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Chapitre 21

La pratique de l’évaluation
de l’entreprise

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SECTION 1 : APERÇU DES DIFFERENTES METHODES

La pratique de l’évaluation a généralement pour ambition d’aboutir à une valorisation


des actions et/ou à une valeur des capitaux propres de l’entreprise.

Les capitaux propres peuvent être évalués de façon indirecte, c’est-à-dire en


évaluant d’abord la valeur de l’actif économique puis en retranchant la valeur de
l’endettement net1. Ils peuvent l’être aussi de façon directe, sans passer par
l’intermédiaire de la valeur de l’actif économique.

METHODES DIRECTES
(PER, ACTUALISATION
DES DIVIDENDES …)

METHODES INDIRECTES
(MULTIPLE DU 𝑽𝑨𝑬 𝑽𝑫 𝑽𝑪𝑷
RESULTAT
− =
D'EXPLOITATION DCF...)

Par ailleurs, deux types d’approches sont généralement utilisés :


 une démarche fondamentale d’actualisation des flux qui se déclinera en
actualisation des dividendes et en actualisation des flux de trésorerie
disponibles, dite « méthode DCF » (discounted cash flows en anglais). C’est
la recherche, en quelque sorte, de la valeur intrinsèque cohérente avec la
théorie financière (actualisation des flux de trésorerie au taux de rentabilité
exigé) ;
 une approche analogique ou pragmatique fondée sur la comparaison de
l’entreprise avec des actifs ou des entreprises de même nature (méthode des
comparables). Les marchés étant à l’équilibre, on doit pouvoir situer la
valeur d’une entreprise par rapport aux autres.

1 Après ajustements que nous verrons plus tard et que nous laissons de côté pour l’instant.

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APPROCHE INDIRECTE APPROCHE DIRECTE

Actualisation des flux de Actualisation


Méthode intrinsèque trésorerie disponibles au des dividendes
(actualisation des flux de coût moyen pondéré du au taux de rentabilité
trésorerie) capital (k) – valeur de exigé par l’actionnaire
l’endettement net (kCP)

Multiple du résultat
Méthode comparative
d’exploitation × Multiple du résultat net
(multiples des sociétés
Résultat d’exploitation (PER) × Résultat net
comparables)
– Valeur de
l’endettement
net

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Nous verrons que la méthode patrimoniale qui consiste à évaluer l’entreprise
comme une somme d’actifs sous déduction de l’endettement net est, moins une
méthode en tant que telle, qu’une synthèse des deux méthodes précédentes auxquelles
elle fait largement appel pour évaluer chacun des actifs.

SECTION 2 : L’EVALUATION PAR LES FLUX DE TRESORERIE


DISPONIBLES (METHODE DCF)

La méthode DCF consiste à appliquer, pour le calcul de la valeur de l’actif


économique, les techniques de choix des investissements (Chapitre 19). On s’arrêtera
seulement à la valeur actuelle (la valeur actuelle nette, différence entre la valeur
que l’on recherche et la valeur actuelle, étant par définition nulle). C’est la méthode
d’évaluation fondamentale. Elle permet d’évaluer la valeur de l’actif économique.
Déduction faite de la valeur de l’endettement net, l’évaluateur obtiendra la valeur des
capitaux propres.

Globalement, la valeur de marché de l’entreprise, ou valeur de l’actif économique,


est égale à la somme des flux de trésorerie disponibles après impôt (FTD) actualisés
au taux de rentabilité exigé par l’ensemble des pourvoyeurs de fonds (le coût moyen
pondéré du capital, k) :

Cette formule suppose la détermination des flux de trésorerie disponibles chaque


année jusqu’à l’infini. Ceci est une tâche surhumaine et l’évaluateur sera donc amené
à faire des hypothèses simplificatrices. Plus précisément, on procède à la prévision de
flux de trésorerie que l’on actualise pendant un certain nombre d’années appelé
horizon explicite et on borne l’horizon par une valeur terminale2.

La valeur de l’actif économique est la somme de la valeur actuelle des flux de


trésorerie après impôt sur l’horizon explicite et de la valeur actuelle de la valeur
terminale retenue à la fin de l’horizon explicite.

1. L’ESTIMATION DES FLUX DE TRESORERIE


DISPONIBLES

Les flux de trésorerie disponibles mesurent les flux dégagés par l’actif économique.
Ils se calculent de la façon suivante :


𝐅𝐓𝐃𝐢
𝐕=∑ (𝟏 + 𝐤)𝐢
𝐢=𝟎

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EXPLICATIONS
Excédent brut d’exploitation On raisonne au niveau de
l’exploitation uniquement
– Impôt sur les sociétés théorique Égal au résultat d’exploitation
calculé sur le résultat d’exploitation multiplié par le taux moyen de
l’impôt sur les sociétés
– Variation du besoin en fonds de Pour pouvoir passer d’agrégats
roulement comptables à un flux de trésorerie

– Investissements nets des L’entreprise vit et se développe…


désinvestissements
= Flux de trésorerie disponible

a) L’horizon des prévisions du plan d’affaires ou l’horizon


explicite

La durée du plan d’affaires3 dépendra de la « visibilité » de l’entreprise, c’est-à-dire


de l’horizon raisonnable de prévision. Trop courte (2 à 3 ans), cette durée accorde
une importance considérable à la valeur terminale et ne fait que repousser le
problème posé. C’est malheureusement le cas le plus fréquent. Trop longue (au-delà
de 10 ans dans la plupart des secteurs), elle se ramène à une simple extrapolation
théorique sans grand intérêt. Confrontés à un plan d’affaires court (2 à 3 ans),
certains l’extrapoleront sur quelques années supplémentaires, prolongeant les
tendances qui se dessinaient.

2 Aussi appelée valeur finale.


3 Le business plan des Anglo-Saxons.

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b) La valeur terminale à retenir

Il est très difficile d’estimer la valeur terminale car elle est définie à la date où les
prévisions de développement ne sont plus pertinentes. Aussi l’analyste considère-t-il
souvent que l’entreprise entre en phase de maturité au terme de l’horizon explicite.

La valeur terminale la plus couramment utilisée est fondée sur un taux (𝒈) de
croissance à l’infini d’un flux normatif (formule de Gordon-Shapiro) :

𝐹𝑙𝑢𝑥 𝑛𝑜𝑟𝑚𝑎𝑡𝑖𝑓
Valeur de l entreprise en fin d horizon explicite =
𝑘−𝑔

Toute la difficulté se concentre donc sur le choix du flux terminal et du taux de


croissance à l’infini. Le flux normatif doit être cohérent avec les hypothèses
retenues lors de l’étude du plan d’affaires. Il dépend de la croissance à long terme, de
la politique d’investissements et de l’évolution du BFR de l’entreprise. Enfin, il peut
ne pas être identique au dernier flux du plan d’affaires en particulier (i) dans des
secteurs cycliques car il représente alors le flux moyen que l’entreprise devrait
générer de l’horizon explicite jusqu’à l’infini, (ii) si la croissance prévue pour la
dernière année de l’horizon explicite diffère sensiblement de la croissance à l’infini.

Concernant le taux de croissance à l’infini, il faut garder la tête froide :


 au-delà de la croissance à l’infini du flux de trésorerie normatif, c’est la
croissance à long terme de la rentabilité économique et de l’activité sur
laquelle il convient de s’interroger. Quelle est la pérennité de la rente ? La
croissance du marché est-elle durable ?
 mais surtout, le taux moyen de croissance à l’infini d’une entreprise ne peut
pas être significativement supérieur au taux de croissance à long terme de
l’économie. Ainsi, si le taux d’inflation anticipé à long terme est de 2 % et que
la croissance réelle anticipée de l’économie à long terme est de 2 %, choisir un
taux de croissance à l’infini supérieur à 4 % revient à dire que l’entreprise va
prendre toujours plus de poids dans l’économie. Ceci est totalement irréaliste.

Notre lecteur doit savoir que si la valeur terminale qu’il a calculée est une valeur
supérieure au montant comptable de l’actif économique comptable en dernière année
de l’horizon explicite, cela signifie qu’il anticipe le maintien pendant une certaine
période, voire à l’infini, d’une rentabilité économique supérieure au coût moyen

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pondéré du capital. S’il retient une valeur inférieure, cela signifie qu’il considère que
l’entreprise entre dans une phase de déclin au-delà de l’horizon explicite et qu’il
pense qu’elle ne pourra pas gagner son coût du capital. Enfin, lorsque la valeur
terminale est égale à l’actif économique comptable, ceci revient à supposer que cette
rente s’arrête net.

Notre expérience est qu’aucune rente n’est durable à l’infini : la rentabilité


économique anticipée de l’entreprise doit donc converger progressivement vers son
coût du capital. Quel que soit son mode de calcul, la valeur finale doit donc tenir
compte de cette contrainte.

2. LE CHOIX DU TAUX D’ACTUALISATION

Comme nous l’avons vu, le taux d’actualisation est le coût moyen pondéré du
capital (CMPC ou WACC en anglais), ou coût du capital. Nous renvoyons notre
lecteur au Chapitre 20 consacré à ce sujet.

3. LA VALEUR DE L’ENDETTEMENT BANCAIRE ET


FINANCIER NET

De la valeur de l’actif économique, il convient de retrancher la valeur de


l’endettement net. Celui-ci se compose de l’ensemble des dettes bancaires et
financières (à court, moyen ou long terme), de la valeur des instruments de
couverture éventuellement mis en place, auxquels il faut retrancher les disponibilités
et les valeurs mobilières de placement.

La valeur de l’endettement net est théoriquement égale à la valeur actuelle des flux
futurs à payer (les intérêts et le capital) actualisés au coût de marché de la dette. La
valeur de marché des placements financiers vient en déduction. Lorsque tout ou
partie de la dette est cotée ou échangée sur un marché de gré à gré (obligations
cotées, crédit syndiqué), la valeur de marché de cette dette pourra être retenue4.

Il est fréquent d’utiliser le montant comptable de l’endettement net comme


première approximation de sa valeur financière. Cependant, dans certains cas, la
valeur de la dette peut s’écarter significativement de son montant comptable :
 lorsque l’entreprise s’est endettée à taux fixe (directement ou après avoir
contracté un swap) et que les taux d’intérêt ont varié depuis ;
 lorsque la solvabilité de l’entreprise a significativement évolué à la hausse ou à
la baisse depuis la levée de la dette sans qu’il y ait eu réajustement de la marge
d’intérêt payée.

4 Elle peut aussi être calculée si des dérivés de crédit (CDS) existent pour cette entreprise.

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Aussi conseillons-nous au lecteur, lorsque l’endettement est significatif et que
l’écart entre la valeur de la dette et son montant comptable l’est aussi, de raisonner en
valeur et non en montant comptable de la dette.

4. LES AUTRES ELEMENTS DE LA VALORISATION

a) Les provisions

Le traitement des provisions pour risques et pour charges doit être cohérent avec
celui des flux : si le plan d’affaires utilisé n’intègre pas au niveau du résultat
d’exploitation les charges futures qui ont déjà été provisionnées (restructuration,
fermeture d’un site…), le stock de provisions pour risques et pour charges
correspondant doit être déduit de la valeur de l’actif économique pour leur valeur
actuelle.

La prise en compte des engagements de retraite représente un problème épineux.


Leur traitement dépendra de leur mode de comptabilisation et il conviendra
d’analyser si le plan d’affaires prend en compte ou non les charges de retraite futures.
Normalement oui, mais il ne faut pas pour autant oublier la situation actuelle
résultant des engagements passés et des actifs de couverture dont le solde doit être
traité comme de la dette et donc soustrait de la valeur de l’actif économique.

b) Les participations non consolidées ou mises en équivalence

La valeur des participations financières ou des actifs non consolidés (ou mis en
équivalence), dont les flux (dividendes) n’apparaissent pas dans les flux de trésorerie
disponibles, s’ajoutera à la valeur de l’actif économique. On retiendra alors la valeur
de marché de ces biens.

c) Les intérêts minoritaires

Les flux de trésorerie disponibles calculés à partir du compte de résultat et du tableau


de flux consolidés reviennent pour partie au groupe et pour partie aux intérêts
minoritaires. La valeur ainsi calculée n’est donc pas seulement attribuable aux
actionnaires de la maison mère.

Pour remédier à ce biais il convient de déduire de la valeur d’entreprise la valeur


des intérêts minoritaires. Si les intérêts minoritaires sont importants, notre lecteur
devra évaluer à part la valeur des capitaux propres de la filiale concernée et l’ajouter à
la valeur du groupe à hauteur de la quote-part détenue. Mais ceci nécessite bien sûr
d’avoir une information détaillée sur cette filiale5. Sinon, il devra pour le moins
déduire la valeur comptable des intérêts minoritaires.

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5. INTERET ET LIMITES DE L’APPROCHE PAR LES FLUX

L’intérêt de cette méthode est de traduire concrètement en termes chiffrés les


différentes hypothèses et prévisions, souvent implicites, des acheteurs et des
vendeurs. Par ailleurs, elle permet de garder une grande sérénité face à des périodes
d’euphorie, de surévaluations boursières et de fascination de multiples élevés. Elle
ramène en effet à la réalité des performances économiques de l’entreprise.

Pour conclure, soulignons que cette méthode théoriquement satisfaisante présente


cependant trois inconvénients majeurs :
 elle est très sensible aux hypothèses retenues et à l’objectivité de celui qui les a
établies. Dès lors, ses résultats sont très volatils. C’est une méthode
rationnelle, mais ce problème peut la rendre biaisée ;
 elle dépend parfois trop de la valeur finale, sur laquelle le problème se trouve
en définitive reporté. La valeur finale explique souvent plus de 50 % de la
valeur de l’entreprise. Ceci peut remettre en cause la validité de la méthode,
cependant c’est parfois la seule applicable (lorsque les résultats sont négatifs et
que les multiples sont donc inapplicables) ;
 enfin, il n’est pas toujours aisé de réaliser un plan d’affaires sur une période
suffisante : l’information fait souvent défaut pour l’analyste externe.

6. ACTUALISATION DES FLUX DE TRESORERIE DISPONIBLES POUR


L’ACTIONNAIRE ET ACTUALISATION DES DIVIDENDES

On peut évaluer les capitaux propres par actualisation des dividendes6 à un taux
d’actualisation qui correspond au taux de rentabilité exigé par l’actionnaire qui reçoit
le dividende, kcp (le coût des capitaux propres).

Sauf exception, cette méthode est tombée en désuétude car c’est une vraie boîte
noire ! En effet, la variable essentielle est le taux de croissance du dividende qui n’est
relié à aucun des paramètres qui l’expliquent (taux de rentabilité marginale, taux de
distribution, effet de levier).

On peut aussi calculer la valeur des capitaux propres d’une entreprise en actualisant
le flux de trésorerie disponible qui revient à l’actionnaire. Ce flux correspond aux flux
de trésorerie disponibles, majorés de la variation de l’endettement bancaire et
financier net et majorés de la différence entre les produits et les frais financiers après
impôt.

5 Et de ne pas prendre en compte ses flux pour calculer la valeur de l’actif économique du groupe.
6 Technique que les Anglo-Saxons appellent Discounted Dividend Model (DDM).
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Cette méthode est très difficile à mettre en œuvre si la structure financière, et donc
le coût des capitaux propres, varient au cours du temps, ce qui est le cas le plus
fréquent. C’est en revanche la méthode reine pour évaluer les banques dont la
structure financière évolue peu compte tenu des contraintes réglementaires qui
pèsent sur elles.

SECTION 3 : LA METHODE DES MULTIPLES

1. PRESENTATION

L’approche par les multiples est fondée sur trois grands principes :
 l’entreprise est évaluée globalement ;
 l’entreprise est évaluée pour un multiple de sa capacité bénéficiaire ;
 les marchés sont à l’équilibre et des comparaisons sont donc justifiées.

Cette approche est globale parce qu’elle s’attache, non à la valeur des actifs et
des passifs d’exploitation, mais à la rentabilité qui découle de leur utilisation. Elle se
fonde sur la capitalisation de différents paramètres de rentabilité de l’entreprise.

Le multiple est d’autant plus élevé que les perspectives de croissance


sont fortes, que le secteur d’activité de l’entreprise est peu risqué et que
le taux d’intérêt exigé est faible.

Les multiples calculés peuvent être issus d’un échantillon d’entreprises cotées
comparables ou d’un échantillon d’entreprises ayant été cédées récemment, et pour
lesquelles une valeur de capitaux propres a donc été extériorisée. On parlera alors de
multiples boursiers et de multiples de transactions. Les premiers sont à
retenir pour évaluer les actions de l’entreprise sans changement de contrôle. Les
seconds sont utiles pour déterminer la valeur des capitaux propres en cas de
changement de contrôle.

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2. LA CONSTITUTION D’UN ECHANTILLON D’ENTREPRISES
COMPARABLES

L’approche comparative ou analogique repose avant tout sur la constitution d’un


échantillon d’entreprises cotées comparables qui présentent les mêmes
caractéristiques sectorielles, voire géographiques, mais surtout d’exploitation : niveau
de rentabilité économique, croissance attendue…

3. LES DIFFERENTS MULTIPLES

Deux grandes familles de multiples peuvent être distinguées : les multiples


permettant d’établir la valeur de l’actif économique et ceux permettant d’établir la
valeur des capitaux propres.

Les multiples permettant d’établir la valeur de l’actif économique sont des


multiples d’agrégats avant frais financiers. Le multiple le plus pertinent est le
multiple du résultat d’exploitation (multiple d’EBIT en anglais), le multiple de
l’excédent brut d’exploitation (multiple d’EBITDA en anglais) est aussi utilisé.

Les multiples permettant d’établir la valeur des capitaux propres sont calculés sur
des agrégats après frais financiers. Il s’agit principalement du multiple de résultat
net (le PER), mais également le multiple de la capacité d’autofinancement, le multiple
du résultat courant, et le multiple des capitaux propres (le PBR).

a) Les multiples permettant d’établir la valeur de l’actif


économique

Quel que soit le multiple retenu, il convient de déterminer en premier lieu une valeur
d’actif économique pour chaque société cotée comparable. Cette valeur se calcule
comme la somme de la capitalisation boursière et de la valeur de l’endettement net à
la date de l’évaluation.

Les multiples les plus souvent utilisés dans ce domaine sont :

 Le multiple du résultat d’exploitation


Le multiple du résultat d’exploitation rapporte la valeur de l’actif économique au
résultat d’exploitation. Il permet de prendre en compte la capacité bénéficiaire
d’exploitation des différentes entreprises. Ce qui est évalué, en effet, c’est la capacité
bénéficiaire d’exploitation de l’entreprise, hors charges ou produits non récurrents,
hors prélèvements. Il s’agit de définir une rentabilité normative récurrente
d’exploitation.

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 Le multiple de l’excédent brut d’exploitation
Le multiple de l’excédent brut d’exploitation suit la même logique que le multiple du
résultat d’exploitation. Il permet de gommer les différences parfois très significatives
qui peuvent exister en termes de choix de méthode et de durée d’amortissement des
actifs ou de cycle d’investissement. Il est très fréquemment utilisé par les analystes
boursiers, en particulier dans les industries à forte intensité capitalistique.
Il est possible de calculer d’autres multiples d’exploitation comme le multiple du
chiffre d’affaires ou des multiples plus spécifiques comme le multiple du nombre
d’abonnés, de la tonne de ciment… Ces multiples seront d’autant plus intéressants
que l’échantillon présente une rentabilité économique normative, sinon la dispersion
des résultats obtenus sera très forte. Ils ont beaucoup de sens pour les petits
commerces (café-restaurant, blanchisserie…) pour lesquels les transactions sont
nombreuses et où, de surcroît, le chiffre d’affaires est plus significatif de la
profitabilité réelle que le résultat publié…

b) Les multiples permettant d’établir directement la valeur des


capitaux propres

Les multiples fondés sur des soldes après frais financiers peuvent également être
calculés : multiple des capitaux propres comptables (PBR), multiple de la capacité
d’autofinancement ou multiple du résultat net (PER). Ces multiples rapportent
respectivement la capitalisation boursière à la date de l’évaluation au montant des
capitaux propres comptables, à la capacité d’autofinancement, ou au résultat net de
l’entreprise. Le résultat net retenu par les analystes est un résultat retraité des
éléments non récurrents et de la dépréciation de la survaleur de façon à privilégier
une capacité bénéficiaire récurrente.

Ces multiples valorisent indirectement la structure financière de l’entreprise ce qui


crée des distorsions si les niveaux d’endettement sont différents. Pour cette raison,
les analystes financiers utilisent principalement le multiple de résultat
d’exploitation, voire le multiple de l’excédent brut d’exploitation, pour
s’affranchir des structures financières différentes des sociétés de
l’échantillon.

4. LES MULTIPLES DE TRANSACTIONS

La logique est différente, mais le calcul des multiples est le même. En effet,
l’échantillon retenu est établi à partir des informations disponibles sur les
transactions récentes constatées dans le même secteur et portant sur la cession du
contrôle d’entreprises.

L’utilisation du cours de Bourse pour calculer les multiples boursiers aboutit à une
valeur dite « de minoritaire » (qui est en réalité une valeur stand-alone). En retenant

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le prix payé par l’acquéreur, le multiple intègre donc la prime de contrôle qu’il a
payée pour obtenir le contrôle de la cible et valorise ainsi une quote-part des
synergies anticipées. Les multiples de transactions sont donc issus de valeurs dites
« de majoritaire » (c’est-à-dire intégrant une prime de contrôle). Pour une société
cotée, on constate empiriquement que la moyenne des primes payées sur les cours de
la cible précédant l’annonce de l’opération est de l’ordre de 25 %.

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SECTION 4 : LA METHODE PATRIMONIALE OU LA SOMME DES PARTIES

La méthode patrimoniale revient concrètement à évaluer séparément les différents


actifs, ou divisions, ou filiales, sous déduction des engagements de l’entreprise. On
parlera également d’actif net réévalué ou de somme des parties. Elle est
particulièrement adaptée pour les conglomérats ou les groupes diversifiés pour
lesquels les comptes ou les projections financières agrégées ne peuvent pas être
analysés en tant que tels.

La méthode patrimoniale est simple. Elle consiste à étudier systématiquement la


valeur de chacun des actifs et des passifs inscrits au bilan d’une entreprise. En effet,
les valeurs comptables sont souvent éloignées des valeurs « réelles » pour des raisons
comptables, fiscales, historiques… Ces valeurs comptables doivent donc être
corrigées, réévaluées, pour déterminer un actif net réévalué.

Pour les groupes aux activités multiples, les actifs évalués correspondent à des
filiales entières pour leur quote-part de détention, ou à des branches d’activités, qui
seront individuellement évaluées selon la méthode DCF ou la méthode des multiples.
On retranchera de leur somme, l’endettement net de la maison mère7 et la valeur
actuelle des frais de siège.

C’est donc au niveau de chaque actif et de chaque passif exigible que se pose le
problème de l’évaluation. Il s’agit d’être cohérent dans les estimations, même si les
méthodes appliquées peuvent être différentes.

Il existe plusieurs types de valeurs patrimoniales :


 la valeur de marché : c’est la valeur qu’on pourrait retirer d’un bien en le
vendant. Si cette valeur peut paraître incontestable d’un point de vue
théorique, elle suppose pratiquement que l’évaluateur se place dans une
optique de cessation de l’activité ou de création d’une entreprise similaire ex
nihilo ;
 la valeur liquidative : elle correspond à la valeur de marché minorée d’une
décote pour tenir compte de l’impératif d’une réalisation rapide ;
 la valeur d’usage : elle représente la valeur d’un actif au sein du processus
d’exploitation : une sorte de valeur de marché au coût de remplacement.

7 Puisque celui des filiales aura été pris en compte à leur niveau.

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SECTION 5 : COMPARAISON DES VALORISATIONS

1. ANALYSE DE L’ECART ENTRE VALEURS


PATRIMONIALES ET VALEURS DE RENTABILITE

Si la valeur patrimoniale est supérieure à la valeur DCF ou à celle issue des multiples,
l’entreprise vaut plus par son passé (capitaux propres réévalués) que par ses
perspectives futures de rentabilité. Il convient donc, dans ce cas, non pas d’investir,
mais plutôt de commencer à désinvestir, à liquider les actifs pour obtenir une
meilleure rentabilité et une meilleure allocation des ressources.

Si la valeur patrimoniale est inférieure à la valeur DCF ou celle issue des multiples
(ce qui est le cas le plus fréquent dans une économie caractérisée par l’importance
d’actifs incorporels), l’entreprise est alors fortement rentable et investit dans des
projets dont la rentabilité est supérieure à son coût du capital. L’entreprise a un
véritable savoir-faire, un positionnement stratégique fort avec des barrières à
l’entrée. Pourra-t-elle résister longtemps à la pression de la concurrence ?

2. VALEURS ISSUES DES MULTIPLES ET VALEUR DCF

Si la valeur obtenue par la méthode des multiples est supérieure à la valeur issue de la
méthode DCF (et s’il n’y a pas d’erreur !), le moment peut être bon pour introduire
l’entreprise en Bourse car les investisseurs financiers ont une appréciation du risque
et de la rentabilité plus favorable à l’entreprise que son actionnaire actuel ou son
management. A contrario si la valeur issue des multiples est en retrait par rapport à
la valeur DCF et si l’on croit à son plan d’affaires, il vaut mieux attendre que
l’entreprise concrétise dans ses états financiers son potentiel de croissance reflété
dans la méthode DCF.

Si les multiples de transaction aboutissent à une valeur nettement plus élevée que
les multiples boursiers ou la valeur issue du DCF, les actionnaires vendeurs auront
trouvé une bonne fenêtre pour passer à l’acte.

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