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Les caractéristiques de l'art de

l'Égypte ancienne

Sites archéologiques de l'Égypte

L'« art pour l'art » est demeuré


inconnu dans l'Égypte ancienne ;
toute création avait un but
pratique : assurer la prospérité
et le triomphe de l'Égypte,
procurer la survie des souverains
et notables. Le beau n'avait pas
de valeur en lui-même ; nous
dirions, en termes modernes,
que l'intention suprême était
d'action magique.

L'artiste lui-même était un


artisan, au service de cette
énorme machinerie d'ordre
religieux et funéraire. Il ne
signait pas ses œuvres ; les
quelques artistes qui sont
connus le sont par des mentions
de leur tombe ou de leur
matériel funéraire.

La leçon de permanence et de
pérennité qu'imposent l'art et la
civilisation de l'Égypte
pharaonique est due sans doute
en grande partie à l'influence du
milieu physique. Peu de pays
possèdent une telle unité : isolée
géographiquement, l'Égypte a vu
naître un art original, qui a peu
emprunté aux autres cultures du
monde antique. Au climat aussi
correspond la stabilité de l'art
égyptien : selon un rythme
implacable, le soleil domine,
dans un ciel d'une clarté
exemplaire ; l'année est soumise
au cycle étonnamment précis de
la crue du Nil. Tout imposait à

Art égyptien - 1
l'Égypte les notions de rigueur et d'éternité.

Au service des croyances religieuses et des rites, l'art ne pouvait que procéder du traditionalisme le
plus strict ; il a peu évolué en trois millénaires, durant une courte période seulement, sous
Akhenaton, la crise religieuse amarnienne s'est traduite par une sorte de libération des anciens
canons.

 La région memphite

L'architecture est à destination religieuse ou


funéraire ; seuls les temples et les tombes
étaient construits en matériaux durables,
bien que l'on connaisse également quelques
palais et forteresses. La statuaire est, elle
aussi, funéraire (la statue étant considérée
comme le réceptacle de l'âme du défunt) ou
bien divine (les statues royales représentent
le pharaon, dieu sur terre ou dans l'au-delà).
Les reliefs sont dépendants de schémas
religieux très stricts ; seule la peinture, que
l'on trouve surtout dans les tombes des
notables du Nouvel Empire, manifeste une
spontanéité et un certain naturalisme : mais
ce n'était qu'un art de substitution destiné à
remplacer à peu de frais le relief peint.
Cette verve se retrouve dans les arts
mineurs, ainsi pour les cuillers à fard ou les
pots à onguents ; mais les bijoux eux-

Art égyptien - 2
mêmes procèdent généralement des conventions de la symbolique religieuse.

 Thèbes

Car tout est symbolisme dans l'art égyptien. Le temple, qui est la maison du dieu et le réceptacle de
la puissance magique, doit être envisagé dans une perspective cosmique : son pavement s'exhausse
et son plafond s'abaisse à mesure que l'on avance vers le saint des saints, là où est gardée la statue
divine : cela accroît l'obscurité et la sensation de mystère ; la pente du sol est également celle de la
butte primordiale sur laquelle est apparue la création. Les supports (colonnes palmiformes,
papyriformes ou lotiformes) représentent la végétation terrestre ; le plafond orné d'étoiles et
d'éléments solaires figure la voûte céleste. Les reliefs suivent le même ordre rigoureux. Aux façades
des pylônes et sur les murs des cours, en plein air, les hauts faits royaux sont gravés, en creux
généralement. Ils n'ont pas une valeur de réel récit historique, mais ils explicitent le mythe : Pharaon
organise le cosmos contre les forces négatives du chaos. Dans les salles hypostyles1 et les pièces
couvertes, les figurations et les textes, gravés en relief, sont d'ordre culturel : Pharaon dialogue seul
avec les dieux ; il leur adresse ses offrandes, ses louanges et ses prières ; il en reçoit pour l'Égypte
l'affirmation de multiples bienfaits. Symbolisme également dans l'art funéraire : le décor des parois
des tombes, des sarcophages, du matériel funèbre, des bijoux eux-mêmes a valeur magique ; il doit
assurer la survie du défunt et le protéger des embûches de l'au-delà.

colonne palmiforme colonne papyriforme

De nombreux principes régissent l'art égyptien.


colonne lotiforme
Dans la ronde-bosse, les défunts sont idéalisés
tout comme les rois et les dieux, présentés dans
une attitude sereine et digne : la loi de frontalité divise le corps en deux parties symétriques ; les
attitudes se répartissent selon un certain nombre de positions assez strictement définies. La statue
est cependant un portrait, souvent sans doute fort ressemblant : ne doit-elle pas en quelque sorte
fixer l'esprit du défunt et se substituer éventuellement à une momie trop endommagée ? Le relief
peint, qui a été le genre de prédilection des anciens Égyptiens, obéit lui aussi à certaines règles : la
multiplicité des échelles permet de noter l'importance relative des personnages ou de mettre en
évidence un détail significatif : les scènes sont figurées selon plusieurs angles de vue conjugués pour
que chaque objet apparaisse sous son aspect le plus caractéristique. Les épaules et l'œil des
personnages sont présentés de face, tandis que le reste du corps et du visage est vu de profil. Deux
scènes se déroulant séparément dans le temps peuvent être placées l'une près de l'autre. Les
hommes ont des chairs peintes en rouge, tandis que celles des femmes sont jaunes. La peinture obéit

1
Dont le plafond est soutenu par des colonnes.

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aux mêmes principes, mais avec plus de liberté, de pittoresque ; elle a su très souvent s'affranchir
des règles de l'art officiel.

Par sa destination, c'est-à-dire en fonction de son efficience religieuse, l'art égyptien est conçu pour
l'éternité. Aussi les monuments sont-ils construits en matériaux durables ; les pierres les plus dures
sont employées pour la ronde-bosse, les poses utilisées étant d'ordinaire celles qui se rapprochent le
plus d'un bloc, pour éviter les risques de cassures ; le même souci a peut-être présidé au choix du
relief en creux ou en méplat2, à l'exclusion du haut-relief.

L'art de la préhistoire

Outre les silex taillés et divers matériels lithiques, les premières manifestations de l'art dans la vallée
du Nil consistent en de nombreuses gravures rupestres. C'est par milliers que celles-ci ont été
repérées au cours de campagnes menées à travers la Nubie vouée à la submersion. Selon les niveaux
de culture successifs (chasseurs, éleveurs), elles montrent les innombrables échantillons de la grande
faune « éthiopienne » subtropicale. L'évolution des représentations de ce peuplement animal
permet de suivre les étapes du dessèchement de ce secteur de l'Afrique du Nord-Est, jusqu'à la mise
en place de la faune et de la flore actuelles.

Le matériel recueilli permet de son côté de mesurer l'échelonnement des techniques. Durant le

Paléolithique, on note les progrès continus de peuplades vivant de chasse et de pêche : coups-de-
poing du chelléen, limandes de l'acheuléen, armes et outils du moustiérien et du paléolithique
supérieur. Puis c'est le néolithique, avec l'agriculture continue et l'irrigation. Quelques rares débris
de villages et de nécropoles (Merimdé, Badari) sont les témoins d'une population qui s'adonne à la
culture des céréales et domestique les animaux. Vient ensuite la culture de Nagada, avec deux
niveaux : à l'amratien, les vases offrent des dessins clairs sur fond rouge ; au gerzéen, le décor brun-
violet se détache sur fond clair : défilés de flamants roses ou de capridés, représentations non
identifiées (sanctuaires ou barques ?), quelques silhouettes humaines. Désormais, le travail de
l'ivoire et de la pierre atteint une grande perfection. Sur le manche de couteau de Gebel el-Arak
(Louvre), scènes de guerre et de chasse se pressent, dans une animation intense. Les feuillets de
schiste, découpés depuis longtemps en silhouettes animales, servent de palettes ; celles-ci
comportent souvent un godet central que l'on a cru destiné à des onguents : d'où le nom de palettes
à fard ; ce sont plutôt des monuments votifs, déposés dans les
temples archaïques. Certaines techniques, des thèmes
caractéristiques indiquent alors des rapports entre la vallée
du Nil et la Mésopotamie : ainsi le héros séparant deux fauves
affrontés ou les félins à longs cous étirés.

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Partie plate, plane (du visage, d'une forme représentée).

Art égyptien - 4
 L'art de l'époque thinite

Le premier document attestant


l'unification des « Deux Terres » est une
palette votive, celle du roi Narmer (sans
doute le légendaire Ménès) [musée du
Caire] ; découverte à Nekhen
(Hierakônpolis), en Haute-Égypte, elle
montre le fondateur de la Ire dynastie
coiffé de la couronne blanche de Haute-
Égypte sur une face ; sur l'autre, de la
couronne rouge de Basse-Égypte. C'est
vers 3200 avant J.-C. que se situe la
Palette de Narmer conquête du Nord par le Sud ; l'art des
deux premières dynasties, dites
« thinites » (du nom de This, leur capitale, sans doute près d'Abydos), constitue la première éclosion
de la civilisation égyptienne. Les tombes comportent une chambre funéraire entourée de plusieurs
magasins contenant le matériel et les provisions qui accompagnent le défunt dans l'au-delà ; le mur
extérieur de la superstructure en briques
crues (le mastaba) était orné d'une suite
de saillants et de rentrants. Sans doute les
rois thinites ont-ils été dotés d'une double
sépulture, en tant que rois de Haute-
Égypte à Abydos d'une part, de Basse-
Égypte à Saqqarah d'autre part. À Abydos,
de grandes stèles portant le nom et la
titulature du défunt (parmi les premiers
signes hiéroglyphiques connus) marquent
l'emplacement de la tombe ; la plus
célèbre est la stèle du roi-serpent
(Louvre) : sur cette haute dalle au sommet
arrondi, la face antérieure présente, dans
un évidement, l'image du dieu-faucon
Horus, dressé sur un rectangle (qui figure
tout ensemble l'enceinte et la façade du
palais) où s'inscrit le nom du roi représenté
par le signe hiéroglyphique du serpent. À
Hélouân, des stèles-tableaux montrent en
bas-relief le défunt assis de profil, tendant
la main vers une table d'offrandes.

Stèle du roi-serpent

Art égyptien - 5
 Apogée de l'Ancien Empire (environ 2800 à 2250 avant J.-C.) et première période
intermédiaire

Imhotep,
pyramide de
Djoser, Saqqarah

Avec Djoser, l'illustre fondateur de la IIIe dynastie, s'ouvre l'Ancien Empire. C'est sur son initiative que
son vizir et architecte, le génial Imhotep, créa véritablement l'architecture lithique égyptienne en
édifiant à Saqqarah, sur la falaise qui domine Memphis, la capitale de l'Ancien Empire, le complexe
funéraire du souverain. Ce chef-d'œuvre résume dans la pierre toutes les formes architecturales qui
avaient été conçues durant la préhistoire et l'époque thinite dans le bois, dans la brique ou sur le
papyrus. Imhotep eut l'idée de la pyramide à degrés, étape entre le mastaba et les futures pyramides
de Gizeh, sorte d'escalier majestueux devant permettre à l'âme du roi défunt de monter vers le ciel
et aux dieux de descendre vers la terre. À l'intérieur de l'enceinte à redans, de dimensions colossales
(544 × 277 m), les constructions sont de gigantesques simulacres : les portes pétrifiées sont ouvertes
ou fermées pour l'éternité.

Désormais, la pyramide sera le


monument typique de l'Ancien Empire.
Après quelques tâtonnements (la
pyramide à gradins sur plan carré de
Meidoum et la rhomboïdale de
Dahchour), c'est la magnifique
réalisation de la pyramide parfaite de
Dahchour-Nord, puis de celles de
Gizeh, construites pour trois souverains
à la IVe dynastie : Kheops, Khephren et
Mykerinus. Ces masses imposantes de
pierres (la grande pyramide atteignait
primitivement plus de 146 m de haut)
Pyramide de Meïdoum produisent un effet d'une harmonie

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parfaite, d'une suprême élégance dans la puissance. La pyramide n'était d'ailleurs qu'un élément
parmi le vaste
complexe funéraire
d'un souverain de
l'Ancien Empire :
depuis un sanctuaire
d'accueil situé près du
fleuve, une rampe
permettait d'accéder
au temple funéraire
proprement dit et à la
pyramide.

Les sépultures des


reines étaient
surmontées de
Pyramide de Dahchour pyramides plus
petites. À l'entour se
pressaient les mastabas des grands dignitaires ; dans ces derniers était ménagée une petite chapelle
destinée au culte funéraire ; elle possédait une stèle en forme de porte, avec les noms et titres du
défunt ; une pièce spéciale, le serdab, presque entièrement murée, contenait ses statues.

Grâce à cette coutume


funéraire, de nombreux
témoignages de la statuaire de
l'Ancien Empire sont parvenus
Le scribe accroupi jusqu'à nous ; ce sont des
portraits idéalisés. Parmi tant
de chefs-d'œuvre, retenons les statues royales,
comme celle de Djoser, ou la statue en diorite
de Khephren (musée du Caire), d'une
prodigieuse majesté. La statuaire civile est
d'une présence étonnante : l'extraordinaire
statue de bois du musée du Caire surnommée le
« cheikh el Beled » (le maire du village) par les
ouvriers de Mariette, son inventeur, ou le
célèbre scribe accroupi du Louvre.

Les parois du mastaba étaient décorées de bas-


reliefs qui représentaient des scènes familières
de la vie du défunt, le montrant dans des

Djoser banquets, entouré de sa famille, ou bien


s'adonnant aux plaisirs de la chasse et de la

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pêche dans les fourrés de papyrus, ou encore dans l'exercice de ses fonctions. D'autres mastabas
s'ornaient de stucs peints ; les oies de Meidoum (Le Caire) constituent un des détails les plus fameux.

Les oies de Meïdoum

De beaux reliefs se remarquent également sur les murs des temples funéraires et de leurs rampes
d'accès : ainsi pour Ounas, dernier roi de la Ve dynastie. C'est à partir de ce souverain et durant toute
la VIe dynastie que les parois des appartements funéraires royaux se couvrent de formules
religieuses, les « Textes des Pyramides », gravées en de longues files de signes d'une élégante
graphie.

Les arts mineurs sont mal connus, peu de vestiges de cette haute époque, hors de la vaisselle
d'albâtre, étant parvenus jusqu'à nous. Le matériel funéraire de la reine Hétephérès, épouse de
Snefrou et mère de Kheops, comprenait de délicats bijoux et un magnifique mobilier de bois sculpté,
orné d'un revêtement d'or fin (musée de Boston).

Peinture funéraire,
Thèbes

Les troubles sociaux qui


assombrirent la fin de l'Ancien
Empire portèrent un coup fatal
à cet art aulique3. Les
pyramides royales se font plus
petites. En revanche, les
sépultures des nomarques
4
prennent de l'importance
(Beni-Hassan, Meir, Assiout,
Assouan). Les tombes
sont ornées de scènes
peintes sur stuc ; la
composition est gauche, l'exécution peu soignée. On commence alors à placer près du sarcophage
des statuettes représentant des serviteurs vaquant à leurs occupations, scènes miniatures montrant

3
Qui a rapport, qui appartient à la Cour, à l'entourage d'un souverain.
4
Dans l'antiquité égyptienne, les nomarques étaient les fonctionnaires qui administraient les nomes
(provinces) au nom du pharaon.

Art égyptien - 8
les travaux des champs ou du village, bateaux avec leurs équipages ; à côté d'ébauches grossières, on
trouve de petits chefs-d'œuvre d'un art spontané, comme les soldats ou les porteuses d'offrandes
d'Assiout. Quant à la grande statuaire, si l'authenticité et la force la caractérisent parfois, ce n'est
souvent aussi que maladresse et lourdeur. Il en est de même des stèles, dont les personnages sont
mal proportionnés et les hiéroglyphes peu soignés. Telles sont les marques de décadence provinciale
de cette époque dite « première période intermédiaire ».

 L'art du Moyen Empire (environ 2050-1780 avant J.-C.)

Après l'instabilité de la première période intermédiaire, l'Égypte se trouva de nouveau unifiée sous
l'autorité de Mentouhotep, prince de Thèbes, en Haute-Égypte, et fondateur de la XIe dynastie. Il
fallut un sérieux effort de restauration ; ainsi se trouva défini un art tout d'harmonie et d'équilibre.

Amenemhat III

Les rares vestiges de temples qui ont subsisté


(sanctuaires divins à Médinet Madi et à Médamoud)
sont de plan simple et de proportions modestes. Si
beaucoup d'édifices du Moyen Empire ont disparu, c'est
aussi que leurs éléments architecturaux ont souvent été
remployés dans des édifices construits ultérieurement : ainsi d'un petit
pavillon édifié à Karnak par Sésostris Ier pour sa fête jubilaire (fête Sed) ;
presque tous les blocs de calcaire blanc ont été retrouvés intacts dans le
troisième pylône d'Aménophis III. À Deir el-Bahari, dans le cirque
grandiose des montagnes thébaines, le roi Mentouhotep II fit élever son
temple funéraire. Mais c'est dans le voisinage du Fayoum que les
souverains de la XIIe dynastie choisirent de résider et d'édifier leurs
sépultures, des pyramides de briques crues. Les nombreuses chambres,
au plan compliqué, du temple funéraire d'Amenemhat III à Hawara ont
frappé l'imagination des Anciens : c'est le fameux Labyrinthe des Grecs.
Enfin, sur leur frontière sud, tout au long des déserts rocheux de la
deuxième cataracte, les souverains égyptiens du Moyen Empire édifièrent
une ligne fortifiée d'une étonnante ampleur.

Les critiques d'art modernes ont tendance à distinguer deux écoles de sculpture. Celle de Memphis,
dans le Nord, est plus lyrique, plus idéaliste, comme en témoigne la statue d'Amenemhat III trouvée
à Hawara. Les œuvres de l'école de Thèbes, dans le Sud, sont plus réalistes et d'un expressionnisme
parfois brutal : les effigies de Sésostris III montrent un souverain désabusé, aux traits fatigués. De
toute façon, le pessimisme suscité par l'anarchie de la première période intermédiaire est sensible
dans la statuaire du Moyen Empire. La vogue grandissante du culte d'Osiris a démocratisé le concept
de survie dans l'au-delà ; le défunt n'est plus représenté dans tout l'éclat de sa force physique ;
l'expression du visage est triste ou pensive ; on affectionne les pierres sombres et polies. Une
statuaire qui n'est plus exclusivement funéraire se développe : les fidèles déposent leur effigie en ex-
voto dans les temples ; c'est le début des « statues-cubes » : le corps se resserre dans une forme
cubique, les jambes repliées devant la poitrine et maintenues par les bras croisés.

Art égyptien - 9
Les dirigeants du nome de l'Oryx ont laissé à Beni-Hassan des sépultures intéressantes (détails
architecturaux taillés dans le roc ; peintures aux détails pittoresques). Les fouilles des pyramides
royales de Illahoun et de Dahchour ont révélé le haut degré de perfection atteint par l'orfèvrerie. Des
tombeaux inviolés de deux filles d'Amenemhat II, les princesses Ita et Khnoumit, près de la pyramide
de leur père, furent exhumées des pièces magnifiques (musée du Caire).

 L'art du Nouvel Empire jusqu'au règne d'Aménophis III (environ 1580-1380 avant J.-C.)

L'invasion des Hyksos mit fin au Moyen Empire. Comme toujours en Égypte, la renaissance ne vint
qu'après la reprise des destinées du pays par un pouvoir central fort, en l'occurrence celui des
princes de Thèbes, et après le retour aux valeurs culturelles fondamentales. Au début de la
XVIIIe dynastie, l'Égypte est à l'apogée de sa puissance, sa domination s'étend jusqu'à l'Euphrate et,
au sud, dans le pays de Couch (Koush). Les tributs affluent, et cette opulence est fort propice aux
arts.

Karnak, le temple d'Amon

L'architecture bénéficie en particulier de l'abondance générale ; elle vise au monumental, voire au


grandiose. Des temples nombreux et immenses sont édifiés à la gloire des dieux et des pharaons.
Avant tout, c'est à Karnak que les constructions s'ajoutent les unes aux autres, dans le grand
sanctuaire du dieu impérial Amon. À l'édifice qui existait déjà sous le Moyen Empire, les premiers
souverains de la XVIIIe dynastie apportèrent de notables compléments, ajoutant une suite de pylônes
vers l'ouest. Hatshepsout consacra une splendide petite chapelle en quartzite rouge. En arrière du
sanctuaire, Thoutmosis III édifia la célèbre « salle des fêtes ».

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Louqsor, le temple d'Amon

À Louqsor s'élève le plus beau


temple divin de la
e
XVIII dynastie, dédié à la triade
thébaine par Aménophis III et
bâti par l'illustre Amenhotep. Il
était précédé d'une magnifique
colonnade aboutissant à une
vaste cour bordée, sur trois
côtés, de portiques. Loin vers le
sud, dans les solitudes
désertiques du Soudan, le grand
temple jubilaire de Soleb est
consacré par Aménophis III au
dieu Amon et à sa propre image
divinisée : à l'arrière d'un premier pylône, un dromos flanqué de statues de béliers donnait accès au
temple proprement dit ; par un vestibule et deux grandes cours à portiques, puis par une salle
hypostyle aux colonnes décorées des écussons des peuples « envoûtés » d'Asie et d'Afrique, on
pénétrait dans les trois salles du sanctuaire, aujourd'hui disparu.

Les rois du Nouvel Empire abandonnèrent la sépulture surmontée d'une pyramide construite et le
vaste complexe funéraire qui s'y rattachait. En plein ouest, sous la Cime thébaine, sorte de
gigantesque pyramide naturelle, au fond d'un défilé rocheux, les souverains se font creuser les
hypogées5 de la fameuse « Vallée des Rois » ; les autres membres de la famille royale étaient
enterrés dans la « Vallée des Reines », un peu plus au sud. Un couloir en pente raide, pourvu de
coudes et de décrochements, conduit aux chambres de chaque appartement funéraire. Entièrement
dissociés de ces tombes sont les temples funéraires qui, à plusieurs kilomètres de là, s'alignent dans
la vallée, à la limite des cultures et du désert. De l'immense temple funéraire d'Aménophis III, il ne
reste plus que les gigantesques statues, les
deux colosses de Memnon, qui en gardaient
l'entrée. Très original est le temple funéraire de
Deir el-Bahari, construit pour la reine
Hatshepsout par son architecte et favori
Senenmout. Le temple déploie ses longues
lignes horizontales au bas de l'immense falaise
verticale du cirque de Deir el-Bahari. Tout au
long du Nouvel Empire, les notables eux aussi
ont des hypogées creusés dans les premiers contreforts de la montagne. Ils se composent d'une
petite cour à ciel ouvert, d'une chapelle taillée dans le roc, puis de la tombe proprement dite.

5
En archéologie, un hypogée est une construction souterraine et plus spécifiquement une tombe creusée
dans le sol (sous-sol, flanc de colline).

Art égyptien - 11
La dame Touy

L'abondante statuaire du début de la XVIIIe dynastie


se rattache directement à celle du Moyen Empire.
Assez vite, les sculpteurs adoptent un canon aux
proportions plus allongées, soignent davantage le
rendu des détails- comme les mains ou les pieds - et
se distinguent par un goût de l'aimable ou du
pittoresque. Les statues d'Hatshepsout la
représentent en homme, mais leur gracilité trahit le
sexe du pharaon ; plusieurs statues-cubes montrent
Senenmout accroupi, les jambes repliées sur le
devant du corps ; dans d'autres groupes charmants,
l'architecte tient la petite princesse Neferourê. La
statue la plus célèbre de ce début de la
XVIIIe dynastie est peut-être celle de Thoutmosis III,
foulant aux pieds les « neuf arcs » gravés sur le
socle (les peuples vaincus par lui), témoignage d'un
art classique somme toute assez impersonnel
(musée du Caire). Les représentations
d'Aménophis III et de ses contemporains se
signalent par leurs yeux fendus en amandes, leur
sourire fugitif, leur sensibilité et le rendu délicat des
vêtements. On atteint ainsi le point limite d'une
exquise harmonie ; c'est la veille de la rupture de
l'art amarnien.

Le grand temple d'Hatshepsout à Deir el-Bahari est


également réputé pour le pittoresque des reliefs qui retracent une expédition au pays de Pount : le
ciseau du sculpteur a détaillé les
cases d'un village indigène et la
réception des envoyés
égyptiens par le couple des
roitelets locaux. L'art du relief
suit la même évolution que la
statuaire, pour aboutir sous le
règne d'Aménophis III à la
merveilleuse éclosion des reliefs
de la tombe de Ramose, par
exemple : on admire les profils
purs du défunt et de son
épouse, le détail de leur lourde
perruque, l'élégance des plis de
Fragment de fresque égyptienne

Art égyptien - 12
la robe transparente.

Le calcaire très friable de la montagne thébaine, où étaient creusés certains hypogées, se laissait
difficilement sculpter : seules quelques tombes royales sont ornées de reliefs ; dans les sépultures
des notables, ce procédé fait place à la peinture appliquée sur une couche de stuc. Le caveau peut
être décoré de scènes religieuses, qui se développent à l'époque ramesside ; mais c'est dans la
chapelle que se déploie surtout la verve des artisans du Nouvel Empire ; à côté des tableaux
retraçant les cérémonies des funérailles, d'autres sont relatifs à la vie privée du défunt : thème de la
chasse et de la pêche dans les fourrés de papyrus, de la chasse dans le désert, scène du banquet,
rehaussée de délicieux détails comme celui des musiciennes et du harpiste aveugle ; dans la tombe
de Nakht sont conservées des scènes relatives aux travaux agricoles. La peinture, quelque peu
guindée dans les sépultures les plus anciennes, se libère progressivement pour faire preuve
d'inspiration et de hardiesse.

 L'art amarnien et ses prolongements (environ 1370-1314 avant J.-C.)

Le pharaon Aménophis IV est à l'origine d'une crise religieuse unique dans l'histoire égyptienne.
« Ivre de dieu », qu'il sentait présent sous la forme d'Aton, le disque solaire, il tente de transformer
toutes les structures de la religion égyptienne : révolution théologique qui ne manque pas
d'incidences politiques, par la disgrâce du clergé d'Amon.

Akhenaton

Remarquons d'emblée que l'art amarnien est


principalement un art de cour, dû à la volonté
d'un seul homme qui, non content de
délaisser le panthéon égyptien pour un dieu
unique, abandonna Thèbes et fonda, en
Moyenne-Égypte, la nouvelle capitale
d'Akhetaton, sur l'actuel site de Tell al-
Amarna. Le grand temple qu'Akhenaton dédia
au disque solaire, presque entièrement à ciel
ouvert, se compose d'une succession de cours
séparées par des pylônes et pourvues d'autels
que venaient baigner les rayons d'Aton. Les
fondations des palais royaux ont été mises en
évidence ; Tell al-Amarna est aussi l'un des
rares sites où l'on a pu étudier la maison
égyptienne.

À Thèbes même, où le roi continue à


construire au début de l'hérésie amarnienne, les innombrables petits blocs de grès sculptés des
sanctuaires solaires ont été ensuite démontés et réutilisés, en particulier dans les pylônes de Karnak :
les archéologues peuvent s'adonner au puzzle gigantesque de ces « talatates », dont la décoration a
été de la sorte miraculeusement sauvegardée.

Art égyptien - 13
Nefertiti

Les premières réalisations de la ronde-bosse


amarnienne constituent une réaction brutale
contre l'idéalisme de l'art d'Aménophis III :
ainsi dans les piliers statuaires du temple
construit par Akhenaton à l'est de Karnak. Le
roi resurgit avec toutes ses tares physiques ; la
déformation crânienne, le visage émacié, le
menton prognathe, la poitrine étriquée, les
hanches féminines sont accentués
impitoyablement. Cet « académisme de
cauchemar » se tempéra : sur le magnifique
buste du roi coiffé du casque bleu (musée du
Louvre) s'esquisse un léger sourire. Le visage
d'une intelligence pénétrante de la reine
Nefertiti a inspiré les sculpteurs, qui ont laissé
d'elle des portraits d'une beauté et d'une
pureté exceptionnelles.

Le relief amarnien n'hésite pas à nous faire


pénétrer jusque dans l'intimité de la famille royale : le roi joue avec ses filles ou embrasse la reine, ce
qui est unique dans l'histoire de l'art égyptien. Plus encore que dans le relief, c'est dans la peinture
que s'est déployé l'amour de la nature, si caractéristique de l'art amarnien. Illustrant les grands
hymnes naturistes d'Akhenaton, papillons et oiseaux aux éclatantes couleurs prennent leur envol. Le
délicieux groupe des petites princesses enlacées
offre une extraordinaire gamme de jaunes et
d'oranges.

Masque funéraire de Toutankhamon

Si la révolution religieuse introduite par Akhenaton


fut sans lendemain, l'influence amarnienne demeura
décisive sur l'art égyptien. Elle marque les statues de
Toutankhamon et d'Horemheb. Elle est sensible dans
les pièces du matériel funéraire de Toutankhamon,
souverain mineur qui serait demeuré obscur sans la
découverte, en 1922, de sa tombe aux trésors
précieux, dont l'élégance verse parfois dans le
maniérisme.

Art égyptien - 14
 L'art de la fin du Nouvel Empire (1314-1085 avant J.-C.)

Ramsès II, Temple d'Abu-Simbel

Lorsque s'éteignit la XVIIIe dynastie, ce fut


Ramsès Ier, chef des archers de Horemheb,
qui monta sur le trône. La XIXe dynastie
revient aux canons traditionnels. En
architecture prédomine le goût du colossal
et de la puissance. Seti Ier et Ramsès II
édifièrent à Karnak l'extraordinaire salle
hypostyle dont la couverture est supportée
par 134 colonnes ; les plus hautes, dans
l'allée centrale, atteignent 21 m de hauteur
et 4 m de diamètre. Le temple de Seti Ier en
Abydos, site présumé du tombeau d'Osiris,
est l'un des plus parfaits et des plus
classiques de toute l'architecture
égyptienne. C'est de nouveau le colossal qui
prime avec le Ramesseum, temple funéraire
thébain de Ramsès II, entouré d'un énorme
complexe de magasins et de dépendances.
En Nubie, le grand conquérant développe une série de temples rupestres, en bordure immédiate du
Nil ; destinés à affirmer la gloire de l'Égypte dans ces régions soumises, sans doute étaient-ils aussi
plus directement liés aux forces telluriques et mis en rapport avec la vigueur du fleuve. Les plus
célèbres sont les deux temples rupestres d'Abou-Simbel, qu'un effort gigantesque de toutes les
nations, sous l'égide de l'Unesco, a remontés au sommet de la falaise désertique, à l'abri des flots du
lac Nasser. Il est peu de monuments égyptiens auxquels Ramsès II n'apporta pas des modifications ou
quelque adjonction : ainsi l'énorme pylône et la grande cour à portiques que le roi fit construire à
l'avant de la colonnade du temple de Louqsor ; devant le pylône étaient dressés des statues
colossales et deux obélisques ; l'un d'eux orne aujourd'hui la place de la Concorde à Paris. La
XXe dynastie, qui clôt le Nouvel Empire, est dominée par la personnalité de Ramsès III, dont le plan du
temple funéraire, élevé à Médinet Habou, rappelle celui du Ramesseum. Le village de Deir el-
Medineh, où vivaient les ouvriers de la nécropole thébaine, permet d'étudier l'habitat privé de la fin
du Nouvel Empire.

Ramsès II est le souverain le plus fréquemment représenté de la statuaire égyptienne. Sans doute a-
t-il d'ailleurs usurpé nombre de monuments de ses prédécesseurs. La belle statue du musée de Turin
a une élégance indiscutable ; mais elle manque peut-être de chaleur humaine. Quant aux nombreux
colosses de Ramsès II, ils attestent le goût du souverain pour le gigantesque. En fait, dès le règne de

Art égyptien - 15
Ramsès III, la statuaire accuse une certaine décadence, qui ira s'accentuant sous les derniers
Ramessides.

L'art du bas-relief de la seconde partie du Nouvel Empire est incontestablement plus riche. Les
sculptures qui ornent le temple votif construit par Seti Ier en Abydos comptent parmi les plus belles
de l'Égypte ancienne, par leur exécution parfaite, leur finesse et leur sensibilité. Si les scènes
culturelles qui décorent les sanctuaires des temples de Ramsès II et de Ramsès III sont assez
stéréotypées, certains bas-reliefs des pylônes et des murs extérieurs ne manquent ni de grandeur ni
de mouvement (grandes compositions de la bataille de Kadesh, sur le pylône de Louqsor ;
représentation d'un combat naval à Médinet Habou).

Dans la peinture des tombes thébaines du début de la XIXe dynastie, les scènes empruntées à la vie
populaire tendent souvent vers un pittoresque facile. On se complaît d'autre part aux
représentations mettant en scène les figurations mystérieuses et angoissantes de l'au-delà,
exécutées sur un fond jaune très caractéristique de l'époque ramesside (tombes de Deir el-Medineh).

 L'art de la Basse Époque jusqu'à la conquête d'Alexandre (332 avant J.-C.)

À la mort de Ramsès XI, le pays retomba dans sa bipartition originelle : des rois-prêtres régnèrent
dans le Delta, tandis que les grands prêtres d'Amon, souvent parés du cartouche6 de pharaon,
présidaient à Thèbes aux destinées de la Haute-Égypte. L'activité architecturale est restreinte sous
les XXIe et XXIIe dynasties. À Thèbes, on se contente de restaurer les anciens monuments. Les fouilles
effectuées avant la Seconde Guerre mondiale ont permis de mettre au jour, à Tanis, une partie des
sépultures royales de l'époque, qui témoignent de l'appauvrissement général et du déclin artistique.

Avec la conquête de l'Égypte par les souverains de la XXVe dynastie dite « éthiopienne », venus du
Soudan, c'est, à la fin du VIIIe s. avant J.-C., le renouveau : fort pieux, les rois couchites (koushites) ont
laissé les témoignages de leur activité tant dans leur capitale de Napata (près de la quatrième
cataracte) qu'à Thèbes. Taharka fit dresser des colonnades-propylées7 aux quatre points cardinaux de
Karnak.

La statuaire de la XXVe dynastie s'inspire des grandes œuvres de l'Ancien et du Moyen Empire.
Certaines représentations de Taharka et de Montouemhat, le puissant préfet de la ville, sont d'une
vigueur étonnante, tandis que les Divines Adoratrices, les Aménirdis et les Chepenoupet, présentent
des images d'une élégante dignité. Il y a là des recherches de réalisme, à côté d'une tendance à
l'archaïsme qui marque toute la Basse Époque, en particulier l'art saïte.

La XXVIe dynastie, originaire de Saïs, complète la renaissance éthiopienne. Bien peu a subsisté des
constructions du Delta. Dans la nécropole thébaine, le quartier de l'Assassif se creuse de multiples

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Un cartouche, dit shenou en égyptien ancien, transcription française du mot égyptien šnw est un symbole
hiéroglyphique, de forme allongée et fermé par un nœud, qui contient le nom d'un pharaon. Il symbolise
tout ce que le soleil entoure, c'est-à-dire l'univers et a pour fonction de protéger le nom de Pharaon. Ils
étaient le plus souvent peints de jaune ou d'or (couleur du soleil) et étaient utilisés pour deux des cinq noms
d'un pharaon.
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Un propylée (du grec pro-, « devant » et pulon, pulê, « porte ») est à l'origine un vestibule conduisant à un
sanctuaire. Aujourd'hui, on l'emploie au pluriel, il désigne un accès monumental. C'est la porte d'entrée d'un
sanctuaire, la séparation entre un lieu profane (la cité) et un monde divin (le sanctuaire).

Art égyptien - 16
galeries ; de puissantes superstructures de briques crues dominent des cours dont les murs s'ornent
d'élégants reliefs. À côté de froides copies d'œuvres antérieures, la statuaire saïte se signale par de
très beaux portraits sculptés dans des pierres dures, d'un poli extrêmement poussé ;
particulièrement attachantes sont des têtes de prêtres, au crâne rasé, au visage grave et méditatif. La
foi de l'ancienne Égypte se figeant en ce qu'elle avait de plus original, tel le culte des animaux sacrés,
l'art animalier reste très vivace : statues de lions à la musculature puissante, de chiens, de chats,
d'ibis ou de faucons, où le réalisme s'allie à un certain hiératisme.

Les deux dernières dynasties indigènes connurent un développement artistique qui indique que la
sève égyptienne était loin d'être épuisée. Les Nectanebo de la XXXe dynastie, féaux de la déesse Isis
et originaires de Sebennytos, ont procédé à de nombreuses constructions jusque dans l'île lointaine
de Philae. Les cités du Delta, surtout, ont profité de leurs largesses : Memphis, Saïs, Tanis, Mendès,
Sebennytos avec l'Iseum de Béhbet el-Hagar, où les reliefs sculptés dans le granite sont d'une
vigoureuse élégance.

 L'art de l'Égypte à l'époque gréco-romaine (332 avant J.-C.-395 après J.-C.)

Edfou, le temple d'Horus

La conquête d'Alexandre ne marque nullement la fin de l'art égyptien. Celui-ci se perpétue après
l'instauration de la dynastie des Lagides, d'origine macédonienne, en 306 avant J.-C. On admet, en
revanche, que la civilisation égyptienne cesse d'exister en 392 de notre ère, lorsque Théodose
proclame des mesures sévères contre le paganisme en Égypte.

Cependant, l'art de l'Égypte hellénistique et romaine est devenu hybride, combinant des apports
extérieurs qui avaient d'ailleurs commencé à se faire sentir dès la dynastie saïte.

Art égyptien - 17
L'architecture connaît une remarquable éclosion à l'époque ptolémaïque. Chaque partie du temple
(cour, salles hypostyles, saint des saints) est délimitée plus nettement ou possède même, comme à
Kom-Ombo, son enceinte propre. Les façades du vestibule (pronaos) donnant sur la cour ont des
colonnes reliées jusqu'à mi-hauteur par des murs-écrans couverts d'inscriptions et de reliefs. Enfin,
près du temple principal est édifié un petit sanctuaire annexe qu'on a appelé mammisi, ou « temple
de la naissance » : la déesse locale était censée s'y retirer pour enfanter le troisième personnage de
la triade divine, auquel était identifié le roi.

Le temple d'Horus à Edfou, édifié par les


Ptolémées de 237 à 150 avant J.-C., est le mieux
conservé d'Égypte et le plus vaste après Karnak ;
dépassant un immense pylône, on accède à une
grande cour à portiques au fond de laquelle la
façade du temple est rythmée par six colonnes
que relient des murs-écrans ; deux salles
hypostyles lui font suite ; enfin, deux vestibules
précèdent le saint des saints, entouré de
chapelles. Le mammisi, situé à l'avant de l'entrée du temple, se compose de deux chambres
entourées d'un péristyle, dont les piliers sont surmontés de têtes de Bès, dieu de l'amour, de la
danse et protecteur des accouchements. Le grand temple d'Hathor à Dendérah, œuvre des derniers
Ptolémées poursuivie par l'empereur Auguste, est, comme celui d'Edfou, le type accompli du temple
de Basse Époque.

Le premier, Nectanebo édifia un temple sur l'île de Philae. Mais ce sont les souverains lagides et les
empereurs romains qui firent de cette petite île un joyau d'architecture. Le grand temple d'Isis édifié
par les Ptolémées est précédé d'un pylône derrière lequel se trouve le mammisi constitué par trois
pièces en enfilade entourées d'un portique. On remarque encore dans l'île le temple d'Hathor,
commencé par les Ptolémées et continué par Auguste, le charmant kiosque de Trajan et une chapelle
élevée sans doute par les Antonins. Plus au sud, en Nubie, l'influence de l'art romain est sensible
dans les temples de Kalabchah, Debod, Dendour, Dakkeh. À côté de ces monuments traditionnels, on
trouve des édifices de conception gréco-romaine, même s'ils comportent des éléments égyptiens,
comme au dromos du Serapeum de Saqqarah ou au petit Iseum de Louqsor.

L'architecture funéraire, peu étudiée jusqu'ici, semble plus hybride encore. Certes, la belle tombe de
Petosiris à Tounah el-Gebel, datant de la fin du ive s. avant J.-C., est de conception purement
égyptienne, mais il n'en va plus de même pour le reste de cette nécropole de la ville d'Hermopolis. En
ce qui concerne les hypogées des nécropoles d'Alexandrie comme ceux du quartier de Kum al-
Chaqafa, remontant aux Antonins ou aux Sévères, leur plan ne doit plus rien à l'Égypte pharaonique.

La statuaire combine également les éléments classiques et égyptiens en un amalgame souvent


malheureux. Les représentations des divinités isiaques sont particulièrement typiques de ce style
hybride ; malgré leurs emprunts à l'Égypte, elles relèvent plutôt de l'art classique.

Le relief suit la même évolution, mais de façon plus accusée. Au début de l'époque ptolémaïque, la
décoration de l'Iseum de Béhbet el-Hagar se poursuit dans la meilleure tradition égyptienne. Mais
l'élégance tend vers une certaine afféterie, et le travail en méplat des époques antérieures est
abandonné pour des modelés trop accusés. Les reliefs accompagnés d'inscriptions envahissent les

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murs des temples. Les thèmes sont exclusivement religieux ou mythologiques : c'est un précieux
conservatoire de tout ce qu'a élaboré la pensée théologique égyptienne depuis ses origines.

Dans les nécropoles d'Alexandrie, la décoration se fait hybride, combinant des thèmes syncrétiques.
Plus originaux sont les portraits sur bois de l'époque romaine qui ont été retrouvés dans la région du
Fayoum, fixés sur les cercueils des momies ; tous ont en commun des couleurs chaudes et un regard
qui fixe l'éternité.

Lorsque l'Empire romain d'Orient se sépara de l'Empire d'Occident, la civilisation égyptienne avait
déjà cessé d'exister. Si l'art pharaonique avait su composer d'une certaine façon avec le monde
classique, la victoire de la religion nouvelle, le christianisme, n'avait pu qu'être fatale à cet art si
original qui, durant trois millénaires, était demeuré consubstantiel à son pharaon et à ses dieux.

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