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Thè me : La Terre

1. La forme de la Terre

Au fil de l’Histoire, la forme de la Terre a posé question. Désormais, l’observation de la Terre depuis l’espace
permet de constater qu’elle est assimilable à une sphère.

Avant la maîtrise des connaissances et des techniques pour effectuer une telle observation, la forme et la
taille de la Terre ont suscité bien des débats scientifiques et se sont trouvées au cœur de nombreux enjeux.

Les éléments de cosmologie chinoise (quatrième siècle avant notre ère) reposent sur une Terre dont la
surface est plane, en forme de disque, et sur un Soleil situé sur une demi-sphère s’appuyant sur le disque
formé par la surface de la Terre.

Au VIIe siècle av. J.-C., la Terre est considérée par les


philosophes grecs, dont Thalès de Milet (624-547 av. J.-C.),
comme étant plate, de la forme d’un disque, entièrement
ceinturée par le fleuve Océan et recouverte d’un ciel en
coupole hémisphérique. L’hémisphéricité est suggérée par le
mouvement des astres qui décrivent de grands arcs de cercles
au cours de la journée et de la nuit.

Cette conception, à l’origine de mesures effectuées par Anaxagore (500-428 av. J.-C.), fut remise en cause
dès le IVe siècle avant J.-C.

Le philosophe grec Pythagore (580-495 av. J.-C.) est le premier à énoncer que la Terre est sphérique. Il base
son hypothèse sur une observation méthodique des éclipses de Lune.

Platon (428-348 av. J.-C.) justifie la rotondité de la Terre par deux


observations :
- lors des éclipses de Lune, l’ombre projetée de la Terre est
circulaire ;
- la configuration des cieux étoilés (hauteur des étoiles sur
l’horizon) change lors des déplacements en latitude ; cela
s’explique par la courbure de la Terre faisant obstacle à une
vision complète du ciel.

C’est à son disciple Aristote (384-322 av. J.-C.) que l’on doit le fait que la
sphéricité de la Terre soit admise dans l’Antiquité. Il en donne une
explication et même un premier ordre de grandeur de la circonférence Platon et Aristote, détail de L’École
d’Athènes, fresque de Raphaël
de la Terre dans son Traité du ciel (350 av. J.-C.)
réalisée entre1509 et 1512.

C’est à Ératosthène (284-192 av. J.-C.), pour qui la Terre était ronde, que serait attribuée la première
estimation précise de la circonférence terrestre.
2. Estimation de la distance Terre-Soleil par la méthode attribuée à Anaxagore

Anaxagore (né vers 500 av. J.-C. et mort en 428 av. J.-C.) est un philosophe grec dont la théorie cosmique
n’attribue pas les phénomènes célestes aux Dieux du Panthéon. Pour Anaxagore, la Terre est plate, de la
forme d’un disque, alors que le Soleil est rond et à distance finie de la Terre.

Bien que les sources disponibles ne s’accordent pas toutes sur ce point, le physicien-astronome
contemporain Gamow lui attribue dans son ouvrage Une étoile nommée Soleil (1966) l’estimation de la
distance de la Terre au Soleil et du diamètre du soleil.

Il aurait procédé à partir des observations suivantes :

« Le 21 juin, jour du solstice d’été, à midi, lorsque le Soleil est au milieu


de sa course, un bâton planté verticalement projette une ombre à
Alexandrie alors qu’aucune ombre n’est visible à Syène, ville située sur
le même méridien. »

1. Faites un schéma pour modéliser cette situation et qui


prenne en compte les hypothèses suivantes :
– la Terre est plate ;
– le Soleil est proche et ses rayons divergent.

2. On précise de plus que la distance entre Syène et Alexandrie est de 5000 stades (800 km environ) et
que le 21 juin, à midi, à Alexandrie, le Soleil est à 7,2° de la verticale.
Déterminer la distance de la Terre au Soleil.
3. Toujours d’après Gamow, Anaxagore en aurait déduit la taille du Soleil en utilisant son diamètre
angulaire apparent (0,5°) et la distance Terre-Soleil ainsi obtenue.

En vous appuyant sur le schéma ci-dessus, déterminer le diamètre du Soleil obtenu par Anaxagore.

4. Que pensez-vous des mesures obtenues par la modélisation attribuée à Anaxagore ? Cette méthode
est-elle toujours valable si l’on considère que la Terre est sphérique et le Soleil très éloigné ?
3. Estimation de la longueur du méridien terrestre attribuée à Eratosthène

C’est à Ératosthène (284-192 av. J.-C.), pour qui la Terre était ronde, que serait attribuée la première
estimation précise de la circonférence terrestre.

L’ouvrage écrit par Eratosthène intitulé Sur la mesure de la terre (deux livres) est malheureusement perdu.
Nous n’avons connaissance de ses travaux que par des sources indirectes ; la plupart se contentent de
donner la valeur trouvée par Eratosthène pour la circonférence terrestre mais le texte de Cléomède (Ier ou
IIème s. ap. J.-C.) détaille la méthode utilisée, après avoir établi dans son ouvrage que la Terre est sphérique.

Extrait du texte original de Cléomède rapportant la découverte d’Ératosthène


« Qu’il soit admis pour nous :
– premièrement que Syène et Alexandrie sont établies sous le méridien ;
– deuxièmement que la distance entre les deux cités est de 5 000 stades ;
– troisièmement que les rayons envoyés de différents endroits du soleil sur différents endroits de la Terre
sont parallèles ; en effet, les géomètres supposent qu’il en est ainsi ;
– quatrièmement que ceci soit admis comme démontré auprès des géomètres, que les droites sécantes des
parallèles forment des angles alternes égaux ;
– cinquièmement que les arcs de cercle qui reposent sur des angles égaux sont semblables, c’est-à-dire
qu’ils ont la même similitude et le même rapport relativement aux cercles correspondants, ceci étant
démontré aussi chez les géomètres. Lorsqu’en effet les arcs de cercle reposent sur des angles égaux,
quel que soit l’un (d’entre eux), s’il est la dixième partie de son propre cercle, tous les autres seront les
dixièmes parties de leurs propres cercles.

Celui qui pourrait se prévaloir de ces faits comprendrait sans difficulté le cheminement d’Ératosthène
qui tient en ceci : il affirme que Syène et Alexandrie se tiennent sous le même méridien […]. Il dit aussi, et il en
est ainsi, que Syène est située sous le tropique de l’été. À cet endroit, au solstice d’été, lorsque le Soleil est au
milieu du ciel, les gnomons des cadrans solaires concaves sont nécessairement sans ombres, le soleil se situant
exactement à la verticale […]. À Alexandrie à cette heure-là, les gnomons des cadrans solaires projettent une
ombre, puisque cette ville est située davantage vers le nord que Syène […].

Si nous nous représentons des droites passant par la Terre à partir de chacun des gnomons, elles se
rejoindront au centre de la Terre. Lorsque donc le cadran solaire de Syène est à la verticale sous le soleil, si
nous imaginons une ligne droite venant du Soleil jusqu’au sommet du gnomon du cadran, il en résultera une
ligne droite venant du soleil jusqu’au centre de la Terre.

Si nous imaginons une autre ligne droite à partir de l’extrémité de l’ombre du gnomon et reliant le
sommet du gnomon du cadran d’Alexandrie au soleil, cette dernière ligne et la ligne qui précède seront
parallèles, reliant différents points du Soleil à différents points de la Terre.

Sur ces droites donc, qui sont parallèles, tombe une droite qui va du centre de la terre jusqu’au gnomon
d’Alexandrie, de manière à créer des angles alternes égaux ; l’un d’eux se situe au centre de la Terre à
l’intersection des lignes droites qui ont été tirées des cadrans solaires jusqu’au centre de la Terre, l’autre se
trouve à l’intersection du sommet du gnomon d’Alexandrie et de la droite tirée de l’extrémité de son ombre
jusqu’au soleil, à son point de contact avec le gnomon.

Et sur cet angle s’appuie l’arc de cercle qui fait le tour de la pointe de l’ombre du gnomon jusqu’à sa
base tandis que celui qui est proche du centre de la Terre s’appuie l’arc qui va de Syène à Alexandrie. Ces arcs
de cercle sont donc semblables l’un à l’autre en s’appuyant sur des côtés égaux. Le rapport qu’a l’arc du
cadran avec son propre cercle, l’arc qui va de Syène à Alexandrie a ce rapport aussi. Mais on trouve que l’arc
du cadran est la cinquantième partie de son propre cercle. Il faut donc nécessairement que la distance qui va
de Syène à Alexandrie soit la cinquantième partie du plus grand cercle de la Terre. Et elle est de 5 000 stades.
Le cercle dans sa totalité fait donc 250 000 stades. Voilà la méthode d’Ératosthène ».
CLÉOMÈDE, Le mouvement circulaire des corps célestes,
dans la traduction de Richard GOULET
Cadrans solaires concaves ou Scaphé

1. Quelles sont les cinq hypothèses nécessaires au calcul du périmètre terrestre ? Lesquelles différent
des hypothèses d’Anaxagore ?

2. Faites un schéma pour reproduire pas à pas la construction décrite dans le texte de Cléomède et qui
prenne en compte la sphéricité de la Terre.
3. Expliquez la démarche utilisée par Eratosthène pour obtenir une circonférence terrestre de 250 000
stades. De plus, si on considère qu’un stade égyptien correspond à environ 157,5 mètres, déterminez
une valeur approchée de la circonférence terrestre en km.

4. En déduire le rayon de la Terre.

5. La valeur actuellement reconnue pour le rayon de la Terre est 6378 km, quel est le pourcentage de
l’erreur commise par Eratosthène ?
4. Remarques historiques et scientifiques

La mesure de l’angle à Alexandrie :

L’utilisation d’un scaphé pour mesurer l’angle n’est pas toujours


mentionnée et dans ce cas la mesure repose sur une comparaison entre
l’ombre d’un gnomon planté verticalement au sol et le gnomon lui-
même.

Dans la figure ci-contre, le gnomon à Alexandrie est représenté par le


segment , l’ombre du gnomon par le segment ′.

Mais l’obtention de la mesure de l’angle au sommet du gnomon (7,2°)


nécessite l’utilisation de la trigonométrie dont les règles n’étaient pas
connues d’Ératosthène, ni même de Cléomède. Cette méthode présente un intérêt calculatoire mais semble
anachronique.
On remarquera par ailleurs que 1/50e d’un angle de 360 degrés est un angle de 360° 7,2°, qui est la
mesure de l’angle utilisé dans la méthode d’Anaxagore.

La présence d’un puits à Syène

Concernant l’observation faite à Syène, on trouve souvent


la mention d’un puits éclairé à la place de l’absence
d’ombre portée (« Dans la ville de Syène, à midi le jour du
solstice d’été, le soleil éclaire le fond des puits ».)
Il n’y aucune mention de puits totalement éclairé dans le
récit de Cléomède mais il semble cependant que ce puits
ait existé, il est en effet mentionné par d’autres auteurs
dont Pline l’Ancien (23-79 ap. J.-C.) selon qui, le puits en
question aurait en fait été creusé exprès à des fins de
vérification expérimentale.

La mesure de la distance Syène-Alexandrie

Certaines méthodes indiquent que la distance Syène-Alexandrie a été évaluée à partir de la distance
moyenne parcourue par jour par un chameau mais il s’agirait là d’un mythe, les caravanes de chameaux
n’étaient pas répandues à cette époque-là. Une autre hypothèse évoque les arpenteurs royaux,
fonctionnaires royaux en charge du cadastre. Enfin, certains historiens évoquent par ailleurs la possibilité
qu’il s’agisse de bématistes, hommes entraînés à faire des pas réguliers tout en les comptant pour établir
des distances. Ces bématistes ont été notamment largement utilisés par Alexandre le Grand (356-323 av. J.-
C.) lors de ses campagnes militaires.

D’autre part, comme Anaxagore, Ératosthène aurait estimé la distance entre Syène et Alexandrie à 5000
stades. On considère ici qu’un stade égyptien correspond à environ 157,5 mètres, même si on en fournit
parfois d’autres valeurs (variant de 151,2 m à 158,1 m). On obtient ainsi une distance Syène-Alexandrie de
787,5 km, très proche de la distance réelle qui est de 790 km à vol d’oiseau.
Hypothèses simplificatrices du modèle d’Eratosthène

 Le modèle présuppose que les rayons du soleil qui frappent la Terre sont parallèles entre eux, c’est-à-
dire que le Soleil est à une distance infinie de la Terre. Il repose également sur l’hypothèse de
propagation rectiligne de la lumière depuis le Soleil, ce qui suppose que les milieux traversés sont
homogènes. Le modèle néglige le phénomène de réfraction à l’entrée dans l’atmosphère.
 Le modèle présuppose que Syène et Alexandrie sont situées sur le même méridien, ce qui n’est pas
tout à fait exact, Syène et Alexandrie ayant respectivement environ 32° et 30° de longitude.
 Dans le cas de l’utilisation d’un gnomon sans scaphé, le modèle approche l’ombre du gnomon (arc de
cercle à la surface de la Terre) par un segment.

Sources :

Article « Quelques éléments historiques et didactiques sur l’expérience d’Ératosthène » de Cécile de


Hosson et Nicolas Decamp

Ainsi que leur article « Eratosthène et Anaxagore dans l’enseignement scientifique » paru sur le site du
CNRS
5. Exercices

Exercice 1 : 4. Calculer le périmètre de Mars sachant qu’un arc


associé à un angle de 10° a une longueur de 592 km.
Classer les propositions suivantes dans l’ordre
chronologique. Exercice 5 :
a. Aristote démontre que la Terre est de forme Il est possible de reproduire l’expérience
sphérique en observant son ombre portée sur la d’Eratosthène entre deux villes situées sur un
Lune lors d’une éclipse. même méridien. Nous choisirons Caen (point C) et
Pau (point P) qui ont pour longitude commune
b. Pythagore propose l’idée d’une Terre sphérique
0,37°.
pour conforter une approche mathématique de
l’Univers.
c. Thalès pense que la Terre est plate et flotte sur
l’eau d’un océan qui la soutient.
d. Ératosthène se base sur la représentation d’une
Terre sphérique pour faire une mesure de
méridien.
Exercice 2 : Dans chaque ville, on plante un bâton de 1 mètre
dans le sol.
Compléter le schéma ci-dessous afin de
représenter la méthode utilisée par Eratosthène. Le même jour, à midi au soleil, deux personnes
mesurent la longueur de l’ombre portée de
chacun de ces bâtons et obtiennent les résultats
suivants : l’ombre du bâton est de 38 cm à Caen et
de 27 cm à Pau.
La distance entre Caen et Pau est 654 km.
Le schéma ci-dessus représente la situation sans
soucis d’échelle
1. Les angles :
Exercice 3 :
a. Faire un schéma représentant le bâton
Le rayon d’un cercle est de 20 m. planté à Pau les rayons du soleil et leur ombre
à midi le jour des mesures.
On considère un angle de 36,
centré sur le centre du cercle. b. Déterminer alors la mesure de l’angle α (on
Calculer la longueur de l’arc arrondira au degré près)
intercepté par cet angle.
c. Déterminer en raisonnant de manière
Exercice 4 : analogue la mesure de l’angle β. (on arrondira
au degré près)
1. Calculer le périmètre de la Lune, sachant que
son rayon vaut 1 737 km. d. Montrer que l’angle γ est égal à γ = β – α.
2. Calculer le rayon du Soleil, sachant que son 2. Les longueurs
périmètre vaut environ 4 367 000 km.
Dans la suite on considèrera que α ≈ 15° et β ≈ 21°
3. Calculer la longueur d’un arc de méridien dont
l’angle associé vaut 36°, sachant que le périmètre Déterminer la circonférence de la Terre puis en
de la Terre vaut environ 40 000 km. déduire le rayon terrestre.
Rappels sur les angles alternes-internes et la trigonométrie

Angles alternes-internes

Trigonométrie dans le triangle rectangle

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