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Anatolia Antiqua XXVII (2019), p.

57-75

Akın ERSOY et Ludovic LAUGIER*

SCULPTURES GRECQUES ET ROMAINES DE SMYRNE,


DÉCOUVERTES RÉCENTES

Les fouilles conduites sous la direction de l’Uni- sur les découvertes des campagnes de 2014-2017. Une
versité de Dokuz Eylül depuis 2007, non seulement stèle funéraire de l’époque hellénistique, découverte
à l’agora d’Izmir, mais aussi dans ses abords et dans dès 2008 à Altınpark, mais peu commentée jusqu’à
d’autres quartiers comme ceux d’Altınpark dans le maintenant, complète ce panorama.
quartier de Basmane, et plus récemment au théâtre Il faut préciser que les sculptures étudiées ont
de la cité, ont progressivement permis de mieux toutes été mises au jour en remploi ou dans des rem-
comprendre la trame urbaine de la Smyrne antique blais. Le contexte originel fait donc hélas défaut. Leur
(Fig. 1). Elles ont aussi fourni l’opportunité de mettre contexte secondaire est toutefois exposé, d’autant
au jour plusieurs fragments de sculptures en marbre, qu’il renseigne sur la manière dont les sculptures
d’époque hellénistique et impériale. Nous signalions de la cité ont souvent été réutilisées du Bas-Empire
déjà en 2011 quatre pièces d’un intérêt particulier, une jusqu’au 19e siècle1.
magnifique tête de déesse d’époque impériale apparte-
nant à une grande statue, une charmante tête d’enfant, 1. BASILIQUE DE L’AGORA DE SMYRNE
un petit portrait romain en buste et une statuette du
type de la Vénus Genitrix (Ersoy et Laugier 2011 :
321-328). Le présent article attire cette fois l’attention Contexte

Fragment de statuette (Fig. 2), trouvé dans un


remblai mis au jour dans la quatrième galerie de la
basilique. Pas de contexte précis, le remblai contenait
en effet du matériel archéologique de différentes
époques.

Etude

Fragment de statuette, Aphrodite,


SMYRNA.3651-A. H. 3,5 cm ; L. 3 cm ;
ép. 2 cm. (Fig. 2)

Cette petite statuette d’Aphrodite est brisée sous


le nombril et à mi-cuisses. Quelques petits éclats
Fig. 1 : Plan général de Smyrne à l’époque affectent la surface du marbre. La déesse porte un
impériale. L’agora, le théatre, le quartier himation enroulé en haut des cuisses, passant en-des-
de Basmane. sous des fesses. Elle le retenait de la main gauche.

*) Doç. Dr. Akın Ersoy, Université Dokuz Eylül, Département d’archéologie classique, e-mail : akin.ersoy@deu.edu.tr ;
Ludovic Laugier, Conservateur du Patrimoine, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Musée du Louvre,
e-mail : ludovic.laugier@louvre.fr
1) Nous tenons à remercier Mme Gözde Sakar pour la traduction de cet article et toute l’aide qu’elle nous a aimablement apportée.
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trouvait dans son contexte d’origine. Ces fragments,


mis au jour en différents lieux du secteur, se trouvaient
en effet dans le remblai ottoman (Fig. 7).
Les fragments SMYRNA 4195-A (Fig. 3) et
B (Fig. 4) ont été trouvés dans le carré O2-35, le
fragment d’une stèle de gladiateur SMYRNA.
4199 (Fig. 5) dans le carré O2-36 et tous les trois
proviennent d’un remblai qui contient du matériel
de différentes époques.
Le fragment SMYRNA.2682 (Fig. 6) est aussi
Fig. 2 : Fragment de statuette, Aphrodite découvert dans le même secteur mais dans le carré
pudique, SMYRNA 3651-A. K2-36 cette fois-ci, toujours dans le même type de
remblai.
Celle-ci n’est plus conservée, tout comme la majeure
partie du nœud du manteau mais un arrachement Etude
sur la hanche gauche signale bien la position de
l’avant-bras gauche. La cuisse gauche est légèrement Fragment de haut relief, personnage masculin,
avancée, tandis que le fessier droit est plus contracté héros ? SMYRNA.4195.B. H. 7,9 cm ;
que le gauche : Vénus se tenait donc en appui sur la L. 3,1 cm ; ép. 2 cm. (Fig. 3)
jambe droite, tandis que sa jambe gauche était libre.
Les cuisses sont sculptées en volumes simples mais Ce fragment de haut-relief représente un guerrier
l’aine est signalée par deux plis de chair. Le modelé barbu, donc d’âge mûr, tête de profil, tendue vers le
des fessiers paraît plus soigné. La limite supérieure haut. Le personnage nu, très athlétique, un baudrier
du manteau, pudiquement remonté sur le sexe, forme passant sur l’épaule droite, fait une grande enjambée
un enroulement traité en plis torsadés. A partir du vers la droite. Dans une attitude de combat, il plie
nœud du manteau, l’étoffe dessine une chute de deux le bras droit vers l’arrière, poing fermé et devait
plis légèrement divergents. L’arrête d’un pli incur- tendre le bras gauche vers l’avant. Faute d’attribut
vé se dessine sur la cuisse gauche. La statuette, de conservé, il est difficile de déterminer l’identité du
taille très modeste, mais traitée avec assez de soin, personnage avec certitude mais probablement s’agit-il
appartient au type statuaire de l’Aphrodite pudique2, d’un héros. En l’absence de léontè, il est notamment
inlassablement reproduit avec de multiples variantes impossible d’affirmer que ce guerrier musculeux
aux époques hellénistique et impériale. Le présent
exemplaire, trop fragmentaire pour que sa datation
puisse être précisée, a probablement été produit par
un atelier local, à la fin de l’époque hellénistique ou
durant le Haut-Empire.

2. GRANDE RUE AU NORD DE L’AGORA

Contexte

Lors des fouilles effectuées dans la partie est de


la grande rue qui bordait la basilique au nord et donc
qui constituait la limite septentrionale de l’Agora
de Smyrne, en-dessous des bâtiments modernes
expropriés et démolis en 2012, plusieurs fragments Fig. 3 : Fragment de haut relief, personnage
de sculptures ont été découverts, dont aucun ne se masculin, héros ? SMYRNA 4195-A.

2) Voir, entre autres, l’exemplaire des Musées du Vatican et la série qui en découle, LIMC II, s.v. “Aphrodite”, p. 82-83, n° 736-739.
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pourrait bien être Héraclès. Le revers de ce relief notable, comparable à ceux de Délos créés au Ier siècle
d’échelle fort modeste est légèrement concave. avant J.-C., montrant ce même traitement des yeux,
Serait-ce donc un fragment de petite frise ou d’objet du front marqué de rides, très plastiques3.
décoratif en marbre, un petit vase par exemple ? Le
modelé très plastique du torse, la massivité de la tête, Fragment de bas-relief, stèle funéraire de
l’expressivité du visage et le traitement en grosses gladiateur. SMYRNA.4199. H. 26,5 cm ;
boucles compactes, de la barbe comme de la chevelure L. 38,4 cm ; ép. 20,7 cm. (Fig. 5)
du personnage, conduisent à dater ce fragment de
haut-relief du dernier tiers du IIe siècle de notre ère. Il ne subsiste que la partie supérieure de ce bas-re-
lief, dont le bandeau supérieur est largement épaufré.
Fragment de tête masculine, SMYRNA.4195.B. Dans le champ du relief, mais aussi sur le bandeau, se
H. 17,3 cm ; L. 10,5 cm ; ép. 5 cm. (Fig. 4) détache une tête casquée, de profil vers la droite. Le
casque est celui d’un gladiateur dit lourd, doté d’un
Le fragment de tête masculine montre la partie large couvre-nuque, d’une visière grillagée traduite
supérieure d’un visage masculin et quelques mèches par de multiples perforations faites au trépan. Le ci-
au-dessus du front. Les globes oculaires sont lisses, mier courbe du casque, apparemment très mince, se
nettement inclinés et bordés par de fines paupières. devine à peine. Au-dessus, sur le bandeau, des coups
Ils sont profondément insérés sous des arcades de ciseau formant plusieurs lignes courbes suggèrent
sourcilières à la fois saillantes et tombantes. Le nez,
légèrement busqué, est mince et long. La plage du
front présente deux rides d’expression transversales.
La chevelure est traitée en grandes mèches formant
un épi au sommet du front. Le modelé du visage, très
plastique semble l’œuvre d’un bon atelier de sculp-
ture micrasiatique. Il pourrait s’agir d’un portrait de

Fig. 4 : Fragment de tête masculine, portrait ? Fig. 5 : Fragment de bas-relief, stèle funéraire
SMYRNA 4195.B. de gladiateur. SMYRNA 4199.

3) Pour les portraits déliens du premier siècle avant J.-C., voir Zaphiropolou 1998 : 168, 170, 171, n° 170, 172 et 173.
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que sa partie supérieure a peut-être été simplement


ébauchée. Comme le relief est très incomplet, que
toute la panoplie du gladiateur n’est pas visible et que
le cimier n’est pas clairement lisible dans son entier,
il est difficile de préciser quel type de combattant
est représenté : peut-être un Thrace, éventuellement
un secutor voire un scissor. Tous portent un casque
doté d’un grand couvre-nuque et d’une visière. Les
visières grillagées sont surtout employées par ces
gladiateurs au IIe siècle et au IIIe siècle de notre ère, ce
qui permet de proposer une fourchette chronologique
pour ce relief. Il s’agit vraisemblablement d’un frag- Fig. 7 : Vue générale des vestiges des maisons
ment d’une petite stèle funéraire, comparable à beau ottomanes sur la partie est de la Rue Nord.
d’autres exemplaires découverts en Asie Mineure4. Carroyage du secteur.
Le musée archéologique d’Izmir en conserve toute
une série dans une salle consacrée à la gladiature, de 3. THERMES ROMAINS DE L’AGORA
facture très comparable5.
Contexte
Fragment de statuette d’Aphrodite Lors des fouilles des thermes romains de
anadyomène. SMYRNA.3682. H. 6 cm ; l’Agora de Smyrne, effectuées en dessous des bâ-
L. 5,7 cm ; ép. 3,4 cm. (Fig. 6) timents modernes expropriés et démolis en 2010,
deux fragments de sculpture ont été mis au jour.
De cette petite statuette d’Aphrodite ne subsiste Le premier, un fragment de buste, était utilisé en
que la partie supérieure du torse nu. Les volumes de remploi comme bloc de marche dans un escalier
la poitrine et des omoplates sont simplement ébau- qui servait à descendre dans la cave d’une maison
chés. Il s’agit du travail d’un atelier local modeste, du XIXème siècle (Fig. 8, 9). L’autre (Fig. 10), un
datant du courant de l’époque impériale. La position fragment de stèle funéraire, a été découvert quant à
des épaules indique que le bras droit était levé et le lui dans le remblai qui contenait du matériel archéo-
bras gauche baissé : la statuette était probablement logique de différentes époques (Fig. 11).
l’une des multiples variantes du type de l’Aphrodite
anadyomène, à demi-nue6. Etude

Portrait en buste SMYRNA.3945. H. 52,4 cm ;


L. 48,9 cm ; ép. 15,6 cm. (Fig. 8)

Ce beau fragment de portrait en buste est hélas


dépourvu de sa tête. L’épaule et le bras droits sont bri-
sés ainsi que les bords inférieurs du buste. Au revers,
le pilier central de support, peu évasé, est brisé en
partie inférieure. A la base du buste, un lit de pose rec-
tangulaire de 16 cm de longueur sur 7 cm de largeur
est doté d’un trou de goujon circulaire de 3,5 cm de
diamètre. La partie dénudée du buste masculin laisse
encore deviner un traitement subtil du départ des cla-
Fig. 6 : SMYRNA 3682. vicules et des muscles sterno-cléido-mastoïdiens. Le

4) Voir Robert 1940 ; Robert 1946 : 112-150.


5) Voir notamment les stèles funéraires inédites, inv. 124, inv. 8625, inv. 343.
6) LIMC II, s.v. “Aphrodite” : 64-65, n° 541-545 et 76-77, n° 667-682
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léger gonflement du muscle droit suggère d’ailleurs


que la tête était tournée vers notre droite. Le buste est
vêtu d’une tunique et d’une toge drapée sur l’épaule
gauche, comme de coutume. La tunique dessine un
pli souple en « v » à l’encolure et une série des plis
courbes assez plats sur la partie droite du buste. La
toge forme un large contabulatio, presque horizontal
à son bord inférieur. Elle s’épanouit en plis plats,
étroits et serrés sur toute l’épaule et la partie gauche
du buste, selon un motif typique de l’antiquité tardive
et de l’époque paléo-byzantine. Sous le contabulatio,
la toge tombe en plis raides, très stylisés, courbes côté
droit, verticaux en partie médiane. Les plis verticaux
Fig. 8 : sont séparés par de larges sillons, très droits. Sous
Fragment le bras gauche, elle forme des plis en cuvettes. Le
de portrait mode de drapé de la tunique et surtout celui de la
en buste toge à contabulatio peuvent être comparés avec ceux
SMYRNA d’une petite série de sculptures généralement datées
3945. de la fin du Ve siècle ou de la première moitié du VIe
siècle de notre ère : un buste et une statue de magistrat
d’Ephèse (Inan et Rosenbaum 1966 : n° 202)7, trois
togati d’Aphrodisias, la statue de Flavius Palmatus,
celle du sénateur Pithéas et celle enfin d’un togatus
acéphale8. Il faut ajouter à cet ensemble une série de
têtes de même époque, dépourvues de leur corps ou
de leur buste. Le fragment découvert en 2016 à Izmir
se rapproche plus particulièrement des exemplaires
d’Ephèse, moins précisément datés que ceux
d’Aphrodisias. En tout état de cause, il doit avoir été
sculpté entre la fin du Ve siècle et la première moitié
du VIe siècle. Seule la tête, notamment le traitement
de la chevelure comme du visage, permettrait de
resserrer cette fourchette chronologique. Quoi qu’il
en soit, le fragment d’Izmir augmente significative-
ment par sa découverte un corpus d’œuvres restreint,
où ne figurait pour l’instant qu’un seul buste, celui
d’Ephèse9. Si ce dernier présente un bord inférieur
horizontal, le buste de Smyrne s’en distingue par un
bord courbe comme l’indique la petite partie qui en
est encore conservée.

Fig. 9 : État de découverte du buste


SMYRNA 3945.

7) Musée de Selçuk, inv. 850/743 et sans n°.


8) Musée d’Aphrodisias, inv. 72-49, inv. 79/10/196, inv. 79/10/177. Pour les statues de cette période, voir notamment R. Smith
1999 : 155-89 ; U. Gehn 2012.
9) A cet ensemble de quatre statues et d’un buste de togatus, il faut ajouter deux chlamydati de la même période découverts à
Aphrodisias (musée archéologique d’Istanbul, inv. no. 2265 et inv. no. 2266) et une série d’une dizaine de têtes, découvertes principa-
lement à Aphrodisias mais aussi à Hiérapolis et à Ephèse.
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Fragment de stèle funéraire. SMYRNA.3709-


A. H. ; L. ; ép. (Fig. 10)

De cette stèle funéraire hellénistique ne subsiste


qu’une partie du bandeau latérale gauche, affectée
par de nombreux éclats et une petite servante dont
manquent les jambes, sculptée en bas-relief. La fil-
lette porte une tunique à rabat ceinturée à la taille.
La tête baissée, l’avant-bras droit contre la taille et
la main gauche levée vers le visage, elle se tient dans
une attitude conventionnelle d’affliction montrant
qu’elle pleure sa maîtresse. A si petite échelle, son Fig. 11 : Thermes romains. Vue générale.
visage est relativement bien détaillé. Sa chevelure
volumineuse est coiffée en larges bandeaux. Les pas de savoir si la femme était accompagnée par son
stèles hellénistiques d’Asie Mineure se caractérisent époux, voire par plusieurs membres de sa famille et
toujours par une distribution rigoureuse des person- leurs serviteurs. Ce type de servante se trouve repré-
nages qui occupent leur champ sculpté, en séparant senté sur une multitude de stèles funéraires de l’ouest
le monde des hommes et celui des femmes. Les ser- de l’Asie Mineure, notamment sur celles de Smyrne10.
vantes flaquent la défunte, tandis que les serviteurs Il s’agit vraisemblablement d’une production locale.
accompagnent leur maître. Il est possible d’en déduire A Smyrne, les servantes relativement bien détaillées
qu’une femme se tenait debout, ou éventuellement de cette manière se trouvent sur les stèles datées du
assise, à la gauche de la servante. En revanche, l’état IIe siècle et du début du Ier siècle avant J.-C.
de conservation du fragment ne permet évidemment
4. LE BÂTIMENT AUX MOSAIQUES
DE  L’AGORA

Contexte

Fragment de statuette (Fig. 12), trouvé dans le


remblai contenant du matériel archéologique de
l’époque hellénistique à l’époque ottomane, mis au
jour dans le bâtiment aux mosaïques de l’agora.

Etude

Fragment de statuette de divinité féminine.


SMYRNA.3090. A. H. 9,2 cm ; L. 8,8 cm ;
ép. 5,8 cm. (Fig. 12)
Fig. 10 :
Fragmant De la statuette ne sont conservés que le buste, les
de stèle bras et le dossier du siège. La figure féminine, dont
funéraire, la tête est cassée au cou, porte un chiton formant des
servante. plis en « v » entre les seins, ainsi qu’un himation
SMYRNA drapé sur les épaules et les bras. Sous la poitrine,
3709-A assez généreuse, quelques plis courbes suggèrent
que la tunique était ceinturée à la taille. Le revers du
SMYRNA.3709 A/SMAG.14.194 A/HAMAM.14.02 A dossier du siège est entièrement lisse.

10) Sur les stèles funéraires de Smyrne, voir Pfuhl et Möbius 1977-1979 ; Schmidt 1991 ; Hasselin Rous, Laugier et
Martinez (dir.) 2009 : 64-79 ; L. Laugier 2019.
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cithare vue de trois-quarts11. On distingue en effet


le bas de la caisse, le coude, la traverse cylindrique
horizontale et le départ du bras, du côté gauche de
l’instrument. Les cordes devaient être peintes sur la
partie médiane lisse. Du personnage qui s’appuie
sur l’instrument ne subsistent que le bras et la main
droite, pouce pressé contre l’index. Il pourrait s’agir
d’un Apollon citharède, comme il en existe de mul-
tiples représentations12, d’une Muse13, notamment
Erato ou, moins vraisemblablement, d’un simple
SMYRNA.3090 A/SMAG.13.34 A/FAU.13.23 A
cithariste. L’état de conservation de ce relief frag-
mentaire ne permet guère de la dater précisément,
Fig. 12 : Fragment de statuette, Cybèle ? entre la fin de l’époque hellénistique ou plutôt
SMYRNA 3090-A.

La figure féminine, assise sur un siège à dos-


sier, pourrait bien être Cybèle. Cependant, seuls
les attributs usuels de la déesse, tympanon et lion,
permettraient de le confirmer. De facture simple et
stéréotypée, cette statuette votive est probablement
une production locale, datant de la fin de l’époque
hellénistique ou plutôt de l’époque impériale.

5. BAINS TURCS “NAMAZGAH”


DE L’AGORA DE SMYRNE

Contexte

Le fragment de relief SMYRNA 4112 (Fig. 13) Fig. 13 : Fragment de relief


a été découvert en 2017 dans le soubassement des SMYRNA.4112.
bains turcs de Namazgah (nommé aussi Bains de
Kadi Musa), lors des travaux de restauration de ces
derniers, construits au 17ème siècle sur le portique sud
de l’Agora de Smyrne (Fig. 14).

Etude

Fragment de haut-relief, Apollon citharède,


Muse ou cithariste ? SMYRNA.4112.
H. 27,5 cm ; l. 20,3 cm ; ép. 11,1 cm. (Fig. 13)

Le haut-relief est très partiellement conservé, à


l’extrémité de la partie gauche. Contre le bandeau Fig. 14 : Bains de Namazgah. Vue générale
latéral gauche, soigneusement dressé, se trouve une (Archives des fouilles de Smyrne).

11) Sur les reliefs grecs et romains, la cithare est surtout représentée de face. Les exemples de cithare de profil ou de léger trois-
quarts sont plus rares pour des raisons évidementes de lisibilité. Voir par exemple la cithare d’Apollon du sarcophage d’Apollon et
Marsyas, Musée du Louvre, Ma 2347.
12) Voir notamment le type statuaire de l’Apollon de Cyrène, British Museum, inv. 1861,0725.1.
13) Les Muses citharèdes sont bien connues pour les cuves de sarcophages, quelques reliefs et statuettes d’époque impériale. Voir
au Louvre le sarcophage des Muses, Ma 475.
64 AKIN ERSOY et LUDOVIC LAUGIER

le courant de l’époque impériale (Ier siècle avant


J.-C.- IIe siècle apr. J.-C.).

6. THEATRE DE SMYRNE

Le théâtre antique de Smyrne qui se situe sur le


versant de Kadifekale, entre l’acropole et l’agora de
la cité, a été remis au jour en 2013 grâce à l’expro-
priation et la démolition des bâtiments modernes qui
l’entouraient. Les fouilles archéologiques ont débuté
en 2017, suite aux travaux de nettoyage et d’aménage-
ment qui ont eu lieu entre 2014 et 2016 (Fig. 15). C’est
Vitruve qui nous rapporte les premiers renseignements Fig. 16 : L’entrée du vomitorium et une partie
sur l’architecture du théâtre de Smyrne. Dans De du mur d’analemma du théâtre de Smyrne
Architectura (Vitruve, De Architectura, V. IX.1), il à l’époque ottomane. Kadifekale (Mont Pagos)
parle en effet d’un portique nommée Stratonikeion en arrière (Archives des fouilles de Smyrne).
qui se trouvait adjacent ou au voisinage du bâtiment
de scène du théâtre de Smyrne. L’architecte a trouvé
très utile l’idée de situer un portique à proximité du
théâtre et l’a conseillé pour toutes les villes de son
époque. En effet, ce type de bâtiment pouvait servir
d’abri pour les décors de scène ou l’équipement des
acteurs ou bien comme foyer aux spectateurs en cas de
mauvais temps. Le nom du portique « Stratonikeion »
provenait bien probablement du culte d’Aphrodite
Stratonikis, pratiqué à Smyrne au cours de l’époque
hellénistique (Cadoux 1938 : 111-112). Le portique,
portant le nom Stratonikeion, devait aussi servir à ce
culte qui assimilait la déesse Aphrodite à Stratonice,
la mère d’Antiochos II. Fig. 17 : L’emplacement du théâtre antique
de Smyrne dans la première moitié
du 20ème siècle.

A la suite de Vitruve, le deuxième auteur antique


parlant du théâtre de Smyrne est le fameux rhéteur
Aelius Aristide qui vécut à Smyrne au IIème siècle
apr. J.-C. Bien qu’Aristide cite le théâtre parmi les
bâtiments importants de la cité, il n’en donne toutefois
aucun détail. Par ailleurs, nous savons par les sources
écrites qu’il y avait des loges réservées aux élites de
la ville, dont quatre avaient été réservés aux prêtres
de l’Asclépiéion (Doğer et al. 2014)14.
Mille deux cent ans après son abandon, ce sont
Fig. 15 : Vue générale du théâtre après la cette fois-ci les voyageurs européens visitant la ville à
démolition des bâtiments modernes partir du XVIIème siècle, qui nous décrivent les ruines
(Archives des fouilles de Smyrne). du théâtre antique de Smyrne. D’abord Jean Baptiste

14) İzmir Kent Ansiklopedisi, (Encyclopédie de la ville d’Izmir), Asklepieion, Asklepios Kültü ve Tapınağı Maddesi (Asclépieion,
Culte et Temple d’Asclépios par E. Doğer).
SCULPTURES GRECQUES ET ROMAINES DE SMYRNE, DÉCOUVERTES RÉCENTES 65

Tavernier (Pınar 2001 : 5) et Moncony (Walter-Berg


1932 : 6) donnent au XVIIème siècle quelques indica-
tions, puis Tournefort (Pınar 2001 : 50) au XVIIIème
siècle et Otto Friedrich von Richter (von Richter
1822 : 500). Au XIXème siècle, le comte de Forbin
(Pınar 2001 : 118), Charles Texier (Texier 2002 : 141)
et Sir Charles Wilson (Wilson 1895 : 73) nous trans-
mettent des informations importantes sur l’ensemble
et les détails architecturaux du bâtiment. De leurs
témoignages, on apprend notamment que les blocs du
théâtre avaient été remployés dans la construction des
nouveaux « khans » et des « bedestens » à Kemeraltı
au cours du XVIIIème siècle, qu’au XIXème siècle le Fig. 19 : Vue prise de cavea vers le proscene
bâtiment de scène avait été recouvert par les maisons après les démolitions des bâtiments modernes.
construites au-dessus et qu’il ne restait qu’une pente
naturelle au lieu du cavea (Fig. 16, 17).
L’étude la plus élaborée sur le théâtre de Smyrne Au cours du XXème siècle, le secteur du théâtre
a été réalisée dans les années 1912-1913 par les cher- a été progressivement transformé en un quartier
cheurs allemands Otto Walter et Otto Berg. Leurs moderne, par la construction de nouvelles maisons,
travaux, traduits et publiés en turc en 1932 sous le au-dessus et au voisinage du bâtiment antique, ainsi
titre İzmir’de Roma Tiyatrosu par l’« Asar-ı Atika que par l’établissement des rues modernes qui les
Muhipleri Cemiyeti » (Association des Amis des entouraient. Les derniers vestiges visibles du théâtre
Antiquités), constitue la base de nos connaissances ont été décrits par Georges E. Bean (Bean 2001 : 30)
sur l’architecture du bâtiment (Walter-Berg 1932 : 9). qui a visité la ville au cours des années 1940.
Les données archéologiques recueillies grâce aux ob- Durant l’Antiquité, le théâtre construit sur le ver-
servations réalisées en 1912 et 1913 dans les maisons sant nord du mont Pagos (Kadifekale) avait sans doute
qui recouvraient le bâtiment antique ont notamment une vue magnifique sur la ville et le golfe (Fig. 19).
été réunies dans cette étude. Walter et Berg propose Nous ne disposons hélas pas encore des données ar-
une structure constituée d’un bâtiment de scène à trois chéologiques qui pourraient nous permettre d’établir
étages et d’une cavea d’un diamètre de 152 mètres, la date de la première construction du bâtiment mais,
divisée en trois parties par deux diazoma, et s’élevant puisqu’il est mentionné par Vitruve, il était bien sûr
à 30 mètres sur un orchestre hémisphérique (Fig. 18). déjà construit de son temps, au Ier siècle av. J.-C. Le
théâtre aurait ensuite été restauré au temps de Claude
(Cadoux 1938 : 178, 281-282, 290), probablement à
la suite d’un tremblement de terre. Il aurait atteint son
dernier état au cours des travaux de reconstruction
de la ville, à la suite du grand tremblement de terre
de 177-178 apr. J.-Chr.
Une grande partie de l’espace du théâtre antique
de Smyrne a été mise au jour à la suite des dernières
démolitions réalisées en 2014 (Fig. 20). La démolition
des bâtiments modernes nous a permis de dégager la
cuvette où se situaient la cavea et l’ensemble du rez-
de-chaussée du bâtiment de scène. Bien que la plupart
des gradins de la cavea ne soit malheureusement
pas conservée, espérons que les fouilles qui seront
menées sur l’orchestre nous permettront de découvrir
Fig. 18 : Plan prévisionnel du bâtiment les premières assises des gradins, peut-être conservés
constitué à partir de l’étude de Walter et Berg grâce au remblai formé par le glissement de terrain
(S. Alatepeli - Archives des fouilles de Smyrne). provenant de la pente du Mont Pagos (Kadifekale).
66 AKIN ERSOY et LUDOVIC LAUGIER

Le théâtre de Smyrne, de l’Antiquité au


XIXe siècle

Sur l’un des blocs du bâtiment de scène, une


inscription de douze lignes a été découverte lors des
travaux de nettoyage. L’inscription, qui date du IIème
siècle apr. J.-C., mentionne des travaux de réparation
d’une fontaine,  des travaux « consacrés aux dieux
et aux empereurs et réalisés au nom de la ville par
Marcus Claudius Proclos, grand prêtre des cultes
impériaux à Smyrne ». Dans l’inscription il est aussi
indiqué que l’eau qui alimente cette fontaine provenait
d’une source qui se trouve dans l’aire du théâtre. Cette
fontaine n’est pas encore repérée mais à partir des
renseignements procurés par cette inscription, on peut
Fig. 20 : Bâtiments modernes se trouvant sur penser qu’elle doit logiquement se situer à proximité
le mur d’analemma avant les démolitions. du théâtre. Cette inscription mentionne aussi une
conduite d’eau ou un aqueduc nommé G(K)aleonte-
rion Hydates, construit toujours par Marcus Claudius
Proclos. Le nom « G(K)aleonterion Hydates » était
sans doute lié au fleuve Kaleon (Yeşildere), dont la
personnification existe sur les monnaies de la ville.
Les sources écrites nous montrent que le théâtre
de Smyrne était le siège de plusieurs activités,
non seulement culturelles mais aussi politiques et
religieuses. Les théâtres dans l’antiquité servaient
d’ailleurs comme lieu de réunion pour prendre des
décisions importantes, notamment dans les cas où
la cité était en danger. D’après le texte de la Vie de
Saint Polycarpe (Pionios XXVIII, 3 et sqq.), attribué
à Pionios, le théâtre de Smyrne a, en autres, été le
siège d’un conseil de ville organisé par les magistrats
pour trouver une solution à une sécheresse sévissant
sous le règne d’Antonin le Pieux. On apprend que,
lors de ce conseil, les magistrats ont demandé à Saint
Polycarpe de prier son dieu pour qu’il fasse cesser
cette période de sécheresse et que Saint Polycarpe leur
répondit qu’il n’était pas possible de faire cesser la
sécheresse en priant dieu. Le saint accepta néanmoins
Fig. 21 : Etat des fouilles du théâtre à la fin de prier avec ses disciples et - d’après le texte - ils
de la campagne de 2017. réussirent à faire pleuvoir à la suite de cette séance
de prière commune (Cadoux 1938 : 449 et sqq.).
Il est vraisemblable que le théâtre antique de
Une partie du mur d’analemma est aussi encore Smyrne a été abandonné au IVème siècle apr. J.-C.
visible. Les fouilles menées dans le bâtiment de la Après de longs siècles d’abandon, l’espace du théâtre
scène ont permis de comprendre que le bâtiment de antique a commencé d’être utilisé de nouveau pour
scène est conservé jusqu’au niveau de l’étage et que certaines fêtes, notamment pour« Dana Bayramı »
les portes à linteaux ou à arcades qui donnaient l’accès (fête du veau : fête traditionnelle des Afro-Turcs d’Iz-
au rez-de-chaussée sont encore en place (Fig. 21). mir) à partir du XIXème siècle (Beşikçi 2011 : 96-98)
et c’est pour cela que l’espace du théâtre a été appelé
SCULPTURES GRECQUES ET ROMAINES DE SMYRNE, DÉCOUVERTES RÉCENTES 67

« Dana Meydanı » (place du veau) ou « Tamaşalık »


(terrain de spectacle).

Fragments de sculpture découverts dans le


secteur du théâtre de Smyrne, contextes.

Lors des fouilles du bâtiment de scène, une ga-


lerie qui s’étend côté orchestre et une série de pièces
attenantes faisant partie du plan du rez-de-chaussée,
ont été mis au jour. La frise décorée d’un masque
juvénile, SMYRNA. 4181 (Fig. 22-24), et un frag-
ment de statue montrant un pied droit (Fig. 28) ont
été découverts lors des fouilles de la galerie, mais en
remploi, dans le soubassement d’un bâtiment ottoman
tardif dont les fondations descendent jusqu’au niveau
romain (Fig. 25).
Le fragment de femme drapée SMYRNA.4087
(Fig. 26) a aussi été trouvé en remploi, dans le mur de
soubassement d’une maison bâtie sur le paraskeion et
datant du début de l’époque de la République turque
(première moitié du XXème siècle) (Fig. 27).
De la même façon, le fragment de tête
SMYRNA.4073 (Fig. 29) était aussi remployé dans
la construction d’un mur ottoman tardif qui se situait
sur la pièce 2 du bâtiment de scène.

Etude

Bloque de frise ionique, masque et guirlandes.


SMYRNA. 4181. H. 29,8 cm ; L. 57,9 cm ;
ép. 37 cm. (Fig. 22-24)

Ce bloc de frise ionique n’est pas conservé sur


la face latérale gauche, brisée sur toute sa hauteur.
Toute la face avant est affectée par de multiples
épaufrures. Le bandeau supérieur, est arraché sur toute
sa longueur. La face latérale droite est couverte de
traces de coup de ciseau grain d’orge. Elle présente
un cadre d’anathyrose de 10 cm de largeur. Le lit
de pose, couvert de traces de ciseau grain d’orge,
est doté d’une mortaise carré de 3 cm de côté. Le lit
d’attente du bloc, couvert de traces gradine à dents
fines, est quant à lui équipé de saignées pour deux
crampons latéraux, longues de 10 cm et pour deux Fig. 22-24 : Bloque de frise ionique
crampons à l’arrière, longues de 13 cm, ainsi que SMYRNA 4181.
d’un trou de louve.
Le bloc est couronné par un bandeau haut de 6 cm, visage à l’ovale allongé en occupe toute la hauteur,
dont l’éventuel décor n’est pas conservé. Un mince coiffé d’un bonnet phrygien, bien reconnaissable
cavet fait la transition avec le champ sculpté, bordé à son sommet recourbé et ses deux pans tombant
en partie inférieure par un simple listel en retrait. Un de part et d’autre de la tête. Sur l’avant de la tête,
68 AKIN ERSOY et LUDOVIC LAUGIER

Ce type de décor de frise est bien connu en Asie


Mineure. A Pergame, une frise de masques scéniques,
datée vers 100 av. J.-C., décore notamment la porte
sud du théâtre. Aphrodisias a livré trois séries impor-
tantes de frises à masques ou à visages. Les blocs de
frise ionique du théâtre, datés vers 30-28 av. J.-C.,
comme ceux de la frise ionique du propylon du
Sébastéion, datés du premier quart du Ier siècle, sont
décorés de masques scéniques, sans guirlande les
joignant15. Ceux du « Portique de Tibère », c’est-à-
dire de la place à portiques méridionale de la cité, qui
fonctionnait probablement comme un gymnase dans
un premier temps, sont datés entre le règne de Tibère
Fig. 25 : Etat de trouvaille de la frise.
et le milieu du IIe siècle. Ils sont cette fois-ci ornés de
guirlandes entre des têtes très variées : des portraits
l’étoffe du bonnet dessine un pli transversal, de droite de dynastes, des têtes reprenant des types statuaires
à gauche. Quelques mèches courtes s’échappant classiques célèbres (notamment côté nord), ainsi que
du couvre-chef sont encore visibles sur la tempe des masques de théâtre (notamment au portique sud)16.
droite. Celles de la tempe gauche sont arrachées. Il faut ajouter à cette série la frise ionique de l’« Agora
Les yeux, très ronds, sont marqués par une pupille Gate », marquant le passage entre le complexe du
circulaire forée au trépan. La forme particulière des Portique de Tibère et le cardo maximus, décorée
yeux, cernés par de profonds creusements, soulève elle aussi de masques de théâtre, sans guirlande,
une question : s’agirait-il en fait de la représentation datée du milieu du IIe siècle (avec plusieurs phases
d’un masque scénique ? L’état de surface du visage de réparations). Les blocs de frise de ce complexe
limite malheureusement les observations qui permet- constituent un vaste corpus, étudié par Nathalie de
traient de trancher l’ambiguïté entre simple visage Chaisemartin à plusieurs reprises. A Smyrne, il est
et masque. Toutefois, deux petites lignes incisées de encore trop tôt pour avancer de solides hypothèses
part et d’autres des pupilles confortent l’hypothèse quant à la fonction d’une frise ionique dont seul le
d’une représentation de masque. La bouche est ar- présent bloc atteste l’existence : décor du théâtre
rachée mais les commissures des lèvres, légèrement ou d’un portique voisin ? Par comparaison avec le
tombantes sont encore bien visibles, marquées par corpus des frises à têtes ou masques d’Aphrodisias,
un coup de trépan net. De part et d’autre du sommet l’exemplaire de Smyrne pourrait bien être issu des
du bonnet part une guirlande formée par un généreux ateliers fort dynamiques de cette cité de l’arrière-pays.
culot d’acanthe dont s’échappent des feuillages. Il semble plus proche des exemplaires aphrodisiens
Les multiples éclats affectant les deux guirlandes du milieu du IIe siècle de notre ère que de ceux de
empêchent de vérifier si elles sont chargées de fruits. l’époque julio-claudienne, de style néoclassique. Le
Plusieurs personnages portent le bonnet phrygien traitement simplifié des commissures des lèvres ou
durant l’Antiquité : Mithra, Attis, Artémis Bendis, encore des feuillages des guirlandes conforte cette
Pâris… Le visage allongé du présent exemplaire, proposition de datation, qui demande à être confirmée
aux mâchoires peu anguleuses, pourrait être celui par de nouvelles découvertes en contexte.
d’une divinité féminine ou d’un personnage masculin
juvénile. Il serait donc permis d’hésiter notamment Fragment de statue féminine, SMYRNA.4087.
entre Artémis Bendis, Attis et Pâris jeune. Les mèches H. ; L. ; ép. (Fig. 26)
courtes s’échappant du bonnet font davantage pen-
ser à un personnage masculin. S’il s’agit bien d’un Toute la partie supérieure de la statue manque,
masque scénique, les jeunes Attis ou Pâris paraissent ainsi que le bas des jambes, les pieds et la plinthe.
les identifications les plus vraisemblables. Le revers de l’œuvre a été aplani pour faciliter son

15) Voir Chaisemartin, 2006.


16) Voir Chaisemartin, 1989, 1996 et 1998 : 265-267.
SCULPTURES GRECQUES ET ROMAINES DE SMYRNE, DÉCOUVERTES RÉCENTES 69

De part et d’autre des jambes, les chutes du manteau


sont brisées du côté de la jambe libre mais dessinent
encore trois longs plis verticaux superposés le long
de la jambe portante. Contre la cuisse gauche un
arrachement indique que le personnage devait tenir
un pan de son manteau ou un attribut indéterminé.
Au revers, le manteau forme de grands plis courbes
superposés nappant toute la silhouette.
Ce fragment de petite statue féminine est caracté-
ristique des productions locales de l’époque impériale,
très empreintes de modèles hellénistiques. Autant
que l’on puisse en juger sans la tête, l’œuvre date du
courant du IIe siècle apr. J.-C.

Fig. 26 : Fragment de statue féminine Fragment de statue féminine, pied droit et
SMYRNA 4087. tunique, SMYRNA. 4181. H. 27 cm ;
L. 42 cm ; ép. 16,5 cm. (Fig. 28)

Le fragment montre le bas d’une tunique, un pied


droit nu, tourné vers l’extérieur, correspondant à la
jambe libre du personnage représenté, ainsi que la
plinthe de la statue, piqueté à la pointe sur sa tranche.
La facture et l’orientation des plis de la tunique ainsi
que l’échelle du fragment permettent d’envisager que
ce fragment constitue la partie inférieure la statue
féminine SMYRNA 4087 (Fig. 26). Toutefois, le
raccord ne se fait pas exactement bruch am bruch
et les deux fragments, certes découverts en contexte
secondaire, ne proviennent pas de murs modernes
construits à la même époque.

Fig. 27 : Etat de trouvaille de


SMYRNA 4087.

remploi. L’épiderme du marbre est couvert d’épaisses


concrétions et de multiples éclats. Le personnage
féminin, en appui sur la jambe gauche, hélas trop
fragmentaire pour être identifié, porte une tunique
à rabat et un himation visible le long des jambes et
au revers de la statue. Le rabat de la tunique, dont la
limite inférieure est soulignée par une ligne soigneu-
sement gravée, forme des plis en serviette convergeant
vers le centre du bassin et dessinant des motifs appelés
parfois par conventions des « plis en trompette ». La
tunique, plaquée sur les jambes, forme quelques fines
arêtes de pli sur les cuisses. Le modelé des genoux
est perceptible sous l’étoffe. Entre les jambes, le Fig. 28 : Fragment de statue, bas de tunique et
vêtement forme trois plis tuyautés, accompagnant pied droit. SMYRNA 4181.
en partie inférieure le mouvement de la jambe libre.
70 AKIN ERSOY et LUDOVIC LAUGIER

Fragment de portrait, dynaste ? Smyrna 4073. Une impression corroborée par un aspect technique
H. 19,1 cm ; L. 23,4 cm ; ép. 14 cm. (Fig. 29) particulier : dans les cheveux, un sillon lisse est
sculpté 5 mm en retrait. Il est doté de petits trous de
Ce fragment de tête masculine légèrement plus goujon irrégulièrement espacés, de 4 mm de diamètre
grande que nature revêt un intérêt tout particulier au maximum. Quatre sont conservés. La chevelure
malgré son état de conservation. Tout l’arrière de la était donc ceinte d’un bandeau rapporté en métal,
tête, la partie gauche du visage et sa partie droite à vraisemblablement en bronze. L’œuvre pourrait donc
partir du milieu de l’œil manquent. Malgré l’état très représenter un dynaste portant le diadème royal17.
lacunaire de l’œuvre, il semble permis d’y reconnaître Ajoutons un autre trait technique : au-dessus
un fragment de portrait hellénistique. Le personnage de la tempe gauche, 2 cm en retrait du sommet du
est coiffé en mèches courtes au-dessus du front, front, un plan de 8 cm de largeur conservée a été
puis plus longues vers le sommet du crâne, balayées soigneusement préparé au ciseau, couvert de stries
vers la gauche. Son front est bas, animé par un léger gravées à la pointe fine et doté d’un trou de goujon
bourrelet au-dessus du taurus supra orbitaire. L’arête de 3 cm de diamètre. Il s’agit d’un plan ménagé pour
de l’arcade sourcilière gauche, régulièrement arquée, une pièce rapportée dans la chevelure. Il peut s’agir
est douce. La paupière est fine, le globe oculaire d’une restauration antique ou d’un ajout conçu dès la
lisse. Quand bien même le visage est peu conservé, création du portrait. Rapporter une partie du crâne et
ce qui en subsiste donne l’impression d’un portrait. de la chevelure peut paraître inutile mais un certain
nombre d’autres exemples sont bien connus, aux
époques hellénistique et impériale18.
Le visage est bien trop fragmentaire pour qu’une
identification du dynaste puisse être avancée. La fac-
ture du front et de la chevelure pourrait correspondre
à un travail du IIIème ou du IIème siècle av. J.-C. Le type
de coiffure, à mèches balayées sur le côté, fait penser
aux portraits micrasiatiques du milieu du IIème siècle
av. J.-C., comme la tête d’Ephèse dite de Lysimaque19.
Dans le contexte de Smyrne, il pourrait s’agir d’un
prince séleucide ou plutôt attalide.

7. ALTINPARK ET LE FRAGMENT DE
STELE FUNERAIRE HELLENISTIQUE

Dans les limites de la ville antique de Smyrne,


contrairement à l’architecture monumentale en-
core présente sur l’Agora civique de la ville, les
vestiges des maisons et des quartiers d’habitat sont
Fig. 29 : Fragment de portrait de dynaste assez restreints. Nos connaissances à propos de ces
SMYRNA 4073. quartiers sont fondées sur l’étude de deux secteurs

17) Pour les rainures sculptées dans la chevelure afin d’accueillir une couronne ou un diadème royal, sans toutefois présence de
trou de goujon, voir Queyrel 2005 : 180, n. 303. Pour Pergame, voir la tête dite de Diodoros Pasparos, musée de Bergama, inv. 3438 et
la tête du Pergamon Museum inv. P 137 ; à Athènes, le portrait du Dionysion, musée national d’Athènes, inv. MN 3556 ; un portrait au
Smith College Museum of Art, Northhampton, Mass., inv. 1925 : 8-1 ; le portrait du musée de Délos A 4148. Pour des trous de goujon
liés à l’installation d’un diadème, voir le torse du stade de Pergame au musée d’Izmir, inv. 571. 
18) Voir, entre autres, la tête de dynaste du musée archéologique de Cos, inv. 9, le torse du gymnase de Pergame, au musée d’Izmir,
inv. 571 ; la statuette d’Eumènes II en Héraclès inv. P. 168, la tête de dynaste inv. P 132, D. 130 ou encore la tête masculine inv. P. 136
de Pergame, toutes au Pergamon Museum.
19) Musée de Selçuk, inv. 1846. Tête portant une couronne de laurier en marbre ; longtemps identifié comme Lysimaque. Fr. Queyrel
a proposé d’y reconnaître un possible portrait d’Attale II. Voir Queyrel 2005 : 236-238, pl. 37.
SCULPTURES GRECQUES ET ROMAINES DE SMYRNE, DÉCOUVERTES RÉCENTES 71

Fig. 30 : Zone archéologique d’Altınpark. Fig. 31 : État de découverte de la stèle lors
Vue générale (Archives des fouilles de Smyrne). des fouilles.

archéologiques dans les limites du quartier moderne fut dense dans le quartier de Basmhane au XIXème
de Basmane, dont la zone archéologique d’Altınpark siècle, la zone archéologique d’Altınpark fut moins
(Fig. 30) (Ersoy 2015 : 139 et sqq.). bouleversée car elle fut transformée à cette époque
Lors des fouilles menées à Altınpark, les ves- d’abord en cimetière musulman, puis fut en partie
tiges d’au moins deux maisons d’époque romaine occupée par des bâtiments de service ainsi que par
ont été mis au jour. Ces maisons, qui avaient été une salle de mariage appartenant à la mairie de Konak,
construites après l’époque augustéenne d’après les construits lors du XXème siècle.
données archéologiques, se trouvaient au voisinage Le fragment de stèle funéraire qui appartient
de la porte est de la ville et du départ de la route qui donc probablement aux nécropoles de l’époque hel-
reliait Smyrne à Pergame et à Sardes. A l’époque lénistique, a été découvert en 2008 dans le remblai
hellénistique, des nécropoles devaient longer cette byzantin à Altınpark, qui date des XIème - XIIIème
route. Grâce aux découvertes de ces dernières an- siècles apr. J.-C. Il devait être utilisé comme spolia
nées, on a pu comprendre que cet espace qui s’est dans la construction d’un mur de cette époque. On a
longtemps trouvé en dehors des murs de la ville et d’ailleurs trouvé des résidus de ciment sur le fragment
devait être occupé par des nécropoles à l’époque (Fig. 31). A la suite de son premier usage à l’époque
hellénistique, a commencé d’être habité après le hellénistique, la stèle funéraire n’a pas seulement été
règne d’Auguste, au cours de l’époque impériale, en réutilisée à l’époque byzantine mais aussi bien avant,
fonction de l’expansion de la ville. Notons toutefois à l’époque romaine, comme l’indique une courte
que, pour l’heure, aucune tombe hellénistique n’a été inscription qui se trouve à son revers.
découverte en contexte.
À partir du VIIème siècle apr. J.-C., comme dans Etude
d’autres villes antiques de la région, les mesures de
sécurité prises à Smyrne avaient nécessité un rétré- Stèle funéraire hellénistique. H. 115 cm ;
cissement de la ville vers l’intérieur des murailles, L. 53 cm ; ép. 5,15 cm. (Fig. 32)
ce qui avait provoqué l’abandon de la zone d’Al-
tınpark. L’activité a ensuite repris au Xème siècle avec La stèle funéraire a été retaillée en partie su-
la construction de certains bâtiments commerciaux. périeure si bien que le haut du champ sculpté et le
Plusieurs outils liés à l’activité du tissage montrent couronnement manquent aujourd’hui. Les bandeaux
que jusqu’au XIIIème siècle au plus tard, le quartier latéraux sont arrachés, tout comme la partie gauche
était occupé par des ateliers textiles, ce qui est par- de la plinthe. La saillie du relief, notamment de la tête
faitement corroboré par le nom actuel du quartier des personnages principaux, a subi le même sort. Le
“Basma-hane” (maison de tissu imprimé), un nom monument funéraire a été pratiquement affranchi sur
qui porte en fait aussi la mémoire des usines de tissus sa face, vraisemblablement lorsqu’il a été remployé
imprimés du XIXème siècle. Si l’activité commerciale au revers pour recevoir une inscription de l’époque
72 AKIN ERSOY et LUDOVIC LAUGIER

présenté comme un riche citoyen lettré. La présence


du cheval répond aussi à une convention bien établie
en Asie Mineure : le citoyen est un cavalier ou veut
en tout cas paraître ainsi. Par assimilation au Héros
cavalier, il se trouve implicitement héroïsé lui-même.
Cette façon économe de montrer une partie du cheval
sans guère modifier la largeur du champ sculpté et de
la stèle, est typique des stèles ioniennes de l’époque
hellénistique.
Comme le sommet de la stèle manque, il convient
d’être prudent pour reconstituer sa forme et envisager
son atelier de fabrication. Le monument funéraire
était très vraisemblablement couronné par un fron-
Fig. 32 : État de découverte de la stèle. Détail. ton triangulaire. Peut-être celui-ci était-il séparé du
champ sculpté par un bandeau orné de couronnes
impériale, maladroitement gravée sur quatre lignée honorifiques en très bas-relief, où le nom du ou des
assez irrégulières (voir infra). défunts était indiqué selon la formule « le peuple
Dans le champ sculpté en bas-relief, à droite, un honore », suivi du nom du défunt à l’accusatif. Si
homme vêtu d’un chiton et d’un himation drapé sur tel était bien le cas, la stèle serait alors sûrement
les épaules et les jambes est assis de léger trois-quarts une production de Smyrne ou de sa région : ce type
vers la gauche. Il pose les pieds, chaussés de sandale, d’organisation de la stèle y est en effet très courant,
sur un large marchepied. Son siège, garni d’un épais voire la règle20. Quoi qu’il en soit, il paraît vraisem-
coussin, se distingue par un pied en forme de patte blable qu’il s’agit d’une production locale de ce type.
de lion, agrémenté d’une volute. L’homme tient dans Certes, les scènes de dexiosis montrant un homme
la main droite un rouleau, un volumen, et serre de la assis serrant la main d’un homme debout, attestées en
main gauche la main droite d’un homme debout de- Asie Mineure par une dizaine d’exemplaires21, ne sont
vant lui, de plein profil vers la droite, vêtu d’un chiton pas les plus courantes à Smyrne, où les monuments
et d’un himation drapé sur l’épaule gauche. Derrière funéraires présentant les défunts debout et juxtaposés
ce dernier, un jeune serviteur, figuré plus petit par sont beaucoup plus nombreux. Toutefois, elles y sont
convention, est vêtu d’une tunique courte ceinturée au moins connues par un exemplaire conservé au
à la taille et d’une grande chlamyde accrochée à Louvre et une stèle assez similaire à celle d’Altınpark,
l’épaule droite. Il lève la tête vers le cheval qu’il tient attribuée aux ateliers smyrniotes, aujourd’hui au
par une bride qui devait être peinte. Seule la partie British Museum22. Ces deux exemplaires smyrniotes
antérieure de l’animal, de profil vers la droite, émerge ne présentent pas de cheval de profil mais l’ajout de
du bandeau gauche de la stèle : en sont visibles la celui-ci pour ennoblir symboliquement le défunt est
tête, le poitrail harnaché, la jambe antérieure droite. Il une pratique courante en Asie Mineure occidentale, un
s’agit donc d’une scène de dexiosis : le défunt, assis, code bien répandu, qui ne distingue ou ne discrimine
fait ses adieux à un membre de sa famille. Le geste pas particulièrement tel ou tel atelier local23.
souligne aussi les liens qui les unissent. Le siège re- Le travail de sculpture, la qualité des détails
lativement luxueux et le volumen que tient le défunt représentés et du modelé des drapés, font de ce petit
indiquent par de simples codes son statut social : il est monument funéraire un exemplaire assez soigné,

20) Voir, entre autres, Laugier, 2017 : 224-229.


21) Voir notamment Pfuhl et Möbius, op. cit., 224-226, n° 863-869, pl. 126-128 : stèles de Smyrne, d’Ephèse et de Cyzique. A
cette série, il faut ajouter une variante, celle des hommes assis serrant la main de leur épouse débout, voir Pfuhl et Möbius, op. cit., 227,
n° 872-877, pl. 129-131.
22) Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Ma 3298 ; British Museum, Greek and Roman
department, inv. 1805,0703.258.
23) Pour une stèle montrant une scène de dexiosis et un cheval de profil, voir l’exemplaire du British Museum provenant d’Ephèse,
Pfuhl et Möbius, op. cit., p.226, n° 869, pl. 128.
SCULPTURES GRECQUES ET ROMAINES DE SMYRNE, DÉCOUVERTES RÉCENTES 73

typique de la période durant laquelle les ateliers de À la deuxième ligne, il peut s’agir d’une
Smyrne et de sa région, étaient particulièrement dyna- abréviation pour ἑαυ(τῇ) καὶ ἀν(δρί) μου (pour
miques, au IIe siècle avant J.-C. L’état de conservation elle-même et mon mari), ce qui serait attendu dans
de la stèle ne permet pas de préciser davantage cette un tel formulaire ; néanmoins, nous ne connaissons
datation.

L’inscription au revers de la stèle d’Altınpark.

Une contribution de Laura Favreau, Musée


du Louvre

Une inscription, peu soignée, est gravée au dos


de la stèle ; elle se déploie sur quatre lignes.
Une partie de la première ligne de l’inscription
a été perdue dans une cassure due au creusement du
haut de la stèle : l’inscription a donc vraisemblable-
ment été gravée après que la stèle a été recoupée,
mais avant que sa partie supérieure ait été retaillée.
Alpha à barre oblique, epsilon et sigma lunaires.
Lettres sans apices.
Lecture d’après photographie :
Αὐρηλία Ϲ̣Δ̣ [- - - - -] κ̣α̣τ̣εϲκε-
ύαϲε ẸAY καὶ ΑΝ ΜΟΥ καὶ
τέκνοιϲ καὶ ἐγόνοιϲ
καὶ ἀπελευθέροιϲ.
Aurélia [cognomen ?] a fait construire (le mo-
nument) [- - - -]
pour ses enfants, ses descendants et ses affranchis.
L. 1 : lacune de cinq ou six lettres.
L. 2 : le texte est difficile à lire. Les quatre premières
lettres sont assurées. La cinquième est une lettre lunaire,
ϵ ou ϲ. Le kappa (huitième lettre) n’est pas net. La on-
zième lettre est angulaire, Α ou Λ. Pour la douzième
lettre, on distingue deux hastes verticales et une haste
transversale légèrement inclinée, il peut s’agir d’un H ou
d’un N.
L. 3 : ἐγόνοις pour ἐκγόνοις (cf. ISmyrna 202, 204,
293)

Dans la lacune de la première ligne était proba-


blement indiqué le cognomen ; un terme désignant
le monument (μνημεῖον, ἐνσόριον ou καμάρα sont
attestés dans les inscriptions de Smyrne) pourrait aussi
avoir figuré à cet emplacement puisqu’il n’apparaît
pas ailleurs dans l’inscription, mais cette hypothèse Fig. 33 : La face et le revers de la stèle funéraire
est moins vraisemblable. de Smyrne, découverte à Altınpark.
IIe siècle avant J.-C.
74 AKIN ERSOY et LUDOVIC LAUGIER

pas d’autre attestation pour cette abréviation24. La Le nom Αὐρηλία est attesté à Smyrne au IIe siècle
cohabitation entre un verbe à la troisième personne de notre ère sur des inscriptions funéraires (ISmyrna
et un pronom de première personne, bien que ma- 243, 251 par exemple) ; il n’est pas attesté en Asie
ladroite, est attestée dans une inscription de Lycie mineure avant l’époque impériale, on le rencontre
(TAM II 990). essentiellement au IIe siècle ap. J.-C., après Marc-
Le formulaire de l’inscription est très bref : aucun Aurèle, et au IIIe siècle, après la constitution antonine
terme ne désigne le monument alors que c’est le cas de 212/213.
dans la plupart des inscriptions funéraires au formu- Ces différents éléments incitent donc à dater
laire proche de Smyrne (à moins de considérer que cette inscription de l’époque impériale, probablement
le cognomen de la défunte est absent, ce qui paraît de la deuxième moitié du IIe siècle ou du début du
peu vraisemblable). S’il s’agit bien, à la deuxième IIIe siècle.
ligne d’une abréviation pour ἀνδρί, ce terme n’est Cette épitaphe recouvre une inscription plus an-
pas précédé de l’article, alors qu’il l’est pratiquement cienne, gravée sur toute la surface de la stèle, longue
toujours dans les inscriptions de Smyrne, et le nom de 9 lignes environ. La gravure en était plus régulière,
du mari n’est pas non plus donné. Cette brièveté et avec des lettres à apices, un peu plus hautes, dont on
ces abréviations, qui ne sont pas dues à un manque aperçoit quelques traces. Nous ne parvenons pas à en
d’espace pour la gravure, donnent l’impression, ren- lire suffisamment pour déterminer la teneur du texte.
forcée par la médiocrité de la gravure, que l’épitaphe Elle a été piquetée, sans que la stèle ait ensuite été
a été peu soignée. préparée pour recevoir la nouvelle inscription.

A.E. et L.L.

24) Dans une inscription funéraire de Pisidia datée du IIIe siècle, on rencontre γυ pour γυ(ναικί) (SEG 57 1545).
SCULPTURES GRECQUES ET ROMAINES DE SMYRNE, DÉCOUVERTES RÉCENTES 75

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