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Journal des savants

Texte, carte et territoire : autour de l'itinéraire d'Io dans le


Prométhée (2e partie)
Madame Annie Bonnafé

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Bonnafé Annie. Texte, carte et territoire : autour de l'itinéraire d'Io dans le Prométhée (2e partie). In: Journal des savants,
1992, n° pp. 3-34;

doi : https://doi.org/10.3406/jds.1992.1551

https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1992_num_1_1_1551

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JANVIER-JUIN 1992

TEXTE, CARTE ET TERRITOIRE :


AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO
DANS LE PROMÉTHÉE (2e PARTIE)

III

La carte mentale de l'itinéraire d'Io


et les autres cartes du monde.

La carte qui se dégage des récits décrivant l'itinéraire d'Io semble


privilégier comme axe de référence la direction générale du trajet apparent du
soleil et comme région de référence principale — puisqu'on ne peut parler de
point — la zone du Levant ou des Levers.
Par suite, à supposer qu'on la dessine sur un plan sans plus tenir compte
de sa « dimension verticale », elle devrait être orientée l'Est en haut.
Enfin, construite dans le sens longitudinal, elle se trouverait, par rapport
à nos cartes, nécessairement déformée dans le sens longitudinal, dans le sens
de l'axe Est-Ouest, cette déformation étant aggravée par l'indistinction plus
ou moins grande qui paraît caractériser les zones orientales et méridionales
du monde tel qu'il se trouve imaginé.
4 ANNIE BONNAFÉ

Une carte ainsi conçue, pour autant que nous puissions nous la
représenter, implique, certes, une image mentale du monde très différente de
la nôtre. Mais elle ne paraît pas essentiellement différente des cartes
mentales qui, semble-t-il, même lorsqu'elles ne sont pas matérialisées, sous-
tendent les descriptions du monde habité chez les géographes grecs.

i. L'axe Est-Ouest.

Nous connaissons fort peu de choses des cartes ioniennes et ce surtout


par l'intermédiaire de témoignages bien postérieurs et plutôt vagues. Mais
l'axe Est-Ouest paraît avoir été leur axe de référence privilégié. C'est par
rapport à lui que s'estime, par exemple, la symétrie entre les parties connues
des cours du Danube et du Nil chez Hérodote1. Il conserve ce statut même
lorsque (à partir du Ve siècle et, précisément, à partir d'Hérodote) il ne
constitue plus l'axe unique de la carte. Cette prédominance est indépendante
de la notion d'un « axe équinoxial... constitué par une ligne joignant levant et
couchant d'équinoxe »2, notion qui n'intervient qu'à partir du moment où
les progrès techniques et scientifiques permettent de repérer avec précision
le point de lever équinoxial du soleil. Elle constitue plutôt une rémanence du
« schéma archaïque à prédominance Est-Ouest » 3 que favorise le
parallélisme fortuit entre le trajet apparent du soleil et la direction générale de la
Méditerranée 4.
Une fois sa latitude et donc son tracé précisés grâce aux travaux
d'Eratosthène au IIIe siècle, l'axe Est-Ouest demeure la référence principale
des nouvelles cartes : cartes réelles, comme celle d'Eratosthène5, ou cartes

1. Cf. e.g., Jacob, p. 521-2 : « Les commentateurs modernes s'accordent à reconnaître que
la « carte ionienne » dont Hérodote est pour nous un témoin privilégié est régie par un principe
de symétrie Nord/Sud de part et d'autre d'un axe qui partage le bassin méditerranéen en
passant par les Colonnes d'Héraclès, Delphes, le Méandre et le Choaspès. Ce cadre général
admis, on peut conjecturer ce que l'on ignore d'un côté en utilisant ce que l'on sait de l'autre. »
Cf. Hérodote, II, 33-34.
2. Cf. les critiques de Ballabriga, p. 149, à propos de la notion d'Equateur ionien.
3. Cf. N. Austin, p. 230, et les conclusions de Ballabriga, p. 61-7, 152, 165 (voir ire partie,
II, p. 189, n. 117 et 118).
4. Cf. Strabon, II, 1.1 : xal yàp ocùttjv ôXtjv ty]v xa0'yj[i.âç 6àXocTTav outcoç tizi [irpioç T£Tàa6at
■rijc KtXixîaç.
5. Cf. Strabon, II, 1.1 : èv 8è tw TpÎTto tôv yewypactxcov xa6urTàfi.£vo<; tòv ttjç oìxou[xév7]c Tuv
Ypafijrîj tivi Statpel St^a cuna Suaswç tiz àvocToXrjv TrapaXXirçXco r/j îay]fi.epi.v7J ypajifAT) x.t.X. (voir infra,
n- 45)-
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 5

implicites, comme celles d'Hipparque, Polybe ou Posidonios. C'est aussi, à


l'époque augustéenne, la première ligne que trace Strabon pour établir sur
un plan le dessin de l'oecoumène : celle sur laquelle, comme le font avant et
après lui tous les géographes grecs sitôt que cette notion apparaît, il porte
pour commencer la « longueur » estimée ([xvjxoç) du monde habité à l'échelle
qui lui paraît la plus commode : un pied pour dix mille stades 6.
Depuis le Ve siècle, ainsi qu'en témoigne Hérodote, on trace aussi (pour
établir la carte ou, en esprit, pour ordonner l'image du monde que l'on porte
en soi et que l'on s'efforce de décrire, de transcrire en termes de discours)
des lignes perpendiculaires à cet axe : d'abord, comme Hérodote, en
fonction, pourrait-on dire, de coïncidences géographiques, d'alignements
fortuits qu'on a repérés approximativement 7 ; puis de manière plus
systématique, sitôt qu'a été précisée d'un point de vue scientifique la notion de
« méridiens ». Dès lors, pour construire la carte, on porte également, sur ces
perpendiculaires à l'axe central, la « largeur » estimée (uXoctoç) de
l'oecoumène :
« Telle étant la forme de l'ensemble, il y a une utilité évidente à prendre
deux lignes droites se coupant à angle droit (dont l'une traversera la plus
grande longueur dans son entier, l'autre la largeur, et la première fera partie
des parallèles, la seconde des méridiens), puis à imaginer que l'on mène, de
part et d'autre, des lignes parallèles aux précédentes et à utiliser celles-ci
pour subdiviser la part de terre et de mer dont il se trouve que nous faisons
usage. Car c'est ainsi sans doute que la forme générale apparaîtra plus
évidemment telle que nous l'avons décrite, et il en ira de même pour la taille
respective des lignes tracées, dont les dimensions sont différentes — je parle
des lignes représentant la longueur et la largeur (de l'oecoumène) — , ainsi,
aussi, la mise en évidence des « climata » sera meilleure : « climata » de l'Est
et de l'Ouest, comme, de même, du Sud et du Nord. Et comme c'est en les
faisant passer par des lieux connus qu'il faut prendre ces droites, si pour les
premières c'est déjà fait (j'entends pour les deux lignes centrales, celles de la
longueur et de la largeur de l'oecoumène, qui ont été définies plus haut), il
sera facile de déterminer toutes les autres par leur intermédiaire. Car dès

6. Cf. Strabon, II, 5.10 : la meilleure façon de représenter l'oecoumène serait de construire
d'abord un globe terrestre qui n'ait pas moins de dix pieds de diamètre ; mais, pour qui n'en a
pas la possibilité, èv ztzità^ xaTxypaTrréov tuvocxi toùXocjcicttov eTztx 7uo8â>v « il faut la dessiner sur un
plan, sur un tableau d'au moins sept pieds. » (7 pieds pour un [xtjxoç de 70000 stades. La carte
n'aura pas 7 pieds de côté, mais 7 pieds dans sa plus grande dimension ; l'autre n'est pas
précisée).
7. Cf. Hérodote, 5.37-41 et les commentaires de Jacob, p. 516 : « L'œil repère une série de
points alignés selon une droite intellectuelle ou matérialisée préfigurant ce que seront les
parallèles et les méridiens des cartes hellénistiques. »
6 ANNIE BONNAFE

lors que nous utilisons ces lignes centrales en quelque sorte comme
« éléments de base » de notre carte, nous avons du même coup les régions
qui leur sont parallèles et l'ensemble des positions relatives des lieux
habités, tant sur la terre que par rapport aux régions célestes. »8

Parce qu'elles mettent en œuvre ce procédé, toutes les cartes de


l'Antiquité dont nous pouvons nous faire une idée diffèrent profondément de
la carte mentale qui paraît sous-tendre les récits de l'itinéraire d'Io dans le
Prométhée Enchaîné. Passer de l'axe unique que celle-ci semble comporter à
une construction de l'image du monde ordonnée à partir de deux axes
perpendiculaires l'un à l'autre permet aux géographes d'offrir à l'œil ou à
l'esprit une meilleure approximation de la forme générale de l'oecoumene (tò
a~/rt\i0L fxôcXXov àv xaxaçavèç ysvoixo) et une estimation plus exacte des positions
relatives des lieux à l'intérieur de l'oecoumene comme par rapport aux zones
de la sphère céleste (v/éoeiç, xcov oix^crecov xàç t' stù yyjc xal rcpòc xà oùpàvux).
Mais dans toutes ces cartes, le premier tracé, celui autour duquel elles
s'ordonnent, est celui de ce même axe Est-Ouest (alors même qu'en fait les
premiers calculs ou les premières mesures des géographes concernent
l'estimation du TtXàxoç9). Malgré leur utilisation simultanée d'au moins un
axe perpendiculaire au premier, toutes comportent aussi, en fonction de cet
axe, une déformation plus ou moins accentuée : une anamorphose dans le
sens Est-Ouest 10. De ce point de vue la carte mentale de l'itinéraire d'Io ne
constitue qu'un cas extrême, à la fois parce que la largeur de l'oecoumene n'y
est pas prise en compte, s'y trouve réduite à zéro, et parce que l'effet
d'anamorphose qui en résulte s'y trouve estimé par rapport à notre
représentation mentale du monde, essentiellement fondée sur les projections

8. Strabon, II, 5.16 : Toioutou 8è ovtoç toû xa6óXou a^TjfxaToç, j(py]cn.fAov çaîvETat Suo Xafiteïv
sùGsiaç, aî T£[i.vou<Toa repôç opôàç àXX7]Xaç, v\ jxèv Sià toû [itjxouç rfezi toû [/.syicrrou TravTOç, rj Se Sià toû
ttXÌtouc, xal Y) (xèv twv TrapaXXrjXwv earai [iia, yj Se xûv [i.£(77]fz{3pivwv. "E^EiTa TauTaiç 7rapaXXr)Xouç
STuvooûvTaç sep' éxdcTEpa Sioupsïv xirrà TauTaç tyjv yyjv xal r/)v OàXaTTav, j] ^pcofxevoi TuyX.^0^2'*'- Kal yap to
a'/rnicn (xâXXov àv xaTacpavèç yévoiTO, Óttolov £Ìpy)xa[i.sv, xal to ^éysGoç twv ypa[X[i.wv, àXXa xal àXXa (ASTpa
è/ouac5v, twv te toû jjLYjxouç xal toû TrXaTouç, xal Ta xXijxaTa àTCoSY)Xco67)ff£Tai, péXTtov, tx t£ écoOivà xal Ta
£C7-épta, cbç S auTcoç Ta vÓTia xal Ta [3óp£ia. 'EtteI Se Sià yvwptfxwv T07twv Xa[xpàvso-0ai Seï zkc, tùQeixç
TauTaç, al [aev èX^Oyjoav rfti], Xéyco Se Taç (lécaç Suo, ttjv te toû jx^xohç xal toû 7iXaTouç, Taç XzjQziaxç
7:pÓT£pov, al 8' àXXai paSiwç yvcopi^oivT' av Sià toutcov • TpÓ7iov yàp Tiva aioiyzioiç, xpw[X£vot, toutoiç Ta
TrapâXXirjXa [tip-f] auvE^ófiEOa xal Taç àXXaç ajkazic, twv oIxyjctewv Taç t' hv. y^ç xal rcpòc Ta oùpàvia.
9. Cf. Strabon, I, 4.2 7^ II, 1.1 (pour Eratosthène) et II 5.9 ^ II, 5.16 (en ce qui le
concerne personnellement).
10. C. Jacob (p. 461), sans employer ce mot, note le fait correspondant à propos de « la
carte-littéraire connue sous le nom de Table de Peutinger » : « l'oecoumene est étirée en
longueur au détriment de sa hauteur Nord/Sud considérablement condensée. »
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 7

orthogonales des cartes les plus communément utilisées, représentation que


nous considérons instinctivement comme conforme à la réalité.

2. L'anamorphose.

En fait, l'amorce du processus mental qui nous amène ainsi à dénoncer


comme soumise à un effet d'anamorphose extrême l'image du monde
proposée dans le Prométhée Enchaîné est repérable dès l'Antiquité. Chaque
géographe tend à juger déformée la représentation du monde de ses
prédécesseurs et le phénomène est tout à fait perceptible au travers de
l'exposé critique sur lequel s'ouvre la Géographie de Strabon.
La 8t,opGcocuç d'Eratosthène y apparaît comme un effort qui ne vise pas
seulement à « corriger » les idées fausses ou les estimations de distance
erronées des géographes antérieurs, mais aussi et d'abord comme un effort
pour « redresser » les lignes mêmes de la « carte de la terre » qu'ils ont tracée.
Il n'y a pas de différence essentielle entre le livre II de son traité où il
« s'efforce » de StópOcocuv tivoc TrotsTaGai ttjç ysooypacpfocç (Strabon I, 4.1) et le
livre III où il « croit devoir » SiopOcoaai tÒv àp^ouov yswypaqHxòv javaxa
(Strabon II, 1,2). Ce qui le pousse, dans les deux cas, c'est l'impression que
« l'ancienne carte » est marquée par une « déviation importante » (710X6
-apaXAaTTstv) de la partie orientale de l'axe central en direction du Nord11.
On pourrait dire qu'elle comporte à ses yeux une anamorphose dont les
lignes fuient vers le Levant d'été, où le Nord et l'Est tendent à se confondre,
de même que, symétriquement, en quelque sorte, celles de la carte du
Prométhée, où l'Est se distingue mal du Sud, peuvent être considérées
comme tendant à fuir vers le Levant d'hiver. Peut-être est-ce en s'efforçant
elle-même de « redresser » l'anamorphose de la carte archaïque que la « carte
ancienne » critiquée par Eratosthene en était arrivée à une déformation de ce
type. Hipparque, cité par Strabon12, emploie à ce propos les termes plus

11. Strabon, II, 1.2 : Tocûtx S' ebzùrv oÏstoci Seïv SwpOwtrai tov àpj^aTov yEwypacptxòv TÛvaxa •
yàp è~l -xc, apxTouç TrapaXXaTTEiv Ta écoOivà fxépT) râv òpwv xoct1 ocutov, <ruv£7Ti.cT7râcr0ou 8s xal tt]v 'IvSixtjv
àpxTixcoTÉpav rt Sel yivofxévYjv. « Ceci posé, Eratosthene juge indispensable de rectifier l'ancienne
carte de géographie, qui fait considérablement dévier vers le nord la partie orientale de la
chaîne, ce qui entraîne l'Inde aussi beaucoup plus au nord qu'il ne faut. » (trad. G. Aujac).
12. Strabon, II, 1.11 citant Hipparque : « ... oùS1 eî èri 7tapaXXï)Xou ypafi.[X7)ç ècttiv y) Xo^okkç,
£^o(xsv etTTsïv, àXX' èâv àSióp6wTov, Xo^7]v çuXà^avTeç, wç ol àp^aloi tuvocxsç — apé^puai ». Le point de vue
de Strabon (ibid.) est inverse : Tiç S' âv YjyrjaaiTO TrurroTépouç twv GaTspov toùç racXouoùç ToaaÛTa
avTaç izzçi ttjv Ttivaxoypacpixv, ôaa eu 8ia(3£(3X7)X£v 'EpaToaôévTjç, a>v oùSevI àvT£tpY)xev
8 ANNIE BONNAFE

précis de Ao^cocuç et de Xo£rj, témoignant ainsi qu'aux yeux d'Ératosthène les


lignes des anciennes cartes semblaient bien « obliquer » par rapport à l'axe
Est-Ouest de la carte tel que lui-même le traçait, c'est-à-dire confondu avec
le parallèle de Rhodes.
Mais Hipparque qui, de son côté, pour cette partie de la carte, s'en
tenait, faute de « preuves » véritables (c'est-à-dire faute d'observations
scientifiques menées sur le terrain) au tracé ancien rejeté par Eratosthène,
s'indignait en revanche que ce dernier considérât comme négligeables par
rapport aux dimensions de l'ensemble — c'est du moins la défense avancée
par Strabon 13 — les quatre cents stades séparant le parallèle d'Athènes de
celui de Rhodes. C'était en fait « dévier » — anamorphoser, mais, cette fois,
vers le Sud, comme le fait Strabon 14 — le tracé du Sounion pour l'amener à
la latitude des caps les plus méridionaux du Péloponnèse. Et Strabon lui-
même, indulgent sur ce point, considère à son tour comme erronée la
position relative qu'Ératosthène attribue à Rome en la plaçant sur le même
méridien que Carthage, « alors », dit Strabon, « qu'elle se trouve tellement
plus à l'Ouest»15. Une sorte de déviation vers l'Est s'ajoutait donc à la
déviation en direction du Sud. Il semble bien que, dans sa SiopOcocuç, pour
redresser la carte ancienne dont les lignes, selon lui, fuyaient trop vers le
Levant d'été, Eratosthène, par un excès inverse, tout en alignant
scientifiquement l'axe central Est-Ouest sur le parallèle de Rhodes, ait eu tendance à
accentuer la fuite des autres lignes de sa carte vers le Sud et vers l'Est à la
fois, c'est-à-dire vers le Levant d'hiver.
Considéré sous cet angle, le phénomène de la SiopOcoaiç géographique,
bien qu'il se fonde sur les progrès de l'esprit scientifique, témoigne lui-même
du fait que ce progrès ne parvient pas à compenser et à supprimer la

cf. II, 1.38 : ("iTTTiapxoç) xsXeusi r^xç, toTç xçyjxioic, 7Ûva£i ■Kçoozyzvt Ssofjiivoic 7ta[i.7ióXXcp tivI
è7ravop0w<7£ooç y\ ó 'EparoaOévouç tIvxZ, TrpoaSeTTai.
13. Cf. Strabon, II, 1.35 '. ó [xèv ouv §C 'A6t)vwv 7rapàXX7)Xo<; yvwfi.ovi,xwç XtjçOeIç xal ó Six 'PóSou
xaì Kapîaç eIxotcoç èv azxSioiç tchtoutoiç aîo07)T'/]v hzo'a]az tvjv Siacpopàv. 'O 8' èv tzKó.'zzi. fzèv Tpia/iXtwv
crraSîwv, \n\Y.zi Se xal T£Tpaxi<T[i.upiwv Ôpouç, TreXàyouç Se Tpiafiupuov Xa[x6âvwv -r/)v xnò Sûcrecoç èît'
iaruLzpiMxç àvaxoXàç ypxynLyyv... to ji.èv Tiapà 7ioXù SiajxapTavofievov Tiapopcov ÓTie^sTO) Xóyov (Sóxaiov yàp), to
Sé 7iapà (xixpòv oùSè 7tapiSwv èXeyxTeoç ècttiv.
14. Cf II, 1.40 : Kai yàp tò Souviov àxptùTTjpià^si ófiotcoc T/j Aaxcavtx^, où 710XÙ -^ttov
[xscn)!i.(3ptvó>T£pov Sv twv MaXswv, xal xoXtcov àTCoXa(i.pàvov à^ióXoyov. « Le Sounion est un cap au même
titre que la Laconie, puisqu'il n'est pas beaucoup moins méridional que le Malée et embrasse un
golfe d'une taille considérable. »
15. Ibid., plus loin : 'O Se xal tt)v 'Pwfrrçv TiOelç èrà TaÙTOÛ fi.ecn)fx(3pivoij ttjv toctoûtov xal
Kap^igSovoç SuCTfxtxwTÉpav, u7repPoXY)v oùx à7roXeL7t£i. iy\ç, twv totccov xtzzipixc, xal toutcov xal twv èîps^y
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 9

difficulté personnelle de chacun, fût-il géographe, à distinguer les régions


orientales et les régions adjacentes. La persistance de cette indistinction bien
au-delà de l'époque archaïque se trahit au travers des détails du tracé de la
carte et des critiques que celui-ci suscite. Elle tend à elle seule à confirmer la
primauté de l'axe Est-Ouest dans l'esprit des géographes, même quand ceux-
ci utilisent simultanément, pour construire leur carte du monde, des axes
secondaires perpendiculaires au premier (et les poètes continuent de même à
utiliser cet axe comme principe d'ordre à l'intérieur de leurs catalogues
géographiques 16).
Cet héritage du passé, cette difficulté à réduire au point cardinal de
l'Est, au Levant équinoxial, la zone des Levers, apparaît comme une
explication possible du fait que, dans la carte de Strabon comme dans celle
d'Eratosthène, l'axe central Est-Ouest tracé des Colonnes d'Héraclès aux
extrémités de la chaîne montagneuse qui borde l'Inde au Nord « correspond
en fait à une zone de mer, puis de terre, d'une largeur de trois mille
stades »17. L'un et l'autre géographe parlent d'une « ligne », ypafxfxr], mais il
s'agit plutôt d'une zone axiale, si bien que l'on comprend à la fois l'irritation
d'Hipparque devant ce manque de rigueur d'Eratosthène et le fait que
Strabon souligne que ses critiques sont inadéquates, parce qu'Hipparque les
mène en géomètre plutôt qu'en géographe (II, 1.40 :

Ce flou qui subsiste dans l'esprit des géographes n'est pas le seul facteur
susceptible d'expliquer l'effet d'anamorphose qui va de pair avec la primauté
de l'axe Est-Ouest à l'intérieur de la carte de l'oecoumène. Après celle des
mers intérieures et des côtes, la découverte des continents s'est faite
essentiellement selon cet axe : du côté de l'Est, d'abord, du côté de l'Ouest
ensuite et à un moindre degré.
L'estimation de la longueur totale, du [atjxoç, de l'oecoumène se fait
essentiellement à partir du point d'origine immuable que constituent, à
l'Ouest, les Colonnes d'Héraclès, même si l'on s'efforce souvent de prendre

16. Cf. Jacob, p. 274 : « Pour énumérer les peuples qui se déploient entre la Bithynie et la
Colchide, Apollonios de Rhodes (II, 346-97) partait du Couchant vers le Levant tandis que
Denys reprenant exactement la même liste l'égrène du Levant vers l'Occident en sens inverse
(DP 761-96); et p. 662 (à propos de Denys) : «circonscrite dans sa forme de açsvSovrj
l'oecoumène s'offre comme un espace limité dont on peut faire le tour et que l'on peut traverser
d'Ouest en Est... Gadeira est le point de départ de ces différents parcours, tous orientés d'Ouest
en Est... les îles de la Méditerranée sont énumérées d'Ouest en Est. »
17. C. Jacob, p. 559.
io ANNIE BONNAFE

en compte l'avancée que fait au-delà vers l'Ouest la péninsule ibérique.


Marin de Tyr et, après lui, Claude Ptolémée, au IIe siècle de notre ère,
reportent ce point d'origine plus à l'Ouest en le situant aux îles océanes des
Bienheureux, nos Canaries. Mais ils sont les seuls à ne pas se plier à ce qui
apparaît comme une sorte de diktat hérité des âges les plus lointains où ces
Colonnes constituaient les confins du monde — et les géographes
compilateurs des siècles suivants reviennent immédiatement à l'optique
tradit on el e. En revanche, le choix du lieu considéré comme le point le plus oriental de
l'oecoumène et, par suite, l'estimation de la « longueur » de celle-ci le long de
l'axe Est-Ouest varient d'une époque et d'un auteur à l'autre.
Par ailleurs, face aux voyages de Pythéas à l'Ouest et au Nord de
l'oecoumène, les géographes sont divisés. Eratosthène et Posidonios en
tiennent compte, Polybe et Strabon s'y refusent. La découverte « officielle »
du Nord-Ouest et du Nord-Est de l'Europe est contemporaine de Strabon 18,
mais elle reste encore très limitée. Au-delà de l'Elbe, tant vers le Nord que
vers l'Est, Strabon ne dispose d'aucune mesure précise, pas plus qu'il ne
dispose d'observations astronomiques scientifiquement établies, et la latitude
de l'embouchure du Borysthène, c'est-à-dire du Dniepr, lui apparaît comme
une des plus septentrionales à laquelle on puisse vivre.
Or, dès que l'on passe du connu au domaine des conjectures, la largeur
de l'oecoumène n'est plus, en réalité, celle de la portion de la terre que l'on
sait effectivement « habitée » 19, mais la largeur estimée de la zone tempérée,
c'est-à-dire celle des terres « qui peuvent être habitées » par opposition à
celles que l'on juge, en raison d'un excès de froid ou de chaleur,
« inhabitables » et donc « inhabitées » 20 — ctoixriTOi dans les deux cas :
l'adjectif a les deux sens et Strabon ne se soucie pas — le fait est significatif
— de préciser celui qu'il lui donne. Ainsi, tandis que l'estimation du fi.7jxoç se
fait en fonction de points de repère dotés d'une existence objective, celle du
ttXîxtoç, même si elle est chiffrée, est en fait limitée au Nord comme au Sud
par un critère subjectif : celui du climat « habitable ». Strabon le définit en
habitué du climat méditerranéen, en fait presque à la manière dont l'aède de
V Odyssée définissait la civilisation : en fonction de la présence de la vigne et

18. Cf. I, 2.1.


19. Comme le dit Strabon en I, 4.6 (fin) : xocXoO(i.£v yàp oixoupiiv/jv vjv olxoûfxsv xal yv<oç>iC,o[isv :
« nous appelons habitée (oecoumène) la partie de la terre que nous habitons et connaissons. »
20. II, 5.3 : eùxpàrouç fièv ouv cpaai ràç oixslaôai Suvafxévaç, àoix7]Touç Se txç àXXaç, ttjv fzèv Sià
xaù[i,a, tocç Se Stà
AUTOUR DE L'ITINERAIRE D'IO il

de sa capacité à fructifier 21 . Un moindre ethnocentrisme, le choix d'un autre


critère ou la connaissance d'autres manières de cultiver la vigne aurait pu
permettre à un autre géographe d'envisager en toute sérénité d'esprit la
possibilité d'une extension plus grande vers le Nord des régions habitables et
habitées, et donc du rcXa-roc de l'oecoumène.
Toutes ces sources de variations possibles dans l'estimation soit du
fxyjxoç soit du TîXaToç suffiraient à elles seules à modifier et principalement —
étant donné que la définition ethnocentrique du climat habitable, donc du
ttàoctoç, varie peu — à anamorphoser dans le sens du (jlyjxoç et de l'axe Est-
Ouest le tracé des masses continentales et des péninsules comme des mers de
l'oecoumène. Mais à cela s'ajoute en fait un autre facteur de déformation.
Chaque géographe cherche à « redresser », parfois à l'excès, la carte
antérieure parce que tel ou tel facteur, qu'il expose, l'amène à évaluer
autrement l'une de ses deux dimensions. Mais l'accord général s'est peu à
peu établi autour de l'idée que la plus grande longueur de l'oecoumène est à
peu près égale ou supérieure au double de sa plus grande largeur22 et il ne
remet pas parallèlement en cause l'estimation de ce rapport entre longueur et
largeur de l'oecoumène. Il est donc amené à « corriger »
proportionnel ement, mais cette fois, pourrait-on dire, par pure conjecture et par principe,
l'estimation antérieure de Vautre dimension.
Strabon analyse le phénomène de manière pertinente et l'expose avec
rondeur dans sa critique d'Eratosthène. Comme, dit-il, celui-ci s'est fondé
sur les récits de Pythéas pour repousser au Nord la limite de l'oecoumène du
parallèle de l'embouchure du Borysthène à celui d'un pays de Thulè dont
l'existence paraît à Strabon contraire au bon sens23, cette première erreur en
a nécessairement entraîné une seconde (SiafxapTwv Se tou ttàoctouç TjvàyxaaTai xai
toO [xrjxouç àï)
« ... Comme il a déterminé la largeur que j'ai dite, celle qui va des confins de
l'Ethiopie jusqu'au parallèle de Thulè, il étire plus qu'il ne faut la longueur
afin de la rendre supérieure au double de ladite largeur... et il ajoute aux
mesures prises dans la longueur d'autres stades encore — deux mille du côté

21. Cf. les raisonnements par les eìxótoc de Strabon, 1. 14-16 à propos de l'Hyrcanie, de la
Margiane, de l'Ariane et de la Bactriane (II, 1.14), opposées à la région du Borysthène ou de la
Celtique (II, 1.16).
22. Cf. Agathémère, I, 1-2, GGM, II, p. 471 et Dilke, p. 25-28.
23. Cf. e.g., Strabon, I, 4.3 : tò S'ìttò toû BopucrOévoui; ènl tòv Sia 0oûXt)ç xûxXov tîç âv Soîtj voûv
é/eav ; et I, 4.4 : tivi 8' âv xal <TTo^àcî(i.to Xéyot. ('EpaToaOévrçç) tò àra» toû Sià ©oûXtjç ëa><; toû 8tà
BopocOévouç [i.upîo)v xal ^iXîwv TievTaxoaówv oòy^ ópw.
12 ANNIE BONNAFE

du Couchant et deux mille du côté du Levant — pour préserver le fait que la


largeur n'est pas plus grande que la moitié de la longueur. »24

Mais, par une démarche symétrique, parce qu'il refuse, au contraire,


d'accorder la moindre créance aux récits de Pythéas et limite donc au Nord
le rrXaToç à la latitude présumée de Iernè (l'Irlande), Strabon réduit
proportionnellement l'estimation du \ir\xoc au lieu de parvenir à une
estimation différente des proportions de l'oecoumène.
Ce trait remarquable constitue en un sens un facteur de stabilité de
l'image du monde : d'une génération ou d'un géographe à l'autre, ses
proportions d'ensemble sont toujours sauvegardées.
Mais le cas de Strabon met en évidence un autre phénomène. Il n'a pas
conscience de procéder en fait exactement comme il reproche à Eratosthène
d'avoir fait. Pour justifier la modification qu'il apporte à l'estimation de la
deuxième dimension (du fxvjxoc, qu'en réalité il n'a pas réévalué en fonction
de connaissances nouvelles le concernant directement, mais seulement en
fonction de sa réévaluation du t:\6ltoc, qui, elle, est raisonnée), il n'invoque
pas l'existence de ce rapport mathématique qui, de l'avis des meilleurs
esprits (I, 4.5 : ofzoXoyouaiv xal ot ucrrspov xal tcov tcxXoucov ot ^aptéaTocToO, l'unit à
la première. Il incrimine plutôt la méthode utilisée avant lui pour déterminer
les alignements géographiques selon lesquels cette dimension doit être, à son
avis, mesurée. Hipparque faisait ainsi pour remettre en question l'estimation
du tiXoctoç donnée par Eratosthène — et Strabon remet vigoureusement en
question le type de critiques auquel il arrivait (II, 1.22-29, 34> 36-9).
Strabon, lui, estime que chez Eratosthène « les longueurs ne sont pas prises
comme il faut » (II, 1.33 : oùx su youv Xa^êàvexat, xà fi."/)X7]), c'est-à-dire selon
des lignes strictement parallèles à l'axe suivant lequel il a estimé le (jirjxoç
général de l'oecoumène (II, 1.32).
Le résultat pratique est, dans les deux cas, le même : le tracé général de
l'oecoumène conserve globalement ses proportions antérieures, mais le tracé
du détail de la carte se trouve à tout instant « redressé » (ou déformé). Quand

24. Strabon, I, 4.5 : AiafjiapTwv 8è toû uXoctouç TjvàyxaaTai xai toû (i.r)xouç àtrTo^ew. "Oft (xèv yàp
TrXéov 7) 8nzki.ciov to yvwpifxov [xvjxoç èffTi toû yvoopîfxou ttXOctouç, ofxoXoyoûai xal oî ûorepov xal twv àXXcov oî
^apiicrraTot. • Xéyw Se <tò> òltzò twv axpcov tyjç 'IvSixyji; èra xà âxpa vf\ç, 1ipyjpia<; toû <xti> Aì6iÓ7tcov iute, toû
xaTa 'Iépvyjv xuxXou. 'Opoffaç Se to Xsyfòkv 7iXâTO<;, tò amò tcjv èa^aTcov Atooómov ^éxp1 T0" ^l* ©oûXvjç
èxTEivet ttXéov 75 SeT tò [rîjxoç, iva Trof/jc"/) 7rXéov r\ SurXaaiov toû XexOévToç 7TXàTouç. (...) Il pocmôrjen <ts> toTç
iç toû [i.7]xouç S(.a<7T7j(i.aaiv aXXouç (TTaStouç ^\.ajikio\iç, [isv 7upoç t1^ Sûast, Suy^iXtouç Se izçoc, tïj
, iva aùori tò [xsTov t) 7]fnau toû pi7]xouç tò 7rXàToç eïvai.
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 13

une connaissance plus précise de l'Ouest de l'Europe se développe, à


l'époque de la prépondérance romaine, la coexistence entre les nouvelles
mesures de la largeur de l'oecoumène dans cette région et le respect de la
tradition a une conséquence remarquable. Le rapport idéal (« naturel », xccxà
9ÓCJIV, disait Eratosthène25) entre longueur et largeur maximales est
maintenu sur les axes traditionnels de la carte — parallèle de Rhodes et méridien
d'Alexandrie — que l'on conserve comme premières lignes de la carte. Mais
pour tenir compte, simultanément, des nouvelles mesures de la largeur prises
à l'Ouest, on passe, du dessin rectangulaire antérieur de l'oecoumène à une
figure en forme de fronde (comme Posidonios) ou (comme Strabon) de
chlamyde, elle-même inscrite dans le rectangle originel26, ce qui accentue
encore, par rapport à l'idée que nous nous faisons du « bon » tracé des
contours des masses continentales et des péninsules, l'effet d'anamorphose.
Sur la carte plane, qui, de toute façon, offre, de l'oecoumène, une image
moins fidèle que ne serait sa représentation sur le globe terrestre, les
méridiens sont représentés par des droites dites perpendiculaires à l'axe
central et donc, en principe, parallèles entre elles, comme dans nos
projections orthogonales. Mais en fait, dit Strabon, ces droites, au contraire
de celles qui, sur nos cartes, représentent les méridiens, « convergent un
peu » 27 et les extrémités de l'oecoumène, à l'Ouest surtout, s'effilent en
queue de rat (II, 5.6 : zìe, fxuoupov ayr\\i<x).
Ainsi, chez Strabon (qui, en outre, parce qu'il rejette toute information
venant de Pythéas, dénie toute existence à la péninsule armoricaine), la côte
Sud de la (Grande-)Bretagne s'étire-t-elle sur cinq mille stades
parallèlement à celle de la Celtique, des confins Nord de la chaîne pyrénéenne jusqu'à
l'embouchure du Rhin, lequel, comme la Loire, est parallèle aux Pyrénées
(II, 5.28).
L'exemple ci-joint d'anamorphose dans le sens Est-Ouest de notre carte

25. Cf. Strabon. I, 4.6, paraphrasant Eratosthène : napafi.u6oufi.evoc S' ètù tîXéov, 8ti xoctx «pûcriv
lazi to òctzo xvaToXyjç ztzI Suctiv Siacrr/jfAa [itì^oM Xéysiv, xaxà çucriv çvjcrlv eïvou àrco tîjç îu> ~poç ttjv ta— épav
[AaxpOTÉpav eïvai tt]v otxoujjtivrjv.
26. Cf. Strabon, II, 5.14 : Ad 8?) vocerai TiapaXXirjXóypafifAÓv ti, èv a> tò -/XafxuSoeiSè:; a^wa.
èyyéypa^Tat outcoç, oîotz to [i.vjxoç tw fr/jxsi óji.oXoysTv xal terov eïvai to [xéytaTov, xal to 7îXaTOÇ tô> 7rXaT£t.
« II faut concevoir un rectangle dans lequel la figure en forme de chlamyde est inscrite de
manière à ce que la longueur de l'une soit proportionnelle à celle de l'autre et au maximum égale
à elle, comme la largeur de l'une vis-à-vis de la largeur de l'autre. » Cette définition permet en
fait n'importe quelle modification du tracé initial considéré dans le détail.
27. II, 5.10 : èv tô> £7:i7:éScp ys où Sioóaei t^Îvocxi txç sùOsiaç jxixpòv auvvsuooaac ttoieïv (xóvov t3cç
ac • contra, II, 5.16 : Sùo Xoc6eïv eùOeîaç aî tÉ|ì.vou(tou Trpòc ôpOàç àXXTrjXat;... Cf. supra, n. 8.
H ANNIE BONNAFÉ

en projection orthogonale de l'Europe, anamorphose simulée par un


traitement informatique approprié (planche 2), constitue un assez bon
analogue de la carte que l'on peut construire et dessiner à partir du texte de
Strabon — pour peu que l'on veuille bien, comme fait ce dernier, en effacer
mentalement l'Armorique et reporter au Nord du triangle très aplati de la
Grande-Bretagne le rectangle de l'Irlande. Pour rendre l'image plus
parlante, l'anamorphose a été forcée, le rapport entre longueur et largeur
porté à une valeur nettement supérieure à deux.
Sur la simulation, l'extrémité la plus occidentale de la côte Sud de la
Grande-Bretagne ne se trouve pas « en face » (<xvti), c'est-à-dire sur le
méridien, du point le plus septentrional des Pyrénées. Pour qu'elle s'y
trouve, il faudrait encore la décaler vers l'Est, courber le méridien : il
faudrait que l'anamorphose se trouve en outre inscrite non point, comme ici,
dans un rectangle, mais dans les contours de la figure en forme de chlamyde
plus « effilée » à l'Ouest dont parle Strabon. De même, pour que l'extrémité
de l'Attique puisse être considérée comme située « guère moins au Sud » (II,
1,40) que l'extrémité Sud du Péloponnèse, le Cap Malée, il faudrait que le
point de fuite de l'anamorphose se situe lui-même plus au Sud ; non pas au
Levant équinoxial, mais au Levant d'hiver. La zone des Levers continue, on
l'a vu, à brouiller les lignes de la carte dans l'esprit de Strabon. En revanche,
l'on perçoit assez bien pourquoi « il faut », en quelque sorte, que la chaîne
pyrénéenne, dans la carte de Strabon, coure Nord-Sud, dans le sens du
tcXcxtoç, comme le Rhin, puisque, selon le géographe, elle barre la partie la
plus resserrée, le « cou » de cette « peau de bœuf » qui constitue, dit-il, la
meilleure approximation possible du contour de la péninsule ibérique (II, 5-
27) et forme le côté Est de cette péninsule.

3. L'orientation des cartes anciennes.

La carte anamorphosée a été présentée ici orientée l'Est en haut,


conformément à l'hypothèse émise plus haut au sujet de la carte mentale de
l'itinéraire d'Io, et conformément, aussi, à un type de carte bien connu :
celui des cartes-images médiévales que l'on appelle parfois cartes en T-O,
qui représentent, dans le cercle de l'oecoumène, l'Asie en haut, avec le
Paradis terrestre, et, au bas de la carte, séparées par la Méditerranée,
l'Europe à gauche et l'Afrique à droite. Ce type d'orientation différent du
nôtre n'est donc pas sans exemple.
dans le sens Est-Ouest
orientée vers l'Est en
sur ordinateur de H. Duchêne).
Illustration non autorisée à la diffusion
16 ANNIE BONNAFÉ

Rien ne permet, en fait, de supposer, comme on le fait presque toujours


de manière implicite et, parfois, explicitement, que, dans l'esprit des
géographes ou sur les cartes de l'Antiquité — cartes ioniennes ou cartes
ultérieures — « l'Europe occupait la partie supérieure » de la carte 28 ou, si
l'on préfère, que le dessin de l'oecoumène était imaginé ou tracé avec le Nord
en haut. Les traités théoriques des géographes grecs n'abordent jamais
directement ce point et dans leurs œuvres, à l'intérieur des catalogues de
peuples qu'il leur arrive, comme aux poètes, de dresser, comme dans leurs
descriptions du monde ou de certaines de ses régions, les notions de « haut »
et de « bas » n'interviennent pas, même si, comme Strabon, ils indiquent
expressément que leur exposé se fonde sur la carte qu'ils ont dressée29. La
préposition urcép, qu'on pourrait être tenté de traduire par « au-dessus »,
s'emploie chez eux comme l'adverbe àvco pour désigner l'intérieur des terres,
ou, simplement — et dans toutes les directions — ce qui est « au delà » de la
région précédemment nommée. Ainsi Hérodote peut-il créer le mot (et le
concept) d'Hypernotiens pour tourner en ridicule l'idée qu'il puisse exister
des Hyperboréens30.

La carte d'Ephore.
Nous connaissons par deux sources littéraires principales et par un
schéma la « carte » du monde proposée par Ephore de Cumes et l'on
s'accorde généralement à y voir un héritage des cartes ioniennes bien que,
datant de la seconde moitié du IVe siècle, elle abandonne la représentation
circulaire de l'oecoumène encerclée par le fleuve Océan (déjà remise en cause
par Hérodote) au profit de la représentation rectangulaire qui s'impose aux
esprits à partir de l'époque de Démocrite et sous son influence.
La source principale la plus ancienne, la Géographie de Strabon, date de
l'époque augustéenne et ne s'accompagne, dans les manuscrits, d'aucune
représentation graphique. La plus récente, qui paraît citer in extenso l'extrait
du livre IV du traité d'Ephore que Strabon résume, date du VIe siècle de
notre ère, puisqu'il s'agit de la Topographie chrétienne de Cosmas Indico-

28. Pedech, p. 33 ; pour l'affirmation implicite, cf. e.g., R. Flaceliere, Devins et oracles
grecs (Paris, 1972, P.U.F., Que sais-je?, n° 939, ire éd., 1961), p. 16 : « Si l'oiseau apparaissait à
main droite d'un observateur placé face au Nord, c'est-à-dire si on le voyait à l'Orient, qui est la
droite du monde... » (c'est moi qui souligne).
29. Strabon, II, 5.1 1 : xal Stj xal tòv klfìc, Xóyov wç èv èraTréSco mvaxi ttjç ypacpTJç
30. Hérodote, IV, 36 : et Sé stai Ù7iep6óp£oi Tiveç òtvOpcoTcoi, elal xal ÓTiepvÓTioi, aXXoi.
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 17

pleustès. Comme celui-ci « ne perd jamais de vue l'illustration, qu'il tient


pour partie intégrante de l'œuvre »31, il accompagne la citation (II, 79) du
dessin correspondant, parce que, dit-il, « à l'aide du texte et du dessin (xal
Xóyqi xal xfj xaTaypacpfj), Éphore expose de la même façon que la divine
Écriture la position de la terre et la révolution des astres »32. Cette « carte
d'Éphore... citée et dessinée par Cosmas afin de confirmer par l'autorité des
Anciens ses propres opinions... n'est connue que par la Topographie33 — ou,
plutôt, par les trois manuscrits principaux de cet ouvrage : le Vaticanus (Vat.
Gr. 699), manuscrit du IXe siècle confectionné à Constantinople, et deux
manuscrits du XIe siècle, écrits l'un en Cappadoce (Sin. Gr. 1186), l'autre
probablement au couvent d'Itiron au Mont-Athos (Laur. Plut. IX, 28) 34.
Ces derniers reproduisent le dessin du Vaticanus et le doublent d'un second
qui n'en diffère que par les annotations et l'ajout du soleil levant et du soleil
couchant35. La planche 3 a reproduit le schéma du Vaticanus d'après
l'édition de W. Wolska-Conus.
On le représente généralement ainsi, d'après le dessin qu'en donne
F. Jacoby (F. Gr. Hist. 30, cf. pi. 3 b) :

NOTOS
LEVANT D'HIVER COUCHANT D'HIVER

I ETHIOPIENS
N
Illustration non autorisée à la diffusion
18 ANNIE BONNAFÉ

II est donc orienté le Sud en haut, et ce trait est confirmé par la seconde
version de la carte apportée par le Sinaïticus et le Laurentianus, puisqu'on y
voit « à l'angle supérieur gauche le soleil figuré par un visage humain et
désigné comme soleil levant, ainsi qu'à droite, disparaissant à moitié derrière
le rectangle de la terre, le soleil couchant»36.
Pourtant le résumé de Strabon comme la citation du texte d'Ephore
chez Cosmas suggèrent tous deux une orientation différente du rectangle,
orientation identique dans les deux cas. Ils énumèrent dans le même ordre
les peuples qui occupent les quatre parties ou, plutôt, les quatre confins du
monde : les côtés du parallélogramme d'Ephore qui est visiblement centré
sur l'Egée et orienté en fonction des quatre vents dominants de cette région.
Ils citent d'abord les Indiens, « du côté de l'Apéliotès (Cosmas précise : « et
dans la région proche des Levers ») ; puis les Éthiopiens, « du côté du
Notos » (Cosmas ajoute : « et du Midi ») ; « du côté du Couchant » (chez
Cosmas : « du côté du Zéphyr et des Couchers »), les Celtes ; et, pour finir,
« du côté du vent Borée » (« dans la région du Borée et des Ourses », dit
Cosmas), les Scythes37.
La « carte parlée », chez Cosmas, qui cite Ephore, comme chez Strabon,
qui le résume, donne donc la primauté à la région des Levers et suit le
mouvement apparent du soleil au-dessus de la terre habitée. L'ordre

36. Wolska-Conus, t. I, p. 397, n. 801, fin (voir texte complet, infra, n. 44).
37- a) Strabon, I, 2.28 : Mtjvóei Se xal "Ecpopoç ttjv TraXaiàv nzpi ttjç Aì8io7ua<; Só^av, 8ç çtjchv èv tc5
tzzçi T% Eûp(ï)7n)ç Xóyw, twv 7repl tÒv oùpavòv xal ttjv yîjv totcwv zìe, TÉrrapa jxepy; SnrjpYjfjivwv, tò Tupòc tòv
à7T7)Xt(ÓTif)v 'IvSoùç £X£tv» TCpoç vótov Se AiSîoTraç, rcpòc SótTiv 8è KeXtoûç, 7tpoç Se (Soppâv àvsfiov SxuSaç.
npocmOirjai S', 6ti (aeîÇwv rj Ai6iO7Ûa xal tj SxuGia • Soxeï yâp, (pf]ai, tò twv AîGiOttwv eôvoç rcapaTEÓveiv àrc'
àvaToXwv ^EifiEpivwv piéxp1 Sua^wv, y\ 2xu6ïa S' àv-uxei-nxi toutw (= F. Gr. Hist., 70.30a). On a peut-
être un écho de ce texte dans Strabon, I, 4.5 (voir supra, n. 24) qui cite : 1) l'Inde, 2) l'Ibérie,
3) les Ethiopiens, 4) le cercle de Iernè et suit donc d'abord l'axe Est-Ouest, puis l'axe Sud-
Nord.
b) Cosmas Indicopleustès, Topographie chrétienne, II, 79 (éd. Wolska-Conus, t. I, p. 395,
397) :
'Ecpópou èx tîjç S' 'Itrroptaç
79. Tòv [i.èv yàp 'A7rr)Xi.ó)TY)v xal tov èyyùç .àva-roXwv -rÓ7rov 'IvSol xa-roixoûcri, tov Se izpbç
NÓtov xal [i.£CT7)[xpptav Al0iO7re<; véfiovxai, tov Se xtco Zeçupou xal Suajxcov KeXtoI xaxs^ouai, tòv Se
xaTa Boppâv xal tocç apxTouç SxuGai, xaToixoûcrtv "Ectti (xèv ouv oùx ïcrov exaaxov toótwv twv (xepwv,
àXXà tò [xèv tcôv SxuOcôv xal tcov AIOoótccov [ìeì^ov, tò Ss twv 'IvSwv xal twv KsXtwv eXaTTov. Kal
S 7iapa7tXy)aiov éxaTÉpwv àXXyjXoiç ïxzi T0^ ^ó^ou tò (iéyeôoç. Oî (xèv yàp 'IvSoi zlai (xeTa^ù Oepivwv xal
X£i(i.£pivwv àvaToXwv, KsXtoI Se tyjv amò Oepivwv (xé^pi xzi\izpiv(x>\i Sua[iwv ](wpav xaT£}(oucR. Kal toûto
[zèv ïtrov È(ttIv èx£ivw tò SiàtJTTjfxa xal [lâXiazo. tcwç àvTtx£i[X£vov. 'H Se twv 2xu6wv xaToixigaiç
toû (xèv tjXîou tyjç 7C£piçopâç tov StaX£tTCovTa xaTÉ^ei TÓ7rov, àvTtxaTat Se 7ìpòi; tò twv AlGiótcwv
£0vo<; ô SoxeT 7rapaT£iv£iv cai àvaToXwv ^£i[i.£pivwv (xé^pi Sucrfxwv twv
(= F. Gr. Hist., 70.30b).
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 19
Pl. 3. — Le « rectangle d'Ephore » : représentations.

a) Fac-similé de Cosmas, Topographie chrétienne, II, 80 (éd. Wolska-Conus,


t. I, p. 397).

80. Oîjtoç ó "Ecpopoç TtaXouoç è<ra auyypacpeuç, cptAoaocpoç xal îcm>pioypà<poç.

rfi

CKY

D 'Axpi(iia>ç ó "Eçopoç xal Xóyw xal t^ xaxaypaç^, cîx; 7) ôeta


rpaçï], SiTjyeÏTat, ttjv Oécnv ttjç y^ç xal xcov aaxpcov tyjv
5 7ispicpopàv.

79, 15 àvaToXcûv : xal add V.


ante 80 IlapaypafpY) om LS.
80, S irepicpopàv : Outoç yàp 6 "^Ecpopoç èyévsTO taTopioypacpoc, ôç èv
àpTY] auToû [(Txopîa xaÛTa (7uyYpatJ;à(i.£voi; StyjYTjcraTo add LS.

b) Représentation du même dessin F. Gr. Hist. 70.30b (p. 51).


NOTOZ
XEIMEPINH XEIMEPINH
ANATOAH
/ AIGlOnEZ K
N E
A A
AnHAlSTHE 0 T ZEQYPOI.
1 0
I

9EPINH ANATOAH 6EPINH


BOPPAI
' AxQi(3â)Ç 6 "EyoQoç xal Xóycoi xal rfj xaraygatpfji... ôirjyelrai ttjv déotv rfjç yfjç xal
TÔJV aOTQCJV TTjV 7lSQl(pOQâv.
2O ANNIE BONNAFE
d'exposition des peuples est le même dans les vers de la Périégèse du Pseudo-
Scymnos qui, à peu près un siècle avant Strabon et sans nommer Éphore,
s'inspirent visiblement du même passage ou du même dessin de son
œuvre38.
Si l'on s'efforce de tirer de ces deux (ou trois) textes la carte mentale
unique qui les sous-tend, il semblerait logique de commencer par dessiner le
côté Est du rectangle, c'est-à-dire de le représenter ainsi :

INDIENS

E
S T
c H
Y I
T 0
H P
E I
S E
N
S

CELTES

orienté l'Est en haut, comme nous est apparue, parce que son point de
référence unique est la région des Levers, la carte qui sous-tend les récits de
l'itinéraire d'Io dans le Prométhée. Il y a divergence entre l'orientation
suggérée par le texte d'Éphore et l'orientation avec le Sud en haut de la
« carte » qui accompagne ce texte dans les manuscrits de la Topographie
chrétienne.
Quelle était donc au juste l'orientation que donnait Éphore au dessin
dont il illustrait son traité ? S'il faut lui imputer cette divergence entre le
texte et l'illustration qui l'accompagne, on pourrait y voir une trace de
l'indistinction déjà notée entre régions orientales et régions méridionales.
Mais on ne peut éliminer complètement l'hypothèse que cette divergence

38. Pseudo-Scymnos, v. 170-174 (GGM I, p. 201) :


rrçv [xèv yàp èvTOç àvaToXâJv Tîâaav cr/eSòv
olxoûaiv 'IvSoî, ttjv Ss 7Tpoç [iscnr)fi.ëpîav
At0tO7î£Ç èyyùç xsifi.svoi. votou ttvotjç
tÒv arcò Çeipupou KsXtol Se [xé^pt Sucrfitov tottov
'

6spwâ>v s^oucjiv, tÒv Sé Tcpòc, [soppàv Zxoôai.


AUTOUR DE L'ITINERAIRE D'IO 21

n'ait existé ni dans l'esprit ni dans le traité d'Ephore et que cette confusion
ait été, dix siècles plus tard, le fait de Cosmas lui-même ou des copistes à qui
l'on doit les manuscrits de la Topographie.
Dans ses propres représentations de la terre, se méprenant sur le sens
d'une source ionienne qu'il utilise et qui « expliquait le phénomène des jours
et des nuits à l'aide de l'inclinaison du disque terrestre de 450 par rapport à
l'équateur »39, Cosmas oppose en effet constamment la zone Est et Sud de
l'oecoumène, qui, selon lui, sont l'une et l'autre « basses » (%6a[xaXà : II, 31,
IV, 10), « chauffées par le soleil » et « plus chaudes, d'où vient précisément
que les corps de ceux qui habitent ces régions sont plus noirs » (II, 33), aux
zones Ouest et Nord, « très élevées » (u^Aótocto. : II, 31, IV, 10) ou, du
moins, « plus élevées » que les premières, et « éloignées du soleil », donc
« plus froides, d'où vient précisément que les corps de ceux qui les habitent
sont plus blancs » (II, 33) 40.
En outre, si les « remaniements de copistes » que W. Wolska-Conus
juge « manifestes » dans la seconde version de la carte d'Ephore proposée par
les deux manuscrits du XIe siècle « raccordent davantage le dessin avec (sic) la
terminologie et les représentations de Cosmas », on peut hésiter à en déduire
avec elle que ces remaniements « font aussi ressortir le caractère authentique
de la carte d'Ephore et en même temps la fidélité de Cosmas au modèle
copié »41.
Que faut-il entendre au juste par « le caractère authentique de la carte
d'Ephore » ? Nous ne disposons pas de cette carte. Quant au dessin qui la
représente dans les manuscrits de la Topographie chrétienne, qu'il soit ou non
fidèle à celui de l'original de l'œuvre de Cosmas (ce qui est un autre
problème), sa « fidélité » au dessin qui illustrait le traité d'Ephore reste en
tout cas à démontrer dès qu'on quitte le domaine précis des annotations qui
sont, elles, conformes au texte d'Ephore cité par Cosmas et résumé par

39. Wolska-Conus, t. I, p. 548, n. io1.


40. COSMAS, Topogr. chr. II, 31. T9jç 8è yyj; TaOTYjç, i\c, obcoûfzev, Ta fxèv pópeta [xépT] xal SuTixà
ûyyjXOTara 7:àvu start, Ta Se àvaToXixà xal vÓTia ^«[^aXà xaxà àvaXoyîav. II, 33. Ta Se àvaToXixà xal v<ma
fiipT), wç yfixyLxkx xal èx toû tjXwu 7rspt.0aX~ofj.sva, 0sp;xOTEpa T'jyxâvsi, 60sv xal Ta awfi.aTa tôSv oixouvtcov
toùç to—ouç [jisXavwTspa Tuy/âvet.. Ta Se pópeia xal SuTtxà, wç û^XOTspa xal (xaxpàv toû yjXiou Tuy^àvovTa,
vJ/y/pÓTEpa T'jy/àvsi, Ôôev xal Ta aó)[i.aTa twv oÎxouvtcûv XeyxÓTSpa Tuy^âvei, ÉauTOÙç — £pi0àX7TOVT£ç Sià to
xpyoç. IV, 10. "Eoti Se Ta àvaToXtxà aÛTTJç (se. Taurrçç tyjç y^ç ^ç vûv oixoGjxev àv0pco~ot) [tipt] xal Ta vÓTia
-/afX7]Xâ, pópsia xal SuTixà ó^yjXÓTaTa, x6a(xaXôii; xal àve7iai<T07)Tw<; xeifiévv).
41. Wolska-Conus, t. I, p. 397, n. 801, fin : « Ces manifestes remaniements de copistes,
s'ils raccordent davantage le dessin et la terminologie avec (sic) les représentations de Cosmas
font aussi ressortir le caractère authentique de la carte d'Ephore et en même temps la fidélité de
Cosmas au modèle copié. »
22 ANNIE BONNAFE

Strabon. Sous le rapport des proportions, cette « fidélité » est du même ordre
que la fidélité du dessin de Jacoby à celui qu'il reproduit.
Les manuscrits, si l'on en croit le diagramme établi par Wolska-Conus,
attribuent au rectangle d'Ephore une longueur quadruple de la largeur,
c'est-à-dire un rapport entre \ir\v.oç, et uXàroç qui ne correspond à l'estimation
d'aucun géographe ancien, de Démocrite à Ptolémée. Le dessin de Jacoby
restitue visiblement à l'oecoumène les proportions que lui attribuait
Dicéarque à la fin du IVe siècle (L = 1 4- — , L étant la longueur, 1 la
largeur). Mais on ne peut savoir avec certitude si Dicéarque, sur ce point,
suivait Ephore ou s'il faisait, plutôt, œuvre originale. Et si cette estimation
du rapport entre pjxoç et ttXoctoç est celle de Dicéarque, non d'Ephore,
plusieurs hypothèses sont possibles, sans qu'aucune puisse être, a priori,
rejetée. Ephore a pu ne pas prendre une position précise sur ce point (c'est
l'hypothèse la moins vraisemblable, mais on ne peut l'exclure : dans le
passage qui va de pair avec sa « carte », il se borne à dire que « le côté des
Scythes et des Éthiopiens est plus grand, celui des Indiens et des Celtes
moins grand »). Il a pu se ranger à l'une des trois estimations de ce rapport
antérieures à son traité : celle de Démocrite (L = 1 H —), celle d'Eudoxe
2
2l
(L = 2I) ou celle d'Aristote (L = 1 + — ). Il se peut aussi qu'il ait eu
sur ce point une opinion personnelle différente de celle de ses prédécesseurs
et différente aussi peut-être de celle qu'expose Dicéarque. On ne peut
considérer comme une caractéristique de la carte d'Ephore ni les proportions
que lui prête Jacoby ni celles que lui prêtent les manuscrits.
Du point de vue de l'orientation, Jacoby est d'une entière fidélité aux
dessins des manuscrits. Mais une telle indifférence de ceux-ci (qu'elle vienne
des copistes ou de Cosmas lui-même) au problème des proportions de
l'oecoumène n'est pas de nature à nourrir la croyance à leur « fidélité au
modèle copié » en ce qui concerne cet autre élément du code cartographique
qu'est l'orientation.
On ne peut s'empêcher de noter que si aucune illustration de la
Topographie ne représente l'oecoumène orientée l'Est en haut — alors que la
plupart des cartes de l'époque des manuscrits sont représentées de la sorte,
du moins dans les manuscrits chrétiens — la représentation du monde avec
le soleil levant à gauche, c'est-à-dire avec le Sud en haut n'en est pas absente
{cf. planche 4).
AUTOUR DE L'ITINERAIRE D'IO

Pl. 4. — Oecoumène représentée le Sud en haut (ms. du XIe siècle).

Illustration de la Topographie chrétienne de Cosmas dans les deux manuscrits du xi'siècle


(Sinaïticus, fol. 67' = Laurentianus, fol. 93', d'après l'éd. Wolska-Conus, t. I, p. 187. Cette
représentation apparaît comme une variante de ces deux manuscrits par rapport au Vaticanus
{cf. Wolska-Conus, t. I, p. 105 et 181).
La « terre habitée », au centre du dessin, est entourée par « l'Océan encerclant la terre
entière »; en haut à gauche : « le soleil levant »; au milieu du bord droit du dessin :
« le soleil couchant ».

La Topographie chrétienne est l'ouvrage d'un polémiste — et d'un


polémiste dont les idées relèvent d'une école de pensée qui, quelques années
plus tard, est taxée d'hérésie42. Sur le point précis qui nous intéresse ici,
Cosmas est soucieux de prouver que, « par le texte comme par le dessin » qu'il
reproduit, « Éphore expose de la même façon que la divine Ecriture » telle que
la comprend Cosmas « la position de la terre et la révolution des astres »43.
Diffuser l'ouvrage de Cosmas après la condamnation des Nestoriens, c'est
également faire œuvre de polémiste.
On ne peut exclure complètement (même si on ne peut en avoir la
certitude) que, pour accorder davantage à celle de Cosmas la représentation
42. Cf. Wolska-Conus, t. I, Introduction, p. 15 : « Nestorien écrivant à la veille du Concile
de 553 qui allait condamner ses maîtres préférés. »
43. Cf. II, 80 : àxpioôx; ó "Ecpopoç xal Xóyw xal r/j xaTaypacfj wç yj 6eîa FpaçTj St^yârai tt;v Géaiv
tîjç y/jç xal twv àcrrpcov -rrçv rspicpopàv.
24 ANNIE BONNAFÉ

du monde proposée jadis par Ephore et utilisée à l'appui des thèses de la


Topographie, Cosmas lui-même ou les copistes et illustrateurs ultérieurs de
son traité aient été amenés à modifier l'orientation originelle du
parallélogramme d' Ephore : à préférer leur carte mentale orientée au Sud à celle qui
ressort du texte écrit par Ephore et dont l'orientation à l'Est se trouvait peut-
être aussi, à l'origine, confirmée, plutôt qu'infirmée, par le dessin de la main
d'Éphore qui la matérialisait. C'est bien ainsi que font spontanément (et sans
même avoir la moindre intention polémique) les commentateurs modernes
— W. Wolska-Conus exclue — lorsque, confrontés à un croquis orienté le
Sud en haut et un texte qui donne la primauté à l'Est et traite du Nord en
quatrième position seulement, ils considèrent, eux, d'abord le côté Nord,
puis le côté Sud du rectangle d'Éphore, à l'exclusion des deux autres
côtés ^ : ils lisent et commentent, non ce qu'ils ont sous les yeux, mais leur
propre carte mentale.
La seule conclusion certaine à laquelle on puisse parvenir en ce qui
concerne l'orientation de la carte d'Éphore est au contraire qu'elle n'était
assurément pas orientée comme les nôtres, le Nord en haut, mais soit le Sud
en haut (selon le dessin des manuscrits) soit l'Est en haut (selon le texte
d'Éphore).

44. Cf. e.g., Ballabriga, p. 149 : « Les quatre côtés de l'oecoumène rectangulaire sont
constitués par les levants et couchants d'été et d'hiver tels qu'on peut les observer en Ionie.
Tandis que le côté Nord du rectangle joint le levant d'été... et son symétrique, le couchant d'été,
le côté Sud s'étend à son tour du levant d'hiver au couchant d'hiver. » Contra, la description de
Dilke, p. 27, et celle de Wolska-Conus, t. I, p. 396, n. 801 : « Les trois mss placent ici la carte
d'Éphore, un rectangle allongé qu'une inscription au milieu désigne comme figurant la « terre ».
Tout autour on lit les noms des directions de l'univers : « Apèliotès » désignant l'orient, placé à
gauche, suivant certaines habitudes cartographiques grecques ; en haut « Notos » — le sud, car le
soleil à son lever monte et se dirige à droite ; à droite « Zéphyr » — l'occident ; en bas « Borras »
— le nord. À gauche, en haut et en bas, sont indiqués « lever d'hiver » et « lever d'été » ; de
même à droite, « coucher d'hiver » en haut, « coucher d'été » en bas, pour évoquer la longueur
variable des jours et des nuits au cours de l'année. Dans le rectangle même on lit, en haut
« Éthiopiens », en bas « Scythes », à gauche « Indiens » et à droite « Celtes ». — Le Laur. et le
Sin. contiennent une deuxième version de cette carte. Ils la placent au bas du folio précédent, le
Laur. après les mots « ...7tepivocTT7)(TavTe<; xal [aTopioYpaepYjaavTsc » (II, 78), et le Sin. après « ...àXXà
tò [xèv twv SxuGwv xal twv AîOiotccov [asTÇov » (II, 79). Ils suppriment les inscriptions aux angles et
substituent aux noms d'Apèliotès, Notos, Zéphyr et Borras les noms habituellement employés
par Cosmas (voir l'illustration du livre IV) : àvaxoXT) à gauche, [iser/jjiPpia en haut, Sûoiç à droite,
ôtpxToç en bas, tout en marquant absurdement à l'intérieur du rectangle (sur-corrections sans
doute) (3oppâç en regard de ava-roXrj, votoç en regard de (isd7j(j.ppia, et FàXXoi en regard de Suctiç. De
plus, on voit à l'angle supérieur gauche le soleil figuré par un disque à visage humain et désigné
comme « soleil levant », ainsi qu'à droite, disparaissant à moitié derrière le rectangle de la terre,
le « soleil couchant ».
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 25

La carte d'Eratosthène.
Nous connaissons la carte d'Eratosthène au travers de la Géographie de
Strabon. Lorsque, « au troisième livre de sa Géographie », Eratosthène dresse
la carte de l'oecoumène,
« il la divise en deux par une ligne qui va du Couchant au Levant, parallèle à
la ligne de l'Equateur, et il pose comme limites de cette ligne au
Couchant..., et au Levant...; et il trace cette ligne à partir des Colonnes
(d'Héraclès) en passant par... et jusqu'à Rhodes et au golfe d'Issos... puis
tout droit... jusqu'à l'Inde. »45

La primauté est donc donnée à l'axe Est-Ouest. Celui-ci est tracé d'Ouest en
Est, délimitant ainsi les moitiés Nord et Sud de l'oecoumène, dont la
position sur la carte n'est pas précisée. Ni les notions de haut et de bas ni
celles de droite et de gauche n'interviennent. Mais les premières sphragides
qu'Ératosthène trace ensuite sont celles de la moitié Sud, et elles sont
délimitées et numérotées à partir de l'Inde, d'Est en Ouest (II, 1.22 : 7tpó>r/]v
sforwv a<ppay?8a ttjv 'IvSixtqv, Seuxépav Se ttjv 'Apiàvrçv xzX.)46. Il semble logique de
supposer que la carte était orientée l'Est en haut.

La carte de Strabon.

La position personnelle de Strabon sur ce point n'est pas plus explicite.


Il faut la déduire du texte de son œuvre et elle paraît plus complexe que celle
d'Eratosthène — ou que l'exposé qu'en fait Strabon.
Quand, pour situer d'abord l'oecoumène sur le globe terrestre, il définit
l'hémisphère boréal, il ne le fait pas en fonction du cercle arctique ou de
l'Equateur, mais en fonction du trajet apparent du soleil tel que peut le voir
un observateur humain :

45. Strabon, II, 1.1 : 'Ev 8è râ TpiTco tôv retoypacpixwv xa0i<7Tà(i.£vo<; tòv ttjç oîxou[xévt]ç Titvaxa
Ypa[Xfi.9j TWi SiaipcT Só/a ànò Suascoc hi àvaToXTjv TOxpaXXTjXto tìj ì<jTjfi.Epivìj ypa(X[i.9). IIÉpaTa 8' aÙTrjç tì0tjcr
TTpòc Sussi (xèv tÒcc 'HpaxXEiouç arrjXaç, hi àvaToXfj 8è xà àxpa xal Éa^aTa ÔpTj twv àtpopiCóvTCov òpóóv tt;v
■jrpòc apxTov TÎjç 'IvStx^ç TtXeupàv. rpàçst 8è ttjv ypa(i[i.Y)v caio SttjXwv Sta te toG SixsXixoO 7îop0[xoû xal twv
fA£(T7)(jL(3pi.vcdv àxpwv t^ç Te FlEXoTrovvrjcTou xal t^ç 'AxTtxyjc, xal (xÉxpi fyjç 'PoSiaç xal toû 'IaaixoG xÓX7tou.
Mé^pi (lèv 8t) Seûpo 8ià ttjç 0aXàTT7)ç 9ï)<tIv EÏvai tt)v "kzyfòziaoLv Ypa(j.[X7)v xal twv 7rapax£i[i.£vwv ■/juEtpwv (xal
yàp aÙT7)v ôXtjv ttjv xa0' Tj(xâç 0àXaTTav outwç ÈttI [i^xoç T£Tàa0ai (ji^pi ttjç KiXixiac), EÏTa hi EÙ0£Îai; tzu>ç,
£xj3àXX£(T0ai 7rap' ÔXtjv ttjv opeivïjv toû Taupou [lé/pi ttjç 'IvSixtjç.
|

46. II, 1.21. : ... SieXwv xf) Ypa[Afi.fj TaÓTTj ttjv oÌxou(x.£vtjv Si^a, xal xaXécraç to \ihi popeiov jiipoc, to
Se vÓtiov, 7T£tpâTai toutcjv ÉxaTEpov te[xveiv TràXtv tiç zcc SuvaTa (xépTj • xaXâ 8è TaÛTa acpayìSac. Kal Srj toG
votiou [lépouç TCpwTTjv £Ì7rà)v (TcppayiSa ttjv 'IvSix^v, SsuTÉpav Se ttjv 'Apiavrjv... L'ordre des sphragides est
le même en II, 1.3 1.
26 ANNIE BONNAFÉ

« On appelle hémisphère boréal celui qui renferme la zone tempérée qui est
telle que, quand, du Levant, on regarde vers le Couchant, on a à main droite
le pôle et à main gauche l'Equateur, ou bien celui dans lequel, quand on
regarde vers le Midi, on a à main droite le Couchant et à main gauche le
Levant. »47

II n'existe donc pas, à ses yeux, une manière de s'orienter unique et


considérée comme naturelle, comme allant de soi en toutes circonstances,
mais deux : l'une, en se plaçant dans le sens de l'axe Est-Ouest (et ici, face à
l'Ouest), l'autre face au Sud. Le témoignage de son contemporain Juba de
Mauritanie prouve à la fois que la manière dont on s'oriente est affaire de
choix, de point de vue, et que pour s'orienter on se place surtout dans le sens
de l'axe Est-Ouest (l'orientation au Sud n'est pas mentionnée) :
«... quand on regarde vers les Levers, on a à sa gauche le Nord — que,
précisément, on considère comme la droite du cosmos et sa partie
supérieure. »48

Ainsi s'explique, selon Juba, qu'un signe survenu à main gauche ne soit
pas toujours considéré comme défavorable : une orientation du point de vue
du cosmos (celle que Strabon utilise dans sa première définition de
l'hémisphère boréal) vient contrebalancer la manière usuelle de s'orienter,
l'orientation face à l'Est, que Strabon n'utilise pas pour définir l'hémisphère
boréal. Il définit celui-ci dans le sens du (jltjxoç — et choisit pour ce faire
l'orientation cosmique — puis dans le sens du 7rXàxoç — et la valeur de celui-
ci s'estime presque toujours à partir du Sud49.
Dans son exposé descriptif, l'orientation face au Sud n'est pas absente.
On la retrouve par exemple dans le développement qu'il consacre au livre II
(H> 5-33) aux peuples de Libye qu'on connaît surtout par ouï-dire : il
commence par « les plus méridionaux » (toùç fxsaTjfjLêpivcoxàTouç), les Ethio-

47. II, 5.3 : KaXetrat Se pópstov p.èv 7jfzi.cr9atpt.ov tò tyjv eoxpaxov èxewirjv 7T£piéxov èv y arcò ttjc
àvaToXyjç (3Xé7rovTt èra tyjv Suctiv èv SeÇiâ fiév ècmv ó raSXoç, èv àptaxepâ S' ó îcnrjfiepivoç, yj èv 5> 7rpoç
(X£aT)fi.[3piav pXs7Toucriv èv Ss£tâ (xév ècm Sûatç, èv àpiarepa S' àvaToXr), vÓTtov Se to èvavTtcoç exov ' wcrre
StjXov oti y\\itiç, ècrfjtev èv 0aTÉpa> twv v)fi.t<T9atptcùv, xal tô> J3op£Ìca ye'
48. Juba de Mauritanie, F. Gr. Hist. 275.93 (= Plut., Aet. Rom., 78, p. 282 DE) : toIç izpòc,
àvccToXàç àTCo6XÉ7rouCTtv èv àptCTTÉpa yivexat tò pópstov ô Syj toù xóafxou Se^iòv eîvai TtOsvTat xal
49. Cf. e.g., Ératosthène (I, 4.2), Hipparque et Strabon (II, 1.13 sq., II, 5.7-9, II, 5.14).
Dans ces contextes, on se réfère mentalement à une carte avec le Sud en haut et Strabon peut
parler, par exemple, de l'Ethiopie et de « toute la région située plus haut jusqu'à l'Equateur » (I,
3.22 : où [xóvov AÎ01O7UOC... àXXà xai îr\ àvwTÉpw Tracera [t-iyjii toû tcnr)fi.ept.voij). Au contraire Posidonios
définissant les zones de la sphère terrestre part du Nord (II, 3.1).
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 27

piens, puis situe « sous » eux (mio toutoiç) les Garamantes et leurs voisins,
« sous eux encore » (toùç S'Iti \mò toutoiç) les Gétules, et finit par « ceux qui
sont près de la mer » (xoùç 8è ttjç OaXaTTTjç èyyuç). L'emploi répété de òrco, qui
n'a pas la même ambiguïté que m:ép, souligne de manière visible que la carte
de Strabon (carte mentale ou carte réelle) est ici tournée le Sud en haut.
Cependant l'orientation générale de la carte se fait selon l'axe Est-Ouest.
La première ligne que trace Strabon, celle qui détermine la dimension qu'il
retient pour son knlnzàoç, izivxZ,, pour la surface plane, le panneau de sept pieds
où il dessine sa carte, est, on l'a vu, celle de l'axe selon lequel il mesure la
longueur maximale de l'oecoumène, le [xtjxoç. Dans son exposé théorique du
livre II, il insiste en outre sur la nécessité de veiller à la cohérence du
vocabulaire quand on passe de la description d'ensemble du monde habité à
celle de ses parties ou sections (TfX7][AaTa). Le terme [zyjxoç doit, selon lui, être
réservé, en ce qui concerne ces sections, aux distances mesurées sur des
parallèles à l'axe central de la carte
«... quelle que soit celle des deux dimensions qui est la plus grande et quand
bien même la distance mesurée dans le sens de la largeur (rcAa-roc) est plus
grande que celle qui est prise dans le sens de la longueur ([xtjxoc) » 50.

Il ne respecte pas toujours lui-même ce principe, sur lequel il fonde pourtant


sa propre critique d'Eratosthène 51, et il faut aussi, même quand il le
respecte, le moduler, en se souvenant que ce qu'il appelle la « ligne » du
[r/jxoç (ypa[X(jnf)) constitue en fait à ses yeux une zone axiale assez large plutôt
qu'une ligne au sens géométrique strict du terme. Toutefois, en tenir le plus
grand compte est indispensable pour tirer, de son texte, la carte, chaque fois
qu'il ne précise pas autrement l'orientation de telle région qu'il décrit. Et
l'insistance avec laquelle il énonce ce principe de rigueur prouve que, de
manière générale, la carte du monde qu'il dresse est délibérément orientée
dans le sens de l'axe Est-Ouest.
Mais lequel de ces deux points situe-t-il en haut de sa carte ? Vers lequel
tourne-t-il son regard ? Quant il prend de la hauteur — sa définition de
l'hémisphère boréal en témoigne — il considère que

50. II, 1.32 : ... órcÓTEpov âv -fi [aeTCov xàv tò XïjçGèv Siàur/jf-ia èv tû tcXoctsl fieiÇov -^ toû XtjçGévtoç èv
tw [nfjxei 8iaaf7]fi.(XT0ç.
51. II, 1.33 : oùx su yoûv Xafi6âveToci. xà [atqxti}. Mais il arrive que Strabon manque lui-même à
la rigueur sur ce point, e.g. à propos de l'Italie, cf. II, 5.28 : les Apennins s'étirent Sià toû jztjxouç
5Xoi> TÎjç 'iTaXtaç (cf. II, 5.29 : hid [atjxoç TéxacTai tò 'Attevvivov ôpoç) mais amò -rwv àpxTwv èrà
28 ANNIE BONNAFÉ

« le monde habité s'étire en longueur (frrjxuvsTou) du Levant vers le


Couchant » 52.
Mais il n'en va pas ainsi quand il ordonne sa description de l'oecoumène et
établit sa carte. Dans ce cas, il part de l'Ouest pour aller vers l'Est53. Il suit
la ligne générale de la Méditerranée — et le Pont-Euxin est « à gauche » 54, la
Libye « à droite » 55 — ou celle du Pont-Euxin — et la Paphlagonie et la
Phrygie sont « à droite »56. Il est d'ailleurs d'usage de désigner ces pays du
terme général de « la droite du Pont »57. Il suit de même, pour ordonner sa
description de l'Europe entre Alpes et Pont-Euxin, la ligne du Danube — et
la Thrace est « à droite », la Germanie « à gauche »58. Avec ainsi et de
52. II, 1.32 : t% obtou[iiv7)ç am' àva-roXrjç è— l Sucriv fi.7]xuvo[j.év7)ç, amò Se apxTcov èîrl vótov

53. Cf. Baladie1, p. 8 : « la description du Péloponnèse suit le littoral d'Ouest en Est
conformément à une tradition héritée des Périples et qui remonte à Hécatée de Milet ».
54. II, 5.18 : ... 7) èvrôç xal Xfx8' fifxàç XEyojiivT) SàXocrra... ttjv jxèv àp^/jv arco ttjç èoTuépxç
Xafi-PâvoixToc xal toû xaxà zxç 'HpaxXeîouç OTTjXaç ropGfioû, (nrjxuvofiiv/) S' eîç to Tipòc, êa> fxépoç èv aXXa> xal
aXXa> TrXarst, (JiCTà Se -raûxa ayjZ,o\LÌv7\ xal TeXsuTwaa zìe, Suo xoX7rooç 7i£Xaytouç, tòv [zèv èv àpicrrspâ, ôvrap
Euçewov tcovtov 7cpO(jayop£uo[i.ev, tov S' £T£pov tov auyxeifi.£vov ex te toû Aìyuiruou TteXàyouç xal toû
ria[i.9uXiou xal toû 'IacuxoO. « ...la mer que l'on appelle Mer intérieure et Notre Mer... qui
commence à l'Ouest et au détroit des Colonnes d'Héraclès, s'étire en longueur vers les régions
de l'Est sur une largeur variable et qui ensuite se scinde et s'achève en deux golfes qui valent des
mers, l'un à gauche, que justement nous appelons Pont-Euxin, et l'autre formé de la réunion de
la mer d'Egypte, de celle de Pamphylie et de celle d'Issos. »
55. II, 5.19 : (le premier golfe que forme la Méditerranée, au débouché du détroit des
Colonnes) « est limité sur son côté droit par la côte de la Libye » (óp^sTai ex [ih toû 8e£ioO 7ïXsupoO
T73 Ai6uxfj TCapaX(a) « jusqu'à Carthage. »
56. I, 3.21 (à propos des Cimmériens) : TîoXXàxiç ÈTiéSpafxov xà SeÇià [itpy] toû IIóvtou xal tì
ct'jv£X>) aÙToTç, tote [xèv £7rl nacpXayovtaç, tote Se xal <t>puyaç è[i.6aXóvT£i;. « Ils déferlèrent souvent sur la
droite du Pont et sur les régions attenantes, se jetant une fois sur la Paphlagonie, une autre,
même, sur les Phrygiens. »
57. Cf. e.g., II, 5.22 : toIç SeÇooTç xaXoufAsvoiç \Lzç>zai toû FIovtou. II, 5.23 : toû IIovtixoû Ta
xaXoû[isva Se^ià fxépTj.
58. II, 5.30 : Mrrà Se tt]v 'iTaXtav xal ttjv KeXtixtjv Ta Tzpoç ïu> Xoi7rà èctti tv]c EùpcOTnrjç, à Sfya
T£[i.v£Tai Tw "IffTpco 7TOTa[xôi. <t>ép£Tai S' outoç amò tyjç éaTrépaç £7ïl ttjv sca xal tov Eu^eivov tcOvtov, èv
àpiCTT£pâ Xi7îà>v tv]v te TEpjxaviav ÔXyjv àp^afxévTjv aT:ò toû 'Pyjvou xal to Fetixov tzxv xal to twv TupsyeTwv
xal Ba<TTapvwv xal Saupoji.aTcov [lixP1 TavàtSoç tzozx[loû xal t% MaicoxiSoç Xtfivvji;, èv Se^iS Se tt^v ts
©paxrjv ôbratrav xal ttjv 'iXXuptSa, Xoi7rv)v Se xal T£X£UTaîav ttjv 'EXXàSa. « Après l'Italie et la Celtique
|

restent les régions orientales de l'Europe qui sont coupées en deux par l'Ister. Ce fleuve se porte
de l'Ouest vers l'Est et le Pont-Euxin, laissant à gauche la Germanie entière (qui commence au
Rhin), tout le pays des Gètes et celui des Tyrégètes, Bastarnes et Sauromates (qui s'étend
jusqu'au Tanaïs et au Marais Méotique), et à droite la Thrace entière, ainsi que l'Illyrie, et,
pour le reste et pour finir, la Grèce. » Cf. Baladie2, p. 4 : « Strabon se conforme à la règle
générale appliquée dans les autres livres, constante dans l'Antiquité, qui consiste à suivre dans la
description géographique une progression d'Ouest en Est... (Le Danube) est supposé couler
d'Ouest en Est parallèle à l'Equateur. » (Cette vision du Danube reste semblable à celle qu'en
avait Hérodote, II, 33-34.)
AUTOUR DE L'ITINÉRAIRE D'IO 29

manière répétitive le Nord à gauche et le Sud à droite, il se peut bien, après


tout, que, dans son esprit, « l'Asie intérieure et l'Asie de l'Est », où « le sapin
ne pousse pas » (XI, 7.4 : ttjv yàp 'Aatav tyjv àvco xat ttjv ~poç eco fxyj cpustv èXàr/jv)
se confondent et que « le haut-pays d'Asie », « l'Asie intérieure » (rj 'Ama r;
ava»), la plus orientale, soit aussi à ses yeux « l'Asie supérieure ». Considérée
d'un point de vue global, sa carte de l'oecoumène semble en tout cas
orientée, comme celle d'Eratosthène ou celle qui se dégage du texte du
Prométhée nous ont paru l'être, avec l'Est en haut.
Il ne choisit sans doute pas de manière délibérée cette orientation. On
pourrait dire qu'il en hérite, même si elle satisfait probablement aussi son
esprit : elle lui permet d'ordonner sa description à partir du point qui,
depuis toujours et sans varier, marque les confins du monde, les Colonnes
d'Héraclès, et selon les accidents naturels, mers et grands fleuves, qui depuis
toujours paraissent, aux yeux des Grecs, ordonner spontanément le monde
qu'ils habitent. Cette orientation est l'orientation traditionnelle, celle des
documents qu'il utilise et, principalement, des périples qui partent, eux
aussi, de ce même point pour la Méditerranée et du Bosphore pour la mer
Noire. De là vient sans nul doute l'expression de « la droite du Pont ».
L'utilisation des périples brouille parfois l'orientation générale de la carte. A
suivre les côtes, on ne va pas toujours dans le sens du [xy]xoçS9. La carte de
Strabon se différencie des nôtres en ce qu'elle ne semble pas être une carte
qu'on regarde immobile. C'est, vu ses dimensions, une carte autour de
laquelle on se déplace, pour considérer de plus près, par exemple, le tracé de
l'Adriatique qui s'inscrit en quelque sorte à contre sens de celui de la
Méditerranée. Mais, de manière globale, le regard de Strabon — et le nôtre,
à lire sa Géographie — va de l'Ouest vers l'Est et prend l'axe Est-Ouest et
l'Est comme références principales (avec, parfois, une hésitation qui le fait
glisser, dévier, plus au Sud, vers le Levant d'été). Par suite, la carte de
Strabon nous paraît souvent déformée, ses tracés étirés et fuyant vers l'Est
ou le Sud-Est60, et elle ne ressemble guère à celle qui nous sert, très

59. Cf. e.g., II, 5.15 : Strabon imaginant — et précisant — qu'on part du Cap Sacré pour
longer en direction du Nord la côte de la péninsule ibérique, la droite correspond alors à l'Est et
non au Sud. Le phénomène est du même ordre à propos de l'Adriatique en II, 5.20 : l'Illyrie en
constitue la rive droite. Le commentaire des théories de Strabon sur le niveau des mers (I, 3.4)
prouve en outre que « droite » et « gauche » sont à comprendre, quand il s'agit des côtes, dans un
sens très concret. Pour qui sort du Bosphore et entre dans la Mer Noire, Salmydesse,
l'embouchure du Danube et le Désert Scythe font, au sens large, partie de « la gauche du Pont »
(rà èv àpioTepà toû FIovtou tov ts SaXfAuSirjaaov xal... Ta rtzpl tov "Iarpov xal ttjv Zx'j0ô>v Èpyjfuav).
60. Baladié1, p. 217, note le fait à propos de la forme du Péloponnèse selon Strabon (VIII,
3O ANNIE BONNAFE

concrètement ou simplement en esprit, de référence. Mais elle se fonde sur


des périples ou des itinéraires antérieurs, auxquels elle doit, précisément,
cette orientation générale. Elle ne paraît pas, non plus, essentiellement
différente de ce que nous croyons pouvoir deviner des autres cartes grecques.
De ce fait les ressemblances que l'on peut constater entre cette carte et celle
qui semble sous-tendre le texte du Prométhée apparaissent d'autant plus
significatives. Plus archaïque, puisqu'elle ne prend en compte qu'un seul axe
de l'oecoumène, celui du [atjxoç, puisqu'elle ne se limite pas au plan, mais
prend en compte les profondeurs de la terre, plus étonnante, aussi, et plus
éloignée de notre façon de voir, parce qu'elle fait coexister, comme dotés au
même degré d'une réalité objective, le monde humain, les peuples et les pays
que nous considérons comme réels et le monde divin, des êtres surnaturels et
des pays mythiques, la carte de l'itinéraire d'Io nous paraît bien étrange et
telle qu'il n'est pas possible de la faire coïncider avec la nôtre. Elle a
cependant toutes chances de n'avoir pas eu autant d'étrangeté aux yeux des
contemporains du poète comme des Grecs des époques ultérieures.
« La carte n'est pas seulement une image figurative. Elle est aussi un
modèle abstrait, une représentation symbolique. Elle appelle à ce titre autant
un décodage de sa logique qu'une reconnaissance de son objet... Elle révèle
des mentalités, dévoile un degré de rationalité... Il n'y a pas de regard naïf,
vide de tout savoir préalable, sur un dessin cartographique »61. Du monde
habité, chaque civilisation dresse sa carte et c'est à l'intérieur de cette
civilisation que celle-ci doit être appréciée. Nous devons, face aux textes de
l'Antiquité, nous garder soigneusement de considérer que notre carte
mentale est la seule référence possible, ou même une référence valable. « La
carte n'est pas une convention quelconque. Elle est un moyen de transmettre
une vision sur le monde et d'en convaincre le lecteur... Dans ces conditions,
un mauvais usage du symbolisme cartographique peut conduire à de graves
erreurs d'interprétation... » 62

Annie Bonnafé.

2.1) : « II voyait donc le Péloponnèse beaucoup moins étiré que nous dans le sens Nord-Sud
avec la pointe du Cap Malée tournée vers l'Est comme nous le représentent les cartes de son
temps ».
61. C. Jacob, t. II, 4e partie : « Du dessin de la carte à l'image mentale : théorie de la carte
en Grèce », p. 415, 423 et 424, pas.
62. F. Joly, p. 14-15.
AUTOUR DE L'ITINERAIRE D'IO 31

BIBLIOGRAPHIE

Cette bibliographie, arrêtée au Ier juillet 1989, n'est pas et ne se voulait pas
exhaustive. Elle n'entend refléter ni l'état actuel des connaissances en matière de
géographie et de cartographie antique, ni l'ensemble des courants de la critique
passée et présente consacrée au Prométhée Enchaîné et aux problèmes qu'il pose
comme au mythe d'Io et de ses voyages. Elle renferme uniquement les références
des ouvrages et articles directement utilisés ou cités dans le texte de l'étude ainsi
que les références de celles des lectures périphériques menées parallèlement à la
rédaction de l'ouvrage qui, à la réflexion, ont paru indispensables à la
compréhension et à la discussion des hypothèses exprimées dans cet essai.

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