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Bulletin de la Société Nationale

des Antiquaires de France

L'inscription inédite de la porte du Djedar A (Maurétanie


Césarienne)
Pierre Salama, Claude Lepelley

Citer ce document / Cite this document :

Salama Pierre, Lepelley Claude. L'inscription inédite de la porte du Djedar A (Maurétanie Césarienne). In: Bulletin de la
Société Nationale des Antiquaires de France, 2001, 2006. pp. 240-251;

doi : https://doi.org/10.3406/bsnaf.2006.10551

https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_2006_num_2001_1_10551

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Séance du 21 novembre 2001

M. Pierre Salama, m.r., et M. Claude Lepelley, m.r., présen¬


tent une communication intitulée : L'inscription inédite de la porte du
Djedar A (Mauritanie Césarienne).

L'inscription présentée ici d'après une photographie prise par


Pierre Salama en 1952 est quasiment inédite, sa première publica¬
tion ne révélant qu'un nombre limité de lettres sans signification.
Elle se lit sur une construction antique située en Algérie, à 30 km
au sud-est de Tiaret, dans l'Oranie actuelle, soit l'ouest de la
Maurétanie Césarienne antique. Nous sommes ici près du limes ,
dans la partie de la Maurétanie qui ne fut intégrée dans l'Empire
que sous Septime Sévère, quand il porta le limes à la limite des
steppes l. L'édifice (fig. 1 et 2) où se lit l'inscription (le Djedar A)
fait partie d'un ensemble de treize monuments, assurément funé¬
raires, connus sous le nom de Djedars, mot arabe signifiant
muraille, donc construction. Les Djedars se répartissent en deux
groupes, distants de six kilomètres ; le premier comprend trois
monuments, le second dix. Ces mausolées s'élèvent en bordure des
monts de Frenda, extrémité septentrionale des hauts plateaux de
l'Oranie, près de la rive occidentale de l'oued Mina (non loin de la
petite ville de Frenda). Ils sont bâtis sur des hauteurs, des mame¬
lons ou collines, au djebel Lakhdar pour le premier groupe (Dje¬
dars A, Β et C, distants d'environ 500 m l'un de l'autre), sur le
djebel Araoui (au plateau de Ternaten) pour le second (de D à M ;
mausolées groupés en une sorte de nécropole). Les Djedars sont de
grands tumulus de plan carré, se composant d'un soubassement de
pierres de taille et d'une pyramide à gradins constitués de dalles
plates. Des caveaux funéraires avec des couloirs d'accès sont amé¬
nagés à l'intérieur, le reste du monument étant plein. Le plan
correspond à celui des sépultures monumentales berbères tradi¬
tionnelles
bazinas sur(bazinas).
les collines
Onbordant
peut voir
les un
deux
nombre
rives de
important
l'oued Mina,
de ces
à
une distance de 5 à 10 km des Djedars du djebel Lakhdar ; elles
sont de forme tronconique, d'un diamètre de 4 à 6 mètres, cons¬
truites en moellons formant gradins 2. Les grands mausolées
royaux connus sous le nom de « Tombeau de la Chrétienne »
(Maurétanie) et de Médracen (Numidie), ainsi que le mausolée de

2.
1. Atlas
C'est archéologique
la zone du delimes
l'Algérie
Columnatensis
, f. 33, Tiaret,
de la Notitia
68-79.Dignitatum, Occ., XXX, 12.
P. SALAMA ET G. LEPELLEY. - L'INSCRIPTION DU DJEDAR A 241

FIG. 2. - LE DJEDAR A. EMPLACEMENT DE L'INSCRIPTION.


(Photo J.-P. Laporte).
242 21 NOVEMBRE 2001

Blad Guitoun, se rattachent à ce type de monuments, mais,


contrairement aux Djedars, ils sont élevés sur une base circulaire,
et ils sont donc coniques. La parenté de ces divers édifices, recon¬
nue depuis longtemps, a été définitivement établie par Gabriel
Camps, qui a introduit les Djedars dans sa classification des monu¬
ments funéraires nord-africains autochtones et les a rapprochés des
bazinas 3. Des bazinas à degrés de forme quadrangulaire, du type
des Djedars, se trouvent à l'ouest du Maghreb (Algérie occidentale
et surtout Maroc).
Les trois édifices du premier groupe (djebel Lakhdar) ont fait
l'objet, en 1883, d'une première étude précise de la part de René
de la Blanchère 4. Une description synthétique a été donnée
ensuite par Stéphane Gsell 5. L'archéologue algérienne Fatima
Kadra a procédé à des fouilles sur le site en 1968, 1969 et 1970, et
elle a consacré aux monuments un important ouvrage paru à
Alger en 1983 6. Les fouilles ont porté sur le premier groupe (A, Β
et C), mais le livre présente aussi pour la première fois une étude
rigoureuse de l'ensemble des treize monuments, en particulier les
dix du second groupe (djebel Araoui), dont un seul avait été décrit
précédemment.
Ces monuments sont de vastes dimensions ; le plus grand est le
Djedar F (au djebel Araoui), qui a 46 mètres de côté et dont la
pyramide devait atteindre à l'origine, selon F. Kadra, une hauteur
de 18,50 mètres. Le Djedar A, où se lit l'inscription que nous
présentons ici, a un soubassement de 34,60 mètres de côté et
atteignait 1 7 mètres de hauteur. L'entrée, dissimulée dans les pre¬
miers gradins de la pyramide, est toujours du côté est ; on trouve
dans la même direction une plate-forme rectangulaire, où s'élève
une petite construction servant probablement de chapelle pour des
rites funéraires. Certains Djedars sont entourés d'une enceinte en
blocs
contours
grossièrement
du sommet du
équarris
mamelon.
; celle
Au delà
du de
Djedar
l'entrée,
A des
épouse
couloirs
les
donnent sur des chambres funéraires retrouvées vides. Ces disposi-

Paris,
planches

Alger,
Numider.
16 6.
1979,
3.66-67.
4.
5.
(1995),
G.
R.
S.
F.
p.
1962,
1983.
Kadaria
Reiter
de
Gsell,
263-284.
Camps,
IX-XII.
Aujourd'hui,
104-106;
p.lap.Ead.,
2409-2422,
Blanchère,
und
199-205.
Les
Kadra,
Aux
Könige
Der
monuments
id.,
origines
Djedar
voir
nördlich
Atlas
Archives
Les
ainsi
surtout
Djedars.
deantiques
A que
archéologique
der
von
ladesSahara,
Berbérie.
les
Djebel
Missions,
G.
Monuments
deCamps,
travaux
l'Algérie
Lakhdar,
H.Monuments
deG.
3el'Algérie,
de
fiméraires
Djedar,
série,
Horn
, F.t.einKadra
II,
spätes
X,
etetdans
Paris,
Paris,
rites
berbères
C.
1883,
Berbermonument,
cités
B.
fiméraires
Encyclopédie
Rüger
1901,
1901,
p.de
note
79-99
la (éd.),
f.
région
protohistoriques,
p.
suivante.
Berbère,
et Cologne,
418-427
33,de
127-129,
dans
Tiaret,
Fendra,
fasc.
Die
et
P. SALAMA ET C. LEPELLEY. - l'inscription du djedar a 243

tions ont été clairement mises au jour grâce aux découvertes de


F. Kadra au Djedar A. Cette fouille a révélé que le soubassement
de pierres de taille avait été posé à même le sol rocheux, ce qui
exclut toute possibilité de datation stratigraphique.
Ce mausolée A est le seul à avoir reçu une abondante décoration
sculptée en relief plat, que Gsell croyait de remploi ; mais Fatima
Kadra, approuvée par Paul-Albert Février, a montré qu'elle avait
été faite pour le monument. On la voit sur les linteaux des cham¬
bres funéraires, sur la façade ouest du soubassement et, à l'état de
traces, sur les façades nord et est. On distingue des décorations
géométriques sur les linteaux intérieurs, et sur le soubassement des
figures très schématisées, anthropomorphes ou animalières (équi-
dés ; bovidés), une scène de chasse à l'autruche. On retrouve ce
type de décoration dans des édifices chrétiens africains de l'époque
tardive, ce qui constitue un critère de datation.
Dans le Djedar F (le plus vaste de tous) a été trouvée une série
d'inscriptions funéraires chrétiennes remployées, provenant d'une
nécropole voisine, qui appartenait probablement, comme le mon¬
tre P. Salama, à la cité de Cen 1 . La plus récente est datée par l'an
45 1 de la province de Maurétanie, soit l'année 490 de l'ère chré¬
tienne 8, ce qui constitue un terminus post quem : le Djedar F a été
construit après l'abandon de la nécropole, donc au plus tôt dans le
courant du vie siècle. Toujours dans le même monument a été
trouvée une inscription fragmentaire utilisée comme tympan au
dessus de la porte d'accès à une galerie, où elle est disposée à
l'envers : le maçon qui a placé cette pierre inscrite tel un élé¬
ment décoratif était illettré. Grâce à un nouveau fragment de
ce texte retrouvé par P. Cadenat, P. Salama a montré que l'inscrip¬
tion remployée ici commémorait la création en 202/203, par
Septime
forte ?) 9. Sévère, Caracalla et Géta, d'un oppidum (ville ou place

un
l'an
Djedar
provient
l'œuvre
dans
quent
de
CLV
21549,
1955,
8.
9.
7.kilomètres
fragment
494
Libyca
A.
Inscription
S'il
C.
p.
des
uneA
datée
E.,
I.329-335.
de
elle
Sévères
s'agit
; distance
L.,
l'ère
c'est
—1956,
aussi
trouvé
Archéologie
des
VIII,
de
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dans
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publiée
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Djedars
l'année
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127
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21545
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date
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Epigraphie,
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Cen,
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A.
; l'ère
F. P.qu'on
Kadra,
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E.,
archéologique
Salama,
Césarienne,
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1957,
Gsell
inscription
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province,
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3,province,
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Aïoun
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1955,
localiser
dans
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l'Algérie
p.
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Sbiba
P.soit
Libyca
de
267.
p.situé
on
Salama,
àcette
173-177.
466
,Aïoun
:Ibid.,
aurait

-f.identification
l'inscription
Archéologie
34,
série
se
dep.Nouveaux
Tiaret,
Sbiba,
lisent
donc
l'ère
Deux
269,
n'a l'année
de
les
été
et
F.chrétienne,
à34).
milliaires
Epigraphie,
C.
latémoignages
une
Kadra
lettres
retrouvée
ville
I. vingtaine
L.,
455,
romaine,
publie
CCC-
VIII,
indi¬
t.soit
qui
sur
au
3,
244 21 NOVEMBRE 2001

Si les dix monuments du djebel Araoui doivent être datés du vie


siècle, vu les inscriptions en remploi du Djedar F, il semble que les
trois mausolées du djebel Lakhdar soient antérieurs. Des éléments
de bois, peut-être des fragments de cercueils, trouvés dans une
chambre funéraire du Djedar B, ont révélé une datation par l'ana¬
lyse du carbone 14 dans les années 360-460 10. Depuis La Blan-
chère et Gsell, l'opinion unanime des archéologues est que les
Djedars sont les sépultures d'une dynastie de souverains d'une
principauté
romaine, auxmaure
ve et ayant
vie siècles,
dominé voire
la région
encoreaprès
au vne
la fin
siècle,
de l'autorité
comme
Masuna, « roi des Maures et des Romains » à Altava en 508 1 1, ou
Masties dans l'Aurès au ve siècle 12. Selon F. Kadra, les Djedars
A, Β et C (ceux du djebel Lakhdar) doivent être datés du ve siècle,
et le,3.grand Djedar A serait le tombeau du fondateur de la dynas¬
tie

L'inscription du Djedar A

En dehors de l'inscription monumentale présentée ici, on ne


peut lire
mes, souvent
sur ledeDjedar
consonance
A que africaine,
des lettresminutieusement
isolées ou des anthropony-
relevés par

F. Kadra 14. La graphie correspond aux usages tardifs, ainsi pour


des G en coin losangé ou des Ε arrondis. Il s'agit de marques de
tâcherons. La grande inscription est gravée à la partie médiane du
soubassement de la façade orientale, au niveau de la plus haute
assise, au-dessous de la porte d'accès à la galerie d'entrée du
mausolée. Les déblais entassés jusqu'à la hauteur des premiers
gradins en dissimulaient la présence encore au début du xxe siècle.
La photographie prise par P. Salama en 1952 montre qu'à cette
date
abords
l'inscription
du monument
était lors
visible,
des àfouilles
hauteur ded'œil.
F. Kadra,
Le dégagement
en 1968-1970,
des

fait que l'inscription se présente aujourd'hui en hauteur, comme à


l'origine, et qu'elle est donc plus difficilement visible. Le texte est
gravé sur un seul bloc de pierre, mais un rinceau en forme de lierre
surmonte l'inscription, au-dessus de la première ligne, et il se

Aix-en-Provence,
p.
Djedar
dans
ques
257).
10.
11.que
12.
13.
14. l'axe
A.E.,
Kadra,
C.A,S.
I.une
de
LGsell
.,1945,97.
laop.
VIII,
grande
galerie
cit.,
avait
1968,
9835
p.inscription
cru
233-244.
332-333.

d'entrée,
333.
;y194.
I.lire
L. S.,
n'existent
Ilmais
était
859
en est
elle
gravée
; J.depas,
Marcillet-Jaubert,
est
même
au
totalement
comme
Djedar
aux F.
Djedars
C
Kadra
illisible.
sur
LeslaΒinscriptions
l'afaçade
etLes
montré
C. lettres
Comme
orientale,
d'Altava,
{op.grec¬
cit.,
au
P. SALAMA ET C. LEPELLEY. - L'INSCRIPTION DU DJEDAR A 245

poursuit sur un bloc placé à gauche du premier, où aucune lettre


n'apparaît : il est donc probable qu'une partie du texte figurait
initialement sur ce bloc de gauche et a disparu. Ce qui subsiste est
très mutilé, ce qui rend une lecture extrêmement malaisée.
Une editio princeps de cette inscription a été donnée par F.
Kadra 15, qui a pu lire :
1 - M
2 - EGRECIV -— M — V//0 —
3 - MIAN ------------ IVLIIA
4 - DVC— OR ---------- X- — RPROVINCIAPO -----
5 - VEP-VINAM ------ MAIOREMROM
6 - Ε .........
TANIE

Interprétation : 1. 2 : egregius ; 1. 4 : prouincia ; 1. 5 : maiore 16 ; 1. 6 :


[Maurejtanie.

En conclusion, Ε Kadra constatait qu'à son avis l'interprétation


de ce texte se révélait désespérée. Elle pense que l'inscription était
la dédicace du monument et qu'elle commémorait le prince maure
qui y était enseveli. Cette opinion fut reprise par Gabriel Camps,
qui émit l'hypothèse que le mausolée « avait été construit pour un
personnage qui, comme Nubel ou Firmus et ses frères, avait
exercé, en plus de ses fonctions tribales, des commandements
romains importants » 17, ce qui expliquerait la présence sur l'ins¬
cription de termes institutionnels romains. Cette interprétation
n'est pas acceptée par les auteurs de la présente étude.
La photographie de l'inscription prise par P. Salama en 1952,
quand le texte était à hauteur d'œil, a fait l'objet d'un traitement
informatique
ressortir les traits
permettant
foncés et
d'accentuer
a éclairci le
lesfond
contrastes,
18. Ce traitement
ce qui a fait
a

permis de distinguer plus clairement les lettres et d'en lire de


nouvelles, donc d'améliorer notablement la lecture (fig. 3). Appa¬
raissent très distinctement des lignes de guidage nettement gravées,
mais qui n'ont pas été d'une grande utilité pour le lapicide, vu
l'aspect irrégulier de la disposition des lettres ; on peut toutefois
constater que les lettres lisibles sont gravées nettement et ne corres¬
pondent pas à une graphie très tardive. Cette écriture correspond à
ce qu'on nommait naguère la capitale rustique, dont Jean Mallon
soulignait la difficulté de datation. Disons cependant que la gra-

ilsur
était
15.
16.
17.
18.
l'Antiquité
F. Kadra,
La
G.
Numérisation
collaborateur
Camps,
nouvelle
tardive
op.Djedar,
lecture
cit.,
technique.
au
etp.scanner
leEncyclopédie
231-233.
proposée
haut Moyen
effectuée
ici
Berbère,
montre
Age
parde
16,
Pierre
l'Université
qu'il
1995,faut
Bazin,
p. 2420.
lirede
auATOREM.
Paris
CentreX-Nanterre,
de recherche

246 21 NOVEMBRE 2001

FIG. 3. - INSCRIPTION DU DJEDAR A.

phie de cette inscription n'est pas celle des inscriptions africaines


du ve siècle, et encore moins du vie siècle, qui présentent des lettres
moins allongées et un tracé plus arrondi. On constate que des
inscriptions d'Altava datées du ive siècle, dont J. Marcillet-Jaubert
a analysé la graphie 19, présentent un aspect comparable. Certains
A (ainsi celui d'atorem, à la ligne 5, ou de tanie, à la ligne 6) sont
formés de quatre traits (avec la barre horizontale en accent circon¬
flexe inversé), forme qui apparaît seulement au ive siècle à Altava,
mais quemoitié
seconde P. Salama
du 111e asiècle.
relevée sur des milliaires africains de la

On constate que les parties de la pierre où ne se lit aucune lettre


sont importantes, et qu'on reste dans l'impossibilité de restituer les
mots auxquels appartenaient des lettres isolées. L'interprétation de
l'inscription ne peut donc être que partielle, et souvent hypothéti¬
que. Cependant, les auteurs de cette étude ont estimé qu'il conve¬
nait de publier le document tel qu'on peut aujourd'hui le connaî¬
tre, lecture
de et P. Salama
ont été
en faites
a proposé
lors de
unelainterprétation.
séance de la Des
Société
propositions
où cette

communication a été présentée (leurs auteurs sont mentionnés en


note). On ne peut que souhaiter que des lecteurs de cet article
puissent proposer de nouvelles restitutions.

213.19. J. Marcillet-Jaubert, Les inscriptions d'Altava , Aix-en-Provence, 1968, p. 203-


P. SALAMA ET C. LEPELLEY. - l'inscription du djedar a 247

Matériau : calcaire gris. Dimensions : longueur : 1,50 m ; lar¬


geur : 0, 67 m ; épaisseur : 0, 45 m.
1. 5Hauteur
: 4 cm. des lettres : 1. 1 : 3,5 cm ; 1. 2 : id. ; 1. 3 : id. ; 1. 4 : 3 cm ;

Lecture de P. Salama :
1 - MS
2 - I ECREC.V SM Ν PVIC...A
3 - IN L NFER TVLLIA
4 - IC OV NR IATAXIPRPROVINCIA.PON
5 - OTA C / VED. VINAMPO NATOREM BOM (ou ROM)
6 - CIE R TANIE

A la ligne 1 , on distingue un S 20, nettement détaché à la droite


du M. Il faut restituer à gauche un D, qui était gravé sur la partie
manquante de l'inscription. On a donc [dfisj] m(anibus) s(acrurri).
L'inscription est une épitaphe, mais on ne saurait la considérer
comme celle du personnage enseveli dans le mausolée : pour P.
Salama, comme les inscriptions retrouvées dans le Djedar F, il
s'agit d'un remploi, placé ici au-dessous de l'entrée, comme une
décoration. On peut comparer avec le fragment d'inscription
sévérienne du Djedar F, utilisé comme trumeau d'une porte, mais
placé à l'envers par un maçon illettré 21 . Nous avons ici le même
procédé de remploi, avec le texte à l'endroit. La pierre s'arrêtant
au ras du rinceau surmontant le texte, on peut penser qu'elle a été
découpée, lors du remploi, aux dimensions requises pour la cons¬
truction.

Examinons maintenant les éléments du texte dont la lecture est


possible.
Ligne 1 - [D(is)] M(anibus) S(acrum).
Ligne 2 — On lit clairement ECREC .V Le Ε qui précède
appartenait à un autre mot. Il faut comprendre egregius ; plutôt que
le titre équestre egregius vir, qui est toujours abrégé en YE., il faut
voir ici un anthroponyme [cognomen ou signum ) 22 .
Ligne 3 - [i]nfer. A. Beschaouch a suggéré en séance de resti¬
tuer le nom de la province de Moesia inferior. On lit ensuite un autre
nom de personne, TVLLIA, soit le gentilice féminin Tullia, ou le
cognomen Tulliafnus] (ou Tullia [na]).

pue22.
apparaît
20.
21.
parAinsi
La
Cf.une
aussi
boucle
supra,
éraflure
P. sur
Bennius
note
inférieure
C. I.9.
deL.,la
Egregius,
VIII,
pierre.
apparaît
14217.
à Doclea,
nettement
en ; Dalmatie
la boucle (/.
supérieure
L. S., 4837).
est interrom¬
Le nom
248 21 NOVEMBRE 2001

Ligne 4 - On lit clairement ATAXIPRPROVINCIAPON,


soit Ataxi(i) pr(aesidis) provincia(e) Pon[ti] 23 . Le nom Ataxius est
attesté, ainsi à Sigus, dans I. L. Alg. , II, 2, 6546.
Ligne 5 - On lit D.VINAM, soit peut-être d[i]vinam 24 ;
Ρ (?) Ο ATOREMROM (ou BOM). [Amjatorem Rom[ae] serait
beau,
rem 25 . mais le Ο lisible avant atorem suggérerait plutôt o[rn]ato-

Ligne 6 - TANIE doit très probablement être développé en


/ Maurjetanie , comme Ε Kadra l'avait vu. Le R isolé qui précède
pourrait donner [p]r(ovinciae) [Maure] tani(a)e.

Une difficulté d'ordre syntaxique pour l'interprétation vient de


la diversité des cas. Egregiu, à la ligne 2, peut se lire egregiu[s]
(nominatif), ou egregiu[m] (accusatif) ; atorem ([orn] atorem), à la ligne
5, est à l'accusatif, mais à la ligne 4, A taxi est au génitif. Pour ce
dernier point, on peut supposer que le personnage évoqué a rempli
une fonction auprès du gouverneur Ataxius, par exemple cornicula-
rius praesidis 26.
Voici l'interprétation de ce texte que propose P. Salama. Il s'agit
d'une inscription funéraire remployée, sans rapport avec le monu¬
ment où elle est insérée. La mention d'un praeses provinciae montre
que nous sommes avant la disparition des structures romaines, et
ce qu'on peut lire du formulaire n'a aucun rapport avec ce qu'on
trouve sur les inscriptions en l'honneur des princes berbères post¬
romains, comme Masties ou Masuna. Le texte évoque la carrière
d'un personnage, assurément originaire de la Maurétanie, et qui a
rempli du
moitié uneine
fonction
siècle ou
dans
au ladébut
province
du ive
du siècle.
Pont 27Ladans
mention
la seconde
de la

province de Maurétanie à la dernière ligne serait due au fait que le


provinciae.
personnage y fut titulaire d'une dignité, ainsi patron ou sacerdos

mais
province
lettres
chaouch
24.
25.
26.
27.
23.P.après
Suggestion
On
Plutôt
Et
Salama
pour
administrée.
peut
pourrait
VINAM.
que
laêtre
constate
ligne
beneficianus,
d'A.
penser
en
aussi
3Beschaouch.
Mésie
est
qu'un
penser
àretenue.
[imper]
titre
inférieure,
titre
àtrop
atorem,
une
de modeste
gouverneur
forme
simais
la proposition
du
la place
pour
verbe
estuntoujours
manque
notable.
ponere,
de restitution
suivi
ainsi
pourdu
pon[ere
insérer
nom
d'A.iussit],
de
cinq
Bes¬la
P. SALAMA ET C. LEPELLEY. - l'inscription du djedar a 249

Ataxius, gouverneur de la province du Pont

L'histoire de la province du Pont était fort obscure. Elle a été


éclairée par la découverte de milliaires anatoliens publiés par
David French
Michel Ghristol
28, et
dont
Xavier
les travaux
Loriot 29,
ontdont
été complétés
on résumera
et rectifiés
brièvementpar

les études. L'ancien royaume de Mithridate s'étendait largement


en longitude le long de la mer Noire. Sous le Haut-Empire, seule la
partie occidentale fit partie de la province de Pont-Bithynie ; le
reste
Pont fut créée
rattaché
sous
à Sévère
la Galatie
Alexandre,
et à la Cappadoce.
entre 224 et
Une
235province
; sauf dans
du
les premières années, elle fut administrée par des praesides éques¬
tres. Au milieu du iue siècle, apparaît une province regroupée de
Galatie et Pont. Dans le dernier quart du me siècle, le Pont est à
nouveau une province autonome gouvernée par des praesides
équestres. Cette province comprenait les parties septentrionales de
la Galatie et de la Cappadoce du Haut-Empire, et seulement les
cités les plus orientales de l'ancien Pont-Bithynie 30. Au ive siècle, le
Pont fut divisé en deux provinces, le Diospontus , attesté dès la liste de
Vérone datable vers 313 ou un peu avant 31, et qui devint YHeleno-
pontus à la fin du règne de Constantin, et tout à l'est, le Pontus
Polemoniacus, attesté lui aussi dès la liste de Vérone. Il est fort peu
probable qu'Ataxius praeses du Pont, évoqué sur l'inscription du
Djedar A, ait été en fonction dans la lointaine province du Pont
Polémoniaque. L'hypothèse la plus vraisemblable est donc qu'il
gouverna le Pont avant son changement de nom et sa partition,
antérieurs à 3 1 3, donc dans le dernier quart (ou le dernier tiers) du
ine siècle ou les premières années du ive siècle. Aucun gouverneur
d'une province pontique nommé Ataxius (ou Antaxius) n'est connu
à ce jour 32 . Le personnage serait donc nouveau dans les fastes.

p.
Fait
t.neurs
deux
R.
d'Ataxius.
1986,
The
VII,
28.
29.
330.
32.
149-174
2,Date
1maintenant
dans
. milliaires
A,
particulièrement
D.
X.
Déjà
Sur
Aelius
1986,
and
156,
leFrench,
Loriot,
second
la
;attribuées
p.liste
Value
idem,
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ettrouvés
13-40.
autorité
Ρ
tiers
Milestone
Le
de
of
Recent
L.Pont
the
duR.
Vérone,
Atianus,
àCette
près
p.
IIIe
Verona
laEpigraphic
Ε.,
au
l'étude
81.
of
Galatie
siècle,
de
IIIe
I,
étude
Pontus,
(Laterculus
List,
Sinope
p.praeses
siècle
de
dans
122)
J.dans
embrasse
Research
M.
Galatia,
R.
deperfectissime
Mémoires
{A.J.
; S.,
notre
Christol
Veronensis)
mais
le courant
t.in
Phrygia
Α.,
ère,
en
44,
le
Pontus,
du
1905,
fait
dans
cognomen
et
1954,
et
Centre
andLycia,
du
X.
tout
sadans
dup.B.ne
Loriot,
datation,
p.Jean
Pont
329
S.Atianus
le
siècle.
21-29.
Epigraphica
M
me
et
Palerne
dans
en
A.
Le
siècle.
1906,
F.,
cf.
279
Pontus
Ζ·A.
est
(Saint-Etienne),
1976,
PE.,
est
p.
bien
Anatolica,
H.433
etconnu
43,
M.Jones,
ses
p.
différent
,cf
44-66.
gouver¬
1981,
t.Ρ
par
8,I.
250 21 NOVEMBRE 2001

En définitive, nous insistons donc sur l'importance de cette


inscription, qui semble bien être un remploi antérieur à la cons¬
tructionbien
encore du des
monument
secrets. où elle est insérée, monument qui garde

Note additionnelle : l'inscription supposée du patrice Solomon

Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères , trad, de Slane, t. I, p. 234),


citant Ibn el -Rakik, raconte que le calife Fatimide Al Mansour,
lors d'une expédition dans la région de Tiaret au milieu du xe
siècle, vit de grands monuments élevés sur trois montagnes (soit les
trois monts du djebel Lakhdar). Sur une pierre, il découvrit une
inscription qu'on lui interpréta ainsi : «Je suis Soleïman le sarde-
ghos {soit Solomon le «stratèges »). Les habitants de cette ville s'étant
révoltés, le roi m'envoya contre eux, et Dieu m'ayant permis de les
vaincre, j'ai fait élever ce monument pour éterniser mon souve¬
nir ». Solomon était le général byzantin qui gouverna l'Afrique de
534 à 544. Les historiens ont généralement suivi Ch. Diehl 33
considérant ce témoignage tardif comme fallacieux, à l'exception
de Stéphane Gsell 34 . La question a été relancée en 1987 par
l'orientaliste
Fatimides d'Idris
allemand
Imâdaddin,
H. Halm
auteur
35, arabe
qui a repéré
du xve dans
siècle,l'Histoire
une autre
des

mention de la découverte de l'inscription lors de l'expédition d'Al


Mansour, avec un libellé différent : «Je suis Sulaimân le sardaghus.
Cette ville s'appelle Maurîtâniya. Les habitants de cette ville se
sont révoltés contre l'empereur Yustîniânus et sa mère (sic)
Thiyûdûra, qui m'ont envoyé contre eux, et j'ai construit cet
édifice pour conserver le souvenir de la victoire que Dieu m'a
donnée ». H. Halm défend l'authenticité de cette inscription, et
donc la réalité d'une expédition militaire byzantine dans cette
région intérieure de la Maurétanie Césarienne, que Procope aurait
passée sous silence. Sur ces questions, il faut désormais se reporter
au livre de Y Modéran Les Maures et l'Afrique romaine 36 ; Y. Modéran
partage le scepticisme de Diehl quant à la valeur de ces témoigna¬
ges arabes tardifs. Pour lui, « au xe siècle, les interprètes d'Al-
Mansour
dont la traduction
auraient mal
aurait
compris
été ensuite
le sensdéformée
général de
d'un
l'inscription,
témoin à

33. Ch. Diehl, L'Afrique byzantine, Paris, 1896, p. 265-266.


34. Gsell, Les monuments antiques... (op. cit.), t. II, p. 425-426.
35. H. Halm, Eine Inschrift des magister militum Solomon in Arabischer Uberlieferung,
dans Historia, t. 36, II, 1987, p. 250-256.
36. Y. Modéran, Les Maures et l'Afrique romaine (IVe -VIIe siècle), Β. E. F. A. R.,
t. 314, Rome, 2003, p. 672-673.
P. SALAMA ET G. LEPELLEY. - l'inscription du djedar a 251

l'autre ». De toute manière, les Djedars étaient des tombeaux, et


non des monuments commémorant une victoire.

M. Azedine Beschaouch, c.é.h., observe que l'architecture de tradition


berbère dont les Djedars sont un exemple insigne est restée vivante à
l'époque arabo-musulmane, jusqu'au Xe siècle. Il exprime son admiration
pour les communicants, qui ont pu tirer parti d'un texte a prion désespéré.
Il suggère de lire un chiffre ligne 2, après egregius et, à la fin de la même
ligne, il propose de lire VICT(...). A la ligne 5, il suggère [dijvinam.
M. Xavier Loriot, m.r., accepte l'interprétation proposée, ce qui
confirme la datation entre le règne de Probus et la création du Diospont,
soit entre 275 et 314. Mme Ségolène Demougin, a.c.n., constate que, si le
personnage a servi sous les ordres d'un gouverneur du Pont, le génitif du
nom du praeses (Antaxi) s'explique. M. A. Beschaouch suggère que le
personnage peut avoir également servi dans une autre province, les lettres
[I]NFER à la ligne 3 pouvant correspondre à Moesia Infmor. M. Jehan
Desanges, m.r., constate qu'il est impossible d'accorder [dijvinam (accusa¬
tif féminin) avec un substantif finissant en atorem, ainsi ornatorem, soit un
accusatif masculin : des problèmes d'accord demeurent donc irrésolus.
M. François Braemer, m. h., estime qu'il faut prendre en compte la forme
du décor du rinceau, pour le modèle et surtout les procédés techniques
employés pour l'exécution. Toutefois, l'état de conservation empêcherait
l'examen
rareté d'exemples
dans ce de
sens
cette
de époque,
ce témoignage
tel le sarcophage
d'un trèsdegrand
La Gayole
intérêt,
(cf. vu
Β. N.
la
S.A.F., 1998, p. 233-235).

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