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WLPHLQWKHPDMRUFLYLOL]DWLRQVRI$VLDIURP0HVRSRWDPLDWR-DSDQLQDVSDQRI
ACTES DE COLLOQUE
Tempus et Tempestas
Pierre-Sylvain Filliozat et Michel zink éd.
Dans cet essai il sera plus souvent question du Salomon des traditions
légendaires et du folklore que de celui des Saintes Écritures. D’Orient en
Occident j’essaierai d’esquisser quelques-unes des composantes typolo-
JLTXHVHWTXHOTXHVDVSHFWVGXGHYHQLUPpGLpYDOHWPRGHUQHGHFHWWH¿JXUH
du « Roi ésotérique », dont P. Torijano a récemment retracé la genèse aux
alentours du commencement de l’ère chrétienne1. Le sujet est certes très
vaste, même si on ne l’envisage que du strict point de vue de l’histoire de
l’imaginaire2 : on se contentera ici d’aborder les interconnexions entre les
rapports du Salomon de la légende avec le Temps (qui passe) et ceux qu’il
entretient avec le temps (qu’il fait)3. Essai, donc, de chronologie et de mé-
téorologie comparées.
I. DémonologIe et météorologIe
Une fois arrivé à son terme le processus de transformation de Salomon
en prototype de souverain cosmocratique capable de dominer les démons
HWGHOHVXWLOLVHUjGHV¿QVELHQSOXVODUJHVTXHFHOOHGXVLPSOHH[RUFLVPH4,
égyptienne, n’ont-ils pas ici relu l’aventure biblique, qui est censée se
dérouler près de Baal-Cephôn (Exode XIV, 9), à la lumière du mythe local
syncrétique de Seth-Typhon et de l’interprétation météorologique grecque
de ce personnage14 ?
Un autre démon du vent est convoqué dans le Testament, Lix Tetrax,
que Salomon met aussi au service de la construction du Temple15. Celui-là
est explicitement lié aux tourbillons aériens et agit comme une tornade : il
soulève de terre des nuages de poussière, les projette vers le ciel et tente
même de bousculer le roi, qui, après l’avoir dompté, utilisera ce pouvoir
aspirant ascensionnel pour lui faire ramasser les blocs de pierre et les lancer
aux ouvriers qui travaillent au sommet du Temple. Son allure est bien celle,
verticale, d’un cyclone puisque sa tête est haute dans le ciel tandis que la
partie inférieure de son corps traîne sur le sol comme un escargot.
&¶HVWVDQVGRXWHDX[WUDGLWLRQVTXHUHÀqWHOHTestament que l’Islam doit
son image récurrente de Salomon comme maître des vents : mentionnée à
plusieurs reprises dans le Coran, elle y est en effet associée à la construction
du Temple (XXXIV, 11-12) et au pouvoir du roi sur les génies (ibid.), mais
RQUHPDUTXHTXHFHVYHQWVQHVRQWSDVLGHQWL¿pVjGHVGpPRQVOHVTXHOVQH
sont pas individualisés) et que Salomon ne les utilise pas dans son travail
GH EkWLVVHXU PDLV VH FRQWHQWH GH OHV IDLUH VRXIÀHU R HW TXDQG LO O¶HVWLPH
nécessaire (XXI, 81 et XXXVIII, 35).
On sait par ailleurs quel rôle est réservé à Asmodée dans les légendes
musulmanes (le plus souvent sous le nom de Sakhr)16, lesquelles insistent
VXUOHEDQQLVVHPHQWHWODUpFOXVLRQ¿QDOHGXGpPRQDSUqVOD¿QGHODSpULRGH
GHSpQLWHQFHLQÀLJpHj6DORPRQOHIDLWTX¶LOVRLWDORUVPLVDX[IHUVLPPR-
ELOLVpHQWUHGHX[EORFVGHSLHUUHVFHOOpVHWMHWpGDQVXQODFO¶LGHQWL¿HDX[
génies enfermés dans des amphores immergées du conte des 1001 Nuits17.
14. Voir J. W. Van Henten, « Typhon », in Dictionary of deities and demons in the
Bible, .9DQGHU7RUQ%%HFNLQJHW3:9DQGHU+RUVWpG/H\GH1HZ<RUN&RORJQH
Brill, 1995, col. 1657-1662, C. Bonnet, « Typhon et Baal Saphon », in Phoenicia and the
East Mediterranean in the First Millenium B. C. – Proceedings of the conference held in
Leuven from the 14th to the 16th of November 1985, E. Lipinsky éd., Louvain, Peeters
(Orientalia Lovaniensia Analecta, 22), 1987, p. 101-143, et F. Vian, « Le mythe de Typhée
et le problème de ses origines orientales », in Éléments orientaux dans la religion grecque
ancienne. Colloque de Strasbourg (22-24 Mai 1958), Paris, 1960, p. 17-37.
15. D. C. Duling, op. cit. (n. 11), p. 969.
16. Voir la traduction partielle des Biblische Legenden der Muselmänner de G. Weil
(Francfort, 1845) dans le Dictionnaire des Apocryphes, t. II (Encyclopédie théologique
Migne, Paris, 1858, c. 847-871, en particulier c. 854 sq. et 868 sq.), J. D. Seymour, op. cit.
(n. 2), passim (voir Index), et F. Delpech, loc. cit. (n. 7), p. 173 sq.
17. Voir J. Lassner, Demonizing the queen of Sheba, Chicago, University of Chicago
Press, 1993, p. 214 (trad. d’après les Histoires des Prophètes d’al-Kisâ’i) et J. D. Seymour, op.
70 François DELPECH
cit. (n. 2), p. 67-69. Une tradition analogue est rapportée par al-Tabarî. Sur le conte du pêcheur
et du génie, voir D. Pinault, Story-telling techniques in the Arabian Nights, Leyde, Brill, 1992,
p. 31-81 (p. 35-41). Un autre génie rebelle enfermé par Salomon dans un récipient (un cylindre
de fer) joue un rôle essentiel dans le roman arabe Sayf ibn dhi Yazan puisque, libéré par Sayf,
il met à son service sa force colossale pour libérer les eaux du Nil et lui permettre d’irriguer
l’Égypte (voir J. Chelhod, « La geste du roi Sayf », Revue de l’Histoire des Religions 171,
1967, p. 181-205, en particulier p. 192-194).
18. D. C. Duling, op. cit. (n. 11), p. 976 (le démon Kunopegos) ; voir ibid., p. 950, n. 93.
19. J. Lassner, op. cit. (n. 17), p. 181-185 (en particulier p. 183 et 184 sq.).
20. P. Briant, Histoire de l’empire perse de Cyrus à Alexandre, Paris, Fayard, 1996,
p. 251 sq. et p. 941.
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royale. Notes sur la légende médiévale du trône de Chosroès », Journal Asiatique 300/2,
2012, p. 709-760 (p. 734-741).
22. Mas’ûdî, Les Prairies d’Or, trad. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille,
2e éd., Paris, Société asiatique, 1965, t. II, p. 541 (§ 1403). Voir F. Delpech, « Souveraineté
cosmocratique », p. 735-737.
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 71
retenu nuit et jour fait entendre un bruit de tonnerre ; c’est ce qui fait dire
aux Musulmans de l’endroit que les vents ont été emprisonnés en ce lieu
SDU6DORPRQª/¶DXWHXUQHSUpFLVHSDVjTXHOOH¿QPDLVLQGLUHFWHPHQWOD
tradition locale complémentaire qu’il mentionne ensuite permet de l’entre-
voir : Salomon prenait, dit-on, son petit-déjeuner le matin « à Baalbek en
Syrie et son repas du soir dans cette mosquée ; il s’arrêtait à moitié chemin
dans la ville de Palmyre (Tadmur) [...] au milieu du désert, entre l’Irak,
Damas et Émèse, en Syrie, à cinq ou six journées de marche de cette der-
nière contrée ». Ce parcours quotidien ne pouvait en effet être effectué qu’au
moyen d’un véhicule extraordinairement rapide. Celui-ci, compte tenu des
remarques précédentes sur la maîtrise des vents et des légendes islamiques
relatives au tapis volant et aux chevaux merveilleux de Salomon23, était
nécessairement tributaire d’une propulsion pneumatique, ce qui revient à
dire qu’il était vent lui-même, ou manifestation matérialisée accessoire de
son pouvoir transvecteur24. D’autres textes font état de ces tournées quoti-
diennes en variant les lieux où le roi était censé faire étape et en précisant
parfois que le but de l’opération était de passer en revue les djinns. Le point
de départ matinal semble y être Persépolis plutôt que Baalbek25.
Ce complexe légendaire ancré au cœur de l’Iran, dont Mas’ûdî nous
restitue les deux indissociables composantes (la « mosquée » de Salomon et
ses circumambulations journalières), restitue manifestement, en la reversant
sur le compte du roi juif, une partie essentielle de la symbolique spatiale et
de l’imagerie cosmocratique de la monarchie persane telles que les laissent
entrevoir les textes et l’iconographie depuis la période achéménide jusqu’à
OD¿QGHODG\QDVWLHVDVVDQLGH/¶LQDXJXUDWLRQUR\DOHHWOHUHQRXYHOOHPHQW
rituel de l’appropriation de l’Empire par le souverain se font en direction
de tous les orients cardinaux qui structurent ce microcosme et supposent,
selon une idéologie royale au moins indo-iranienne bien enracinée dans
l’imaginaire collectif, une sorte de mouvement itinérant perpétuel propre
à réassocier sans cesse les composantes du territoire et de l’univers26.
23. Voir J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), chap. VI, p. 80-94 (« Solomon’s magic carpet »),
R. Basset, « Solaiman dans les légendes musulmanes, VI. Les objets merveilleux », chap. 4
(« Le tapis »), Revue des Traditions Populaires 6, 1891, p. 610-612 et, du même auteur, ibid.,
chap. 3, p. 145 sq. (« Les chevaux »).
24. Le tapis est propulsé et supporté par le vent Rukhâ (J. D. Seymour, op. cit. [n. 2], p. 80).
25. R. Basset, op. cit. (n. 23), « Les chevaux », p. 145 n. Voir aussi, du même, « Salomon
et les génies », Revue des Traditions populaires 3, 1888, p. 354 sq. Plusieurs textes précisent
que Salomon faisait ces excursions à cheval et que le trajet incluait une étape en Israël
(Jérusalem ou Tibériade).
26. Sur le « roi nomade » achéménide, voir P. Briant, op. cit. (n. 20), p. 199-204.
72 François DELPECH
Le vent transvecteur et ses substituts visibles (le tapis, les chevaux) sont
GRQFOHVLQVWUXPHQWVGXSRXYRLUUR\DO6LOHVVRXIÀHVVRQWHPPDJDVLQpVj
Persépolis, si c’est à ce sanctuaire que Salomon retourne tous les soirs, c’est
bien que là résident le principe et le centre de la Souveraineté. C’est, d’après
plusieurs auteurs musulmans, dans les fondations de cette « mosquée » qu’a
été découverte la légendaire coupe panoptique de Jemshid (c’est-à-dire du
roi mythique Yima), symbole et instrument du pouvoir royal cosmocratique
dont Salomon est implicitement présenté comme le nouveau dépositaire27.
Les multiples récits qui évoquent un Salomon volant procèdent probable-
ment, quel que soit son moyen de locomotion, de cette LGHQWL¿FDWLRQ GH
Salomon à Yima, dont on sait que l’un des plus spectaculaires exploits
consiste à s’élever dans les cieux sur le trône merveilleux que sa gloire
royale lui a permis de construire : cette ascension, propulsée par les démons
domptés, est liée à la célébration de la fête iranienne du Nouvel An (Naurôz)
et consacre l’accès du roi à la souveraineté cosmique28.
Aussi trouve-t-on, aussi bien dans des traditions musulmanes que
chrétiennes, une association récurrente de Salomon à la fête de l’An Nou-
veau, dont un texte cité par Albiruni fait coïncider la fondation avec la
¿QGHOD©SpQLWHQFHªGXURLORUVTXHOHGpPRQTXLV¶HVWVXEVWLWXpjOXL
est démasqué) : c’est à cette occasion que Salomon ordonne au vent de le
porter ; alors même qu’une légende géorgienne lie pareillement le Nouvel
An à une aventure royale de « Saint Salomon » qui implique elle aussi une
substitution inattendue29.
C’est probablement par l’intermédiaire des lettres byzantines que s’est
répandu en Europe centrale et orientale le type de conte ATU 920 A* (The
inquisitive King)30, dans lequel Salomon est maudit par sa mère, à laquelle
LODLQÀLJpXQHKXPLOLDQWHpSUHXYHGHFKDVWHWpHWQHSHXWFRQVpFXWLYHPHQW
mourir tant qu’il n’a pas encore mesuré la hauteur du ciel et la profondeur
de la mer : c’est sur le dos d’un oiseau (ou dans une nacelle volante) qu’il
27. Voir R. Basset, « Solaiman dans les légendes musulmanes, VI. Les objets
merveilleux » (cf. n. 23), « La coupe », Revue des Traditions populaires 7, 1892, p. 105, et
A. Christensen, Les types du Premier Homme et du Premier Roi dans l’histoire légendaire
des Iraniens, t. II (Archives d’Études orientales, 14-2), Leyde, 1934, p. 125 sq. et p. 128-137
(p. 132). Sur l’assimilation de Jemshid et de Salomon chez les auteurs islamiques, voir ibid.,
p. 31, 83 sq., 93-96, 119, 122 sq., 131 sq.
28. Ibid., p. 94, 99 sq., 103, 114, 185 sq. Voir F. Delpech, « Souveraineté
cosmocratique... », art. cité (n. 21), p. 723 sqq.
29. Sur les deux traditions en question, voir G. Dumézil, Le problème des Centaures.
Étude de mythologie comparée indo-européenne, Paris, Geuthner, 1929, p. 272 sq.
30. H.-J. Uther, 7KH7\SHVRI,QWHUQDWLRQDO)RONWDOHV$FODVVL¿FDWLRQDQGELEOLRJUDSK\,
3 vol., Helsinki, Acad. Sc. Fennica, FFC 284-286, 2004, t. I, p. 543.
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 73
s’élance donc vers le soleil, pour retomber bientôt ou se faire arrêter dans
son ascension par saint Pierre qui lui révèle l’inanité et les dangers de son
équipée aéronautique. Cette aventure, dont on connaît notamment des
versions ukrainiennes et russes31, est manifestement une transposition de
deux épisodes célèbres du Roman d’Alexandre, mais la contamination
littéraire et l’application à Salomon d’une histoire de ce genre reconduisent
très probablement, d’une manière indirecte, aux traditions iraniennes iden-
WL¿DQW6DORPRQj<LPDHWO¶DVVRFLDQWDX[ULWHVHWP\WKHVG¶LQDXJXUDWLRQGH
la Nouvelle Année, donc à l’imagerie de l’ascension royale qui leur est
associée. La tradition locale à laquelle se réfère Mas’ûdî à propos des
tournées quotidiennes de Salomon depuis la « mosquée des vents » me
semble donc transposer sur le plan d’une météorologie légendaire un
système de représentation liant l’ascension et la transvection aéroportées
du souverain à une réactualisation calendaire du commencement du Temps,
elle-même indissociable de la symbolique de l’investiture royale.
31. Voir E. Hins, « Les légendes chrétiennes de l’Oukraine », Revue des Traditions
populaires 2, 1887, p. 513, et A. Rambaud, La Russie Épique. Étude sur les chansons
héroïques de la Russie, Paris, Maisonneuve, 1876, p. 399. Sur l’épisode alexandrin, voir
F. de Polignac, « Alexandre entre ciel et terre : initiation et investiture », Studia Íslamica 84,
1996, p. 135-144.
32. Voir M. Abumalham, « Salomón y los genios », Anaquel de Estudios Árabes 3,
1992, p. 37-46 (ici p. 42).
74 François DELPECH
selon le Livre des Rois, dans le pays d’Israël, mais une cité homonyme située
dans les montagnes ténébreuses et peuplée par les esprits malfaisants33.
Ces textes remplacent la tournée quotidienne de Salomon reliant Baalbeck,
Tadmur et Persépolis mentionnée par Mas’ûdî par un rituel, également
quotidien, accompli chaque matin par le roi et consistant à se tourner
contemplativement et successivement vers l’orient puis vers le midi, et
HQ¿Q YHUV OH QRUG FHWWH GHUQLqUH GLUHFWLRQ pWDQW SUpFLVpPHQW FHOOH GH
Tadmur. C’est alors qu’un aigle géant, dont les ailes sont supportées par une
colonne de feu et une autre de nuée (les mêmes que celles du franchissement
de la mer Rouge ?), vient se poser sur le toit du palais, pour reprendre son
vol, transportant Salomon sur son aile droite, jusqu’aux montagnes téné-
breuses et septentrionales de Tadmur où le roi va chaque jour apprendre les
sciences occultes en suivant les leçons des anges déchus et enchaînés Aza
et Azaël, qu’il contraint par la force de son sceau à répondre aux questions
qu’il leur pose34. Au même titre que le tapis et le cheval, cet aigle est sans
doute la forme visible d’un vent, probablement notre « aquilon » latin. Il
provient en tout cas de ce septentrion que symbolise Tadmur, qui est, dans
la démonologie et la cosmologie rabbiniques, le lieu de la Géhenne, des
démons et de la tempête35.
L’idée que les vents, tourbillons et tempêtes viennent du Nord et sont
liés aux démons qui y résident semble avoir traversé, après les Talmuds et
la littérature midrashique, toute la tradition rabbinique médiévale, dont la
cosmologie et la météorologie sont fortement tributaires de la croyance,
notamment exprimée dans le livre de Raziel, selon laquelle le coin sep-
tentrional du monde est resté inachevé lors de la Création, comme le sont
36. Voir J. Trachtenberg, Jewish Magic and Superstition. A study in folk religion,
1HZ<RUN$WKHQHXP S HW S Q 9RLU pJDOHPHQW + 6FKZDUW] Tree
of Souls. The Mythology of Judaism 1HZ <RUN 2[IRUG 8QLYHUVLW\ 3UHVV S
no©7KHXQ¿QLVKHGFRUQHURI&UHDWLRQªRO¶RQWURXYHUDODELEOLRJUDSKLHGXWKqPH
(sont notamment cités les Pirkei de Rabbi Eliezer, le Midrash Konen et le Zohar). Dans les
WH[WHV TXL SULYLOpJLHQW XQH FODVVL¿FDWLRQ YHUWLFDOH GHV VHFWHXUV GH OD &UpDWLRQ OHV YHQWV HW
tempêtes sont situés dans le sixième ciel, avant-dernier de la hiérarchie ascendante des sept
cieux : ibid., p. 184 sq. Sur ce système septuple, courant dans la cosmologie juive à l’époque
hellénistique, voir le Sepher ha Razim (M. A. Morgan trad., Chico, Scholars Press, 1983) :
sur cet ouvrage du IVe siècle, où le personnage de Salomon apparaît, dans l’introduction, en
tant que magicien, voir P. A. Torijano, op. cit. (n. 1), p. 198-208.
37. Sur les quatre extrémités du monde dans le Midrash Konen, voir N. Séd, op. cit.
(n. 33), p. 201 sq.Q6XUOHVFODVVL¿FDWLRQVTXDGUXSOHVGHVYHQWVHWOHXUOLHQDXV\VWqPH
des quatre points cardinaux dans le monde syro-mésopotamien et dans les traditions indo-
européennes (notamment à partir de la Théogonie d’Hésiode), voir P. et A. Sauzeau, La
Quatrième Fonction. Altérité et marginalité dans l’idéologie des Indo-européens, Paris,
Les Belles Lettres, 2012, p. 63-71. Sur les réinterprétations médiévales de ces systèmes de
représentation, voir B. Obrist, « Wind diagrams and Medieval cosmology », Speculum 72,
1997, p. 33-84 (en particulier p. 35-45).
76 François DELPECH
+6FKZDUW]op. cit. (n. 36), p. 405 sq., et, du même, Miriam’s tambourine. Jewish
folktales from around the world1HZ<RUN)UHH3UHVVS©7KHSULQFHRI
Coucy »). Voir également M. Gaster, The Exempla of the Rabbis 1HZ<RUN .WDY
p. 140-142, no 374 (d’après un manuscrit hispano-oriental du xVIIIe s.) : le récit semble
supposer que le Paradis terrestre se trouve dans la région du pôle Nord...
39. Voir A. J. Festugière, La révélation d’Hermès Trismégiste, t. I, L’astrologie et les
sciences occultes, Paris, Gabalda, 1944, p. 39 et p. 375. Pour la comparaison des savoirs
acquis par Cyprien avec l’image de celui qui caractérise Salomon dans la Sagesse de
Salomon, voir P. A. Torijano, op. cit. (n. 1), p. 90-95 (p. 95 n.).
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 77
49. Voir ibid., p. 120-122 et J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), p. 114-120, et p. 149 sq.
(tradition chrétienne d’Égypte et d’Éthiopie qui transfère les vertus du shamir au Bois de la
Croix).
50. Les versions les plus caractéristiques sont celles où cet oiseau est un pivert, alter
ego ornithologique de Zeus et symbole manifeste du pouvoir perforateur de la foudre. Voir
J. Rendel Harris, Pícus who is also Zeus, Cambridge, Cambridge University Press, 1916, et
J.-L. Le Quellec, « Le picata, le feu et la pluie, l’oiseau-hache, le tonnerre et la foudre », in
0\WKRORJLH HQ 1RUG$FWHV GX ,9࣠e Congrès International de Mythologie, Lille, août 1989,
Beauvais, Société de Mythologie française, p. 135-164.
51. Voir J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), p. 98 sq., p. 137-141, et J. Lassner, op. cit.,
passim (voir index V࣠Y « hoopoe »). Dans une légende copte (d’inspiration éthiopienne ?)
c’est l’oiseau Rokh qui fait parvenir à Salomon un morceau de bois issu du Paradis, qui lui
permettra par son pouvoir incisif et perforateur de tailler les pierres pour le Temple, et qui
jouera ultérieurement un rôle lors de la rencontre du roi juif avec la reine de Saba : ce récit
procède manifestement d’une contamination entre la tradition relative au shamir (la même
ruse est mise en œuvre pour obtenir les deux objets) et la légende éthiopienne du Bois de la
Croix : voir J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), p. 149 sq., L. Ginzberg, op. cit. (n. 34), t. V, p. 247,
n. 85, et l’introduction à La Gloire des Rois ou l’Histoire de Salomon et la reine de Saba,
R. Beylot trad., Turnhout, Brepols, 2008, p. 57 sq. Dans une version de la légende éthiopienne
(recueillie dans le Tarika Nagast) cette pièce de bois, qui deviendra le Bois de la Croix,
a été arrachée au Paradis par le cheval-aigle, monture volante enfourchée par Alexandre
pour y parvenir (ibid., p. 58-59, et A. Caquot, « La reine de Saba et le Bois de la Croix
selon une tradition éthiopienne », Annales d’Éthiopie I, 1955, p. 137-147). Ce récit se situe à
l’intersection des légendes d’ascension de Salomon et d’Alexandre et de celles qui font jouer
à un aigle un rôle capital dans la geste salomonienne : voir supra n. 30-34, et infra n. 53 et 86.
80 François DELPECH
brille comme un miroir et brûle comme le feu52. Que le feu en question soit
celui du ciel c’est ce que semble bien attester le fait que, dans cette version,
l’oiseau qui détient et utilise l’objet magique est un aigle : on commence
donc à soupçonner que la récurrence des interventions de ce rapace dans la
geste salomonienne a quelque chose à voir avec ses connotations fulgura-
toires et joue par conséquent un rôle dans l’élaboration du portrait mythique
d’un Salomon « tempestaire »53.
L’expertise pneumatique du roi magicien, auquel sont d’ailleurs en
SULQFLSH VRXPLV WRXV OHV pOpPHQWV HVW VSpFL¿TXHPHQW FRPSOpWpH SDU XQH
domination royale du feu, qu’atteste par ailleurs, notamment en Afrique du
Nord, son association aux sources chaudes et autres centres de thermalisme,
chauffés par les démons (ou les soldats de Pharaon ayant survécu au désastre
de la mer Rouge) dans les cavités souterraines où Salomon les a enfermés54.
Il me semble également que c’est encore, sous une forme symbolique
et imagée, le pouvoir fulgurant du roi juif que représente le type icono-
graphique de Salomon en cavalier transperçant de sa lance une sorte de
diablesse partiellement ophiomorphe, reproduit sur plusieurs amulettes
magiques égyptiennes et proche-orientales de l’Antiquité tardive55. Ce genre
G¶HI¿JLHMXGpRKHOOpQLVWLTXHUDSSHOOHO¶LPDJHGXFRPEDWGH+RUXVFRQWUHOH
FURFRGLOH6HWKHWSUp¿JXUHFHOOHGHVVDLQWVFDYDOLHUVVDXURFWRQHVGXFKULV-
tianisme. On remarque sur ces intailles la verticalité de la lance, ainsi que
le fort contraste entre la position élevée du roi cavalier et l’aspect prostré
de son adversaire transpercé, étendu sur le sol entre les pattes du cheval,
comme si l’on avait voulu mettre en scène l’action agonistique d’une force
venue du ciel fondant sur les zones aquatiques ou chtoniennes du monde
d’en bas. La lance du roi est sans doute apparentée aux armes magiques (au
QRPEUHGHVTXHOOHVXQHpSpHÀDPER\DQWHTXHSOXVLHXUVDXWHXUVPXVXOPDQV
QRWDPPHQW LUDQLHQV DWWULEXHQW j 6ROHwPDQ ¿OV GH 'DRXG FRPPH DX[
52. M. J. Rubiera, op. cit. (n. 44), p. 48. Sur l’origine et la nature du shamir, voir
L. Ginzberg, op. cit. (n. 34), t. I, 1997, p. 29 sq. et p. 179, n. 161-165.
53. Cf. supra, n. 50-51.
54. J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), p. 186, J. E. Hanauer, The Holy Land. Myths and
legends, rééd., Londres, Senate, 1996, p. 76. Voir Z. Khenchélaoui, « Les Bains-de-Salomon
(Algérie), haut lieu de l’hydrothérapie sacrée », in L’image de Salomon..., op. cit. (n. 2),
p. 233-267.
55. E. R. Goodenough, Jewish symbols in the Greco-Roman periodW,,1HZ<RUN
Bollingen Foundation, 1953, p. 227-235, P. Perdrizet, Negotium perambulans in tenebris :
Études de démonologie gréco-orientale 6WUDVERXUJ3DULV/RQGUHV1HZ<RUN 3XEOLFDWLRQV
de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, 1922, p. 5-38. Voir aussi P. A. Torijano,
op. cit. (n. 1), chap. VII, « Solomon the horseman », p. 129-141.
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 81
56. Voir R. Basset, « Solaiman dans les légendes musulmanes, VI. Les objets
merveilleux » (cf. n. 23), « Les armes », Revue des Traditions populaires 7, 1892,
p. 57, et, sur la fabrication de l’épée magique dans l’Hygromanteia de Salomon,
P. A. Torijano, op. cit. (n. 1), p. 215-217 (cf. ibid., p. 98 n.).
57. G. L. Beccaria, op. cit. (n. 9), p. 169 sq., P. Sébillot, op. cit. (n. 10), t. I, p. 105
et p. 113-118 (utilisation d’objets métalliques pointus ou tranchants pour « couper » les
météores). Sur la « lance venteuse » du tempestaire légendaire Éric (d’après Olaus Magnus),
voir C. Lecouteux, « Les maîtres du temps : tempestaires, obligateurs, défenseurs et autres »,
in Le temps qu’il fait au Moyen Âge. Phénomènes atmosphériques dans la littérature, la
SHQVpHVFLHQWL¿TXHHWUHOLJLHXVH, J. Ducos et C. Thomasset éd., Presses de l’Université de
Paris-Sorbonne, 1998, p. 151-169 (p. 152).
58. Voir E. M. Butler, Ritual Magic, Cambridge, Cambridge University Press, 1949,
p. 80-89 (en particulier p. 81-84). La « vara fulminante » est mentionnée dans les Ciprianillos
ibériques.
59. G. L. Beccaria, op. cit. (n. 9), p. 168 sq., P. Sébillot, op. cit. (n. 10), t. I, p. 82,
113, G. L. Kittredge, Witchcraft in Old and New England, Cambridge, 1928, p. 153 sq.,
0$OLQHL©*HRJUD¿DVHPDQWLFDFRQWLQXDWRULGL³draco” in Italia e in Francia », in Espaces
romans (Mélanges G. Tuaillon), Grenoble, ELLUG-Université Stendhal Grenoble 3, 1989,
t. II, p. 459-487, M. Leopold Wagner, « Romanische und baskische Benennungen des
:LUEHOZLQGHVXQGGHU:LQGKRVHQDFK*HLVWHUQªArchivum Romanicum 17, 1933, p. 353-360.
82 François DELPECH
QDOLWpGpPRQLDTXHQRFWXUQHTXLFRPSRUWHDXVVLGDQVVHVJqQHVXQHDI¿QLWp
météorologique avec les vents et les tempêtes60.
/HVDPXOHWWHVTXHMHYLHQVG¶pYRTXHUSRUWHQWVRXYHQWHQSOXVGHO¶HI¿-
gie de Salomon en cavalier, une inscription désignant son support comme
« Sceau de Dieu », mais parfois aussi « Sceau de Salomon », ce qui tend à
O¶LGHQWL¿HUjFHOXLTXLHVWPHQWLRQQpGDQVOHTestament de Salomon, où il
joue le rôle que l’on sait61&HWDOLVPDQELHQSOXVWDUGLYHPHQWLGHQWL¿pjXQH
sorte d’étoile à cinq ou six branches et, partant, souvent confondu avec le
0DJHQ'DYLG࣠62, a fait, au xVIIIe siècle, chez certains exégètes juifs et notam-
ment dans la littérature alchimique, l’objet d’une interprétation symbolique
pOpPHQWDLUHVHVWULDQJOHVFURLVpVpWDQWUHVSHFWLYHPHQWLGHQWL¿pVDXfeu et à
l’eau, ce qui ferait de l’ensemble une allégorie de l’harmonie des éléments63.
On peut se demander si, contrairement à l’interprétation la plus courante de
ce Sceau, ce n’est pas le feu qui est censé être représenté par le triangle dont
la pointe est orientée vers le bas, ce qui impliquerait que c’est du feu du ciel
(fondant sur l’eau inférieure) qu’il s’agit, comme dans la légende orientale
d’inspiration iranienne (rapportée par Marco Polo) du feu descendu du ciel
TXLHQÀDPPHO¶HDXGDQVODTXHOOHOHV0DJHVRQWMHWpODSLHUUHTXLOHXUDpWp
donnée par le Christ. D’où une relative continuité avec la symbolique de la
verticalité, descendante et fulgurante, de l’image agonistique des gemmes
magiques (gnostiques ?) au Salomon cavalier transperçant d’en haut la
démone amphibie issue des abysses.
Si l’« eau ignée ª GHV DOFKLPLVWHV ¿JXUpH SDU OH 6FHDX GH 6DORPRQ
symbolise la synthèse élémentaire qu’ils s’efforcent de réaliser, moyennant
la mise en œuvre d’un télescopage entre le monde supérieur et celui d’en
60. Sur Lilith transpercée à la lance par un ange dans les inscriptions de certains bols
magiques judéo-babyloniens, voir P. A. Torijano, op. cit. (n. 1), p. 139 sq. Sur Lilith et les
vents tempétueux, voir J. Trachtenberg, op. cit. (n. 36), p. 36 sq. et p. 277 sq., M. Hutter,
« Lilith », in Dictionary of deities and demons..., op. cit. (n. 14), c. 973-976, A. M. Killen,
© /D OpJHQGH GH /LOLWK HW TXHOTXHV LQWHUSUpWDWLRQV PRGHUQHV GH FHWWH ¿JXUH OpJHQGDLUH ª
Revue de Littérature comparée 12, 1932, p. 277-311 (p. 284 sq.). Sur Lilith comme mère des
Lilîn (liés aux tempêtes de poussière) et des Rouchîn (dont le nom est étymologiquement lié
à celui du vent), voir E. Langton, op. cit. (n. 6), p. 25, 27 et 57.
61. P. A. Torijano, op. cit. (n. 1), p. 130-133.
62. Voir J. Leite de Vasconcellos, 6LJQXP6DORPRQLV(VWXGRGHHWQRJUD¿DFRPSDUDWLYD,
Lisbonne, A. M. Teixeira éd., 1918. Voir également G. Scholem, La stella di David. Storia
di un simbolo, trad. ital., Florence, Giuntina, 2013, et E. R. Goodenough, op cit. (n. 55), t. I,
p. 181-192.
63. G. Scholem, op. cit. (n. 62), p. 105 sq.
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 83
64. Ibid., p. 106. Voir R. Patai, The Jewish alchemists. A history and source-book,
Princeton, Princeton University Press, 1994, p. 28 sq.
65. Voir G. Dumézil, Mythe et Épopée III, Histoires romaines, 2e éd., Paris, Gallimard,
1978, p. 21-89. Pour un autre cas de croisement entre cette mythologie indo-européenne et
XQHOpJHQGHVpPLWLTXHYRLU)'HOSHFK©/DVpSXOWXUHVXEÀXYLDOHGH'DQLHOHWOHP\VWqUH
LQGRHXURSpHQGX³IHXGDQVO¶HDX´ªLQVoix des mythes, science des civilisations (Mélanges
Philippe Walter), F. Vigneron et K. Watanabe éd., Berne, Peter Lang, 2012, p. 3-16.
66. G. L. Beccaria, op. cit. (n. 9), p. 170 sq. On a vu le rôle de lieur du vent assumé par
Salomon dans le Testament : le « nœud de Salomon » est ici à la fois l’image de la tempête
et l’instrument qui sert à la dompter, ce qui le met sur le même plan que les nœuds que,
VHORQ%DUWKHOHP\O¶$QJODLVOHVWHPSHVWDLUHVGX9LQODQGIRQWVXUGHVSHORWHVGH¿ODXPR\HQ
desquelles, en les dénouant en plus ou moins grand nombre, ils modèrent ad libitum la force
des vents (voir C. Lecouteux, loc. cit. [n. 57], p. 154, P. Sébillot, op. cit. [n. 10], t. I, p. 102,
et G. L. Kittredge, op. cit. [n. 59], p. 159).
84 François DELPECH
Balaur, ce qui leur permet d’orienter le cours des nuages, et de lier ou délier
la grêle et la pluie67.
Il n’est donc pas étonnant que, dans les traditions populaires occiden-
tales, Salomon ait été occasionnellement happé par le vaste cycle légen-
daire de la « Chasse sauvage », dont les hurlantes et aériennes apparitions
volantes, souvent évoquées dans la littérature médiévale et notamment
omniprésentes dans les traditions germaniques, accompagnent les rafales et
tempêtes nocturnes68. C’est au Pays Basque que Salomon rejoint ce genre
de cohorte : présenté comme un roi chrétien du temps jadis, passionné de
chasse, il assiste à une messe accompagné de ses chiens, lesquels se préci-
pitent hors de l’église, et lui à leur suite, au moment de la Consécration car
ils ont vu un lièvre qui s’est introduit dans le sanctuaire et a pris aussitôt
la fuite ; poursuivi et poursuivants s’envolent alors dans les airs (le lièvre
n’était autre que le diable). Depuis lors on les voit de nuit dans le ciel, conti-
QXDQWVDQVFHVVHOHXUFRXUVHIROOHKXUODQWHWVLIÀDQW69.
Cette tradition me semble résulter du croisement de l’image, peu à peu
pODERUpHDX¿OGHVVLqFOHVG¶XQ6DORPRQ©WHPSHVWDLUHªPDvWUHGHVYHQWV
volant lui-même dans les airs à dos d’aigle ou porté par son tapis magique, et
d’une tradition eschatologique médiévale, étudiée naguère par Marc Bloch
à partir de deux textes (respectivement du xIIIe et du xVe s.) plutôt atypiques
évoquant la destinée post mortem de Salomon70. Le roi juif, contrairement
aux versions plus connues qui le mettent tantôt au Paradis, tantôt en Enfer,
ainsi qu’à celles qui ne se prononcent pas, est décrit par ces textes comme
résidant seul après sa mort dans un château ruiné et désert, situé quelque
part entre ce bas monde et l’au-delà bienheureux. Il est dit y subir jusqu’au
Jugement Dernier le châtiment de ses fautes, qui consiste seulement, dans le
texte le plus ancien, en une attente solitaire dans la privation de la béatitude
paradisiaque, tandis que la version plus récente lui fait subir quotidienne-
ment, couché dans un cercueil, le supplice prométhéen du déchirement de
ses entrailles par une bande de corbeaux voraces.
Ces textes proposent donc, en la projetant dans un espace intermédiaire
GLVWLQFW GX 3XUJDWRLUH HW GDQV OH 7HPSV LQGp¿QL GH O¶DWWHQWH LQFHUWDLQH
d’une rédemption, une version eschatologique de l’épisode de la pénitence
de Salomon, que les traditions orientales lui faisaient endurer de son vivant
en imaginant sa provisoire expulsion du trône et l’interrègne assumé, en
guise de substitut royal, par Asmodée71. La légende basque de Salomon en
chasseur sauvage lui fait de même expier son péché impie en le condamnant
jKDQWHUMXVTX¶jOD¿QGHV7HPSVXQQRQOLHXVROLWDLUHHWDpULHQVpSDUpGX
monde des vivants sans être pour autant intégré à un quelconque au-delà,
céleste ou infernal.
Ces cavalcades tempétueuses et nocturnes se distinguent certes, par leur
PRELOLWpGHODUpVLGHQFH¿[HDVVLJQpHj6DORPRQSDUOHVGHX[WH[WHVPpGLp-
vaux : elles rappellent plutôt, en leur conférant une portée pénitentielle, les
excursions aéronautiques du Salomon des légendes orientales72. Elles en
précisent et explicitent surtout la portée implicitement météorologique en
LGHQWL¿DQWSOXVFODLUHPHQWTXHMDPDLVVHVWRXUQpHVYRODQWHVDX[YR\DJHV
aériens que nos traditions folkloriques attribuent aux tempestaires, que de
nombreux témoins prétendent avoir vu chevaucher les nuages pendant les
71. Sur le devenir de cette histoire dans l’Occident médiéval, voir F. Delpech, « Un
souverain, un ange et quelques folies : avatars d’un exemplum médiéval », in Visages de
la Folie (1500-1650), A. Redondo et A. Rochon éd., Paris, Publications de la Sorbonne-
Paris III, 1981, p. 55-65.
72. Voir supra n. 30 à 34. L’idée que le vent, quoique soumis à Salomon, puisse
manifester à son égard une sorte d’indépendance et puisse même lui donner une leçon
l’incitant à se repentir de sa présomption (comme le fait par ailleurs indirectement Asmodée
GDQV OH UpFLW GH OD SpQLWHQFH LQÀLJpH j 6DORPRQ WUDQVSDUDvW GpMj GDQV FHUWDLQHV OpJHQGHV
orientales : voir le texte de Mirkhond, résumé par J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), p. 80 sq.,
selon lequel le vent Rukhâ, qui supporte et fait voler le tapis de Salomon, punit un jour un
accès d’orgueil de ce dernier en secouant le tapis, faisant choir et s’écraser au sol une partie
de l’armée et de la suite du roi qui participaient au voyage aérien.
86 François DELPECH
orages73/¶LPDJHG¶XQ6DORPRQSURSXOVpGDQVOHVFLHX[V¶HVWGRQFLQ¿OWUpH
dans le folklore de l’Europe occidentale, par des voies peut-être distinctes
de celles (probablement byzantines) qui ont assuré sa présence en Ukraine
et en Russie.
On a vu notamment son émergence dans le Zohar, ce qui permet
GH VRXSoRQQHU O¶LQÀXHQFH GH PLOLHX[ KpEUDwTXHV SpQLQVXODLUHV HW GH OD
kabbale. Il est en effet curieux de constater qu’à l’association qu’évoque
le texte kabbalistique entre Salomon et un aigle géant qui le transporte à Tadmur
pourrait faire écho une page énigmatique de l’étrange dialogue médiéval en
vieil-anglais (Ixe s.) de Salomon et Saturne, dont a pu supposer qu’il pro-
cède, au même titre que plusieurs autres dialogues salomoniens du même
genre, d’une Contradictio Salomonis (aujourd’hui perdue) condamnée au
ve siècle par le décret du pape Gélase74. À l’une des questions posées par
le mage chaldéen itinérant Saturne, Salomon répond en racontant l’histoire
du mystérieux Vasa Mortis, un oiseau monstrueux (quatre têtes humaines,
corps de baleine, plumes de vautour, pieds de griffon) qu’il a lui-même
découvert, avant d’ordonner aux Philistins de l’enchaîner au-delà des mers.
Il est toujours là-bas, encerclé par une montagne et une muraille d’or, gardé
par les sages des Philistins et soustrait à d’éventuels ravisseurs par des
sentinelles disposées aux quatre points cardinaux. Il ne cesse de battre des
ailes, de secouer ses chaînes et de se lamenter d’être ainsi contraint jusqu’à
« la clameur du jugement dernier »75.
Les connotations apocalyptiques de cette évocation sont aussi évidentes
que son enracinement dans la tradition de la démonologie salomonienne
issue du Testament de Salomon, et on ne peut manquer de souligner l’ana-
logie entre Vasa Mortis et Asmodée (qui est généralement ailé)76, lequel
DpWpOXLDXVVLFDSWXUpHWHQFKDvQpVXUO¶RUGUHGXURLHW¿QDOHPHQWFRQ¿Qp
dans une région lointaine77. Le rapport antagonique entre Salomon et cette
créature monstrueuse semble donc s’inscrire dans une chaîne imaginaire qui
UHOLHODJHVWHDVPRGpHQQHHWOD¿FWLRQGHMRXWHVDSLHQWLDOHTXLVHUWGHFDGUH
73. Sur les tempestaires volants, notion qui suppose une superposition de l’image du
sorcier (qui lie ou délie les tempêtes depuis le sol par des rituels appropriés) et de celle de
l’être surnaturel qui chevauche dans le ciel les nuages et les vents, voir P. Sébillot, op. cit.
(n. 10), t. I, p. 99, 110 sq., 113, 126-132, 165-178.
74. Voir Salomon et Saturne, intro. et trad. R. Faerber, Turnhout, Brepols, 1995, p. 20 sq.
75. Ibid., p. 40-42 (Poème II, v. 71-105) ; voir commentaires p. 66-68.
76. J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), p. 172.
77. R. J. Menner, « The Vasa Mortis passage in the old english Solomon and Saturn »,
in Studies in English Philology (Mélanges F. Klaeber), Minneapolis, 1929, p. 240-253.
Voir également, sur l’ensemble des textes, The poetical Dialogues of Solomon and Saturn,
5-0HQQHUpG1HZ<RUN0RGHUQ/DQJXDJH$VVRFLDWLRQ
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 87
82. Dans la légende basque, c’est entre Salomon et sa sœur que se déroule le dialogue
DJRQLVWLTXH O¶pSLVRGH ¿QDO GH OD VRUWLH SUpFLSLWpH GH O¶pJOLVH HW GH OD FKDVVH DpULHQQH GH
Salomon apparaît comme l’accomplissement d’une prophétie énoncée par la sœur du roi, qui
prédit le châtiment eschatologique que lui vaudra son iniquité (« /RVGLDEORVGHOLQ¿HUQRVH
llevarán a mi hermano »). Sur le cycle de Salomon et Marcolfus, voir Solomon and Marcolf,
-0=LRONRZVNLpG&DPEULGJH/RQGUHV+DUYDUG8QLYHUVLW\3UHVV
9RLU-GH&DOXZp'RU©4XLHVW+HQG\QJ"4XLHVW0DUFROI"ªLQSociété des
Anglicistes de l’Enseignement supérieur. Actes du Congrès d’Amiens, 1982, Paris, Didier,
1987, p. 17-26.
84. Jacob Grimm remarquait qu’au Danemark le leader de la Chasse sauvage est connu
sous le nom de « Markolfus le volant » (Teutonic Mythology, trad. angl., rééd., Gloucester
[Mass.], Peter Smith, 1976, 4 vol., t. III, p. 944).
85. Salomon et Saturne, trad. citée (n. 74), p. 58 sq., p. 62-64.
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 89
produit les vents et les tempêtes de la planète en battant des ailes86. On peut
se demander pourquoi l’oiseau du poème anglais porte comme nom propre
et au singulier le curieux pluriel latin Vasa Mortis, qui est emprunté à la
traduction d’un psaume (VII, 14) : ne serait-ce pas parce que ces « engins
GHPRUWªVRQWGLUHFWHPHQWDVVRFLpVGDQVOHSRqPHELEOLTXHjGHV©ÀqFKHV
transformées en brandons » (« VDJJHWDV VXDV DUGHQWLEXV HI¿FLW »), ce qui
pourrait avoir été interprété comme une image des éclairs et du pouvoir
incendiaire de la foudre87. On aurait affaire, dans cette hypothèse, à une sorte
de monstre météorologique, que Salomon a pour mission de contrôler.
Il est en tout cas très probable que le choix de cette étrange onomastique
a été surdéterminé par le mythe persistant de l’enfermement par Salomon
des démons rebelles dans des récipients (outres, vases, jarres ou cuves
métalliques) et par l’idée apocalyptique qui lui est fréquemment associée,
selon laquelle cette réclusion n’aura qu’un temps vu que, malgré la précau-
WLRQGXVRXYHUDLQOHVPDX[¿QLURQWWRXMRXUVSDUVHOLEpUHUHWVHUpSDQGUH
de par le monde. Enraciné dans un très vieux folklore juif relatif à l’inuti-
lité, voire la nocivité, des tentatives de neutralisation de la mort, lesquelles
s’avèrent toujours provisoires, car la mort est un indispensable régulateur
de la succession des générations, donc de la vie collective des hommes88,
ce mythe de l’expulsion du Mal, exploit emblématique de tout héros civili-
sateur, et prérogative de tout souverain cosmocratique, s’est enrichi, selon
les cas, de représentations liées aux pratiques magiques de GH¿[LR (par liage
et incarcération), et s’est chargé de connotations eschatologiques millénaristes
relatives au déchaînement temporaire et programmé des puissances néga-
WLYHVDYDQWOHXUUpVROXWLRQGp¿QLWLYHjOD¿QGHV7HPSV
86. J. Grimm, op. cit. (n. 84), t. II, p. 631-634. Sur cet oiseau mythique, voir R. Boyer,
« Hraesvelgr », in Foi, Raison, Verbe (Mélanges J. Ries), Luxembourg, Centre univ. du
/X[HPERXUJ S HW - +QH¿OO$GDOVWHLQVVRQ A piece of horse liver: myth,
ritual and folklore in Old Icelandic sources, Reykjavik, Iceland University Press 1998, p. 13-32
(« Hraesvelgr, the Wind-Giant, reinterpreted »). Cet oiseau mythique est mentionné dans
l’Edda poétique (Discours de Vajthrudnir, strophe 37) et dans l’Edda en prose (Gylfaginning,
chap. 18 : voir Snorri Sturluson, L’Edda. Récits de mythologie nordique, trad. F. X. Dillmann,
Paris, Gallimard, 1991, p. 51). On a vu que le Vasa Mortis HVW OXL DXVVL FRQ¿Qp GDQV XQH
région lointaine (v. 79 sq. et 100), qu’il bat des ailes (v. 91), que sa plainte « retentit jour et
QXLWjWUDYHUVWRXWO¶XQLYHUVªYHWTX¶LOWHUUL¿HOHVJHQVYF¶HVWFHUWDLQHPHQW
jFDXVHGHVRQpQRUPHSRXYRLUTX¶RQOHJDUGHVRLJQHXVHPHQWD¿QG¶HPSrFKHUTX¶LOQHWRPEH
entre les mains d’un peuple étranger (v. 81-86).
87. Salomon et Saturne, trad. citée (n. 74), p. 67 sq.
88. Voir I. Levi, op. cit. (n. 10), en particulier p. 142-145 et 157-163, et H. J. Uther,
op. cit. (n. 30), t. I, p. 219-224 (en particulier types ATU 330, « The Smith and the Devil »,
ATU 331, « The Spirit in the Bottle »).
90 François DELPECH
QHW56WU|PEHUJ©7KH$HROXVHSLVRGHDQG*UHHNZLQGPDJLFªActa Universitatis
Gotoburgensis 56, 1950, p. 71-84. Pour les « survivances » de ces pratiques et de ces légendes
dans les folklores modernes, voir supra, n. 10.
99. D. C. Duling, op. cit. (n. 11), p. 966 (Asmodée) et p. 975 (Enepsigo). Enepsigo ajoute
allusivement que les démons resteront libres jusqu’à l’avènement du Christ (interpolation
chrétienne ?).
100. J. D. Seymour, op. cit. (n. 2), p. 67, 133, 180. Voir Tabari, De Salomon à la chute
des Sassanides, rééd. de la trad. H. Zotenberg (t. II de Les prophètes et les rois), Paris,
Sindbad, 1980, p. 27.
101. C’est ce qu’explique Sakhr au pêcheur qui vient de le libérer en débouchant son
récipient dans le conte du pêcheur et du génie (voir supra, n. 17).
102. J’y reviens dans « Virgilio, Aristóteles, Salomón y otros sabios del montón.
Nigromancia y Arte notoria en la Filosofía de Virgilio Cordobés », in Cien años de Julio Caro
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 93
où c’est un diable boiteux DQRQ\PH TXH VRQ LQ¿UPLWp D HPSrFKp GH VH
présenter à temps à la convocation) qui extirpe les démons de la phiola
vitrea où les a enfermés Salomon, que dans le récit de Bonaventure
Des Périers qui reprend le mythe des vases salomoniens du Témoignage
Véritable de Nag Hammadi en l’associant à celui de Salomon alchimiste
(détenteur de la pierre philosophale, le roi juif enferme les démons dans
une cuve de cuivre qu’il fait enterrer, mais un diablotin, qui en se cachant
sous une motte de terre a échappé à cette réclusion, inspire à un roi le projet
de bâtir une ville à l’endroit où est ensevelie la cuve, laquelle est bientôt
découverte, puis ouverte...)103, ou encore dans un conte folklorique allemand
recueilli par les frères Grimm, où un soldat licencié à qui saint Pierre a
GRQQpXQVDFPDJLTXH\IDLWHQWUHUGHIRUFHQHXIGpPRQVTX¶LOFRQ¿HjXQ
forgeron pour marteler sur l’enclume le sac et son contenu jusqu’à ce que
mort s’ensuive, massacre auquel échappe toutefois l’un des neuf diables,
qui a réussi à se cacher dans un pli du sac, ce qui lui permet ensuite de
s’évader104.
Tous ces récits relèvent l’échec à terme de la stratégie eschatologique
salomonienne et constituent en quelque sorte le mythe de fondation d’une
magie opératoire plus modeste et ponctuelle prenant pragmatiquement
HQFRPSWHO¶LPSRVVLELOLWpG¶HQ¿QLUXQHIRLVSRXUWRXWHVDYHFOH0DOXQH
magie relativiste fondée sur des rituels répétitifs, étalés dans le temps,
TXL UHQRQFH j XQ EDQQLVVHPHQW Gp¿QLWLI GHV GpPRQV HW SUHQG OH SDUWL GH
les utiliser (tout en les tenant en respect) aux moments déterminés où, par
per i Beni Archeologici di Roma, 2012, p. 335-347. Je reviendrai ailleurs sur la « Table de
Salomon » et la « Ville d’airain ».
110. Voir supra, n. 38.
111. Voir supra, n. 106.
112. Voir supra, n. 98.
113. Voir supra, n. 102-104.
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 97
118. Voir A. B. Cook, op. cit. (n. 98), p. 109 sq. et 110, n. 2. Cf. le mythe lusitanien des
cavales engrossées par le vent. Pour une interprétation plus « historiciste », voir A. Ballabriga,
/HV¿FWLRQVG¶+RPqUH/¶LQYHQWLRQP\WKRORJLTXHHWFRVPRJUDSKLTXHGDQVO¶2G\VVpH, Paris,
P.U.F., 1998, p. 93-99.
119. R. Basset, op. cit. (n. 23), « Les chevaux ». Voir également Tabari, trad. citée
(n. 100), p. 32 : c’est son excessive passion pour les chevaux qui fait manquer à Salomon
O¶KHXUHGHODSULqUHFHTXLOHFRQGXLWHQJXLVHGHUHSHQWDQFHjOHVVDFUL¿HU2QUHPDUTXH
le parallélisme de cette légende avec celle de la « nuit prolongée » (cf. supra, n. 117). Sur
Salomon comme organisateur de courses hippiques (de type byzantin), voir L. Ginzberg, op.
cit. (n. 34), t. V, p. 116 sq.
120. A. B. Cook, op. cit. (n. 98), p. 109.
121. M. J. Rubiera, op. cit. (n. 44), p. 63, J. Hernández Juberías, op. cit. (n. 108),
p. 57 sq., J.-Ch. Ducène (trad.), De Grenade à Bagdad. La relation de voyage d’Abû Hâmid
al-Garnâtî (1080-1168), Paris, L’Harmattan, 2006, p. 43-45.
122. Voir M. Delcourt, Héphaïstos ou la légende du Magicien, Paris, Les Belles Lettres,
1982, p. 40 et p. 190 (une tradition locale place une forge d’Héphaïstos dans le volcan de l’île
de Hiéra [Volcano], où le dieu forgeron avait un temple).
123. Voir A. Ballabriga, « Le mythe d’Éole... », art. cité (n. 98), p. 154-156, et I. E. Buttitta,
« I venti del mito », Nuove Effemeridi 30, 1995, p. 25-38.
Salomon tempeStaire et leS démonS embouteilléS 99
François Delpech
124. Voir supra, n. 49-53. Sur Héphaïstos comme constructeur, voir M. Delcourt, op.
cit. (n. 122), p. 56 sq. Sur les forgerons boiteux dans les traditions mythiques et folkloriques
indo-européennes : ibidS©/DPDJLFLHQLQ¿UPHª
125. Ibid., p. 15-28 (« Le pouvoir des liens »).
126. ATU 803 (« The Devil in Chains », ou « Solomon binds the Devil in Chains in
Hell ») : H. J. Uther, op. cit. (n. 30), t. I, p. 447. Ce type se trouve en Europe septentrionale
et centre-orientale.
127. ATU 920 (« The Son of the King and the Son of the Smith ») : ibid., t. I, p. 540 sq.
128. Il y aurait lieu notamment de prolonger les observations que j’ai ébauchées
ailleurs (« Velez de Guevara... », art. cité [n. 91], p. 136 sq.) au sujet de la parenté – voire
de l’identité – d’Asmodée et du démon « Ben Thymélion » de la légende talmudique, lequel
n’est autre qu’une transformation rabbinique de saint Barthélemy (voir I. Lévi, « La légende
chrétienne de Bartholomée dans le Talmud », Revue des Études juives 8, 1884, p. 200-202),
en s’interrogeant sur les raisons qui ont amené ce saint à devenir le patron des îles Lipari,
donc à y devenir en quelque sorte le « successeur » chrétien d’Éole et d’Héphaïstos : voir
M. M. Maffei, « Il terremoto domato. San Bartolomeo a Lipari », Nuove Effemeridi 30, 1995,
p. 155-162 (on remarque que, comme les démons salomoniens, Barthélemy a été, dans les
versions orientales de son martyre, jeté à la mer enfermé dans un sac de cuir…).
Table des maTières
Jacques legranD, « Quand les cornes des vaches gèlent : les neuf
neuvaines de l’hiver mongol » .................................................... p. 351