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L'UTILISATION DE LA TRIFONCTIONNALITE D'ORIGINE INDO-EUROPEENNE CHEZ LES

AUTEURS GRECS CLASSIQUES


Author(s): BERNARD SERGENT
Source: Arethusa , FALL 1980, Vol. 13, No. 2, INDO-EUROPEAN ROOTS OF CLASSICAL
CULTURE (FALL 1980), pp. 233-278
Published by: The Johns Hopkins University Press

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/26308132

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L'UTILISATION DE LA TRIFONCTIONNALITE
D'ORIGINE INDO-EUROPEENNE
CHEZ LES AUTEURS GRECS CLASSIQUES
BERNARD SERGENT

ο,'Ν CONNAIT le paradoxe présenté par la Grèce dans le domaine de


ses origines culturelles: alors que sa langue est typiquement indo-européenne,
plus conservatrice même que plusieurs autres de la même famille pour
nombre de traits, l'essentiel de la mythologie et de la symbolique indo
européenne, telles qu'elles ont pu être reconstituées par comparaison
des données indiennes, iraniennes, latines, Scandinaves, ne se retrouve
chez elle qu'entrés faible partie, et/ou amplement modifié.1
Pourtant, les travaux menés depuis une quarantaine d'années ont
permis de déceler un nombre finalement important de cas de classifi
cations trifonctionnelles en Grèce, dans les mythes, dans la théologie, dans
le droit, dans la littérature. Le paradoxe signalé plus haut se nuance alors
d'un autre, qui dispose les concepts un peu autrement: comme la tri
fonctionnalité d'origine indo-européenne ne donne pas en Grèce leur
forme aux grands thèmes religieux et mythologiques, ce ne sont pas les
textes les plus anciens - contrairement à ce qui se passe en Inde, à Rome
ou en Iran - qui offrent des exemples d'utilisation de cette méthode clas
sificatoire, mais des écrits d'époques diverses, souvent relativement
récente; en effet, les thèmes trifonctionnels sont bien rares dans les poèmes
homériques,3 ils jouent un rôle par contre important chez Hésiode,4 mais
c'est avec Platon, au IVe s., qu'ils occupent, un moment, le devant de la
scène, et donnent lieu aux plus magnifiques développements.
Tout se passe dès lors comme si les concepts indo-européens
avaient été submergés ici par un courant idéologique qui, quelle qu'en soit
l'origine - indo-européenne mais transformée, ou "pré-hellénique," ou
Orientale. OU. olus vraisemblablement élaboration lorale à nartir Hec

différents matériaux préexistants - est devenu largement dominant


la pensée grecque, mais avait laissé marginalement, dans quelques can
ou milieux particulièrement conservateurs, des souvenirs, des "survivance
vivants, toujours utilisés pour classer les divinités, les événements,
lois; et cela, de manière suffisamment forte, pour que des auteurs d'ép
relativement tardives aient pu en être informés et les avoir utilisé
profit.

233

ARETHUSA Vol. 13 (1980) 2.

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234 Bernard Sergent

Aux Ve et IVe s., la trif


place, plus ou moins impo
dans la pensée politique - H
qu'ils en font n'est ni hom
problèmes: l'exposé qui s
prétation.

I. Eschyle.

Une constatation restrictive s impose α aoora: tscnyie est le seul


auteur attique du Ve s. qui paraisse faire usage, en termes souvent clairs,
de la trifonctionnalité. Il est possible qu'à la fin du siècle, Aristophane
insère un serment "trifonctionnel" dans les Nuées, comme l'a proposé
de manière séduisante Janine Orgogozo dans un article de 1949,5 mais
alors, bien évidemment, il ne fait là que citer une formule stéréotypée
prise dans un rituel d'antique origine.
Et il s'ajoute à cette première restriction qu'il n'est point sûr que le
premier grand dramaturge athénien ait connu la trifonctionnalité comme
doctrine visant à donner une interprétation exhaustive des aspects du
monde. Il est possible en effet qu'il ait appris, de sources différentes,
quelques cas très particuliers d'application de la division trifonctionnelle,
et qu'ainsi il n'ait pas été en mesure de percevoir ce système classificatoire
dans toute son ampleur. Les documents sont en effet les suivants:

a) En 1953, G. Dumézil notait qu'il est évoqué précisément trois


mnvene dp détruire un emnire. selon le dialogue d'Atossa et de l'ombre
de Darios dans les Perses, et que ces trois moyens recouvrent les trois
fonctions indo-européennes (713-716):
Atossa: ... tu vas tout savoir en peu de mots, Darios: la
puissance perse, je puis le dire, est anéantie.
Darios: Et comment? Est-ce la peste, est-ce la guerre civile
qui s'est abattue sur l'Etat?
Atossa: Non, mais près d'Athènes notre armée a péri tout
entière.

Darios évoque bien deux possibilités, l'une naturelle — les traditions


des divers peuples indo-européens montrent bien que la santé est du
domaine de la troisième fonction6 — l'autre politique, la sédition, dont
Darios lui-même a connu les effets, au sommet de l'Etat, au tout début de
sa carrière,7 mais il ne songe pas, tant la puissance de l'armée perse qu'il

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a forgée est colossale, à une éventualité d'ordre militaire; et c'est précisé


ment cela qu'Atossa lui oppose: la Perse a été frappée dans le domaine
où précisément elle excellait et semblait inébranlable.8
Or, il est douteux que ce bel exemple de trifonctionnalité chez
Eschyle soit du cru de l'auteur, c'est-à-dire que le dramaturge ait librement
décidé de classer les fléaux qui frappent occasionnellement les pays selon
des conceptions qu'il aurait apprises par ailleurs. Dumézil est revenu à
plusieurs reprises sur cette question, et le mieux me paraît de citer ses plus
récentes réflexions.
On trouve dans les textes iraniens, indiens et gallois, notait-il dans
les npica minora ae My me et epopee ι (îyoej, une ciassuication truonc
tionnelle des "ennuis" qui peuvent affecter un homme ou un pays.' L'Iran
offre à ce sujet un texte archaïque de VAvesta;10 de plus,

Le grand roi Darius, dans une inscription de Persépolis


(d, 1.15-21), a de même défini trois fléaux dont il demande
à Ahuramazdâ de garder son empire. En 1938, M. Benveniste
en a marqué la valeur trifonctionnelle:11

Qu'Auramazdâ protège ce pays de l'armée ennemie, de la mauvaise récolte,


du mensonge. Que ne viennent à ce pays ni l'armée ennemie, ni la mauvaise
récolte, ni le mensonge.

Ce dernier mot, dans la terminologie du grand roi, repré


sentant de Dieu sur la terre, outre le péché de tromperie, le
plus grave selon le mazdéisme, désigne l'"illoyalisme," la
méconnaissance de la souveraineté du roi par des prétendants
ou par des rebelles, dont ses inscriptions parlent si abondam
ment.

Cette formule perse devait être célèbre, car, dans des jours
pathétiques, elle a atteint les observateurs grecs ....

Chaque fois qu'il m'est arrivé de relire les Perses, j'ai été
frappé d'une certaine ressemblance, dans le ton et dans
d'assez nombreuses expressions, entre les inscriptions dont
Darius I a orné son empire et jusqu'à sa sépulture, et les
paroles qu'Eschyle prête à son Ombre, sortie pour un
instant du tombeau. La publicité, nouvelle chez les Perses,
que le Grand Roi avait ainsi donnée à ses succès, à ses ex
périences, à ses pensées, avait pu par bien des intermédiaires,
depuis les Ioniens de l'empire jusqu'aux prisonniers de

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Salamine, de Platées, d'Eion, atteindre les Athéniens ses


vainqueurs et vainqueurs de son fils.

La liste de ses prédessesseurs que l'Ombre développe, avec


des numéros, du vers 765 au vers 781, et qui ne manque pas
de signaler l'usurpation du faux Smerdis, rappelle le début
de l'inscription de Béhistoun:

Dareios:
"Mêdos fut le premier . . .
"Le second, son fils . . .

Le troisième à partir de lui, Kyros . . .

"Le fils de Kyros, quatrième [=Cambyse] . . .

"Cinquième, Mardis [=le "faux Semerdis"] eut le pouvoir,


honte de la patrie et du trône antique. Celui-là, par ruse,
le brave Artaphrénès le tua chez lui, avec des amis con
jurés. Et moi, je reçus du sort ce que je voulais . . ."

Darayava[h]u le roi déclare:


"Mon père était Vistaspa, le père de mon père ArSâma
(etc.). . . Huit de ma famille ont été auparavant rois, je suis
le neuvième (I 1.1-12)

". . . [Le mage Gaumâta] trompa le peuple [disant]: 'Je suis


Bardiya, fils de Kuru, frere de KanbUjiya. . . Avec quelques
hommes, je tuai le mage Gaumâta. Je pris la royauté de lui,
par la volonté d'Auramazda je devins roi . . . La royauté qui
avait été enlevée à notre famille, je la remis à sa place . .
(I 1.38-39, 56-62).

Dareios (v. 779-780):


"Et moi, je reçus du sort ce que je voulais et je fis mainte
guerre avec mainte armée, mais je n'ai pas infligé tant de
maux au pays ..."

Et Dârayavahu {B'eh., IV 1.3-7):


"Par la volonté d'Auramazda, en une même année après
que je fut devenu roi, je fis 19 batailles; par la volonté d'Au
ramazda, je les gagnai, je pris 9 rois . . ."

. . .Dans un tel contexte, la manière solennelle dont l'Ombre


de Dareios, au début de l'évocation, s'informe du genre de
malheur qui frappe la Perse et reçoit réponse de sa veuve,

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La Trifonctionalit'e indo-européene chez les Grecs 237

ne peut manquer d'évoquer dans nos esprits la "triade des


calamités" que Dârayavahu, à Persépolis, prie Auramazdâ
d'écarter de son empire . . . (Ainsi), Dareios et Atossa
recomposent — peste, sédition contre le souverain, ané
antissement de l'armée par l'ennemi — une formule in
usuelle en Grèce et toute voisine de celle de Dârayavahu.12

On verra tout-à-l'heure comment Pindare, en une époque voisine,


proposait une division trifonctionnelle des types de maladie. Il ne serait
donc pas impossible qu'Eschyle ait recueilli une tradition purement grecque
de classement trifonctionnel des fléaux. Cependant, la précision des co
incidences entre le texte d'Eschyle et les inscriptions en vieux-perse de
Dârayavahu semble indiquer une transmission directe — les nombreux
intermédiaires suggérés par Dumézil dans le passage cité sont douteux:
les cohésions, en particulier celle de la classification des fléaux, auraient
été disloquées si l'information avait été longuement véhiculée — et l'on
peut penser qu'Eschyle tenait ses connaissances sur l'idéologie officielle
de l'Iran d'un Perse de haut rang, ou au plus d'un autre Grec lui-même
informé par un dignitaire ou un lettré perse. Dès lors, sachant qu'ef
fectivement une division semblable des fléaux n'est pas attestée auparavant
dans la littérature grecque, on peut penser qu'Eschyle s'inspire ici des
idées proprement perses.
Mais encore faut-il que le poète athénien ait été en mesure de
saisir l'intelligence de la classification trifonctionnelle des fléaux, pour
la reproduire, exhaustivement et exclusivement, dans un dialogue, c'est
à-Hirp Hanc nnp fnrmp nnoinalp Hictinrti* Hn on mnnnlnmiA At*

l'inscription de Béhistoun. On peut penser que son infor


instruit à l'aide d'une formule comme "les Perses esti
trois moyens de ruiner un Etat . . mais on peut se dema
quelle mesure des idées également trifonctionnelles, en G
pu jouer un rôle ici, en rendant Eschyle réceptif à ce typ
C'est en effet ce que suggèrent, d'une part, les autres exe
tionnalité chez le même auteur, d'autre part, des cas de
tionnelles des fléaux, comme on le verra ci-dessous, c
de Milet, chez Platon, et en Crète.

b) On sait, depuis un mémoire célèbre de Th. Hom


fronton oriental du temple d'Apollon à Delphes mett
maître du sanctuaire, Apollon, et lui seul, tandis que le fr
campait sur un plan analogue Zeus, Athèna et Dionysos. I
que ce soit essentiellement à l'aide d'un passage d'un a

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attique, Euripide, que cet


Atsuhiko Yoshida a mon
vraisemblablement aux tr
alors que ce fait n'était pa
trifonctionnelle était viva
portance était oblitérée pa
récent,16 rassemblant les
documents, j'ai montré qu
u&ipu&a, y mipii^u^ixv mit auuiuiu^ub uaumuu uw a nvniagv uiuu

européen, et font de ce sanctuaire un des principaux ce


des idées trifonctionnelles en Grèce.
C'est dans ce contexte qu'il faut placer les récentes suggestions
faites par U. Strutynski au sujet de "thèmes trifonctionnels" dans les
Eumenides.
On sait que la pièce se déroule à Delphes, devant le temple, et le
premier personnage à parler est précisément la Pythie. C'est dans un pas
sage du discours de celle-ci, dans le prologue, qu'U. Strutynski croit repérer
un premier schème trifonctionnel. Mais il faut citer ici ce prologue en
entier: sa structure est originale.17

Ma prière, parmi les dieux, fait une place à part en premier


lieu à la première prophétesse, à la Terre (Gaia); après
elle, à Thémis, qui s'assit la seconde au siège prophétique
laissé par sa mère, comme l'affirme un vieux récit. La troi
sième, à son tour, avouée de Thémis, sans violence faite à
personne, une autre Titanide, fille de la Terre, s'y assit
ensuite, Phoibè, et c'est elle qui l'offre, en don de joyeuse
naissance, à Phoibos — Phoibos, qui doit à Phoibè ce surnom.
Délaissant donc Dèlos, son lac et sa croupe rocheuse, il
s'en vient aborder aux rives de Pallas, familières aux nefs,
pour gagner cette terre et le Parnasse, son nouveau séjour. Il y
trouve une escorte et d'éclatants honneurs; les enfants
d'Hèphaistos lui ouvrent son chemin, apprivoisant pour
lui le sol sauvage. Il arrive et reçoit ici le franc hommage
du peuple et de son roi, Delphos, pilote du pays. Et Zeus, lui
emplissant le coeur de divine science, l'assied sur ce siège,
quatrième prophète: Loxias, ici, parle pour Zeus son père.
Voilà donc par quels dieux commenceront mes prières. Mais
Pallas Pronaia, dans nos vieux récits, tient également une
place à part. Et je salue aussi les Nymphes de l'antre Korycien,

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La Trifonctionalit'e indo-europ'eene chez les Grecs 239
asile des oiseaux, retraite d'un dieu: là règne Bromios — je
me garde de l'oublier! — depuis le jour où sa divinité con
duisit au combat les Bacchantes et à Pentheus trama la mort
d'un lièvre. J'invoque enfin les eaux du Pleistos, et Poséidon
puissant (krâtos), et Zeus Suprême (Hùpsistos), sans qui
rien ne s'achève (Teleios), avant de prendre place, prophétesse,
sur mon siège.

Il est clair que l'on a ici trois triades de divinités: dans l'ordre:
Gaia
Thémis
Phoibè

Apollon (et Zeus) (au tém'enos principal)


Athèna Pronaia (à Marmaria)
les Nymphes et Dionysos (à l'antre Korycien)
le Pleistos
Poséidon
Zeus

Strutynski remarque18 que la triade centrale est celle-là même que


l'on trouve en vedette sur le fronton occidental du temple d'Apollon: il
est donc séduisant d'y voir une expression de la trifonctionnalité. De fait,
Apollon, ici, est posé comme intermédiaire entre Zeus et les hommes
(1ère fonction), Athèna, en tant que Pronaia ("devant le sanctuaire"), se
rattache à la série des Athèna gardiennes des portes et des passages,
déesse apotropaïque, incontestablement militaire,19 Dionysos, appelé
Bromios comme dans la description de Ylon d'Euripide, et caractérisé, avec
les Nymphes, comme divinité de la nature violente.
Mais alors, une question se pose: cette répartition des rôles et des
lieux entre Apollon, Athèna et Dionysos, correspond-elle à une clas
sification trifonctionnelle connue et utilisée par Eschyle, ou bien, le poète
ne iaii-u ici que suivre un enseignement deipmque dont, pas plus qu'buripide
un peu plus tard, il ne saisit les raisons?
Deux démarches peuvent apporter une réponse: l'analyse des deux
autres triades, et celle du texte de la pièce.
Il est en effet significati qu'Eschyle campe ici trois triades: si l'on
ajoute à cela qu'il est le seul auteur à parler de trois prophetesses divines
antérieures à Apollon — les autres n'en connaissent qu'une ou deux20 — on
est en droit de le soupçonner d'avoir délibérément composé ses triades.
Et, s'il a su en créer, ou en retenir, une trifonctionnelle, il serait cohérent
que les deux autres le fussent aussi.

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De la dernière, cela est p


jonction de Zeus (pour la s
Delphes),21 et du Pleistos,
représente aisément la 1ère
ici par son titre de "suprêm
kràtos, et il est en Grèce d'a
seconde fonction,22 enfin le
tion, puisque l'eau, aussi bi
monde indo-européen, sym
choquant, d'avoir une telle d
ment Eschyle pourrait-il fa
deux très grands dieux et un é

domaine de la Illème fonction: on ne saurait le faire que par inférence.


Et si l'analyse en termes de trifonctionnalité est difficile pour la
troisième triade, elle est franchement impossible pour la première. Certes,
Gaia, la Terre, pourrait représenter la Illème fonction, et Thémis, épouse
de Zeus, dont elle exprime l'aspect juridique, peut correspondre à la 1ère.
Seulement, dans le maigre dossier de Phoibè, rien ne la relie à la Ilème
fonction: épouse d'un Titan Koios, mère de Lêtô, "brillante" de par son
nom et, dit Hésiode,24 "couronnée d'or," elle est plus "royale" que "mili
taire."
En fait, on a plutôt l'impression qu'Eschyle, disposant effective
ment d'une triade de divinités (elle, trifonctionnelle) pour énumérer les
maîtres des lieux, a constitué une série du type: divinités initiales (des
prima), divinités maîtresses (des summa), divinités cadres, au plan gé
ographique et au plan théologique, le Pleistos marquant la limite du
sanctuaire, Poséidon étant le maître du sol et Zeus celui du ciel (termini,
~n ; ε*: \ : * j
ΟΙ Χ VS11 ^/VUl vVJll V XXX vXV'X IVJ UlIUCIXUllJ XUIXIIVJ y, Vil 1UU1 IljUUIIl UVUA ix xauvo

pour encadrer la principale; ainsi, il aurait allongé la liste des


prophétesses (généralement, avons-nous dit, une ou deux) d'un
terme, en jouant sur la parenté des mots Phoibe et Phoibos,25
critère central qui lui permet de caractériser ces divinités par
tiellement une opposition du type nature / culture: "la Terre
Phoibè d'un côté, Thémis (l'Ordre) et Phoibos de l'autre, l'ordr
cession faisant alterner nature sauvage et civilisation"; Phoibo
compagné des Athéniens (les "fils d'Hèphaistos") défricheurs,
fille de Zeus et garante de la sécurité du sanctuaire, suivie d'u
chasseur (conducteur des Bacchantes et meurtrier d'un Penthe
comme un lièvre) avec les Nymphes d'un antre qui sert de ref

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La Trifonctionalit'e indo-europ'eene chez les Grecs 241

oiseaux, ce à quoi fait répondant le Pleistos, dont la gorge profonde est


comme l'équivalent vers le vas de l'antre Korycien qui se trouve dans
les hauteurs du Parnasse; Poséidon vient en sa proximité comme maître du
sous-sol; enfin Zeus clôt la série, Zeus "sans qui rien ne s'achève," créateur
de l'order souverain.26
Ainsi, la critériologie fondamentale d'Eschyle n'apparaît pas
comme trifonctionnelle: elle utilise une opposition nature / culture qui
domine toute la pièce,27 et pose des séquences en vertu de fonctions
("débuts," "possessions," "cadres") qui ne sont point celles qu'avaient
élaborées les théoriciens indo-européens. Et si la triade centrale est bien
trifonctionnelle, comme il est probable, c'est malgré lui: ce n'est pas lui
qui, par un choix de qualificatifs, fait d'Athèna une guerrière, c'est
l'adjectif, cultuel et local, de Pronaia, qui garantit la nature de sa fonction;
de même son Bromios et ses Nymphes ne sont pas divinités de la fécondité,
mais de la nature sauvage et de la chasse, choses qui peuvent être classées
dans la Illème fonction indo-européenne, mais qui, de toute évidence,
obéissent à une définition fondée sur des critères tout différents.
Mieux: non seulement Eschyle n'a pas créé de nouvelles triades
trifonctionnelles, par duplication, en quelque sorte, de la principale, mais
il a englobé celle-ci dans un contexte qui en défigure la définition. A
l'amont, en effet, il pose une Phoibè, qui correspond à Phoibos mais
s'oppose conceptuellement à lui, et à l'aval, il oppose la vallée du Phleistos
à l'antre Korycien, alors qu'il est patent que dans la perspective delphique,
ce dernier définissait, avec le temënos d'Apollon et le temple d'Athèna à
Marmaria, une triade de lieux sacrés.28
Il en résulte que le dramaturge athénien, lorsqu'il structure série
et oppositions de divinités, ne s'inspire pas de la trifonctionnalité indo
européenne: il a reçu de Delphes une triade dont il n'a pas compris la
nature.

Reste l'ensemble de la pièce des Eum'enides. Dans l'étude citée,


Ugo Strutynski a soutenu que l'armature de la pièce elle-même était tri
fonctionnelle. Mais son argumentation, on va le voir rapidement, est bien
contestable.

Apollon et Oreste, dit-il, représentent la seconde fonction. Pourquoi?


Oreste a tué un parent (sa mère), et Apollon a tué le premier maître du
lieu, le Serpent (plus tard appelé Python). Tous deux - et le motif est
évidemment central dans les Euménides - doivent ensuite être purifiés.
Et cela, dit Strutynski, "rappelle" les aventures d'Indra (meurtre de
Vftra, soit un crime religieux, puisque Vjtra est brahmane; puis purifi
cation), d'Horace (meurtre de sa soeur; puis purification) et du héros indien

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242 Bernard Sergent

Trita Âptya (meurtre du fil


brahmane mais chapelain e
La comparaison ne va pas bi
pas un motif pertinent, p
les sociétés archaïques, la sou
des récits sur les purificatio
à une parenté de ces récits.2
pencher: et ici la comparai
de Delphes n'est pas un pare
par excellence, mais l'expres
êtres chthoniens; son meurt
dations, tel le meurtre du D
comprend aussi une fameuse
héros un roi par excellence.
tue sa soeur, mais c'est aupar
à ce dernier son caractère
l'histoire d'Oreste ne compr
Apollon ne sont évidemmen
dernier roi de Mycènes, l'autre
à la "1ère fonction," si, à con
ces termes au sujet des Eumë
La seule méthode pour j
oeuvre d'Eschyle n'est d'ail
plus ou moins lointain: elle c
de la pièce, et c'est après s
être fertile. Ainsi, les rappor
avec les autres divinités, n'o
avec la force physique. Mie
par ces éléments. Comme l'o
la pièce comporte les séquen
qui poursuivent le héros, m
préside en juge impartial l
"patriarcal" - car, dit-elle, el
vain, de calmer les Erinyes,
a la clef de la pièce où Zeus
(v. 295 ss. et 914 ss.) le poèt
certain que la foudre est un
lequel insiste Athèna renvoie à
la fois "homme" et "héros,
yeux d'Eschyle, de la sphère

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La Trifonctionalitë indo-europëene chez les Grecs 243

en même temps cela considérablement, qu'elle se rapproche de Zeus et a


part à la souveraineté:32 le centre de sa définition n'est pas là où les penseurs
indo-européens ont situé le centre conceptuel de la seconde fonction.
Il est pourtant à la fin de la pièce un passage suggestif, justement
pointé par l'auteur dont nous discutons la thèse ici. Instaurant l'Aréopage
(dont le nom évoque précisément la violence et la guerre), Athèna retire
aux Erinyes la punition des crimes de sang, mais parvient à un accord
avec elles (v. 902-925):

Le Coryphée: Quels voeux m'ordonnes-tu de chanter sur


ta ville?

Athena: Ceux qui appelleront un triomphe sans tache, bt


d'abord que toutes les brises qui se lèvent de la terre, de
l'onde marine ou du ciel, viennent aux rayons d'un soleil
propice, souffler sur ce pays! Que la riche fécondité du sol et
des troupeaux jamais ne se lasse de rendre ma cité prospère!
Que la semence humaine y soit aussi protégée! Les impies,
en revanche, sarcle-les sans scrupule; j'aime à voir, comme un
bon jardinier, le Juste croître à l'abri de cette ivraie. Voilà
les voeux qui te regardent. Pour les nobles luttes guerrières,
c'est moi qui veillerai à ce que toujours elles fassent hon
neur à ma cité, triomphante parmi les hommes!

Le Choeur: Oui, je veux vivre avec Pallas et ne point dédaigner


la ville dont Zeus tout-puissant et Arès font par leur présence
le donjon des dieux, éclatant rempart des saints autels de la
Grèce. Sur elle j'épands mes voeux en oracles propices. Que
tous les bonheurs qui font une vie prospère, de son sol, jail
lissent en foule à la clarté d'un soleil resplendissant!

Ce qu'Athèna propose aux Erinyes, c'est une fonction de protection


de la fécondité (et de même aux vers 937-42, 944-46, 956-67, qui évoquent
tout à tour les moissons, les troupeaux, les enfants): Strutynski y décèle,
logiquement, la Illème fonction.33 Le partage: guerre / fécondité, est
clairement énoncé ici, et le premier de ces deux termes est alimenté par
une définition guerrière d'Athèna et une allusion à Arès. Or, à cette bi
partition, s'ajoute en troisième terme Zeus, maître de tous pouvoirs
(Pankrates), c'est-à-dire souverain. Trifonctionnalité?34 Peut-être. Deux
fois encore, les Erinyes se joignent à la fois à Athèna et à Zeus, en évoquant
leurs fonctions différentielles (v. 996-1003; 1044-46):

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244 Bernard Sergent

Le Choeur [s'adressant aux Athéniens]: Adieu, vivez


heureux au milieu des dons bénis de la richesse, vivez heureux,
habitants de cette cité, assis aux côtés de la Vierge de Zeus,
lui rendant son amour et apprenant chaque jour la sagesse!
Ceux que Pallas abrite sous son aile sont respectés de son
père.

Id. [à la fin de la pièce]: La paix, pour le bonheur de ses


foyers, est aujourd'hui acquise au peuple de Pallas, et ainsi
s'achève l'accord de la Moire avec Zeus dont l'oeil voit
tout!

Aussi séduisant que cela soit, il est difficile d'affirmer ici qu'Es
a voulu faire un exposé trifonctionnel des divinités protectrices d'At
Certes, la paix et le bonheur dont vont s'occuper les Erinyes peuve
rattacher à la Illème fonction,35 et de fait concluent ici un discou
la fécondité, Athèna est protectrice et Zeus souverain, mais Athèn
tout autant divinité de la sagesse, et le lien étroit entre elle est son
"Vierge de Zeus," etc.) estompe une répartition entre trois fon
vraiment distinctes.
Il est possible — mais possible seulement — que le poète exprime ici
une antique tradition athénienne,36 celle-ci trifonctionnelle, du type: I =
Athèna (Poliade, et fille de Métis) + Zeus,37 II = Athèna (centre de sa
définition)38 + Arès, III = (Athèna)39 + les Euménides:40 mais alors, de
même qu'il livre une triade delphique sans paraître la comprendre, il utili
serait ici une triade attique dont la raison d'être primitive lui échapperait.
Ainsi, ni dans le Prologue, ni dans le corps de la pièce, ni dans la
conclusion, la trifonctionnalité indo-européenne n'organise le texte
d'Eschyle; au contraire, lorsqu'il intègre des triades structurées d'après
les trois fonctions, sûrement dans le Prologue, et peut-être dans la con
clusion, sa pensée propre l'amène à déborder les critères conceptuels
originaux, à décaler les centres de définition des divinités — selon les cadres
idéologiques dominants en Grèce: Eschyle ne crée pas de classifications
trifonctionnelles.

c) Dans le Prométh'ee enchaîné, le Titan proclame (v. 166-177):

Un jour viendra où de moi, pour outragé que je sois dans


ces brutales entraves, de moi il aura besoin, le monarque des
Bienheureux, s'il veut apprendre quel destin hasardeux doit

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La Trifonctionalit'e indo-europëene chez les Grecs 245

le dépouiller de son sceptre et de ses honneurs; alors, je le


jure, ni les sortilèges d'une éloquence aux mots de miel
n'auront pouvoir de me charmer, ni l'effroi des plus dures
menaces ne me fera révéler ce secret, à moins qu'il n'ait
d'abord desserré ces liens farouches et consenti à payer le
prix dû à pareil outrage.

Il y a là trois moyens évoqués: les sortilèges de l'éloquence (or


la magie et, en Grèce, l'éloquence, caractérisent la 1ère fonction);403 la
menace; le dédommagement, et, en 1955, Dumézil a réuni cette série à ses
"triades de calamités et triades de délits à valeur trifonctionnelle chez
divers peuples indo-européens."41 A titre de comparaison, voici les trois
moyens que, selon les Skirnismàl Scandinaves, le héros Skîrnir utilise pour
convaincre Gerd, fille de Gymer (être infernal, lié aux Géants; Gerd est la
Terre) d'épouser le dieu de la fécondité, Freyr: il tente d'abord d'acheter
(kaupa) son amour avec des objets en or: onze pommes et l'anneau
Draupnîr (strophes 19-22); elle le repousse, il la menace alors de la décapiter
avec son épée (str. 23-25); en vain; il commence alors par des chants
magiques (galdar) à la vouer au malheur (str. 26-37), et c'est seulement
par ce moyen qu'il obtient sa soumission.
La trifonctionnalité est incontestable, mais, tout-à-fait comme la
triade de fléaux dans les Perses, et la triade delphique au début des Eu
mènides, elle est isolée, sans rapport avec une quelconque organisation
trifonctionnelle de l'ensemble de la pièce, et sa ressemblance étroite avec
d'autres textes du monde indo-européen laisse voir clairement qu'il s'agit
d'une formule traditionnelle, adoptée par Eschyle sans intention particu

Quelle est alors la source de l'auteur?


Rien ne permet de le déterminer. Il convient seulement de remar

Qu'une triade toute semblable se trouvera plus tard dans


Platon,42 au point que Dumézil, dans l'article cité ci-dessus,
supposait que la triade du Prom'ethëe enchaîné étai la source
de celle du grand philosophe;43 mais l'on verra que Platon a
recueilli un vaste enseignement en matière de trifonctionnalité,
que sa triade s'intègre dans cet enseignement, et ne peut donc
dériver isolément d'une tragédie attique. Par contre, il se
pourrait que la source où puisera Platon ait déjà fourni des
données à Eschyle. On verra ci-dessous comment Delphes a

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Bernard Sergent

pu contribuer à la transmission des conceptions indo-euro


péennes jusqu'à Platon:44 or, Delphes a eu aussi beaucoup
d'influence, on vient d'y faire allusion, sur Eschyle:45 ce
peut être là une source commune.

Mais que d'autres remarques orientent vers la Béotie.


C'est dans Hésiode que le mythe de Prométhée est, à deux
reprises, exposé en premier;46 Hésiode est un des maîtres de la
pensée trifonctionnelle en Grèce:47 enfin on sait au'il a
beaucoup influencé Eschyle. Par ailleurs, peu de temps
avant le Prométhée enchaîné,*9 le béotien Pindare exposait
une triade de maladies et une triade de remèdes qui rap
pellent beaucoup la triade de menaces d'Eschyle.50 Peut-être
celui-ci a-t-il donc puisé dans une tradition béotienne dont
témoignent nettement les oeuvres d'Hésiode et de Pindare.

Il est étrange qu'Eschyle présente ainsi dans son oeuvre trois ou


quatre exemples de trifonctionnalité indo-européenne, alors qu'il n'y en
a plus aucun chez Euripide et Sophocle (sinon, involontairement, dans
l'Ion d'Euripide, lorsque le poète décrit le fronton occidental du temple
de Delphes). Cela s'expliquerait aisément si, tel Hésiode ou Platon,
Eschyle pouvait être tenu pour un auteur influencé par des héritiers de la
tradition indo-européenne, en sorte qu'il élabore lui-même des classifi
cations trifonctionnelles: mais l'on a vu que, précisément, tous les cas de
trifonctionnalité dans son oeuvre paraissent introduits tels quels de
l'extérieur, et qu'au contraire, ne comprenant pas la structure interne de
res trrnnnfmpnti il tend toiiinnrs à les défipurer et à en détourner le sens.

Dira-t-on qu'Eschyle, le premier grand dramaturge attique, es


plus près de la tradition, alors que Sophocle et Euripide, plus ouverts a
innovations, rejettent plus radicalement que lui les conceptions archaïque
Mais la triade delphique n'est certes pas plus archaïque chez lui que che
Euripide, et il innove au contraire en l'entourant de deux autres triade
originales; de même, l'introduction de le triade des fléaux achéménides
relève de l'innovation la plus caractéristique, et non de l'attachement à
des formes de pensée surannées.
Ce qui est possible cependant, c'est qu'Eschyle ait été plus ouvert
à des formes de pensée diverses, mais moins franchement créateur que
successeurs. Dès lors, c'est une sorte de hasard qui fait que le poète liv

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La Trifonctionalitë indo-europëene chez les Grecs 247
un cas de trifonctionnalité perse, un autre delphique, un troisième, peut
être, d'origine religieuse attique, un autre delphique ou béotien - mais un
hasard circonscrit par l'intérêt que portait Eschyle aux traditions du monde
qui l'entourait, un monde où l'héritage indo-européen, parfois, restait
encore bien vivant.
En contre-partie, il se vérifie que les conceptions indo-européennes
sont bien absentes des cadres de pensée attiques au Ve s. Elles s'attestent
sans doute à Delphes, à Thèbes, à Béhistoun, mais à Athènes, point. Ici
l'hellénisme proprement dit règne, il n'accorde nulle place intellectuelle aux
conceptions religieuses archaïques, et sans doute ont-elles sombré avec le
discrédit de l'aristocratie.51

II. Pindare.

La situation de Pindare se rapproche de celle d'Eschyle quant au


type des attestations de cas de trifonctionnalité, mais s'en distingue quant
à la nature de la tradition.

a) Dans la troisième Pythique, Pindare évoque l'éducation donnée


à Asklépios par le Centaure Kheirôn:52

Tous ceux qui venaient à lui, porteurs d'ulcères nés en leur


chair, blessés en quelque endroit par l'airain luisant ou la
pierre de jet, le corps ravagé par l'ardeur de l'été ou le froid
de l'hiver, il les guérissait chacun de son mal, tantôt en les
guérissant par de doux charmes, tantôt en leur donnant des
potions bienfaisantes, tantôt en appliquant à leurs membres
fnntpo cnrtpc Ha γργπ^Ηαγ· tontAt pnfin il toc rpmpttaif Hrnitc

par des incisions.

En 1945, Emile Benveniste a comparé cette triade de ma


de remèdes à des triades semblables du monde indo-iranien: l'Avesta ex
plique, dans le VTdëvdât, qu'il existe trois médecines: celle du couteau,
celle des plantes, celle des charmes; et, dans le llg-Veda, on dit des Nâsatya
(les Dioscures indiens) qu'ils sont guérisseurs "à la fois de ce qui est aveugle,
de ce qui est amaigri, de ce qui est fracturé."53
Ces diverses triades se comparent aisément:

Pindare Pindare Avesta %g-Veda


(maladies) (remèdes)
lésions spontanées charmes charmes ce qui est aveugle

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248 Bernard Sergent

blessures incisions couteau fractures

épuisement plantes plantes ce qui est amaigri

En effet, dans chacun de ces groupes, on a 1) des


inconnue, mystérieuses, auxquelles répondent des
type, puisque les charmes agissent d'un sujet sur un
niveau magique; 2) des lésions ouvertes par une cause
remèdes de même type: c'est un plan technique, et, q
chirurgical; 3) des maladies exogènes, dues au milieu,
également au milieu: c'est le niveau proprement méd
l'entendrions.

aux maladies de même niveau: il semble plutôt, par exemple, que, dans la
conception de Pindare, les charmes servent à soigner les blessures,54 les
plantes l'épuisement, et les incisions les ulcères.55 Mais, ce qui structure
l'homogénéité de l'ensemble, c'est la récurrence du groupement ternaire
des données médicales, et, dans chacune des triades, l'identité du principe de
répartition de ces données.
Or, si l'arrière-plan trifonctionnel n'est point patent dans les groupe
ments de Pindare et du I$g-Veda, il l'est dans YAvesta: les charmes, moyen
magique, religieux, rappellent que la religion et les prêtres caractérisent la
1ère fonction, le couteau évoque les armes et donc la Ilème fonction, les
plantes se rattachent à la Illème.56 La série de remèdes de Pindare y est
homogène, car la répartition est clairement: charmes; incisions; potions
+ remèdes = médecine par les plantes. La triade des maladies s'adapte
alors facilement au même cadre: Pindare indique bien que ce sont les
fluctuations climatiques qui déterminent tout un groupe de maladies, or
les plantes dépandent également du climat; les blessures sont évidemment
l'équivalent, au négatif, de ce que sont les incisions, au positif; et les lésions
spontanées, les seules dont l'origine est inconnue, se rattachent à la sphère
magique et religieuse. La triade vedique est la moms ciaire, mais précisément
celle de Pindare permet de la comprendre: l'amaigrissement correspond
évidemment à l'épuisement d'origine climatique du poète thébain, les
fractures correspondent aux blessures, et donc par là à la médecine "des
incisions" ou "du couteau," enfin la cécité évoquée est une maladie innée,
au contraire de quoi elle figurerait plutôt dans une des deux autres rubriques,
elle correspond donc aux lésions spontantées de Pindare, et Benveniste
observe justement57 qu'elle est un mal d'origine divine, souvent garant, en
contre-partie, de la voyance.
Pindare se fait donc l'écho, ici, d'une antique tradition indo
européenne. Celle-ci rappelle beaucoup les triades de fléaux évoquées

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La Trifonctionalit'e indo-europ'eene chez les Grecs 249

plus haut: ainsi, par exemple, dans les traditions irlandaises, on voit les
deux premières "races" de l'histoire mythique du pays, les fils de Partholon
et les fils de Nemed, mourir d'épidémies; les deux "races" suivantes, les
Fir Bolg et les Tuatha Dè Danann, meurent dans des batailles; la dernière
race, celle des fils de Mil, les Gaëls, ne meure pas, du moins dans le livre
des conquêtes de l'Irlande (Lebhor Gabala), puisque ce sont les Irlandais
auteurs des textes aux-mêmes, mais une tradition rapporte58 que l'Irlande
sera un jour définitivement détruite, par le feu et par l'eau, à cause du renver
sement de toutes les lois sociales — donc à cause d'un péché de type, peut-on
dire, "mitraïque," puisque la bipartition de la 1ère fonction en un côté
11 -t.

ιτχιιια VI Ull νυιν Τ Cil UUU JV IVllVUVV VllVX iuuo ivo pvupivo IIJUW

européens, et y compris chez les Celtes.59 Duméz


que cette doctrine médicale indo-européenne se
romaine.60 On verra ci-dessous qu'elle est voi
pénales grecques.

b) En 1953, G. Dumézil, étudiant les ressemblances entre les


couples dioscuriques grecs et germaniques, remarque que le récit hellénique
le plus proche des données Scandinaves, et aussi indiennes, se trouve dans
la dixième Némëenne, où Pindare raconte le combat des dioscures laco
niens, Kastôr et Poludeukès, contre les dioscures messéniens, Idas et
Lunkeus.

Il remarque alors61 que "ce texte présente (et c'est d'autant plus
important qu'il s'agit des Dioscures) un des rares exemples grecs super
posables à la liste trifonctionnelle indo-iranienne"; en effet, après la mort
de Kastôr et celle des Apharétides, Zeus vient dire à Poludeukès:62

Je te donne, absolument, le choix que voici: si tu veux, toi,


fuir la mort et la vieillesse odieuse, en habitant l'Olympe
auprès de moi, en compagnie d'Athèna et d'Arès à la sombre
lance, c'est là ton partage. Mais si tu défends ton frère, et si
tu veux qu'il ait part égale à toi, en toute chose, tu passeras
la moitié de ta vie sous la terre, et l'autre dans le palais
d'or du ciel.

Ainsi, l'Olympe proposé par Zeus à son fils comprendra: 1) lui


même, le dieu souverain; 2) Athèna et Arès, dieux guerriers; 3) un ou deux
Dioscures, et, si c'est deux, alors ceux-ci gardent de leur origine humaine
un élément chthonien, proche des hommes: "Ils changent de résidence
chaque jour," écrivait Pindare au commencement de son récit, "et vivent
alternativement chez Zeus, leur père chéri, puis, sous les profondeurs de la

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250 Bernard Sergent

terre, aux vallons de Thérapn


grecs ont des attributs proch
indiens, mais surtout, il s'agit
ment dans la société divine: l
Freyr et son père Njôrdh, son
posa aux Ases, et qui s'unirent e
Nâsatya védiques n'ont été ad
ment, et non sans quelques diffic
Pindare livre donc bien ici, incontestablement, un morceau de
"mythologie indo-européenne."
^pnlpmpnt il c'omt nnn trtAi'nc npttpmpnt H'nnp troHitinn pntiprpmpnt

laconienne. Quoique l'ode s'adresse à un Argien, Thèaios, elle


combat de Kastôr et Poludeukès contre des héros messéniens
mythe paradigmatique des guerres de Messénie), dans le Tay
montagne frontière entre Laconie et Messénie, leur séjour terre
Therapnai, un peu au nord de Sparte. Lèda, mère des Dioscures,
époux Tundaréôs, père de Kastôr, sont lacédémoniens, et c'est d
mythe Spartiate qu'expose, avec art, le poète béotien.
Or, le groupement trifonctionnel qui clôt le poème se retrou
terme près, sur l'agora de Sparte: il y a là, dit Pausanias66 "un
Zeus Amboulios, d'Athèna Amboulia, et aussi des Dioscures, éga
appelés Amboulioi": j'ai proposé de voir, en cet élément rituel et
la source de la triade de Pindare.67

Des deux exemples de trifonctionnalité observés chez P


l'un, le dernier examiné, paraît eître tiré directement d'une str
théologique Spartiate, et l'autre, si semblable à des textes iranien
ne saurait être une création du poète: c'est manifestement une
uva U1 VllUlVJUV VJU ΑΧ ΙΑ Y A V OUUO AU IVIUUUIVI·

Eschyle: pas plus que son contemporain athénien, Pindare ne pens


termes trifonctionnels, et ne crée de mythes ou de discours organisé
ainsi. Aucun de ces hymnes, à ce qu'il me semble, et à moins de forcer
données, ne paraît reposer sur une telle structure.
Cependant, le contexte intellectuel de Pindare est quelque pe
différent de celui d'Eschyle. En effet, alors qu'en Attique la tradition
européenne s'est précocement et radicalement estompée, la Béotie est
des hauts lieux de la conservation de la dite tradition: non seulement Hésiod

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La Trifonctionalit'e indo-europ'eene chez les Grecs 251

est un des principaux penseurs "indo-européens" de la Grèce, mais les


légendes thébaines,68 la religion thébaine,69 non loin les traditions et la
théologie d'Orchomène,70 s'organisent largement sur le schème trifonc
tionnel. Assurément, il demeurait en Béotie des cercles, religieux et / ou
littéraires, sans doute liés à l'aristocratie — qui garda ici son pouvoir —
pour qui la pensée en termes trifonctionnels était vivante. Ou peut alors
faire l'hypothèse que Pindare, sans la prendre à son compte, parce qu'elle
restait de toute façon marginale par rapport aux courants dominants de
l'hellénisme, a reçu des informations de ces milieux et, occasionelle
ment, a "publié" dans une ode une partie de cet enseignement.71

III. Hippodamos de Milet.

On ne connaît les théories du célèbre architecte, d'une génération


un neu nlus récente au'Eschvle et Pindare mie nar le résumé nn'pn fait

Aristote dans sa Politique. Dès 1948, Lucien Gerschel, le premier disciple


de G. Dumézil, notait que sa Constitution s'organisait selon la structure
trifonctionnele.72 Voici le texte d'Aristote:73

Hippodamos, fils d'Euryphôn, citoyen de Milet . . . projetait


une cité composée de dix mille citoyens et divisée en trois
classes: l'une d'artisans, l'autre d'agriculteurs, la troisième
était une milice pourvue d'armes. Il divisait aussi le ter
ritoire en trois parties: l'une sacrée, l'autre publique et la
dernière privée; sacrée, celle dont les revenus devaient sub
venir au culte traditionnel des dieux; publique, celle d'où
les militaires devaient tirer leur subsistance; privée, celle
des agriculteurs.

La division des terres est évidemment trifonctionnelle: il y a celles


de la religion, celles des soldats, celles des producteurs, et c'est un des
ΠΙΙΡίπΐΙΡβ roc Aa ♦rifrtnotÎAnwolï+A » — ^ ^ / ·« 7Λ
Λ Λ . ^wv\j(4v ivvviuiuw ραΐ V_l. JLyuilicz.ll.

Il n'y a pas adéquation entre le


sociales, et cela, même au simple
sacrées, si les agriculteurs ne trav
nourrit les artisans? Qui honore les
Tout cela est précisément discuté
qu'il a existé en Grèce, à très hau
tisans et de la religion: deux tabl

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252 Bernard Sergent

bronziers po-ti-ni-ja-we-jo, c'e


Potnia," de la Maîtresse divine,7

It may seem peculiar to us th


simultaneously devotees of
guilds offer parallels: but
deduced from the excavation of cave-sanctuaries in Crete.
Arkalokhori, for example, has been shown to have been both
a shrine and a bronze-smithy (Marinatos, 1962). It is hardly
pressing this evidence too far to suggest that the devotees of
Potnia practised a similar combination of cult and craft;
indeed, these guilds mav well have been descended from

Cretan groups who emigrated at the time of the Minoan col


lapse and found refuge on the mainland. ... A remarkable
parallel has recently been discovered by Lord William Taylour
in the Citadel House at Mycenae; there an ivory-workshop
adjoins a shrine with a fresco of a large female figure,
doubtless Potnia herself.

On rappellera alors que la royauté mythique d'Athènes oppose, à


partir d'Erekhtheus, deux lignées, celle des Kékropides, plus nettement
"royale," et guerrière, et celle des Mètionides, toute "technicienne":78 tous
les noms, dans cette dernière, expriment des rapports avec les arts mécan
iques et surtout avec la métallurgie: le nom de Mètiôn, l'éponyme, dérive
de metis, l'intelligence rusée et technicienne;79 son fils ou frère Eupalamos
évoque l'habileté manuelle; Daidalos est fils d'Eupalamos, une Daidalè
est mère de Métis ou nourrice d'Athèna; Métiadoussa, textuellement
"Celle qui se plait à la metis" (Jeanmaire), est fille d'Eupalamos. Un autre
fils de Mètiôn s'appelle Khalkôn ou Khalkodôn. Etc. . . .
y a 4." »» i.
XI l α 1XUIV1 WllVVlV M 'Χ UlVllU LjlgUllV, U1 VlJUllV, VJl IVgUllV

rement liée, dans toute la Grèce, à des divinités souveraines et acro


politaines.80
On décèle alores peut-être une antique conception, qu'on peut
supposer née de l'influence des Minoens sur les premiers Grecs, suivant
laquelle, comme chez les Celtes,81 les artisans, de part leur lien avec les
sphères de la magie, auraient été liés à la 1ère fonction. Et, par une voie
inconnue, Hippodamos de Milet se ferait l'écho, en plein Ve s., de cette
conception archaïque.
Le problème est alors celui des sources d'Hippodamos. Mais, avant
d'en discuter, il convient d'introduire un autre texte. C'est la suite im
médiate de celui d'Aristote que j'ai cité ci-dessus:82

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:ffff:ffff:ffff:ffff:ffff:ffff:ffff on Thu, 01 Jan 1976 12:34:56 UTC
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La Trifonctionalit'e indo-europ'eene chez les Grecs 253

Il pensait aussi qu'il n'y a que trois sortes de lois; en effet,


les causes pour lesquelles ont lieu les actions judiciaires
sont au nombre de trois: outrage (ύβρις), dommage (βλάβη),
meurtre (θάνατος).

Connaissant les principes classificatoires d'Hippodamos, on peut


s'attendre à ce que cette division de la chose judiciaire coit conforme
à la trifonctionnalité. Et de fait, il est clair que Γοβρις concerne une at
teinte morale, située au plan de l'honneur ou des sentiments, donc af
fectant les relations sociales entre les gens; le meurtre est le crime de sang
par excellence; βλάβη désigne le dommage en général, corporel ou
matériel, en tout cas, originellement, physique (cf. la valeur primitive de
ÎQZCW

phoriquement, d'aiguillons qui blessent les poitrines des jeunes


Y Agamemnon, du même Eschyle, au v. 889, les βλάβαι affecten
de Clytemnestre à la suite des nuits qu'elle a passées à pleurer
tente de son époux; dans Thucydide (5.52.2), les divers travaux d
cations menés par les Athéniens sur la côte nord du Péloponès
préjudice (βλάβη) aux Corinthiens et Sicyoniens: évidemment,
leur circulation et leur commerce. Etc. . . .

On retrouve là, manifestement, une classification proche de celles


des fléaux et des maladies, évoquées plus haut: l'outrage est de la famille
des phénomènes du registre de Mitra,84 le meurtre est l'équivalent
juridique de la guerre et de la "médecine du couteau," le dommage con
cerne le monde matériel, le commerce, l'intégrité physique et la santé. Le
système juridique d'Hippodamos est trifonctionnel.

Dans quelle tradition Hippodamos a-t-il puisé sa connaissance, et


la notion de l'importance, de la trifonctionnalité indo-européenne?
Une source locale, milésienne, est douteuse: pour autant que je
sache, rien des réflexions anciennes des Milésiens ne porte la marque de
l'influence d'une pensée de ce type, et, si elle avait joué un rôle important
dans certains milieux de la ville, on peut penser qu'il en existerait une trace.
On sait cependant que des milieux ioniens d'Asie ont connu la
trifonctionnalité: à Erythrai, les Korubantes, assistants divins, sont divisés
en trois catégories, Euphronéioi, Andreioi, Thaleioi, division manifeste
ment trifonctionnelle, et certainement originaire de Béotie.85 Mais il ne s'agit
là que d'un fait religieux très localisé et isolé. Plus remarquable est un

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254 Bernard Sergent

texte de Xénophane de Co
des Jeux Olympiques, le f
tages des athlètes ne résid
inférieure à la sagesse (sop
pas la richesse de la cité: a
de la seconde fonction (à)
et (à) celle de la troisième
Mais cela à nouveau es
Colophon ne témoigne p
tionnelles dans l'ancienne
nrrantiallamant 17£k**r< 10 lïté Oil Pr»r\trO 1 rp t\e* 110

d'Hippodamos, et on voit mal alors comment ce


d'un courant déjà d'importance très relative dan
Il est par contre une autre source "ionienne,
dont l'influence sur les premiers penseurs politi
il s'agit des Pythagoriciens. On sait, d'une part, q
selon Jamblique,87 ordonna que la libation, chez
Zeus Sôter, en tant qu'hegembn ("chef'), à Hèr
sentant la force de la nature, et aux Dioscures, e
l'harmonie de l'univers: ce qui, sous un déguisem
typiquement trifonctionnel:88 on est ainsi assur
ceptions trifonctionnelles aux origines même de
connaît les théories d'un certain pythagoricien, nomme Hippodamos,
comme l'architecte milésien, et comme lui penseur politique: pour lui,
l'Etat pythagoricien devait hiérarchiser trois catégories sociales: au sommet,
les gens qui délibèrent; en position médiane, les défenseurs; à la base, les
89
artisans.

On est là très près des idées d'Hippodamos: au point que là aussi,


le cadre trifonctionnel paraisse si contraignant qu'il force la réalité so
jusqu'à l'absurde: car la tripartition sociale d'Hippodamos le Pythagori
ne uomie aucune piucc ûua piuuu^i^uio pmuuuvo, ivj Μ^ιινν·>^νΜ1^. . ».

contre le poids donné aux artisans, constituant à eux seuls u


catégories, rappelle la situation analogue chez Hippodamo
Une origine pythagoricienne des idées de ce dernier es
sible. Mais, écartant les hypothèses d'influences attique
lacédémonienne91 pour des raisons de vraisemblance (commen
serait-il marqué par la tripartition ionienne primitive, dep
passée à une quadripartition? Et comment tirerait-il de Spar
Homoioi, aux kFeroi théoriquement égaux, la notion de troi
sociales distinctes, dont deux de producteurs, et de trois sortes d

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La Trifonctionalitë indo-europëene chez les Grecs 255

je voudrais souligner qu'il en est une autre, possible: on verra ci-dessous que
les idées de Platon, pendant toute une époque de sa vie, sont aussi influ
encées par la trifonctionnalité que celles d'Hippodamos, et cela, souvent,
dans des termes très proches — tripartition sociale, cité idéale, et une série
trifonctionnelle de dangers; il est donc vraisemblable que les sources du
premier sont en grande partie celles du second (et non que Platon dérive
ici directement d'Hippodamos: les applications de la trifonctionnalité
dans son oeuvre sont beaucoup trop amples et diverses). Et on verra que
c'est peut-être en Crète que Platon a découvert le poids et l'utilité de la
conception trifonctionnelle. Or, c'est précisément en Crète que se décèle,
également, un rejet de trois dangers sociaux, de trois délits stigmatisés par
la coutume, et où l'arrière-plan trifonctionnel est probable.
Il faut d'abord, pour percevoir ce point, observer que toute la "con
suiuiiun ciciuisc, icuc qu cue iiu iiuicc, au ι ve s., par npnore, repose sur
les idées trifonctionnelles: non seulement, dans le fameux rituel initi
des jeunes artistocrates par des guerriers confirmés, ces derniers donnen
leurs disciples trois cadeaux assurément fondés sur la tripartition
tionnelle,92 mais les critères de choix des jeunes gens reposent sur le mê
principe — "il jugent d'être aimé non pas le garçon le plus beau, mais
qui se distingue par son courage et sa correction,"93 c'est-à-dire qu
caractère de la Illème fonction est repoussé au profit de caractères ty
de la 1ère et de la Ilème; et, dit encore Strabon, le principe constitut
de base est la liberté, "mais qui possède la liberté doit aussi pouvoir
préserver, or il y faut deux conditions, qui sont la concorde entre les cit
et le courage à la guerre. La première, donc, qui est la concorde, est obte
chez eux par la suppression des désordres qu'engendrent la cupidité
ιια sum luus tgauA,

et ne provoquent entre eux ni l'envie, ni l'arrogance, ni la haine


Ainsi, les principes politiques fondamentaux opposent la
(1ère fonction, de type "Mitra") et le courage au goût du luxe, c
exactement comme les critères de choix du jeune homme à init
et la Ilème fonctions opposées à la troisième.
Mais, dans les trois dangers signalés à la fin du texte cité,
bien qu'on ait une division trifonctionnelle: l'envie (φθόνος) por
biens matériels, la haine (μίσος) porte atteinte à la concorde c
l'arrogance (ύβρις) ne peut être ici que l'exagération, délictuelle,
— et elle caractérise souvent, dans les mythes grecs, les perso
seconde fonction:95 on remarque en effet que l'équilibre entre l
ne peut être le même ici que dans Hippodamos, où YhUbris con
ment aussi l'un des trois termes délictuels. Car, si YhUbris concerna

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256 Bernard Sergent

c'est apparemment le cas che


sociales, elle ferait double em
être, en Crète, ou du moins
et s'appliquer au comporteme
à la concorde, évoquée dans l
nommée dans les critères de s
ment au goîit du luxe et, au
est alors l'équivalent négatif
trifonctionnelles. C'est ce qu'o
"outrage" dans le texte d'A
Strabon.98
On voit donc comment l'énnilihre dee délite eet différent rhe7 Hin

podamos et dans la "constitution" crétoise: mais le principe d


même. C'est pourquoi, si les idées Cretoises, notées au IVe s. pa
utilisées peut-être à la même époque par Platon, ont pu déjà m
problématique d'Hippodamos au Ve.

IV. Platon.

Platon est, de loin, le principal utilisateur des conceptions trifonc


tionnelles en Grèce. Il y a, avec son oeuvre, une véritable "résurgence"
des idées indo-européennes, en plein IVe s.
Dès 1941, Dumézil notait le caractère trifonctionnel de l'Etat idéal
décrit dans la Republiqueil ajoutait d'autres faits en 1955,100 et offrait
une synthèse des éléments trifonctionnels des livres III et IV de la R'epub
lique dans Mythe et 'epopee I, 1968.101 Auparavant, en 1952, J.-P. Vernant
notait une structure analogue dans le Protagoras}02
Ce dernier, daté de 390 environ, est ainsi le plus ancien texte où le
philosophe utilise la trifonctionnalité. A vrai dire, elle y est de forme
originale, très distincte de ce qu'elle sera plus tard dans ses autres oeuvres,
elle apparaît dans un récit précis, isolée dans l'ensemble du dialogue, et les
attestations suivantes chez Platon, dans la République, sont très postérieures:
autant de faits qui invitent à y voir une tradition indépendante de celle qui
influencera ultérieurement Platon, soit, par exemple, un apport de Pro
tagoras lui-même, ou d'un autre sophiste, soit un élément lié au mythe
originel de Prométhée: c'est en effet en donnant une version de celui-ci que
le philosophe athénien livre son premier exemple de tripartition fonc
tionnelle, et il est tout-à-fait remarquable alors que ce soit justement à la
même occasion, et également d'une manière tout isolée, qu'Eschyle livre un
autre cas de trifonctionnalité.103

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La Trifonctionalit'e indo-europ'eene chez les Grecs

Prométhée, [raconte Protagoras] en proie à l'embarras de


savoir quel moyen il trouverait pour sauvegarder l'homme,
dérobe à Hèphaistos et à Athèna le génie créateur des arts,
en dérobant le feu (car, sans le feu, il n'y aurait moyen pour
personne d'acquérir ce génie ou de l'utiliser); et c'est en pro
cédant ainsi qu'il fait à l'homme son cadeau. Voilà donc
comment l'homme acquit l'intelligence qui s'applique aux
besoins de la vie. Mais l'art d'administrer les Cités, il ne le
posséda pas! Cet art en effet était chez Zeus. Mais il n'était
plus possible alors à Prométhée de pénétrer dans l'acropole
qui était l'habitation de Zeus, sans parler des redoutables
gardes du corps que possédait Zeus. En revanche, il pénètre
«nhrpntirpmpnt rtanc l'atplipr nui Ptait rnmmnn à Àthpna

et à Hèphaistos et où tous deux pratiquaient leur art, et,


après avoir dérobé l'art de se servir du feu, qui est celu
d'Hèphaistos, et le reste des arts, ce qui est le domaine
d'Athèna, et en fait présent à l'homme.104

C'est Zeus, raconte-t-on un peu plus bas, qui doit déléguer Hermès
pour apporter aux hommes la justice et le sens de l'honneur, avec l'art de
gouverner les cités.
Vernant comment: Platon "se plaît à souligner dans le mythe même
de Prométhée l'opposition entre l'art politique et l'art militaire d'une part,
les techniques utilitaires de l'autre. Un Zeus souverain, protégé par des
OPrHipnç ί7ηή)ΐ μγργΛ nnnnçp à Hivinit£c nui cipopnt r*1nc pn Koc pt nui

patronnent les arts et le travail: on reconnaît là, exprimé dans le


religion, le schéma des trois classes sociales et de leurs fonctions
tout un courant de la pensée politique grecque."105
C'est à partir de 380 environ que Platon commence la r
la République. Le livre III, sur sa fin, ouvre la série la plus rem
soit
• 106
d'application des principes trifonctionnels. Les chos
ainsi:

Il y a d'abord (en III, 399e) une théorie des rythmes: "n


point en rechercher la bigarrure, non plus que la diversité
des cadences, mais regarder quels ils sont par rapport, aussi
bien à une vie harmonieusement réglée, qu'à une vie vaillante."

On verra par la suite que la "bigarrure" et la "diversité" caractér


aux yeux de Platon la troisième fonction. La "vie harmonieusemen
évoque naturellement la première fonction, côté "Mitra," et la vi

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258 Bernard Sergent

parle d'elle-même: on a don


souvent par la suite. Et pou
démonstration suivant: on a
de diverses opérations, et n
de trifonctionnalité cité tel
et démontrant par là que cel
en propre.

Peu aorès. Platon commence à oarler des dirieeants de l'Etat

idéal, qu'il appelle les "Gardiens" (III, 412c). Il dira plus tard
qu'ils forment le premier terme d'une série ternaire.

Il parle auparavant de l'éducation des Gardiens. C'est à cette


occasion qu'il donne une curieuse série trifonctionnelle,
notée par Dumézil en 1955: nul ne rejette volontairement le
vrai, explique Socrate, à moins qu'il ne soit "victime d'un
vol, ou d'un sortilège, ou d'une violence." On retrouve là
exactement une "triade de fléaux" ou de délits, comme on en a
justement vu plusieurs cas ici même. Comme le sens de ces
paroles, concernant l'éducation, n'est pas du tout évident, son
interlocuteur demande à Socrate d'expliquer ce qu'il veut
dire: "Volé, je le dis en fait de ce qui s'est laissé dissuader et
qui oublie. . . . Violenté, c'est ainsi . . . que j'appelle celui
que quelque affliction ou souffrance aura fait changer
d'opinion. . . . Ensorcelé, c'est . . . celui qui aura changé
d'opinion, soit qu'un plaisir l'ait séduit, soit qu'un sentiment
de peur lui fasse redouter quelque danger" (413b-c). Ici, le
rapport entre les trois termes et le commentaire de Socrate est
si artificiel qu'on doit penser que Platon a connu, directe
ment, sans la composer lui-même, la série de fléaux, et qu'il
a lui te le λ causes jtuui ι αϊ ι c cuiuciuei sea lutta aveu la uiaui,
107
en question.

A ces trois dangers, et pour les parer, on prévoit trois types


d'épreuves que devront accomplir les futurs Gardiens:
épreuves de mémoire, de luttes et de labeurs, de courage et
de retenue (413c-d): on a là évidemment un ordre I, III, II,
mais le philosophe, qui est un Grec du IVe s., et non un
prêtre indo-européen du Ille Millénaire, opère un décalage
par rapport à la notion première des trois fonctions, lorsqu'i
réunit les luttes au travail, et non au courage.

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La Trifonctionalite indo-europ'eene chez les Grecs 259

Apparaissent alors (414a-b) les "Auxiliaires," c'est-a-dire les


protecteurs de la Cité: ils ont reçu la même éducation que les
Gardiens, mais ont eu de moins bons résultats. Aussitôt après,
Platon révèle qu'il s'agit en fait du second terme de la série
trifonctionnelle:

Car il explique, en 415, que la société entirèe se compose de


trois catégories d'hommes, et ce grâce à une métaphore
métallique. Il dispose en fait de quatre termes, mais il tient
à imposer un cadre tripartite: "le dieu qui vous façonne, en
produisant ceux d'entre vous qui sont faits pour commander,
a mêlé de l'or à leur substance . . .; de l'argent, chez ceux qui
soni îaus pour servir u /vuxiuaires, uu icr ci uu orunze, uaus

les cultivateurs et chez les hommes de métier en général"


(415a); et, s'il arrive aux Gardiens "que leur propre rejeton
naisse avec, dans le tréfonds de son âme, du bronze ou du
fer," il doit n'"être à son égard d'aucune pitié, mais au con
traire, après lui avoir restitué l'estimation qui convient à s
véritable nature, le précipiter du côté des hommes de métie
ou du côté des cultivateurs" (415b-c).

Ainsi, on retrouve une opposition I (Gardiens - or) + I


liaires — argent) (puisque les deux ont la même éducation)
ducteurs, "primaires" ou "secondaires," dans les termes de l'éco
moderne) (non-éduqués) fer et bronze.

Toute l'analyse de l'Etat idéal se fonde alors sur cette tri


partition sociale (III, 415d - IV, 427c; V, 449c - VIII, 543c).

De même, la série des quatre vertus essentielles à l'Eta


sagesse, courage, tempérance et justice (IV, 427e-434c): les
trois premières se relient aux trois classes sociales (on retrouve
en effet exactement une vertu de 1ère fonction, une de Ilème,
et le point d'impact de la tempérance consiste bien dans le
Diens matériels, c est-a-aire aans la nieme ronction), mais
Platon ajoute que la tempérance (σωφροσύνη) s'applique
également aux deux autres catégories sociales — ce à quoi
Dumézil a trouvé un remarquable parallèle dans la "psy
chologie politique" ossète.108 La justice, enfin, est hétérogène
aux trois premières vertus, elle s'étend aussi aux trois classes,
mais sans avoir de relation spécifique avec la troisième, car

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260 Bernard Sergent
elle consiste pour chacune à pr
sur les autres.

De même, l'analyse de l'âme humaine: "En ce qui concerne


au moins l'Etat, nous l'avons tenu pour juste quand les
trois sortes de naturels qui y sont contenues accomplissent
chacune la tâche qui est la sienne, étant lui-même, de son
côté, tempérant, courageux, sage, grâce à tels états et
manières d'être qui, de leur côté, sont ceux de ces mêmes
sortes de naturels ... et, par suit, au sujet de l'individu, nous
iiiopmnc hnn niip avant pn ea nrnnrp âmp ppc

mêmes formes, il a, du fait de présenter


ceux dont nous parlions, un droit justifié
nations que l'Etat" (435b, et aussi 441d
passion, l'appétit définissent alors, au p
valent de ce qu'étaient sagesse, courage
plan politique — et ne sont pas moins trif

De manière tout-à-fait semblable à ce qu'


docteurs indiens, Platon insiste sur la supério
deux premières fonctions, par rapport à la tr
par exemple, il faut d'abord éduquer la rai
deux fonctions,. . . après avoir réellement app
auront le pas sur la fonction désirante, qui,
doute le plus gros de l'âme et ce qui, par natu
de l'âme et ce qui, par nature, est le plus insa
(442a). Et lorsqu'il décrit l'Etat idéal, toute s
l'organisation de la classe des Auxiliaires (V
gouvernement des Gardiens (471c - VII, 541)
Puis, il examine, face à cet Etat modèle et m
politiques, tous défectueux d'une manière ou
(à la fin du livre IV, en 445c) qu'il existe "cin
tique [et] cinq modes d'âmes." Le premier ty
idéal lui-même, dont la description commence
une ou plusieurs personnes, il peut recevoir l
tocratie.

Les autres régimes sont alors les suivants:

la "timocratie" ou "timarchie," c'est-à-dire les régimes


dominés par les hommes de la classe guerrière, ardents et
obsédés d'honneurs (τιμή) (VIII, 544c, et 545c-550b);

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La Trifonctionalit'e indo-europëene chez les Grecs 261

l'oligarchie (VIII, 544c, et 550c-555a);

la démocratie (555b-562a);

la tyrannie (544c; 562b - IX, 571a, et encore IX, 586-7).

A ces régimes correspondent les types d'hommes: "l'homme


aime avoir le dessus, qui est féru d'honneurs, en conformité avec le r
en vigueur chez les Lacédémoniens; puis, à leur tour, l'homme oligarc
l'homme démocratique, l'homme tyrannique" (VIII, 545a).
Bien avant la découverte des conceptions trifonctionnelles
européennes et platoniciennes, F. Oilier avait montré comment ces
régimes représentaient en fait une articulation des trois types de pri
sociaux et individuels définis auparavant. En effet, explique Platon
est trois, seulement, qui expriment en quelque sorte à l'état pur les
séquences d'une domination exclusive d'une des trois fonctions:

un pouvoir aux mains des philosophes, c'est-à-dire de la


sagesse, correspond à l'Etat idéal (IV, 428b-429a);

le régime timocratique correspond, on l'a vu, à la classe


militaire;

le régime démocratique est celui où la fonction désirante,


l'appétit, s'expriment partout sans entraves (555b-557c).

Les deux autres régimes sont hétérogènes: ils représentent un mélange


des précédents.109 Ainsi, l'oligarchie est un régime "forcément double:
celui des pauvres et celui des riches, habitant sur le même territoire et tou
jours complotant l'un contre l'autre" (55ld), et "cette pratique . . . qui con
siste à toucher à tout, à être cultivateur, homme d'affaires, guerrier, et le
même homme simultanément, est-ce que tu es d'avis que ce soit une pratique
correcte?" (551e-552a).
Corrélativement, l'homme oligarchique représente la déchéance des
deux premières fonctions au profit de la troisième: à cause de ce type de
constitution, l'homme perd "la passion des honneurs, et, avec elle, l'ardeur
de sentiment . . humilié par sa pauvreté, il s'est tourné vers les affaires, il
économise avec ténacité et sou par sou; il travaille; il amasse de l'argent. . .
[il] installera sur le trône . . . l'élément désirant de son âme, avec l'amour
des richesses. . . . Quant à la partie raisonnante et à l'ardeur des sentiments,
c'est, en vérité, par terre qu'il les a installées, de chaque côté du Maître, en
dessous de celui-ci, et réduites en esclavage; ne permettant rien d'autre à la
première que de faire des calculs raisonnés, de porter sur rien d'autre son

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262 Bernard Sergent

examen que sur ce qui lui don


moins au plus; ne permettant
d'émerveillement ou de considération sinon dans la richesse et chez les
riches" (553b-d).
La tyrannie, elle, "se distingue entre tous les régimes" (544c). C'est
la résultante caricaturale de la démocratie (VIII, 565d ss.), si loin dans
l'abjection110 qu'elle est comme l'envers du régime idéal, et tout cela est
exprimé en termes trifonctionnels:

Ainsi donc, quand l'âme se laisse mener par la partie d'elle


même qui est amie de la sagesse et qu'il n'y a pas en elle de
sédition du fait de chacune de ses parties, c'est un fait que
cnacune ae ses parties accomplit en tout et pour tout la
tâche qui est la sienne, c'est-à-dire qu'elle est juste, et, naturel
lement aussi, que chacune récolte les plaisirs qui sont les
siens, c'est-à-dire les meilleurs et, dans la mesure du possible,
les plus vrais.... Quand c'est au contraire une des deux autres
parties qui domine, il est de fait, et qu'elle ne réussit pas à
découvrir le plaisir qui est le sien, et qu'elle contraint les
autres parties à poursuivre un plaisir étranger et sans vérité —
Mais ce qui est le plus éloigné de la philosophie, de la pensée
raisonnée, ne sera-t-il pas au plus haut degré artisan d'une
semblable situation? . . . Mais ne nous est-il pas apparu que ce
qui s'en est le plus éloigné ce sont les désirs amoureux, les
désirs tyranniques? . . . Que ce qui s'en éloigne le moins, je
pense, ce sont les désirs royaux et bien réglés. . . . C'est donc,
je pense, le tyran qui sera le plus éloigné d'un plaisir vrai et
approprié; le roi, qui le sera le moins (IX, 586e-587b).

Ainsi, le passage de la "timocratie" à l'oligarchie revient à bascul


des valeurs de la Ilème fonction aux valeurs de la Illème, dont la démocr
représente l'aspect achevé, et la tyrannie la dégénérescence ultime.
Le parachèvement de cette démonstration de la nature du tyran
avait encore impliqué une nouvelle application du schème trifonctionn
pour bien définir l'homme tyrannique, annonce le début du livre IX (= 571a
il faut discuter de la psychologie du désir, d'où l'on passe (IX, 2 = 576
l'analyse du plaisir — et, naturellement,

puisqu'il y a dans l'âme trois fonctions, il est évident, pour


moi, qu'il y a aussi trois sortes de plaisirs, dont chacune est
propre à l'une de ces fonctions; semblablement il y a trois

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La Trifonctionalit'e indo-europëene chez les Grecs 263

sortes de désirs et de principes d'action. . . . Une de ces fonc


tions, disions-nous, est celle par laquelle l'homme acquiert la
connaissance; une autre est celle par laquelle il brûle d'ardeur;
quant à la troisième, en raison de la multiplicité de ses aspects,
nous n'avons pas été à même de la désigner par un seul nom, la
dénommant toutefois par ce qu'il y a en elle de plus important
et de plus fort; nous l'avons appelée désirante, en raison des
désirs relatifs à la nourriture, à la boisson, aux plaisirs de
l'amour, à tout ce qui encore est pour ces désirs un ac
compagnement; évidemment, amoureuse aussi de la richesse,
parce que la richesse est le principal moyen de réaliser ces
sortes de désirs (580d-581a).

J'ai souligné ailleurs le caractère remarquable de ce texte:111 on y


(re)trouve non seulement les trois fonctions, d'une manière telle qu
l'"héritage" indo-européen ne peut faire de doute, mais Platon est encore
en mesure de donner une définition de la Illème fonction étonnamment
proche de ce que la mythologie comparée a effectivement pu reconstituer à
partir des données indiennes, iraniennes, romaines, Scandinaves. Toute la
diversité, autour d'une idée homogène mais difficile à caractériser, de
nrnHnrtmn pt H'oKnnHonop Hp optto f/-*not!r\n pef

cutée. Et il en était déjà de même peu avant, lorsque le phi


sait la démocratie:

Des hommes de toute espèce, voilà donc, je crois, ce qu'il


y aurait, au plus haut degré, dans ce régime politique. ... Il
y a chance que, de tous les régimes, celui-ci soit le plus beau:
pareil à un manteau que l'on a bariolé d'un bariolage de toutes
couleurs, ce régime apparaîtrait aussi comme le plus beau, en
tant que bariolage fait de toutes sortes d'humeurs! (VIII,

Revenons à l'étude des plaisirs. La meilleure façon de caractériser le


désir de la "troisième fonction," continue Platon, en saisissant "le point
capital unique" de sa définition, c'est de l'appeler "amie de la richesse"
(φιλοχρήματον) ou "amie du gain" (φιλοκερδές); la deuxième, on peut
l'appeler "amie du triomphe" (φιλόνικον) ou "amie des honneurs"
(φιλότιμον); et la première, "amie du connaître" (φιλομαθές) ou "amie
de la sagesse" (φιλόσοφον) (IX, 581a-b).112
Mais, repris-je, ne sont-ce pas là, en outre, des principes
d'action dans les âme, cette dernière à l'égard de certains

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hommes, tandis que, à l'égard de certains autres, ce sera une


de ces deux autres fonctions, à l'aventure? — C'est cela, dit-il. —
C'est justement pour cela que nous parlons aussi de trois
espèces fondamentales d'hommes: l'ami de la sagesse, l'ami
du triomphe, l'ami du gain? — Oui, ma parole! — Mais, repris-je,
si tu veux bien demander tour à tour à chacun des trois hom
mes ainsi caractérisés laquelle de ces vies est le plus agréable,
ne glorifieraient-ils pas au plus haut point, tu le sais bien,
chacun la sienne? L'homme qui fait des affaires ne dira-t-il
pas que, en comparaison du fait de gagner, le plaisir d'être
iiunuic wu wciui u at^ucin uu aavuu 11 uni autuut vaicui,

à moins de produire de l'argent? (581c-d).

On passe ensuite à la définition du plaisir des de


sociales, pour établir nettement l'avantage pour la c
plaisir des seuls philosophes (581d-583a).
Avant le livre III de la République, Platon ne par
à classer le monde de manière trifonctionnelle: l'ap
de cette sorte dans le Protagoras semble, ai-je dit,
ι . » ,

piupic uu piiuusupiic, ti Ltiiii piuiui α avd ac/uiv-wa. χ ιυια^υιαο, wu iv uijruiv

béotien de Prométhée. Il n'en est plus de même ici: à parti


livre III, l'utilisation de la conception trifonctionnele est sy
là à la fin de l'ouvrage (livre IX), elle organise toutes les gra
de l'Etat idéal, des différents types de régimes, du caractèr
plaisirs, de l'éducation. Cet ensemble est, je pense, le plus va
synthèse et d'analyse fait dans le cadre de l'idéologie des t
A y regarder de près, on s'apperçoit que la trifonction
introduite trois fois de manière indépendante, mais, chose
ces trois occurrences sont tout-à-fait entremêlées:

On a d'abord (III, 399e) la théorie des rythmes, bile se s


à elle-même, et ne connaît pas de développements autr

Presque immédiatement après, avec l'apparition des Gar


commence l'exposé de la tripartition sociale, laquelle do
ensuite tout l'ouvrage, et donne lieu à des "duplicat
des démarquages conformes, pour l'analyse des caractè
des plaisirs, des régimes politiques. Cette série gran
d'application de la tripartition fonctionnelle ne découl
de la précédente.

Platon a à peine engagé cette discussion, cet exposé,

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La Trifonctionalit'e indo-europëene chez les Grecs 265

introduit une troisième application de la trifonctionnalité,


au sujet de l'éducation des Gardiens, lorsque Socrate, en
langage sibyllin, énonce les trois dangers dont il faut se
parer lorsqu'on établit un bon programme pédagogique:
vol, enchantement, violence. Cette triade-ci ne découle
d'aucune des deux autres, et n'a pas de développements
ultérieurs.

avec le reste du texte, qui avait suggéré à G. Dumézil que cette dernière
triade puisse découler de celle énoncé quelques dizaines d'années aupara
vant par Eschyle. Mais la récurrence des applications de la trifonction
nalité en 399e (les rythmes), 412c les Gardiens. . .), 413b (les dangers)
forme une série de faible amplitude, mêlée, homogène dans son optique.
Tout se passe comme si Platon, qui a mis plusieurs années à
écrire la République, avait appris, vers l'époque où il rédigeait le livre III,
d'interlocuteurs très bien informés de la tradition indo-européenne, une
somme conceptuelle, comprenant d'une part le schème intellectuel de la
trifonctionnalité, c'est-à-dire la définition des trois fonctions, et d'autre

d'idéaux, peut-être déjà tripartition sociale. Le problème sera d'identifier


ces porteurs d'une tradition de remarquable qualité.
Le Tim'ee et le Politique sont de quelque vingt ans postérieurs à la
République. On trouve encore, dans le premier de ces ouvrages, une belle
application du schème trifonctionnel: c'est une division ternaire et hiér
archisée de l'âme humaine. Platon distingue en effet:

une âme immortelle, d'une composition identique à l'Ame du


Monde et sphérique comme elle; elle est localisée dans
l'encénhale C73c-dL

une première âme mortelle se trouve dans le thorax, au-dessus


du diaphragme: c'est une âme guerrière (70a);

au-dessous, une troisième âme, ou l'autre aspect de l'âme


mortelle, du thorax au nombril (70e-71a).

Dans le texte où il expose les rapports entre ces trois âmes, Platon
reprend les mêmes idées que dans la République — solidarité des deux pre
mières fonctions, danger de celle-ci, et son polymorphisme — mais dans
une matière nouvelle:

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Bernard Sergent

[Les dieux] ont disposé une sorte d'isthme ou de limite entre


la tête et la poitrine, et ils ont placé entre elles le cou afin de
les séparer. C'est dans la poitrine et dans ce qu'on appelle le
thorax qu'ils ont installé l'espèce mortelle de l'âme. Et, comme,
de cette âme, une portion était par nature meilleure et l'autre
pire, ils divisent encore en deux logements la cavité du thorax;
ils les séparent, comme on sépare l'appartement des fem
mes et celui des hommes, et ils disposent, au milieu d'eux,
le diaphragme, comme une cloison. La partie de l'âme qui
participe au courage et à l'ardeur guerrière, celle qui désire la
· :i„ 1» * 1 ' ~1 1t. ♦ t.«+^t. 1~ tJ.'t.
Tiviviiv, im a vin lugvv uu |/iuu j/«vo uv iM ivivj vim ν IV uiu

phragme et le cou. Cela, afin qu'elle pût ent


et d'accord avec elle, contenir par force la r
quand cette dernière, rebelle aux comman
prescriptions que la raison lui envoie du haut
refuse de s'y soumettre de plein gré (69e-70a

Cette troisième âme est identique à l'âme des

Cette âme n'a en elle, ni opinion, ni raisonn


lection: mais elle a des sensations agréables
et des désirs. Toujours passive, elle doit t

Enfin,

la partie de l'âme qui a l'appétit du manger et du boire et de


tout ce dont le corps a naturellement besoin, les dieux l'ont
logée dans la région qui s'étend depuis le diaphragme et qui
est limitée par le nombril. Dans tout cet espace, ils ont or
ganisé comme une mangeoire pour la nourriture du corps. Et
là, ils ont attaché cette partie de l'âme, comme une bête
brute qu'il faut bien nourrir, tout en l'attachant, si jamais
l'espèce humaine doit durer. C'est donc afin que, se repais
sant toujours près de sa mangeoire, logee le pius loin pos
sible de la partie qui délibère et lui apportant le moins pos
sible de bruit et de trouble, elle pût laisser cette partie maîtresse
délibérer en paix .... (70d-e, 71a).

Et pourtant, c'est là comme une survivance: dans le domaine


politique et social, à cette époque, Platon a cessé d'utiliser la conception
trifonctionnelle. Dans le Politique, à peu près contemporain du Timée,ni

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La Trifonctionaliî'e indo-europ'eene chez les Grecs 267

on trouve encore des divisions tripartites, mais les caractères trifonction


nels, si nets dans le premier grand dialogue politique, s'estompent. Ceci
vient en partie de ce que le philosophe ne cherche plus à lier formes de
gouvernements et psychologie: dès lors, le régime de la "timocratie," conç
à partir d'une étude de mentalité, disparaît."4 Les régimes s'organisent
autrement: au lieu d'une hiérarchie descendant de l'Etat idéal jusqu'à la
tyrannie, on a, d'une part, l'Etat idéal, incarné par un roi philosophe, l
"Politique" par excellence, maître éclairé et au-dessus des lois (300c
d'autre part les constitutions imparfaites, qui sont de trois types, mais
partiellement coupés par une dichotomie entre les régimes respectueux
des lois et les autres: régimes à un seul chef (au positif, monarchie; au
négatif, tyrannie) (301a-c), régimes dominés par les riches (πλούσιοι) (au
positif aristocratie, au négatif oligarchie) (301a), et démocratie (301c): on
voit qu'un nouveau critère, numérique (un chef, plusieurs, tous), anéanti
désormais ia sonae armature ae ia nepuottque, ionaee sur une opposition
des fonctions sociales. Le souverain unique, de quelque sorte qu'il soit,
n'est plus du type Sage philosophe; les guerriers font place aux riches; les
tenants de la démocratie ne sont plus liés à une classe de producteurs, ni
à une mentalité d'accapareurs.
Par un phénomène curieux, lorsque, dans le Tintée et le Critias,
composés à une époque voisine de celle du Politique, on évoque un Etat
mythique, soit idéal (dans le premier de ces deux dialogues), soit passé
(l'ancienne constitution d'Athènes, dans le second), le Roi philosophe et
savant du Politique disparaît, de même que la tripartition fonctionnelle,
pour faire place à une bipartition sociale, comprenant d'un côté les pro
ducteurs, d'autre part les "Gardiens," auxquels sont dévolus à la fois les
fonctions militaires et les fonctions gouvernementales,"5 ce qui n'est en
fait qu'une reprise de conceptions déjà exposées au livre II de la République,
avant l'élaboration du vaste modèle tripartite:"6 tout se passe comme si
Platon hésitait entre deux modèles séduisants, et fort anciens dans sa
pensée, celui du Roi philosophe (le Politique) et la collectivité communiste
d'élite, chargée d'encadrer la société (Timée, Critias), deux modèles qu'un
moment la théorie trifonctionnelle lui avait permis d'intégrer (livres III-IX
de la République). Cela pose évidemment de difficiles problèmes, qu'il n'est
pas possible d'aborder dans le cadre de cet article.
De même, enfin, dans les Lois, dernier ouvrage de Platon, c'est
définitivement une division dichotomique qui organise la théorie politique:
"il existe deux constitutions mères," à savoir la monarchie et la démocratie;
"il faut nécessairement qu'une constitution participe de l'une et de l'autre,
si l'on veut voir régner la liberté et la concorde avec la sagesse" (V, 728e s.).

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268 Bernard Sergent

Quelles sont les sources


nelles de Platon?

Ce ne saurait être une tradition locale: on a noté au contraire plus


haut la quasi-absence de schèmes de pensée trifonctionnels dans l'Attique
du Ve s. A cet égard, l'oeuvre platonicienne constitue une véritable ré
surgence: au moment même où la pensée grecque s'ouvre à des questions
qui vont préoccuper l'Occident pendant plus de deux millénaires, Platon
apparaît comme le plus important penseur "indo-européen" de Grèce.
Cela dit, le IVe s. est l'époque où les théoriciens attiques, et Platon
le premier, cherchent à la fois à imaginer l'Etat idéal et à reconstituer les
giaiiuo il ai la uw ία tuiioiiiuuwii aiuvjuw yiiuiiuvv. ^ vol vu aiiaijoaui vvllv

démarche double et solidaire qu'Henri Jeanma


couvertes de G. Dumézil sur "la préhistoire des f
aboutissait à la conclusion que dans la très vieille A
sociale ternaire avait réellement précédé la qu
Dès lors, il se pourrait que des "traditions" hi
venirs" conservés dans certains cénacles, aient res
image authentique de la tripartition sociale archaïq
mode de pensée trifonctionnel.
Hypothèse, en fait, peu crédible: la trifonctio
est trop vivante, trop multiforme, pour découler
traces que l'ancienne tripartition attique laissait d
ressemblances impressionnantes entre les idées de Pla
decteurs indiens indiquent plutôt que le philosop
vive, où l'"héritage" intellectuel indo-européen s'ét
Dr»·· n/\rt<-ra il act nnotra "αρλΙαο Ha rtAflCAA " Π111 ΠΠt inflllPnGP

Platon, et où la tradition indo-européenne s'était assez largem


tenue. Il est probable alors que les riches thèmes de la Républiqu
de l'enseignement de l'une d'elles. Laquelle?

Platon accorde une grande importance à Delphes, et s


souvent."7 Or, on l'a signalé plus haut,"8 ce sanctuaire se révè
indices comme un des hauts lieux du conservatisme des idées indo
européennes en Grèce. Pour Platon, c'est à la fois le centre de la vie religieuse,
et l'origine de toutes les lois, morales et politiques.
On a noté l'influence des schèmes trifonctionnels delphique sur
Eschyle, indirectement encore sur Euripide. Les prêtres delphiques

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La Trifonctionalit'e indo-europëene chez les Grecs 269

n'auraient-ils pu instruire Platon d'une tradition plus complète et plus


riche?

Il n'y a là nulle impossibilité: mais la thèse est trop peu étayée. Jusqu'à
nouvel ordre, la tripartition fonctionnelle n'organise à Delphes que le
rituel et la théologie, c'est-à-dire exclusivement la religion:"9 rien n'attest
des applications touchant à la théorie sociale, au droit (les trois dangers),
à la vie en général (l'éducation et les rythmes).

Il est légitime de supposer aussi une origine pythagoricienne.


Platon connaissait les théories de ce milieu, et ce sont sans doute les
Pythagoriciens qui ont les premiers conçu un Etat idéal sous forme tri
ioncuonneue. l îaeoiogie muo-europeenne esi presenie cnez eux a la
fois au plan religieux (les libations à Zeus, Athèna, les Dioscure
politique (Hippodamos le Pythagoricien). Cela suppose une pro
prégnation par les thèmes trifonctionnels, et il n'est pas absur
que les différentes triades de Platon (dangers, éducation, socié
viennent de chez eux.
Je ne vois guère qu'une lacune dans cette hypothèse: l'opposition
des deux premières fonctions à la troisième, parfaitement attestée dans
Platon (la République et le Timéé), et certainement de très ancienne origine
pusiqu'il y a là une opposition déjà présente dans la mythologie indo
européenne commune, cette opposition donc n'est pas en oeuvre dans les
théories pythagoriciennes que nous connaissons: chez eux, et il en est
d'ailleurs de même dans la tradition delphique, les trois fonctions sont
mises exactement sur le même plan.
Il est vrai que nous sommes finalement très peu informés sur les thèses
pythagoriciennes, et un texte plus complet au sujet, par exemple, d'Hip
podamos le Pythagoricien, révélerait peut-être une dichotomie politique
entre ses gouvernants et ses défenseurs d'un côté, ses artisans d'un autre. Et,
à cet égard, que le modèle de l'Etat idéal soit déjà trifonctionnel chez cet
auteur laisse vraiment penser qu'il y a là une des sources essentielles de
Platon.

On a insisté sur le prestige de Sparte aux yeux des théoriciens


politiques attiques. F. Oilier, dans sa belle étude du Mirage Spartiate, a
montré comment Platon, dans tous ses dialogues politiques, privilégie le
modèle lacédémonien. Dans la Republique, certes, il pose un Etat idéal
gouverné par les Philosophes, inspirés par la vertu et la raison: mais un
grand nombre de dispositions de cet Etat dérive directement du modèle

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270 Bernard Sergent

spartiate.121 Et plus Platon vi


rapproche du modèle fourni p
Ainsi, dans le Politique, le R
que c'est un personnage mythi

L'Etranger. . . . [Les homme


sonne puisse être jamais asse

Socrate le Jeune'. Comment en douter?

L'Etranger. Mais, puisqu'en fait, comme nous disons, il ne


pousse point de roi dans les cités comme il en éclôt dans
îcs ruciics, loui uc suiic unique par sa supcriuiuc uc corps

et d'âme, il faut donc, semble-t-il, se rassembler pour


écrire des codes en essayant de suivre les traces de la plus
véritable constitution.

Enfin, dans les Lois, le "réalisme" l'emporte. Les interlocuteurs


sont le Crétois Klinias, le Lacédémonien Mégillos, et un Athénien anonyme.
La Crète et Sparte sont les références constantes; ce sont elles qui offrent
l'exemple du meilleur gouvernement.123 On l'a noté plus haut, il n'y a plus
que deux types politiques, tous deux réels, la monarchie et l'aristocratie;
les Perses donnent l'exemple de l'excès de monarchie, les Athéniens de
l'excès de démocratie: Sparte et les cités crétoises réalisent le juste milieu.
Equilibre qui a été atteint par toute une histoire constitutionnelle, dont
Platon retrace, pour Sparte, les grandes lignes.124
Or, la tradition indo-européenne a été puissante à Sparte, où elle
organise à haute époque la constitution, au double plan des devoirs et des
interdits, ou eue înnuence le poete ryriee, ex marque la ineoiogic.

Mais on a noté plus haut, au sujet d'Hippodamos de Mile


ment il était difficile de tirer du modèle social lacédémonien — un
unique de citoyens, les Homoioi, au sein de laquelle les rois sont d
inter pares dénués de tout pouvoir, et par rapport à laquelle tous
de métiers sont marginaux — la claire hiérarchisation de classes
différentes et complémentaires. La même difficulté vaut pour l'i
Spartiate sur Platon. De plus, autant le poids des idées indo-euro
paraît important dans la Sparte des Ville et Vile s., autant le IVe
n'offrir que de pâles survivances de ces conceptions.128 On voit m
la Sparte d'alors une tradition suffisamment vivante et forte p
influencé Platon à ce point.

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La Trifonctionalitë indo-europëene chez les Grecs 271

L'influence Spartiate sur les théoriciens attiques se double d'une


influence crétoise: les auteurs des Ve et IVe s. observaient justement les
ressemblances des deux constitutions,129 et les Lois conjoignent les deux
modèles. Dès sa jeunesse, Platon accordait une certaine importance aux
traditions sur les rois mythiques crétois.130 Or, il est d'étroites correspon
dances entre les schèmes trifonctionnels crétois et ceux de la République:

Dans tous les exemples de tripartitions fonctionnelles que


nous avons vus ici, et en fait dans tous ceux de la tradition
grecque, les trois fonctions sont mises sur le même plan,
comme principe classificatoire homogène; à deux exceptions
près, les écrits de Platon et la "constitution crétoise" connue
par Ephore.131

Il est plusieurs coïncidences précises entre ces deux domaines:

Comme le note F. Lasserre, "le thème d'une prefection morale limitée (aux
deux qualités que cite Strabon lorsqu'il donne les critères de choix des jeunes
gens dignes d'être enlevés par des aînés: le courage et la correction) apparaît
déjà - ou plutôt encore - chez Platon," République 399e. "Lié à une forme
d'éducation musicale, cet idéal typiquement archaïque est formulé pour
la première fois dans ces termes par Damôn, que cite ici Platon."132

Une triade négative paraît organiser le droit pénal crétois, et l'on a vu que
ce pouvait être là la source d'un principe analogue chez Hippodamos de
Milet:133 la Crète peut être alors la source, non seulement des principes
éducatifs au sujet des rythmes, mais aussi de la triade de dangers évoqués
par bocrate aussi a ι occasion α une discussion sur i education. tit la
musique et le chant ont une très grande importance dans l'éducation Cre
toise.135

Quant à la stratification sociale trifonctionnelle, on peut observer


qu'elle existe en gros en Crète, puisque la société oppose une classe aristo
cratique militaire et une population de travailleurs,136 et que les kosmoi, les
gouvernants élus au sein de l'artist ocra tie, sont investis de fonctions
sacrées.137 Il était facile de théoriser cette situation à l'aide de la grille tri
fonctionnelle; or, tout ce que livre Strabon, d'après les notes d'Ephore,
montre que les conceptions d'origine indo-européenne sont parfaitement
vivantes dans la Crète du IVe s. Ainsi, c'est dans cette île, au conservatisme
religieux, social, artistique, linguistique, fameux, qu'on trouve des formes
de pensée et des applications trifonctionnelles qui sont le plus proche des
mêmes éléments chez Platon.

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272 Bernard Sergent

En conclusion, l'hypoth
d'une influence importante
grâce à un informateur cr
du personnage de Klinias, d
par leur efficacité taxon
devaient lui rappeler des t
la synthèse des deux tradi
catoire de la République II

Ainsi se présentent les c


trifonctionnelles, mais s'e
plus diverses; un Pindare
testations dans la traditio
plus tardif et très influenc
récent, et de loin le plus im
pendant une partie de sa v
Dès les poèmes homériqu
pour les traditions indo-eu
ouverte à l'expression des l
structurer, elle s'écarte pr
respondent plus à sa maniè
Par contre, lorsque naiss
théories de science politi
démocratique athénien, de
et la complémentarité des
Etats aristocratiques, don
auteurs: Sparte, la Crète,
ioniens dans le cas des Pyt
dans le cas de Lacédémone
tionnelles ont été puissante
(constitution Spartiate) o
d'Ephore): on comprend a
tionnels, conservateurs e
politique, comment et p
aller s'informer auprès de
dans leur droit.
Et, de même que des survivances celtiques dans les textes irlandais
ont permis de concevoir un cadre organisationnel pour mille ans en

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La Trifonctionalite indo-europèene chez les Grecs 273

France, de même, des idées minoritaires et marginales sur le sol gre


suscitent la grandiose construction politique et psychologique de Platon,
s'assurant alors un avenir autrement inimaginable.

Paris

NOTES

Cf. p. ex. G. Dumézil, L'idéologie tripartite des Indo-Européens, (Bruxelles, 1958) 58; Mythe
et épopée I (Paris 1968) 581; Les dieux souverains des Indo-Européens (Paris 1977) 153
On trouvera toutes les références et la bibliographie dans mon article "Les trois fonctions
des Indo-Européens dans la Grèce ancienne: Bilan critique," Annales E.S.C. (1979
(désormais cité Bilan).
Cf. Bilan 3-6.
Ibid. 6-7.

"L'Hermès des Achéens," RHR 136 (1949) 24-28. Cf. Bilan 13. D'après Aristophane, Nuées
1232.

Dumézil, Jupiter Mars Quirinus III (Paris 1945) 158-70; Tarpeia (Paris 1947) 38, 43, 53,
59, 62, etc.
Cf. Hérodote 3.65-88.

Dumézil, "Les 'trois fonctions' dans le Çg-Veda et les dieux indiens de Mitani," Bull. Acad.
Roy. Belg. 47 (1961) 294; Mythe et épopée I 618-21.
Ibid. 613-23.
Yasna 32, 10.
"Traditions indo-iraniennes sur les classes sociales," JA 230 (1938) 543.
Mythe et épopée I 618-21.
BCH 26 (1902) 587-639.
Ion 184-218.

"Le fronton occidental du temple d'Apollon à Delphes et les trois fonctions," RBPh 44
(1966) 5-11.
Bilan 11-12.

Euménides 1-30. Toutes les traductions d'Eschyle citées ici sont dues à P. Mazon (éd. Les
Belles Lettres, Paris).
"The three functions of I.-E. traditions in the 'Eumenides' of Aeschylus," dans J. Puhvel
éd., Myth and Law Among the Indo-Europeans, (Berkeley-Los Angeles, Londres 1970) 216.
Pallas Onka près de la Porte Onkaia à Thèbes (Eschyle, Les Sept contre Thebes 164, et cf.
501; Lykophron, Alex. 356, et Tzetzes ad loc.; schol. Pind. 01. 2.48a); temple d'Athèna près
de la Porte Sacrée, à Sicyone (Paus. 2.11.1); Athèna Promakhorna devant le sanctuaire de
Dèmèter à Bouporthmos (Paus. 2.34.8); Athèna Pronaia au Ptoion (P. Guillon, Les Trépieds
du Ptoion [Paris 1943] 99); etc.
Cf. P. Amandry, La mantique apollinienne à Delphes (Paris 1950) 202; discussion de D. S.
Robertson, CR 55 (1941) 69-70.
Cf. G. Roux, Delphes, son oracle et ses dieux (Paris 1976) 29-30.
Par exemple dans les groupes analysés par J. Orgogozo (supra, note 5).

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274 Bernard Sergent

Dumézil, Tarpeia (supra, note 6) 49


120-124; Les dieux des Indo-Europé
24 Théogonie 158.
25 Cf. Robertson (supra, note 20) et
26 D'après P. Vidal-Naquet, "Chasse
et P. Vidal-Naquet, Mythe et tragé
ci-dessue est extraite.

2' Vidal-Naquet, ibid.


28 Sur ce point et les conséquences que cela entraîne pour une "géographie sacrée" en termes
trifonctionnels, v. Bilan 11-12.
29 Comme par exemple dans les récits sur Horace et sur Trita Âptya, Dumézil, Heurs et
malheurs du guerrier (Paris 1969) 28-31, où la comparaison porte sur toute une série de
points, dans le mythe et dans les conséquences rituelles.
30 Cf. le travail à présent classique de F. Vian, Les origines de Thébes, Cadmos et les Spartes
(Paris 1963) en particulier 94-157.
31 Strutynski (supra, note 18) 220-21.
32 Ibid. 222-24.
33 Ibid. 226-7.
34 Ibid. 227-8.
35 Cf., pour une corrélation de ce type en Grèce, mon article "La représentation Spartiate de
la royauté," RHR 189 (1976) 28-34.
36 Un fonds idéologique trifonctionnel se discerne à Athènes dans la structure des Panathénées
(F. Vian, La Guerre des Géants, le mythe jusqu'à l'époque hellénistique [Paris 1952] 257)
et dans l'établissement des troit Archontes, le Roi, le Polémarque, l'Eponyme (Vian [supra,
note 30] 240; et surtout, depuis, R. Bodeus, "Société athénienne, sagesse grecque et idéal
indo-européen," AC 41 [1972] 455-62).
37 Sur Métis, Zeus, Athèna, v. à présent J.-P. Vernant et M. Detienne, Les ruses de l'intelligence,
la métis des Grecs (Paris 1974) 61-124; et pour Athènes en particulier, l'étude de Jeanmaire
(infra, page 252 et note 78).
38 Cf. infra, page 252 (Athèna à Marmaria) et note 19; infra, page 249 (à Sparte); et sa place dans
le choix de Pâris (en dernier lieu, Dumézil [supra, note 1] I 580-86).
39 Cf. Strutynski (supra, note 18) 225, qui se réfère à C. Austin, "De nouveaux fragments de
VErechthée d'Euripide," Recherches de papyrologie 4 (Extrait) = Travaux de l'Institut de
Papyrologie de Paris, fasc. 5 (Paris 1967) 19, 33, 57. Et les liens d'Athèna avec la Terre, aux
Panathénées, cf. réf. de Vian (supra, note 36).
40 Sur l'antiquité de celles-ci à Athènes, cf. F. Solmsen, Hesiod and Aeschylus (Ithaca 1949)
201; L. Deubner, Attische Feste (Berlin 1932) 214; Strutynski (supra, note 18) 227.
403 Cf. mon article (supra, note 35) 50, sur un poème de Tyrtée,frg. 9 Diehl = 12 Edmonds, v.8
41 Latomus 14 (1955) 173-85.
42 Infra, page 256.
43 Dumézil (supra, note 41) 184, note 2.
44 Infra, page 268.
45 Cf. Strutynski (supra, note 35) 213-16.
46 Théogonie 535-616; Les travaux et les jours 45-105.
41 Cf. Bilan 6-7, résumant des travaux de J.-P. Vernant, F. Vian, A. Yoshida.
48 Cf. F. Solmsen (supra, note 40).
49 La troisième Pythique peut être datée de 475 ± 1 (A. Puech, dans l'édition des Belles Lettres

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La Trifonctionalitë indo-européene chez les Grecs 275

de Pindare, 2, Pythiques [1961] 52-3); le Prométhée enchaîné est postérieur, certainement,


aux Sept contre Thebes (P. Mazon, dans l'édition des Belles Lettres d'Eschyle, 1, [1969] 151)
pièce qui fut jouée en 467 (ibid. 103).
Infra, page 247.
L'installation du système des dix Archontes annuels, dont les trois premiers connotent
les trois fonctions (cf. supra, note 36), en 681, est évidemment une création aristocratique;
de même, le système des tribus ioniennes, dans lequel on discerne un arrière-plan trifonc
tionnel (v. infra, page 253), est lié à l'ancienne société nobiliaire attique.
Vers 46-53; les traductions de Pindare citées ici sont celles d'A. Puech. Sur le fait que les
quatre remèdes énumérés par Pindare ici en représentent en fait trois différents, cf.
Benveniste (infra, note 53) 8.
E. Benveniste, "La doctrine médicale des Indo-Européens," RHR 130 (1945) 7, 10.
P. ex. Od. 19.457.
Benveniste (supra, note 53) 9.
Ibid. 11.
Ibid. 10.

Agallamh en Shuadh, d'après E. O'Curry, Lectures on the Manuscript Materials of Ancient


Irish History 2 383-5; cité dans Dumézil (infra, note 59).
Dumézil (supra, note 41) 178-79; sur l'opposition Mitra / Varuna, cf. id.. Mitra-Varuna,
essai sur deux représentations indo-européennes de la souveraineté (Paris 1948) passim; et
Dieux souverains (supra, note 1) passim et surtout 55-85.
Id., (supra, note 41) 183, notes 1 et 2.
La Saga de Hadingus (Saxo Grammaticus 1,5-8). Du mythe au roman (Paris 1953) 152, note 1
(= Du mythe au roman, La Saga de Hadingus . . . et autres essais [Paris 1970] 140, note 1).
Vers 82-88.
Vers 55-56.

Dumézil, Tarpeia (supra, note 6) 249-291; Les dieux des Germains (supra, note 23) 9-15,
29-30.

Id., Jupiter Mars Quirinus (supra, note 6) III 41 ss.; Les dieux des Germains 30.
3.13.7.

"Le partage du Péloponèse entre les Hèraklides," RHR 190 (1977) 135.
Cf. Vian (supra, note 30) passim, en particulier 242-43.
Ibid., 135-151.

Id., "La triade des rois d'Orchomène: Etéoklès, Phlégyas, Minyas," Hommages à Georges
Dumézil (Bruxelles 1960) 215-260.
On peut noter à ce sujet que, si les trois types de maladies de Pindare rappellent les trois
sortes de morts des Races légendaires irlandaises, celles-ci à leur tour ont quelques points
communs avec les Races hésiodiques (cf. Dumézil [supra, note 41] 178-80), lesquelles con
naissent également des morts différentielles qui connotent les trois fonctions d'une
certaine manière: la Race d'Or connaît une mort douce (Travaux 121) liée à la paix et à la
richesse (c'est-à-dire à une royauté de type mitraïque); Zeus ensevelit la Race d'Argent
(137-9), mort "varuijaïque"; la Race de Bronze périt en s'entretuant (152-5), et de même
les Héros disparaissent dans les guerres devant Thèbes ou devant Troie (161-65); enfin la
Race de Fer s'oriente vers une déchéance totale, exprimée dans des termes qui, dans le
texte irlandais, renvoient plutôt à la 1ère fonction (cf. supra, page 249), mais précisément
ici s'achèvent dans la maladie (180-201). Cf. sur tout cela J.-P. Vernant, "Le mythe
hésiodique des races, essai d'analyse structurale," dans Mythe et pensée chez les Grecs (Paris
1965) 41-42.

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276 Bernard Sergent

72 Dans Dumézil, Jupiter Mars Qui


73 Politique 2 8.2-3 = 1267b; traduc
74 "Les trois fonctions dans quelq
(1953) 26, note 5.
75 Politique 2 8.7-25 = 1267b-1268b
76 Jn 310.14; 341.16.
77 M. Ventris et J. Chadwick, Docum
from Knossos, Pylos and Mycenae
Chadwick (Cambridge 1973) 509.
78 H. Jeanmaire, "La naissance d'At
79 Sur quoi, cf. le livre de Vemant
80 Paus. 1.34.3 (enceinte d'Athèna
ajoute que l'épiclèse de cette divinit
d'Athèna Khalkioïkos sur l'Acrop
Olympie, les Eléens sacrifient d
Poséidon Laoïtas, Artémis, Athèn
81 Cf. Dumézil, "Métiers et classe
Annales E.S.C. 13 (1958) 722-3.
82 Politique 2.8.4 = 1267b.
83 Cf. II. 6.39, 13.782, 23.545; 571,
'dommage, destruction,' etc." (P.
grecque, histoire des mots 1 [1968]
84 Cf. supra, page 249.
85 Bilan 10.
86 Frg. 2 Diels (8) = 2 Edmonds, ν. 11-19; Bilan 8.
87 Vie de Pythagore 157.
88 Bilan 17.
84 Stobée, Anthologie 4.1.138, p. 86 s.; cf. A. Délatte, Essai sur la politique pythagoricienne
(Paris 1932) 117-18.
90 H. Jeanmaire, Couroi et Couretes (Lille 1939) 117-18.
91 W. L. Newman, The Politics of Aristotle 1 (1887) 383; F. Oilier, Le mirage Spartiate. Etude
sur l'idéalisation de Sparte dans l'Antiquité grecque de l'origine jusqu'aux Cyniques (Paris
1933) 207.
92 Strabon 10.4.17 = 483; A. Yoshida, "Sur quelques coupes de la fable grecque," REA 67
(1965) 35.
93 Ephore, dans Strabon ibid. ; Bilan 15.
94 Strabon 10.4.16 = 480.
95 Par exemple Phléguas, et la troupe des Phlégues (cf. supra, note 70); F. Vian, "La fonction
guerrière dans la mythologie grecque," dans J.-P. Vemant éd., Problèmes de la guerre en
Grèce ancienne (Paris-La Haye 1968) 62; et Bilan 15.
96 Cf. J. Aubonnet (supra, note 73) 74, note 1; 154: "ί'ϋβρις est tout ce qui blesse les senti
ments ou l'honneur de quelqu'un avec accompagnement de violence ou non, cf. Rhet., I,
13, 1374al3 suiv. et II, 2, 1378.23 suiv. et aussi Pol., II, 5, 1263b20."
97 Aubonnet, ibid. 74.
98 F. Lasserre, éd. Les Belles Lettres 7 (Paris 1971) 97.
99 Jupiter Mars Quirinus I (Paris 1941) 257-8.

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La Trifonctionalit'e indo-europ'eene chez les Grecs 277

100 Dumézil (supra, note 41) 183-5.


101 Ibid. 493-6.
102 "Prométhéeet la fonction technique," dans Mythe et pensée (supra, note71) 190-1 (première
publication, Journal de Psychologie 45 [1952] 419-29).
103 Supra, page 244.
104 Prolage. 321d-e; traduction de L. Robin.
105 Supra, note 102.
106 Je suis ici le même plan que dans mon article des Annales (Bilan), mais en développant
l'analyse.
107 C'est pourquoi G. Dumézil s'est demandé s'il ne fallait pas faire venir cette triade directe
ment de celle, semblable, d'Eschyle, cf. supra, note 41 et page 245. Critique de cette
hypothèse, infra, page 265.
108 Mythe et épopée I (supra, note 1) 485-93.
109 Oilier (supra, note 91) 240.
110 Platon en fait... le calcul! Il trouve que la vie du tyran est 729 fois plus misérable que celle
du roi (IX, 2 = 587e).
Bilan 19.

112 D'Après la traduction de L. Robin, utilisée ici pour toutes les citations de la République.
113 A. Rivaud, dont on a utilisé ici la traduction pour les passages cités du Timée, éd. Les Belles
Lettres, 5e tirage (Paris 1970) 22-23.
114 Oilier, (supra, note 91) 240.
115 Timée 17d-18b; Critias 110c-d.
116 II, 370a-d, 375c et e; 326e; 377a.
117 Cf. Premier Alcibiade 124a; Hipp. 228e; Pheidbn 229e; PhiTebe 48c; Protag. 343a; souligné
par Bodéiis (supra, note 36) 474; et cf. R. Herzog, "Das delphische Orakel als etischer
Preisrichter," dans E. Horneffer, Der Junge Platon I (Giessen 1922) 149-170.
118 Supra, page 238.
119 Cf. Bilan 11-12. On signale toutefois quelques applications d'ordre mythologique et
philosophique: Yoshida (supra, note 15) 10-11.
120 Supra, page 254.
121 Oilier (supra, note 91) 232-42, 276-7.
122 Ibid. 252.
123 Ibid. 253-51.
124 Lois VI, 691b-692b.
125 L. Gerschel, dans Jupiter Mars Quirinus IV 170-76; Bilan 14-15.
126 Cf. supra, note 40a.
127 Supra, page 250.
128 Sur la survivance des idées d'origine indo-européenne malgré un affaiblissement progressif
de la tradition, cf. mes remarques sur la royauté Spartiate dans Hérodote et dans Pausanias
(supra, note 35); par ailleurs la constitution proposée par le platonicien Dion de Syracuse,
nettement trifonctionnelle, rappelle beaucoup la constitution Spartiate, et par là renforce
la thèse d'une origine laconienne du modèle de Platon; cf. sur cette question Bilan 20.
129 Hérodote 1.65; Ephore, dans Strabon 10.4.17; Aristote, Pol. 2 10 1271b22 ss.
130 Cf. Apologie 41a; Gorgias 524.
131 Supra, page 256.
132 Lasserre (supra, note 98) 103, note 2; Damôn est un théoricien de la musique, ami de

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278 Bernard Sergent

Socrate, mais il n'est cité par P


des rythmes (399e), et au sujet
d'isoler la triade de fléaux évoq
que cette première triade foncti
distincte. D'un autre côté on ne
dans les écrits de ce Damôn! L'a
Supra, page 255f.
Supra, page 258.
Ephore, dans Strabon 10.4.20; s
rôle essentiel dans l'histoire de la
ibid. 18 et 19.

V. en particulier R. F. Willetts, Aristocratie Society in Ancient Crete (Londres 1955).


Strabon 10.4.22.

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