrig, dans Syria, 40, 1963, p. 26, Hist. Klasse, 88, 2, 1965, p. 51 et note 187.
n. 37; R. du Mesnil du Buisson, dans RHR,
336 SYRIA [XLIV
(*) Herod., V, 58; Syll.3, I, 38. On peut se comme le suggère J. A. Bundgard, dans
demander si l'ordre de l'alphabet, invariable Analecta Romana Instituti Danici, 3, 1965,
là même où les caractères étaient affectés d'une pp. 11 et ss.
valeur sonore différente, ne vient pas du fait (2) Le versement d'arrhes était peut-être en
que les Phéniciens avant les Grecs l'utilisaient relation avec les longs délais de livraison qu'im-
pour noter des nombres. On s'expliquerait pliquaient des navigations lointaines,
alors qu'ils aient pris la peine de le diffuser,
SYRIA, XLIV (1967), 3-4 PI. XV
2. - Relief d'Ostie.
SIK1A, A.L1V PI. XVI
Si l'on en juge par la place qu'il occupe dans le fond de la scène, cet autel était de
grandes dimensions. Mais il est circulaire, et c'est en quoi il est singulier. Car si les
Grecs et les Romains ont fait un large usage d'autels cylindriques, souvent ornés de
guirlandes, il faut noter qu'ils sont toujours de dimensions réduites. Si l'on excepte
les autels de cendres d'Olympie et de Didymes, qui constituent une catégorie à part,
on ne connaît pas d'autel circulaire qui ait plus d'un mètre et demie de diamètre
(C. C. Yavis, Greek Altars, Origins and Typology, St. Louis, Missouri, 1949, pp. 142 ss.).
Il est, dès lors, évident que le graveur de nos revers n'entendait pas évoquer n'importe
quel autel, mais bien un monument déterminé, aux caractéristiques immédiatement
reconnaissables. Nous voilà donc ramenés à l'exégèse traditionnelle du médaillon
d'Antonin, puisque la présence d'Hercule et la position inusitée de la coupe à libations
ne permettent guère de douter que l'autel ne soit l'Ara Maxima. Dans cette hypothèse,
il est légitime de donner le nom d'Evandre au voisin immédiat d'Hercule. Son geste
est celui du prophète qui, selon la tradition, annonça à Hercule son apothéose
imminente. Dans le personnage au bouclier qui, sur le médaillon de Caracalla, semble
porter un casque, on pourrait être tenté de reconnaître, plutôt que la Minerve des
scènes parallèles, une Dea Roma faisant office de Genius loci.
Mais c'est à l'autel qu'on accordera le plus d'attention, puisque, si notre
interprétation est exacte, nous découvrons avec lui la première image connue de
l'Ara Maxima. Nous nous sommes souvent interrogé sur le sens à donner à l'épithète
maxima-, la réflexion de Denys d'Halicarnasse, citée plus haut (p. 3n, n. 3), nous
incitait à la tenir plutôt pour un superlatif révérentiel que pour l'affirmation d'une
grandeur exceptionnelle, assez peu vraisemblable si l'on considère la haute antiquité
du monument. La guirlande est sans doute le résultat d'une restauration récente,
comme celle qui dut effacer les effets de l'incendie de 64 (Tac, Ann., XV, 41). Mais
cet autel est rond, et ce trait, qui le distingue des autels monumentaux des sanctuaires
gréco-romains, a des antécédents, lui aussi, dans la tradition cananéenne (R. de Vaux,
Institutions, II, pp. 108 s.).