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RUINES ROMAINES A ABIZAR, TRIBU DES BENI-DJENNAD, ET CHEZ LES BENI-RATEN

(KABYLIE)
Author(s): Henri Aucapitaine
Source: Revue Archéologique, 16e Année, No. 1 (AVRIL 1859 A SEPTEMBRE 1859), pp. 25-31
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/41746491
Accessed: 10-09-2023 23:16 +00:00

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RUINES ROMAINES

A ABIZAR , IRIBC DES BENI-DJENNAD , ET CHEZ LES BENI- RATEN


(KABYL1E).

I.

Je viens de terminer l'exploration de la haute Kabylie par l'étude


des tribus littorales depuis Bougie jusqu'à Dellys. En revenant du
village d'Imacouda où j'ai reconnu les ruines d'un établissement mi-
litaire considérable perché sur le pic d'Azrou chez les Beni-Oua-
guennoun, je m'arrêtai quelques jours à Abizar, bourgade impor-
tante des Beni-Djenn'ad. Celte localité a été le théâtre de plusieurs
affaires meurtrières entre les Turcs et les Kabyles (1). En recher-
chant les traces de ces guerres, le kaïd me parla d'une pierre
sculptée trouvée lors de la reconstruction du village détruit par
l'expédition du maréchal Randon (1854).
Je viens de voir ce monument dont les habitants me parlaient
avec une emphase toute kabyle : malgré une pluie torrentielle, j'ai
pu en prendre un fac-similé, dont je vous envoie une réduction.
Cette pierre a été trouvée en remuant des terres à Tala Bouthiza,
endroit où il y a beaucoup de pierres taillées (2), et où se tenait du
temps des Turcs un marché qui n'existe plus depuis le départ du
kaïd algérien de Bordj Tizi-Ouzou. Elle sert de seuil à la porte in-
térieure de la première maison du village, en venant par la route
de l'Est.
Le dessin très-net, quoique d'un art tout primitif, est profondé-
ment gravé sur un grès grossier ; c'est un cavalier monté sur un
cheval de petite taille, il semble exciter au combat, et de la main
gauche tient un bouclier et trois fers de lance ( voyez la planche
354 ci-jointe, qui est réduite au vingtième de l'original).
D'après le dire très-vague de quelques individus, il y aurait des
caractères tracés sur l'autre face, je ne le crois pas. Prières, ar-

(1) Notamment les expéditions da Bey Moh'aramed et de lah'ia-Agha.


(2) C'est probablement là qu'il faut chercher le RouzQubezer de Ptolémée, non
loin de la à Zouiren, se trouve un grossier sarcophage.

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26 BEVUE ARCHÉOLOGIQUE.
gent, tout a été inutile pour décider le maître de la maison
déblayer et retourner cette pierre. N'était-il pas évident qu
tachais de l'importance à copier ces signes, c'était pour m
prier les trésors enfouis par les Nazaréens d'autrefois et do
sculpture me donnait la clef?...
Malgré toutes mes recherches, je n'ai pu trouver d'autr
ments du même genre : comme je vous le disais récemme
constructions de l'occupation romaine en Kabylie sont to
litaires, elles sont très-nombreuses dans cette partie du pays b
comprise entre Dellys ( Rusuccurum ) et Bougie ( Saldse ), où se
une route parallèle au rivage.
M. Berbrugger m'écrit que ce bas relief représente sans
quelqu'un de ces guerriers berbera dont l'habileté à m
javelot a été célébrée par les écrivains anciens, et qu'outr
numents de ce genre laissés par les Phéniciens et celui
parle, il n'y a aucun progrès artistique. Le musée d'Alger
des stèles découvertes au Portus Magnus , près de Saint-Le
tabula des environs de l'Azib ben Zamoun qui confirm
assertion.

II.

Les Beni-Raten, ou pour me conformer à la langue berb


Aith-Iraten, d'origine zouavienne pure, sont une des tribu
considérables de la haute Kabylie. Elle occupe aujourd'hui
grandes montagnes parallèles au Djurjura, dont les contr
prolongent jusque dans la vallée du Sebaou.
Ibn-Khaldoun, historien berber du XIV' siècle racont
« cette montagne est une de leurs retraites les plus difficiles
« der et les plus faciles à défendre, de là ils bravent la p
« du gouvernement (de Bougie), et ils ne payent l'impôt q
« que cela leur convient. De nos jours, il se tiennent sur c
« élevée et défient les forces du sultan, bien qu'ils en reco
« cependant l'autorité; leur nom est même inscrit sur les
« de l'administration, comme tribu soumise à l'impôt (kha
Cet état de choses, sauf la dernière phrase, resta vrai du t
Turcs et jusqu'en 1857, époque où l'expédition du maréchal
réduisit les derniers boulevards de l'indépendance berber

(1) Histoire des dynasties berbères, traduction du baron de Slane, 1. 1

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RUINES ROMAINES. 27

III.

L'histoire possède peu d'éléments sur la politique de Rome vis-


à-vis des pays kabyles. On sait que, n'ayant pu pénétrer dans les
âpres massifs du mons Ferratus ( le Djurdjura) occupé par les Quin-
quegentiens, elle surveillait cette région par des marches mili*
taires, commandées par des Prœpositi9 dont les noms nous sont par-
venus.

C'étaient les limites Tubusub Tanus , Au&iensis , Bidensis , Taugensis,


dont les capitales occupaient les points actuels de Tiklat (Oued Sa-
h'el) Àumale, Djéma-ťes-Satťaridj et Taourga (vallée de Sebaou) où
des ruines, notamment dans les trois premières localités, attesten
l'importance de ces postes (1) fondés ou rétablis à Russucurum
(Dellys), lommion (cap Tedelles), Ru&ubezer (Zeffoun), Saldœ (Bougie)
et maintenaient le littoral.
Ptolémée et l'itinéraire ďAntonin signalent dans la vallée du Se-
baou, accès principal de la haute Kabylie, une route de Vasan
(Bordj Menaïel), à Bida (Djema-ťes-Sah'aridj), où se trouvait un
colonie, dont les habitants d'origine latine ou italienne, jouissaient
comme tels de diverses immunités et avaient intérêt à soutenir la
domination romaine (2). Plusieurs voies partaient de Bida et y
aboutissaient, notamment celle de Rusuccurum à Saldœ. Entre ce
deux derniers points le littoral est couvert de ruines romaines, et
on reconnaît en certains endroits la trace des Burgus qui devaient
protéger une route parallèle à la mer. Les ruines que j'ai décou-
vert au pic d'Azrou (3) chez les Ouaguennoun, est une construction
de ce genre, qui dominait toute la partie basse de la vallée de
Sabaou et une portion de la route de Rusuccurum. C'est dans cette
partie du pays que se trouvait la superbe résidence du Fundu

(1) Les limites n'étaient pas particuliers à la Kabylie, il s'en trouvait tout le lon
des frontières du sud et nous en connaissons un dans l'Ouerencherich.
(2) C'est sans doute à ce fait de colms latins possesseurs au soi que les Ben
Fraoussen, leurs successeurs font remonter leurs prétentions à une origine euro
péenne, qu'une similitude de nom a plus tard rattaché aux Francs? On sait d'ail-
leurs que pour les populations un peu éloignées des villes, les mots chrétien
(étrangers, anciens , romains, français, n'çara , djoualaf rouman' francis) ont la
même signification.
(3) Le pic d'Azrou est indiqué sous le nom de Kef-Macouda sur la carte du dé
pôt de la guerre de 1855,

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28 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

Petrensis, bâtie par Salmace, et ruinée lors de l'insurr


son frère Firmus (1).
Ce fut au temps de Maximien que la plaine fut je croi
née par les colons latins. Plus tard, Théodose parcourut
l'Oued Sah'el et le Sebaou pour châtier les Issaflemes (F
Jubaleme (Zouaoua) (2). Puis survint la révolte de Firmu
Lors de l'invasion vandale, les Romains n'avaient p
suzeraineté toute nominale sur le pays.
Bien qu'il reste de curieuses et nombreuses recherche
on connaît à peu de choses près les principaux établiss
Romains dans cette contrée. Jusqu'à présent, il résult
l'étude des lieux que de celle des historiens, que les Ro
vaient jamais exercé aucune domination réelle sur la r
du ileuve, et que même leurs tentatives contre les âpres
des Jubalènes avaient complètement échoué.
Des ruines romaines, parfaitement caractérisées, ont
ment découvertes sur le contrefort des Irdjen, fractio
Raten, et viennent prouver qu'il y a eu au moins des e
blissement permanent à mi-côte de ces montagnes. Ce
sont au nombre de trois. Deux ont été découverts par M
Ledere, qui les a signalés dans une lettre à M. Berbrugg
dans la Revue africaine , t. II, p. 140. Un troisième de
moins important, a été reconnu par moi.

IV.

Au pied des premiers contreforts de la montagne des Raten, au-


dessus du village d'Ir'il-Guefri (la grotte du bras de la montagne),
à l'intersection du chemin de Tala-Amara (la fontaine pleine) au
marché du Tlêta (mardi) se trouvent des ruines. Ce sont évidem-
ment celles d'un ancien Burgus , elles consistent en un carré de six
mètres sur chaque face; les murs épais d'un mètre s'élèvent d'à
peu près autant au-dessus du sol. Les angles sont construits en
pierre de taille et le reste composé extérieurement de moellons et

(1) Berbrugger. Époques militaires de la Kàbylie, p. 314 et suiv. , consultez la


carte jointe à cet excellent travail ; Lacroix, Histoire de la Numidie et de la Mau-
ritanie, p. 86.
(?) A cette époque , on désignait sous le nom de juialence, une confédération
de tribus comme on l'a fait depuis pour les Zouaouas qui comprenaient les tribus
des Djurjura.

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RUINES ROMAINES. 29

intérieurement d'un fort béton. La végét


kabyles a recouvert en partie ces vestiges
dans un interstice de la muraille.
C'était, sa position l'indique suffisamment, un poste militaire
avancé, ayant de nos jours conservé la même destination, car les
grands gardes kabyles y veillent à la sûreté des routes qui, au-
jourd'hui comme sans doute autrefois donnent accès à ce massif
principal des Raten.
Cette construction était-elle destinée à bloquer les Jubalenes et à
les empêcher de descendre dans la plaine, ou bien au contraire
assurait-elle la communication?
Par une singulière coïncidence, ce poste avancé de la domination
romaine a été l'extrême limite des tentatives faites par les Turcs
pour soumettre les belliqueux Raten. Le bey Moh'ammed, qui con-
duisait une colonne considérable, fut tué précisément en cet endroit
au-dessus de quelques fermes nommées Agouni on Djilbân (le pla-
teau des fèves).
J'ai retrouvé les secondes traces des constructions romaines au
Souk El Tlêta (marché du mardi), au-dessous du village de Tizi
Racked (le défilé de Rached), toujours dans le même massif des
Irdjen où tout à l'heure on trouvera le principal et plus curieux té-
moignage de la politique romaine. Auprès de la Djâma (maison
commune) où se rend la justice du marché, se trouvent deux
pierres taillées de deux mètres de hauteur encore debout , et on
peut suivre les traces d'une muraille, qui affleure le sol sur une
longueur d'environ huit mètres. Quelques autres matériaux sont
épars aux environs, et il est permis de supposer que cet autre avant-
poste se reliait à celui d'Ir'il Guefri.
J'ai supposé qu'un système de burgus (comme celui du limes Au-
ziensis) s'étendait jusqu'à la colonia Bidcnsis (Djêma-t'es-Sah'aridj),
les recherches que j'ai faites dans les diverses directions n'ont
abouties à aucun résultat. J'ai donc lieu de croire à un essai per-
manent, mais de peu de durée.
C'est auprès de notre nouvelle conquête du fort Napoléon (le
Souk El Arba, marché du mercredi), que M. le docteur Ledere a
découvert un monument réellement digne d'attirer l'attention des
archéologues ; car (si je ne m'abuse sur sa destination), il jette un
jour nouveau sur les relations de Rome avec les chefs des Juba-
lènes.
A deux kilomètres du fort sur la face E, au-dessous du village
de Tagemoun't ou Guadefel (la colline de la neige), se trouve un

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30 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

petit édifice appelé par les Kabyles Akbou (coupole). C'es


un carré parfait de six mètres de côté, et de quatres m
vation jusqu'au retrait de le muraille sur laquelle s'éleva
vement une pyramide quadrangulaire , aujourd'hui r
qu'elle soit comme le reste du monument construit av
de solidité et parfaitement cimentée. Les murs sont ent
longues briques plates disposées en assises régulières et
avec des pierres régulièrement placées. (Voy. la plan
jointe.)
Je crois que les quatre faces étaient pleines, l'une très-irréguliè-
rement ouverte sur la façade orientale a dû être percée dans l'espoir
de découvrir quelques trésors. On avait d'abord cherché à pénétrer
par un trou pratiqué au sommet près du retrait supérieur de la
maçonnerie. Cette ouverture ayant sans doute engagé les kabyles à
explorer l'intérieur, ils se décidèrent à démolir une portion cen-
trale de la face Est, que j'ai indiquée dans ma coupe suivant A, B,
voyez planche 354.
A quelle époque? C'est ce que personne des bourgades environ-
nantes n'a pu- me dire, car il ne reste aucune tradition de cette
fouille faite probablement à une époque très-reculée.
L'intérieur se compose d'un carré de trois mètres de côté, couvert
par une voûte dont l'axe est dans le sens de l'est à l'ouest. Lors de
la construction, cette voûte fut formée avec un tablier de roseaux
dont on reconnaît bien les traces.
Des fouilles que j'ai fait exécuter à diverses reprises dans ce mo-
nument n'ont amené aucun résultat : la terre avait été ancienne-
ment remuée, et je n'ai retrouvé que quelques pierres, débris de
l'ouverture autrefois pratiquée.
Quelle était la destination de cette construction ?
M. Ledere (1) croit y voir une fontaine, l'érudit docteur me per-
mettra de ne pas être de son avis : l'érection d'une fontaine monu-
mentale dans des circonstances comme celles où 3e trouvaient les
Romains, vis-à-vis les Jubalènes, ferait supposer un établissement
militaire permanent et de premier ordre, dont il n'existe aucune
trace aux environs. Puis il manque la chose essentiellement néces-
saire à une fontaine.... l'eau. Une petite source épand, il est vrai,
un peu plus haut, son mince filet d'eau, mais qui n'a jamais été
d'un volume à nécessiter un réservoir. Tant qu'aux trous et aux
incrustations remarqués par M. Ledere; on doit voir dans les

(1) Art. cit. p. 143.

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RUINES ROMAINES. 31

premiers, non pas des conduits, mais l'em


dage dressé pour l'érection de la voûte , e
nodulations crétacées souvent produites pa
L'hypothèse que j'adopte après un mur ex
lieux d'alentour; c'est d'y voir un tombeau
romain ou de soldats tombés dans une affa
pas eu alors le temps d'élever une aussi sol
Ce doit être un monument funéraire fait pa
neur d'un chef berber leur allié.
La conjecture que je hasarde est appuyé
Dans certains pays les Romains avaient éle
à leur cause, des maisons de commandeme
monuments nous apprend qu'il en existait
à Tubusuptus. Le musée d'Alger possède d
berbers qui avaient leurs châteaux au Caste
Le monument d'Akbou (011 remarquera c
tive), situé dans l'Oued Sah'el au pied du c
le Bordj Tasmalt, était un tombeau, il y a
militude de nom (2), mais encore de destin
Je crois qu'un grand chef Jubalène, mor
fut enterré sur ce versant solitaire des Ir
l'alliance berbère, les Romains élevèrent
construction massive et sévère semble dén
J'ai vu récemment aux Aït-Am'rou, bou
Ikhelidjen (fraction des Beni-Raten), un g
bloc informe est attribué par les kabyles
Djema-t'es-Sha'aridj, et un génie, disent
nuit pour le transporter sur la montagne.

Le baron Henri Aucapitai

Fort Napoléon, mars 1859.

(1) Berbrugger, Ep. mil. p. 273.


(2) Akbou, mot kabyle, synonyme de l'arabe Goub
dôme servant % recouvrir le corps d'un saint person
le mot coupole.

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