Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
AMON ET TOUTANKHAMON
(AU SUJET D'UN GROUPE ACQUIS PAR LE MIlSÉE ÉGYPTIEN DU LOUVRE)
PA Il
GEORGES BÉNÉDlTE
".
E xtrait des Monuments et Mémolres publ iés par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
(Tome XX l V)
PARIS
EDITIONS ER NES T LEROU X
2 ti, R UI<: BONAPARTE, 28
1!J2 1
1 ~11~lIlïülïlnllll
150265
(AU SUJET D'UN GROUPE ACQUIS PAl~ LE MUSÉE EGYPTIEN DU LOUVRE)
PLANCHE 1
1. Voir à ce sujet le ca talogu e de vente: Importante collection d'a ntiquités grecques. romaines et
égyptiennes, 23-26 mars 1868 ( A ntiquités grecques, romaines et égyptienn es décrites par M. Frohner,
conservateur adjoint des Musées Impériaux ), p. 20{1, nO520: A mmon, statue a ise en granit, etc.
J e relève simplement les détails suivants: cc Le dieu tient devan t lui la slatuette dn roi A mon Toutan ch
(d e la dix-huitième dy na stie) ... Le cartouche du roi a été mar lelé ... . Haut. 2"'20.» Il s'agit de la
collection du prince apoléon.
2. Le monument a été acquis de M . Feuardent. Il prJvenait du châ teau de Prangin s.
4 MON MENTS ET M É {OIRES
/
MO U ME T~ ET M ÉMOI RES
En effeL, ce qui a été effacé dan les deux carlouch , c'e l l'élémenl
complementaire du nom divin. Le nom du dieu Râ dans le premier ,
celui du dieu mon dan le econd onL élé crupuleu ement
r espectes. Pourquoi ce respect n'a-l-il pas clé élendu aux deux
main du dieu ~ Quel est le nom royal conlre lequel on s'est ainsi
a hnr nc ~ Qu el est enfi n le per sonnage dont l' effigie emble aVOIr
déchaîné ce l accè de fana-
lisme ~
Le r espec l de l'iconoclasle
pour le nom d'Amon écarte ù
première ue le soupçon d'un
martelage ex' cuté par ordre
de l'hérétique Aménophis IV.
L'examen du premier car-
louche, quelqu e soin qu'on
ail pris d'en gr aLLer la sur-
face dans l'a LlenLe d 'un nom
nouveau , aurail d 'ailleur s lrès
vile dissipé l'incerLitude, SL
le style d u monu ment l'a ait
permise. On d ' couvre, en
effet , sans beaucoup de pein e,
les deux principaux igne
qui écriven t le nom d'introni-
:1. - Détail de la figure de Toutànkhamon donnant
FIG .
les deux car touches du roi.
sation ( 0 f4\ !..:,..! J du r oi Tout-
ânkhamon. Le second car-
Louche e t moins lisible; pourlant un œil pré enu y retrou e
la boucle supérieure du signe f Il Y a mieux encore : l'accessoire
bien connu , mais non détermine ju qu 'a présent, qui est suspendu
par trois minces courroies au ceinturon el retombe a droite et un
peu en arr ièr e du lablier por te les deux car louche royaux gra és
a une si petite échel1 e qu'ils onl échappé aux auLeurs de la de -
AMON ET TO UT ANI H MON ï
truction i (fi g . 3). Il fall ait don c 'attendr à une œ uvre de culp-
ture du r ègne de Toutânkhamon - comme il er a démontré à propo
du caractèr e culptural du gr oupe - et le in cription font la
r éponse attendue . Qu ant au per onnage qui 'es1 mi sou la
protection du dieu , n 'est-c p as, en fin de compte, le roi Toulânkh-
amon lui-mêm e ~
1. Dan le cartouche-nom , les trois sig ne inféri eurs dont le déchiITrement e t a ez malaisé
correspondent à1i~ bk-ln-r J « prince d' Herm onthi s », titre protocolaire de Toulânkh amon.
2 . Theodore M. Davis, Excavations: T he Tombs of Harmhabi and Toualânkhamanou, p. 128,
fig. û.
M ONUl\lENTS ET MÉMO IRES
p '
AMON ET TOUT Â NK HAMON 9
son flan c»), le « prin e héritier fuM SÈ ». Mais, comme ij agi sai-t
aussi d'a llestcr que ce LLe régr e ion de sa titula Lurc n'était qu'un
rite, il a aj outé à la formule que j vien d'énonc -r les Ir oi mots
Vie, Sante, Force, qui n'appartienn nt qu'au roi. Ce n'e t p a tout:
il a conservé son ceinturon royal , bouclé avec les deux cartouch es.
Tout est nuances da n cetle représentation: le r oi qui n'e t plus
roi , mai qui v ut le r e ter , era l'amnauleJ san l' '' tre, car il y a
un anmauieJ d'offi ce attaché au culte de son père, Séti ] er, c'e t-à-dire
un suppl ' ant 1 erman nt de Ram ès ; de p~u s, Je suppléant n'est
j amais dé igné par on nom d'h omme et Ramsè , en endo ant les
insignes de cette fonction , n'est pas allé jusqu'à faire grave r sur la
pi erre, à la suite de sc tiLr es princiers, le titre imper sonnel J 'anmautef.
Les a ant ont r elevé depui plu d'un demi- ièd e tout les
particularité relati ve à ce tilr . Il n est une qui semble avoir
pr ovoqué quelque étonnemenl , el M. J. Capart y insiste dan une
brève nolice 1 : c'est le caractère le di iniLé que pr nd l' anmauieJ dans
jes textes de P yramides (Pépi II , 1. 77 2). On peul couper court à
toutes les discussion ouverLe à ce suj et en faisant implement.
r emarquer qu e le nom d'anmauLeJ e lune' pithète du di eu Horu . Cela
était depui longtemp visible dan un cène du lombeau de éti 1er
r levée Ear Champollion 2 . L'anmauieJ qui rend le culte au r oi mort
lui dit: P aroles de Horus anmauteJ: « Je suis Horus qui t'aime, Loi maUre
des deux terres, aime de Râ, l'Osiris Roi Râmenmâ » etc. De nombreux
1
1. L'historique des premiers tâtonnemenl dans le déc hiffremen t et l'idendifi ca tion des cartouche
de Tou tânkhamon a été traité dans La résurrection d'un règne (Revue de tari ancien et moderne,
t. XXXVIII [1 920], p. 65-70).
2. L . Borchardt, Z ur Geschichle der Luqsoriempels (Zeilschrift fur aegypt , Sprache). t . XXXIV
(18g6) , 131, 132. - Gauthier, Livre des Rois (Mém . de l'Institut f l'ançais d'archéologie orientale
du Cail'c, t. XVIII, p. 367, note 1) : M. Alan II. Gardiner lui a si gnalé des restes du pro tocole de
Toutânkhamon recouverls en surcharge par le protocole d'Horemheb (Arm aïs) relevés par lui en
Ig T 1 sur le mur Ouest de la cour de ce temple.
AMON ET TOUT Â NKHA 10N
1. Bulletin de l'Institut fr ançais d'archéologie orientale, XII, p. 159. L'opinion que les têtes repré-
sentées sont celles de la rein e l efertiti es t développée par II . chrofer dans Die angeblichen Kano -
p enbildnisse des J(onigs A menophis des I V. (Zeits chr~rt fur aegypt. prache, t. LV , pp. 43-49)'
Cette opinion n'affaiblit pa mon argum ent ; un incon te table air de fam ille se dégage de toute l'ico-
nograpbie de la fam ille d'Aménophis 1 et de celle de TouLânkhamon.
2. La stèle du 'lusée de Berlin , où il porte encore son nom alonien , Toutânkhaton, dan une scène
3
.
14 MONUMENTS ET MÉMOIRES
d'adoration du couple divin Amon et Maut, e t, à ce poin t de vue, un document de la plus grande
valeur: A. Erm an, Geschièhtliche Inschrtf len a llS dem Berliner Museum (Zeilschrifl f ür aegypt.
Sprache, XXXVII[ [1900J, p. 112).
--------~-------------------.-------- -~ ~~ ~ ------ - -- - - - --
1. L'irradiation d'un foyer p lacé à l'une et qudqueroi au i au x deux pointe du lablier, ornement
spécifique de cetle partie du \"êlcmenl, implique l'intention de montrer le pharaon ou la [orme du
1() MON MENTS ET MÉMOIRES
lem nl tou L a ulre que celui qu'appliquaient les atelier libre aux
obj e l artisliqu de ]a vi e courante.
La r evolution r eli gi use d'Am enophi IV a eu là son eŒ t le plu
durable . Le culpteur des at li r acre, englobe dan son
1 Ce mouvement arli tique a été rattaché par Brugsch à une famille d'arLi Le connue par un
bas-relief avec inscription sur des rochers du désert d'Assouân. Le père, Men, exerçait son art il.
la cour d'Aménophis III; le fil , Baq, sou ménophis IV.
AMON ET TOUTÂNKHAMON U)
Toutânl hamon - un nouvel art officiel, qui n'etait plu l'art d'El-
Amarna, mais qui n 'était pas non plus redevenu elui de Thoutmô-
sis III, prenait naissance et aboutis ait à ces création d'un belle t nue
et animées en mème temps d'un souffle de vie qu 'il fallait autrefoi aller
chercher dans l'art d 'à côté. Le roi et le
dieu, ju qu'alor impas ibles , e mirent à
sourire dan le granit. Les yeux , qui
depuis les premier temps de la sculpture
s'ouvraient déme urément comme ceux
d'O iris sur les masques de sarcophages
etsansaucun igne d'individualité, perdent 6 . - L'œil conventi onnel , d 'a près un e
FI G.
statue civile du règne de Thoutmôsis lf
leur forme hiéroglyphique (fig. 6), pour (X IIIe dynasti e) (Musée du Louvre).
1. Voir notamment A propos d'un buste égyptien (Monuments Piot, t. 1 III , fig. l, fi g. 2, fig. 4,
r
fi g. 6 d'après P etri e, El-A marna] et pl. l el II). La planche III du même volume, en repro-
dui sant la Tête égyptienne du Musée du Cinquantenaire de Bruxelle publiée par M. J. Capart,
fournit très opportunément un terme de comparai on en tre la technique des ateliers pri.vés
auxquels il vient d'être fait allu ion et celle des a teliers royaux d'avant et d'après EI- marna.
La nouvelle formule de l'œil 'y montre avec loute la netteté désirable.
2. Il s'agi t de la tête colossale trouvée en 1860 par Marielte dan une des salle du temple
de Karnak et attribuée par ce savant à Ménephtah. On lira dan s Une tête du pharaon Uarmhabi
(Monuments de l'art antique par O. Rayet, lome 1"r, livraison V, planche XV, et Essais sur l'art
égyptien , p. 169-170) par quel ra i onnemen t G . Maspero en e t arrivé à l'identification, alor très
plausible, de cetle magnifique tête a\ ec Horemheb, et dan le Guide au Musée de Boulaq, p. 425,
n" 617, les liens de parenté qu'il lui suppose avec la prétendu e Taïa. Depuis lor G. Legrain a
J émon tré ( Le Musée égyptien, t. II, p . 7-9) qu e ce lle rei ne n'était autre que la dée se Maout ,
parèdre d'un dieu Amon dont il re trouva la tête en 1895; mai, dominé par la pensée que ce groupe
se rapportait au règne d'Horemh eb, il es t resté attaché à l'hy pothèse de oMas pero, à savoir que les
traits de ce tle divinité avaient été empruntés à la mère ou à l'épouse (il opte pour cette dernière)
d'Iloremheb. J e con idère la tête d'Amon trouvée en 1895 et publiée par Legrain (Musée égyptien,
t. II , pl. IV) comme reproduisant, non m oin s que le fameux Khonsou, le visage de Toutânkhamon,
et cela avec un degré de réalisme auquel n 'arrive pas l'Amon du Louvre.
3. Aug. Mariette, L e Sérapéum de Memphis ( 185ï), p. 8, et Ille partie, pl. 2.
22 MONU\rE ITS ET MÉM OIR ES
FIG . 10 . - Couyprd,· d 'un vase ("anope du bœuf Api s (' mballmé ous le règ ll r de Toulùnkhamon.
(~lu,ée du Lou\f<').
GEOHGES BÉNÉDITE
1.1-; Illl ·: I" "\~IOX ET 1. 1·: HO I TOI · T" \XI\II.\~ I()X