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Dussaud René. Le dieu mithriaque léontocéphale. In: Syria. Tome 27 fascicule 3-4, 1950. pp. 253-260;
doi : https://doi.org/10.3406/syria.1950.4592
https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1950_num_27_3_4592
PAR
RENÉ DUSSAUD
Les pages qui suivent sont un complément à notre étude Anciens Bronzes
du Louristan et cultes iraniens (1), au sujet des cultes iraniens répandus dans le
Proche-Orient et en Occident. Cela nous permettra de souligner que l'influence
de ces cultes à Palmyre a été favorisée par le fait, dont témoignent les
inscriptions (2), que la langue des colonies iraniennes, même en Asie Mineure, était
l'araméen avant de devenir le grec. Cela nous explique qu'Ahoura-Mazda
ait été identifié à Bel.
Cumont a relevé qu'un sacerdos des dieux palmyréniens fut accueilli en
Dacie par les mystes de Mithra comme un adepte de leur religion <3). Nous
aurons à nous souvenir de ces particularités tout en prenant garde qu'une
rencontre est possible entre mêmes attributs sans qu'il y ait eu contact réel.
A ce sujet, M. Ernest Will nous signale que « sur les reliefs du Cavalier thrace,
on voit plus d'une fois le lion accompagnant le héros chasseur — d'ailleurs
aussi deux ou trois fois le serpent — ou encore sous le cheval le groupe du
lion terrassant le taureau. Il n'y a pas lieu de croire à une influence du mi-
thriacisme sur ces monuments (4> ».
Il nous faut revenir sur l'étrange figure du dieu léontocéphale qui apparaît
à basse époque dans le culte mithriaque. Nous n'en avons parlé que pour
écarter tout rapprochement avec le dieu El, car ce dernier n'avait comme attribut
ni le serpent ni le lion <6'. Cumont définissait le monstre comme une
personnification du Temps et l'identifiait au Zervan Akarana, le Temps infini qui,
placé à l'origine des choses, avait donné naissance à la fois à Ormuz et à Ahri-
man. Ce zervanisme, constitué en Babylonie, aurait été enseigné par les
I1) Cumont, Textes et Monuments, I, p. 78 France, pi. XXIII, et d'après une photographie
et p. 18 et s. du moulage par Cumont, Textes et Mon., II,
(2) Long vêtement à manches, ibid., II, p. 340, n° 240, fig. 214.
n° 101, fig. 96, et n° 281, fig. 325. En Numidie, (*) Cumont ne donne pas d'explication pour cet
la tunique est recouverte en partie par un objet. Si l'on en juge par le monument n° 284 d,
manteau, ibid., n° 284 b, fig. 330. fig. 333 et 334, c'était un vase en terre cuite
(3) Reproduit par Fhoehxee, Les musées de qui servait de demeure au serpent sacré.
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f1) Cumont, op. cit., I, p. 75 et s. portes du ciel pour laisser passer Shamash,
(•) Syria, XXVI (1949), p. 223 et s. M. Ernest le Soleil.
Will me signale que Saxl avait déjà écarté (4) Cumont, Textes et Mon., II, p. 375,
l'explication de Cumont; mais M. Pettazzoni, n° 253 /, fig. 286. La statue trouvée à York
dans le mémoire que nous citons ci-après, et vêtue d'un simple pagne, a la tête brisée,
l'admet encore. mon. n° 271, fig. 310 a. Le léontocéphale de
(3) Cumont, op. cit., I, p. 83 s., a étudié la Memphis (Cumoxt, ibid., p. 521, mon. n° 285 d,
signification des clés, en mettant cet attribut fig. 481, et Pettazzoni, La Figura mostruosa
en rapport avec la représentation fréquente del Tempo, pi. II, fig. 3).
sur les cylindres babyloniens de l'ouverture des I6) Cumont, ibid., p. 239-240, n° 81, fig. 69.
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(*) Ibid., p. 238-239, n° 80, fig. 68, inscript. doit paraître dans un volume des Studies of
137. the Warburg Institute.
(a) Ibid., p. 403-404, n° 281, fig. 325. (*) Cumont, Textes et Mon., II, n° 285,
C) R. Pettazzoni, La Figura mostruosa del p. 520-522. La figure léontocéphale, p. 521,
Tempo nella religione mitriaca, Accademia fig. 481, et Pettazzoni, op. cit., pi. II, fig. 3.
Nazionale dei Lincei, anno CCCXLVI, 1949, (5) Pettazzoni, op. cit., p. 10 et pi. II,
quademo N. 15, p. 6-15, Rome, 1950. Un fig. 4.
mémoire plus développé sur le même sujet
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sont empruntés au dieu Pan. Les deux mains appuyées contre la poitrine
tiennent les clés et, entre elles, est représenté le foudre.
Il est certain, comme le note M. Pettazzoni, que le milieu égyptien était
singulièrement favorable à l'éclosion de pareilles combinaisons; mais, même
en admettant l'action de l'orphisme alexandrin M, il est remarquable qu'aucun
de ces attributs ne soit spécifiquement égyptien, ce qui vérifie l'observation de
Cumont : « les mystères égyptiens ont suivi le
progrès général des idées plus qu'ils ne l'ont
dirigé <2> ».
A l'appui de son opinion, M. Pettazzoni
invoque le léontocéphale de Castel Gandolfo qui a
emprunté à Sérapis le Cerbère à triple tête de
loup, de lion et de chien que Macrobe explique
comme le Temps passé, présent et futur (3>. Il
n'y a rien là de surprenant puisque Mithra fut
identifié à Sérapis (4).
En réalité, tous les éléments du relief d'Oxy-
rhynchos (fig. 3) sont occidentaux et, en
particulier, ils n'empruntent rien au dieu Bès. Ils ne
sont pas sans rappeler les attributs du bas-relief
provenant d'un mithraeum découvert à Rome
et conservé au palais Colonna sur le Quirinal (5>.
Cette variante (fig. 4) figure le dieu léontocéphale pIG. 3. _ Relief d'Oxyrhynchos.
avec ses deux paires d'ailes autour desquelles
paraissent se jouer quatre serpents. De chaque main il tient une torche
enflammée et de son puissant souffle il entretient le feu de l'autel posé à ses pieds.
I1) Voir R. Pettazzoni, Kronps in Egillo, fication de Mithra avec Sérapis comme plus
dans Scritti in onore di Ippolito Rosellini, I ancienne que celle de Mithra avec Zeus et
(1949), p. 275-299. même avec Hélios, le tout bien attesté par la
(2) Cumont, Les Religions orientales, 4e édit., formule Elç Zsùç "HXto; ^jâparciç. L'ancien
p. 86. mithriacisme identifiait Zeus à Oromasdès.
(3) Pettazzoni, La Figura mostruosa del (6> Cumont, Textes et Mon., II, p. 197,
Tempo, p. 11, pi. IV, fig. 8. n° 10 b, fig. 22. M. Pettazzoni, op. cit., pi. I,
(4) Voir Cumont, Revue de VHist. des fig. 2, en donne une bonne reproduction.
Religions, CIX (1934), p. 64, qui tenait
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le dieu qu'en buste (1>, ce qui, nous l'avons dit, est la représentation ordinaire
de Mithra pétrogénès. A constater la fixité et le nombre de représentations
de ce dernier <2), qui tient un couteau dans la main droite et une torche dans
la gauche, on peut estimer qu'elle conserve la formule la plus ancienne.
W Cumont, Textes et Mon., II, fig. 315. 228, 228 bis d, 231, 235 b (fig. 212), 251 l,
(*) Cumont, Textes et Mon., II, n08 18, 22, 252 e, 253 / (fig. 290) avec l'inscription
62, 69, 177, 200, 203, 209, 210, 213, 225 /, p(etram) g(e)ne(t)ricem.
2(M) SYRIA
(x) Elle figure sur la poitrine du bas-relief Cumont, Revue de l'hist. des Religions, CIX,
de Modène. p. 68-69 et par Leglay, op. cit., p. 134.
(2) Nettement indiqués sur le bas-relief de (4) Voir Ernout et Meillet, Dictionnaire
Modène publié par Leglay, op. cit., pi. II, étymologique de la langue latine (1939), p. 20-22,
fig. 2. s. v. aeuun.
(3> Reconnu par Cavedoni, admis par
'