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Vandier Jacques. Ouadjet et l'Horus léontocéphale de Bouto. À propos d'un bronze du Musée de Chaalis. In: Monuments et
mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 55, 1967. pp. 7-75;
doi : https://doi.org/10.3406/piot.1967.1511
https://www.persee.fr/doc/piot_1148-6023_1967_num_55_1_1511
DE BOUTO
du Musée de Chaalis
a) Le dieu (pi. I). — Le dieu (2) est assis sur un siège cubique à dossier
bas ; la main droite, qui est fermée horizontalement, s'appuie, par l'unique
pouce, sur le bord extérieur de la cuisse, non loin du genou ; la main gauche,
(1) M. Deschamps, à qui nous tenons à adresser tous nos remerciements, a bien voulu faire restaurer
et nettoyer la statue, et nous a donné, en nous la confiant pendant plusieurs jours, au Louvre, la possibilité
de l'étudier à loisir.
(2) Hauteur 0,495 m, et, sans la couronne d'uraeus, 0,48 m.
O MONUMENTS PIOT
fermée verticalement, ne s'appuie pas sur la cuisse ; elle est reliée à celle-ci par
une pièce de bronze. Il est évident que le dieu tenait, primitivement, dans la
main droite, le symbole de la vie ânkh, et, dans la main gauche, le sceptre ouas,
ce qui explique que la main gauche se trouve à côté de la cuisse, et non sur la
cuisse. Les jambes sont peu éloignées l'une de l'autre (1), et le dieu porte une
chendjit rayée. La tête de lion, avec sa crinière stylisée, est encadrée, comme
chez tous les dieux égyptiens représentés avec une tête d'animal, par une
perruque tripartite, et elle est surmontée par une couronne d'urœus qui supportait
une coiffure, aujourd'hui disparue. Les traces subsistantes permettent d'affirmer
que cette coiffure reposait sur des cornes de bélier ; on en déduit, par analogie,
que le dieu devait porter, non pas le disque solaire (2), mais la couronne
hemhem (3). Entre les mèches qui tombent sur la poitrine, on voit les traces d'un
collier ousekh.
b) Le siège (pi. II). — L'intérêt de la statue de Chaalis vient surtout
des scènes qui décorent le dos et les deux côtés du siège. L'encadrement, qui
n'existe que sur les côtés, est classique : série d'étoiles, en haut, groupes de quatre
traits parallèles et horizontaux, séparés par des rectangles vides, à droite et
à gauche, le décor cessant, comme si souvent, à la partie inférieure du cadre.
La partie arrondie du siège, qui représente l'étoffe, ou le coussin, dont on couvrait
le dossier, est décorée, sur les côtés, d'un quadrillage qui fait penser à une sorte de
filet. La surface limitée par le cadre que nous venons de décrire se divise
horizontalement, à droite comme à gauche, en trois parties : en haut, une scène ; au milieu,
une bande assez large, occupée par un texte ; enfin, en bas, des motifs, parfaitement
classiques, imitant le plumage d'un oiseau, les plumes se recouvrant l'une l'autre,
dans le sens de la hauteur.
c) Scène el texte du côté droit (pi. II, a). — A gauche, on voit un dieu -> hiéra-
cocéphale, assis sur un siège cubique à dossier bas ; coiffé du pschent (4), il tient,
dans sa main gauche, le sceptre ouas et, dans sa main droite, le symbole de la
vie ânkh. Au centre se trouve une table d'offrandes chargée de pains (?) (5) et
d'une oie troussée, dont le cou pend à droite. A gauche du pied de la table se
dresse une grande jarre à épaule plate et à col bas, caché par un bouchon
d'argile (?) (6). Le motif qui se dresse, un peu en oblique, à droite du pied de la
table, est, probablement, un bouton de lotus (1). La partie droite du tableau est
occupée par un prêtre <-, dont le crâne est rasé, et qui porte, sur sa tête, une
corbeille neb. L'homme lève, presque perpendiculairement, ses deux avant-
bras (2) pour soutenir sa charge. Le contenu de la corbeille est stylisé, ici, par
trois rangées de petits traits verticaux et parallèles, onze en bas, neuf au milieu,
et sept en haut. Notre personnage est vêtu d'une longue jupe ornée, en avant,
d'une frange. Le texte gravé sur la bande médiane est, aujourd'hui, illisible.
Nous devions avoir là, au début de l'inscription, à droite, le nom du dieu hiéra-
cocéphale qui est représenté juste au-dessus, c'est-à-dire le nom d'Horus. En nous
aidant d'un frottis, nous avons cru voir les traces d'un faucon (Horus) et quelques
autres traces appartenant à un texte (3), si effacé, aujourd'hui, qu'on hésite à
admettre une lecture, qui risque d'autant plus d'être arbitraire qu'elle est plus
précisément celle qu'on attend.
d) Scène et texte du côté gauche (pi. II, b). — La scène est composée
exactement de la même manière, mais le prêtre au crâne rasé -> est à gauche, et, la
divinité -*-, à droite. Il s'agit, ici, d'une déesse léontocéphale assise, tenant,
dans sa main droite, le sceptre papyriforme ouadj, et, dans sa main gauche, le
symbole de la vie ânkh. On ne relève aucun détail nouveau dans la représentation
du prêtre ; signalons simplement que la charge est, ici, stylisée par deux rangées,
et non trois, de petits traits verticaux et parallèles, quinze en bas et dix en haut.
Au centre, au-dessus de la table d'offrandes, mais légèrement déporté vers la
gauche, se trouve un grand œil oudjat, qui existait, peut-être, dans la scène
précédente, mais qui n'est plus visible aujourd'hui. La table d'offrandes, dans ce
tableau, est mieux conservée. Le plateau est surmonté d'une bande, striée
d'une douzaine de traits parallèles et verticaux, qui font penser à des échan-
crures, mais qui pourraient représenter une série, très stylisée, de pains
guessou (4). L'offrande, placée un peu au-dessus du plateau, ressemble plus à
une énorme fleur de lotus qu'à une oie, la tige de cette fleur (?) tombant à
gauche du plateau. Le pied de la table est encadré d'un bouton (à gauche) et
d'une fleur de lotus.
Le texte de la bande médiane est, ici, partiellement lisible. On voit, tout
d'abord, à l'extrême gauche, donc au début de l'inscription fAft3»i» = Ouadjel
(1) Comme dans la scène parallèle du côté gauche. On pourrait penser au bec et à la tête de l'oie, mais,
si tel était le cas, le cou de l'oie serait démesuré.
(2) Les bras sont parfaitement horizontaux.
(3) Nous croyons lire : Horus, [fils de] Ouadjel, donne la vie à... (lacune). De toute façon, ce dieu hiéra-
cocéphale doit être identifié au dieu léontocéphale de la statue. Nous reviendrons plus bas (p. 54 sqq.) sur
l'Horus de Bouto.
(4) Sur les guessou, cf. notre Manuel, IV, p. 96. Il s'agirait d'un archaïsme. On pourrait également
penser à des roseaux ou à un décor dans l'épaisseur du plateau. Il est probable que le plateau, dans la
scène précédente, ressemblait beaucoup à celui-ci. Cf. supra, p. 8 et n. 5.
10 MONUMENTS PIOT
donne la vie à Pa... (1). Un peu plus loin, on croit pouvoir lire P\-di
wéir, c'est-à-dire Pétosiris, peut-être le nom du père de celui qui a dédié la
statue (2). Il est évidemment regrettable que ce texte soit aussi mal conservé.
11 nous apporte, en tout cas, la preuve que la déesse léontocéphale, représentée
au-dessus du texte, à droite, est bien Ouadjet (Outo), la maîtresse de Bouto.
e) Dos du sièye, registre supérieur (pi. II, c). — La majeure partie de la
surface disponible est occupée par un faucon -»-, dressé sur un sérekh (3). L'oiseau,
évidemment Horus, est, très probablement, coiffé du pschenl (4), mais les traces
en sont difficilement reconnaissables. Sous la queue, légèrement déportée vers
la gauche, du faucon se trouve une colonnette papyriforme (?) (5), dont la
présence, à cet endroit, ne peut s'expliquer que par une erreur (6). Plus à gauche,
la déesse de la Haute Egypte, le vautour Nekhbet, est dressée sur une colonne
palmiforme. La déesse portait certainement une couronne, le pschent, autant
qu'on puisse dire (7). Le palmier, sur lequel se trouve Nekhbet, représente, sans
aucun doute, dans cet exemple, la plante héraldique du Sud (8). Il est possible (9),
on en voit, semble-t-il, des traces, qu'un sceptre ouas, partant de la partie
supérieure du chapiteau, se soit écarté de celui-ci vers le haut, en s'inclinant
légèrement en oblique, combiné ou non avec le chen (10).
Le même détail devait également exister à droite, où on voit la déesse
Ouadjet, sous l'aspect d'un serpent, dressée sur une colonnette dont le chapiteau
imite une ombelle de papyrus ; on sait que le papyrus est la plante héraldique
du Nord, et qu'il est, à ce titre, constamment associé à Ouadjet, déesse
protectrice de la Basse Egypte. La déesse porte, ici, le pschent, alors qu'on aurait,
plutôt, attendu la couronne rouge du Nord (11).
(1) P't-n-mu)... (?). Il s'agirait d'un nom formé comme P,-n-mw-Mwl (cf. Ha.nke, Personennamen, l,
p. 108, 6). La lecture est loin d'être certaine.
(2) Celui-ci, en tout cas, d'après les traces subsistantes (cf. la note précédente), ne peut pas s'appeler
lui-même Pétosiris.
(3) Le sérekh représente une façade de palais. Sur son rôle dans la titulature royale et sur ses rapports
avec Horus, cf. Hugo Mùller, Die formale Enlwicklung der Titulalur der dgyplischen Kônige, Gliickstadt,
1938, p. 13 sqq. ; Bonnet, Reallexikon der dgyplischen Religionsgeschichle, Berlin, 1952, p. 316-317,
s. v. Horusname.
(4) Comme l'Horus du côté droit. Cf. supra, p. 8 et n. 4.
(5) Le chapiteau, en tout cas, a la forme d'un papyrus ouvert.
(6) Cf. infra, p. 15, n. 1.
(7) Plutôt que Vatef que la déesse porte sur une statue du Louvre que nous décrirons plus bas (p. 15).
La décoration de cette statue ressemble beaucoup à celle de la statue de Chaalis, et elle a l'avantage d'être
mieux conservée ; aussi nous donnera-t-elle l'occasion de revenir sur certains points qui n'ont été, ici,
qu'effleurés.
(8) Montet, Géographie de V Egypte ancienne, I, p. 7 ; I. Watj.eht, Die Palmeti im Allen Àgyplen,
Munich, 1962, p. 74 sqq. Cf., aussi, infra, p. 15.
(9) Cf. infra, p. 15.
(10) Cf. infra, p. 15.
(11) Le nom de Ouadjet est gravé, semble-t-il, au-dessus de la déesse. Il est probable, si tel est le cas,
que le nom de Nekhbet était également gravé au-dessus du vautour, mais il n'est plus visible aujourd'hui,
peut-être à cause de la cassure.
PL. Il
f) Dos du siège, registre inférieur (pi. II, d). — Au centre se trouve une bande
verticale qui s'élargit, en haut, pour former une bande horizontale, laissant, à
droite et à gauche, juste assez de place pour loger un grand œil oudjat. Nous
avons, en quelque sorte, un grand T, dont les bras sont encadrés par deux yeux
oudjat. Les bandes qui forment le T étaient occupées par un texte (1), dont il
ne reste, actuellement, que quelques signes Y']2\^' ■ Seul le nom de Ouadjet
est certain (2). A droite et à gauche de la bande verticale se trouve un dieu,
enveloppé dans un linceul. Les deux dieux sont assis sur un siège cubique à
dossier bas et tiennent, dans leurs mains, qui sortent du linceul, le sceptre héka
et le flagellum ; ils ont la barbe divine et sont coiffés de la perruque tripartite,
surmontée du disque solaire. Étant adossés à la bande verticale, ils se tournent
le dos et regardent, celui de gauche, vers la gauche, et, celui de droite, vers la
droite. Au-dessus de chacun d'entre eux se trouvent deux signes hiérogly-
phiques a1: , que nous retrouverons sur deux autres statues, au même endroit (3),
et dont nous reparlerons (4).
(1) La statue E. 14719 du Louvre (cf. infra, p. 15-16 et fig. 2) offre exactement la même disposition,
mais, dans ce cas, l'état de conservation du tableau permet une lecture plus facile.
(2) Peut-être faut-il lire nbt Pr-W]dt = la maîtresse de Boulo, mais cette lecture nous oblige à admettre
que le nom de la déesse est en prolepse, et que le signe h est une erreur pour pr, ce qui est, évidemment,
très hypothétique. Sur Pr-W,dl, cf. Gauthier, Dictionnaire géographique, II, p. 65, et Montet, Géographie
de V Egypte ancienne, I, p. 91.
(3) Louvre E. 14719 et Cambridge, Fogg Art Muséum, n° 1943.1121 a.
(4) Infra, p. 65. L'interprétation de ces signes est assez délicate.
(5) E. 14719. Hauteur : 0,56 m, avec le disque solaire ; sans ce disque, elle mesure 0,455 m, c'est-à-dire
2,5 cm de moins que le bronze de Chaalis (0,48 m). La statue, qui faisait partie de la collection David-Weill,
a été donnée, au Louvre, en 1937, par M. et Mme D. David-Weill. Elle a été sommairement publiée par
Boreux, Bulletin des Musées de France, mars 1937, p. 39-41. L'auteur, qui appelle la déesse Sekhmet, fait
une simple description de l'œuvre, mais ne parle, ni de la décoration du siège (à l'exception des joueurs de
trompette), ni des textes.
(6) Sur ces bronzes, cf. Bothmer, Journal of Near Eastern Studies, 8 (1949), p. 121-123, et Roeder,
Àgyptische Bronzefiguren, Berlin, 1956, p. 278 et seq. = § 343 et seq. C'est Bothmer qui a montré que les
déesses léontocéphales assises, à Basse Époque, devaient être identifiées à Ouadjet, et non à Sekhmet. Il a,
également, établi que ces bronzes avaient servi de sarcophages à des ichneumons, animaux sacrés de
Ouadjet, et que c'était cet usage qui avait imposé la position assise de la déesse ; en effet, seul le siège, dans
ces statuettes, pouvait servir de sarcophage.
12 MONUMENTS PIOT
certainement le sceptre papyriforme ouadj, alors que la droite est étendue à plat.
Le siège est décoré, sauf à la partie antérieure. Les faces latérales du dossier sont
couvertes de lignes parallèles qui se coupent, par groupes réguliers, de façon à
former des losanges.
b) Côté gauche du siège (fig. 2, a). — Le décor est composé exactement
comme sur la statue de Chaalis (1), mais la bande qui sépare la scène elle-même
du registre de motifs imitant des plumes, est restée anépigraphe. Ici, nous
n'avons donc à décrire que le tableau qui est gravé à la partie supérieure et qui
représente un prêtre jouant de la trompette devant Horus, dont il est séparé
par un autel.
a) Le prêtre, debout -> à gauche, a le crâne rasé et porte une longue jupe
qui s'élargit vers le bas (2). L'homme tient à deux mains une trompette dont
il joue pour honorer le dieu.
(3) Au centre et en haut se trouve un grand œil oudjat, à droite duquel on
remarque une courte colonne, préparée pour un texte qui n'a jamais été gravé.
Enfin, au-dessous de l'œil oudjat se dresse un autel qui était chargé d'offrandes,
mais celles-ci ont complètement disparu.
y) A droite, nous voyons le dieu hiéracocéphale Horus <-, coiffé d'une
perruque tripartite, surmontée du pschent (3). Vêtu de la chendjit, il est assis sur
un siège cubique à dossier bas, posé sur une natte. Le dieu tient le sceptre ouas
dans sa main droite, avancée, et le symbole de la vie ânkh, dans sa main gauche,
posée sur sa cuisse.
c) Côté droit du siège (fig. 2, b). — On retrouve le même encadrement et
la même division en trois registres inégaux. Le tableau du haut représente le
même joueur de trompette <-, debout, à droite, devant la déesse Ouadjet ->,
dont il est séparé par un autel.
a) Le joueur de trompette est exactement semblable au précédent, mais il
est tourné dans l'autre sens.
(3) La table d'offrandes est, ici, mieux conservée ; elle est chargée de trois
pains et d'une oie troussée. Au-dessus se trouve, comme dans l'exemple précédent,
un grand œil oudjat, mais il n'y a pas trace d'une colonne préparée pour recevoir
un texte.
y) La déesse léontocéphale Ouadjet -> est assise sur un siège cubique à
dossier bas, posé sur une natte. Elle tient, dans sa main gauche, le sceptre
papyriforme ouadj, et, dans sa main droite, le symbole de la vie ânkh. La tête de lionne
(e) (d)
Fig. 2. — Détails du trône de la statue, fig. 1. Musée du Louvre.
OUADJET ET L'HORUS LÉONTOCÉPHALE DE BOUTO 15
(1) Ici, nous n'avons pas, sous la queue du faucon, une colonnette papyriforme. On en déduit (cf. supra,
p. 10) que cette colonnette, dans le tableau de Chaalis, était une erreur. Sur le pschent, cf. supra, p. 8, n. 4.
(2) Allusion au nom d' Horus d'or du roi. Lorsque le faucon est dressé sur un sérekh, le groupe évoque
le nom d'Horus du roi. Sur ces titres, cf. H. Muller, Die formale Enlwicklung der Tilulatur der àgyptischen
Kônige, Gluckstadt, 1928, p. 8 (nom d'Horus) et seq., et p. 54 sqq. (nom d'Horus d'or).
(3) Nous croyons lire : hnwl ddl (?) (sens causatif du verbe dd) t\wj = la souveraine qui donne la durée
aux deux pays, mais seul le mot l\w\ est certain. Aucun texte n'est visible à droite, du côté de Ouadjet.
(4) Ce chapiteau ressemble à celui de la colonnette qui, à Chaalis (cf. supra, p. 10), se trouvait sous la
queue du faucon.
(5) Cf. supra, p. 10 et n. 8.
(6) II est, peut-être, plus sage de ne pas chercher à préciser. Cf. Montet, Géographie de VÉgijple ancienne,
I, p. 7-8 ; Sethe, Urgeschichle und allesle Religion der Àgypler, Leipzig, 1930, § 201.
(7) Lefebvre, Grammaire de Végyplien classique, p. 403, M. 24 a.
(8) Cf. infra, p. 18, n. 2, et p. 60-61.
(9) Cf. Leclant, Recherches sur les monuments thébains de la XXVe dynastie, Le Caire, 1965, p. 313.
16 MONUMENTS PIOT
T <- ->, au Louvre, ils sont tournés vers le centre -> <- et se regardent. En dehors
de cette nuance, ils sont exactement semblables à ceux du bronze précédent,
et on retrouve, au-dessus d'eux, les deux signes hiéroglyphiques, assez énigma-
tiques, à vrai dire, et dont nous essaierons, plus bas (1) de donner une
interprétation. En revanche, le texte gravé dans les deux branches du T, à la différence
de tous ceux que nous avons rencontrés jusqu'à présent, est suffisamment net
pour nous permettre d'en établir avec certitude la lecture :
Ouadjet, celle qui juge les deux pays (2), la maîtresse de Dep et de Pé, donne la
vie au joueur de trompette (3) de VHorus de Pé (4) et de la déesse dont la vie est
prospère (5), Paenpé (6), [fils] de Oun[néfer (?).
Ce texte nous aide à comprendre les représentations des deux côtés du
trône : Paenpé est représenté dans l'exercice de ses fonctions, une fois, devant
Horus, et, une autre fois, devant Ouadjet. Le nom de Paenpé signifie « l'homme
(1) Cf. supra, p. 14, et infra, p. 65. Dans cet exemplaire de la légende, le signe néwt précède celui du
triangle.
(2) Ou : qui ouvre les deux pays. Sur cette épithète, cf. Bonnet, Reallexikon der àgyptischen Eeligions-
geschichte, Berlin, 1952, p. 853 ; l'auteur fait remarquer avec raison que cette épithète ne peut s'expliquer
que si on la rapproche des exemples dans lesquels Ouadjet et Nekhbet sont représentées, l'une et l'autre,
sous l'aspect d'un uraeus. Il y a là, évidemment, le désir de donner la préséance à Ouadjet, et on va si loin
dans cette voie que Ouadjet finit par dominer les deux moitiés du pays. Nous avons relevé quatre autres
exemples de cette épithète, relativement rare : au Nouvel Empire (inédit ; d'après les fiches du Wôrter-
buch), dans le temple de Khonsou, à Karnak (règne de Ramsès IV), Ouadjet léontocéphale est appelée
« celle qui juge les deux pays » ; à Basse Époque, on retrouve cette épithète sur une statue de Ouadjet, en
bronze (Berlin 13141 = Roeder, Àgyptische Bronzefiguren, Berlin, 1956, p. 281, § 343 f) et sur une statue
d'Horus hiéracocéphale, également en bronze, du musée du Caire (Caire 38598 = Daressy, Statues de
divinités (Cat. gén. du M. du Caire), p. 156-157 et pi. XXXIV) ; le dernier exemple est ptolémaïque (Daumas,
Les mammisis des temples égyptiens, Paris, 1958, p. 139).
(3) Wôrterbuch der àgyptischen Sprache, IV, p. 514, 7. Lire dd < m >snb. Sur les trompettes, cf., aussi,
infra, p. 66 sqq.
(4) Graphie inhabituelle pour Hr n P, qu'on trouve régulièrement dans les temples (cf. Gutbub,
Kêmi, 17 (1964), p. 36 sqq. ; cf., aussi, par exemple, Chassinat, Le temple d'Edfou, IV, p. 248, et VII,
p. 276). Le signe que l'on voit derrière le dos du faucon est certainement un p, et non un simple trait, comme
l'a supposé, si on se fonde sur sa transcription et sur sa traduction, E. Brunner-Traut (cf. Gôttinger
Vorlràge, Gôttingen, 1965, p. 137 et flg. 2 6), à propos d'un exemple analogue (Berlin 24008). Et, comme il est
difficile d'admettre, ici, la lecture p (,') Hr, c'est-à-dire le nom du dieu, précédé de l'article défini, la lecture
Horus de Pé s'impose ; elle est, d'ailleurs, confirmée par plusieurs de nos bronzes (cf. Caire 38598 = infra,
p. 32, Louvre AF. 2001 = N. 5178 = infra, p. 35, et Brit. Mus. 29608 et 11068 = infra, p. 48, n. 4 et 6).
(5) Wôrterbuch der àgyptischen Sprache, I, p. 265, 24 : épithète de Ouadjet. Ajouter à l'unique référence
du Wôrterbuch (Mariette, Dendérah, I, pi. 80) : Chassinat, Le temple d'Edfou, III, p. 274, 284, 296 ; IV,
p. 280, 324 ; V, p. 255, 259, 266, 324-327 ; VI, p. 352 ; Chassinat, Le temple de Dendara, II, p. 205, 226 ;
III, p. 175 ; V, p. 30 ; Daumas, Les mammisis de Dendara, p. 173 ; Morgan, Catalogue des monuments et
inscriptions de V Egypte antique, t. 2 = Kom Ombos, I, p. 248 [311]. L'épithète s'applique parfois à Isis
(Chassinat, Le temple de Dendara, III, p. 21, 125) et à Hathor (op. cit., IV, p. 122), mais il est probable
qu'elle a été empruntée à Ouadjet (qui est, on le verra plus bas, p. 56, identifiée à Isis et, p. 54, à Hathor).
Tous ces exemples sont ptolémaïques, mais l'épithète était certainement plus ancienne, et on la trouve,
appliquée au dieu soleil, dans les textes d'Amarna (cf. références dans le Wôrterbuch, I, p. 265, 23) ; en outre,
notre bronze du Louvre (cf. infra, p. 17, 71 et 75) est, sans aucun doute, antérieur à l'époque ptolémaïque.
(6) Ranke, Personennamen, I, p. 107, 12 et 24. Aucun des personnages que cite Ranke, et qui portent
ce nom, ne semble pouvoir être identifié à notre joueur de trompette.
OUADJET ET l'hORUS LÉONTOCÉPHALE DE BOUTO 17
exactement la même attitude que le dieu, mais la main droite, au lieu d'être
fermée horizontalement, est posée à plat sur la cuisse, et la main gauche devait
tenir, non pas le sceptre ouas, mais le sceptre papyriforme ouadj. La déesse est
vêtue d'une tunique longue, dont on ne voit pas la limite supérieure ; le collier
ousekh, s'il existe, n'est plus très visible sur la photographie dont nous disposons.
Enfin, Ouadjet porte, ici, au-dessus de sa perruque tripartite, les cornes et le
disque d'Hathor, se détachant sur deux hautes plumes (1), le tout étant fixé
dans une couronne d'urœus qui sert de support. Cette coiffure, qui a été donnée
en même temps que la statue, mais comme un objet séparé, présente, à sa partie
inférieure, un tenon qui rentre exactement dans la mortaise, pratiquée au milieu
de la couronne d'urseus ; il est donc plus que probable que nous avons, là, la
coiffure originale.
b) Décor de la statue de Ouadjet (fig. 4). — Les deux côtés du siège sont
décorés exactement de la même manière. En haut, une divinité léontocéphale
est accroupie sur une fleur (2), au milieu d'un fourré de papyrus dont les tiges
s'évasent harmonieusement ; en bas se trouve, sur toute la profondeur du siège,
le motif bien connu de la façade de palais, celui-là même qui figure dans le
sérekh, dont nous avons parlé plusieurs fois (3). A droite, la divinité est tournée
vers la droite, et porte le pschent ; la légende précise qu'il s'agit d'Horus. Le
dieu, qui est représenté, on l'a vu, avec une tête de lion, est enveloppé dans un
linceul qui cache les bras et les mains (4). A gauche, c'est Ouadjet (5) qui est
accroupie sur une fleur de la même espèce, et qui est tournée, ici, vers la gauche ;
elle porte, sur la tête, le disque solaire, et une tige de papyrus, partant du sommet
des genoux, se dresse devant elle.
Le dos du trône est divisé, dans le sens horizontal, en deux tableaux. En haut,
un faucon, coiffé du disque solaire, étend ses ailes et tient, dans chacune de ses
serres, le symbole chen (?) et la plume maât. Une inscription est gravée au-dessus
de lui : le dieu grand, maître (?) du ciel (6). En bas, un dieu léontocéphale ->,
coiffé du disque solaire, est accroupi sur le signe heb (7) ; ses bras sont écartés
presque horizontalement, les mains tenant, chacune, une branche de palmier,
symbole de durée, qui s'incline vers l'intérieur du tableau.
Nous avons dit que ces statues n'étaient pas très nombreuses ; au cours de
notre présente recherche, nous n'en avons réuni que dix (1), et il nous a paru
utile d'énumérer, ici, en les décrivant brièvement, les huit exemplaires dont nous
n'avons pas encore parlé.
a) Dieu (fig. 6) assis sur un trône qui n'est pas reproduit, mais qui
était, d'après Daressy, « sans ornements » (2). Il a été trouvé à Sa el-Hagar,
c'est-à-dire à Sais, dans le delta. Le dieu, coiffé de la perruque tripartite,
surmontée du disque solaire, paré d'un collier ousekh, est vêtu de la chendjit
rayée ; il tenait, dans sa main droite, le symbole de la vie, ânkh, et,
dans sa main gauche, le sceptre ouas (3). Une inscription est gravée en
colonne sur le côté droit du siège : Ouadjel donne la vie à Pétosiris, fils de
Tchabastetimou (4).
b) Dieu (fig. 7) assis sur un trône qui n'existe, malheureusement plus (5).
Le dieu, paré et vêtu comme le précédent, est coiffé, ici, de la perruque tripartite,
surmontée de la couronne hemhem ; celle-ci comprend une base circulaire (6),
qui supporte une paire de cornes de bélier, et, se détachant des cornes, trois
couronnes, encadrées de plumes maât et d'urœus (7).
c) Dieu (fig. 8) assis sur un trône; vêtu et paré comme les précédents (8),
il observe la même attitude qu'eux. Il est coiffé de la perruque tripartite,
surmontée d'un serpent dressé. Les côtés du siège sont décorés (9) de motifs
imitant des plumes et du groupe zéma-taouy, symbole de l'unification des
deux moitiés du pays ; on retrouve ce symbole sur le dos du siège,
partageant la surface disponible avec un faucon aux ailes éployées, qui tient,
dans chacune de ses serres, une plume d'autruche maât. Le faucon est coiffé
du disque solaire, et on lit, au-dessus de lui, la courte légende : le dieu grand,
maître du ciel (10).
(1) Et même onze. Cf. infra, p. 71 (appendice). Il y en a, probablement, d'autres; nous espérons
que notre étude attirera sur elles l'attention de nos collègues.
(2) Caire 38574 = Daressy, Statues de divinités (Cat. gén. du Mus. du Caire), p. 150 et pi. XXXII.
Hauteur : 0,58 m.
(3) Nous ne revenons plus sur la position exacte des mains par rapport aux cuisses (cf. supra, p. 7).
(4) Ranke, Personennamen, I, p. 387, 18.
(5) Caire 38575 = Daressy, op. cit., p. 150 et pi. XXXII. Hauteur actuelle : 0,17 m.
(6) Simplification de la couronne d'urœus dont il a été question plus haut (p. 8).
(7) C'était probablement la coiffure que portait l'Horus de Chaalis. Cf. supra, p. 8.
(8) Berlin 13131 = Roeder, Âgyptische Bronze ftguren, Berlin, 1956, p. 68, § 104 c et pi. HZ.
Hauteur : 0,225 m.
(9) Le décor n'est pas reproduit, mais simplement décrit (l. c.).
(10) Cf. supra, p. 18 et n. 6.
OUADJET ET L HORUS LEONTOCEPHALE DE BOUTO 23
d) Dieu (fig. 9) assis sur un trône (1). Le dieu est tout à fait semblable à
celui de Chaalis, et, comme lui, devait porter, sur la tête, le diadème hemhem (2).
Les yeux sont incrustés et sont couverts d'une feuille d'or, découpée à l'endroit
qui doit figurer l'iris.
Le siège est décoré (fig. 10) sur les deux côtés et en arrière. Les tableaux
gravés sur les faces latérales sont identiques, avec cette seule différence que le
personnage est tourné, à droite, vers la droite, et, à gauche, vers la gauche. Nous
décrirons le côté gauche, beaucoup mieux conservé. Au centre, un dieu hiéraco-
céphale, coiffé du pschenl, est enveloppé dans un linceul qui ne laisse passer
qu'une main ; celle-ci est posée sur les genoux relevés du dieu, et tient un sceptre
ouas. Les épaules sont couvertes d'une grande collerette de perles. Le dieu se
trouve entre une touffe de trois tiges de papyrus (derrière lui) et une table
(1) Berlin 13788 = Roeuer, op. cil., p. 69, § 104 d et pi. 12, a, b, d, e. Hauteur : 0,58 m.
(2) On ne voit plus, toutefois, l'amorce des cornes de bélier, qui supportaient, probablement, la
couronne hemhem. Pour la description de cette couronne, cf. supra, p. 22.
24 MONUMENTS PIOT
d'offrandes, chargée de deux pains, encadrant un vase d'où sort une fleur de
lotus. La partie inférieure des deux faces latérales est occupée par des motifs
imitant des plumes.
Le dos du siège est divisé, dans le sens horizontal, en deux tableaux. En haut,
un faucon disque ->-, aux ailes éployées, écarte ses pattes de façon qu'elles
forment un V renversé, et tient, dans chacune de ses serres, un symbole chen ;
celui-ci touche, de chaque côté, une feuille de lotus, et les deux feuilles sont
encadrées par deux ombelles de papyrus à tige courte. Au-dessus du faucon,
semblant sortir de ses ailes, se dressent (1) une tige de papyrus et une fleur de
lotus. Le tableau du bas représente un faucon, coiffé du pschent (?), qui se
dresse -> entre deux personnages. Celui de droite -> est assis sur sa jambe
droite, repliée sous lui, et lève, devant lui, sa jambe gauche. Il a un visage humain,
laisse tomber naturellement son bras droit le long de son corps, avec la main
fermée, et tient, dans sa main gauche, avancée, un sceptre (?) (2). Le personnage
de gauche -+ est un dieu hiéracocéphale, habillé et paré comme ceux des deux côtés
du siège, et tenant, sur ses genoux, un sceptre ouas (?) (3), mais le dieu porte,
au lieu du pschent, le disque solaire.
(1) Le motif n'est conservé qu'à gauche. Cf. Huedek, loc. cil.
(2) La partie supérieure manque. Sur la tête se trouve l'amorce d'une coiffure, trop mal conservée pour
être identifiée avec certitude.
(3) Là encore, la partie supérieure manque.
OUADJET ET L HORUS LEONTOCEPHALE DE BOUTO 25
Cette statue présente, en outre, l'avantage d'avoir conservé, sur le socle, une
légende importante : Horus, fils de Ouadjet, donne la vie à Horoudja; nous avons,
ainsi, la preuve, d'abord, que les dieux léontocéphales assis doivent être
identifiés à Horus de Bouto, et, ensuite, que cet Horus était considéré comme le fils
de la déesse locale Ouadjet. Nous reviendrons sur ces points dans notre conclusion.
e) Dieu (fig. 11) assis sur un trône (1) ; vêtu de la chendjit, il n'est pas paré,
ici, d'un collier ousekh, et il porte, sur la tête, le diadème hemhem. Le trône n'est
décoré que sur la partie supérieure du dos ; on y voit un faucon disque, qui étend
ses ailes et qui tient, dans chacune de ses serres, un anneau chen et une plume
maât (2). Sur le socle est gravée une inscription dont le début manque (3) :
... Monlou-Re" , Pétosiris-Ounnéfer, fils de Pédamon-Sénéfer (?), né de la dame
Hathoremhat. La mention de Montou-Rë', dans cet exemple, ne prouve pas que
la statuette représente ce dieu. Placé à cet endroit, et après une lacune, le nom
divin appartient probablement à un titre (4). Le bronze n'est sans doute pas
originaire de Bouto, mais peut très bien représenter le dieu léontocéphale de
Bouto, c'est-à-dire Horus.
f) Dieu (fig. 12) assis sur un trône (5) ; il est vêtu de la chendjit rayée, a le
cou orné d'un collier ousekh, et porte, sur sa perruque tripartite, un serpent
(e) (d)
Fig. 1.3. -— Fragment de statue d'Horus léontocéphale. Musée du Louvre.
Illustration non autorisée à la diffusion
dressé. Le siège est décoré, sur les côtés, d'un registre (le registre supérieur) de
motifs imitant des plumes et d'un registre « en façade de palais ». Au dos, nous
avons, en haut, un fourré de papyrus (ou de lotus [?]), encadré par deux branches,
et, en bas, un génie disque, accroupi, et tenant, dans chacune de ses mains,
écartées du corps, un sceptre ouas et une enseigne (?) (1).
g) Partie supérieure d'un dieu léontocéphale assis (2). Le dieu (fig. 13)
portait certainement la chendjit rayée, dont on voit, sous la ceinture, le départ,
aussi bien en avant (fig. 13, a) qu'en arrière (fig. 13, ft), et l'inclinaison de cette
chendjit prouve que le dieu était assis. Il observe la même attitude que l'Horus
de Chaalis (3) et devait donc tenir le sceptre ouas (main gauche) et le symbole
de la vie. De la coiffure qui surmontait la perruque tripartite, il ne reste que la
couronne d'urams (4), d'où devait se détacher le diadème hemhem. Les yeux sont
incrustés, comme dans un des bronzes de Berlin (5). Il est regrettable que le
trône soit perdu, car il nous aurait, sans doute, apporté d'utiles points de
comparaison avec les autres œuvres que nous étudions ici. Quoi qu'il en soit, le fragment
du Louvre, par la pureté et la vigueur de son modelé, est, probablement, le plus
beau des bronzes que nous avons réunis dans cet article.
h) Dieu (fig. 14) assis sur un trône (6). Vêtu de la chendjit rayée, le
cou paré d'un collier ousekh, il tenait certainement le sceptre ouas dans sa main
gauche qui, fermée verticalement, touche l'extrême bord extérieur de la cuisse.
La main droite, fermée horizontalement, repose, par le pouce, sur la cuisse, et
il est probable qu'elle tenait le symbole de la vie, ânkh. Le dieu est coiffé de la
perruque tripartite, surmontée d'un serpent dressé. La statue était en très
mauvais état de conservation, et la décoration du siège avait particulièrement
souffert. Nous avons fait nettoyer le bronze (7), ce qui nous a permis d'étudier
les tableaux gravés sur le trône.
Les côtés sont décorés, comme presque toujours, de scènes symétriques (8).
A gauche (fig 15, a et d), un dieu hiéracocéphale (?), coiffé du pschenl, est
accroupi <- sur une ombelle de papyrus (ou sur une fleur de lotus) (9), entre des
(1) D'après un frottis que nous a envoyé O. Koefoed-Petersen, conservateur du département des
Antiquités égyptiennes de la Glyptothèque Ny Carlsberg. C'est à lui, également, que nous devons les
photographies que nous publions ici, et quelques précisions que nous utiliserons en décrivant ces bronzes.
Qu'il veuille bien trouver, ici, l'expression de notre gratitude.
(2) Louvre E. 10707. Inédit. Hauteur : 0,215 m. 11 est donc un peu plus petit que l'Horus de Chaalis
qui mesure, de la taille au haut de la couronne d'ur;«us, 0,258 m.
(3) Cf. supra, p. 7-8.
(4) Ni en avant, ni en arrière de cette couronne d'uraus, on ne voit trace de l'uneus frontal qui existe
sur la statue de Chaalis.
(5) Berlin 13788. Cf. supra, p. 23.
(6) Louvre AF. 1978. Inédit. Hauteur 0,55 m.
(7) On verra le résultat de cette opération sur notre fig. 15. en bas.
:
(8) A droite, le personnage était tournée vers la droite, et, à gauche, il était tourné vers la gauche.
(9) Cf. supra, p. 18 et n. 2.
30 MONUMENTS PIOT
Illustration non autorisée à la diffusion
OUADJET ET L'HORUS LÉONTOCÉPHALE DE BOUTO 31
touffes de papyrus (1) qui s'écartent avec grâce de la scène centrale. En haut, de
chaque côté du dieu qui est, sans aucun doute, l'Horus de Bouto, se trouve
un grand œil oudjat. Ce tableau était séparé du registre habituel de plumes
stylisées par une bande sur laquelle devait être gravé un texte dont il ne reste,
malheureusement, rien aujourd'hui. On retrouve la même disposition à droite
(fig. 15, c et e), et l'inscription de la bande médiane n'est pas davantage lisible.
En haut, accroupie sur un sérekh, se trouve une déesse léontocéphale ->, portant,
sur la tête, le disque solaire. Ouadjet, car aucun doute ne peut exister sur son
identité, est encadrée par deux colonnettes dont le chapiteau, papyriforme à
droite comme à gauche, est surmonté d'un grand œil oudjat. Entre la colonnette
de gauche et la déesse se trouve un papyrus dont l'ombelle se courbe sous le
poids d'un oiseau qui ouvre ses ailes, soit pour s'envoler, soit pour se poser.
Le dos du trône, en haut (fig. 15, b et e), est décoré, comme dans d'autres
exemples, d'un faucon ->, coiffé du pschenl et dressé sur un sérekh. Il est encadré
de papyrus, surmontés, à gauche, d'un grand œil oudjat, qui n'existe pas à droite ;
là, en revanche, on remarque deux oiseaux qui viennent de se poser sur les
ombelles de papyrus ; leurs ailes, en effet, ne sont pas encore tout à fait repliées.
En bas, la surface disponible est occupée par le symbole de l'unification des
deux pays (zéma-taouy) et par deux yeux oudjat. De la base du zéma-taouy se
détache, à droite comme à gauche, une tige de papyrus qui s'incline
gracieusement. Il n'y a donc, ici, aucun essai de différenciation entre les plantes
héraldiques du Nord et du Sud.
i) En annexe, nous devons signaler que le dieu de Bouto est parfois
représenté comme un homme à tête de faucon. Nous n'en donnerons, ici, que
quelques exemples. Le dieu est, à l'occasion, assis à côté de Ouadjet
léontocéphale (2) ou assis, seul et adossé à un obélisque (3), mais on le trouve aussi
isolément, assis sur un trône, exactement comme les dieux léontocéphales dont
nous venons de parler. Deux de ces bronzes doivent être décrits.
Le premier (4) nous montre Horus, coiffé du pschent et observant l'attitude
classique, mais la main gauche, qui tenait le sceptre ouas, est, ici, placée assez
haut au-dessus et un peu en dehors de la cuisse. Les côtés du trône sont décorés
de plumes stylisées. En arrière, la partie supérieure du dossier est occupée par
un faucon aux ailes éployées, qui tient, dans chacune de ses serres un anneau
chen et une plume maât. En bas, on voit un faucon dominant le symbole du
(1) II ne fait aucun doute que les plantes sont exactement semblables à droite et à gauche.
(2) Louvre E. 3719 (cf. infra, p. 37) et Brit. Mus. 54008 (cf. infra, p. 48, et Roeder, Àgyplische Bronze-
ftguren, Berlin, 1956, p. 84, § 120 b).
(3) Brit. Mus. 29608 ; cf. infra, p. 48 et n. 6.
(4) Berlin 13136 = Roeder, op. cit., p. 84, § 120 c et pi. 14, b-c. Hauteur : 0,255 m.
32 MONUMENTS PIOT
zéma-taouy ; les plantes héraldiques sont liées par des Nils qui portent, sur la
tête, celui du Nord, des papyrus, et, celui du Sud, des lis (?).
Dans le deuxième exemple (1), le dieu, toujours coiffé du pschent, est assis
dans l'attitude classique. Le siège, sur les côtés, est décoré, en haut, d'un Horus
hiéracocéphale accroupi entre deux déesses ailées qui tiennent, dans chaque main,
une plume maâl ; en bas, le décor est constitué, d'un côté, par les âmes de Pé,
et, de l'autre, par les âmes de Nékhen (2). En arrière et en haut, le roi Psammé-
tique Ier est représenté devant l'Horus de Pé, nommément désigné, et devant
Ouadjet « celle qui juge les deux pays » (3) ; en bas, Horus est accroupi sur une
fleur de lotus, au milieu d'un fourré de papyrus.
(1) Caire 38598 = Daressy, Slalues de divinités (Cat. gén. du Mus. du Caire), p. 156-157 et pi. XXXIV.
Hauteur : 0,53 m. Provenance : Sais.
(2) Cf. infra, p. 61.
(3) Sur l'IIorus de Pé, cf. supra, p. 16, n. 4, et, sur l'épithète de Ouadjet, cf. supra, p. 16, n. 2.
(4) Nous commencerons par les bronzes du Louvre, et nous citerons, ensuite, quelques bronzes du Caire,
de Berlin, de Hildesheim, de Baltimore et du British Muséum. 11 est bien évident qu'il ne s'agit que d'un
choix.
(5) E. 3791. Inédit. Hauteur : 0,32 m.
(6) Elle est reliée à la cuisse par une pièce de bronze. Cf. supra, p. 8.
(7) Ce nom, qui signifie « celui qu'a donné Ouadjet », est parfaitement dans l'esprit égyptien, mais
n'est pas, à notre connaissance, attesté (il n'est pas cité par Ranke, Personennamen) . Enfin, nous n'avons
pas réussi à lire, d'une manière satisfaisante, le nom de la mère de notre personnage.
(8) E. 5863. Inédit. Hauteur : 0,54 m.
Illustration non autorisée à la diffusion
(a: (!:)
Fig. 18. - Détails du trône de la statue fig. 10.
ment surmontée du disque solaire (2), étend ses ailes. L'oiseau tient, dans
chacune de ses serres, l'anneau symbolique chen (?) et une plume maât.
c) Déesse (fig. 19), assise sur un trône, dans l'attitude d'Isis allaitant (3).
Cette déesse léontocéphale représente certainement Ouadjet en Isis (4). Le bras
gauche, qui soutenait l'enfant (5), manque ; la main droite soutient le sein gauche
qu'elle offrait au jeune Horus. Ouadjet est coiffée de la perruque tripartite,
surmontée d'une couronne d'urœus qui sert de support à une coiffure assemblant, de
la manière habituelle, les deux hautes plumes, les cornes de vache et le disque
solaire. Le trône n'est pas décoré, mais le texte, gravé sur le socle, nomme Ouadjet
et l'Horus de Pé. La déesse est adossée à un obélisque (6).
(1) Le cadre, ici, est différent, comme il est facile de le voir sur notre fig. 18.
(2) La scène est très dégradée, mais on peut la restituer, grâce à la Ouadjet du Fogg Art Muséum
(cf. supra, p. 18) et grâce à l'Horus 13788 de Berlin (cf. supra, p. 24-25).
(3) Louvre AF. 2001 = N. 5178. Inédit. Hauteur 0,235 m ; profondeur 0,17 m.
(4) Cf. infra, p. 56 sqq.
:
L'homme porte, sur la tête, une corbeille chargée d'une offrande; il soutient son
fardeau de la main droite, et pose sa main gauche, à plat, sur sa cuisse. La
déesse, qui n'a pas de bijoux, est représentée dans l'attitude classique. Le trône
(fig. 25, en bas) est décoré comme le précédent, mais, à la partie inférieure du
dos, une touffe de papyrus remplace le symbole de l'unification des deux pays (1).
A. — Musée du Caire
a) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire et de l'urseus (3).
Attitude classique (4). Décor du trône : sur les côtés, un prêtre fait l'offrande à
Ouadjet assise, tenant le symbole de la vie ânkh et le sceptre papyriforme ouadj,
ce tableau surmontant un fourré de papyrus ; au dos, la partie inférieure est
occupée par un fourré de papyrus, et, la partie supérieure, par un faucon aux
ailes éployées, tenant dans chacune de ses serres une plume d'autruche maât.
b) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire et de l'uraeus (5).
Attitude classique, les deux mains fermées, l'une, la droite, horizontalement ;
l'autre, verticalement. Décor du trône : sur les côtés, plumes stylisées et symbole
du zéma-taouy ; au dos, en haut, faucon aux ailes éployées, tenant, dans chacune
de ses serres, l'anneau symbolique chen et une plume maâi, et, en bas, génie
accroupi tenant, dans chacune de ses mains, une branche de palmier (6).
c) Déesse semblable à la précédente (7), mais la tête, malheureusement,
n'est pas entièrement conservée, et la coiffure manque. Décor du trône : sur les
côtés, un roi, coiffé, à droite, de la couronne rouge de Basse Egypte, et, à gauche,
de la couronne blanche de Haute Egypte, présente des offrandes à Ouadjet
léontocéphale assise et tenant, dans ses mains, le symbole de la vie ânkh et le sceptre
(1) Un dernier bronze du Louvre (AF. 6519) représente une déesse léontocéphale assise, main droite
fermée verticalement, main gauche fermée horizontalement, toutes deux reposant sur le bord extérieur des
cuisses. Le trône est décoré, sur les côtés, d'une figure de la déesse Touéris et, sur la partie postérieure, en
haut, d'un vautour, les ailes éployées, la tête surmontée de l'atef, et, en bas, du symbole du zéma-taouy.
La statuette est anépigraphe. S'il s'agit de Ouadjet, comme semblent l'indiquer l'aspect et l'attitude de la
déesse, on doit convenir que le décor, ici, est, exceptionnellement, différent. La statuette, qui est inédite,
mesure 0,09 m de hauteur.
(2) Cf. supra, p. 32, n. 4. Nous avons exclu, tout en citant, dans les notes, quelques pièces, les statuettes
dont le trône n'était pas décoré et dont les textes, en dehors du nom de la déesse, n'apportaient aucune
précision utile. A plus forte raison n'avons-nous pas retenu les statuettes dépourvues de décor et de textes.
Les descriptions seront très sommaires.
(3) Caire 39078 = Daressy, Statues de divinités (Cat. gén. du Mus. du Caire), p. 268. Hauteur : 0,60 m.
Provenance Sais. Non reproduite et anépigraphe.
(4) Main droite ouverte, main gauche fermée verticalement, toutes les deux posées sur les cuisses.
:
(5) Caire 39079. Op. cit., p. 269 et pi. LU. Hauteur : 0,595 m. Provenance Sais. Anépigraphe.
(6) Cf. supra, p. 18 et fig. 4, mais le génie, dans cet exemple, était léontocéphale. Daressy ne donnant
:
aucune précision à ce sujet, on en déduit que, dans notre nouvel exemple, le génie avait une tête humaine.
(7) Caire 39080. Op. cit., p. 269. Hauteur : 0,438 m. Provenance : Sais. Non reproduite.
44 MONUMENTS PIOT
papyriforme ouadj. Le roi est séparé de la déesse par un autel chargé d'offrandes
diverses. La déesse est nommée ; le nom du roi, ...ibrë\ est incomplet (1). Le registre
inférieur est occupé par des plumes stylisées, par le symbole du zéma-taouy et
par trois divinités, Toum, Shou et Tefnout, tenant, chacune, le sceptre ouas.
Au dos et en haut, entre deux yeux oudjal, on retrouve le faucon disque classique,
avec ses ailes éployées, et tenant, dans chacune de ses serres, l'anneau symbolique
chen et la plume maâi ; en bas, même génie que sur la statue précédente, mais,
ici, le signe des fêtes est suspendu aux branches de palmier.
d) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire (2). Le trône était
probablement décoré comme celui de la statue précédente. On voit encore, sur
les côtés, la déesse léontocéphale à qui un personnage faisait une offrande, et,
au dos, le faucon aux ailes éployées.
e) Déesse léontocéphale assise dans l'attitude classique (3). La coiffure, qui
a disparu, reposait sur une couronne d'uraeus ; il s'agissait, probablement, de
deux hautes plumes combinées avec la couronne hathorique. Décor du trône :
sur les côtés et en haut, déesse léontocéphale accroupie sur une fleur (4), entre
deux déesses ailées, coiffées du disque solaire et tenant, dans chaque main, une
plume d'autruche maâi ; ces déesses protègent à la fois Ouadjet léontocéphale
et un œil oudjat qu'on aperçoit, sur un socle, entre les ailes éployées. Toujours
sur les côtés, mais en bas, se trouvent trois dieux disques anonymes ; chacun
d'eux est assis sur un siège cubique et tient, à deux mains, un sceptre ouas.
En arrière, la partie supérieure du dossier est occupée par un faucon disque,
étendant les ailes et tenant, dans chacune de ses serres, l'anneau chen et la plume
maâi. En bas se dresse, dominé par un faucon (5), le symbole du zéma-taouy ;
les plantes héraldiques sont liées par des Nils.
f) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire (6). Attitude
classique, avec les deux mains fermées comme sur la statue b. Le siège n'est pas
décoré ; le texte nomme, non pas Ouadjet, qui est, pourtant, représentée, mais
Horus des deux pays, qui donne la vie à un certain Pétosiris. Nous reviendrons
sur ce texte (7).
(1) Caire 39368 = Daressy, op. cit., p. 342-343 et pi. LXIII. Hauteur : 0,132 m. Provenance : Saqqara.
Sur la statue du Caire 39128, cf. infra, p. 59 et n. 7.
(2) Berlinll389 = Roeder, Âgyptische Bronzefiguren, Berlin, 1956, p. 278, §343cet pi. 41 c; Bothmer,
op. cit., pi. XII, 1-2. Hauteur : 0,345 m.
(3) Mains fermées sur les cuisses, l'une (la droite), horizontalement ; l'autre, verticalement. Nous ne
le répéterons plus ; seules, les variantes seront indiquées.
(4) Berlin 11867 = Roeder, op. cit., p. 279-280, § 343 d et pi. 42, i, k ; Bothmer, op. cit., pi. XII, 3-4.
Hauteur : 0,75 m.
(5) Berlin 11135 = Roeder, op. cit., p. 280, § 343 e. Non reproduite. Hauteur : 0,39 m.
46 MONUMENTS PIOT
(1) Berlin 13141 = Roeder, op. cit., p. 281, § 343 /"et pi. 43 a ; Bothmer, op. cit., pi. XIII, 6. Hauteur :
0,385 m.
(2) Deux autres bronzes de Berlin appartiennent à la même série : Berlin 13789 = Roeder, op. cit.,
p. 281-282, § 343 g et pi. 43, f, g ; Bothmer, op. cit., pi. XIV, 10-11 ; Berlin 13130 (la déesse est assise sur
un sarcophage) = Roeder, op. cit., p. 282, § 344 b et pi. 43 b. Le trône, dans ces deux œuvres, qui mesurent
respectivement 0,58 m et 0,Ì83 m de haut, n'est pas décoré. Cf., aussi, Berlin 2433 = Roeder, op. cit.,
p. 277, § 342 b et pi. 41, a, b. Hauteur : 0,21 m.
(3) Berlin 13787 = Roeder, op. cit., p. 283-284, § 346 f et pi. 43 c, d ; Bothmer, op. cit., pi. XIII, 8-9.
Hauteur : 0,60 m. Le trône est, aujourd'hui, perdu et le décor est sommairement décrit d'après l'inventaire.
(4) Ombelle de papyrus ou fleur de lotus ; cf. supra, p. 18, n. 2.
(5) Statue analogue, mais sans décor : Berlin 8292 = Roeder, op. cit., p. 284, § 346 g et pi. 42 a, b.
Ici, c'est la main gauche qui est posée à plat, et la main droite qui est fermée verticalement. Hauteur :
0,11 m.
(6) Berlin 13144 = Roeder, op. cit., p. 286, § 349 h et pi. 42 c ; Bothmer, op. cit., pi. XIII, 7. Hauteur :
0,193 m, et, sans l'obélisque, 0,13 m. Sur l'attitude, cf. supra, p. 35, n. 6. Même statuette à Baltimore, WAG.
54.993 = Steindorff, Catalogue of ihe Egyptian Sculpture in the Walters Art Gallery, n° 504, p. 124 et
pi. LXXXI. La déesse, ici, est coiffée du disque, et sa main gauche est posée à plat. Hauteur : 0,275 m. Le
musée de Berlin possède une autre déesse léontocéphale, adossée à un obélisque (Berlin 13147 = Roeder,
op. cit., p. 275, § 337 l et pi. 40 f ; Bothmer, op. cit., pi. XIV, 13. Hauteur : 0,43 m). La déesse est debout,
et rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit de Ouadjet.
(7) Statue semblable, mais sans obélisque et sans décor sur le socle : Berlin 13137 = Roeder, op. cit..
p. 286, § 349 g et pi. 42 h ; Bothmer, op. cit., pi. XIII, 5. Hauteur : 0,325 m.
(8) Hildesheim 24 = Roeder, Âgyptische Bronzewerke, Gluckstadt, 1937, p. 36, § 155-156 et pi. 20 c,
d. Hauteur : 0,206 m.
OUADJET ET L'HORUS LÉONTOCÉPHALE DE BOUTO 47
de papyrus ; en bas, déesse ailée, debout, et tenant une plume maâl dans chacune
de ses mains.
h) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire et de l'urœus (1),
les mains sur les cuisses ; la droite est fermée horizontalement, et la gauche est
posée à plat. Le texte, gravé au dos, nomme Ouadjet.
i) Déesse léontocéphale assise, allaitant Horus, la tête surmontée du
disque solaire et de l'urseus (2). Décor du trône : les côtés sont décorés de
plumes stylisées, et, le dos, de lotus (en haut) et d'un faucon dans un fourré de
papyrus (en bas).
j) Déesse léontocéphale assise (3), allaitant Horus, la tête surmontée d'un
serpent dressé. Décor du trône : sur les côtés, plumes stylisées et symbole du
zéma-taouy ; sur la partie postérieure, en haut, faucon dressé sur un sérekh,
au milieu d'un fourré de papyrus, et, en bas, un fourré de papyrus.
(1) Baltimore WAG. 54.479 = Steindorff, Catalogue of the Egyptian Sculpture in thè Wallers Ari
Gallery, n° 511, p. 125 et pi. LXXXII. Hauteur : 0,24 m. Provenance : Zagazig (Bubastis).
(2) Baltimore WAG. 54.2076 = Steindorff, op. cit., n° 512, p. 125 et pi. LXXXII. Hauteur
0,208 m.
(3) Baltimore WAG. 54.2077 = Steindorff, op. cit., n° 513, p. 125 et pi. LXXXII. Hauteur : 0,19 m.
L'enfant Horus a disparu.
(4) Nous adressons tous nos remerciements à Mme Wilkinson (A. Macf ariane), à qui nous devons tous
les renseignements que nous utilisons ici sur les bronzes du Bristih Muséum qui représentent des divinités
léontocéphales assises.
(5) Brit. Mus. 24785 = A guide to ihe fourth, fiflh and sixth Egyptian rooms, and the Coptic room,
Londres, 1922, p. 198, n° 143. Hauteur : 0,323 m.
(6) Ranke, Personennamen, II, p. 259, 19 : Si < m > Pr-mê(t).
(7) Nous ne voudrions pas faire dire au texte plus qu'il ne dit, ce qui justifie notre réserve.
(8) Brit. Mus. 43044. Inédit. Coffre :0,108 m X 0,093 m x 0,046 m. Les déesses mesurent 0,09 m de haut.
(9) Nous ne savons pas si le faucon tenait, dans chacune de ses serres, un anneau chen et une plume
maâl.
48 MONUMENTS PIOT
ronne hathorique, le tout étant fixé dans des cornes de bélier (1). Même attitude
que la précédente. Décor du trône : sur les côtés, plumes stylisées et symbole du
zéma-iaouy ; sur la partie postérieure, en haut, faucon aux ailes éployées, tenant,
dans chacune de ses serres, un sceptre ; en bas, fourré de papyrus.
d) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire (2). Attitude
classique. Même décor que la précédente, mais le faucon tient des plumes maât,
et non des sceptres.
e) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire (3) ; la main droite
est posée à plat sur la cuisse, et la main gauche est fermée verticalement. Même
décor que la précédente, mais le tableau gravé à la partie supérieure du dos n'est
plus lisible.
f) Déesse léontocéphale assise, coiffée du disque solaire (4). Décor du trône :
sur les côtés, plumes stylisées et, plus bas, frise de djed (?) ; le dos est décoré,
en haut, d'un faucon aux ailes éployées, qui tient, dans chacune de ses serres,
une plume maât, et, en bas, d'un fourré de papyrus. Les textes nomment Ouadjet
et l'Horus de Bouto (Hr-Pj.
g) Groupe réunissant le dieu hiéracocéphale Horus et la déesse
léontocéphale Ouadjet (5). Ce groupe, anépigraphe, doit ressembler beaucoup à
celui du Louvre, décrit plus haut (6).
VII. — Synthèses
les autres numéros s'appliquent à des statues qui représentent Ouadjet. Nous
donnons, d'abord, la liste de nos documents :
[1] Horus de Chaalis (1). [24] Caire 39127.
[2] Fogg Art Muséum 1943 . 1 121 a (2). [25] Caire 39082.
[3] Caire 38574 (3). [26] Berlin 11389 (8).
[4] Caire 38575. [27] Berlin 11867.
[5] Berlin 13131. [28] Berlin 11135.
[6] Berlin 13788. [29] Berlin 13141.
[7] Copenhague AE.I.N. 210. [30] Berlin 13787.
[8] Copenhague AE.I.N. 211. [31] Berlin 13144.
[9] Louvre E. 10707. [32] Hildesheim 24.
[10] Louvre AF. 1978. [33] Baltimore WAG. 54.479.
[11] Louvre E. 14719 (4). [34] Baltimore WAG. 54.2076.
[12] Fogg Art Muséum 1943. 1121 b (5). [35] Baltimore WAG. 54.2077.
[13] Louvre E. 3791 (6). [36] Berlin 13136.
[14] Louvre E. 5863. [37] Caire 38598 (9).
[15] Louvre AF. 2001 = N. 5178. [38] Caire 39368 (10).
[16] Louvre E. 3719. [39] B.M. 24785 (11).
[17] Louvre E. 3757. [40] B.M. 43044.
[18] Louvre N. 3816. [41] B.M. 64539.
[19] Louvre AF. 6518. [42] B.M. 51820.
[20] Caire 39078 (7). [43] B.M. 11047.
[21] Caire 39079. [44] B.M. 11068.
[22] Caire 39080. [45] B.M. 54008.
[23] Caire 39081.
par une pièce de bronze [2, 12, 13]. On ne peut citer qu'une seule attitude
différente, celle dans laquelle Ouadjet, confondue avec Isis, allaite l'enfant Horus
[15, 34, 35, 38]. Les mains, en revanche, ne sont pas toujours posées de la même
manière sur les cuisses. Le plus souvent, la main droite est fermée
horizontalement, et, la main gauche, verticalement. Il est probable, on l'a déjà dit, que,
dans le premier cas, la main tenait le symbole de la vie ânkh, et, dans le second,
le sceptre ouas, lorsqu'il s'agissait d'un dieu, ou le sceptre ouadj, lorsqu'il
s'agissait d'une déesse, mais ces emblèmes ne sont nulle part conservés. Cette position
des mains est celle qu'observent, sans exception, les dieux [1-10, 36, 37] et,
très souvent, les déesses [14, 16, 18, 19, 21, 22, 24-29, 31, 39, 42]. Il reste à
énumérer les variantes de ce geste : la main droite est posée à plat et la main
gauche est fermée verticalement [11-13, 20, 30, 40, 41, 43] ; la main gauche est
posée à plat et la main droite est fermée horizontalement [33] ; enfin, la main
gauche est fermée horizontalement et la main droite est fermée verticalement [32].
Lorsque la déesse allaite l'enfant Horus, elle entoure celui-ci de son bras gauche
et soutient son sein gauche [15, 34] ou son sein droit [34, 38] avec sa main
droite.
B. — Coiffures des divinités représentées
La coiffure n'est pas toujours conservée, mais, en dehors de très rares cas
[18, 19, 22], on peut toujours reconnaître le diadème, ou l'emblème, qui
surmontait la tête du dieu ou de la déesse. Horus porte, plusieurs fois, sur une couronne
d'urœus (1) servant de support, la lourde couronne hemhem, fixée dans des
cornes de bélier [1, 4, 6, 7, 9] ; sur cette même couronne d'urseus, Ouadjet porte
quelquefois, les deux hautes plumes, sur lesquelles se détache la coiffure hatho-
rique [12, 15, 24 (?), 31, 41]. Les autres coiffures sont communes à Horus et à
Ouadjet (2), d'abord, un serpent dressé sur la tête [2, 5, 8, 10 (Horus), 13, 30,
32, 35, 38 (Ouadjet)]. et, ensuite, le disque et l'urœus [2 (Horus), 11, 14, 16, 20,
21, 23, 25-28, 33, 34, 39, 40, 42-44 (Ouadjet)]. La coiffure, quelle qu'elle soit,
est, partout, complétée par la perruque tripartite qui se combine, d'une manière
si heureuse, dans l'art égyptien, avec les têtes d'animaux des dieux.
dont le trône n'est pas décoré [3, 7, 15, 25, 33] ou dont le trône, aujourd'hui,
n'existe plus [4, 9, 39]. Il est évident que le décor n'a pas partout la même
importance, et que cette importance peut varier, d'une scène à l'autre, sur une même
statue.
a) Décor des côtés. — a) Motifs simples. — Dans cet essai de synthèse, nous
citerons, d'abord, les motifs les plus simples, par exemple, ceux qu'on trouve
au registre inférieur, ou sur toute la surface, des côtés du siège : plumes stylisées,
combinées [5, 18, 19, 21, 22, 26, 28, 29, 31, 35, 40-43] ou non [1, 2, 6, 8 (1), 10,
11, 14, 34, 36], avec le symbole du zéma-taouy , ou s'ajoutant, soit à un décor
linéaire [32], soit à une frise de djed (?) [44].
(3) Motifs symboliques. — Le zéma-taouy est, parfois, représenté seul [13] ;
ailleurs, on trouve, soit le sérekh ou, plus exactement, le motif imitant la façade
d'un palais [8, 12], soit des losanges [16], soit un fourré de papyrus [20], II arrive
aussi qu'on ait représenté, sous le registre des plumes stylisées, tantôt, les dieux
Toum, Shou et Tefnout, accroupis et tenant, sur leurs genoux relevés, un
sceptre ouas [22], tantôt, les « âmes » de Pé et de Nékhen [27] (2).
y) Tableaux. — Le plus souvent, lorsque les motifs simples n'occupent pas
toute la surface disponible, le tableau se trouve à la partie supérieure, et il est
exceptionnel que les motifs simples soient, comme dans notre document 27,
entre deux tableaux, celui dont nous venons de parler et un autre, qui représente
Ouadjet léontocéphale, protégée par deux déesses ailées qui tiennent, dans chaque
main, une plume maât (3). Ailleurs, on voit, d'un côté, Horus, de l'autre, Ouadjet,
tous deux léontocéphales et accroupis, au milieu d'un fourré de papyrus, soit
sur un sérekh [10] (4), soit sur une ombelle de papyrus ou une fleur de lotus
[10, 12, 30] ; dans un autre exemple [6], Horus hiéracocéphale est accroupi entre
une table d'offrandes et une touffe de papyrus (5). Il arrive, également, que
chacun des deux côtés soit décoré de deux scènes. Dans un cas [24], nous avons,
à droite et à gauche, en haut, la déesse léontocéphale Ouadjet, accroupie sur
une fleur (papyrus ou lotus), entre deux déesses ailées, et, en bas, trois dieux
anonymes (6) ; dans un autre cas [37], Horus hiéracocéphale est accroupi, dans
le tableau du haut, entre deux déesses ailées, le tableau du bas étant occupé,
d'un côté par les « âmes » de Pé, et, de l'autre, par les « âmes » de Nékhen (7).
(1) Les plumes, dans cet exemple, occupent, exceptionnellement, le registre du haut. Le zéma-laouy
est le symbole de l'unification des deux moitiés de l'Egypte (cf. supra, p. 22).
(2) Cf. supra, p. 45, et infra, p. 61, surtout la n. 4.
(3) Sur le côté droit du siège, il y a, en outre, une bande réservée pour un texte, bande qui n'existe
pas à gauche.
(4) Dans cet exemple, le tableau est encadré, en haut, par deux grands yeux oudjat.
(5) Peut-être pour rappeler son enfance dans les marais de Chemmis (cf. infra, p. 55-58).
(6) Pour plus de détails, cf. supra, p. 44, e.
(7) Cf. supra, n. 2.
52 MONUMENTS PIOT
S) Actes cultuels. — Les derniers tableaux nous font assister à des actes
cultuels, offrande [1, 2, 20, 22, 23, 37, 38], adoration [17, 38] ou musique [11],
qui s'adressent, tantôt, à la seule Ouadjet, représentée sur les deux côtés du
siège [20, 22, 23, 38], tantôt, à Horus et à Ouadjet, représentés, soit ensemble [37],
soit chacun sur un côté du siège [1, 2, 11, 17]. Dans le dernier exemple cité [17],
c'est un homme qui adore Horus, et une femme qui adore Ouadjet ; ailleurs (1),
le même personnage est représenté des deux côtés. Ce personnage est, parfois
[1, 2, 11, 22], séparé de la divinité par une table chargée d'offrandes, et il
arrive [11] qu'un grand œil oudjat soit gravé en haut du registre.
b) Dos du siège. — a) Registre inférieur. — La décoration du registre
inférieur du dossier est relativement variée. On ne relève qu'une seule fois le motif
des plumes stylisées, combiné avec le symbole du zéma-taouy [5]. En revanche,
le symbole du zéma-taouy lui-même est attesté dans d'autres exemples, soit
avec les seules plantes héraldiques de l'Egypte [18], soit avec ces mêmes plantes
que lient des Nils [17, 29], le zéma-iaouy pouvant être, alors, dominé par un faucon
Horus [24, 36], soit, enfin, avec des papyrus [28] ; on trouve, également, une
simple touffe ou un fourré de papyrus [14, 19, 20, 35, 41-44].
Ailleurs, le décor se complique : on voit, à différentes reprises, une divinité
accroupie, écartant les bras presque horizontalement et tenant, dans chacune
de ses mains, une branche de palmier. Ce génie est, une fois [12], léontocéphale,
et il est accroupi sur un signe heb, symbole des fêtes ; à Copenhague [8], il est
hiéracocéphale ; dans les autres exemples [21, 22, 26], il a, autant qu'on puisse
dire (2), un visage humain ; en outre, dans un de ces cas [22], le signe heb est
suspendu aux branches de palmier, et, dans un autre cas, ces mêmes branches
reposent sur des grenouilles [26]. Ces tableaux évoquent évidemment une longue
durée et de nombreux jubilés (3). Sur un de nos bronzes [6], l'espace disponible
est occupé par un faucon, coiffé du pschent, qui se dresse entre deux génies, l'un,
à tête d'homme (4), l'autre, à tête de faucon, ce dernier étant coiffé du disque
solaire. On trouve, également [32], soit une déesse ailée qui tient, dans chacune
de ses mains, une plume d'autruche maâi, soit un Horus accroupi sur une fleur
(papyrus ou lotus), au milieu d'un fourré de papyrus [37], soit une Ouadjet
léontocéphale, accroupie entre un urseus et un œil oudjat, groupés avec le signe
(1) Dans notre n° 38, Ouadjet est adorée, d'un côté, par un homme, et, de l'autre, par une femme.
(2) Nous n'avons pas de photographies à notre disposition, et nous nous fions à la description de ceux
qui ont publié ces bronzes.
(3) Ce symbole, qui existe en amulette (cf., par exemple, Caire 38107 = Daressy, Statues de divinités
(Cat. gén. du Mus. du Caire), p. 36-37 et pi. VIII), rappelle les amulettes du dieu Shou ; c'est peut-être la
raison pour laquelle le génie est, une fois, léontocéphale (12) ; nous ne le croyons pas, cependant, car, dans
un autre exemple (8), le génie est hiéracocéphale, et nous pensons que, dans les deux cas, le génie doit être
rapproché de l'Horus de Bouto, dont il peut prendre les deux aspects caractéristiques.
(4) Sa coiffure n'est plus reconnaissable. Cf. fig. 10.
OUADJET ET l'hORUS LÉONTOCÉPHALE DE BOUTO 53
néfer [38], soit, enfin, deux dieux assis, qui se regardent ou qui se tournent le
dos [1, 2, 11] ; coiffés du disque solaire, enveloppés dans un linceul, ils tiennent,
dans leurs mains, le flagellum et le sceptre héka, et sont désignés par deux
signes hiéroglyphiques dont l'interprétation, sur laquelle nous reviendrons, est
délicate (1).
(3) Registre supérieur. — La partie supérieure du dos, lorsqu'elle est décorée,
est, à deux exceptions près (2), toujours décorée d'un faucon. Celui-ci est
représenté, tantôt, de profil, avec les ailes repliées ; tantôt, de dos, avec la tête de
profil et les ailes éployées. Dans le premier cas, le faucon est régulièrement coiffé
du pschenî, et il est dressé sur un sérekh ou, exceptionnellement [11], sur le
signe de l'or neb. Il est encadré, soit du vautour Nekhbet et de l'uraeus Ouadjet
[1, 11], soit de papyrus harmonieusement assemblés en un fourré stylisé [2, 10,
32, 35, 38] (3) ; un œil oudjal [2, 10] est, parfois, gravé en haut du tableau. Dans
le deuxième cas, le faucon est presque régulièrement coiffé du disque solaire ;
les pattes sont écartées en V renversé, de part et d'autre de la queue, qui est
vue de face, et les serres tiennent généralement l'anneau symbolique chen et
la plume d'autruche maât [6, 12, 17, 18, 21-24, 26, 30, 36, 40], qui est, en partie,
cachée par les ailes éployées. Parfois, l'anneau chen manque [5, 14, 20, 42, 43] ou
est remplacé, à moins que les deux symboles, ce qui est loin d'être impossible,
ne soient combinés, par le symbole de la vie ânkh [18, 27]. La plume d'autruche
manque dans deux exemples [18, 29], et, dans un autre exemple [41], l'oiseau
tient des sceptres ; enfin, le faucon, à l'occasion, est encadré par deux yeux
oudjal [18, 27].
A. — Boulo et iichneumon
Nous avons vu (4) que les bronzes représentant Ouadjet assise (5) avaient
servi de sarcophages à des ichneumons, animaux sacrés de la déesse. Cette
relation, si importante soit-elle, n'a, semble-t-il, exercé d'influence, ni sur les
textes, ni sur les représentations de ces statuettes. En effet, dans les exemples
que nous avons réunis, nous n'avons trouvé aucune allusion à l'ichneumon.
(1) Nous avons décrit longuement ces tableaux (p. 11, 15-16 et 21-22) ; nous en reparlerons dans
notre dernier paragraphe (p. 65-66).
(2) Dans un cas, on trouve un motif « indéterminé » (31), et, dans un autre (37), un véritable tableau,
représentant le roi Psammétique Ier qui fait l'offrande à l'Horus de Bouto et à Ouadjet « qui juge les deux
pays ».
(3) D'après la description de Daressy (cf. supra, p. 45).
(4) Cf. supra, p. 11, n. 6.
(5) Et, peut-être aussi, ceux qui représentent Horus léontocéphale, mais nous n'en avons pas la preuve.
Cf. Brunner-Traut, Gôttinger Vortràge, Gôttingen, 1965, p. 161.
TOME LV 8
54 MONUMENTS PIOT
L'ichneumon est, avant tout, l'animal sacré d'Horus, à Létopolis (1), et celui
de Toum et de Rë', à Héliopolis (2). Les légendes nous le montrent toujours
comme l'ennemi des serpents, et on peut trouver étrange qu'il ait été rattaché
à la déesse-urseus Ouadjet. Aussi Kees (3) a-t-il pensé que la déesse de Bouto,
à l'origine, loin d'être une déesse-serpent, était, au contraire, l'adversaire des
serpents. En fait, en tant qu'urseus, elle était, d'abord, une déesse protectrice ;
il était donc difficile de lui refuser tout pouvoir protecteur contre les serpents,
qui constituaient, en Egypte, un danger certain et constant, et ce fut, peut-être,
la raison pour laquelle l'ichneumon lui fut adjoint dans ce rôle, à une époque
assez tardive, semble-t-il. L'implantation de l'ichneumon à Bouto peut avoir
eu pour origine les rapports étroits qui existaient, dès les plus hautes époques,
entre cette ville et Héliopolis (4), mais on ne doit pas oublier que la capitale du
IIe nome de Basse Egypte a été appelée Létopolis par les Grecs, parce que la
déesse locale, Hathor (5), avait été confondue avec Ouadjet, et que les Grecs
avaient reconnu, en celle-ci, leur Léto (6). Cette identification, très probablement
antérieure à l'époque ptolémaïque (7), avait favorisé le rapprochement de
l'ichneumon, animal sacré de l'Horus de Létopolis, avec Ouadjet, qui était
devenue la compagne du dieu, et on peut supposer que le culte de l'ichneumon
à Bouto, sanctuaire principal de Ouadjet, était venu de Létopolis. Ce n'est,
d'ailleurs, pas ce culte que nous étudions dans cet article, mais, comme il se
rattache, au moins indirectement, à nos bronzes, il nous a semblé utile de donner
quelques indications sur son éventuelle origine.
(1) Sethe, Urgeschichte und atteste Religion der Âgypter, Leipzig, 1930, § 170. D'après Kees, Die Gôtter-
glaube im alten Âgypten2, Berlin, 1950, p. 150, Djébâout se trouvait près de Chemmis.
(2) D'après Kees, Horus und Seth aïs Gôlterpaar, Leipzig, 1923-1924, II, p. 64, l'Horus de Pé n'est pas,
à l'origine, un dieu local, mais une création politique.
(3) TP. 1668 a, 1993 c (éd. Sethe, Die altaegyplischen Pyramidentexte, Leipzig, 1908-1922) ; TP. 2190 b
(éd. Sethe, op. cit.). Pour l'interprétation du verbe 'h', cf., peut-être, notre Papyrus Jumilhac, p. 81-83.
Gardiner, Journal of Egyplian Archaeology, XXX (1944), p. 55, comprend autrement ce passage.
(4) Quibell, Excavations at Saqqara (1911-1912), pi. XXXI ; Kees, Horus und Seth als Gôlterpaar,
Leipzig, 1923-1924, I, p. 40, et Die Gôtterglaube im alten Àgypten2, Berlin, 1956, p. 51, n. 1.
(5) Kees, Die Gôtterglaube2, im alten Âgypten, p. 51. Cf., aussi, infra, p. 60-62. On ne doit pas oublier
que l'Horus de Bouto est appelé, une fois, Horus des deux pays (Caire 39082 = supra, p. 44), et que, dans
un autre exemple (Louvre E. 3719 = supra, p. 40), il est nettement rattaché à la Haute Egypte : assis à
côté de Ouadjet, les deux dieux sont encadres par deux urseus coiffés, l'un (celui qui est près d'Horus),
de la couronne de Haute Egypte, l'autre (celui qui est près de Ouadjet), de la couronne de Basse
Egypte.
(6) TP. 1703 c, 2190 a-b, 1214 b et 1877 d (éd. Sethe, op. cit.).
(7) Journal of Egyplian Archaeology, XXX (1944), p. 55.
(8) Sur le problème de Chemmis, cf. Vandier, La religion égyptienne2, Paris, 1949, p. 67-69, où on
trouvera l'état de la question.
56 MONUMENTS PIOT
(1) Cf. l'état de la question dans notre Religion égyptienne2, Paris, 1949, p. 24-31 ; ajouter Drioton-
Vandier, L'Egypte*, Paris, 1962, p. 635-636, et le récent article de Kaiser, Zeitschrift fur àgyptische Sprache,
91 (1964), p. 86-124.
(2) Horus und Seth als Gôtterpaar, Leipzig, 1923-1924, II, p. 64, et Die Gôtlerglaube im alten Àgypten2,
Berlin, 1956, p. 208-209.
(3) Cf. notre avant-dernière note.
(4) Ce n'était pas la seule, et d'autres traditions rattachent Chemmis au XVIIe ou au XIXe nome de
Basse Egypte. Cf. Gardiner, Journal of Egyplian Archaeology, XXX (1944), p. 52-60.
(5) Bonnet, Reallexikon der âgyplischen Religionsgeschichte, Berlin, 1952, p. 130-131.
(6) Berlin 13788. Cf. supra, p. 25.
(7) Berlin 24008. Cf. Brunner-Traut, Gôtiinger Vortrâge, Gôttingen, 1965, p. 136-137. Il y a,
évidemment, d'autres preuves, par exemple, dans le papyrus Jumilhac (cf. infra, p. 57 sqq.) ; cf., aussi Chassinat,
Le temple d'Edfou, IV, p. 248, et VII, p. 276.
(8) Louvre AF. 2001 = N. 5178 (supra, p. 35) ; Baltimore WAG. 54.2076 et 54.2077 {supra, p. 47) ;
Caire 39368 {supra, p. 45).
OUADJET ET L HORUS LEONTOCEPHALE DE BOUTO 57
les marais de Chemmis (1), et on la représente, dans ce rôle, sous l'aspect d'un
urœus, perché sur une ombelle de papyrus (2), dominant le fourré à l'intérieur
duquel se trouve Horus (3Ì. Le papyrus Jumilhac, qui nous la montre
ainsi (fig. 26), va plus loin. Nous lisons, en effet : « Quant à Ouadjet (Outo),
maîtresse de Dounâouy, c'est Isis, mère d'Anubis (4). Quant à Horus l'enfant
(Harpocrate) qui est dans ce lieu, c'est Anubis, fils d'Osiris, quand il était un
enfant auguste, dans les bras de sa mère Isis » (5). Cette même idée est exprimée
dans un autre passage (6) : « Et Ouadjet exista, sous le nom d'Isis, dans le nome
de Dounâouy, où elle resta avec son fils Horus ; on célébra, en son honneur,
toutes les cérémonies prescrites dans le mammisi, le premier jour du deuxième
mois d'hiver, jusqu'à ce jour. » Dounâouy est le nom du XVIIIe nome de
Haute Egypte, et on sait que, dans ce nome, Anubis était complètement assimilé
à Horus (1) ; le premier texte que nous avons cité (2) est, à ce sujet, parfaitement
clair (3). Il est évident que la légende, que le papyrus Jumilhac situe dans le
XVIIIe nome de Haute Egypte, avait été, en fait, empruntée au delta (4) et,
plus précisément, à Chemmis, mais le texte ne le dit pas et ne rattache pas
expressément les marais, cadre de l'épisode, à la région de Bouto.
c) Ouadjet et Horus léoniocéphales. — Ouadjet, qui est, à l'origine (5), un
urseus, est représentée également comme une femme (6), et, à partir de la Basse
Époque, nous en avons vu de nombreux exemples dans cet article, comme une
femme à tête de lionne. Cet aspect s'explique aisément : en effet, Ouadjet, en
tant qu'urseus, est considérée comme l'œil de Rëç, et on sait que plusieurs déesses
qui sont identifiées à l'œil de Rëf, notamment Tefnout et Bastet, sont
précisément léontocéphales (7) ; il s'agit donc, probablement, dans le cas de Ouadjet,
d'une simple analogie, assez tardive, autant qu'on puisse dire. Et on peut supposer,
avec beaucoup de vraisemblance que, si Horus, dans cette même série de bronzes,
est représenté comme un homme à tête de lion, c'est parce qu'il est considéré,
à Bouto, comme le fils de Ouadjet (8). On doit remarquer, toutefois, qu'il garde,
à l'occasion, son aspect de dieu hiéracocéphale (9).
Les bronzes qui nous montrent Horus et Ouadjet léontocéphales et assis
ne proviennent pas tous de Bouto (10), mais tous représentent, sans aucun
doute (11), les dieux de Bouto. Dans ces conditions, les textes et les tableaux qui
décorent les trônes doivent être interprétés par rapport à Bouto. Notre document
le plus clair, à cet égard (12), est la Ouadjet E. 14719 du Louvre (13), et il est pro-
bable que, si les textes du bronze de Chaalis (1) avaient été mieux conservés,
ils nous auraient fourni des indications analogues. Le plus souvent,
malheureusement, les textes citent simplement Ouadjet et Horus, sans les rattacher à un
sanctuaire déterminé (2), mais la décoration de ces bronzes, à laquelle nous
arrivons, nous permet, cependant, d'affirmer que ces statuettes évoquent Bouto,
et ne peuvent évoquer que cette ville.
d) Décoration comparée des sièges, sur nos bronzes et sur les autres bronzes. —
Les divinités que représentent les bronzes égyptiens (3) sont beaucoup plus
souvent debout qu'assises ; en outre, dans ce dernier cas, il n'est pas rare que le
siège ait disparu ; enfin, la plupart de ces bronzes sont de petites dimensions,
et le décor, ou bien est extrêmement sommaire, ou bien n'a jamais existé.
Ces différentes circonstances réduisent, de beaucoup, nos points de comparaison.
Une recherche assez poussée, tout en restant incomplète, nous permet, cependant,
d'affirmer que les motifs que nous avons relevés dans notre série de documents (4)
ne se retrouvent que rarement ailleurs. Citons, parmi les exceptions, une statuette
de Min (5), où se voient, outre les deux groupes des « âmes » de Pé et de Nékhen,
des Nils, qui lient au signe zéma des plantes héraldiques, une statuette de Nébet-
Hétépet (6), dont le trône est décoré, sur les côtés, de plumes combinées avec le
zéma-taouy, et, en arrière, d'un faucon dans un fourré de papyrus, une statuette
de Moût léontocéphale (7), où se retrouvent, sur les côtés du siège, les plumes
stylisées et le zéma-taouy, et dont le dos est décoré du faucon aux ailes éployées
et du génie accroupi, tenant, dans ses mains, deux branches de palmier (8) ;
enfin, ce sont les plus importantes de ces pièces, une Isis-mère et un trône, qui
avait, sans aucun doute, servi à une statuette d'Hathor-Isis allaitant. Sur le
côté gauche du premier siège (9), on voit Isis debout, allaitant Harpocrate au
milieu d'un fourré de papyrus (10) ; à droite, un roi adore Isis debout, tenant le
sceptre ouadj et le symbole de la vie ânkh ; au dos, enfin, nous avons le même
décor que sur la statue 13136 de Berlin (1). Le deuxième trône (2) est décoré
sur les quatre faces : en avant, une tête d'Hathor, coiffée du sistre naoforme, est
encadrée de Nekhbet et de Ouadjet ; en arrière, un Horus-faucon, coiffé du
pschent, se détache d'un fourré de papyrus (3) ; sur les côtés, enfin, se trouve
Isis, accroupie sur une fleur de lotus, entre deux déesses qui la protègent de leurs
ailes éployées.
e) Signification de la décoration particulière de nos bronzes. — On doit,
d'abord, faire remarquer que, en dehors de la statuette de Min et de celle de
Nébet-Hétépet (4), les bronzes que nous venons de citer se rattachent tous,
même celui qui représente Moût (5), à Horus et à Isis, exactement comme les
documents qui font l'objet propre de cet article ; on ne doit pas oublier, en effet,
que Ouadjet, en l'occurrence, est, parfois, désignée comme la mère d'Horus,
et qu'elle est donc confondue avec Isis (6). Si on reprend les motifs les plus
caractéristiques qui figurent dans notre série de bronzes, on s'aperçoit qu'ils rappellent,
tantôt l'unification, grâce à l'action d'Horus, des deux moitiés du pays (7),
tantôt l'enfance d'Horus dans les marais de Chemmis. Cet épisode de la vie du
jeune dieu est évoqué par les très nombreux motifs qui s'inspirent des papyrus,
notamment, par les fourrés de papyrus, abritant ou non un Horus ou une
Ouadjet (= Isis), les dieux étant accroupis et protégés, dans certains cas, par des
déesses ailées. Ces tableaux ne sont pas aussi clairs que ceux des bronzes que nous
avons décrits un peu plus haut (8) et qui représentent Isis allaitant, mais ils
sont suffisamment nets pour qu'on puisse les interpréter dans le même sens (9).
Plus nombreux sont les motifs qui se rattachent à l'unification des deux
moitiés du pays. Nous en donnons, ici, la liste, en les accompagnant de
commentaires plus ou moins développés.
a) Horus-faucon, dressé sur un sérekh, et encadré soit par les déesses Ouadjet
et Nekhbet, soit par les plantes héraldiques du Nord et du Sud ; les plantes, à
vrai dire, ne sont que rarement différenciées, et ressemblent, presque toujours,
à des papyrus ; il s'agit là d'une difficulté, mais qui n'est, peut-être, pas insur-
montable : d'une part, en effet, il est probable que ces tableaux, dont le décor
est floral, doivent être interprétés exactement comme ceux dans lesquels le
faucon, dressé sur son sérekh, se trouve entre la déesse du Nord et celle du Sud ;
d'autre part, le choix des papyrus, pour représenter les deux moitiés du pays (1),
peut s'expliquer, d'abord, comme un hommage à la déesse Ouadjet, et, ensuite,
par le désir qu'avaient les Égyptiens de la région de Bouto de souligner la
préséance dont jouissait, d'après eux, leur déesse sur celle du Sud.
(3) Le motif du zéma-taouy (2), auquel sont attachées les plantes héraldiques,
que lient, parfois, des Nils.
y) Faucon disque ou non, qui, les ailes éployées, tient, dans chacune de ses
serres, un chen, symbole de durée et d'universalité, et une plume d'autruche
maât.
S) Les « âmes » de Pé et de Nékhen (3), c'est-à-dire les rois défunts des
anciens royaumes de Bouto et d'Hiérakonpolis (4).
s) Les tableaux dans lesquels nous voyons un personnage honorant, de
manières diverses (5), Horus et Ouadjet, et qui peuvent se rattacher, également,
au triomphe d'Horus et de sa mère.
Ç) L'épithète « celle qui juge les deux pays » (6), que reçoit Ouadjet elle-
même, la mère d'Horus ; cette épithète, à notre connaissance, apparaît, pour
la première fois, à l'époque ramesside, mais la déesse, dès l'Ancien Empire, est
appelée « la maîtresse des deux pays » (7), ce qui semble indiquer que, de très
bonne heure et, au moins, dans la région de Memphis et d'Héliopolis, d'où sont
originaires nos exemples, un rôle important était reconnu à la déesse dans
l'unification du pays. Ce rôle est encore attesté, au début de la XIIe dynastie, et,
(1) On ne doit pas oublier que Nekhbet a fini, elle aussi, par être représentée, non plus par un vautour,
mais par un urœus, comme Ouadjet elle-même. Cf. Bonnet, Reallexikon der àgyptischen Religionsgeschichle,
Berlin, 1952, p. 853, et supra, p. 6, n. 2.
(2) Sur ce motif, cf. Schàfer, Milleilungen des deulschen Instituts fur àgyplische Alterlumskunde in
Kairo, XII (1943), p. 73-95. Il figure dans la décoration de nombreux monuments. Rappelons, au moins,
qu'on trouve souvent, et à la même place que dans nos bronzes, le zéma-taouy comme décor du trône,
dans les statues des rois, c'est-à-dire des successeurs d'Horus, et, cela, dès la IVe dynastie (cf. Borchardt,
Statuen und Staluetten von Kônigen und Privatleuten [Cat. gén. du Mus. du Caire], 9-11, 13-15, 17 = I,
p. 9-18). Il n'est donc pas impossible que le zéma-taouy ait gardé, même dans les cas évoqués ici, une valeur
symbolique qui dépasse celle d'un simple motif décoratif.
(3) Berlin 11867 (cf. supra, p. 45) et Caire 38598 (cf. supra, p. 32).
(4) Bonnet, Reallexikon der àgyptischen Religionsgeschichle, Berlin, 1952, p. 129 (Bouto) et 299,
(Hiérakonpolis). Këes, Die Gôtterglaube im alten Àgypien2, Berlin, 1956, p. 278 sqq., pense que les « âmes »
de Pé et de Nékhen sont, non pas les anciens rois, mais les divinités principales de ces villes. Même dans
cette hypothèse, qu'infirme, cependant, tout ce qu'on sait du déroulement des funérailles des rois de Bouto
(cf. infra, p. 63, n. 2), la présence des « âmes » de Pé et de Nékhen dans nos bronzes évoque l'unification des
deux pays.
(5) Cf. supra, p. 52.
(6) Louvre E. 14719, Berlin 13141, Caire 38598, et supra, p. 16 et n. 2.
(7) Kees, Die Gôtterglaube im alten Àgypten2, Berlin, 1956, p. 210 et n. 4. A cette époque, le titre avait
encore une signification ; il n'était pas, comme à Basse Époque, commun à presque toutes les déesses.
TOME I.V
62 MONUMENTS PIOT
dans cet exemple, si l'épithète est appliquée à Ouadjet, elle n'est pas attribuée
à Nekhbet qui, pourtant, est représentée dans le même tableau (1).
7)) Enfin, on peut interpréter, semble-t-il, dans le même esprit l'épithète
qui est donnée à Horus, sur une statuette de Ouadjet (2), « Horus des deux
pays ». Cette épithète est évidemment en rapport avec l'unification des deux
moitiés du pays.
Tout se passe donc comme si l'antique royaume de Bouto avait été à la
tête du mouvement qui avait abouti à l'unification de l'Egypte, prétention qui
est, manifestement, contraire aux faits : c'est le Sud, en effet, qui a unifié le
pays, et c'est le Sud qui a toujours joui de la préséance, aussi bien dans les titu-
latures royales (3) que dans les cérémonies officielles.
Comment peut-on expliquer cette contradiction ? A vrai dire, il n'est pas
rare que les sanctuaires d'Egypte aient émis la prétention que leur dieu local
était le plus grand dieu du pays, et Maspero n'a pas eu tout à fait tort d'écrire
que l'Egypte a connu « autant de dieux uniques qu'elle avait de grandes cités,
et même de temples importants » (4). En ce qui concerne Bouto, on doit reconnaître
que cette prétention à la préséance n'était pas dénuée de tout fondement. En
effet, la ville avait été la capitale d'un royaume prédynastique qui, certes, avait
été vaincu par le Sud, mais dont la civilisation avait été, au moins, aussi brillante
que celle de son vainqueur. Ce dernier avait établi sa capitale, non pas dans le
Sud, mais à Memphis, à la pointe du delta. Ce choix avait été dicté par des
raisons politiques, mais celles-ci suffisent à prouver l'importance qu'avait
conservée, aux yeux du roi du Sud, sa nouvelle conquête. On parle volontiers
de « l'unification des deux pays », ce qui est exact, au moins dans la mesure où
cette unification s'est manifestée dans la personne d'un roi unique ; on ne doit
pas oublier, cependant, que ce roi, en fait, reste, et devait rester par la suite,
le souverain de deux royaumes (5), et que, dans cette association, la Basse
Egypte était loin de compter pour quantité négligeable. Il suffit de parcourir
les textes des Pyramides et les inscriptions de l'Ancien Empire pour se rendre
compte de la forte et incontestable influence que le delta, surtout le delta occi-
(1) Hayes, The Scepter of Egypt, I : From the Earliest Times to the End of the Middle Kingdom, New
York, 1953, p. 173 et flg. 103, Époque d'Amenemhat Ier. Provenance : Lient. La situation est, naturellement,
différente dans le Sud, par exemple à Abydos (Mariette, Abydos, I, pi. 30 c et 31 a).
(2) Cf supra, p. 60 et n. 7.
(3) Même lorsque les « deux déesses » sont représentées comme deux urœus (cf. supra, p. 61, n. 1), c'est
le premier urœus qui personnifie le Sud, comme le prouve la couronne qu'il porte.
(4) Études de mythologie et d'archéologie égyptiennes, II, p. 390-391 ; cf., aussi, dans le même sens, Kees,
Die Gôtterglaube im alten Àgypten2, Berlin, 1956, p. 278, et, avec des réserves, notre Religion égyptienne2,
Paris, 1949, p. 239-242.
(5) On ne peut, ici, entrer dans le détail. Sur ces questions, cf. Drioton-Vandier, L'Egypte*, Paris,
1962, p. 144-149, 635-638 ; Edwards, The Early Dynastie Period in Egypt (Cambridge Ancient History2,
I, XI, fase. 25), Cambridge, 1964. On trouvera là toutes les références utiles.
OUADJET ET l'hORUS LÉONTOCÉPHALE DE BOUTO 63
dental avait exercée, à l'Ancien Empire, sur la monarchie (1). Même le rituel
funéraire qui présidait aux funérailles des rois et qui fut, plus tard, usurpé par
les particuliers, était emprunté aux traditions royales de Bouto (2).
f) Osiris. — Enfin, la légende osirienne ne fut, probablement, pas étrangère
à l'importance qui fut attribuée, aux hautes époques, au delta. Il est difficile, en
l'occurrence, de suivre, à ses débuts et dans tous ses détails, l'évolution de cette
légende que nous ne connaissons que par des textes de l'époque historique.
D'après ceux-ci, on peut, cependant, établir qu'Osiris a été, de très bonne heure,
considéré comme un roi, et qu'il avait, probablement, emprunté ce caractère
royal à Andjti, dieu du nome Busirite, dont Osiris était, lui-même, originaire.
La formation, elle aussi, très ancienne, de la triade osirienne permettait de
rattacher, par Horus, la royauté égyptienne à Osiris, et par conséquent, au
delta (3). En principe, il devrait s'agir, exclusivement, du delta oriental, car
aucune preuve ne nous permet d'affirmer qu'Osiris a exercé une quelconque
action sur le delta occidental. Cependant, comme il est établi, d'après une
tradition dont les éléments sont solidement fondés, que l'Egypte, au moment où
le pays fut unifié, était divisée en deux royaumes (4), dont les capitales étaient,
pour le Sud, Hiérakonpolis et, pour le Nord, Bouto, on est en droit d'admettre
que la moitié est et la moitié ouest du delta ne formaient plus qu'un seul
royaume ; cette union n'avait pas été sans modifier la géographie religieuse de
cette région, et il est probable que le renom d'Osiris s'était étendu aux nomes de
l'Ouest (5). En tout cas Bouto, même si Osiris lui était resté étranger (6), avait
adopté, probablement au moment de l'unification, un Horus (7) qui avait
remplacé le dieu-héron local, appelé, nous l'avons vu, « celui de Djébâout ». A
Basse Époque, c'est-à-dire à l'époque de nos bronzes, cet Horus était devenu le
fils de la déesse locale Ouadjet, et celle-ci avait été identifiée à Isis (8). En
d'autres termes, la région de Bouto avait subi une forte influence osirienne, et
on a même vu (1) que les marais de Chemmis, d'après une tradition, avaient été
localisés près de Bouto.
Dans ces conditions, la présence d'Osiris à Bouto, même si elle ne peut pas,
dans l'état actuel de nos connaissances, être rattachée à une très haute
antiquité (2), devait être, à Basse Époque, toute naturelle. Jusqu'à présent, nous
n'avons fait, dans l'étude de nos bronzes, aucune allusion à Osiris. Le dieu, en
effet, n'est nommé par aucun des textes de nos statues ; en revanche, il est
possible qu'il soit représenté à trois reprises (3). Dans ces trois tableaux, on voit,
se regardant ou se tournant le dos, deux dieux, enveloppés dans un grand
manteau et tenant, dans leurs mains, un flagellum et le sceptre héka. Le costume
et l'attitude font immédiatement penser à Osiris, et le problème serait simple
si les personnages divins ne portaient pas, sur la tête, un disque solaire, coiffure
qui, à notre connaissance, n'est pas attestée pour Osiris. Celui-ci porte, parfois,
une perruque ronde, beaucoup plus souvent, Valef ou la couronne blanche de
Haute Egypte, et, à l'occasion, le pscheni et même le casque bleu (4) ; on lui voit,
également, une couronne se composant de deux plumes et d'un disque solaire,
le tout fixé dans des cornes de bélier (5), et, lorsqu'il est identifié à la lune, le
disque lunaire (6). Or, dans nos trois exemples, le dieu ne porte certainement
pas, sur la tête, le disque lunaire, mais bien le disque solaire, et celui-ci n'est pas
associé, comme il arrive, parfois (7), aux deux hautes plumes et aux cornes de
bélier.
Il s'agit donc bien, pour Osiris, d'une coiffure exceptionnelle (8). Nous
n'avons, d'ailleurs, pas à nous en étonner, car Osiris a été un des rares dieux du
panthéon égyptien qui n'ait pas été « solarisé » (9), et, dans ces conditions, il est
( 1 ) Là encore, les exemples sont si nombreux que notre recherche n'a pas pu être complète.
(2) â% ou, avec 4 en prolepse ^Z.
(3) P. 11, 15-16 et 21-22.
(4) Elle nous a été suggérée par J. Leclant, à qui nous adressons tous nos remerciements.
(5) L'expression, à notre connaissance, n'est pas attestée ailleurs. On peut, cependant, la rapprocher
de wr nswjl et de '; nswjl, épithètes qui signifient, l'une et l'autre, « celui dont la royauté est grande »
(Wôrlerbuch der àgyptischen Sprache, II, p. 332, 14-15). Cf., aussi, l'épithète d'Isis w\h(t) nêwjl = « celle dont
la royauté est durable » (op. cil., II, p. 332, 16).
(6) Op. cit., V, p. 1.
(7) L'homme qui lève verticalement ses avant-bras.
(8) Leclant, Recherches sur les monuments thébains de la XXVe dynastie, Le Caire, 1965, p. 343, n. 1.
Il s'agit du nom d'Horus du roi : &[,'] h'w, que Leclant traduit « exalté d'apparitions ».
(9) Op. cit., pi. LXXVI.
(10) L'exemple le plus clair se trouve sur la statue E. 14719 du Louvre (cf. fig. 2, c-d).
(11) Citées supra, à la n. 3.
(12) Cf. infra, p. 70-71.
66 MONUMENTS PIOT
(1) Wôrterbuch der âgyptischen Sprache, II, p. 331, 7 et 332, 4 ; Revue d'Égyptologie, 17 (1965), p. 107 ;
Scamuzzi, Museo egizio di Torino, pi. XCVIII et notice de cette planche.
(2) Hmt-néwi. Ces exemples sont importants, car ils nous prouvent que le choix du mot nêwjt, qui désigne
la royauté de la Haute Egypte, peut très bien s'appliquer à Osiris, bien que celui-ci, à l'origine, soit un dieu
et un roi de la Basse Egypte. L'épithète k\ nêwjt peut donc très bien désigner Osiris.
(3) Cf. notre article dans la Revue d'Égyptologie, 18 (1966), p. 70, n. 1, où on trouvera de nombreuses
références.
(4) P. 64-65.
(5) P. 12.
(6) Cf. Hickmann, La trompette dans l'Egypte ancienne (Annales du Service des Antiquités d'Egypte,
cahier 1), Le Caire, 1946, p. 3-16. Par la suite, nous citerons cette étude sous le titre abrégé de Hickmann,
La trompette.
(7) Cf. infra, p. 67.
(8) Les dieux avaient, au moins, leurs musiciennes (cf. Gauthier, Le personnel du dieu Min (Recherches
d'Archéologie, de Philologie et d'Histoire, III), Le Caire, 1931, p. 113 sqq. ; Lefebvre, Histoire des grands
prêtres d'Amon de Karnak jusqu'à la XXIe dynastie, Paris, 1929, p. 33 sqq.), et même des musiciens. Sur
l'ensemble de la question, cf. Bonnet, Reallexikon der âgyptischen Religionsgeschichte, Berlin, 1952,
p. 490-491.
(9) Wolf, Das schône Fest von Opel, Leipzig, 1931, pi. I (aller) et II (retour).
(10) Ou, peut-être, libyens. Cf. Hickmann, La trompette, p. 8 et 61, et, moins nettement, Wreszinski,
Atlas zur altaegyptischen Kullurgeschichte, II (Leipzig, 1929), pi. 192.
OUADJET ET L'HORUS LÉONTOCÉPHALE DE BOUTO 67
à des prêtres, et conduites, au moins dans un cas, par le roi (1). Il ne s'agit pas,
ici, de manifestations, plus ou moins spontanées, faites par des personnages
étrangers au corps sacerdotal et s'associant, comme à Louxor, à une fête
religieuse, mais bien d'un acte cultuel, accompli par des prêtres, dans l'exercice
de leurs fonctions. Or ces prêtres sont des musiciens, et parmi eux se trouvent
plusieurs joueurs de trompette, chacun d'eux tenant son instrument, mais sans
en jouer actuellement. On ne peut, cependant, avoir aucun doute sur leur rôle,
car deux d'entre eux sont expressément désignés, par une légende, comme
« joueurs de trompette ».
S) Un papyrus du Louvre, publié par P. Barguet (2), mentionne l'effet
merveilleux de la trompette, au cours d'une cérémonie célébrée, à Karnak, en
l'honneur d'Osiris (3). Ce papyrus est d'époque ptolémaïque.
s) Enfin, le musée de Berlin possède un fragment de sarcophage, bien
daté de l'époque romaine (4), et décoré d'un prêtre qui joue de la trompette
devant Osiris (fig. 28). Le prêtre est vêtu d'une tunique frangée et d'une sorte
d'écharpe suspendue à son bras gauche. Le tableau rappelle beaucoup celui de
Bouhen et ceux du Louvre, encore que le style de ces trois œuvres soit très
différent.
3. Osiris et la musique liturgique d'après les auteurs classiques. — Les
auteurs classiques parlent, à différentes reprises, de la musique, à propos d'Osiris.
D'après eux, ce serait Osiris qui aurait inventé la flûte (5) et même la
trompette (6). On doit remarquer, toutefois, que nos auteurs font allusion à des
traditions différentes ; par exemple, en ce qui concerne la trompette, elle aurait
été, d'après Julius Pollux (7), utilisée dans des cérémonies liturgiques, alors
qu'elle aurait été, d'après Plutarque et Aelien (8), interdite dans le culte, parce
(1) Macadam, The temples of Kawa, II : History and Archaeology of thè site, Londres, 1955, p. 77-80
et, spécialement, p. 78 et 80 ; pi. XIII-XIV = LUI.
(2) Le papyrus N. 3176 (S) du Musée du Louvre, Le Caire, 1962, V, 34-35, p. 17 (texte).
(3) La lecture « trompette » a été proposée, avec beaucoup de vraisemblance, par G. Posener, au cours
de la soutenance de thèse. Rapprochée des quelques documents que nous avons réunis, on peut la considérer
comme certaine. Le mot « trompette » (Snb) est écrit [Jj Jœt J w \P , ce dernier signe ayant été identifié
par Posener.
(4) Berlin 12650. Cf. Sachs, Die Musikinstrumente des alten Âgyptens, Berlin, 1921, p. 88-89 et fig. 121 ;
Hickmann, La trompette, p. 15-16 et fig. 22; nous ne connaissons, malheureusement, pas l'origine de ce
fragment.
(5) Hopfner, Fontes historiae religionis aegyptiacae, Bonn, 1922-1925, indices, p. 925-926, s. v. tibiam
et tibicines. Dans la suite de ce paragraphe, pour simplifier, nous renverrons à cet ouvrage, où il sera facile
de trouver les références.
(6) Hopfner, op. cit., p. 754. En l'occurrence, il s'agit d'un commentateur d'Homère, Eustathios, qui
vivait au xne siècle, mais on peut supposer qu'il avait trouvé ce renseignement dans un ouvrage plus
ancien.
(7) Op. cit., p. 355.
(8) Op. cit., p. 219 et 234 (Plutarque) ; p. 421 (Aelien).
OUADJET ET L HORUS LEONTOCEPHALE DE BOUTO 69
assez rarement, on doit en convenir, dans le culte. Nous devons nous demander
d'où était venu cet usage, qui n'est, probablement, pas égyptien. On peut,
tout d'abord, supposer que les Égyptiens ont emprunté au Proche-Orient la
trompette, ou, du moins, son utilisation dans la liturgie (1). Le meilleur argument
qu'on puisse donner en faveur de cette hypothèse nous est fourni par la Bible (2),
dans un passage où Yahvé recommande de se servir de la trompette à la guerre
et dans les cérémonies du culte (3). Cependant, comme la trompette est attestée,
en Egypte, à une époque sensiblement antérieure aux plus anciennes mentions
de l'instrument en Moyen-Orient (4), il est difficile d'admettre cette hypothèse,
et il est préférable de chercher la solution dans une autre direction. On ne doit
pas oublier, en effet, que le plus ancien exemple de l'usage de la trompette dans
le culte remonte à la XVIIIe dynastie et, même, peut-être, au Moyen Empire,
et que cet exemple a été trouvé à Bouhen, au Soudan (5). D'autre part, à la
XXVe dynastie, à Kawa, donc toujours au Soudan, nous avons vu (6) qu'une
procession sacerdotale comprenait de nombreux musiciens et, parmi eux, des
joueurs de trompette, expressément désignés comme tels. Il est donc légitime
de se demander si ce n'est pas au Soudan que la trompette a servi, pour la première
fois, comme instrument de musique liturgique. L'usage aurait été introduit en
Egypte, au moment de la conquête du pays par Piânkhi (7). Cette hypothèse
est confirmée par l'absence complète, en Egypte même, de documents évoquant,
avant la XXVe dynastie, l'utilisation liturgique de la trompette (8).
Et nous revenons, ici, à notre bronze du Louvre. Ce que nous venons de
dire ne nous permet pas d'affirmer définitivement que ce bronze et, par analogie,
ceux de Chaalis et de Cambridge dont nous avons parlé au début de cet article,
datent de la XXVe dynastie. Cependant, cet indice s'ajoutant à ceux que nous
avons donnés à propos de la légende k[\]nswjt (9), on est fondé à conclure que la
date que nous avions simplement proposée plus haut est, pour ne pas dire plus,
très vraisemblable.
h) Conclusion. — L'évolution de la religion locale, dans l'Egypte ancienne,
est toujours délicate, et exige de nombreuses digressions qui ne confèrent pas,
obligatoirement, une parfaite clarté au sujet traité. C'est ce qui nous est arrivé
dans le présent article. Nous aurions souhaité aboutir à une certitude pour les
hautes époques, celles-ci étant d'autant plus importantes qu'il s'agissait, en
l'occurrence, d'une ville, Bouto, dont le rôle avait été plus actif, à l'aube de
l'histoire. Nous ne sommes pas arrivé à cette certitude désirée, encore que
plusieurs indices nous aient permis de supposer que le culte d'Horus, dans le
VIe nome du delta, remontait, au moins, à l'époque de l'unification des deux
moitiés du pays. En revanche, en nous aidant de nos bronzes, nous avons pu,
d'abord, confirmer que la légende d'Osiris, à Basse Époque, jouissait d'une
certaine faveur dans le VIe nome du delta, dont faisait partie Bouto ; nous
avons pu établir, ensuite, que ce nome, en accueillant la légende osirienne, avait
fondé sur la personnalité d'Osiris, dont le caractère royal est bien connu, et sur
celle d'Horus, le fils d'Osiris, l'unificateur de l'Egypte et le dieu dynastique, des
prétentions à un rôle de tout premier plan dans les événements qui avaient
abouti à l'unification de l'Egypte. Ce rôle, moins glorieux, certes, que ne
l'affirmait Bouto, n'avait pas moins été important, et il est intéressant d'en retrouver,
à Basse Époque, des témoignages assez nombreux et qui ne peuvent guère
s'expliquer que par une tradition historique ; même si l'interprétation de cette
tradition n'est pas parfaitement en accord avec les faits, il n'en reste pas moins
que les prétentions de Bouto étaient en partie justifiées par la très grande
influence que la ville avait exercée, à l'époque de l'unification, sur le
développement de la civilisation égyptienne et sur la grandeur du pays.
APPENDICE
Nous avons dit plus haut (1) que nous avions réuni dix statues de bronze
représentant Horus léontocéphale, et, en signalant, en note, que nous avions
trouvé une onzième statue, nous avons exprimé le souhait que notre article,
en attirant l'attention sur ces statues, nous permît d'enrichir notre
documentation. Ce souhait nous mettait dans l'obligation de donner au moins
quelques précisions sur la découverte à laquelle nous avions fait allusion.
En effet, nous avons eu l'occasion de trouver, dans une collection
partiti) P. 22, n. 3.
72 MONUMENTS PIOT
au-dessus et un peu à gauche de la cuisse, à laquelle elle est reliée par une pièce
de bronze (2). La déesse porte la coiffure tripartite, surmontée de la couronne
hathorique qui se détache sur deux hautes plumes (3). Elle est vêtue d'une
(1) Hauteur avec la coiffure : 0,76 m ; sans la coiffure, mais avec le modius : 0,60 m ; sans le modius :
0,57 m. Plus grande largeur : 0,15 m. Plus grande profondeur : 0,32 m.
(2) Cf., infra, p. 73-74, l'interprétation de cette attitude.
(3) Cf. supra, p. 50.
OUADJET ET L HORUS LEONTOCEPHALE DE BOUTO 73
par des raies assez largement espacées. Sur la poitrine du dieu s'étale un collier
ousekh, à peine arrondi, qui se compose de six rangs de perles tubulaires verticales,
alternant régulièrement avec six rangs de perles ovales. Sur la tête se dresse
un urœus (1). Le dieu ne portait pas de couronne. Le modelé, sans être excellent,
est nettement meilleur que celui de la déesse, et le style est plus vigoureux.
Le siège de la statue était décoré, sauf à la partie antérieure.
Malheureusement, il ne reste de ce décor que de misérables traces. Il est possible, toutefois,
qu'un décapage soigneux facilite la lecture des motifs, mais ce travail ne pouvait
pas être entrepris pour l'instant ; nous ne pouvons donc parler, ici, que de ce qui
se voit actuellement, et le résultat est assez décevant. A la partie postérieure
du siège se trouvait un faucon aux ailes éployées, motif connu (2) qu'il est
facile de reconstituer en nous aidant des représentations analogues. Le décor
du côté gauche (fig. 31) est un peu mieux conservé. Il est particulièrement
intéressant, parce qu'il met en scène un roi. Celui-ci est représenté à gauche -> ;
il est coiffé de la couronne blanche et il est vêtu du pagne à tablier triangulaire,
à la ceinture duquel est attachée la fausse queue. Les bras sont en lacune, mais
on peut admettre, comme une hypothèse très vraisemblable, qu'ils étaient
avancés et plies de façon que les mains fussent au niveau des épaules. Nous ne
savons pas, en revanche, si le roi faisait une offrande ou s'il était représenté
dans l'attitude de l'orant. La première hypothèse est, sans doute, plus logique,
car devant le roi se dresse une table d'offrandes encadrée, à gauche, d'un vase
posé sur un support, et, à droite, d'une sellette dont les pieds, qui sont réunis
deux à deux par une baguette de renforcement, s'écartent régulièrement, donnant
ainsi une plus grande stabilité au meuble. Les traces sont trop imprécises pour
qu'on se risque à essayer d'identifier les offrandes disposées sur le plateau de la
table et sur la sellette. L'hommage du roi s'adresse à une divinité «- qui se
trouve à droite. Elle est assise sur un siège cubique à dossier bas, dont le côté
visible est décoré de plusieurs registres de plumes stylisées ; un rectangle est
réservé, à droite et en bas, pour le symbole du zéma-taouy (3), mais celui-ci, autant
qu'on puisse dire, n'a pas été gravé. Cette divinité ne peut être qu'Horus ou
Ouadjet (4). Nous pensons plutôt à cette dernière, car le costume, tel qu'il est
conservé, évoque plus une tunique qu'une chendjit. Dans ces conditions, le dieu
Horus devait être représenté sur l'autre côté du fauteuil (5). De toute façon,
et quelle que soit la place occupée par les divinités, on peut affirmer que la
déesse tenait le sceptre papyriforme et le symbole de la vie, et, le dieu, ce même
symbole de la vie et le sceptre ouas.
Quel est le roi qui rend ainsi hommage aux dieux de Bouto ? Son nom est
gravé devant lui, mais, malheureusement, le cartouche est incomplètement
conservé, et il ne nous a pas été possible d'aboutir à une lecture certaine. Si on
admet que le signe qui se trouve à droite du disque solaire peut être le corps
d'un scarabée, dont les pattes auraient disparu (1), le cartouche est probablement
celui de Nectanébo II (Khéperkarëf), dernier roi de la XXXe dynastie (359-341).
C'est l'hypothèse que nous proposons sous toutes réserves. Nous avons daté les
bronzes de Chaalis et du Louvre (2) de la XXVe dynastie. Ils sont d'un style
plus vigoureux que celui de nos deux statues ; nous pensons surtout à la statue
de la déesse qui, par ses formes exagérément arrondies, annonce déjà l'époque
ptolémaïque. Les cartouches sont rares dans la série de bronzes que nous étudions,
et il est bien regrettable que, lorsque nous avons la chance d'en trouver un,
celui-ci soit aussi difficile à identifier.
La décoration du côté droit a beaucoup souffert. On peut affirmer, cependant,
que le roi +-, coiffé de la couronne rouge, était représenté à droite, et qu'il
rendait hommage à une divinité -> qui se trouvait à gauche et dont il ne reste
pratiquement rien. D'après ce que nous avons dit plus haut (3), cette divinité
était probablement Horus. On peut également admettre que les deux
personnages étaient, comme de l'autre côté du siège, séparés par une table d'offrandes.
Les deux bronzes dont nous venons de parler sont trop différents l'un de
l'autre pour que nous puissions conclure qu'ils forment une paire. Nous croyons,
cependant, qu'ils appartiennent à la même époque et qu'ils ont dû être trouvés
au même endroit. Nous n'avons, malheureusement, aucun renseignement sur
les circonstances de leur découverte, mais il serait étrange qu'ils eussent été
acquis en même temps s'ils n'avaient pas eu une origine commune.
Jacques Vandier.