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Bonnafé Annie. Texte, carte et territoire : autour de l'itinéraire d'Io dans le Prométhée (2e partie). In: Journal des savants,
1992, n° pp. 3-34;
doi : https://doi.org/10.3406/jds.1992.1551
https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1992_num_1_1_1551
III
Une carte ainsi conçue, pour autant que nous puissions nous la
représenter, implique, certes, une image mentale du monde très différente de
la nôtre. Mais elle ne paraît pas essentiellement différente des cartes
mentales qui, semble-t-il, même lorsqu'elles ne sont pas matérialisées, sous-
tendent les descriptions du monde habité chez les géographes grecs.
i. L'axe Est-Ouest.
1. Cf. e.g., Jacob, p. 521-2 : « Les commentateurs modernes s'accordent à reconnaître que
la « carte ionienne » dont Hérodote est pour nous un témoin privilégié est régie par un principe
de symétrie Nord/Sud de part et d'autre d'un axe qui partage le bassin méditerranéen en
passant par les Colonnes d'Héraclès, Delphes, le Méandre et le Choaspès. Ce cadre général
admis, on peut conjecturer ce que l'on ignore d'un côté en utilisant ce que l'on sait de l'autre. »
Cf. Hérodote, II, 33-34.
2. Cf. les critiques de Ballabriga, p. 149, à propos de la notion d'Equateur ionien.
3. Cf. N. Austin, p. 230, et les conclusions de Ballabriga, p. 61-7, 152, 165 (voir ire partie,
II, p. 189, n. 117 et 118).
4. Cf. Strabon, II, 1.1 : xal yàp ocùttjv ôXtjv ty]v xa0'yj[i.âç 6àXocTTav outcoç tizi [irpioç T£Tàa6at
■rijc KtXixîaç.
5. Cf. Strabon, II, 1.1 : èv 8è tw TpÎTto tôv yewypactxcov xa6urTàfi.£vo<; tòv ttjç oìxou[xév7]c Tuv
Ypafijrîj tivi Statpel St^a cuna Suaswç tiz àvocToXrjv TrapaXXirçXco r/j îay]fi.epi.v7J ypajifAT) x.t.X. (voir infra,
n- 45)-
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 5
6. Cf. Strabon, II, 5.10 : la meilleure façon de représenter l'oecoumène serait de construire
d'abord un globe terrestre qui n'ait pas moins de dix pieds de diamètre ; mais, pour qui n'en a
pas la possibilité, èv ztzità^ xaTxypaTrréov tuvocxi toùXocjcicttov eTztx 7uo8â>v « il faut la dessiner sur un
plan, sur un tableau d'au moins sept pieds. » (7 pieds pour un [xtjxoç de 70000 stades. La carte
n'aura pas 7 pieds de côté, mais 7 pieds dans sa plus grande dimension ; l'autre n'est pas
précisée).
7. Cf. Hérodote, 5.37-41 et les commentaires de Jacob, p. 516 : « L'œil repère une série de
points alignés selon une droite intellectuelle ou matérialisée préfigurant ce que seront les
parallèles et les méridiens des cartes hellénistiques. »
6 ANNIE BONNAFE
lors que nous utilisons ces lignes centrales en quelque sorte comme
« éléments de base » de notre carte, nous avons du même coup les régions
qui leur sont parallèles et l'ensemble des positions relatives des lieux
habités, tant sur la terre que par rapport aux régions célestes. »8
8. Strabon, II, 5.16 : Toioutou 8è ovtoç toû xa6óXou a^TjfxaToç, j(py]cn.fAov çaîvETat Suo Xafiteïv
sùGsiaç, aî T£[i.vou<Toa repôç opôàç àXX7]Xaç, v\ jxèv Sià toû [itjxouç rfezi toû [/.syicrrou TravTOç, rj Se Sià toû
ttXÌtouc, xal Y) (xèv twv TrapaXXrjXwv earai [iia, yj Se xûv [i.£(77]fz{3pivwv. "E^EiTa TauTaiç 7rapaXXr)Xouç
STuvooûvTaç sep' éxdcTEpa Sioupsïv xirrà TauTaç tyjv yyjv xal r/)v OàXaTTav, j] ^pcofxevoi TuyX.^0^2'*'- Kal yap to
a'/rnicn (xâXXov àv xaTacpavèç yévoiTO, Óttolov £Ìpy)xa[i.sv, xal to ^éysGoç twv ypa[X[i.wv, àXXa xal àXXa (ASTpa
è/ouac5v, twv te toû jjLYjxouç xal toû TrXaTouç, xal Ta xXijxaTa àTCoSY)Xco67)ff£Tai, péXTtov, tx t£ écoOivà xal Ta
£C7-épta, cbç S auTcoç Ta vÓTia xal Ta [3óp£ia. 'EtteI Se Sià yvwptfxwv T07twv Xa[xpàvso-0ai Seï zkc, tùQeixç
TauTaç, al [aev èX^Oyjoav rfti], Xéyco Se Taç (lécaç Suo, ttjv te toû jx^xohç xal toû 7iXaTouç, Taç XzjQziaxç
7:pÓT£pov, al 8' àXXai paSiwç yvcopi^oivT' av Sià toutcov • TpÓ7iov yàp Tiva aioiyzioiç, xpw[X£vot, toutoiç Ta
TrapâXXirjXa [tip-f] auvE^ófiEOa xal Taç àXXaç ajkazic, twv oIxyjctewv Taç t' hv. y^ç xal rcpòc Ta oùpàvia.
9. Cf. Strabon, I, 4.2 7^ II, 1.1 (pour Eratosthène) et II 5.9 ^ II, 5.16 (en ce qui le
concerne personnellement).
10. C. Jacob (p. 461), sans employer ce mot, note le fait correspondant à propos de « la
carte-littéraire connue sous le nom de Table de Peutinger » : « l'oecoumene est étirée en
longueur au détriment de sa hauteur Nord/Sud considérablement condensée. »
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 7
2. L'anamorphose.
11. Strabon, II, 1.2 : Tocûtx S' ebzùrv oÏstoci Seïv SwpOwtrai tov àpj^aTov yEwypacptxòv TÛvaxa •
yàp è~l -xc, apxTouç TrapaXXaTTEiv Ta écoOivà fxépT) râv òpwv xoct1 ocutov, <ruv£7Ti.cT7râcr0ou 8s xal tt]v 'IvSixtjv
àpxTixcoTÉpav rt Sel yivofxévYjv. « Ceci posé, Eratosthene juge indispensable de rectifier l'ancienne
carte de géographie, qui fait considérablement dévier vers le nord la partie orientale de la
chaîne, ce qui entraîne l'Inde aussi beaucoup plus au nord qu'il ne faut. » (trad. G. Aujac).
12. Strabon, II, 1.11 citant Hipparque : « ... oùS1 eî èri 7tapaXXï)Xou ypafi.[X7)ç ècttiv y) Xo^okkç,
£^o(xsv etTTsïv, àXX' èâv àSióp6wTov, Xo^7]v çuXà^avTeç, wç ol àp^aloi tuvocxsç — apé^puai ». Le point de vue
de Strabon (ibid.) est inverse : Tiç S' âv YjyrjaaiTO TrurroTépouç twv GaTspov toùç racXouoùç ToaaÛTa
avTaç izzçi ttjv Ttivaxoypacpixv, ôaa eu 8ia(3£(3X7)X£v 'EpaToaôévTjç, a>v oùSevI àvT£tpY)xev
8 ANNIE BONNAFE
cf. II, 1.38 : ("iTTTiapxoç) xsXeusi r^xç, toTç xçyjxioic, 7Ûva£i ■Kçoozyzvt Ssofjiivoic 7ta[i.7ióXXcp tivI
è7ravop0w<7£ooç y\ ó 'EparoaOévouç tIvxZ, TrpoaSeTTai.
13. Cf. Strabon, II, 1.35 '. ó [xèv ouv §C 'A6t)vwv 7rapàXX7)Xo<; yvwfi.ovi,xwç XtjçOeIç xal ó Six 'PóSou
xaì Kapîaç eIxotcoç èv azxSioiç tchtoutoiç aîo07)T'/]v hzo'a]az tvjv Siacpopàv. 'O 8' èv tzKó.'zzi. fzèv Tpia/iXtwv
crraSîwv, \n\Y.zi Se xal T£Tpaxi<T[i.upiwv Ôpouç, TreXàyouç Se Tpiafiupuov Xa[x6âvwv -r/)v xnò Sûcrecoç èît'
iaruLzpiMxç àvaxoXàç ypxynLyyv... to ji.èv Tiapà 7ioXù SiajxapTavofievov Tiapopcov ÓTie^sTO) Xóyov (Sóxaiov yàp), to
Sé 7iapà (xixpòv oùSè 7tapiSwv èXeyxTeoç ècttiv.
14. Cf II, 1.40 : Kai yàp tò Souviov àxptùTTjpià^si ófiotcoc T/j Aaxcavtx^, où 710XÙ -^ttov
[xscn)!i.(3ptvó>T£pov Sv twv MaXswv, xal xoXtcov àTCoXa(i.pàvov à^ióXoyov. « Le Sounion est un cap au même
titre que la Laconie, puisqu'il n'est pas beaucoup moins méridional que le Malée et embrasse un
golfe d'une taille considérable. »
15. Ibid., plus loin : 'O Se xal tt)v 'Pwfrrçv TiOelç èrà TaÙTOÛ fi.ecn)fx(3pivoij ttjv toctoûtov xal
Kap^igSovoç SuCTfxtxwTÉpav, u7repPoXY)v oùx à7roXeL7t£i. iy\ç, twv totccov xtzzipixc, xal toutcov xal twv èîps^y
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 9
Ce flou qui subsiste dans l'esprit des géographes n'est pas le seul facteur
susceptible d'expliquer l'effet d'anamorphose qui va de pair avec la primauté
de l'axe Est-Ouest à l'intérieur de la carte de l'oecoumène. Après celle des
mers intérieures et des côtes, la découverte des continents s'est faite
essentiellement selon cet axe : du côté de l'Est, d'abord, du côté de l'Ouest
ensuite et à un moindre degré.
L'estimation de la longueur totale, du [atjxoç, de l'oecoumène se fait
essentiellement à partir du point d'origine immuable que constituent, à
l'Ouest, les Colonnes d'Héraclès, même si l'on s'efforce souvent de prendre
16. Cf. Jacob, p. 274 : « Pour énumérer les peuples qui se déploient entre la Bithynie et la
Colchide, Apollonios de Rhodes (II, 346-97) partait du Couchant vers le Levant tandis que
Denys reprenant exactement la même liste l'égrène du Levant vers l'Occident en sens inverse
(DP 761-96); et p. 662 (à propos de Denys) : «circonscrite dans sa forme de açsvSovrj
l'oecoumène s'offre comme un espace limité dont on peut faire le tour et que l'on peut traverser
d'Ouest en Est... Gadeira est le point de départ de ces différents parcours, tous orientés d'Ouest
en Est... les îles de la Méditerranée sont énumérées d'Ouest en Est. »
17. C. Jacob, p. 559.
io ANNIE BONNAFE
21. Cf. les raisonnements par les eìxótoc de Strabon, 1. 14-16 à propos de l'Hyrcanie, de la
Margiane, de l'Ariane et de la Bactriane (II, 1.14), opposées à la région du Borysthène ou de la
Celtique (II, 1.16).
22. Cf. Agathémère, I, 1-2, GGM, II, p. 471 et Dilke, p. 25-28.
23. Cf. e.g., Strabon, I, 4.3 : tò S'ìttò toû BopucrOévoui; ènl tòv Sia 0oûXt)ç xûxXov tîç âv Soîtj voûv
é/eav ; et I, 4.4 : tivi 8' âv xal <TTo^àcî(i.to Xéyot. ('EpaToaOévrçç) tò àra» toû Sià ©oûXtjç ëa><; toû 8tà
BopocOévouç [i.upîo)v xal ^iXîwv TievTaxoaówv oòy^ ópw.
12 ANNIE BONNAFE
24. Strabon, I, 4.5 : AiafjiapTwv 8è toû uXoctouç TjvàyxaaTai xai toû (i.r)xouç àtrTo^ew. "Oft (xèv yàp
TrXéov 7) 8nzki.ciov to yvwpifxov [xvjxoç èffTi toû yvoopîfxou ttXOctouç, ofxoXoyoûai xal oî ûorepov xal twv àXXcov oî
^apiicrraTot. • Xéyw Se <tò> òltzò twv axpcov tyjç 'IvSixyji; èra xà âxpa vf\ç, 1ipyjpia<; toû <xti> Aì6iÓ7tcov iute, toû
xaTa 'Iépvyjv xuxXou. 'Opoffaç Se to Xsyfòkv 7iXâTO<;, tò amò tcjv èa^aTcov Atooómov ^éxp1 T0" ^l* ©oûXvjç
èxTEivet ttXéov 75 SeT tò [rîjxoç, iva Trof/jc"/) 7rXéov r\ SurXaaiov toû XexOévToç 7TXàTouç. (...) Il pocmôrjen <ts> toTç
iç toû [i.7]xouç S(.a<7T7j(i.aaiv aXXouç (TTaStouç ^\.ajikio\iç, [isv 7upoç t1^ Sûast, Suy^iXtouç Se izçoc, tïj
, iva aùori tò [xsTov t) 7]fnau toû pi7]xouç tò 7rXàToç eïvai.
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 13
25. Cf. Strabon. I, 4.6, paraphrasant Eratosthène : napafi.u6oufi.evoc S' ètù tîXéov, 8ti xoctx «pûcriv
lazi to òctzo xvaToXyjç ztzI Suctiv Siacrr/jfAa [itì^oM Xéysiv, xaxà çucriv çvjcrlv eïvou àrco tîjç îu> ~poç ttjv ta— épav
[AaxpOTÉpav eïvai tt]v otxoujjtivrjv.
26. Cf. Strabon, II, 5.14 : Ad 8?) vocerai TiapaXXirjXóypafifAÓv ti, èv a> tò -/XafxuSoeiSè:; a^wa.
èyyéypa^Tat outcoç, oîotz to [i.vjxoç tw fr/jxsi óji.oXoysTv xal terov eïvai to [xéytaTov, xal to 7îXaTOÇ tô> 7rXaT£t.
« II faut concevoir un rectangle dans lequel la figure en forme de chlamyde est inscrite de
manière à ce que la longueur de l'une soit proportionnelle à celle de l'autre et au maximum égale
à elle, comme la largeur de l'une vis-à-vis de la largeur de l'autre. » Cette définition permet en
fait n'importe quelle modification du tracé initial considéré dans le détail.
27. II, 5.10 : èv tô> £7:i7:éScp ys où Sioóaei t^Îvocxi txç sùOsiaç jxixpòv auvvsuooaac ttoieïv (xóvov t3cç
ac • contra, II, 5.16 : Sùo Xoc6eïv eùOeîaç aî tÉ|ì.vou(tou Trpòc ôpOàç àXXTrjXat;... Cf. supra, n. 8.
H ANNIE BONNAFÉ
La carte d'Ephore.
Nous connaissons par deux sources littéraires principales et par un
schéma la « carte » du monde proposée par Ephore de Cumes et l'on
s'accorde généralement à y voir un héritage des cartes ioniennes bien que,
datant de la seconde moitié du IVe siècle, elle abandonne la représentation
circulaire de l'oecoumène encerclée par le fleuve Océan (déjà remise en cause
par Hérodote) au profit de la représentation rectangulaire qui s'impose aux
esprits à partir de l'époque de Démocrite et sous son influence.
La source principale la plus ancienne, la Géographie de Strabon, date de
l'époque augustéenne et ne s'accompagne, dans les manuscrits, d'aucune
représentation graphique. La plus récente, qui paraît citer in extenso l'extrait
du livre IV du traité d'Ephore que Strabon résume, date du VIe siècle de
notre ère, puisqu'il s'agit de la Topographie chrétienne de Cosmas Indico-
28. Pedech, p. 33 ; pour l'affirmation implicite, cf. e.g., R. Flaceliere, Devins et oracles
grecs (Paris, 1972, P.U.F., Que sais-je?, n° 939, ire éd., 1961), p. 16 : « Si l'oiseau apparaissait à
main droite d'un observateur placé face au Nord, c'est-à-dire si on le voyait à l'Orient, qui est la
droite du monde... » (c'est moi qui souligne).
29. Strabon, II, 5.1 1 : xal Stj xal tòv klfìc, Xóyov wç èv èraTréSco mvaxi ttjç ypacpTJç
30. Hérodote, IV, 36 : et Sé stai Ù7iep6óp£oi Tiveç òtvOpcoTcoi, elal xal ÓTiepvÓTioi, aXXoi.
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 17
NOTOS
LEVANT D'HIVER COUCHANT D'HIVER
I ETHIOPIENS
N
Illustration non autorisée à la diffusion
18 ANNIE BONNAFÉ
II est donc orienté le Sud en haut, et ce trait est confirmé par la seconde
version de la carte apportée par le Sinaïticus et le Laurentianus, puisqu'on y
voit « à l'angle supérieur gauche le soleil figuré par un visage humain et
désigné comme soleil levant, ainsi qu'à droite, disparaissant à moitié derrière
le rectangle de la terre, le soleil couchant»36.
Pourtant le résumé de Strabon comme la citation du texte d'Ephore
chez Cosmas suggèrent tous deux une orientation différente du rectangle,
orientation identique dans les deux cas. Ils énumèrent dans le même ordre
les peuples qui occupent les quatre parties ou, plutôt, les quatre confins du
monde : les côtés du parallélogramme d'Ephore qui est visiblement centré
sur l'Egée et orienté en fonction des quatre vents dominants de cette région.
Ils citent d'abord les Indiens, « du côté de l'Apéliotès (Cosmas précise : « et
dans la région proche des Levers ») ; puis les Éthiopiens, « du côté du
Notos » (Cosmas ajoute : « et du Midi ») ; « du côté du Couchant » (chez
Cosmas : « du côté du Zéphyr et des Couchers »), les Celtes ; et, pour finir,
« du côté du vent Borée » (« dans la région du Borée et des Ourses », dit
Cosmas), les Scythes37.
La « carte parlée », chez Cosmas, qui cite Ephore, comme chez Strabon,
qui le résume, donne donc la primauté à la région des Levers et suit le
mouvement apparent du soleil au-dessus de la terre habitée. L'ordre
36. Wolska-Conus, t. I, p. 397, n. 801, fin (voir texte complet, infra, n. 44).
37- a) Strabon, I, 2.28 : Mtjvóei Se xal "Ecpopoç ttjv TraXaiàv nzpi ttjç Aì8io7ua<; Só^av, 8ç çtjchv èv tc5
tzzçi T% Eûp(ï)7n)ç Xóyw, twv 7repl tÒv oùpavòv xal ttjv yîjv totcwv zìe, TÉrrapa jxepy; SnrjpYjfjivwv, tò Tupòc tòv
à7T7)Xt(ÓTif)v 'IvSoùç £X£tv» TCpoç vótov Se AiSîoTraç, rcpòc SótTiv 8è KeXtoûç, 7tpoç Se (Soppâv àvsfiov SxuSaç.
npocmOirjai S', 6ti (aeîÇwv rj Ai6iO7Ûa xal tj SxuGia • Soxeï yâp, (pf]ai, tò twv AîGiOttwv eôvoç rcapaTEÓveiv àrc'
àvaToXwv ^EifiEpivwv piéxp1 Sua^wv, y\ 2xu6ïa S' àv-uxei-nxi toutw (= F. Gr. Hist., 70.30a). On a peut-
être un écho de ce texte dans Strabon, I, 4.5 (voir supra, n. 24) qui cite : 1) l'Inde, 2) l'Ibérie,
3) les Ethiopiens, 4) le cercle de Iernè et suit donc d'abord l'axe Est-Ouest, puis l'axe Sud-
Nord.
b) Cosmas Indicopleustès, Topographie chrétienne, II, 79 (éd. Wolska-Conus, t. I, p. 395,
397) :
'Ecpópou èx tîjç S' 'Itrroptaç
79. Tòv [i.èv yàp 'A7rr)Xi.ó)TY)v xal tov èyyùç .àva-roXwv -rÓ7rov 'IvSol xa-roixoûcri, tov Se izpbç
NÓtov xal [i.£CT7)[xpptav Al0iO7re<; véfiovxai, tov Se xtco Zeçupou xal Suajxcov KeXtoI xaxs^ouai, tòv Se
xaTa Boppâv xal tocç apxTouç SxuGai, xaToixoûcrtv "Ectti (xèv ouv oùx ïcrov exaaxov toótwv twv (xepwv,
àXXà tò [xèv tcôv SxuOcôv xal tcov AIOoótccov [ìeì^ov, tò Ss twv 'IvSwv xal twv KsXtwv eXaTTov. Kal
S 7iapa7tXy)aiov éxaTÉpwv àXXyjXoiç ïxzi T0^ ^ó^ou tò (iéyeôoç. Oî (xèv yàp 'IvSoi zlai (xeTa^ù Oepivwv xal
X£i(i.£pivwv àvaToXwv, KsXtoI Se tyjv amò Oepivwv (xé^pi xzi\izpiv(x>\i Sua[iwv ](wpav xaT£}(oucR. Kal toûto
[zèv ïtrov È(ttIv èx£ivw tò SiàtJTTjfxa xal [lâXiazo. tcwç àvTtx£i[X£vov. 'H Se twv 2xu6wv xaToixigaiç
toû (xèv tjXîou tyjç 7C£piçopâç tov StaX£tTCovTa xaTÉ^ei TÓ7rov, àvTtxaTat Se 7ìpòi; tò twv AlGiótcwv
£0vo<; ô SoxeT 7rapaT£iv£iv cai àvaToXwv ^£i[i.£pivwv (xé^pi Sucrfxwv twv
(= F. Gr. Hist., 70.30b).
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 19
Pl. 3. — Le « rectangle d'Ephore » : représentations.
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CELTES
orienté l'Est en haut, comme nous est apparue, parce que son point de
référence unique est la région des Levers, la carte qui sous-tend les récits de
l'itinéraire d'Io dans le Prométhée. Il y a divergence entre l'orientation
suggérée par le texte d'Éphore et l'orientation avec le Sud en haut de la
« carte » qui accompagne ce texte dans les manuscrits de la Topographie
chrétienne.
Quelle était donc au juste l'orientation que donnait Éphore au dessin
dont il illustrait son traité ? S'il faut lui imputer cette divergence entre le
texte et l'illustration qui l'accompagne, on pourrait y voir une trace de
l'indistinction déjà notée entre régions orientales et régions méridionales.
Mais on ne peut éliminer complètement l'hypothèse que cette divergence
n'ait existé ni dans l'esprit ni dans le traité d'Ephore et que cette confusion
ait été, dix siècles plus tard, le fait de Cosmas lui-même ou des copistes à qui
l'on doit les manuscrits de la Topographie.
Dans ses propres représentations de la terre, se méprenant sur le sens
d'une source ionienne qu'il utilise et qui « expliquait le phénomène des jours
et des nuits à l'aide de l'inclinaison du disque terrestre de 450 par rapport à
l'équateur »39, Cosmas oppose en effet constamment la zone Est et Sud de
l'oecoumène, qui, selon lui, sont l'une et l'autre « basses » (%6a[xaXà : II, 31,
IV, 10), « chauffées par le soleil » et « plus chaudes, d'où vient précisément
que les corps de ceux qui habitent ces régions sont plus noirs » (II, 33), aux
zones Ouest et Nord, « très élevées » (u^Aótocto. : II, 31, IV, 10) ou, du
moins, « plus élevées » que les premières, et « éloignées du soleil », donc
« plus froides, d'où vient précisément que les corps de ceux qui les habitent
sont plus blancs » (II, 33) 40.
En outre, si les « remaniements de copistes » que W. Wolska-Conus
juge « manifestes » dans la seconde version de la carte d'Ephore proposée par
les deux manuscrits du XIe siècle « raccordent davantage le dessin avec (sic) la
terminologie et les représentations de Cosmas », on peut hésiter à en déduire
avec elle que ces remaniements « font aussi ressortir le caractère authentique
de la carte d'Ephore et en même temps la fidélité de Cosmas au modèle
copié »41.
Que faut-il entendre au juste par « le caractère authentique de la carte
d'Ephore » ? Nous ne disposons pas de cette carte. Quant au dessin qui la
représente dans les manuscrits de la Topographie chrétienne, qu'il soit ou non
fidèle à celui de l'original de l'œuvre de Cosmas (ce qui est un autre
problème), sa « fidélité » au dessin qui illustrait le traité d'Ephore reste en
tout cas à démontrer dès qu'on quitte le domaine précis des annotations qui
sont, elles, conformes au texte d'Ephore cité par Cosmas et résumé par
Strabon. Sous le rapport des proportions, cette « fidélité » est du même ordre
que la fidélité du dessin de Jacoby à celui qu'il reproduit.
Les manuscrits, si l'on en croit le diagramme établi par Wolska-Conus,
attribuent au rectangle d'Ephore une longueur quadruple de la largeur,
c'est-à-dire un rapport entre \ir\v.oç, et uXàroç qui ne correspond à l'estimation
d'aucun géographe ancien, de Démocrite à Ptolémée. Le dessin de Jacoby
restitue visiblement à l'oecoumène les proportions que lui attribuait
Dicéarque à la fin du IVe siècle (L = 1 4- — , L étant la longueur, 1 la
largeur). Mais on ne peut savoir avec certitude si Dicéarque, sur ce point,
suivait Ephore ou s'il faisait, plutôt, œuvre originale. Et si cette estimation
du rapport entre pjxoç et ttXoctoç est celle de Dicéarque, non d'Ephore,
plusieurs hypothèses sont possibles, sans qu'aucune puisse être, a priori,
rejetée. Ephore a pu ne pas prendre une position précise sur ce point (c'est
l'hypothèse la moins vraisemblable, mais on ne peut l'exclure : dans le
passage qui va de pair avec sa « carte », il se borne à dire que « le côté des
Scythes et des Éthiopiens est plus grand, celui des Indiens et des Celtes
moins grand »). Il a pu se ranger à l'une des trois estimations de ce rapport
antérieures à son traité : celle de Démocrite (L = 1 H —), celle d'Eudoxe
2
2l
(L = 2I) ou celle d'Aristote (L = 1 + — ). Il se peut aussi qu'il ait eu
sur ce point une opinion personnelle différente de celle de ses prédécesseurs
et différente aussi peut-être de celle qu'expose Dicéarque. On ne peut
considérer comme une caractéristique de la carte d'Ephore ni les proportions
que lui prête Jacoby ni celles que lui prêtent les manuscrits.
Du point de vue de l'orientation, Jacoby est d'une entière fidélité aux
dessins des manuscrits. Mais une telle indifférence de ceux-ci (qu'elle vienne
des copistes ou de Cosmas lui-même) au problème des proportions de
l'oecoumène n'est pas de nature à nourrir la croyance à leur « fidélité au
modèle copié » en ce qui concerne cet autre élément du code cartographique
qu'est l'orientation.
On ne peut s'empêcher de noter que si aucune illustration de la
Topographie ne représente l'oecoumène orientée l'Est en haut — alors que la
plupart des cartes de l'époque des manuscrits sont représentées de la sorte,
du moins dans les manuscrits chrétiens — la représentation du monde avec
le soleil levant à gauche, c'est-à-dire avec le Sud en haut n'en est pas absente
{cf. planche 4).
AUTOUR DE L'ITINERAIRE D'IO
44. Cf. e.g., Ballabriga, p. 149 : « Les quatre côtés de l'oecoumène rectangulaire sont
constitués par les levants et couchants d'été et d'hiver tels qu'on peut les observer en Ionie.
Tandis que le côté Nord du rectangle joint le levant d'été... et son symétrique, le couchant d'été,
le côté Sud s'étend à son tour du levant d'hiver au couchant d'hiver. » Contra, la description de
Dilke, p. 27, et celle de Wolska-Conus, t. I, p. 396, n. 801 : « Les trois mss placent ici la carte
d'Éphore, un rectangle allongé qu'une inscription au milieu désigne comme figurant la « terre ».
Tout autour on lit les noms des directions de l'univers : « Apèliotès » désignant l'orient, placé à
gauche, suivant certaines habitudes cartographiques grecques ; en haut « Notos » — le sud, car le
soleil à son lever monte et se dirige à droite ; à droite « Zéphyr » — l'occident ; en bas « Borras »
— le nord. À gauche, en haut et en bas, sont indiqués « lever d'hiver » et « lever d'été » ; de
même à droite, « coucher d'hiver » en haut, « coucher d'été » en bas, pour évoquer la longueur
variable des jours et des nuits au cours de l'année. Dans le rectangle même on lit, en haut
« Éthiopiens », en bas « Scythes », à gauche « Indiens » et à droite « Celtes ». — Le Laur. et le
Sin. contiennent une deuxième version de cette carte. Ils la placent au bas du folio précédent, le
Laur. après les mots « ...7tepivocTT7)(TavTe<; xal [aTopioYpaepYjaavTsc » (II, 78), et le Sin. après « ...àXXà
tò [xèv twv SxuGwv xal twv AîOiotccov [asTÇov » (II, 79). Ils suppriment les inscriptions aux angles et
substituent aux noms d'Apèliotès, Notos, Zéphyr et Borras les noms habituellement employés
par Cosmas (voir l'illustration du livre IV) : àvaxoXT) à gauche, [iser/jjiPpia en haut, Sûoiç à droite,
ôtpxToç en bas, tout en marquant absurdement à l'intérieur du rectangle (sur-corrections sans
doute) (3oppâç en regard de ava-roXrj, votoç en regard de (isd7j(j.ppia, et FàXXoi en regard de Suctiç. De
plus, on voit à l'angle supérieur gauche le soleil figuré par un disque à visage humain et désigné
comme « soleil levant », ainsi qu'à droite, disparaissant à moitié derrière le rectangle de la terre,
le « soleil couchant ».
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 25
La carte d'Eratosthène.
Nous connaissons la carte d'Eratosthène au travers de la Géographie de
Strabon. Lorsque, « au troisième livre de sa Géographie », Eratosthène dresse
la carte de l'oecoumène,
« il la divise en deux par une ligne qui va du Couchant au Levant, parallèle à
la ligne de l'Equateur, et il pose comme limites de cette ligne au
Couchant..., et au Levant...; et il trace cette ligne à partir des Colonnes
(d'Héraclès) en passant par... et jusqu'à Rhodes et au golfe d'Issos... puis
tout droit... jusqu'à l'Inde. »45
La primauté est donc donnée à l'axe Est-Ouest. Celui-ci est tracé d'Ouest en
Est, délimitant ainsi les moitiés Nord et Sud de l'oecoumène, dont la
position sur la carte n'est pas précisée. Ni les notions de haut et de bas ni
celles de droite et de gauche n'interviennent. Mais les premières sphragides
qu'Ératosthène trace ensuite sont celles de la moitié Sud, et elles sont
délimitées et numérotées à partir de l'Inde, d'Est en Ouest (II, 1.22 : 7tpó>r/]v
sforwv a<ppay?8a ttjv 'IvSixtqv, Seuxépav Se ttjv 'Apiàvrçv xzX.)46. Il semble logique de
supposer que la carte était orientée l'Est en haut.
La carte de Strabon.
45. Strabon, II, 1.1 : 'Ev 8è râ TpiTco tôv retoypacpixwv xa0i<7Tà(i.£vo<; tòv ttjç oîxou[xévt]ç Titvaxa
Ypa[Xfi.9j TWi SiaipcT Só/a ànò Suascoc hi àvaToXTjv TOxpaXXTjXto tìj ì<jTjfi.Epivìj ypa(X[i.9). IIÉpaTa 8' aÙTrjç tì0tjcr
TTpòc Sussi (xèv tÒcc 'HpaxXEiouç arrjXaç, hi àvaToXfj 8è xà àxpa xal Éa^aTa ÔpTj twv àtpopiCóvTCov òpóóv tt;v
■jrpòc apxTov TÎjç 'IvStx^ç TtXeupàv. rpàçst 8è ttjv ypa(i[i.Y)v caio SttjXwv Sta te toG SixsXixoO 7îop0[xoû xal twv
fA£(T7)(jL(3pi.vcdv àxpwv t^ç Te FlEXoTrovvrjcTou xal t^ç 'AxTtxyjc, xal (xÉxpi fyjç 'PoSiaç xal toû 'IaaixoG xÓX7tou.
Mé^pi (lèv 8t) Seûpo 8ià ttjç 0aXàTT7)ç 9ï)<tIv EÏvai tt)v "kzyfòziaoLv Ypa(j.[X7)v xal twv 7rapax£i[i.£vwv ■/juEtpwv (xal
yàp aÙT7)v ôXtjv ttjv xa0' Tj(xâç 0àXaTTav outwç ÈttI [i^xoç T£Tàa0ai (ji^pi ttjç KiXixiac), EÏTa hi EÙ0£Îai; tzu>ç,
£xj3àXX£(T0ai 7rap' ÔXtjv ttjv opeivïjv toû Taupou [lé/pi ttjç 'IvSixtjç.
|
46. II, 1.21. : ... SieXwv xf) Ypa[Afi.fj TaÓTTj ttjv oÌxou(x.£vtjv Si^a, xal xaXécraç to \ihi popeiov jiipoc, to
Se vÓtiov, 7T£tpâTai toutcjv ÉxaTEpov te[xveiv TràXtv tiç zcc SuvaTa (xépTj • xaXâ 8è TaÛTa acpayìSac. Kal Srj toG
votiou [lépouç TCpwTTjv £Ì7rà)v (TcppayiSa ttjv 'IvSix^v, SsuTÉpav Se ttjv 'Apiavrjv... L'ordre des sphragides est
le même en II, 1.3 1.
26 ANNIE BONNAFÉ
« On appelle hémisphère boréal celui qui renferme la zone tempérée qui est
telle que, quand, du Levant, on regarde vers le Couchant, on a à main droite
le pôle et à main gauche l'Equateur, ou bien celui dans lequel, quand on
regarde vers le Midi, on a à main droite le Couchant et à main gauche le
Levant. »47
Ainsi s'explique, selon Juba, qu'un signe survenu à main gauche ne soit
pas toujours considéré comme défavorable : une orientation du point de vue
du cosmos (celle que Strabon utilise dans sa première définition de
l'hémisphère boréal) vient contrebalancer la manière usuelle de s'orienter,
l'orientation face à l'Est, que Strabon n'utilise pas pour définir l'hémisphère
boréal. Il définit celui-ci dans le sens du (jltjxoç — et choisit pour ce faire
l'orientation cosmique — puis dans le sens du 7rXàxoç — et la valeur de celui-
ci s'estime presque toujours à partir du Sud49.
Dans son exposé descriptif, l'orientation face au Sud n'est pas absente.
On la retrouve par exemple dans le développement qu'il consacre au livre II
(H> 5-33) aux peuples de Libye qu'on connaît surtout par ouï-dire : il
commence par « les plus méridionaux » (toùç fxsaTjfjLêpivcoxàTouç), les Ethio-
47. II, 5.3 : KaXetrat Se pópstov p.èv 7jfzi.cr9atpt.ov tò tyjv eoxpaxov èxewirjv 7T£piéxov èv y arcò ttjc
àvaToXyjç (3Xé7rovTt èra tyjv Suctiv èv SeÇiâ fiév ècmv ó raSXoç, èv àptaxepâ S' ó îcnrjfiepivoç, yj èv 5> 7rpoç
(X£aT)fi.[3piav pXs7Toucriv èv Ss£tâ (xév ècm Sûatç, èv àpiarepa S' àvaToXr), vÓTtov Se to èvavTtcoç exov ' wcrre
StjXov oti y\\itiç, ècrfjtev èv 0aTÉpa> twv v)fi.t<T9atptcùv, xal tô> J3op£Ìca ye'
48. Juba de Mauritanie, F. Gr. Hist. 275.93 (= Plut., Aet. Rom., 78, p. 282 DE) : toIç izpòc,
àvccToXàç àTCo6XÉ7rouCTtv èv àptCTTÉpa yivexat tò pópstov ô Syj toù xóafxou Se^iòv eîvai TtOsvTat xal
49. Cf. e.g., Ératosthène (I, 4.2), Hipparque et Strabon (II, 1.13 sq., II, 5.7-9, II, 5.14).
Dans ces contextes, on se réfère mentalement à une carte avec le Sud en haut et Strabon peut
parler, par exemple, de l'Ethiopie et de « toute la région située plus haut jusqu'à l'Equateur » (I,
3.22 : où [xóvov AÎ01O7UOC... àXXà xai îr\ àvwTÉpw Tracera [t-iyjii toû tcnr)fi.ept.voij). Au contraire Posidonios
définissant les zones de la sphère terrestre part du Nord (II, 3.1).
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 27
piens, puis situe « sous » eux (mio toutoiç) les Garamantes et leurs voisins,
« sous eux encore » (toùç S'Iti \mò toutoiç) les Gétules, et finit par « ceux qui
sont près de la mer » (xoùç 8è ttjç OaXaTTTjç èyyuç). L'emploi répété de òrco, qui
n'a pas la même ambiguïté que m:ép, souligne de manière visible que la carte
de Strabon (carte mentale ou carte réelle) est ici tournée le Sud en haut.
Cependant l'orientation générale de la carte se fait selon l'axe Est-Ouest.
La première ligne que trace Strabon, celle qui détermine la dimension qu'il
retient pour son knlnzàoç, izivxZ,, pour la surface plane, le panneau de sept pieds
où il dessine sa carte, est, on l'a vu, celle de l'axe selon lequel il mesure la
longueur maximale de l'oecoumène, le [xtjxoç. Dans son exposé théorique du
livre II, il insiste en outre sur la nécessité de veiller à la cohérence du
vocabulaire quand on passe de la description d'ensemble du monde habité à
celle de ses parties ou sections (TfX7][AaTa). Le terme [zyjxoç doit, selon lui, être
réservé, en ce qui concerne ces sections, aux distances mesurées sur des
parallèles à l'axe central de la carte
«... quelle que soit celle des deux dimensions qui est la plus grande et quand
bien même la distance mesurée dans le sens de la largeur (rcAa-roc) est plus
grande que celle qui est prise dans le sens de la longueur ([xtjxoc) » 50.
50. II, 1.32 : ... órcÓTEpov âv -fi [aeTCov xàv tò XïjçGèv Siàur/jf-ia èv tû tcXoctsl fieiÇov -^ toû XtjçGévtoç èv
tw [nfjxei 8iaaf7]fi.(XT0ç.
51. II, 1.33 : oùx su yoûv Xafi6âveToci. xà [atqxti}. Mais il arrive que Strabon manque lui-même à
la rigueur sur ce point, e.g. à propos de l'Italie, cf. II, 5.28 : les Apennins s'étirent Sià toû jztjxouç
5Xoi> TÎjç 'iTaXtaç (cf. II, 5.29 : hid [atjxoç TéxacTai tò 'Attevvivov ôpoç) mais amò -rwv àpxTwv èrà
28 ANNIE BONNAFÉ
restent les régions orientales de l'Europe qui sont coupées en deux par l'Ister. Ce fleuve se porte
de l'Ouest vers l'Est et le Pont-Euxin, laissant à gauche la Germanie entière (qui commence au
Rhin), tout le pays des Gètes et celui des Tyrégètes, Bastarnes et Sauromates (qui s'étend
jusqu'au Tanaïs et au Marais Méotique), et à droite la Thrace entière, ainsi que l'Illyrie, et,
pour le reste et pour finir, la Grèce. » Cf. Baladie2, p. 4 : « Strabon se conforme à la règle
générale appliquée dans les autres livres, constante dans l'Antiquité, qui consiste à suivre dans la
description géographique une progression d'Ouest en Est... (Le Danube) est supposé couler
d'Ouest en Est parallèle à l'Equateur. » (Cette vision du Danube reste semblable à celle qu'en
avait Hérodote, II, 33-34.)
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 29
59. Cf. e.g., II, 5.15 : Strabon imaginant — et précisant — qu'on part du Cap Sacré pour
longer en direction du Nord la côte de la péninsule ibérique, la droite correspond alors à l'Est et
non au Sud. Le phénomène est du même ordre à propos de l'Adriatique en II, 5.20 : l'Illyrie en
constitue la rive droite. Le commentaire des théories de Strabon sur le niveau des mers (I, 3.4)
prouve en outre que « droite » et « gauche » sont à comprendre, quand il s'agit des côtes, dans un
sens très concret. Pour qui sort du Bosphore et entre dans la Mer Noire, Salmydesse,
l'embouchure du Danube et le Désert Scythe font, au sens large, partie de « la gauche du Pont »
(rà èv àpioTepà toû FIovtou tov ts SaXfAuSirjaaov xal... Ta rtzpl tov "Iarpov xal ttjv Zx'j0ô>v Èpyjfuav).
60. Baladié1, p. 217, note le fait à propos de la forme du Péloponnèse selon Strabon (VIII,
3O ANNIE BONNAFE
Annie Bonnafé.
2.1) : « II voyait donc le Péloponnèse beaucoup moins étiré que nous dans le sens Nord-Sud
avec la pointe du Cap Malée tournée vers l'Est comme nous le représentent les cartes de son
temps ».
61. C. Jacob, t. II, 4e partie : « Du dessin de la carte à l'image mentale : théorie de la carte
en Grèce », p. 415, 423 et 424, pas.
62. F. Joly, p. 14-15.
AUTOUR DE L'ITINERAIRE D'IO 31
BIBLIOGRAPHIE
Cette bibliographie, arrêtée au Ier juillet 1989, n'est pas et ne se voulait pas
exhaustive. Elle n'entend refléter ni l'état actuel des connaissances en matière de
géographie et de cartographie antique, ni l'ensemble des courants de la critique
passée et présente consacrée au Prométhée Enchaîné et aux problèmes qu'il pose
comme au mythe d'Io et de ses voyages. Elle renferme uniquement les références
des ouvrages et articles directement utilisés ou cités dans le texte de l'étude ainsi
que les références de celles des lectures périphériques menées parallèlement à la
rédaction de l'ouvrage qui, à la réflexion, ont paru indispensables à la
compréhension et à la discussion des hypothèses exprimées dans cet essai.
1. Textes grecs :
Diels (H.)-Kranz (W.), Die Fragmente der Vorsokratiker, Berlin, 1952 (10e éd.,
revue par W. Kranz) = DK.
Jacoby (F.), Die Fragmente der Griechischen Historiker, Leiden, Brill (ire éd.,
1922) = F. Gr. Hist.
Mûller (C), Geographici Graeci Minores, Paris, Didot, 1855 = GGMi et
GGMz.
Les fragments tragiques d'Eschyle sont cités dans le texte de l'édition Radt
(= R), à l'exception de ceux du Prométhée Délivré qui, comme les fragments
d'Euripide, sont cités dans le texte de l'édition Nauck (= N).
Le 7rept
ire éd.,
àépœv,1923).
ûSàxcov,
LesTÓ7tcav
autresestauteurs
cité dans
grecs
le sont
texte cités
de l'édition
dans le Jones
texte des
(coll.
Éditions
Loeb,
des Belles Lettres, Paris.
3. Ouvrages collectifs :
Cartes et figures de la terre, Paris, Centre G. Pompidou, 1980.
32 ANNIE BONNAFÉ
4. Études particulières :
Alexandre (M.), « Entre ciel et terre : les premiers débats sur le site du Paradis
(Gén. 2.8.15) et ses réceptions », Peuples et pays mythiques, 187-224.
Arnaud (P.), « Observations sur l'original du fragment de carte du
pseudobouclier de Doura-Europos », REA 90, 1-2 (1988), 151-162.
Aujac (G.), Strabon. Géographie, t. I et II, Paris, Belles Lettres, 1969.
Strabon et la science de son temps, Paris, P.U.F., 1966.
La géographie dans le monde grec antique, Paris, P.U.F. (Que sais-je ?),
1975-
« Les représentations de l'espace géographique ou cosmologique dans
l'Antiquité classique », L'espace dans l'Antiquité classique, Pallas, 28, 1981
(Annales de l'Université de Toulouse-Le Mirail), 3-14.
Austin (N.), « The one and the many in the Homeric Cosmos », Arion (1973, 1),
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Baladié, Strabon Géographie, t. IV (livre VII). Paris, Belles-Lettres, 1989
(= Baladié2); t. V (livre VIII). Paris, Belles-Lettres, 1978 (= Baladié1).
Le Péloponnèse de Strabon. Études de géographie historique. Paris, Les
Belles-Lettres, 1980.
Barguet (A), Historiens grecs. Hérodote, Thucydide, Paris, Gallimard
(Bibliothèque de la Pléiade), 1964.
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AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 33