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Revue des Études Grecques

7. Chrimes (K. M. T.). Ancient Sparta, a re-examination of the


evidence (n°CCCIV des Publications of the University of
Manchester, n° LXXXIV de l' Historical series). Manchester,
University Press, 1949
André Aymard

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Aymard André. 7. Chrimes (K. M. T.). Ancient Sparta, a re-examination of the evidence (n°CCCIV des Publications of the
University of Manchester, n° LXXXIV de l' Historical series). Manchester, University Press, 1949. In: Revue des Études
Grecques, tome 64, fascicule 299-301, Janvier-juin 1951. pp. 342-346;

https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1951_num_64_299_3228_t1_0342_0000_2

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342 COMPTES RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES
rioi, semble avoir été retrouvé par lui à Castiglione, sur une hauteur où se-
voient encore les vestiges d'une forte muraille et (fun théâtre à 9 kilomètres de
là mer et à S kilomètres du Trionto. Les premiers renseignements sur cette
découverte ont été donnés dans UOsservatore Romano du 23 avril et du
10 novembre 1980. Des fouilles seraient à poursuivre en cet endroit.
- J. Bérard.
7. CHRIMES (K. M. T.). Ancient Sparta, a re-exammationofthe évidence (n»CCC17
des Publications of the University of Manchester, η· LXXX1V de Y Historical
series).). Manchester, University Press, 1949. ln-8% 527 j>.r dpi. eti carte h. t.
L'auteur, Mme Chrimes-Atkinson, a déjà publié en 1948 un opuscule sur la
Constitution des Laeédémoniens, dont elle déniait (a paternité à Xénophon. En

ι
rendant compte de cette publication (REA, t. L, 1948, p. 373-375), j'ai dit mon
scepticisme quant â ses conclusions, pour lesquelles P. Oilier, dans cette Revue
(t. LXI, 1948, p. 511-5*3), n'a pas de son côté manifesté plus d'enthousiasme.
En achevant la lecture de ce livre nouveau et beaucoup plus long, Je rends
hommage à l'étendue comme à la variété des recherches et des connaissances de
Mme Chrimes. Je suis séduit par sa répugnance à suivre les sentiers les plus
ouverts, ceux où ont chance de s'être creusées de profondes ornières. Je pense
le plus grand bien du soin qu'elle -apporte à toujours remonter aux sources, et
de toute nature. Je loue son aptitude à les regarder d'un oeil neuf, en se. libérant
des interprétations usuelles. J'envie son ingéniosité à découvrir encore des
hypothèses inédites, et de quelle ampleur !, sur un sujet qui, depuis si longtemps
et avec tant d'attrait, a solllicité les pionniers les plus audacieux comme les
érudits les plus méticuleux. Je m'émerveille de son intrépidité à se tailler une
route personnelle à travers l'entrelacement, en apparence inextricable, des
données contradictoires, des légendes-déformantes, du « mirage » auquel s'est prêtée
l'Antiquité et des controverses modernes. J'admire, enfin, l'originalité avec
laquelle l'enquête a été entreprise aussi bien que la logique qui a conduit sa
progression, la clarté de l'exposé aussi bien que la souplesse d'ane dialectique
aux ressources, en vérité, inépuisables. Mais, malgré toutes ces qualités dont la
présence et la mise en œuvre conjuguées sont si rares, il me faut bien avouer
que je ne suis pas convaincu : l'éblouissement provoqué par tant de virtuosité
ne diminue pas mon effroi devant la fragilité, sinon devant Taudace, des
résultats auxquels tout cela aboutit.
Dans un appendice copieux (10 pages très denses), Fauteur complète sa
démonstration de 1948 quant a la Constitution des Laeédémoniens. Sans revenir sur les
arguments et les hypothèses qu'elfe avait présentés dans sa publication
antérieure, elle s'attache cette fois à relever toutes les contradictions entre l'œuvre
ordinairement attribuée à Xénophon et ce que nous savons par ailleurs, par ses
œuvres certainement authentiques, de Xénophon, de ses idées, de ses
connaissances et de sa compétence, surtout en matière de technique militaire. Ces
preuves négatives nous avaient été précédemment promises ; mais aucune ne
paraît décisive. Car plusieurs postulent que le' traité a été rédigé en 395, date
qui dépend elle-même de l'hypothèse selon laquelle l'avant-dernier chapitre
aurait été en réalité te premier. Et, même en 395, comment admettre que
Xénophon aurait pu seulement décrire farmée Spartiate qu'il avait connue en Asie
Mineure? Au reste, Mme Chrioaes n'a joint cet appendice à son ouvrage que
pour justifier la médiocre confiance, qu'elle fait à la Constitution des
Laeédémoniens. Maià il n'eût guère dû lui importer, semble-t-il, que l'auteur en fat
Xénophon ou un autre (elle songeait naguère à Antisthénès le Cynique). Le traité
COMPTES RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES 343
demeure, en effet, une source essentielle, le plus ancien exposé d'ensemble que
nous possédionssur tes institutions et les coutumes Spartiates : c'est à ce titre,
indépendamment du nom et de la personnalité de son auteur, qu'il mérite
attention.
Quant à Sparte même, il faut évidemment renoncer à dresser l'inventaire
exhaustif des conclusions nouvelles que ce livre présente. Il est peu de
problèmes de l'histoire et des institutions de cette cité mystérieuse que l'autenr
n'ait pas au moins abordé, et elle n'en a abordé aucun sans en bouleverser les
données comme les solutions ordinaires. Aussi me contenterai-je de donner une
idée du caractère, qu'il faut bien dire révolutionnaire, de ces nouveautés à l'aide
de quelques exemples. j.
Les éphores n'ont pas été institués comme des « surveillants ». Leur nom vient
.
du sens* choisir » que le verbe Ιφορδν revêt à l'occasion chez Homère. Chaque
roi désignait donc an « sélectionneur », son délégué, chargé notamment de
choisir les citoyens pour la formation de l'armée. Certes, en ce sens, le mot
έφορος ne se rencontre pas chez Homère ; mais les βασιλείς y ont des κήρυκες. Par
la suite, en raison de la limitation des pouvoirs royaux au domaine militaire et
en raison de l'absence prolongée des rois retenus à l'armée', les attributions
civiles des éphores &e développèrent si bien qu'en accord avec le sens le plus
fréquent de έφορδν on les considéra comme des « surveillants ». Ils devinrent
des magistrats élus, et non plus nommés par les rois. L'institution évolua donc;,
en somme, comme évolua de son côté la questure romaine. . ■
Mais le nombre des éphores, puisqu'il nCy a jamais eu cinq rois à Sparte?
Pour Mme Chrimes, il n'existait à l'origine qu'un roi unique. Les listes qui nous
sont transmises pour la succession des rois eurypontides résultent, quant aux
hautes époques, de forgeries; seule, la liste des rois agiades mérite crédit et 14
double royauté n'a été instituée qu'assez tard, en liaison sans doute avec les
réformes de Lycurgue. Mais ,cela, loin de gêner l'auteur, lui permet d'expliquer
commodément le nombre des éphores. 11 en existait quatre à l'origine, l'un pou,i;
le roi agiade, les trois autres pour chacun des phylobasileis, le cinquième éphore
ne serait apparu qu'avec la création de la seconde royauté. Qu'on n'objecte pas
que l'existence de ces phyiobasileis n'est jamais mentionnée à Sparte. Car elle
est attestée dans la dorienne Cos comme dans l'ionienne Athènes et dans maints
autres États grecs. En outre, l'organisation de l'armée Spartiate au vu» siècle,
fondée sur une division strictement tripartite, atteste l'importance des trois
tribus, ce qui « implique » (p. 409) l'existence des rois de tribus.
Lycurgue a existé et, en 809 avant J.-C, il a réformé l'État Spartiate. Celui-ci,1
auparavant, ne constituait pas une exception au Sud du Péloponnèse, dans
l'ensemble duquel s'était, au contraire, développée une civilisation dorienne
homogène qui détermina par avance tes grandes lignes de l'organisation sociale et
économique du pays, en Messénie notamment après la conquête Spartiate. Cette
organisation était de structure féodale et créait partout une classe étroite de
privilégiés, qui se transmettaient par l'hérédité leurs grands domaines fonciers;
Vagôgè avait été imaginée à l'usage des bénéficiaires du système. L'œuvre de
Lycurgue consista essentiellement à faire de Sparte, État féodal, un État unifié.
C'est ce que montre le texte de la « grande rhètra », où il faut interpréter ΔΛς
Σολλανίου xotl 'AOavâç Ευλλανίας comme l'équivalent linguistique de Διός Έλλανίαυ
xal Άθανάς Έλλανίας r Lycurgue permit donc à tous les Spartiates qui se
reconnaissaient comme Doriens, c'est-à-dire « filsd'Hellen », de participer à des cultes
communs. C'est ce que montre aussi l'indication relative, dan» cette rhètra, à
l'assemblée générale des citoyens ; enfin, fe nom d'ai*chagêtai, qui y est donné
344 COMPTES RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES
aux rois, révèle le caractère de véritable synoecisme pris par la réforme. En
même temps, Lycurgue créait, sur des terres conquises, des Atëroi qu'il
distribuait aux nouveaux citoyens admis à cette qualité grâce à l'organisation des
cultes nouveaux. 11 laissait subsister, avec leurs biens fonciers transmis
héréditairement, les anciens privilégiés qui furent la souche de l'aristocratie Spartiate
à laquelle était réservé l'accès à la gérousia. Mais les klèrpi, découpés sur la
«terre civique », revenaient aux όμοιοι, sur lesquels l'État put établir, en contre·
partie des avantages qu'il leur assurait, un contrôle strict, lis s'empressèrent
d'organiser, à l'instar des privilégiés pour qui et par qui ces institutions avaient
été inventées, des syssitia et des âgé lai, ce qui permit à l'État d'exercer sur
Yagôg'e un droit de regard.
Ainsi se trouve rejetée très loin dans le passé, avant Lycurgue, l'origine de
l'aristocratie Spartiate, qu'on tend d'habitude à faire apparaître, au moins pour
l'essentiel (très large supériorité de la richesse foncière et exclusivité pratique
du pouvoir politique), beaucoup plus tardivement, au ν et au iv« siècle, par le
seul jeu de l'évolution économique et sociale. Et, du même coup, en distinguant
deux catégories de « Spartiates », Mme Chrimes est en mesure de nier un des
phénomènes considérés jusqu'ici comme les plus frappants et les mieux établis
de l'histoire de Sparte, Γα b c de cette histoire à vrai dire, puisqu'il ne s'agit de
rien d'autre que de l'amenuisement du nombre des citoyens. Si peu formelle
qu'elle soit, sa négation n'en est pas moins implicite. Car les nombres catas-
trophiquement bas qui, dès l'époque de Leuctres, nous sont fournis sur les
« Spartiates », concernent seulement, à l'en croire, la classe des privilégiés.
Maiabieu des « citoyens » subsistaient en dehors, et tous n'étaient pas des hypo-
metoain au sens technique du terme. L'armée n'avait pas besoin de recourir
largement aux. périèques, d'ailleurs, révoltés après l'intervention thébaine dans le
Péloponnèse, pour réunir encore d,es effectifs respectables.
Enfin, dernier exemple, emprunté cette fois à l'évolution militaire. Ce sont
lus Spartiates qui ont, les premiers, allégé l'armement du fantassin-type. Ce sont
eux qui ont remplacé le lourd équipement de l'hoplite, encore en usage pendant
\es guerres méjiques, avec casque de bronze à crête, cuirasse et jambières de
Blétal, par un équipement plus léger (casque de cuir pointu, pas de cuirasse hi
de jambière») permettant au sqjdat d'utiliser des chemins difficiles et même de
Courir au besoin, non'pas pou? une courte charge, mais en liaison avec la cava-
leri*. -La réforme était certainement chose accomplie au début de la guerre du
Péloponnèse, pour laquelle on -espérait précisément bénéficier de l'effet de
surprise, sans se douter que Périclès refuserait le combat sur terre. Le type du pel-
taste se dégagea ensuite et ce furent les Béotiens et les Athéniens qui y
parvinrent les premiers en Grèce. Mais les. Spartiates, en Asie Mineure, en avaient,
déjà fait emploi, ainsi que d'une cavalerie en proportion plus forte que
d'habitude. On ne saurait donc leur reprocher l'esprit de routine, ni pour l'armement
ni pour la tactique: leurs experts militaires, au contraire, se sont toujours
montrés remarquables et méritèrent amplement la préexcellence que, de tout
temps,. «» s'accorda à leur reconnaître.
Cet quelques indications montrent assez, je l'espère, la variété comme la nou-
beauté des conclusions apportées par ce livre. Leur non-conformisme n'est pas
fuit pour scandaliser. Il suffit d'avoir cherché, avec un minimum d'esprit
critique, à s'informer sur Sparte pour s'être convaincu que les solutions auxquelles
on se rallie le plus souvent doivent toujours s'accompagner de prudentes
réserves : courts par définition, les manuels ne peuvent à cet égard prendre toutes
les précautions nécessaires. Plus que de toute autre cité grecque, l'histoire de
COMPTES ΚΕΝΟΙ!» BlBLlOGHAPiligUES 345
Sparte est faite, pi» réalité, de questions posées plus que de certitudes ; rien,
pour elle, n'est définitif ni ne peut l'Atre. Ou moins est-on eu droit de demander,
avant d'admettre des solutions inédites au rang de solutions vraisemblables, «les
garanties qui ne sembleut pas se rencontrer ici aussi fortes qu'il serait
souhaitable.
Mine Chrimes fonde une bonne partie de sa reconstruction sur une étude de
l'histoire et des institutions de Sparte aux périodes hellénistique et romaine.
C'est à cette étude qu'elle consacre toute la première partie du volume (200 pages)
avant de passer aux discussions sur la Sparte archaïque et classique. Cette façon
de prendre les problèmes frappe par sun originalité et peut, à première vue, se
justifier : nos informations tant littéraires sur Sparte hellénistique, grâce à
Polybe ou aux sources qui dérivent de lui, qu'épigraphiques sur Sparte romaine
sont assurément beaucoup plus nombreuses et précises que celles dont nous
disposons sur la période antérieure à Alexandre. Mais, entreprise pour
découvrir des bases de départ, l'étude des périodes hellénistique et romaine a
rapidement dévié pour être finalement menée en soi. Elle a abouti à un chapitre
intéressant sur les frontières et les ressources économiques de Sparte
post-classique, à un chapitre ingénieusement audacieux stir les descendants de C. Julius
Euryclès; mais ces chapitres sont à coup sûr étrangers à l'objet propre du livre.
Sur Agis IV, Cléomène III et les' rapports avec la Confédération achaienne, plus
d'une page appelle la même observation; en outre, et surtout, l'auteur s'est mal
informée de l'état des questions au moment où elle écrivait (1944, d'après
l'introduction) et, faute de connaître la bibliographie de sou sujet, tantôt découvre
l'Amérique, tantôt commet d'indiscutables et grosses erreurs. Quel besoin de
consacrer un appendice à la chronologie des stratégies d'Aratos et de chercher
à établir que la bataille de Sellasia eut lieu en 221, en ignorant de multiples,
travaux dont la méconnaissance entache de témérité toute tentative pour traiter
d'aussi épineux problèmes ?
Toutefois, et sans insister sur des remarques -de cet ordre, il convient de poser
une question préalable, à laquelle Mme Chrimes donne, avec une assurance
certainement excessive, une réponse affirmative . Elle fait, en somme,
substantiellement confiance au dire de Cicéron(/'ro Flacco, 26, 63), selon lequel les Lacédé-
moniens soli loto orbe terramm seplingenlis iam a unis amplius unis moribus et
nunquam mutatis legibus viount. C'est en étudiant l'Organisation éphébique, la
gérousia et les magistratures Spartiates de l'époque romaine qu'elle découvre
certaines des idées sur lesquelles elle édifie par la suite plusieurs de ses
hypothèses : eu particulier, l'existence de multiples catégories juridiques parmi les
« citoyens » Spartiates et le monopole du pouvoir en faveur d'une aristocratie
étroite. Mais tout cela, qui est indiscutable pour la période tardive, représeute-
t-il bien le legs du plus lointain passé? A l'époque de Cicérou, et plus encore
à l'époque impériale, Sparte, à coup sûr, archaïsait. Mais, si délibéré qu'il soit,
l'archaïsme atteint-il jamais à la perfection? Et· qui donc, dépourvu d'une
connaissance antérieure et minutieuse du passé, pourrait séparer l'archaïsme
authentique de l'archaïsme frelaté? L'identité que Mme Chrimes pose en axiome semble
faire bon marché de l'évolution inévitable, dont la force même des choses suffit
à consacrer les résultats et qui fut facilitée, en l'espèce, par de nombreux
changements de régime, voire par de véritables révolutions. L'établissement de la
suprématie romaine el surtout sa durée n'ont pas pu demeurer sans effets. C'était
la fin de toute sérieuse liberté d'action, à l'intérieur comme à [extérieur ; c'était
l'indifférence à l'égard d'institutions condamnées à un jeu d'apparat, sans
efficacité politique; c'était donc l'achèvement de la mainmise sur eus institutions par
346 , COMPTES RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES
la classe riche que de vains honneurs suffisaient à tenter; c'était la mise en
valeur et l'accentuation de tout ce qui pouvait frapper la curiosité du touriste
friand de bizarreries. Aucune source ne nous détaille cet enchaînement de causes
et de conséquences. Mais il existe en sa faveur trop de vraisemblance logique
pour qu'on ne le préfère pas à l'hypothèse de l'immutabilité. Et c'est pourquoi,
si méthodiquement précise que soit et si utile que puisse être Fétude faite par
Mme Chrimes de l'organisation sociale et politique de Sparte sous lErnpire, je
crains que les conclusions qu'elle en tire ne puissent servir pour se représenter
la Sparte des siècles archaïques et classiques.
Voilà sans nul" doute l'objection majeure. Il en est d'autres, dont il suffira de
donner ici une idée. ~
L'ingéniosité étymologique de l'auteur est grande, trop grande pour ne pas
mettre en garde le lecteur. On ne se résoud pas à. croire qu'S<popoç, même à
l'origine, ait pu signiQer autre chose que « surveillant » : rien ne sert d'invoquer1
le sens spécial d'èsopôtv, manifestement issu du sens plus général qui est le sens
premier. Tout aussi net semble le cas des Skiritai, qui forment un lochos de
l'armée Spartiate. Ils ne tireraient pas leur nom de la région appelée Skiritis,
mais d'une peau d'animal garnie de ses poils qui leur aurait tenu lieu de
bouclier, analogue à, Pégide d'Athèna et qu'on retrouve sur des divinités ou des
héros se livrant à la chasse; le nom de cette peau est inconnu; peu importe, car
nous connaissons une Athèna Skiras, une Artémis Skiris, un Dionysos Skiéreios,
le brigand Skirôn et des peaux d'animaux sont mentionnées à propos de la fête
des Skirophoria. Tels sont les seuls arguments invoqués. Malheureusement,
trop de raisonnements développés dans ce livre n'en invoquent pas de plus
convaincants.
L'ingéniosité arithmétique de l'auteur n'est pas moindre, dans son maniement
des combinaisons du nombre 3 et de son carré 9. Il y avait trois tribus dorien-
nes, mais la prédilection des Spartiates pour ce nombre ne s'en serait pas tenue
là : partout, Mme Chrimes le retrouve ou l'introduit. La base de tout calcul à
Sparte aurait été 9 et non pas 10. On y aurait estimé à 27 ans, non pas à 30, la
durée moyenne d'une génération, et construit en conséquence la fausse liste
royale. Comme on n*y a frappé de monnaies que tardivement, on n'y aurait pas
été influencé par la division de la mine en 100 drachmes, et le nombre pivot, à
ce degré, aurait été 81. La χιλ·.α<ττύς n'y aurait donc compté que 729 hommes et,
au lieu des 10.000 ou 9.000 citoyens primitifs dont parlent Aristote ou Plutarque»
on en aurait eu seulement 6561, c'est-à-dire 9 porté à la puissance 4. Assurément,,
ces calculs, appliqués à la chronologie ou aux effectifs des moindres unités de
l'armée, permettent de résoudre toutes les difficultés : ce sont eux qui conduisent
à la date de 809 pour les réformes de Lycurgue. Comment, dès lors, ne pas
admirer leur souplesse ? Mais comment aussi échapper à l'impression de
jonglerie, ne pas estimer leur précision étonnante, et leur base de départ trop étroite t
II serait facile de multiplier îes exemples et les remarques de ce genre. La
linguistique (à propos du texte de la grande rhètra) ef l'archéologie (en
particulier, pp. 364-367, à propos de la stèle peinte de Thèbes qui représenterait un
hoplite Spartiate à l'armement allégé) s'y prêteraient tout autant que l'étymolo-
gie ou l'arithmétique. Mais la conclusion serait identique, et les réserves
nécessaires aussi graves. Un livre souvent vrai dans ses négations, utile parce qu'il
remet à peu près tout en cause et attire justement l'attention sur la précarité
des affirmations les plus usuelles. Mais un livre vertigineusement audacieux dans-
ce qu'il édifie pour remplacer ce qu'il ébranle.
André Aymakd.

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