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Contentieux social

Pr. Kenfack etienne

INTRODUCTION

Le droit social est une discipline crée en marge du droit civil pour organiser des relations
professionnelles entre les employeurs et les travailleurs dépendants. La discipline a deux
branches : la branche droit du travail qui organise les relations professionnelles entre les
employeurs et les travailleurs dépendants et la branche sécurité sociale qui organise la
protection des personnes contre les risques de l’existence notamment les risques de maladie,
risques de perte de revenues, risques de chômage, risques d’accidents, risques de décès etc.
Dans certains pays, la protection concerne l’ensemble des citoyens même ceux qui n’ont pas
cotisés : on parle de sécurité sociale. Dans d’autres pays, la protection ne concerne que les
travailleurs et les assurés volontaires, on parle de prévoyance sociale. Dans ces pays, le droit
social est appelé droit du travail et de la prévoyance sociale. La matière est née parce que le
droit des contrats c’est avéré inapte à organiser les relations entre deux parties contractantes
dont l’une est essentiellement forte (l’employeur) et l’autre dépendante (l’employé). Pendant
longtemps, la relation a été organisée par le droit des contrats, droit dominé par l’idée
d’égalité des parties chacune défendant ses intérêts. Profitant de leur supériorité dans la
négociation, les employeurs ont imposé des salaires extrêmement bas, les longues journées de
travail, la non-prise en charge des maladies et accidents, l’absence des périodes de repos etc.
La situation des travailleurs a été décrite par plusieurs auteurs parmi lesquels : Emile Zola,
les docteurs Villerme et Guepin, la Cordaire et le Pape Léon XIII. Villerme et Guepin.
Zola ainsi que le Pape ont fait observer que la liberté contractuelle appliquée aux relations de
travail conduisait à l’atteinte à la dignité humaine. Dans l’encyclique rerum novarum, le pape
après avoir dénoncé la condition ouvrière invitait les Etats à prendre des mesures pour
corriger.
Une proposition forte a été faite par La Cordaire dans une formule célèbre : « entre le fort et
le faible, entre le riche et le pauvre, entre le puissant et le misérable, entre le maitre et le
serviteur, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui libère ». C’était une invitation
adressée à l’Etat pour qu’il fixe les règles obligatoires applicables à tous ceux qui conclut des
contrats de travail. Que le contrat ne soit plus qu’un acte déclencheur d’un ensemble de règles
préconstitué. L’Etat est intervenu pour limiter la durée du travail, imposer les périodes de
repos, imposer les congés payés ; interdire le travail de nuit des femmes et des enfants,
imposer les salaires minimums etc. depuis lors, un corps de règles obligatoires forme une
matière appelé droit social ou droit du travail et de la prévoyance sociale.
Ces règles s’imposent dès lors qu’un contrat de travail est conclu, elles ne peuvent être
modifiées que dans un sens favorable des travailleurs. Lorsque les lois sont modifiées par
contrat dans un sens favorable des travailleurs, on parle du respect de l’ordre public social.
Du fait de sa spécificité, le droit social a des sources particulières, la plupart de ces règles ont
été produite par l’OIT dans des conventions réceptionnées dans les lois des états membres.
Dans l’ordre interne, les règles de droit du travail se trouvent non pas dans les contrats mais
dans les sources étatiques et dans les sources d’origine professionnelles :
Les sources étatiques sont des normes produites par les corps constitués de l’Etat. On
trouve les règles du droit du travail prioritairement dans les codes du travail et les lois
du travail. On les trouve également dans les décrets (Par exemple le décret 2014 fixant
le SMIG).et arrêtés d’application. Ces sources sont complétées par la jurisprudence
qui règle questions oubliées par les lois et règlement.
Par dérogation aux sources étatiques mais dans un sens favorable aux travailleurs, il
existe des sources d’origine professionnelles. La plus importante est la convention
collective négociée par les syndicats et qui fixe les règles particulières d’une branche,
le statut du personnel qui fixe les règles propres à une entreprise, les usages qui sont
des règles obligatoires non écrites et le contrat de travail qui contient quelques
dispositions propres à un travailleur
Toutes ces sources fixent les droits et obligations des parties au contrat de travail. Tant que
chaque partie s’acquitte de ses obligations, les rapports de travail sont harmonieux, le code du
travail et les autres sources se déploient aisément mais il peut arriver que l’une des parties
manque à ses obligations ce qui fait naitre des conflits qui peuvent se transformer en différend
ou litige. Un conflit est une opposition de vue ou d’intérêts, une mésentente qui se transforme
en différend ou litige lorsqu’il se cristallise sur un point nécessitant l’intervention d’une
autorité ou d’un juge pour le régler.
Les différends en matière sociale et les procédures de règlement forment une discipline
dérogatoire au droit commun qu’on appelle contentieux social. Le mot contentieux a deux
sens : dans un premier il désigne un ensemble de litiges susceptibles d’être soumis aux
tribunaux, à une autorité, à un médiateur ou à un arbitre. Dans un second sens, le contentieux
désigne l’ensemble des règles et procédures qui permettent de trancher les litiges. Les deux
sens étant complémentaires il est permis de définir le contentieux social comme l’ensemble
des litiges de droit social et l’ensemble des règles et procédures qui permettent de les trancher.
Pour mieux cerner le contentieux social, il est important de se préoccuper de son domaine et
de ses sources.

I- Le domaine du contentieux social

Ce domaine est très vaste, il couvre les litiges portant sur l’application des mesures prévues
par les lois, les règlements ou les sources d’origine professionnelles du droit social. C’est le
contentieux du recrutement, de la vie en entreprise, de la rupture des contrats, c’est le
contentieux de la sécurité sociale.
Relativement au recrutement ; le contentieux porte sur la situation des parties avant la
conclusion du contrat ou sur la nature du contrat, c’est le contentieux des
discriminations à l’embauche, du statut de la personne avant la conclusion du contrat
définitif, de l’existence du contrat. L’employeur prétend que le salarié est à l’essai,
celui-ci soutient qu’il est définitivement engagé. L’employeur prétend que le contrat
est à durée déterminée, le salarié prétend qu’il est à durée indéterminée
Le contentieux de la vie en entreprise, c’est le contentieux disciplinaire, c’est le
contentieux du reclassement, c’est le contentieux de la modification du contrat, c’est le
contentieux de la suspension du contrat, le contentieux de la rupture du contrat et du
licenciement
La matière est très complexe car le même acte et la situation conflictuelle qui peut l’entourer
ou qu’il peut engendrer peuvent donner lieu à la saisine du juge administratif, du juge
répressif ou du juge social. La complexité s’accroit avec le développement des modes
alternatifs de règlement des litiges. Ces modes sont-ils utilisables pour régler les différends de
travail. La question plus générale est celle ce savoir quel est le régime de règlement des
différends de travail. La réponse est propre à chaque pays. Notre for étant le Cameroun c’est
dans cet espace qu’il faut rechercher les réponses en analysant les sources du contentieux
social au Cameroun

II- Les sources du contentieux social

Le mot source a deux sens, dans un premier, il désigne l’origine, les fondements, ce qui
justifie la naissance. Dans un second sens il désigne les lieux où on trouve. C’est dans ce
second sens qu’il faut entendre les sources du contentieux social. Il s’agit de répondre à la
question de savoir où trouve-on les règles du contentieux social. La réponse est propre à
chaque pays parce que tout comme le droit social, le contentieux social est une discipline
territorialiste.
C’est donc dans le système juridique camerounais qu’il faut rechercher les sources du
contentieux social dès lors que le travail est mené sur le territoire camerounais. L’analyse met
en perspective les sources propres au droit social et les sources externes à la matière. Les
sources propres au droit social sont les lieux d’inscriptions des règles dédiées au droit social.
On trouve en effet dans le code du travail l’essentiel des règles du contentieux social. Cela
s’explique par le fait, les particularités des règles du contentieux social portent également sur
les questions de procédures qui devraient être automatiquement traitées par la même
discipline mais les instruments du droit social ne traitent pas de certaines questions spéciales
qui ont des réponses ailleurs que dans le droit social, il en est ainsi des questions
d’organisation judiciaire, les questions d’urgence et d’exécution des décisions. Même
lorsqu’elles ont un lien avec les rapports de travail, elles trouvent des réponses dans les textes
de procédure civile et commerciale et les textes de l’OHADA. Il en est ainsi également
lorsque la contestation porte sur une question qui constitue en même temps une infraction
pénale dans un tel cas, ce sont les instruments du droit pénal et de la procédure pénale qu’il
faut interroger
Le contentieux social a donc ses sources aussi bien dans le droit social qu’en dehors l’analyse
de ses différentes sources met en perspective les règles du contentieux social articulés autour
de l’ordre juridique interne et international.
Dans l’ordre juridique interne, le contentieux social est constitué des règles assurant la gestion
des différends individuels et collectifs entre l’employeur et les salariés ou les litiges
impliquant l’organisme de sécurité sociale. Mais dès que survient un élément d’extranéité le
litige s’internationalise et son règlement mobilise d’autres types de règles ce qui nous conduit
à articuler cette enseignement autour de deux actes : le contentieux social interne (Première
partie) et le contentieux social international (Deuxième partie)

PREMIERE PARTIE : LE CONTENTIEUX SOCIAL INTERNE

Le contentieux social interne désigne l’ensemble des règles permettant de résoudre sur le
territoire d’un Etat souverain les litiges de travail et de sécurité sociale ne comprenant pas un
élément d’extranéité. Le régime de ce contentieux est influencé par le souci de protection de
la partie faible. Ce souci a conduit le législateur à poser le principe de la gestion étatique des
différends de travail mais l’expansion de la justice alternative invite à se demander s’il n’y a
pas d’exception à ce principe.

TITRE I : Le principe de gestion étatique des différends de travail

Une des applications de la formule de La Cordaire d’après laquelle « entre le fort et le


faible, entre le riche et le pauvre, entre le maitre et le serviteur, c’est la liberté qui opprime,
c’est la loi qui affranchie » est l’organisation d’une gestion essentiellement étatique des
différends de travail pour rétablir l’équilibre rompu par l’état de subordination dans lequel se
trouve le salarié. En effet, lorsqu’un salarié a un différend avec son employeur, ce dernier
dispose d’un privilège de préalable qui lui permet de se rendre justice à lui-même puis de se
situer en position de défendeur. Il peut ainsi grâce au pouvoir disciplinaire que la loi lui
reconnait, infliger une sanction au salarié, de même, il peut refuser de lui payer une indemnité
qu’il estime ne pas devoir. Il peut également grâce au pouvoir de direction et de gestion
imposer une modification du contrat de travail au salarié sans attendre le juge. C’est ce qui
explique la rareté des actions en justice des employeurs contre les salariés. Par contre le
salarié qui n’a pas le même privilège, a intérêt à disposer d’une action lui permettant de
réclamer le respect de ses droits au besoin avec le soutien de l’Etat. C’est dans cet ordre
d’idée que le droit social a privilégié une gestion entièrement étatique des différends de
travail. La gestion est dites étatique parce que tout le processus est contrôlé par les organes de
l’Etat de l’introduction de l’action, au jugement. Cette gestion pose un problème de
compétence et de procédure, elle fait intervenir prioritairement les instances de droit social
mais celles-ci ne sont pas les seules. Dans des situations non envisagées par les instances de
droit social, d’autres juridictions prennent le relai. Il en résulte que si les instances de droit
social ont une compétence de principe, d’autres juridictions sont amenées à se prononcer sur
les litiges de travail.
Chapitre I : Le principe des instances de droit social

Les instances concernées sont l’inspection du travail et les juridictions de travail. L’inspection
du travail est la structure administrative chargée du contrôle et de la mise en œuvre des règles
de droit du travail. Elle joue aussi le rôle de juridiction du travail. Les juridictions du travail
ont reçu du code du travail une compétence de principe pour trancher les litiges aussi bien
individuels que collectifs. Il est important de présenter ces juridictions avant de se préoccuper
des procédures.

Section 1 : Les juridictions de travail

Dans certains pays les litiges de travail sont tranchés par des juridictions spécialisées, il en est
ainsi de la France où ils sont tranchés par les conseils de Boulogne. Dans d’autres pays ce
sont des juridictions ordinaires avec composition particulière qui les tranchent. Il en est ainsi
du Cameroun où les litiges du travail sont tranchés par les juridictions ordinaires avec une
composition spéciale qu’il faut mettre en perspective avant de présenter les règles de
compétences.

Paragraphe 1 : Composition des juridictions du travail

Cette composition est propre à chaque état, d’après l’article 133 du Code du Travail, les
tribunaux statuant en matière sociale se composent d’un magistrat président, d’un assesseur
employeur et d’un assesseur travailleur choisi parmi ceux figurant sur les listes établis
conformément à la loi et enfin d’un greffier. La première originalité de cette composition est
la présence des assesseurs. Le juge qui est un magistrat professionnel est tenu de siéger avec
deux assesseurs issus du milieu professionnel.
Les assesseurs sont nommés par arrêté du ministre de la justice sur les listes proposés par les
organisations professionnelles les plus représentatives. Leur mandat s’étend sur 2 années
judiciaires et peut être renouvelé. Les assesseurs en fonction continuent à siéger jusqu’à la
nomination de nouveaux. Pour être assesseur, il faut :
- avoir exercé depuis au moins 3 ans une activité professionnelle.
- avoir exercé cette activité dans le ressort du tribunal depuis au moins 3 mois.
- savoir lire ou écrire le français ou l’anglais, jouir de ses droits civiques.
- pour les étrangers avoir résidés pendant au moins 5 ans sur le territoire du Cameroun.
Les assesseurs prêtent serment devant la juridiction où ils doivent servir. Les assesseurs
désignés pour une affaire peuvent être récusés dans les cas suivants :
- quand ils ont un intérêt personnel à la contestation
- quand ils sont parents ou alliés de l’une des parties jusqu’au 6eme degré
- s’il y a eu procès pénal ou civil entre eux et l’une des parties ou son conjoint ou allié
en ligne directe
- s’ils ont donné un avis écrit ou oral sur la contestation
- s’ils sont employeurs ou travailleurs de l’une des parties en cause.

La récusation est formulé in limine litis.


La seconde originalité de la composition c’est la parité, il doit y avoir un nombre égal
d’assesseurs employeurs et travailleurs. La composition de la juridiction doit être constatée
par la décision rendue. La non présence des assesseurs au cours d’un procès de droit du travail
entraine l’annulation de la décision, il en est de même du non-respect de la parité. Il peut
arriver que le juge siège seul et que la décision reste valable, notamment lorsque les
assesseurs convoqués ne se présentent pas après plusieurs convocations ou lorsqu’un seul se
présente. Le juge mentionne alors cette carence dans sa décision et tranche le litige sans
assesseurs.
Outre la composition, la loi précise la compétence des juridictions statuant en matière sociale.

Paragraphe 2 : la compétence des juridictions statuant en matière sociale


La compétence désigne l’aptitude d’une juridiction ou d’une autorité à connaitre d’une affaire
ou d’un litige. Pour les juridictions statuant en matière sociale, le législateur distingue la
compétence matérielle et la compétence territoriale

A- la compétence matérielle
Elle désigne l’aptitude d’une juridiction à connaitre une affaire quant au fond. Le législateur
distingue dans ce domaine les différends collectifs des différends individuels. Les différends
collectifs sont ceux qui mettent en présence une collectivité de travailleurs organisé en
syndicats et un syndicat d’employeurs ou un employeur. Ils sont tranchés par un conseil
d’arbitrage institué dans le ressort de chaque Cour d’appel composé d’un magistrat membre
de la Cour d’appel président, d’un assesseur employeur et d’un assesseur travailleur.
Cette compétence qui est le prolongement de celle des juridictions statuant en matière de
différend individuel de travail ne soulève pas de difficulté particulière. Par contre, celle des
juridictions statuant en matière de différend individuel de travail mérite des développements
importants. Les différends individuels sont ceux qui mettent en présence un employeur et un
travailleur ou un employeur et plusieurs travailleurs ayant chacun des chefs de demande
spécifique. D’après l’article 131 CT les différends individuels pouvant s’élever à l’occasion
du contrat de travail entre les employeurs et les travailleurs ou du contrat d’apprentissage
relève de la compétence des tribunaux statuant en matière sociale conformément à la
législation portant organisation judiciaire. Ce texte révèle qu’il n’existe pas de juridiction
spécialisée pour le règlement des différends individuels du travail au Cameroun, ce sont les
juridictions ordinaires qui ont reçu compétence pour trancher de tels litiges.
D’après l’article 13 de la loi n°2006-15 du 29 décembre 2006 portant organisation
judiciaire, le tribunal de première instance est compétent pour trancher des litiges en matière
social lorsque le montant de la demande est inférieur ou égal à 10M. D’après l’article 16 du
même texte le Tribunal de Grande Instance est compétent pour trancher les litiges en matière
sociale lorsque le montant de la demande est supérieur à 10M.
L’incompétence matérielle du tribunal est une cause d’irrecevabilité de l’action. Il en est de
même de l’incompétence territoriale

B- La compétence territoriale

C’est l’aptitude des juridictions d’une localité à connaitre d’un litige. Elle permet de
déterminer le lieu, la localité où le litige doit être porté. En droit commun, le tribunal
compétent sur le plan territorial est celui du lieu de domicile du défendeur. Mais le droit social
a adopté un régime totalement dérogatoire au droit commun qui assure une forte protection au
travailleur. D’après l’article 132 CT, la compétence territoriale est articulée autour d’un
principe et d’une dérogation. Le principe est que le tribunal compétent est celui du lieu du
travail. Par dérogation à ce principe le texte ajoute qu’il demeure loisir à un travailleur qui ne
réside plus au lieu où il exécutait son contrat de travail, de porter tout litige né de la cessation
ou de la résiliation du contrat soit devant le tribunal du lieu du travail, soit devant celui de
sa résidence à condition que l’un et l’autre soit situé au Cameroun
Les juridictions étant identifiées et leurs compétences précisées, il faut se préoccuper de la
procédure de règlement des différends de travail.

Section 2 : la procédure de règlement des différends de travail


(Elle est dominée par les grands principes qu’il faut étudier avant de considérer les
protagonistes et l’instance)

Paragraphe 1 : Les grands principes gouvernant la procédure devant le juge social
Plusieurs gouvernent la procédure devant le juge social : le principe gratuité, le principe du
contradictoire, le principe de l’unicité d’instance, le principe de l’oralité.

A- Le principe de gratuité

C’est un principe général de procédure qui a été institué pour faciliter l’accès des personnes à
la justice. D’après ce principe, la justice étant un service public, on doit y accéder sans payer
le personnel de service. Le justiciable ne paye donc ni son juge, ni le personnel judiciaire qui
sont payés par l’Etat. Mais par contre, il doit payer d’autres frais qui peuvent s’avérer assez
lourd, notamment les frais d’introduction d’instance, les frais de consignation, les frais
d’instruction et éventuellement les frais d’exécution de la décision rendue.
Une telle approche de la gratuité aurait empêché l’accès de la plupart des travailleurs au
prétoire. Pour leur faciliter l’accès au juge. Le législateur social est allé plus loin que le droit
commun et a renforcé la gratuité de la procédure. A l’article 138 CT il écrit : «  la procédure
de règlement des différends individuels de travail est gratuite tant en premier ressort que
devant la juridiction d’appel, les décisions et documents produits sont enregistrés en débet
et toutes les dépenses de procédure sont assimilés aux frais de justice criminelle en ce qui
concerne leurs paiements, leur imputations, leurs liquidations et leurs modes de
paiement »
Il ressort de ce texte qu’en droit social, aucun timbre, aucun frais d’huissier, de consignation,
d’enregistrement n’est nécessaire pour introduire et faire juger une affaire devant les instances
de droit social. Le juge social en effet est saisi par requête écrite ou orale. La gratuité se
poursuit devant la Cour suprême où la taxe de pourvoi n’existe pas en matière sociale.Le
principe de gratuité est combiné en droit social avec celui du contradictoire

B- Le principe du contradictoire
C’est un principe général de procédure civile et de procédure pénale qui s’applique avec
beaucoup de vigueur en droit du travail. D’après celui-ci, nul ne peut être jugé à partir
d’élément qui n’aurait pas été soumis à son examen et à sa critique. Il s’applique en particulier
à la production des preuves et à l’utilisation par le juge d’un moyen soulevé d’office.
Relativement à la production des preuves, tous les éléments de preuve fourni par une partie
doivent être soumis à l’examen et à la critique de l’autre que ce soit des éléments matériels ou
des documents. Toute preuve non soumise à l’examen et à la critique de l’autre partie doit
être rejetée par le juge.
En ce qui concerne les moyens soulevés d’office par le juge, ils doivent être soumis à
l’observation préalable des deux parties.
La violation du principe du contradictoire entraîne la nullité de la procédure. Ce principe est
prolongé par celui de l’oralité

C- Le principe de l’oralité

Il a été posé pour permettre que chaque partie soit en mesure de discuter des prétentions, les
arguments et les preuves de son adversaire. Il donne une importance à la parole des parties, la
conséquence de la mise en œuvre de ce principe est que contrairement au droit civil et
commercial où les parties plaident par conclusion, en matière sociale, les parties sont tenues
de comparaitre soit en personne soit à travers leurs représentants. Devant l’inspecteur du
travail, cette exigence est justifiée par la recherche de la conciliation, devant le juge elle est
justifiée par le fait que les déclarations à l’audience priment sur les écritures.
D- Le principe de l’unicité d’instance

Il a été institué pour éviter les procès successifs entre un même travailleur et son employeur.
D’après ce principe, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties
doivent être présentées en une seule instance à peine d’irrecevabilité. Il est donc interdit de
diviser le procès en droit du travail puisque les demandes introduites initialement deviennent
irrecevable.
Cependant, les demandes nouvelles dérivant du même contrat sont recevables en tout état de
cause même en appel ou devant la juridiction de renvoi après cassation sans que puisse être
opposé pour celles-ci l’absence de tentative de conciliation
Malgré l’importance de ces principes, ils ne peuvent être mobilisés que par des protagonistes
bien précis

Paragraphe 2 : les protagonistes des litiges de travail

La question ici est de savoir quelles sont les parties à un litige de travail ? Qui peut être
demandeur ou défendeur ? La réponse classique est que le litige de travail oppose un
employeur et un ou plusieurs travailleurs ou syndicat de travailleurs. Ces protagonistes
peuvent se faire assister ou représenter conformément au droit commun ou selon les règles
propres au droit du travail.
En droit commun, la représentation est assurée exclusivement par les avocats dans toutes les
villes où il y’a au moins 04 cabinets d’avocats. En droit du travail, une dérogation est
apportée à cette règle, même dans les villes où il è y a 04 cabinets d’avocats.
Les travailleurs peuvent se faire représenter soit par un travailleur travaillant dans la
même branche d’activité soit par un représentant des organisations syndicales
auxquelles ils sont affiliés.
Les employeurs être représentés par un directeur ou un employé de l’entreprise pour
l’établissement
Le mandataire des parties doit être constitué par écrit. Si la représentation par un avocat, un
directeur ou un employé de l’entreprise, ne suscite pas de difficultés particulières, celles par
les syndicats méritent quelques précisions autant qu’un syndicat peut également être partie au
procès. C’est une invitation à préciser les modalités d’intervention d’un syndicat
professionnel dans un litige de travail.
En effet pour agir en justice il faut avoir à la fois la capacité, la qualité l’intérêt à agir. Un
syndicat remplit-il ces conditions en droit social ? Si la réponse est affirmative lorsqu’il
exerce une action propre ou une action syndicale, on peut hésiter lorsqu’il exerce une action
en substitution.

A- Le syndicat et l’exercice de l’action propre

L’action propre est celle par laquelle un syndicat assure la défense de ses intérêts personnels
en tant que groupement. Il n’a jamais été contesté que le syndicat personne morale puisse
ester en justice pour défendre ses intérêts propres de groupement devant les juridictions
statuant en matière sociale. Il lui suffit d’établir que ses intérêts sont en cause. Ainsi à la suite
d’une scission syndicale, un syndicat peut ester en justice pour réclamer telle ou telle partie du
patrimoine.
De même un syndicat est admis
- à se plaindre en justice d’une atteinte à la liberté syndicale dont est victime un de ses
adhérents
- à demander au juge l’annulation d’une élection professionnelle à laquelle il a présenté
des candidats
- à agir en dommages et intérêts pour obtenir réparation du préjudice causé par une
mesure discriminatoire
L’action propre permet au syndicat d’agir non comme représentant mais comme partie au
procès car il défend un intérêt personnel qui lui profite comme groupement et qui ne profite
pas aux salariés. C’est également comme partie au procès que le syndicat organise l’action
syndicale.

B- Le syndicat et l’exercice de l’action syndicale

L’action syndicale est celle par laquelle un syndicat agit pour la protection, la défense d’un
intérêt collectif de la profession. Par exemple un syndicat de travailleurs agit pour le respect
de la règlementation du droit du travail, pour le respect du droit de la grève. Un syndicat
d’employeur agit pour la protection du droit de lock-out.
La reconnaissance d’une telle action s’est heurtée pendant longtemps à des contestations assez
fortes. On soutenait que le syndicat organisation libre et spontanée à l’origine ne paraissait pas
qualifié pour représenter la profession en tant que telle.
La jurisprudence d’abord, le code du travail ensuite, ont admis la validité de cette action.
D’après l’article 15 al 1 (a) du CT : « les syndicats professionnels peuvent devant toutes les
juridictions exercés tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un
préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente »
Dans le cas de l’action propre et de l’action syndicale, le syndicat est véritablement partie au
procès ce qui n’est pas le cas lorsqu’il exerce : l’action de substitution.
C- Le syndicat et l’exercice de l’action en substitution

C’est une action par laquelle un syndicat agit en lieu et place d’un salarié sans être mandaté.
Une telle action est-elle recevable ?
En présence de la violation d’un important droit d’un salarié, un syndicat saisi le juge sans
être mandaté par le salarié concerné. En procédure civile, il existe un principe fondamental
d’après lequel « nul ne plaide par procureur ». Ce principe signifie que nul ne peut sans
mandat exercer une action en justice au nom et pour le compte d’une autre personne. En
application de ce principe, un syndicat ne peut se substituer à un salarié pour exercer une
action en justice en son nom. Une telle action serait irrecevable.
Cette solution est constante en droit camerounais mais en législation étrangère, elle a reçu des
exceptions permettant de protéger les travailleurs vulnérables. Un syndicat peut ainsi agir en
lieu et place d’un travailleur sans papiers à condition que le travailleur ne s’oppose pas à
l’action

Paragraphe 3 : La procédure de règlement des différends de travail


Elle varie selon qu’on est en présence d’un différend individuel ou collectif

A- La procédure de règlement des différends individuels de travail


Totalement dérogatoire au droit commun, la procédure commence par une phase préalable
obligatoire et peut se poursuivre devant le juge.

1- La phase préalable obligatoire, la tentative de conciliation devant l’inspecteur du


travail

Le processus de règlement de tout différend individuel de travail commence obligatoirement


devant l’inspecteur du travail avant toute saisine du juge. D’après l’article 139 CT tout
travailleur ou employeur doit demander à l’inspecteur du travail, du lieu du travail de régler le
différend à l’amiable
L’inspecteur du travail compétent est celui du lieu de travail même si le travailleur envisage
de saisir plutôt le Tribunal du lieu de sa résidence. L’inspecteur du travail est saisi par requête
écrite ou orale non timbrée. Il convoque les parties et tente de les concilier en audience non
publique. Si le demandeur ne se présente pas par deux fois, l’affaire est classée. Si c’est le
défendeur qui ne se présente pas après deux convocations, un PV de non conciliation pour
défaut de comparution est établi. Ce document permet de saisir le juge.
Si les deux parties comparaissent, il peut y avoir accord total ou partiel, ou échec de la
tentative de conciliation
En cas d’accord un procès-verbal de conciliation totale est rédigé et signé par l’inspecteur de
travail et par les parties et vient consacrer le règlement à l’amiable du litige. Il a valeur de
décision et rend le juge désormais incompétent pour connaitre le litige
En cas de conciliation partielle, un procès-verbal de conciliation partielle est établi. Il
mentionne les points sur lesquels un accord est intervenu et ceux sur lesquels le désaccord
persiste.
En cas d’échec de la tentative de conciliation, l’inspecteur du travail dresse un procès-verbal
de non-conciliation. L’échec total ou partiel de la conciliation déclenche la deuxième phase
qui est la saisine du juge.

2- La saisine du juge
En droit social, la procédure de règlement des différends individuels ne se poursuit devant le
juge qu’en cas d’échec de la tentative de conciliation devant l’inspecteur du travail.
L’action est introduite par déclaration orale ou écrite au greffe du Tribunal compétent. La
déclaration sous peine d’irrecevabilité doit être accompagnée d’un exemplaire du procès-
verbal de non-conciliation totale ou partielle. Le juge cite les parties à comparaître. Si au juge
fixé par la convocation le demandeur ne se présente pas et ne justifie pas d’un cas de force
majeure, la cause est rayée du rôle. Elle ne peut être reprise qu’une seule fois. Si le défendeur
ne comparaît pas et n’est pas valablement représenté, le Tribunal prononce un jugement par
défaut.
Le jugement rendu est susceptible de voies de recours que sont l’opposition, l’appel et le
pourvoi. Les jugements de remise des certificats de travail ou des bulletins de paie sont
insusceptibles de recours.

B- La procédure de règlement des différends collectifs de travail

Le différend collectif est celui qui met en présence un groupement de travailleur défendant un
intérêt dont les effets se répercutent sur d’autres salariés. Il oppose les syndicats des
travailleurs aux syndicats d’employeurs ou à un ou plusieurs employeurs. L’importance du
règlement d’un tel différend pour la paix sociale a conduit le législateur à le soustraire de la
justice alternative et à le confier à des instances étatiques. D’après l’article 157 al 2 CT, le
règlement de tout différend collectif de travail commence par une phase obligatoire de
conciliation suivi éventuellement par une phase d’arbitrage. Le non-respect de cette procédure
étant lourdement sanctionné.

1- La conciliation
D’après l’article 158 CT, tout différend collectif de travail doit immédiatement être notifiée
par la partie la plus diligente à l’inspecteur de travail du ressort. S’il y a une procédure de
conciliation prévue par la convention collective, l’inspecteur du travail l’applique. A défaut
d’une telle procédure, ou en cas d’échec de ladite procédure, l’inspecteur du travail convoque
sans délai les parties et procède sans délai à la tentative de règlement amiable. Les parties
peuvent se substituer un représentant ayant qualité pour se concilier. Si une partie ne
comparaît pas ou ne se fait pas valablement représentée, l’inspecteur du travail dresse un
procès-verbal au vu duquel la partie défaillante peut être condamnée à verser une amende de
50k à 500k. l’inspecteur convoque à nouveau les parties dans un délai qui ne peut excéder 48h
.A l’issue de la tentative de conciliation, l’inspecteur dresse un procès-verbal constatant soit
l’accord soit le désaccord partiel ou total des parties. L’accord met fin au litige. En cas
d’échec de la tentative de conciliation, le différend est obligatoirement soumis dans les 8 jours
à la procédure d’arbitrage
2- l’arbitrage
L’arbitrage des différends collectifs du travail est une institution propre au droit social. Il est
différent de l’arbitrage mode alternatif. C’est une instance de recours en cas d’échec de la
tentative de conciliation. D’après l’article 161 al 1 CT, l’arbitrage des différends collectifs de
travail non réglés par la conciliation est assuré par un conseil d’arbitrage institué dans le
ressort de chaque Cour d’appel. La décision prononcée est une sentence arbitrale. En cas
d’échec de l’arbitrage, les parties peuvent exercer leur droit de grève ou de lock-out

3- Sanction du non-respect des procédures d’arbitrage et de conciliation


Lorsque le différend collectif survient, tout syndicat de travailleurs ou d’employeurs, tout
employeur est tenu de respecter la procédure de règlement des conflits collectifs de travail
avant d’envisager toute grève ou lock-out. En effet d’après l’article 165 CT, le lock-out ou la
grève engagée en contravention des dispositions légales peut entrainer :
Pour les employeurs
- le paiement aux travailleurs des journées de salaire perdues de ce fait
- l’inéligibilité aux fonctions de membre d’une chambre consulaire
- l’interdiction de participer aux appels d’offre pour les marchés publics
Pour le travailleur
- la rupture contrat pour faute lourde
- la condamnation à une amende de 20k à 100k
Certains litiges de travail ne peuvent être réglés ni par l’inspection du travail ni par les
juridictions du travail, ni par le conseil d’arbitrage. Il nécessité l’intervention d’autres
juridictions
Chapitre II : l’intervention d’autres juridictions dans le règlement des différends de
travail

La compétence des juridictions sociales se limite à des faits et actes que le législateur a
clairement défini. Or, dans le cadre des relations de travail, les employeurs et les travailleurs
peuvent commettre ou subir des actes insusceptibles d’être appréciés par le juge social. Ce
qui conduit soit le juge civil, soit le juge pénal, soit je juge administratif à connaitre les
différends de travail.

Section 1 : l’intervention du juge civil dans le contentieux social

L’intervention des juridictions civiles en droit social eut paraitre inconcevable compte tenu de
la spécificité de la procédure des règlements de différends de travail et des grands principes de
gestion des litiges de travail. Mais l’inaptitude des juridictions statuant en matière sociale à
régler les questions d’urgence et le souci d’éviter le déni de justice amène à se demander si les
juridictions civiles déjà compétentes dans ce domaine ne doivent pas être sollicitées.
L’urgence n’est pas une question absente du champ des relations de travail, il peut notamment
il y avoir urgence à faire cesser un trouble manifestement illicite ou à prévenir un dommage
imminent pour l’entreprise ou les salariés. Il en est ainsi notamment en cas d’interdiction
d’accès d’un salarié à son bureau alors que les clés de son domicile ou les actes de naissance
de ses enfants s’y trouvent. Lorsqu’un salarié n’est inscrit sur les listes électorales
professionnelles de manière arbitraire à quelques jours de l’élection.
Les questions d’urgences sont donc nombreuses en droit social et il est important de savoir
quelle juridiction s’en occupe. Le CT a réglé une seule situation d’urgence de manière claire :
l’article 126 du CT donne compétence au Tribunal de première instance statuant en urgence
pour régler les contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité des délégués du personnel
ainsi qu’à la régularité des opérations électorales. Le juge désigné n’est donc pas le juge
social, mais le juge statuant en matière d’urgence qui est un juge civil. En dehors de cette
réponse claire, le CT est silencieux sur les questions d’urgence relativement à la compétence.
Lorsque le droit spécial ne résout pas une question, il faut recourir au droit commun.
Le droit commun en cette matière est la procédure civile. Les règles de droit commun sur
l’urgence sur l’urgence sont posées par l’article 16 de la loi du 29 décembre 2006 … qui
dispose que le président du Tribunal de première instance ou le magistrat du siège par lui
délégué à cet effet est compétent pour statuer sur les procédures de référé, pour rendre des
ordonnances sur requête. La généralité de ce texte laisse clairement apparaitre son aptitude à
saisir toutes les situations d’urgence au Cameroun et par conséquent, l’urgence en matière
sociale. Cette position soulève néanmoins quelques interrogations : comment la concilier avec
la gratuité en matière sociale ? Ne faut-il pas envisager une urgence propre au droit social ?

Section 2 : l’intervention juge répressif dans le contentieux social

Au cours de la relation de travail, les travailleurs peuvent commettre des infractions à l’égard
de l’employeur ou des autres travailleurs. Ils peuvent commettre des vols, des escroqueries,
des abus de confiance, des violences, de la destruction volontaire de matériels etc.
l’employeur ou le chef d’entreprise peut également violer nombres d’obligations à l’égard des
travailleurs ou de l’administration du travail qui constitue des infractions. Pour toutes ces
questions, les juridictions statuant en matière sociale sont incompétentes du fait de leurs
organisations et de leurs compositions. Toutes les questions répressives sont la compétence du
juge répressif quel que soit le domaine.

Section 3 : l’intervention des juridictions administratives dans le contentieux social

Le droit camerounais est caractérisé par une intervention marquée de l’autorité publique dans
les rapports de travail, le développement du pouvoir règlementaire de l’application de la loi et
les multiples missions de contrôles et d’arbitrage dévolues à l’administration déboule souvent
sur des décisions qui ont la nature d’actes administratifs et qui ne peuvent donner lieu à
recours que devant le juge administratif. La contestation des décisions devant le juge
administratif vise le plus souvent à obtenir leurs annulations.
Ce contentieux dit de l’excès de pouvoir est très varié. Il peut naitre des recours dirigés
contre des décrets pris en application d’une loi ou contre des arrêtés, il peut naitre des recours
dirigés contre des actes administratifs pris par les agents de l’administration du travail
notamment l’inspecteur du travail et le greffier de syndicat. Le contentieux devant le juge
administratif peut aussi concerner la réparation on parle plain contentieux. Il s’agit de réparer
les dommages causés par les agents de l’administration

La gestion des différends de travail par des instances étatiques rappelle le lien étroit entre le
droit social et la notion d’ordre public. Simplement, l’ordre public en droit social à deux sens,
c’est un ordre public absolu qui comporte des règles insusceptibles de dérogations mais c’est
également un ordre public social qui admet des dérogations à la législation de travail par
accord de volonté chaque fois que celle-ci améliore la situation des salariés. Une telle
distinction a-t-elle des prolongements dans le contentieux social. Plus concrètement, l’ordre
public social est-il visible dans le règlement des litiges de travail ? Peut-on, dépassant la
gestion étatique, envisager une gestion non étatique des différends de travail
TITRE II : La gestion non étatique des différends de travail

Une fois les règles impératives respectées, les parties à la relation de travail retrouvent leur
liberté et peuvent conclure des conventions variées. De telles conventions peuvent-elles porter
sur le règlement des litiges. La question s’est renouvelée avec le développement des modes
alternatifs que sont : la médiation, la conciliation, l’arbitrage. La réponse à l’interrogation
varie selon qu’il s’agit des litiges portant sur la relation de travail ou de la gestion de la
rupture de la relation de travail.

Chapitre I : la gestion des litiges portant sur la relation de travail

De tels différends sont ceux qui opposent l’employeur et le salarié pendant le cours de la
relation, leur but n’est pas de mettre fin à la relation mais de la faire évoluer. Il en est ainsi de
la revendication d’un reclassement, d’une augmentation de salaire, des primes et avantages,
de la volonté de l’employeur de modifier les conditions de travail, de diminuer les salaires, de
procéder à des mutations et affectations.
La question n’est pas directement abordée par les textes, mais leurs lectures attentives
permettent de mettre en perspective le régime de ce contentieux. Il s’articule autour d’une
gestion d’autorité et d’une gestion négociée.

Section 1 : La gestion d’autorité des différends de travail

Certains litiges de travail sont réglés directement par le chef d’entreprise sans possibilité de
remise en cause de sa décision et les salariés qui refusent de se soumettre sont en faute. Le Ct
a donné à l’employeur un ensemble de prérogatives lui permettant de régler un certains
nombres de différends qui l’opposent au salarié sans se référer au juge et sans que sa décision
puisse être remise en cause. Ces prérogatives sont regroupées dans le pouvoir de direction et
de gestion. Ce pouvoir permet aux employeurs de trancher d’autorité les litiges mineurs qui
pourraient les opposer aux salariés. Il se matérialise dans ce domaine par la mise en œuvre de
la théorie des modifications non-substantielles du contrat de travail qu’on retrouve
implicitement qu’on retrouve implicitement à l’article 42 CT.
D’après cette théorie, les modifications non substantielles du contrat rentrent dans le pouvoir
de direction et de gestion du chef d’entreprise, elles peuvent de ce fait être imposées aux
travailleurs sans leurs consentements et le travailleur qui refuse commet une faute justifiant
une sanction disciplinaire. La question est de savoir ce qu’on entend par modification non
substantielles du contrat. Le CT ne prévoit aucune réponse, mais la doctrine a proposé un
critère dans un article intitulé la modification du contrat du travail au Cameroun, un auteur
estime que les modifications non-substantielles sont celles qui n’affecte pas le salaire, ou qui
ne rendent pas l’exécution du contrat plus pénible (E. Kenfack, RJA 1994).
Les modifications non substantielles sont également celles qui ont été préalablement
négociées entre l’employeur et le salarié. On distingue alors deux groupes de modifications
non-substantielles :
- les modifications objectivement non-substantielles regroupent les mesures
managériales comme les changements d’horaires, les mutations internes, les
changements de bureaux, les nominations etc.
- les modifications subjectivement non-substantielles sont des modifications
substantielles que l’employeur et le travailleur ont décidé de rendre non-substantielles.
L’exemple type est la clause de mobilité. C’est la clause par laquelle, les parties
conviennent que le salarié accepte le principe de sa mutation partout où l’entreprise
aura besoin de lui sur le territoire. Elle permet à l’employeur d’affecter le travailleur
sans son avis.
Pour prendre une mesure de mise en œuvre du pouvoir de direction, le chef d’entreprise n’a
pas besoin de demander l’accord des salariés. C’est une gestion d’autorité des conflits qui
s’oppose à la gestion négociée

Section 2 : la gestion négociée

C’est celle qui mobilise véritablement le dialogue social. Elle est organisée par l’article 42
alinéa 2 du CT. Ce texte fixe le régime des modifications substantielles du contrat. Les
modifications substantielles portent sur les clauses qui touchent à la rémunération ou qui
rendent l’exécution du travail plus pénible. Il s’agit des conflits sur la qualification, le
reclassement, les salaires et les primes.
Le régime de la gestion négociée tient compte de celui qui fait la proposition, de celui qui est
à l’origine du conflit. Si la proposition émane du travailleur et qu’elle est refusée par
l’employeur, le contrat se poursuit les conditions antérieures. Il ne peut être rompu que si le
salarié offre de démissionner. Si la proposition émane de ‘employeur et qu’elle est refusée par
le travailleur, la rupture du contrat pouvant en résulter est imputable à l’employeur. Mais cette
rupture est légitime car fondée sur la présomption de préservation de l’intérêt de l’entreprise.
Elle n’est abusive que s’il est démontré que la proposition n’était justifiée par l’intérêt de
l‘entreprise. Si la proposition est acceptée par le travailleur, elle entraine une modification du
contrat. Mais l’acceptation peut-elle être tacite ?
S’il s’agit de la modification du salaire l’acceptation tacite n’est pas possible car selon
l’article 69 al 4 du CT, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie
par le salarié ne peut valoir la renonciation de sa part à tout ou partie des droits qu’il
tient de son contrat
Pour les autres cas, l’acceptation tacite est possible. Ce régime peut-il être étendu au différend
lié à la rupture du lien contractuel

Chapitre II : La gestion non étatique des litiges de travail relatif à la rupture du contrat
de travail

Pour rompre un contrat de travail, il faut respecter des règles posées par le droit du travail. Les
parties, l’employeur et le travailleur peuvent-ils s’entendre pour mettre de côté ces règles et
rompre leur contrat selon des modalités convenues. Cette question met en perspective la
problématique de la gestion non étatique des litiges relatifs à la rupture d’un contrat de travail.
Elle soulève deux préoccupations essentielles, celle de la licéité d’une telle gestion et celle des
modalités
Section 1 : La licéité de la gestion non étatique des différends de travail relatifs à la
rupture du lien contractuel
Le CT indique les modalités de rupture des contrats de travail en précisant leurs
conséquences. Les parties à un contrat de travail peuvent-elles éviter ces modalités et mettre
fin à leurs contrat par voie de négociation sans passer par les instances étatiques ? Ainsi se
pose le problème de la licéité de la gestion non étatique des différends de travail relatif à la
rupture.
Une telle gestion est permise pour la rupture du contrat à durée déterminée. La rupture
négociée fait partie des modalités de rupture de ce contrat conformément à l’article 38 CT.
D’après ce texte, le contrat à durée déterminée ne peut cesser avant terme qu’en cas de faute
lourde, de force majeure ou d’accord-parties constaté par écrit.
Le débat sur la licéité de la rupture négociée du contrat de travail c’est surtout ouvert à propos
du contrat à durée indéterminée. La loi prévoit deux modalités de rupture de ce contrat : la
démission et le licenciement. Chacune de ces modalités est soumise à des conditions et
produit des effets. Ce sont ces conditions et effets que les parties veulent éviter. Est-ce que
cela est possible ? La réponse est affirmative si la rupture négociée accorde au salarié plus
d’avantages que ce prévu par la loi : c’est la mise en œuvre de l’ordre public social. La
rupture négociée est licite si elle apporte au salarié plus d’indemnités, plus de primes, moins
de contraintes mais elle doit respecter des modalités précises.

Section 2 : Les modalités de règlement non étatique des différends de travail relatif à la
rupture
Les employeurs et les travailleurs qui recourent à un règlement non étatique des différends de
travail, poursuivent deux objectifs principaux : ils souhaitent échapper aux contraintes légales
et surtout éviter un contentieux judiciaire. Leur objectif ultime est que si un juge est saisi du
même litige, qu’il se déclare immédiatement incompétent.
Pour atteindre cet objectif, il y’a des modalités utilisables et des modalités à éviter.

Paragraphe 1 : la modalité à éviter : le reçu pour solde de tout compte

Le reçu pour solde de tout compte est un document que l’employeur fait signer au travailleur
avec pour objectif de déclarer l’employeur libre de tout engagement à son égard. En signant
un tel document, l’employeur espère ne plus payer quoi que ce soit au salarié. Valable en
matière civile, un tel document n’a aucune valeur en droit du travail à l’égard de la partie
faible qu’est le travailleur. D’après l’article 69 al 3 CT, n’est pas opposable au travailleur, la
mention « Pour solde de tout compte » ou toute autre mention équivalente souscrite par lui
soit au cours de l’exécution, soit après la résiliation de son contrat de travail et par laquelle il
renonce à tout ou partie des droits qu’il tient de son contrat de travail
C’est donc un document inutile qui n’empêche pas le juge de recevoir l’action

Paragraphe 2 : les modalités utilisables


Pour mettre fin de manière conventionnelle un contrat de travail a durée indéterminée de sorte
que si un juge est saisi, il se déclare incompétent, le droit social permet de mobiliser deux
modalités : la transaction et l’accord de conciliation.

A- La transaction

C’est une convention par laquelle les parties en litiges y mettent fin en se faisant des
concessions réciproques. Contrat civil, la question s’est posée de savoir s’il est utilisable en
droit social ? La réponse est affirmative si elle est conclue lorsque le salarié n’est plus sous la
subordination de l’employeur, C’est-à-dire au moment où la rupture d’accord-parties est déjà
prise. Le principe de la licéité de la transaction en droit du travail a été admis par la
jurisprudence depuis un arrêt du 18 mai 1953 (Social 18 mai 1953, droit social 1953, page
602). Mais pour que la transaction soit valable, il faut une contestation effective, puis des
discussions approfondies précédents la conclusion de l’accord, en fin, les concessions
réciproques. Il n’y a transaction que si chaque contractant a été en mesure de défendre ses
droits
Lorsqu’une transaction intervient entre deux personnes, elle à la même valeur qu’une décision
de justice passée en force de chose jugée. Simplement, la transaction reste un contrat qui peut
être contesté pour non-respect des conditions de formation. C’est pourquoi une autre modalité
est également prévue l’accord de conciliation
B- L’accord de conciliation
C’est une convention conclue entre un employeur et un salarié en présence de l’inspecteur de
travail en vue de mettre fin à un litige de travail. A la différence de la transaction qui est un
accord privé, l’accord de conciliation est fait devant l’inspecteur de travail. Usant de ses
pouvoirs de conseil et de conciliation, l’inspecteur du travail permet aux parties d’échanger en
toute liberté et en respectant les règles du droit du travail.
L’inspecteur du travail met fin à toutes contestations ultérieure lorsqu’il dresse un procès-
verbal constatant la fin d’un litige opposant un employeur et salarié. L’accord de conciliation
a pour mission de rendre le tribunal incompétent pour connaitre d’un litige entre les parties
signataires du PV. C4’est la modalité idéale de règlement d’un conflit individuel de travail
Le contentieux interne est complété par le contentieux dans l’ordre international
DEUXIEME PARTIE : LE CONTENTIEUX DANS L’ORDRE INTERNATIONAL

Dans l’ordre international le contentieux social pose deux questions : celles de la compétence
internationale et celles de normes applicables. Le régime de la compétence internationale ne
pose aucune originalité par rapport au droit commun. Il est dominé par la compétence de
principe du juge du for et par l’obligation de l’exequatur pour rendre applicable les décisions
étrangères. Par contre, le régime des normes applicables tient compte des spécificités du droit
social, il s’articule autour de la détermination de la loi applicable et de la convention
collective applicable.

Chapitre I : La loi applicable

Quel est la loi applicable à un rapport international de travail ? La réponse est facile pour la
protection sociale. Tous les travailleurs et tous les employeurs qui perçoivent un salaire sur le
territoire camerounais ou qui paye des employés à partir du territoire camerounais sont
astreint aux cotisations de la CNPS sans distinctions. Les lois de protection sociale sont des
lois de droit public et sont territoriales au même titre que les lois pénales. Par contre, le
régime de la loi applicable est différent, il varie selon que le contrat est exécuté au Cameroun
ou à l’étranger

Section 1 : Loi applicable lorsque le contrat est exécuté au Cameroun

(Pour déterminer la loi applicable à un contrat de travail comportant un élément d’extranéité


exécuté au Cameroun. Le législateur a posé un principe assorti d’une exception)

Paragraphe 1 : Le principe ; l’application de la loi du lieu d’exécution

Il est posé par l’article 24 CT qui dispose en ses alinéas 1&2 que « Quel que soit le lieu de la
conclusion du contrat et la résidence de l’une ou l’autre partie, tout contrat de travail conclu
pour être exécuté au Cameroun est soumis aux dispositions de la présente loi : il en est de
même en cas d’exécution partielle au Cameroun d’un contrat initialement conclu sous
l’empire d’une autre législation »
Par ce texte, le législateur désigne la loi camerounaise sans se soucier de l’existence
éventuelle d’autres lois susceptibles de s’appliquer sans passer par la règle de conflit : c’est la
mobilisation de la méthode unilatéraliste. La question est de savoir quel est le fondement
de ce choix. La technique de rédaction du texte permet de dire que législateur camerounais
range les lois de travail dans la catégorie lois de police. Les lois de police sont celles qui
permettent à un législateur de préserver les intérêts fondamentaux, de promouvoir les
principes, les valeurs ou une politique. Ici le législateur protège la partie faible au contrat de
travail en posant des règles obligatoires pour tous ceux qui emploient des travailleurs sur le
territoire camerounais. Cette solution reprend la jurisprudence ¨Compagnie internationale des
wagons-lits¨
Bien que les lois du travail soient des lois de police on s’est interrogé sur l’existence d’une
exception qui consisterait en l’application de la loi d’autonomie.
Parlant de l’exception, l’éventuelle application de la loi d’autonomie, en droit, la loi
d’autonomie est la loi voulue par les parties. Dans les contrats classiques, la règle de conflit
camerounaise stipule que la loi applicable à un contrat international est la loi d’autonomie. Le
contrat de travail étant un contrat, on s’est demandé si les parties peuvent choisir la loi
applicable à leur rapport international. La question a divisé la doctrine mais la jurisprudence a
tranché. : Les parties peuvent choisir la loi applicable si elle est plus favorable au travailleur
que la loi du lieu d’exécution. C’est l’application de l’ordre public social ou du principe du
maximum de faveur. L’ordre public social permet de déroger aux lois du travail dans un sens
favorable au travailleur mais jamais dans un sens défavorable

Section 2 : Loi applicable lorsque le contrat est exécuté à l’étranger

L’étranger c’est un autre pays, un navire ou aéronef, lorsque le travail est exécuté à l’étranger
c’est-à-dire dans un autre pays, la loi camerounaise suit les travailleurs camerounais pour des
missions ne dépassant pas 6 mois, au-delà de 6 mois c’est loi étrangère.
Lorsque le travail est accompli dans un navire ou un aéronef, la loi applicable c’est la loi du
pavillon
Chapitre 2 : La convention collective applicable

La convention collective est un accord ayant pour objet de régler les rapports professionnels
entre les employeurs et les employés soit de l’entreprise ou d’une autre entreprise soit d’une
branche d’activité. Si l’on prend la convention collective comme loi professionnelle, la
question se pose de savoir quel rapport de travail elle est appelée à régir. Le coût du travail et
les autres droits social ne règle pas le problème mais la théorie des sources du droit social
propose des éléments de réponses. Elle pose le principe de la territorialité des conventions
collectives avec des exceptions.

Section 1 : le principe de la territorialité des conventions collectives

Une norme est dite territoriale, lorsque son champ d’application est limité à un espace bien
défini qui est très souvent un Etat. La nature des conventions collectives en font des normes
d’application territoriale. En effet, bien qu’ayant une base contractuelle, les conventions
collectives apparaissent comme de véritable normes de par leurs processus de formation et
leurs champs d’application.
Relativement au processus de formation, la négociation d’une convention collective
fait intervenir un personnage important qui oriente le contenu vers le règlement des
questions d’intérêt général. Ce personnage c’est l’inspecteur du travail. Dans le même
ordre d’idée, les conventions collectives établies sont pour les non signataires comme
de véritables textes de lois.
Concernant le champ d’application, la convention collective est destinée à régir une
branche d’activité et à s’appliquer à tous les travailleurs de son champ y compris ceux
qui n’aurait pas été d’accord avec son contenu
La convention collective apparait finalement comme un véritable acte règlementaire
dépassant la volonté des parties. Faisant partie du bloc des lois de travail, elle est comme
celles-ci une loi de police d’application territoriale mais cette territorialité admet des
exceptions

Section 2 : Les exceptions : Les applications extraterritoriale des conventions collectives

Dans plusieurs cas, la territorialité des conventions collectives cède le pas à des applications
extraterritoriales. Ainsi, la convention collective peut elle-même se déclarer applicable à des
rapports exécutés à l’étranger. Il s’agit simplement de la reconnaissance du pouvoir de
l’autonomie collective. Les rédacteurs définissent le champ d’application qu’ils assignent à
leur convention. La convention collective se déclare applicable
La convention collective peut aussi être rendue applicable à un travail s’effectuant à
l’étranger si les parties au contrat individuel s’entendent à cet effet. Une telle extension est
possible que si la convention est plus favorable que celle en vigueur sur le territoire. Malgré
tout, certaines stipulations des conventions collectives ne sont pas exportables, notamment les
clauses organisant la collectivité de travail comme des horaires, la création des institutions.
Seuls sont exportables les clauses prévoyants les garanties individuelles comme les
indemnités, les avantages liés à l’ancienneté, la filiation à un régime de prévoyance sociale.
Le règlement des questions urgentes en droit social
L’objet du contentieux disciplinaire en droit social camerounais
L’objet du contentieux du recrutement en droit social camerounais
L’objet du contentieux de modification du contrat en droit social camerounais
L’arbitrage et le règlement des litiges individuels de travail au Cameroun
L’objet du contentieux de la rupture du contrat de travail à durée déterminée
L’objet du contentieux de la suspension du contrat de travail au Cameroun

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