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Résumé de droit des entreprises en difficulté

Notion de base et présentation de la loi 73-17

U ne entreprise en difficulté est une entreprise confrontée à des problèmes d’une


ou plusieurs nature(s) qui remettent en cause la pérennité de son activité (de
manière plus simple l’entreprise est confronté a des difficultés de nature à
compromettre sa continuité et son exploitation
Les entreprises peuvent également subir ce que l’on appelle la défaillance. Cette
situation est la conséquence d’un nombre élevé d’obstacles auxquels la société fait face.
Le processus de défaillance est progressif. Une société est tout d’abord défaillante
économiquement1, puis financièrement2, et enfin juridiquement3. Cette dernière
défaillance est la conséquence des deux premières.
Afin de surmonter les obstacles éventuels, les entreprises mettent en place des
procédures internes de contrôle, avec l’appui d’acteurs externes tels que l’expert-
comptable ou CAC4. Dans le cas où ces démarches ne suffisent pas, des procédures
judiciaires de prévention existent pour traiter les difficultés en amont.
Pour ce faire le législateur a mis en place nouveau régime des entreprises en difficulté
c’est la loi 73-17 qui a été adopté le 9 avril par le Parlement et publié lundi 23 avril 2018
au Bulletin officiel. Cette réforme a pour principale but faire avancer le Maroc dans le
classement Doing business établi par la Banque mondiale.5 De même cet amendement
juridique a pour objectif d’instaurer les fondements de la bonne gouvernance dans la
gestion et la détection précoce des difficultés de l'entreprise, avant l’intervention de la
justice qui aboutit généralement à la liquidation judiciaire.
La nouvelle loi a également pour objectif de mettre en place de nouvelles procédures de
prévention pour les entreprises en difficulté, le renforcement de la procédure de
redressement judiciaire, le rééquilibrage des pouvoirs entre le chef d'entreprise en
difficulté et ses créanciers et l'augmentation de l'efficacité de la procédure de la
liquidation judiciaire
1
La défaillance économique d’une entreprise intervient à partir du moment où elle n’est plus rentable
économiquement autrement dit lorsqu’elle ne crée plus d’emploi et elle consomme des ressources.
2
La défaillance financière est la résultante de l’impossibilité de faire face aux décaissements ; ça veut dire
l’impossible d’honorer ses dettes.
3
La défaillance juridique d’une entreprise est la constatation juridique de son insolvabilité. Il
existe deux causes à cela : d’une part la cessation des paiements, et d’autre part une
situation financière difficile.
4
Commissaire aux comptes
5
Le classement "Doing Business" classe 190 pays par rapport à leur facilité à faire des affaires. Créé en
2002 par le groupe de la banque mondiale
Ainsi Les principales dispositions de la loi 73.17 susvisée peuvent être résumées
comme suit :
Mise en place des règles de prévention interne et externes :
En vue de maintenir l’activité de l’entreprise en difficulté en évitant au maximum d’aller
vers le redressement ou la liquidation judiciaire. La loi prévoit des règles de prévention
interne pour les entreprises en difficulté permettant la réalisation d’un diagnostic
précoce des difficultés entravant l'activité de l'entreprise et d'œuvrer à les résoudre
dans leurs premières étapes.
A cet effet, l’article 547 de la loi dispose que « le commissaire aux comptes, s'il en existe,
ou tout associé dans la société informe le chef de l’entreprise des faits de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation notamment les faits de nature juridique
économiques financières et sociales, et ce, dans un délai de 8 jours de la découverte des
faits et par lettre recommandée avec accusé de réception, l'invitant à redresser la
situation. Faute d’exécution par le chef d’entreprise dans un délai de 15 jours de la
réception ou s'il n'arrive pas personnellement ou après délibération du conseil
d’administration ou du conseil de surveillance, selon le cas, à un résultat positif, il est
tenu de faire délibérer la prochaine assemblée générale pour statuer, sur rapport du
commissaire aux comptes, à ce sujet.

Ainsi, en vertu des dispositions de l’article 547 lorsque l'assemblée générale ne délibère
pas à ce sujet, ou s'il a été constaté que malgré les décisions prises par cette assemblée,
la continuité de l'exploitation demeure compromise, le président du tribunal en est
informé par le commissaire aux comptes ou par le chef d'entreprise ou tout associé.
Ainsi, à défaut de résolution des difficultés de l’entreprise à travers la prévention
interne, la loi prévoit dans l’article 549 et suivants des procédures de prévention
externes de ces difficultés notamment la désignation d’un mandataire spécial par le
président du tribunal de commerce chargé de résoudre les difficultés de nature à
compromettre la continuité de l' exploitation s'il apparaît que lesdites difficultés sont
susceptibles d'être aplanies grâce à l'intervention d'un tiers à même de réduire les
oppositions éventuelles des partenaires habituels de l'entreprise ou entre associés. Le
président du tribunal assigne au mandataire spécial une mission et un délai pour
l’accomplir.
L’article 551 de la loi prévoit également une procédure de conciliation permettant de
trouver un accord entre le représentant de l’entreprise en difficulté et
ses principaux créanciers. La négociation de cet accord est confiée à un conciliateur
désigné par le président du tribunal de commerce.
Notons à cet égard que les procédures précitées sont déclenchées avant que
l’entreprise soit en état de cessation de paiement.

Mise en place d’une procédure de sauvegarde :


La loi a mis en place une nouvelle procédure dite de « sauvegarde » qui vise à surmonter
les difficultés auxquelles est confrontée l’entreprise, afin d’assurer la continuité de ses
activités et un diagnostic précoce des contraintes. Cette procédure est volontaire
et ne peut être déclenchée que par les sociétés qui ne sont pas en état de cessation de
paiement.
La demande doit être déposée par le dirigeant auprès du greffe du tribunal de
commerce accompagnée d’un plan de sauvetage. Ladite demande doit préciser les
problèmes auxquels se heurte la structure ainsi que tous les documents qui l’attestent.
Le chef d’entreprise doit également joindre à sa demande son plan de sauvegarde.
Durant la période de la procédure, le chef d’entreprise continue à gérer l’entreprise et
reste soumis au contrôle du syndic concernant l’exécution de son plan de sauvetage.
La procédure de sauvegarde est ouverte pour une durée maximum de 5 ans. Ainsi, la loi
confère au tribunal la prérogative de constater la non-exécution par l’entreprise de ses
engagements et de résilier le plan de sauvetage ainsi que de recourir à la procédure de
redressement ou de liquidation judiciaire.
Le syndic
La nouvelle loi pose dans l’alinéa 5 de l’article 673 de nouvelles conditions pour
l’exercice du métier de syndic et qui seront détaillées par la suite par un texte
réglementaire qui déterminera également les modalités de sa rémunération.
Ainsi, en sus du contrôle de l’exécution du plan de sauvegarde, le syndic est chargé de la
gestion des opérations de redressement et de liquidation judiciaire à compter de la date
du jugement ordonnant l’ouverture de l’une des procédures précitées jusqu’à la date de
clôture desdites procédures.

Le syndic est chargé également de l’exécution du plan de continuation ou de cession de


l’entreprise…etc.
Fixation des règles relatives au redressement judiciaire
La procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’encontre de toute entreprise en
état de cessation de paiement (art 575). Celle-ci est déclenchée à la demande du chef de
l’entreprise au plus tard dans les 30 jours qui suivent la cessation de ses paiements
(art 576).Ladite procédure peut également être ouverte sur l'assignation d'un créancier
quelle que soit la nature de sa créance (art 578). Le tribunal peut aussi se saisir d'office
ou sur requête du ministère public. En vertu de l’article 580 de la loi, la procédure peut
être ouverte à l'encontre d'un associé dans une société en nom collectif, dans le délai
d'un an à partir de sa retraite lorsque l'état de cessation des paiements de la société est
antérieur à cette retraite.
Les articles 579 et 580 de la loi 73.17 susvisée prévoient la possibilité d’ouverture de
cette procédure à l’encontre de tout commerçant ayant cessé son activité ou décédé,
lorsque la cessation de paiement est antérieure à ces faits.
Le redressement judiciaire est prononcé s'il apparaît que la situation de l'entreprise
n'est pas irrémédiablement compromise. A défaut, la liquidation judiciaire est
prononcée (art 583).
Le jugement d'ouverture de la procédure prend effet à partir de sa date. Il est
mentionné sans délai au registre du commerce local et au registre du commerce central.
Dans les huit jours de la date du jugement, un avis de la décision est publié dans un
journal d'annonces légales et au Bulletin officiel. Il invite les créanciers à déclarer leurs
créances au syndic désigné. Cet avis est affiché par les soins du greffier au panneau
réservé à cet effet au tribunal. Dans le même délai de huit jours, le jugement est notifié
à l'entreprise par les soins du greffier.
Le syndic, avec le concours du chef de l'entreprise et l'assistance éventuelle d'un ou
plusieurs experts, doit dresser dans un rapport le bilan financier, économique et social
de l'entreprise. Au vu de ce bilan, le syndic propose soit un plan de redressement
assurant la continuation de l'entreprise ou sa cession à un tiers, soit la liquidation
judiciaire.

Institution d’une assemblée des créanciers


La nouvelle loi susvisée prévoit l’institution d’une assemblée des créanciers à
l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour toute entreprise tenue à
l’obligation de désignation d’un commissaire aux comptes en vertu des textes législatifs
et réglementaires en vigueur, ou dont le chiffre d’affaires dépasse 25 millions de DH et
employant 25 salariés minimum au cours de l’année précédant l’ouverture de la
procédure de redressement (art 606).
Le tribunal peut instituer une assemblée des créanciers en l’absence des conditions
précitées, sur demande du syndic et en vertu d’un jugement motivé.
L’assemblée précitée est composée du syndic (président de l’assemblée), du chef de
l’entreprise et des créanciers inscrits dans la liste des créances déclarés et acceptés par
le juge commissaire.
Ladite assemblée délibère au sujet :

 Du projet du plan de redressement afin de continuer l’exploitation de


l’entreprise prévu à l’article 595 ;

 Du projet du plan de redressement proposé par les créanciers conformément au


paragraphe 3 de l’article 615 ;

 De la modification des modalités et des finalités du plan de redressement afin


de continuer l’exploitation de l’entreprise en application de l’article 629 du code
de commerce ;

 De la demande de remplacement du syndic désigné conformément à l’article


677,

 De la cession d’un ou plusieurs actifs importants de l’entreprise.

Liquidation judiciaire
La procédure de liquidation judiciaire est ouverte d'office par le tribunal ou sur requête
du ministère public ou à la demande du chef d’entreprise ou d’un créancier lorsque la
situation de l'entreprise est irrémédiablement compromise.
Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit
dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens,
même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit, tant que la liquidation judiciaire
n'est pas clôturée.
Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute
la durée de la liquidation judiciaire par le syndic. Toutefois, le débiteur peut exercer les
actions personnelles ; il peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité
de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime ; toutefois, les dommages-
intérêts qu'il obtiendra, éventuellement, bénéficieront à la procédure ouverte.
En vertu des dispositions de l’article 654 Les ventes d'immeubles ont lieu suivant les
formes prescrites en matière de saisie immobilière. Toutefois, le juge-commissaire fixe,
après avoir recueilli les observations des contrôleurs, le chef de l'entreprise et le syndic
entendus ou dûment appelés, la mise à prix et les conditions essentielles de la vente et
détermine les modalités de la publicité.
Le syndic règle l'ordre entre les créanciers et répartit le produit des ventes.
A tout moment, le tribunal peut prononcer, même d'office, et sur rapport du
juge-commissaire, la clôture de la liquidation judiciaire :
- lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le syndic dispose des sommes
suffisantes pour désintéresser les créanciers ;
- lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en
raison de l'insuffisance de l'actif.
Le syndic procède à la reddition des comptes.

Autres dispositions
La loi a prévu d’autres dispositions à savoir :

 L’institution de procédures transfrontalières des difficultés de l’entreprise :


reconnaissance des procédures étrangères ; coopération avec les juridictions
étrangères et les représentants étrangers ; coordination entre les procédures
nationales et étrangères ;

 Sanctions disciplinaires et pénales et voies de recours ;

 Abrogation de l’article 20 du dahir du 12 août 2013 sur la condition civile des


français et des étrangers dans le Protectorat français du Maroc

 Dispositions communes aux procédures de redressement et de liquidation


(désignation par le tribunal du juge commissaire, d’un juge commissaire
suppléant, et du syndic qui peut être un parent du chef de l’entreprise jusqu’au
4ème degré, appel des décisions du juge commissaire dans un délai de 10 jours ;
désignation par le juge commissaire d’un à trois contrôleurs parmi les créanciers
pour assister le syndic dans ses fonctions ; suspension des mesures individuelles
et actions en justice pour le paiement d’une somme d’argent; suspension des
mesures d’exécution et du cours des intérêts légaux et conventionnels ;
interdiction de payer les créances antérieures à l’ouverture ainsi que l’inscription
des hypothèques, gages et privilèges; nullité de tout contrat conclu par le
débiteur après l’ouverture de la procédure; obligation pour le conjoint de
présenter un inventaire de ses biens personnels avec possibilité pour le syndic de
demander l’annexion de ces biens aux actifs de l’entreprise s’il apporte la preuve
qu’ils ont été acquis par le débiteur; fixation de la durée de suspicion, de la date
de la cessation de paiement et de déclaration des créances).

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