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Halleux Robert. Fécondité des mines et sexualité des pierres dans l'Antiquité gréco-romaine. In: Revue belge de
philologie et d'histoire, tome 48, fasc. 1, 1970. Antiquité — Oudheid. pp. 16-25.
doi : 10.3406/rbph.1970.2807
http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1970_num_48_1_2807
DES HEERES
(1) Α. Daubrée, La génération des minéraux métalliques dans la pratique des mineurs du Moyen
Age d'après le Bergbüchlein, dans Journal des Savants, 1890, p. 379-392 ; 441-452.
(2) P. Sébillot, L·s travaux publics et les mines dans les traditions et les superstitions de tous
Us pays, Paris, 1894, p. 395.
(3) W. Cline, Mining and Metallurgy in Negro Africa, Paris, 1937, p. 1 17 sq.
(4) M. Éliade, Forgerons et alchimistes, Paris, 1956, passim, spec. p. 46, sq. Voir aussi
T. A. Rickard, Man and Metals, Londres, 1932 ; tr. fr., Paris, 1938, p. 42 et 178 ; R. J.
Forbes, Metallurgy in Antiquity, Leiden, 1950, p. 85, 141, 144 ; R. J. Forbes, Studies in
Ancient Technohgy, t. VIII, Leiden, 1964, p. 76-78.
(5) Seuls textes cités : Pline, XXXIV, 49 ; Strabon, V, 26 ; Nonnos, II, 493.
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Strabon, XI, 18, 6 (513) άργυρος <5' ου γίνεται παρ' αύτοΐς (Massagètes).
XV, 2, 10 (724) γίνεται ôè παρ1 αύτοΐς καττίτερος (Drangiane).
XVI, 4, 20 (779) ο σμάραγδος και ô βήρυλλος εν τοις τον
χρυσίου μέταλλο ις εγγίγνεται.
Le sens du verbe est vague, l'acception est d'un simple devenir. Mais
quel devenir ? Il s'agit toujours de gisement, exploité ou non,
jamais de l'extraction du minerai ou de la production du métal. Il
faut remarquer que εστί est rarissime (x).
La terminologie latine est plus précise, qui distingue fit et
nascitur. Or, pour des minéraux, c'est toujours le second verbe
qui est employé :
(1) Ctesias chez Photios, Bibliothèque, 72, p. 46 Β 25, parlant de l'Inde : εστί ôè αυτόθι
αργυρός πολύς καΐ άργύρεα μέταλλα. A moins qu'il ne s'agisse de métal déjà
extrait et mis en circulation.
(2) Cf. Pline, XXXV, 39 et Isidore, Etymologiae, XIX, 17, II.
(3) Dioscoride, V, 76 ; 81 etc.
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Aussi chez Strabon, III, 2, 3 (p. 142) : κατά δε τάς Κωτίνας λε·
γομένας χαλκός τε άμα γεννάται και χρυσός.
Pareillement dans Tzetzès, Chil. XII, 322 :
Άλνβη πόλις άριστον τον αργνρον γεννώσα.
On rencontre également φύειν, par exemple chez Lucien (x) et dans
l'adjectif αυτοφυής qui désigne, chez Théophraste, Pazurite naturelle
par opposition à son imitation synthétique (2).
Les textes latins sont aussi éloquents, puisqu'on y rencontre gignere
et procreare :
Pline, H.N., 33, 67 : cetero montes Hispaniarum, aridi sterilesque et in quibus
nihil aliud gignatur, huic bom fertiles esse coguntur.
Pline, H.N., 34, 156 : nunc certum est {plumbum album) in Lusitania gigni et
in Gallaecia.
Tacite, Germanie, 5 : nee tarnen adfirmaverim nullam Germaniae venam argentum
aurumve gignere.
Vitruve, VII, 6 : colores vero alii sunt, qui per se certis locis procreantur et inde
fodiuntur, nonnulli ex aliis rebus, tractationibus aut mixtionum temperaturis
compositi perficiuntur, uti praestent eandem in operibus utilitatem, primum
autem exponemus, quae per se nascentia fodiuntur.
Il convient de remarquer que ces termes ne sont pas spécifiques
de la mère, mais qu'ils désignent très généralement la procréation (3).
Un tel ensemble de faits concordants, passés dans l'usage de la
langue (4), semble exclure la simple métaphore et indiquer qu'à
l'origine tout au moins, il y a eu assimilation du monde minéral aux
mondes végétal et animal.
(1) Voir à ce sujet mon article Lapis-lazuli, azurite ou pâte de verre? A propos de kuwano et
kuwanowoko, dans Studi Miceneied Egeo-anatolici (Rome), t. IX (1969), p. 47-66.
(2) Galey-Richards, op. cit., p. 122-123. — Pline, XXXVII, 106, distingue
autrement : in his autem (se. sardis) mares exdtatius fulgent, feminae pigriores et crassius nitent.
(3) Théophraste, De lapidibus, 31 : Τον γαρ σαρδίον τό μέν διαφανές έρν-
θρότερον δε καλείται θήλυ, το δέ διαφανές μέν μελάντερον δέ άρρεν, καΐ τα
λνγγονρια δέ ωσαύτως, ών τό θήλυ διαφανέστερον και ξανθότερον, καλείται δέ
καΐ κύανος δ μέν αρρην δ δέ θήλνς ' μελάντερος δέ ό αρρην.
(4) Théophraste, De lap., 37 : (ή σάπφειρος) μέλαινα ούκ άγαν πόρρω τον
κνάνον τον άρρενος. La confusion est fréquente, par exemple chez Solinus, XV, 28 :
Et çyaneus e Sçythia est optimus, si caerulo coruscabit : cujusgnari in marem etfeminam genus dividunt.
Feminis nitor purus est ; mares punctillis ad gratiam interlucentibus auratilis pulviculus variât.
(5) Théophraste, De lap., 28 : βελτίω δέ τα των αγρίων ή τα των ήμερων καΐ
τα των αρρένων η τα των θηλειών ώς καΐ της τροφής διαφερούσης, καΐ τοϋ πο-
νεϊν η μή πονεΐν, και της τον σώματος δλως φύσεως, fi ξηρότερον τό δ'ύγρότερον.
(6) G. Boson, Les métaux et les pierres dans les inscriptions assyro-babyloniennes, Munich,
1914, p. 73.
(7) Sénèque, Questions Naturelles, III, 14 : Aegyptii quattuor elementa fecerunt, deinde ex
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sîngulis bina (...) Terrant fortiorem marem vocant, saxa cautesque, feminae nomen assignant huic
tractabili et cultae.
(1) Pline, XXXVII, 92 (escarboucles) xpraeterea in omni genere masculi appellantur acriores
et feminae languidius refulgentes. — XXXVII, 101 (Sandastros, gemme non identifiée) : et
hic mares austeritas distinguât et quidem vigor adposita tinguens ; Indicae quidem etiam hebetare visus
dicuntur. Blandior feminis flamma, allucens magis quant accendens.
(2) F. De Mely, Les lapidaires de l'Antiquité et du Moyen Age, t. III, Paris, 1902, p. xlv.
(3) G. A. Palm, Der Magnet im Alterthum, Programm des Evangelisch-Theologischen Seminars
Maulbronn, Stuttgart, 1867, p. 14.
(4) Nonnos, Dionysiaques, II, 493 sq. :
ώς λίθος αμφΐ λίθφ φλογερήν ώδΐνα λοχεύων
λάινον ήκόντιζε πολνθλιβές αύτόγονον πΰρ
πνρσογενής δτε θήλυς αράσσεται αρσενι πέτρφ
οϋτω θλιβομένβσιν άνάπτεται ούρανίη φλόξ
λιγννι καΐ νεφέλβσιν.
Le genre du substantif λίθος lui-même a fait l'objet de subtiles distinctions. Cf. Galien,
De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus, IX, 2, t. XII p. 194 (Kühn).
(5) Κ. G. Bailey, op. cit., t. II, p. 253 ; R. J. Forbes, Metallurgy, p. 383 ; Caley-Ri-
chards, op. cit., p. 68-69 ; Eichholz, op. cit., p. 91.
(6) Théophraste, De lap., 5 : θανμασιωτάτη ôè και μεγίστη δύναμις ein ε ρ
αληθές, ή των τικτόντων.
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l'aétite ou pierre d'aigle (parce que trouvée dans le nid d'un aigle) (x).
Cette pierre creuse, contenant un noyau dur, n'a pas manqué
d'évoquer un embryon dans le sein maternel, d'où les vertus anti-abortives
que nos auteurs leur attribuent (2).
L'assimilation est complète dans le Paradoxographe Palatin (12, 1,
Giannini) :
« Andronicos prétend qu'en Espagne dans un certain endroit on trouve
de petites pierres éparses, polygonales, naissant d'elles-mêmes, les unes
blanches, les autres cireuses, qui sont enceintes de petites pierres
semblables à elles. J'en ai détenu une pour faire l'expérience, elle enfanta
chez moi, de sorte que ce n'est pas un mensonge» (3).
La description de la pierre est moins intéressante que les termes
obstétriques utilisés.
( 1 ) Pline, HN, XXXVI, 1 49- 1 50 : Aetitae lapides ex argumenta nominis magnamfamam habent.
Reperiuntur in nidis aquilarum, sicut in decumo volumine diximus. Aiunt binos inveniri, marem ac
feminam, nee sine its parère quas diximus aquilas, et ideo binos tantum; genera eorum quattuor: in
Africa nascentem pusillum ac mollem, intra se velut in alvo habentem argillam suavem, candidam,
ipsum friabilem feminei sexus putant, marem autem, qui in Arabia nascatur, durum, gallae similem
aut subrutilum, in alvo habentem durum lapidem. (150) Tertius in Cypro invenitur colore Ulis in
Africa nascentibus similis, amplior tarnen atque dilatatus ; ceteris enim globosa faciès. Habet in alvo
harenam iucundam et lapillos, ipse tam mollis, ut etiam digitis frietur. Quarti generis Taphiusius
appellatur, nascens iuxta Leucada in Taphiusa, qui locus est dextra navigantibus ex Ithaca Leucadem.
Invenitur inßuminibus candidus ac rotundas. Hute est in alvo lapis, qui vacatur callimus, nec quic-
quam terrent.
Philostrate, Vie d'Apolhnios, II, 14 : 'Αετοί μεν καΐ πελαργοί καλιάς ούκ αν
πήξαιντο μή πρδτερον αύταΐς έναρμδσαντες δ μεν ταν αετίτην λίθον, δ δέ τον
λνχνίτην υπέρ της φογονίας και τον μή πελάζειν σφίσι τους δφεις.
(2) Pline, XXXVI, 151 : aëtitae gravidis adalligati mulieribus vel quadripedibus pelliculis
sacrifïcatorum animalium continent partus, non nisi parturiant removendi ; alioqui volvae excidunt.
Sed nisi parturientibus auferantur, omnino non pariant. — Elien, Histoire des Animaux, I, 35 :
Λέγεται δέ οΰτος δ λίθος καΐ γυναιξί κυούσαις αγαθόν είναι, τάίς αμβλώσεσι
πολέμιος ων.
Cf. C.N. BROMEHEAD,.dtf/îfeJ or the eagle-stone, Antiquity, 1947, p. 16-22 ; A. A.Barb, Birds
and medical magic, dans Journal of the Warburg and Courtauld Institute, XIII (1950), p. 316-
322. — Pline, ΗΝ, XXXVII, 154 et 163 connaît aussi des « gemmes enceintes».
(3) A. Giannini, Paradoxographorum Graecorum reliquiae, Milan, 1965, p. 356 : 'Ανδρδ-
νικός φησιν εν 'Ισπανία εν τινι τόπω λιθάρια ενρίσκεσθαι περιερριμμένα
πολύγωνα αυτοφυή, α μέν λευκά α δέ κηροειδή, α καΐ κύει δμοια έαντοϊς λιθάρια.
Τούτων δή καΐ εγώ êv πείρας ένεκα εσχον, δ δή ετεκε παρ' έμοί, ώστε το ρήμα
μή είναι ψεΰδος.
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Tous les auteurs que j'ai cités croyaient-ils à la sexualité des pierres,
à la croissance du métal dans la mine, au renouvellement des mines
après jachère ? Non certes. La plupart rapportent, sans y croire,
des superstitions de mineurs. Ils emploient, sans y prendre garde,
des expressions consacrées du langage des lapidaires. Mais il nous
semble que ces faits épars procèdent d'une même idée ancienne :
la conception biologique du monde minéral, dont Origène (x)
témoigne encore explicitement :
'Εν εαυτοίς ôè έχει την αίτίαν τοϋ κινεΐσθαι ζώα και φυτά
και άπαζαπλώς δσα ύπο φύσεως και ψυχής συνέχεται, εξ ών
φασιν είναι και τα μέταλλα.
Robert Halleux.
Aspirant du F.N.R.S.