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233
I. Eschyle.
Cette formule perse devait être célèbre, car, dans des jours
pathétiques, elle a atteint les observateurs grecs ....
Chaque fois qu'il m'est arrivé de relire les Perses, j'ai été
frappé d'une certaine ressemblance, dans le ton et dans
d'assez nombreuses expressions, entre les inscriptions dont
Darius I a orné son empire et jusqu'à sa sépulture, et les
paroles qu'Eschyle prête à son Ombre, sortie pour un
instant du tombeau. La publicité, nouvelle chez les Perses,
que le Grand Roi avait ainsi donnée à ses succès, à ses ex
périences, à ses pensées, avait pu par bien des intermédiaires,
depuis les Ioniens de l'empire jusqu'aux prisonniers de
Dareios:
"Mêdos fut le premier . . .
"Le second, son fils . . .
Il est clair que l'on a ici trois triades de divinités: dans l'ordre:
Gaia
Thémis
Phoibè
Aussi séduisant que cela soit, il est difficile d'affirmer ici qu'Es
a voulu faire un exposé trifonctionnel des divinités protectrices d'At
Certes, la paix et le bonheur dont vont s'occuper les Erinyes peuve
rattacher à la Illème fonction,35 et de fait concluent ici un discou
la fécondité, Athèna est protectrice et Zeus souverain, mais Athèn
tout autant divinité de la sagesse, et le lien étroit entre elle est son
"Vierge de Zeus," etc.) estompe une répartition entre trois fon
vraiment distinctes.
Il est possible — mais possible seulement — que le poète exprime ici
une antique tradition athénienne,36 celle-ci trifonctionnelle, du type: I =
Athèna (Poliade, et fille de Métis) + Zeus,37 II = Athèna (centre de sa
définition)38 + Arès, III = (Athèna)39 + les Euménides:40 mais alors, de
même qu'il livre une triade delphique sans paraître la comprendre, il utili
serait ici une triade attique dont la raison d'être primitive lui échapperait.
Ainsi, ni dans le Prologue, ni dans le corps de la pièce, ni dans la
conclusion, la trifonctionnalité indo-européenne n'organise le texte
d'Eschyle; au contraire, lorsqu'il intègre des triades structurées d'après
les trois fonctions, sûrement dans le Prologue, et peut-être dans la con
clusion, sa pensée propre l'amène à déborder les critères conceptuels
originaux, à décaler les centres de définition des divinités — selon les cadres
idéologiques dominants en Grèce: Eschyle ne crée pas de classifications
trifonctionnelles.
II. Pindare.
aux maladies de même niveau: il semble plutôt, par exemple, que, dans la
conception de Pindare, les charmes servent à soigner les blessures,54 les
plantes l'épuisement, et les incisions les ulcères.55 Mais, ce qui structure
l'homogénéité de l'ensemble, c'est la récurrence du groupement ternaire
des données médicales, et, dans chacune des triades, l'identité du principe de
répartition de ces données.
Or, si l'arrière-plan trifonctionnel n'est point patent dans les groupe
ments de Pindare et du I$g-Veda, il l'est dans YAvesta: les charmes, moyen
magique, religieux, rappellent que la religion et les prêtres caractérisent la
1ère fonction, le couteau évoque les armes et donc la Ilème fonction, les
plantes se rattachent à la Illème.56 La série de remèdes de Pindare y est
homogène, car la répartition est clairement: charmes; incisions; potions
+ remèdes = médecine par les plantes. La triade des maladies s'adapte
alors facilement au même cadre: Pindare indique bien que ce sont les
fluctuations climatiques qui déterminent tout un groupe de maladies, or
les plantes dépandent également du climat; les blessures sont évidemment
l'équivalent, au négatif, de ce que sont les incisions, au positif; et les lésions
spontanées, les seules dont l'origine est inconnue, se rattachent à la sphère
magique et religieuse. La triade vedique est la moms ciaire, mais précisément
celle de Pindare permet de la comprendre: l'amaigrissement correspond
évidemment à l'épuisement d'origine climatique du poète thébain, les
fractures correspondent aux blessures, et donc par là à la médecine "des
incisions" ou "du couteau," enfin la cécité évoquée est une maladie innée,
au contraire de quoi elle figurerait plutôt dans une des deux autres rubriques,
elle correspond donc aux lésions spontantées de Pindare, et Benveniste
observe justement57 qu'elle est un mal d'origine divine, souvent garant, en
contre-partie, de la voyance.
Pindare se fait donc l'écho, ici, d'une antique tradition indo
européenne. Celle-ci rappelle beaucoup les triades de fléaux évoquées
plus haut: ainsi, par exemple, dans les traditions irlandaises, on voit les
deux premières "races" de l'histoire mythique du pays, les fils de Partholon
et les fils de Nemed, mourir d'épidémies; les deux "races" suivantes, les
Fir Bolg et les Tuatha Dè Danann, meurent dans des batailles; la dernière
race, celle des fils de Mil, les Gaëls, ne meure pas, du moins dans le livre
des conquêtes de l'Irlande (Lebhor Gabala), puisque ce sont les Irlandais
auteurs des textes aux-mêmes, mais une tradition rapporte58 que l'Irlande
sera un jour définitivement détruite, par le feu et par l'eau, à cause du renver
sement de toutes les lois sociales — donc à cause d'un péché de type, peut-on
dire, "mitraïque," puisque la bipartition de la 1ère fonction en un côté
11 -t.
ιτχιιια VI Ull νυιν Τ Cil UUU JV IVllVUVV VllVX iuuo ivo pvupivo IIJUW
Il remarque alors61 que "ce texte présente (et c'est d'autant plus
important qu'il s'agit des Dioscures) un des rares exemples grecs super
posables à la liste trifonctionnelle indo-iranienne"; en effet, après la mort
de Kastôr et celle des Apharétides, Zeus vient dire à Poludeukès:62
texte de Xénophane de Co
des Jeux Olympiques, le f
tages des athlètes ne résid
inférieure à la sagesse (sop
pas la richesse de la cité: a
de la seconde fonction (à)
et (à) celle de la troisième
Mais cela à nouveau es
Colophon ne témoigne p
tionnelles dans l'ancienne
nrrantiallamant 17£k**r< 10 lïté Oil Pr»r\trO 1 rp t\e* 110
je voudrais souligner qu'il en est une autre, possible: on verra ci-dessous que
les idées de Platon, pendant toute une époque de sa vie, sont aussi influ
encées par la trifonctionnalité que celles d'Hippodamos, et cela, souvent,
dans des termes très proches — tripartition sociale, cité idéale, et une série
trifonctionnelle de dangers; il est donc vraisemblable que les sources du
premier sont en grande partie celles du second (et non que Platon dérive
ici directement d'Hippodamos: les applications de la trifonctionnalité
dans son oeuvre sont beaucoup trop amples et diverses). Et on verra que
c'est peut-être en Crète que Platon a découvert le poids et l'utilité de la
conception trifonctionnelle. Or, c'est précisément en Crète que se décèle,
également, un rejet de trois dangers sociaux, de trois délits stigmatisés par
la coutume, et où l'arrière-plan trifonctionnel est probable.
Il faut d'abord, pour percevoir ce point, observer que toute la "con
suiuiiun ciciuisc, icuc qu cue iiu iiuicc, au ι ve s., par npnore, repose sur
les idées trifonctionnelles: non seulement, dans le fameux rituel initi
des jeunes artistocrates par des guerriers confirmés, ces derniers donnen
leurs disciples trois cadeaux assurément fondés sur la tripartition
tionnelle,92 mais les critères de choix des jeunes gens reposent sur le mê
principe — "il jugent d'être aimé non pas le garçon le plus beau, mais
qui se distingue par son courage et sa correction,"93 c'est-à-dire qu
caractère de la Illème fonction est repoussé au profit de caractères ty
de la 1ère et de la Ilème; et, dit encore Strabon, le principe constitut
de base est la liberté, "mais qui possède la liberté doit aussi pouvoir
préserver, or il y faut deux conditions, qui sont la concorde entre les cit
et le courage à la guerre. La première, donc, qui est la concorde, est obte
chez eux par la suppression des désordres qu'engendrent la cupidité
ιια sum luus tgauA,
IV. Platon.
C'est Zeus, raconte-t-on un peu plus bas, qui doit déléguer Hermès
pour apporter aux hommes la justice et le sens de l'honneur, avec l'art de
gouverner les cités.
Vernant comment: Platon "se plaît à souligner dans le mythe même
de Prométhée l'opposition entre l'art politique et l'art militaire d'une part,
les techniques utilitaires de l'autre. Un Zeus souverain, protégé par des
OPrHipnç ί7ηή)ΐ μγργΛ nnnnçp à Hivinit£c nui cipopnt r*1nc pn Koc pt nui
idéal, qu'il appelle les "Gardiens" (III, 412c). Il dira plus tard
qu'ils forment le premier terme d'une série ternaire.
la démocratie (555b-562a);
avec le reste du texte, qui avait suggéré à G. Dumézil que cette dernière
triade puisse découler de celle énoncé quelques dizaines d'années aupara
vant par Eschyle. Mais la récurrence des applications de la trifonction
nalité en 399e (les rythmes), 412c les Gardiens. . .), 413b (les dangers)
forme une série de faible amplitude, mêlée, homogène dans son optique.
Tout se passe comme si Platon, qui a mis plusieurs années à
écrire la République, avait appris, vers l'époque où il rédigeait le livre III,
d'interlocuteurs très bien informés de la tradition indo-européenne, une
somme conceptuelle, comprenant d'une part le schème intellectuel de la
trifonctionnalité, c'est-à-dire la définition des trois fonctions, et d'autre
Dans le texte où il expose les rapports entre ces trois âmes, Platon
reprend les mêmes idées que dans la République — solidarité des deux pre
mières fonctions, danger de celle-ci, et son polymorphisme — mais dans
une matière nouvelle:
Enfin,
Il n'y a là nulle impossibilité: mais la thèse est trop peu étayée. Jusqu'à
nouvel ordre, la tripartition fonctionnelle n'organise à Delphes que le
rituel et la théologie, c'est-à-dire exclusivement la religion:"9 rien n'attest
des applications touchant à la théorie sociale, au droit (les trois dangers),
à la vie en général (l'éducation et les rythmes).
Comme le note F. Lasserre, "le thème d'une prefection morale limitée (aux
deux qualités que cite Strabon lorsqu'il donne les critères de choix des jeunes
gens dignes d'être enlevés par des aînés: le courage et la correction) apparaît
déjà - ou plutôt encore - chez Platon," République 399e. "Lié à une forme
d'éducation musicale, cet idéal typiquement archaïque est formulé pour
la première fois dans ces termes par Damôn, que cite ici Platon."132
Une triade négative paraît organiser le droit pénal crétois, et l'on a vu que
ce pouvait être là la source d'un principe analogue chez Hippodamos de
Milet:133 la Crète peut être alors la source, non seulement des principes
éducatifs au sujet des rythmes, mais aussi de la triade de dangers évoqués
par bocrate aussi a ι occasion α une discussion sur i education. tit la
musique et le chant ont une très grande importance dans l'éducation Cre
toise.135
En conclusion, l'hypoth
d'une influence importante
grâce à un informateur cr
du personnage de Klinias, d
par leur efficacité taxon
devaient lui rappeler des t
la synthèse des deux tradi
catoire de la République II
Paris
NOTES
Cf. p. ex. G. Dumézil, L'idéologie tripartite des Indo-Européens, (Bruxelles, 1958) 58; Mythe
et épopée I (Paris 1968) 581; Les dieux souverains des Indo-Européens (Paris 1977) 153
On trouvera toutes les références et la bibliographie dans mon article "Les trois fonctions
des Indo-Européens dans la Grèce ancienne: Bilan critique," Annales E.S.C. (1979
(désormais cité Bilan).
Cf. Bilan 3-6.
Ibid. 6-7.
"L'Hermès des Achéens," RHR 136 (1949) 24-28. Cf. Bilan 13. D'après Aristophane, Nuées
1232.
Dumézil, Jupiter Mars Quirinus III (Paris 1945) 158-70; Tarpeia (Paris 1947) 38, 43, 53,
59, 62, etc.
Cf. Hérodote 3.65-88.
Dumézil, "Les 'trois fonctions' dans le Çg-Veda et les dieux indiens de Mitani," Bull. Acad.
Roy. Belg. 47 (1961) 294; Mythe et épopée I 618-21.
Ibid. 613-23.
Yasna 32, 10.
"Traditions indo-iraniennes sur les classes sociales," JA 230 (1938) 543.
Mythe et épopée I 618-21.
BCH 26 (1902) 587-639.
Ion 184-218.
"Le fronton occidental du temple d'Apollon à Delphes et les trois fonctions," RBPh 44
(1966) 5-11.
Bilan 11-12.
Euménides 1-30. Toutes les traductions d'Eschyle citées ici sont dues à P. Mazon (éd. Les
Belles Lettres, Paris).
"The three functions of I.-E. traditions in the 'Eumenides' of Aeschylus," dans J. Puhvel
éd., Myth and Law Among the Indo-Europeans, (Berkeley-Los Angeles, Londres 1970) 216.
Pallas Onka près de la Porte Onkaia à Thèbes (Eschyle, Les Sept contre Thebes 164, et cf.
501; Lykophron, Alex. 356, et Tzetzes ad loc.; schol. Pind. 01. 2.48a); temple d'Athèna près
de la Porte Sacrée, à Sicyone (Paus. 2.11.1); Athèna Promakhorna devant le sanctuaire de
Dèmèter à Bouporthmos (Paus. 2.34.8); Athèna Pronaia au Ptoion (P. Guillon, Les Trépieds
du Ptoion [Paris 1943] 99); etc.
Cf. P. Amandry, La mantique apollinienne à Delphes (Paris 1950) 202; discussion de D. S.
Robertson, CR 55 (1941) 69-70.
Cf. G. Roux, Delphes, son oracle et ses dieux (Paris 1976) 29-30.
Par exemple dans les groupes analysés par J. Orgogozo (supra, note 5).
Dumézil, Tarpeia (supra, note 6) 249-291; Les dieux des Germains (supra, note 23) 9-15,
29-30.
Id., Jupiter Mars Quirinus (supra, note 6) III 41 ss.; Les dieux des Germains 30.
3.13.7.
"Le partage du Péloponèse entre les Hèraklides," RHR 190 (1977) 135.
Cf. Vian (supra, note 30) passim, en particulier 242-43.
Ibid., 135-151.
Id., "La triade des rois d'Orchomène: Etéoklès, Phlégyas, Minyas," Hommages à Georges
Dumézil (Bruxelles 1960) 215-260.
On peut noter à ce sujet que, si les trois types de maladies de Pindare rappellent les trois
sortes de morts des Races légendaires irlandaises, celles-ci à leur tour ont quelques points
communs avec les Races hésiodiques (cf. Dumézil [supra, note 41] 178-80), lesquelles con
naissent également des morts différentielles qui connotent les trois fonctions d'une
certaine manière: la Race d'Or connaît une mort douce (Travaux 121) liée à la paix et à la
richesse (c'est-à-dire à une royauté de type mitraïque); Zeus ensevelit la Race d'Argent
(137-9), mort "varuijaïque"; la Race de Bronze périt en s'entretuant (152-5), et de même
les Héros disparaissent dans les guerres devant Thèbes ou devant Troie (161-65); enfin la
Race de Fer s'oriente vers une déchéance totale, exprimée dans des termes qui, dans le
texte irlandais, renvoient plutôt à la 1ère fonction (cf. supra, page 249), mais précisément
ici s'achèvent dans la maladie (180-201). Cf. sur tout cela J.-P. Vernant, "Le mythe
hésiodique des races, essai d'analyse structurale," dans Mythe et pensée chez les Grecs (Paris
1965) 41-42.
112 D'Après la traduction de L. Robin, utilisée ici pour toutes les citations de la République.
113 A. Rivaud, dont on a utilisé ici la traduction pour les passages cités du Timée, éd. Les Belles
Lettres, 5e tirage (Paris 1970) 22-23.
114 Oilier, (supra, note 91) 240.
115 Timée 17d-18b; Critias 110c-d.
116 II, 370a-d, 375c et e; 326e; 377a.
117 Cf. Premier Alcibiade 124a; Hipp. 228e; Pheidbn 229e; PhiTebe 48c; Protag. 343a; souligné
par Bodéiis (supra, note 36) 474; et cf. R. Herzog, "Das delphische Orakel als etischer
Preisrichter," dans E. Horneffer, Der Junge Platon I (Giessen 1922) 149-170.
118 Supra, page 238.
119 Cf. Bilan 11-12. On signale toutefois quelques applications d'ordre mythologique et
philosophique: Yoshida (supra, note 15) 10-11.
120 Supra, page 254.
121 Oilier (supra, note 91) 232-42, 276-7.
122 Ibid. 252.
123 Ibid. 253-51.
124 Lois VI, 691b-692b.
125 L. Gerschel, dans Jupiter Mars Quirinus IV 170-76; Bilan 14-15.
126 Cf. supra, note 40a.
127 Supra, page 250.
128 Sur la survivance des idées d'origine indo-européenne malgré un affaiblissement progressif
de la tradition, cf. mes remarques sur la royauté Spartiate dans Hérodote et dans Pausanias
(supra, note 35); par ailleurs la constitution proposée par le platonicien Dion de Syracuse,
nettement trifonctionnelle, rappelle beaucoup la constitution Spartiate, et par là renforce
la thèse d'une origine laconienne du modèle de Platon; cf. sur cette question Bilan 20.
129 Hérodote 1.65; Ephore, dans Strabon 10.4.17; Aristote, Pol. 2 10 1271b22 ss.
130 Cf. Apologie 41a; Gorgias 524.
131 Supra, page 256.
132 Lasserre (supra, note 98) 103, note 2; Damôn est un théoricien de la musique, ami de