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LA BELLE FÊTE DE LA VALLÉE :

L’ASASIF REVISITÉ*

Manfred Bietak**

Les fouilles menées dans la nécropole thébaine près de Louqsor


(1969‑1978)1, par l’université de Vienne, puis par l’Institut archéologique
autrichien du Caire en parallèle avec l’Académie des sciences autrichienne,
n’ont cessé de révéler des vestiges archéologiques qui sont à aborder en
lien avec l’une des fêtes les plus significatives des nécropoles de l’Égypte
ancienne, connue sous l’appellation de « belle fête de la vallée »2.

* Nous voudrions remercier nos anciens collègues de Thèbes-Ouest, Josef Dorner, Diethelm
Eigner, Elfriede Reiser Haslauer, Heinz Satzinger † et Helga Singer †. Nous sommes également
obligé à Julia Budka et Claus Jurman pour la relecture du manuscrit ainsi que pour d’importantes
remarques. Sauf en cas de mention contraire, les illustrations ont été réalisées par Nicola Math.
Pour la traduction française nous remercions beaucoup Mme Marie Malherbe.
** Professeur émérite d’égyptologie à l’université de Vienne ; ancien directeur de l’Institut
autrichien d’archéologie du Caire.
1. Publié par l’Académie des sciences autrichienne (Österreichische Akademie der Wissens‑
chaften) : M. Bietak, Theben-West (Luqsor). Vorbericht über die ersten vier Grabungskampag-
nen (1969-1971) (Sitzungsberichte der Philosophisch-historischen Klasse der Österreichischen
Akademie der Wissenschaften 278/4), Vienne, 1972 ; M. Bietak – E. Reiser-Haslauer, Das Grab
des Anch-Hor Obersthofmeister der Gottesgemahlin des Amun, Nitokris, 2 vol., (Untersuchun-
gen der Zweigstelle Kairo des Österreichischen Archäologischen Institutes V-VI), Vienne, 1978-
1982 ; J. Budka, Bestattungsbrauchtum und Friedhofsstruktur im Asasif. Eine Untersuchung der
spätzeitlichen Befunde anhand der Ergebnisse der österreichischen Ausgrabungen in den Jahren
1969–1977 (Untersuchungen der Zweigstelle Kairo des Österreichischen Archäologischen Insti-
tutes 34), Vienne, 2010 ; D. E igner, Die monumentalen Gräber der Spätzeit in Theben-West : Eine
baugeschichtliche Analyse (Untersuchungen der Zweigstelle Kairo des Österreichischen Archäo-
logischen Institutes VII), Vienne, 1984.
2. G. Foucard, « La belle fête de la vallée », BIFAO 24 (1924), p. 1-209 ; S. Schott, Das schöne
Fest vom Wüstentale. Festbräuche einer Totenstadt (AAWMainz 11), Wiesbaden, 1953 ; M. Bietak –
E. Reiser-Haslauer, Das Grab des Anch-Hor I, p. 19-29 ; E. Graefe, LÄ VI (1986), s. v. « Talfest »,
col. 187-189 ; S. Wiebach, « Die Begegnung von Lebenden und Toten im Rahmen des thebanischen
Talfestes », SAK 13 (1986), p. 263-291.

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Dans cet exposé, je tenterai un commentaire de cette fête à la lumière des


fouilles qui furent menées dans le centre de la nécropole de Thèbes, ancienne
capitale de l’Empire, à proximité du cirque de Deir el-Bahari entre 1969 et 1978.
La fête doit remonter au moins au règne du roi Nebhepetreʿ Montouhotep II
(juste avant 2000 av. J.-C.)3, qui avait fait ériger son superbe temple funéraire4
dans ce cirque éloigné en face de Thèbes (pl. 1). On peut supposer que la
déesse vache Hathor y possédait déjà une grotte cultuelle5, ce que l’on peut
soupçonner en raison des objets retrouvés et de la continuité spatiale sous
le sanctuaire plus tardif d’Hathor, celui de la reine Hatchepsout6. Il est à
supposer que cette grotte cultuelle ait reçu une nouvelle consécration sous
Montouhotep II7.
Hathor se présente à nous, à côté de sa fonction de déesse du ciel et de déesse
maternelle protectrice du pharaon, comme déesse des confins8, et patronne des
régions désertiques lointaines à l’écart des cultures, tout comme des mines, ou
du Sinaï. À Thèbes, cette déesse a néanmoins assumé la fonction de patronne
protectrice de la nécropole, ce qui la positionne à la frontière de la vie. Son
implantation à Thèbes doit provenir de son lieu cultuel principal à Dendérah9.
Des titres de prêtresse d’Hathor de Dendérah sont connus dans le domaine
thébain depuis l’Ancien Empire tardif, et surtout le début de la xie dynastie10.
Nous possédons un indice explicite de l’existence d’un culte local d’Hathor
3. Le nom ỉn.t Nb-Hp.t-Rʿ in.t « vallée de Nebhepetreʿ » à l’époque d’Hatchepsout montre bien
l’étroite association à ce roi dans la mémoire. Cf. M. Ullmann, « Origins of Thebes as a Ritual
Landscape », dans P. F. Dorman (éd.), Sacred Space and Sacred Function in Ancient Thebes :
Occasional Proceedings of the Theban Workshop (SAOC 61), Chicago, 2007, p. 8. Voir aussi le
résumé dans J. Budka, Bestattungsbrauchtum, p. 29, n. 58.
4. PM II, p. 381-400 ; D. A rnold, Der Tempel des Königs Mentuhotep von Deir el-Bahari I,
Architektur und Deutung (AV 8) ; II, Die Wandreliefs des Sanktuares (AV 11), Mayence, 1974 ; Id.,
The Temple of Mentuhotep at Deir el-Bahari, from notes of Herbert Winlock (The Metropolitan
Museum of Art), New York, 1979.
5. Le fait que le temple de Nebhepetreʿ n’ait pas été érigé au centre du cirque, mais décalé vers
le sud, est un indice suggérant que la grotte cultuelle devait elle-même se trouver au niveau
de cet ancien centre, avant d’être remplacée par des travaux ultérieurs de construction sous
Hatchepsout et Thoutmosis III. L’emplacement le plus vraisemblable était l’espace sous le
sanctuaire d’Hathor d’Hatchepsout (cf. n. 7).
6. Varille rapporte qu’un marchand d’antiquités lui aurait montré de petites plaques associées
à une fondation, sur lesquelles figuraient les noms d’Hathor et de Montouhotep. Varille en
devina comme provenance les travaux de déblaiement dans le quartier du sanctuaire d’Hathor
d’Hatchepsout (cf. S. Schott, Das schöne Fest, p. 5, n. 3).
7. Voir note précédente.
8. Ibid., p. 5.
9. A. I. Sadek, Popular Religion in Egypt during the New Kingdom (HÄB 27), Hildesheim,
1987, p. 49 ; H. G. Fischer, Denderah in the Third Millennium B. C., New York, 1968, p. 52-53.
10. Sh. Allam, Beiträge zum Hathorkult (MÄS 4), Berlin, 1963, p. 58-62 ; A. I. Sadek, Popular
Religion, p. 48 sq. ; M. Galvin, The Priestesses of Hathor in the Old Kingdom and the Ist Intermediate
Period, Dissertation, Brandeis University, UMI Ann Arbor, 1981, p. 12 ; S. Rzepka, « Old Kingdom
Graffiti in Deir el-Bahri », dans N. Kloth – K. Martin – E. Pardey (éd.), Es werde niedergelegt
als Schriftstück. Festschrift für Hartwig Altenmüller zum 65. Geburtstag (BSAK 9), Hambourg,
2003, p. 379-385; J. Budka, Bestattungsbrauchtum, p. 480, n. 2813 ; récemment aussi L. Morenz,
« Hathor in Gebelein. Vom archaischen Höhenheiligtum zur Konzeption des Sakralbezirkes ; als
zweites Dendera unter Menthu-hotep (II.) » dans R. Preys (éd.), 7. Ägyptologische Tempeltagung ;
Structuring Religion, Leuven, 28. September – 1. Oktober 2005, Akten der ägyptologischen

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par le fait que dans l’enceinte du temple de Montouhotep II, les six épouses
secondaires du roi étaient toutes prêtresses d’Hathor11. Un fragment de relief,
aujourd’hui au musée de Hanovre (Hannover 1935.200.82)12, montre le roi
dans la posture du rejeton divin buvant au pis de la vache Hathor – une scène
bien connue du sanctuaire d’Hathor d’Hatchepsout et de la chapelle d’Hathor
de Thoutmosis III (pl. 1)13. Des représentations d’Hathor dans le sanctuaire
du temple de Montouhotep sont disposées en scènes cultuelles importantes14 ;
c’est ainsi que dans la scène où Montouhotep II se présente face au dieu
créateur Min-Amon, elle se tient juste derrière le roi (pl. 2)15. Hathor est
jusqu’ici présentée comme patronne de Dendérah16. Elle est encore associée
au sanctuaire de Nebhetepreʿ Montouhotep II à l’époque du Nouvel Empire17.
Hathor tenait un rôle important dans ce que l’on appelait la « belle fête de
la vallée », au cours de laquelle le dieu Amon de Thèbes traversait le Nil de
son temple de Karnak vers la rive ouest, pour se rendre en procession festive
au sanctuaire d’Hathor (pl. 3-5). Les prêtres d’Amon du temple funéraire du
roi Nebhepetreʿ Montouhotep II et de Seʿanchkareʿ Montouhotep III passaient
la nuit précédant la fête sur le mont El-Qurn (« la corne »), dont la forme
pyramidale s’élève au-dessus du cirque de Deir el-Bahari – destination finale
du cortège. Les prêtres avaient le devoir d’observer le départ de la procession
festive à l’aube ; ils laissèrent leurs noms et titres sur les parois rocheuses en
de nombreux graffiti18.
La fête connut des changements au cours de son histoire de quelque deux
mille ans. Les événements officiels, comme la traversée vers l’Ouest à la rame et
la visite du temple funéraire, nous sont connus principalement par les inscrip‑
tions et reliefs de temples. Les événements privés, se déroulant en majeure
partie dans les tombes de la nécropole, ne sont connus que par les fresques
des tombes, étant donné que la « belle fête de la vallée » n’est mentionnée
que très rarement dans les inscriptions19. Dans la plupart des cas, la référence
à cette fête est donc une supposition très vraisemblable ; dans certains cas
cependant, l’allusion à d’autres fêtes ne peut être exclue. Les représentations
qui nous sont familières remontent essentiellement à la xviiie dynastie, alors
que pendant la période ramesside, les événements profanes de la fête n’appa‑
raissent plus, et que les références à la « belle fête de la vallée » se limitent
au rituel. Dans notre connaissance du déroulement de la fête, beaucoup d’élé‑

Tempeltagungen 2/Königtum, Staat und Gesellschaft früher Hochkulturen 3, Wiesbaden, 2009,


p. 191-210.
11. Sh. A llam, Beiträge zum Hathorkult, p. 62-64 ; D. A rnold, Der Tempel des Königs
Mentuhotep i, p. 83 sq.
12. R. Drenkhahn, Ägyptische Reliefs im Kestner-Museum Hannover, Hanovre, 1989, p. 63,
fig. 18.
13. PM II, p. 543 (u).
14. D. A rnold, Der Tempel des Königs Mentuhotep II, pl. 25, 26, 28, 44.
15. Ibid., pl. 25, 26.
16. Ibid., pl. 28.
17. H. E. Winlock, The Rise and the Fall of the Middle Kingdom in Thebes, New York, 1947,
p. 84 ; Sh. Allam, Beiträge zum Hathorkult, p. 61.
18. PM I/22, p. 668 sq.
19. S. Schott, Das schöne Fest, p. 7.

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ments relèvent de l’interprétation, alors que certains nous sont curieusement


restés, comme l’extinction du flambeau dans du lait après qu’Amon a passé la
nuit de la fête dans son sanctuaire du temple d’Hatchepsout20.
La destination originelle du cortège d’Amon a dû être la grotte cultuelle
d’Hathor à l’extrémité de la vallée désertique (aujourd’hui Deir el-Bahari).
Nous pouvons déduire d’une tardive évocation de Diodore (1, 97, 9) au
i er siècle av. J.-C. que les Égyptiens portaient chaque année la statuette
cultuelle de Zeus (Amon) de l’autre côté du fleuve, vers la Libye (sur la côte
ouest). L’union solennelle des deux divinités était signifiée lors du culte par le
fait que les prêtres portaient les statuettes de Zeus et d’Héra (Amon et Hathor)
sur une élévation jonchée de fleurs (en gros un podium)21. Quelques jours plus
tard, la divinité (Zeus) était ramenée. Bien que Thèbes ne soit pas nommée,
ce passage au sujet d’une traversée annuelle en bateau vers l’ouest se réfère à
la « belle fête de la vallée ».
Les actions cultuelles représentées pourraient faire penser à une fête ayant
pour objet une hiérogamie. Il est intéressant de noter, en ce qui concerne le
glissement de sens de cette fête par la suite, qu’au ier siècle av. J.-C., on se
souvenait encore du but originel de cet événement annuel. Notons également
que l’image processionnelle d’Amon, autant qu’il nous en est montré, repré‑
sente le dieu créateur Min-Amon ithyphallique (pl. 4-5). Dans l’Égypte
ancienne, les visites de dieux en arrière-plan des fêtes cultuelles sont surtout
connues dans les périodes tardives, ce qui rend l’évocation de Diodore tout à
fait crédible.
Dieter Arnold, qui a examiné en détail le temple funéraire de Nebhepetreʿ
Montouhotep II, a reconstitué des fragments de reliefs du mur extérieur sud
du sanctuaire22, qui montrent le roi tenant les rames de la barque cultuelle du
dieu Amon pour lui faire traverser le Nil depuis Thèbes23. Même s’il n’est pas
indiqué à quelle occasion avait lieu cette traversée, il est fort vraisemblable
qu’elle soit à relier à la « belle fête de la vallée » (pl. 3). L’intérêt particulier
du roi pour le culte d’Hathor est également connu24. La traversée du fleuve et
les événements cultuels en l’honneur d’Hathor sont deux éléments essentiels
de la « belle fête de la vallée ».

20. S. Schott, « Das Löschen von der Fackeln in Milch », ZÄS 73 (1937), p. 1-25.
21. Le fait qu’il ne soit pas mentionné de retour pour Héra (Hathor) montre que celle-ci était
chez elle au point final de la procession.
22. D. A rnold, Der Tempel des Königs Mentuhotep ii, pl. 22, 23.
23. La supposition du déplacement à la rame est plus réaliste pour une traversée du Nil qu’une
navigation à la gaffe. Malheureusement, l’emplacement du supposé safran dans le relief n’a pas
été conservé. L’époque de Sésostris I er offre pourtant une comparaison, montrant un safran plutôt
qu’une gaffe : L. Gabolde, Le « grand château d’Amon » de Sésostris Ier à Karnak. La décoration
du temple d’Amon-Rê au Moyen Empire (MAIBL, n.s. 17), Paris, 1998, pl. IX. Thoutmosis III
est également figuré ramant lorsqu’il fait passer la barque cultuelle d’Amon sur l’autre rive. Cf.
Fr. Burgos – Fr. Larché, La chapelle Rouge I. Fac-similés et photographies des scènes, Paris,
2006, p. 113.
24. Sh. Allam, Beiträge zum Hathorkult, p. 1, 15, 39, 47 sq., 59-75, 97 ; L. Gestermann, « Hathor,
Harsomtus und Mnṯw-ḥtp.w ii », dans Studien zur Sprache und Religion Ägyptens, Zu Ehren von
Wolfhart Westendorf überreicht von seinen Freunden und Schülern 2 : Religion, Göttingen, 1984,
p. 763-776 ; récemment L. Morenz, « Hathor in Gebelein ».

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On peut relativement bien expliquer à partir de quel moment cette fête est
devenue une fête de nécropole, où Amon rendait visite aux morts et aux rois
défunts dans la nécropole. Ce changement remonte vraisemblablement déjà
au long règne de Nebhepetreʿ Montouhotep II. L’étude du plan de la fameuse
« vallée », de l’emplacement de son temple funéraire avec de profondes tombes
rocheuses intégrées, de la chaussée montante, avec le groupement des tombes
de ses fonctionnaires (pl. 1) conduit à la conclusion que toute la nécropole de
la xie dynastie représentait dans le paysage un tout cohérent. Les tombes se
regroupent d’un côté en hauteur, dans les galeries situées au nord du cirque,
de l’autre en contrebas, tout le long de la chaussée montante conduisant des
champs jusqu’au quartier du temple funéraire. Les tombes ne sont toutefois
pas disposées en fonction du temple funéraire du souverain, mais orientées
soit vers l’est en direction du temple d’Amon, soit vers la chaussée montante.
Si l’on garde à l’esprit que cette chaussée, large de 40 mètres environ, était
pavée et sécurisée au nord et au sud par un double mur de clôture, il apparaît
une grande différence avec les rampes d’accès aux pyramides de l’Ancien
Empire, étroites et couvertes. Cette largeur et cette ouverture donnent à la
chaussée de Montouhotep le caractère net d’une voie processionnelle, scène
d’un cortège pour la « belle fête de la vallée ». La disposition des tombes
par rapport à la voie processionnelle et au temple d’Amon sur l’autre rive
du Nil révèle clairement que les propriétaires des tombes avaient le vœu de
pouvoir participer à la « belle fête de la vallée » pour l’éternité. Dans cette
optique, la fête et la nécropole deviennent un organisme cohérent au regard
de la conception de l’au-delà des anciens Égyptiens.
Des restes de la chaussée montante ont été retrouvés par nos fouilles,
relatifs aussi bien à son pavement en briques de terre crue recouvert d’une
couche de chaux qu’au double mur d’enceinte (pl. 6). Le long de la bordure
se trouvaient à intervalles réguliers des balises en pierre calcaire, à l’aide
desquelles on avait contrôlé les alignements aussi bien que la pente de la
chaussée. Immédiatement au nord de la chaussée furent dégagées des tombes
de la xie dynastie. Ces tombes se poursuivent à l’ouest de notre territoire sur
la concession allemande et à l’est sur la concession italienne (pl. 1). Il y a
également des traces de tombes de la xie dynastie au sud de la rampe, mais il
s’agit là d’un terrain peu fouillé.
La « belle fête de la vallée » pourrait être par ailleurs associée à un temple
funéraire situé dans la vallée voisine au sud, temple qu’Herbert E. Winlock
attribue à Seʿankhkareʿ Montouhotep III25, tandis que Dorothea Arnold,
appuyée sur une solide argumentation, l’attribue au contraire au fondateur de
la xiie dynastie, Amenemhat Ier26.
Ce temple se situe également au fond d’un cirque, et était de même acces‑
sible par une longue chaussée montante, laquelle ne fut peut-être jamais
achevée. Le plan de cette chaussée est aujourd’hui identifié avec l’Asasif-sud,
par analogie avec son homonyme nord conduisant à Deir el-Bahari. La signi‑
fication de ce site méridional pour la « belle fête de la vallée » devient de plus

25. PM II, p. 340.


26. Do. A rnold, « Amenemhat I and the Early Twelfth Dynasty at Thebes », MMJ 26 (1991),
p. 5-48.

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en plus évidente au vu de la situation des temples funéraires d’Hatchepsout27,


Aménophis II28 et surtout Ramsès II29, au débouché de la chaussée-sud. Il
convient de même d’attirer l’attention sur la concentration des tombes tardives
près de la chaussée, au nord comme au sud30.
On suppose que la « belle fête de la vallée » a par la suite perdu de sa
signification, étant donné que la xiie dynastie s’est transférée vers le nord dans
la région de Memphis, et a fondé une nouvelle résidence avec Itji-tauwi, près
de l’entrée du Fayoum. Il convient pourtant à ce propos d’attirer l’attention
sur des statues de Sésostris III, érigées dans le quartier du temple de
Montouhotep II, qui montrent le roi en prière31. Ces statues ne manifestent
pas seulement un lien avec l’unificateur de l’empire Montouhotep II ; elles
confirment également la présence éternelle du roi Sésostris III dans la « belle
fête de la vallée ».
La xviiie dynastie, qui fonda le Nouvel Empire depuis Thèbes et fit aussi
inhumer à cet endroit l’ensemble de ses fonctionnaires, occasionna une
renaissance de la Fête de la Vallée. Aménophis Ier érigea un temple en briques
de terre crue au nord du quartier de Montouhotep de la xie dynastie, qui fut
recouvert par les travaux de la construction du temple d’Hatchepsout32. Rien
n’indique de façon certaine s’il s’agissait là d’un temple funéraire, ou d’un
reposoir d’étape pour les barques lors de la « belle fête de la vallée ». Deux
indices plaident en faveur de la première hypothèse : des figurines du roi sous
forme d’Osiris, en grès, retrouvées dans les alentours, ainsi que la proximité
de la tombe de son épouse Merit-Amon au nord du temple d’Hatchepsout33.
On devine aussi dans les environs la présence de tombes des sœurs du roi34.
La situation de la tombe du roi lui-même n’est pas encore élucidée.
C’est cependant Hatchepsout (env. 1479–1457 av. J.-C.) et Thoutmosis III
(env. 1479–1425 av. J.-C.), qui offrirent à la fête de la nécropole un cadre neuf
et plein d’éclat (pl. 7). Le célèbre temple de la reine à structure étagée, au
nord du temple de Montouhotep, en faisait partie35. Il reçut le nom program‑
matique et ambitieux de « grand château des millions d’années, temple
d’Amon Djeser-djeserou en sa parfaite place de la première fois ». Cela
signifie en substance qu’il s’agit d’un temple funéraire et en même temps
d’un temple d’Amon sur un site primitif. Le complexe tombal de la reine ne
se trouvait plus dans la partie arrière du temple funéraire comme chez le roi

27. M. Ullmann, König für die Ewigkeit. Die Häuser der Millionen von Jahren. Eine
Untersuchung zu Königskult und Tempeltypologie in Ägypten (ÄAT 51), Wiesbaden, 2002,
p. 53-59.
28. PM II, p. 429-431 ; P. Der M anuelian, Studies in the Reign of Amenophis II, p. 268.
29. PM II, p. 431-443 ; M. Ullmann, König für die Ewigkeit, p. 339 sq.
30. Voir infra.
31. PM II, p. 384 sq.
32. Ibid., p. 343 ; D. A rnold, The Temple of Mentuhotep at Deir el-Bahari, pl. 42 ; A. Dodson,
« Amenhotep I and Deir el-Bahri », Journal of the Ancient Chronology Forum 3 (1989-90),
p. 43.
33. PM I/12, p. 421 (TT 358).
34. A. Dodson, « Amenhotep I and Deir el-Bahri », p. 42-44.
35. PM II, p. 340-377 ; à propos du culte solaire de ce temple, voir J. Karkowski, The Temple
of Hatshepsut: The Solar Complex (Deir el-Bahari VI), Varsovie, 2003.

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L’asasif revisité

Montouhotep II, mais derrière le cirque de Deir el-Bahari, de l’autre côté du


massif montagneux, dans la Vallée des Rois.
Nous avons encore songé à un lien entre le temple et le tombeau dans le
cas d’Hatchepsout. Les temples funéraires furent par la suite érigés dans la
partie désertique inférieure, en marge des terres fertiles, ce en quoi ils étaient
fort éloignés des sites d’inhumation dans la Vallée des Rois.
Parmi les installations successives d’Hatchepsout en rapport avec la « belle
fête de la vallée », il faut principalement mentionner la chaussée longue de
2000 coudées (1053 m) qui conduisait d’un temple de la vallée au temple
funéraire ; à mi-chemin y était aménagé un sanctuaire d’étape. Le temple
funéraire était ce que l’on appelait un « château de millions d’années »36.
Cette sorte de sanctuaires, construits au stade initial dès Montouhotep II,
étaient en fait dédiés à Amon, lequel visitait la nécropole et nécessitait par
là un sanctuaire. L’imposant sanctuaire principal, à l’ouest de la cour de la
plus haute terrasse d’Hatchepsout, était en effet un reposoir qui abritait Amon
pendant sa visite à l’occasion de la « belle fête de la vallée ». La destination
originelle du cortège, la déesse Hathor en tant que protectrice de la nécropole,
n’était pas oubliée pour autant. Elle reçut un nouveau temple au sud du temple
étagé de la reine, temple équipé de sa propre rampe d’accès.
Pour pouvoir réaliser le complexe de son temple avec ses accès, la reine
dut entamer la montagne et élargir le cirque de Deir el-Bahari vers le nord.
Pour l’alignement du chemin en direction du temple de la vallée, et ensuite
en direction du temple d’Amon sur l’autre rive, une tranchée de 40 mètres
de large dut être percée à travers le massif désertique37. Cela détruisit de
nombreuses tombes de la nécropole de la xie dynastie, dont certaines se
trouvaient au nord de la chaussée de Nebhetepreʿ Montouhotep II.
Ces travaux furent conduits parallèlement à un colossal programme de
construction mené par la reine, qui ne se limitait pas à Thèbes, mais incluait
plusieurs régions du pays, y compris la Nubie. Le fait que ce soit la reine qui
ait été derrière ces travaux de restauration de la « belle fête de la vallée »
se reconnaît à l’observation de ses travaux de construction à Karnak. Elle
y fit installer, devant le temple du Moyen Empire qui abritait jusque là la
statue de culte d’Amon et servait comme sanctuaire principal, un nouveau
type de temple, moderne, qui devait avoir dorénavant valeur de modèle. Elle
fit déplacer le premier reposoir, anciennement situé devant le bâtiment, au
centre du nouveau temple : elle en fit le sanctuaire de barque connu sous
l’appellation de « chapelle rouge »38. C’est ainsi que furent créés le point de

36. Sur sa fonction : D. A rnold, Wandrelief und Raumfunktion in ägyptischen Tempeln des
Neuen Reiches (MÄS 2), Berlin, 1962 ; Id., « Vom Pyramidenbezirk zum „Haus der Millionen
Jahre“ », MDAIK 34 (1978), p. 1-8 : G. Haeny, « Zur Funktion der „Häuser für Millionen
Jahre“ », dans R. Gundlach – M. Rochholz (éd.), Ägyptische Tempel – Struktur, Funktion und
Programm (Akten der Ägyptologischen Tempeltagungen in Gosen 1990 und in Mayence 1992)
(HÄB 37), Hildesheim, 1994, p. 101-106 ; M. Ullmann, König für die Ewigkeit, p. 661-670, 674-
676, et dernièrement S. Schröder, Millionenjahrhaus. Zur Konzeption des Raumes der Ewigkeit
im konstellativen Königtum in Sprache, Architektur und Theologie, Wiesbaden, 2010.
37. M. Bietak, Theben-West (Luqsor), p. 11 ; M. Bietak – E. R eiser-H aslauer, Das Grab des
Anch-Hor I, p. 26.
38. PM II, p. 98-102 ; Fr. Burgos – Fr. Larché, La chapelle Rouge.

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départ de la « belle fête de la vallée », et son pendant à la chapelle de Deir


el-Bahari, bien que ces deux pôles aient été aménagés différemment d’un
point de vue architectural. La chapelle rouge fut utilisée de la même façon
comme sanctuaire de départ pour la fête d’Opet. Les scènes figurant cette
dernière se trouvent sur le mur extérieur sud de la chapelle rouge39, alors que
les représentations de la « belle fête de la vallée » sont situées significati‑
vement sur son mur extérieur nord40.
C’est sous le règne d’Hatchepsout que nous avons la plus ancienne preuve
d’une autre grande fête à Thèbes, la fête d’Opet précitée41. C’était également
une fête processionnelle fixée par le calendrier, pendant laquelle Amon
sortait de son temple de Karnak pour être halé sur une barque le long du Nil
jusqu’au temple de Louqsor – temple d’Opet-sud (Ỉp.t-rsỉ.t). Là, on célébrait
le renouvellement du Ka royal (force de vie), si important pour le maintien
de la royauté42. Malgré les réserves de Siegfried Schott et Hellmut Brunner43,
la hiérogamie entrait également en jeu dans cette fête. Celle-ci permettait
en effet à l’événement virtuel de s’accomplir à travers la célèbre scène de
naissance, manifestant par là l’origine divine du roi44. La version la mieux
conservée se trouve dans le temple de Louqsor d’Aménophis III45, mais nous
en retrouvons un pendant dans le programme mural du temple d’Hatchepsout
à Deir el-Bahari46.
À l’époque d’Hatchepsout, la procession vers Louqsor avait lieu par voie
terrestre et le retour par voie d’eau. Le temple d’Opet d’Hatchepsout n’est
plus conservé ; il a été sacrifié pour le temple de Louqsor d’Aménophis III47.
Il subsiste cependant devant le temple de Louqsor un sanctuaire d’étape de
l’époque d’Hatchepsout et de Thoutmosis III, déplacé sous Ramsès II48. Nous
possédons en outre la preuve scripturaire et iconographique, ainsi que des
reliefs en creux, de six stations situées entre Karnak et Louqsor, destinées
à offrir un abri sûr à la statuette cultuelle d’Amon pendant la procession49.
Du temple de Louqsor fut imaginée un autre axe vers l’Asasif-sud et l’ancien

39. Ibid., p. 43-53, 59-65.


40. Ibid., p. 95-99, 108-114.
41. W. Wolf, Das schöne Fest von Opet (Ernst von Sieglin Expedition 5), Leipzig, 1931 ;
W. J. Murnane, LÄ IV (1982), col. 574-579, s. v. « Opetfest » ; The Epigraphic Survey, Reliefs
and Inscriptions at Luxor Temple 1. The Festival Procession of Opet in the Colonnade Hall (OIP
112), Chicago, 1994.
42. L. Bell, « Luxor Temple and the Cult of the Royal Ka », JNES 44 (1985), p. 251-294 ;
W. Waitkus, Untersuchungen zu Kult und Funktion des Luxortempels 1 : Untersuchung
(Aegyptiaca Hamburgensia 2), Gladbeck, 2008, p. 223-267.
43. H. Brunner, Die südlichen Räume des Tempels von Luxor (AV 18), Mayence,1977, p. 10-
12.
44. De même C. J. Bleeker, Egyptian Festivals, Enactments of Religious Renewal (Suppl. to
Numen 13), Leyde, 1967, p. 137-139. Voir aussi W. Waitkus, Untersuchungen, p. 223-267.
45. H. Brunner, Die Geburt des Gottkönigs. Studien zur Überlieferung eines altägyptischen
Mythos (ÄgAbh10), Wiesbaden, 1964, p. 6-7, pl. I-XVI ; PM II, p. 326-328 ; W. J. Murnane,
« Opetfest », col. 576.
46. PM II, p. 384 (17) ; H. Brunner, Die Geburt des Gottkönigs, p. 3-5.
47. PM II, p. 301-339 ; W. Waitkus, Untersuchungen.
48. PM II, p. 309 f, Plan XXVIII.
49. Fr. Burgos – Fr. Larché, La chapelle Rouge, p. 43-53, 59-65.

138
L’asasif revisité

temple funéraire d’Amenemhat Ier (identifié jusqu’alors comme celui de


Montouhotep III)50, à l’extrémité orientale duquel la reine fit ériger un autre
« château des millions d’années » comme reposoir d’étape pour ce chemin
processionnel méridional de la « belle fête de la vallée »51.
Ces fêtes offrirent à la jeune reine l’occasion d’affermir sa popularité,
alors que son droit au trône était encore mal affirmé, à travers une auto-mise
en scène cultuelle le long des voies processionnelles aménagées52. Elle était
la seule descendante de la branche principale de la dynastie : née en ligne
directe de l’épouse principale de Thoutmosis Ier, la grande épouse divine
Ahmès, elle était seule porteuse du sang royal. Le demi-frère et époux d’Hat‑
chepsout, Thoutmosis II, tout comme le fils de ce dernier, Thoutmosis III,
étaient nés d’épouses secondaires qui n’étaient pas de lignée royale53. On peut
deviner que ce fait ait déterminé les actes ultérieurs d’Hatchepsout. En tant
que régente de son neveu encore mineur Thoutmosis III, elle prit finalement
l’initiative inhabituelle de revendiquer pour elle-même la dignité pharaonique
sans déposer son neveu. Elle régna à quelques détails près sans limitation,
mais, si l’on en croit les reliefs, associa toutefois Thoutmosis III aux événe‑
ments cultuels54.
Indépendamment de son importante activité constructrice dans la vallée
de Deir el-Bahari, à Karnak et à Louqsor, elle renouvela sur la rive ouest près
de Médinet Habou un temple de la fin de la xie dynastie, situé à côté d’une
colline primitive sacrée dédié à l’ogdoade de Thèbes55. Ce sanctuaire fut
parachevé par Thoutmosis III, et représente en même temps le point d’arrivée
de la fête de la décade, où tous les dix jours, on amenait depuis le temple

50. Voir supra, n. 27.


51. Voir supra, n. 28-30. L’axe temple de Louqsor – sud de l’Asasif est défini architecturalement
par Ramsès II, dans la mesure où celui-ci fit aménager une sortie latérale depuis sa première
cour du temple de Louqsor jusqu’à un quai sur le Nil, et fit ériger le Ramesseum sur la rive
occidentale en face de son temple funéraire. Le fait que ces temples soient pensés comme un
ensemble est exprimé à travers le parallélisme des noms ẖnm.t nḥḥ (Louqsor) et ẖnm.t Wȝs.t
(Ramesseum) : R. Stadelmann, « Tempel und Tempelnamen in Theben-Ost und -West »,
MDAIK 34 (1978), p. 178 sq.
52. Sur les voies processionnelles comme scènes d’auto-mise en scène cultuelle chez
Hatchepsout, voir F. Arnold, « Pharaonische Prozessionsstrassen. Mittel der Machtdarstellung
unter Königin Hatschepsut », dans E.-L. Schwandner – K. Rheidt (éd.), Macht der Architektur
– Architektur der Macht. Bauforschungskolloquium in Berlin vom 30. Oktober bis 2. November
2002, veranstaltet vom Architektur-Referat des DAI, Mayence, 2004, p. 13-23 ; J. Baines
« Public Ceremonial Performance in Ancient Egypt : Exclusion and Integration », dans
T. Inomata – L. S. Coben (éd.), Archaeology of Performance. Theaters of Power, Community,
and Politic, Lanham, 2006, p. 286 sq. Sur les voies processionnelles en général : A. Cabrol, Les
voies processionnelles de Thèbes (OLA 97), Louvain, 2001.
53. E. F. Wente, « Genealogy of the Royal Family », dans J. E. Harris – E. F. Wente (éd.),
An X-Ray Atlas of the Royal Mummies, Chicago, 1980, p. 129-131 ; C. H. Roehrig (éd.),
Hatshepsut. From Queen to Pharaoh (Catalogue Metropolitan Museum of Art, New York),
New Haven – Londres, 2005, p. 7, 87-90.
54. Fr. Burgos – Fr. Larché, La chapelle Rouge, par ex. p. 47, 51, 52, 57, 58, 60-62, 69, 71, 98,
99, 103, 105, 111,113,114, 117, 118, 120, 140-143, 150, 152, 155, 167, 170-172, etc.
55. PM II, p. 466-474 ; The Epigraphic Survey, Medinet Habu IX. The Eighteenth Dynasty
Temple I. The Inner Sanctuaries. With Translations of Texts, Commentary, and Glossary (OIP
136), Chicago, 2009.

139
Manfred Bietak

de Louqsor par le Nil l’image cultuelle du dieu Amon en sa qualité de dieu


créateur. Ce rituel servait à la régénération du dieu, à travers son union à
l’ogdoade et à sa propre forme primitive56.
Ce fut surtout Hatchepsout qui créa les nouveaux cadres des fêtes thébaines,
bien qu’il faille attirer l’attention sur les axes est-ouest Karnak – l’Asasif-nord
– Deir el Bahari, temple de Louqsor – l’Asasif-sud, et temple de Louqsor
– Médinet Habou. Outre l’axe nord-sud Karnak-Louqsor, ces axes est-ouest
ont marqué durablement la topographie de la ville de Thèbes (pl. 2a)57 et
intégraient le déroulement cultuel à la course du soleil. Ils plaçaient ainsi
le temple et les voies processionnelles concernés au centre de l’événement
religieux solaire, relié symboliquement à la renaissance et au renouvellement
quotidiens du dieu solaire.
Indépendamment du sens des fêtes religieuses, la procession de la barque
sacrée d’Amon-Reʿ (et plus tard, dans son cortège, des barques sacrées
des autres membres de la triade de Thèbes, Mout et Khonsou, de même
qu’Amaunet), fut pour le peuple l’occasion d’approcher de plus près des images
des dieux, normalement cachées dans le temple, lorsqu’elles étaient portées en
procession. Des requêtes à Amon pouvaient par exemple être mises par écrit
sur des ostraca58 et enfouies dans la terre le long du chemin processionnel,
afin que la divinité puisse en prendre connaissance. À partir d’Hatchepsout,
la piété populaire fut volontairement encouragée, possiblement pour accroître
la popularité de la reine. C’est elle qu’il convient pour cette raison d’identifier
en premier lieu comme l’initiatrice de la signification croissante de la « belle
fête de la vallée ». Dans son temple étagé comme dans son temple d’Hathor,
on trouve des bas-reliefs de la plus grande finesse, qui montrent des représen‑
tations de processions festives – aussi bien le halage des barques sacrées que
le défilé de troupes portant des palmes à la main (pl. 8). L’attention a déjà été
attirée sur les représentations narratives de la fête sur le naos de la barque de
la reine à Karnak.
Thoutmosis III, le corégent et successeur d’Hatchepsout, accentua archi‑
tecturalement la « belle fête de la vallée » de façon significative, avec la même
ardeur que sa tante. Il fit construire son « château de millions d’années »
– son temple funéraire – entre les embouchures de l’Asasif-nord et sud59. Ce
temple constituait un sanctuaire d’Amon pendant la « belle fête de la vallée »,
et était également flanqué en sa partie sud d’une chapelle d’Hathor. Il est
à comprendre comme reposoir d’étape pour la « belle fête de la vallée »,
pouvant servir aussi bien sur la route processionnelle vers Deir el-Bahari
que sur la deuxième route processionnelle qui passait par le sud de l’Asasif.

56. K. Sethe, Amun und die acht Urgötter von Hermopolis : Eine Untersuchung über Ursprung
und Wesen des ägyptischen Götterkönigs (APAW 4), Berlin, 1929 ; K. M. Cooney, « The Edifice
of Taharqa by the Sacred Lake : Ritual Function and the Role of the King », JARCE 37 (2000),
p. 34-37 ; M. Ullmann, « Origins of Thebes, p. 9 sq.
57. Sur les innovations cultuelles et politiques de la reine Hatchepsout, voir V. G. Callender,
« The Innovations of Hatshepsut’s Reign », BACE 13 (2002), p. 29-46.
58. G. Posener, « La piété personelle avant l’âge amarnien », RdE 27 (1975), p. 195-210. Cette
interprétation a été signalée à notre attention par Orly Goldwasser (Université hébraïque de
Jérusalem).
59. PM II, p. 426–429 ; M. Ullmann, König für die Ewigkeit, p. 84-87.

140
L’asasif revisité

Dans la période tardive de son règne, Thoutmosis III érigea pourtant à Deir
el-Bahari, entre le temple de Montouhotep et celui d’Hatchepsout, un autre
« château de millions d’années » nommé « Djeser-akhet », plus haut que les
temples de ses deux prédécesseurs dans la vallée, dédié à l’hébergement
d’Amon-Reʿ pendant la fête60. Il construisit de même son propre sanctuaire
d’Hathor, qui fut achevé sous son fils Aménophis II comme destination finale
de la fête61.
Ce nouveau temple Djeser-akhet était accessible par une chaussée
montante large et ouverte qui lui était propre et qui montait depuis les terres
fertiles62. Comme chez Hatchepsout, les murs d’enceinte de cette chaussée
étaient de calcaire blanc poli (pl. 2b)63. Dans la partie inférieure de la
chaussée se trouvaient des restes de trous de plantation pour des arbres d’une
profondeur allant jusqu’à onze mètres, et qui ont été recensés par l’expédition
du Metropolitan Museum et les fouilles autrichiennes (pl. 9)64. Les trous
les plus à l’ouest étaient seulement au stade de creusement, quand les autres
étaient au contraire déjà remplis de terre du Nil et garnis de plantes, ainsi que
le montrent des restes de racines tendres. Tout apparaît donc comme si cette
allée n’avait été aménagée que dans les dernières années de règne de ce grand
roi. Après sa mort, le projet fut immédiatement abandonné, on n’arrosa même
plus les arbres de l’allée65.
La chaussée de Thoutmosis III fut aménagée parallèlement à celle de
Nebhepetrʿ Montouhotep II, même si le mur de clôture nord de cette dernière
fut sacrifié par ces travaux. Pour donner à cette chaussée, qui est à voir
également comme voie processionnelle pour la « belle fête de la vallée », un
gradient régulier, il fallut tailler le massif désertique dans sa moitié orientale.
De nombreuses tombes de la nécropole de la xie dynastie furent ainsi sacrifiées,
comme déjà par les travaux d’Hatchepsout concernant sa chaussée (pl. 9).
Contrairement au cas de la xie dynastie, on ne trouve que relativement
peu de tombes de l’époque de Thoutmosis III à proximité des rampes
d’Hatchepsout et de Thoutmosis III. Celles-ci se trouvent essentiellement
sur le versant nord d’El-Khokha, accolées aux chaussées (pl. 10)66. Tout

60. PM II, p. 377-381 ; J. Lipinska, The Temple of Tuthmosis III. Architecture (Deir el-
Bahari II), Varsovie, 1977 ; Ead., The Temple of Tuthmosis III. Statuary and Votive Monuments
(Deir el-Bahari IV), Varsovie, 1984 ; Ead., « The Temple of Thutmose III at Deir el-Bahri »,
dans C. H. Roehrig (éd.), Hatshepsut. From Queen to Pharaoh, The Metropolitan Museum
of Art, New York – New Haven – Londres, 2005, p. 285-288. Sur les inscriptions hiératiques
de visiteurs dans le temple, voir M. Marciniak, Les inscriptions hiératiques du Temple de
Thoutmosis III (Deir el-Bahari I), Varsovie, 1974.
61. PM II, p. 380 sq. ; P. Der M anuelian, Studies in the Reign of Amenophis II, p. 264.
62. Sur les phases de la rampe, voir J. Budka, « Non-textual Marks from the Asasif (Western-
Thebes) : Remarks on Function and Practical Use Based on External Textual Evidence », dans
P. Andrássy – J. Budka – F. Kammerzell (éd.), Non-textual Marking Systems, Writing and
Pseudo Script from Prehistory to Present Times (LingAeg Studia monographica 8), Göttingen,
2009, p. 179-203.
63. M. Bietak, Theben-West (Luqsor), p. 16 sq., fig. 1.
64. H. E. Winlock, Excavations at Deir el Bahari 1911-1931, New York, 1942, p. 9-13 ;
M. Bietak, Theben-West (Luqsor), p. 17, fig. 1 ; J. Budka, Bestattungsbrauchtum, p. 45, fig. 3.
65. M. Bietak, Theben-West (Luqsor), p. 16 sq.
66. M. Bietak – E. R eiser-H aslauer, Das Grab des Anch-Hor II, p. 234, fig. 112 A.

141
Manfred Bietak

apparaît comme si un développement comparable à celui de la xie dynastie


avait commencé, puis s’était interrompu pour des raisons inconnues. Dans la
période suivante, la plupart des tombes se trouvent aux extrémités est de la
butte du Cheikh ʿAbd el-Qurna au sud de la vallée sacrée, entre l’Asasif-nord
et celui du sud67. La plupart des complexes de tombes étaient disposés en
direction du temple d’Amon à Karnak. Le programme iconographique de ces
tombes, comportant aussi bien des motifs profanes comme des banquets festifs
et de la danse, que des représentations sacrificielles comme des offrandes
de fleurs ou des holocaustes, peut être considéré comme très révélateur du
déroulement de la « belle fête de la vallée », bien que cette festivité précise ne
soit généralement pas évoquée directement68. Si ces scènes devaient se référer
à la « belle fête de la vallée », nous pourrions supposer que les familles de
Thèbes se positionnaient déjà sur le Nil avant le début des festivités, peut-être
dès la veille de la procession solennelle d’Amon-Reʿ, et passaient le jour de
la fête ainsi que la nuit suivante dans les tombes familiales. On avait ainsi
probablement installé devant les tombes des tentes festives bariolées, qui ont
leur reflet dans le décor du plafond de la chapelle tombale.
Le jour de la fête était inauguré par un holocauste à Amon-Reʿ, puis
venaient les sacrifices alimentaires69. La question de savoir si ces sacrifices
avaient lieu avant la participation au cortège reste posée. Il est pourtant très
vraisemblable que l’on ait réalisé le sacrifice devant l’entrée de la tombe, étant
donné que cette scène se trouve représentée principalement à proximité de
l’entrée de la chapelle tombale. Sur les représentations, on remet aux défunts,
probablement après le cortège, de longs bouquets montés qui avaient été
portés pendant la procession. Dans quelle mesure les prêtres et les prêtresses
d’Hathor agitant le sistre70 visitaient vraiment les tombes ou dans quelle
mesure ces actions étaient une réalité fictive rendue virtuelle à travers l’image
est impossible à dire. On peut deviner qu’en pratique, la remise des fleurs était
effectuée par les familles. La suite de la journée était occupée en repas festifs,
musique, chant et spectacles de danse (pl. 11).
Ces banquets étaient placés sous la protection d’Hathor « maîtresse de
l’ivresse ». Il apparaît en effet qu’on y a consommé en surabondance des
boissons enivrantes. Des représentations murales de la xviiie dynastie qui
dessinent un déroulement de la fête orientée de façon très profane, montrent
de temps à autre des personnes en état d’ébriété enlevées avec raideur, pendant
que des dames distinguées et quelques messieurs de la société avaient besoin
pendant le repas d’une aide serviable afin de vomir (pl. 12)71. Le sens de ces
banquets était bien que les membres inhumés de la famille soient spirituel‑
lement unis à ses membres vivants pour pouvoir prendre part aux festivités.
Les représentations du banquet en font une réalité virtuelle également pour
les cas où la famille ne viendrait plus aux tombes et où celles-ci seraient

67. Ibid.
68. S. Schott, Das schöne Fest, p. 7.
69. Ibid., p. 5-9.
70. Ibid., p. 44 sq.
71. Ibid., p. 76-78, pl. XI.

142
L’asasif revisité

abandonnées. En revanche, la procession solennelle d’Amon-Reʿ est consignée


dans les représentations murales des temples.
Les images pariétales concernant la « belle fête de la vallée » dans les
tombes des xixe et xxe dynasties deviennent de plus en plus sobres, se limitant
aux actions cultuelles et au contenu religieux. Il était devenu habituel de
porter lors des fêtes religieuses des images de rois défunts, en particulier
du patron protecteur de la nécropole, Aménophis Ier, et de sa mère Ahmose
Nofretari, dans les processions. Il y avait de même des statuettes procession‑
nelles appartenant à des personnes privées.
Ramsès IV érigea à l’extrémité orientale des rampes de Montouhotep II
et Thoutmosis III un énorme temple, qui devait couvrir environ l’étendue de
Médinet Habou. Il y fut joint un bassin de fondation d’environ c. 240 x 60 m,
creusé dans le massif désertique attenant et rempli uniquement de sable. Sous
les sanctuaires, la profondeur de fondation était deux fois plus importante. À
l’extrémité occidentale il fallut remblayer en raison du sous-sol qui s’effon‑
drait. Les restes du temple furent exhumés par les fouilles du Metropolitan
Museum sous la direction d’Ambrose Lansing et Herbert E. Winlock, et de
l’Université de Vienne72. D’après des plaques aux noms de Ramsès V et de
son successeur Ramsès VI, le temple ne dut être achevé que sous leurs règnes,
si tant est que le chantier ait jamais été achevé. Les restes de mur, qu’on peut
qualifier de « ghost walls » (murs fantômes), montrent des blocs de calcaire
constitués de spolia, qui portaient encore des reliefs du temps d’Hatchepsout
et Thoutmosis III, ainsi que de Ramsès II. Ces spolia provenaient bien à
l’origine du temple de la vallée d’Hatchepsout, ou des « châteaux de millions
d’années » d’Hatchepsout et de Thoutmosis III au sud de l’Asasif, comme
probablement de l’annexe cultuelle septentrionale du Ramesseum.
La situation du temple permet de conclure sur le fait que sous la
xx e dynastie, la chaussée d’Hatchepsout est bien restée la voie procession‑
nelle de la « belle fête de la vallée ». Comme il ressort d’inscriptions à l’encre
sur des amphores du dépôt de fondation de ce temple73, le vin provenait d’un
vignoble du « château de millions d’années » de Ramsès IV74. On peut en
déduire pour cette raison, ainsi que par la proximité de la voie procession‑
nelle d’Hatchepsout, qu’il s’agissait dans le cas de ce temple d’un « château
des millions d’années » de Ramsès IV75. Tous les temples funéraires à
72. A. Lansing, « The Egyptian Expedition 1934-1935. The Museum’s Excavations at Thebes »,
BMMA Sect. II (Nov. 1935), p. 4-12 ; H. E. Winlock, Excavations at Deir el Bahari, p. 9-13 ;
M. Bietak, Theben-West (Luqsor), p. 17-26, pl. IXc-XIII ; J. Budka, « Die Tempelanlagen
Ramses’ IV. in Theben-West », Kemet 2 (2001), p. 28-32 ; J. Budka, Bestattungsbrauchtum,
p. 48-60 ; M. Ullmann, König für die Ewigkeit, p. 524-542.
73. M. Bietak, Theben-West (Luqsor), p. 19, pl. IXc ; H. Satzinger, « Theben », dans Funde aus
Ägypten. Österreichische Ausgrabungen seit 1961 (Katalog Kunsthistorisches Museum Wien),
Vienne, 1979, p. 95-114 ; J. Budka, « Die Tempelanlagen Ramses’ IV. », p. 54-57.
74. M. Bietak, Theben-West (Luqsor), p. 19, pl. IXc ; H. Satzinger, Theben,, p. 95-114 ; J. Budka,
« Die Tempelanlagen Ramses’ IV. » ; M. Ullmann, König für die Ewigkeit, p. 524-542.
75. Voir au contraire M. Ullmann, König für die Ewigkeit, p. 530-536, qui en raison de la
chronologie de référence des temples, pense que cette fonction était occupée par le plus petit
temple de Ramsès IV au sud, près du temple d’Aÿ et d’Horemheb dans la région de Médinet
Habou. Voir la discussion détaillée sur cette question chez J. Budka, Bestattungsbrauchtum,
p. 57-60. Rien n’interdit pourtant l’identification du temple de Ramsès IV dans l’Asasif comme

143
Manfred Bietak

Thèbes-Ouest étaient en fin de compte des reposoirs cultuels hébergeant le


dieu Amon-Reʿ lors de sa visite pendant la « belle fête de la vallée ».
À la fin de la xxe dynastie, les temples de Nebhepetreʿ Montouhotep II et
de Thoutmosis III à Deir el-Bahari semblent avoir été largement détruits par
des chutes de pierres provenant du massif montagneux ainsi que de démoli‑
tions pour l’obtention de matériaux de construction. Ce terrain de ruines
fut pourtant respecté comme un espace sacré, surtout les amoncellements
de déblais en dessous du temple, et utilisé comme lieu de sépulture par les
prêtres de Mout76. On voulait de toute évidence être le plus près possible du
centre de la vallée sacrée. Le culte devait se dérouler principalement dans
l’ancien temple d’Hatchepsout avec son sanctuaire d’Hathor associé, étant
donné que la chaussée de la reine, et de toute évidence son temple également,
avaient été laissés indemnes.
Ce sont finalement les Kouchites du Soudan (xxve dynastie) qui conquirent
l’Égypte vers 733 av. J.-C.77 et apportèrent avec eux des éléments d’une sous-
culture faite de la connaissance de valeurs anciennes. Dans une sorte de
« Renaissance » qui fut universelle et très innovatrice, on chercha à remonter
aux racines des origines de l’ancienne Égypte, pour y puiser des forces78.
C’est ainsi qu’à Thèbes, on chercha aussi à revenir à la vocation originelle
de la vallée sacrée de Deir el-Bahari79, mais aussi de la vallée située plus
au sud, laquelle servait d’accès au temple funéraire du roi Seʿanchkareʿ
Montouhotep III, ou d’Amenemhat Ier d’après les fouilles plus récentes80. La
« belle fête de la vallée » a alors été sans aucun doute réintroduite. La chaussée
d’Hatchepsout, largement conservée intacte, servit de voie processionnelle.
La nécropole nobiliaire de cette dynastie était regroupée au sud de cette voie
processionnelle et fut poursuivie sous la xxvie dynastie, originaire de Saïs
et qui put inclure la ville des dieux, Thèbes, dans sa dépendance. Le lien
entre les tombes et la voie processionnelle est particulièrement évident dans
le cas des tombes du gouverneur de la ville et quatrième prophète d’Amon
Montouemhat (tombe n° TT 34), du prêtre lecteur en chef Petamenophis
(TT 33), et des grands maîtres de la cour des épouses divines d’Amon, Pabasa

« château de millions d’années ». Comme nous l’avons vu, plusieurs rois possédaient au
moins deux « châteaux de million d’années » sur la rive occidentale, au premier rang desquels
Hatchepsout et Thoutmosis III.
76. PM I, 22, p. 628-630.
77. K. Jansen-Winkeln, « The Chronology of the Third Intermediate Period : Dyns. 22-24 »,
dans E. Hornung et al. (éd.), Ancient Egyptian Chronology (Handbook of Oriental Studies 1,
83), Leyde – Boston, 2006, p. 234-264, voir p. 262 sq.
78. Sur l’archaïsme de la période tardive, voir H. Brunner, « Zum Verständnis der
archaisierenden Tendenzen in der ägyptischen Spätzeit », Saeculum 21 (1970), p. 151-161 ;
D. E igner, Die monumentalen Gräber der Spätzeit, p. 17 sq. ; P. Der M anuelian, Living in
the Past : Studies in Archaism of the Egyptian Twenty-sixth Dynasty (Studies in Egyptology),
Londres, 1994 ; pour une autre tentative d’interprétation, voir S. Neureiter, « Eine neue
Interpretation des Archaismus », SAK 21 (1994), p. 219-254 ; I. Nagy, « Remarques sur les souci
d’archaïsme en Égypte à l’époque Saïte », AcAnt (B) 21 (1973), p. 53-64. Sur l’archaïsme en
général : J. K ahl, « Archaism », dans W. Wendrich (éd.), UCLA Encyclopedia of Egyptology,
http://digital2.library.ucla.edu/viewItem.do?ark=21198/zz0025qh2v, Los Angeles, 2010.
79. D. Eigner, Die monumentalen Gräber der Spätzeit, p. 28-34, fig. 2.
80. Voir supra, n. 27.

144
L’asasif revisité

(TT 279), Padihorresnet (TT 296) et Padineith (TT 197) de la xxvie dynastie
(pl. 13). Les axes entre les pylônes de brique de la superstructure des tombes
se coupent au milieu de la rampe, environ 75 m devant le sanctuaire d’étape,
en un point81 où les barques processionnelles arrivant de Karnak étaient le
plus tôt visibles depuis les tombes précitées82. Les sorties également munies
de pylônes dans les installations souterraines des tombes de Montouemhat
et de Padineith commencent à l’extrémité sud de la voie processionnelle
d’Hatchepsout. Indépendamment de ces indices topographiques très clairs
montrant une cohérence entre les tombes tardives et l’allée processionnelle,
des représentations de scènes de la « belle fête de la vallée » nous sont aussi
parvenues de tombes du Nouvel Empire, comme l’holocauste83 effectué par le
propriétaire de la tombe en direction de Karnak ; nous retrouvons en outre la
remise des bouquets montés dans les tombes d’ʿAnkh-Hor, de Montouemhat et
de Pabasa84. Tous ces thèmes ont été recopiés de tombes de la xviiie dynastie.
Comme les temples funéraires du Nouvel Empire n’étaient plus du tout en
usage, la destination de la « belle fête de la vallée » ressuscitée ne pouvait plus
qu’être la voie processionnelle d’Hatchepsout, avec son sanctuaire d’Hathor
à Deir el-Bahari.
Dans le sens d’un retour aux origines, il y eut d’autres agglomérations de
sépultures de la période tardive dans l’Asasif-sud, avec des tombes monumen‑
tales des xxve et xxvie dynasties85, ainsi que vers Médinet Habou, le centre
religieux au sud de Thèbes-Ouest (pl. 14). Le long de la voie procession‑
nelle menant au temple de Ramsès III se trouvent la chapelle et les installa‑
tions d’inhumation des épouses divines d’Amon des xxve et xxvie dynasties86.
Même si ces dernières n’étaient pas situées le long de l’accès au temple de la
xviii e dynastie proche du sanctuaire de la colline primitive, des constructions
funéraires des xxve et xxvie dynasties montrent, par leur proximité avec ce
sanctuaire, qu’on était conscient de l’ancienne signification de cet endroit. On
favorisa l’emplacement le long de la voie processionnelle vers le « château de
millions d’années » de Ramsès iii, parce que celui-ci était demeuré dans la
mémoire comme grand centre administratif et grand « château de millions
d’années » de la xxe dynastie.
La « belle fête de la vallée » se perpétua jusqu’à la fin de la période
ptolémaïque et à l’époque romaine, ainsi qu’il ressort du passage précité
de Diodore (1, 97, 9), et d’une série d’autres extraits de textes grecs87 et du

81. M. Bietak – E. R eiser-H aslauer, Das Grab des Anch-Hor I, fig. 1.


82. E. Graefe, « Talfest », col. 188.
83. M. Bietak – E. R eiser-H aslauer, Das Grab des Anch-Hor I, p. 138, plan 32 ; II, pl. 77 sq. ;
Kl. Kuhlmann – W. Schenkel, Das Grab des Ibi. Theben Nr. 36 (AV 15), Mayence, 1983, pl. 19 ;
D. Eigner, Die monumentalen Gräber der Spätzeit, pl. 2, 18D ; cf. S. Schott, Das schöne Fest,
p. 12-23.
84. M. Bietak – E. R eiser-H aslauer, Das Grab des Anch-Hor I, p. 101, fig. 24, plan 15 ; II,
pl. 38-40, 79/C ; Kl. Kuhlmann – W. Schenkel, Das Grab des Ibi, pl. 16a, 44, 47, 61 ; D. E igner,
Die monumentalen Gräber der Spätzeit, pl. 4/B, 18/D ; cf. S. Schott, Das schöne Fest, p. 48-63.
85. E. Pischikova, « Early Kushite Tombs in South Asasif », British Museum Studies in
Ancient Egypt and Sudan 12 (2009), p. 11-30.
86. PM I, 22, p. 772-774.
87. G. Foucard, « La belle fête », p. 9-43.

145
Manfred Bietak

papyrus de Leyde T 32.288. À côté d’autres festivités thébaines, c’était une fête
principalement dédiée aux morts, et qui à travers son caractère joyeux devint
une institution qui aidait à dépasser la tristesse et créait un lien fort entre les
vivants et les morts. C’était une fête qui unifiait aussi le roi à son peuple.

1a.

Planche 1 : 1a. Ximpost


poribusaperi ium ellabor
je n’ai pas compris
quelles sont les légendes
de cette planche,
pourriez-vous me les
repréciser svp? Ume
non et labo. Et ipsam
eic tem quatus voluptat.
Alitatatem ium quid qui
1b. sincium utate nis is et
quat qui consece perit,
sit quid qui nobis coriae.
Lut quibus ma pro et,
1b.

88. S. Schott, Das schöne Fest, p. 96.

146
L’asasif revisité
Les 4 planches qui manquent doivent être reproduites en couleurs, n’est-ce pas? (le cahier contenant les
planches en couleurs de l’ouvrage sera présenté à part)

2a.

2b.

Planche 2 : 2a-b. Hathor derrière le roi Nebhepetreʿ Montouhotep II, qui offre un sacrifice au
dieu créateur Min-Amon. Relief du sanctuaire du temple de Montouhotep II à Deir el-Bahari
(d’après D. Arnold, Der Tempel des Königs Mentuhotep von Deir el-Bahari II, Die Wandreliefs des
Sanktuares, pl. 25, 26).

147
Manfred Bietak

148
L’asasif revisité

Planche 3 :
Le roi Nebhepetreʿ
Montouhotep conduit
la barque d’Amon
à la rame sur le Nil
(d’après D. Arnold,
Der Tempel des
Königs Mentuhotep II,
pl. 22, 23).

149
Manfred Bietak

Planche 4 : Le roi Sésostris Ier


conduit la barque d’Amon
à la rame sur le Nil
(d’après L Gabolde, Le « grand
château d’Amon » de Sésostris
Ier à Karnak : La décoration du
temple d’Amon-Rê au Moyen
Empire, pl. IX).

150
L’asasif revisité

Planche 5 : Le roi Thoutmosis III


conduit la barque d’Amon à la rame
sur le Nil
(d’après Fr. Burgos – Fr. Larché, La
chapelle Rouge, p. 113).

151
Manfred Bietak

6a.

6b.
Planche 6 : Photographies de la chaussée de Nebhepetreʿ Montouhotep II, avec une plaque
de mesure en pierre calcaire et un pavement de brique crue (d’après M. Bietak, Theben-West
[Luqsor]. Vorbericht über die ersten vier Grabungskampagnen [1969-1971], pl. 4b).

152
L’asasif revisité

Planche 7 : Plan de Deir el-Bahari avec les temples de Montouhotep II, Hatchepsout et Thoutmosis
III, leurs chaussées, et des tombes de l’époque de Thoutmosis III et Aménophis II (d’après D.
Arnold, Grabung im Asasif 1963-1970, I. Das Grab des Jnj-jtj.f. Die Architektur, fig. 1).

153
Manfred Bietak

Planche 8 : Procession pendant la « fête de la vallée », représentation en relief du temple


d’Hathor à Deir el-Bahari (cliché Cl. Jurman).

154
L’asasif revisité

9a.

9b.

Planche 9 : 9a-b. Vestiges d’une tombe à piliers de la XIe dynastie entaillée par les travaux de
la chaussée, avec vestiges d’un corridor menant à la chambre cultuelle. On distingue aussi les
restes des trous d’arbres de la chaussée de Thoutmosis III (clichés J. Budka).

155
Manfred Bietak

156
L’asasif revisité

Planche 10 :
Banquet pendant
la « belle fête
de la vallée »,
du tombeau de
Nakht (d’après
A. el-Gh. Shedid,
Das Grab des
Nacht. Kunst und
Geschichte eines
Beamtengrabes
der 18. Dynastie
in Theben-West,
p. 46).

157
Manfred Bietak

11a.

11b.

Planche 15 : Les suites de l’enivrement lors d’un banquet de fête


11a. D’après N. de Garis Davies, The Tomb of Nefer-Hotep at Thebes I, pl. XVIII.
11b. (et c.??) D’après W. Wreszinski, Atlas zur altägyptischen Kulturgeschichte, pl.
179 [tombeau d’Amenemhat] et pl. 392).

158
L’asasif revisité

12a. 12b.

Planche 16. Les superstructures tombales de l’époque tardive dans l’ouest de l’Asasif et la focali‑
sation de leurs axes à mi-chemin de la chaussée montante d’Hatchepsout comme indication
de la validité de la « belle fête de la vallée » à l’époque tardive. 12a. D’après D. Eigner, Die
monumentalen Gräber der Spätzeit in Theben-West: Eine baugeschichtliche Analyse, p. 101,
fig. 73. 12b. D’après M. Bietak – E. Reiser-Haslauer, Das Grab des Anch-Hor I, fig. 1).

159
Manfred Bietak

Planche 17. Nécropoles de l’époque tardive le long d’anciennes voies processionnelles vers Deir
el-Bahari, au sud de l’Asasif et à Médinet Habou (d’après D. Eigner, Die monumentalen Gräber
der Spätzeit, fig. 2).

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