Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
SEMESTRE 1
Préparé par :
SANAA KHIZRANE
HAMDOUCHE ELMOSTAFA
INTRODUCTION
PARTIE 1 : La notion de Cessation de paiement
CHAPITRE 1 : L’évolution conceptuelle de la notion de Cessation de
paiement
SECTION 1 : L’évolution conceptuelle au sein de la jurisprudence française
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
2
INTRODUCTION :
Une éminente auteur avait écrit que « l’entreprise est une réalité du monde
économique. Elle en est la cellule de base »1. Cette idée est logique, dans la
mesure où l’entreprise constitue l’agent principal du circuit économique, au sein
duquel « combinent divers facteurs humains et matériels ». 2
Le droit des difficultés des entreprises, comme son nom l’indique (difficulté), a
pour but de mettre en place un certain nombre de mécanismes et d’outils
juridiques, qui permettent de résoudre les difficultés rencontrées par une
entreprise, pour en assurer la survie et maintenir l’emploi qu’elle créée.
1
CHERKAOUI Hassanie, « Droit des affaires – L’entreprise commercial », imprimerie NAJAH EL JADIDA
CASABLANCA, 2003, p.31
2
CI. CHAMPAUD, « le droit des affaires, Que sais-je ? », n°1978, cité par CHERKAOUI HASSANIA, op.cit., p.32
3
Ce nouvel objectif est le fruit d’une longue évolution, qui a rompu avec le
« droit de faillite », ayant comme unique préoccupation le paiement, souvent
illusoire3, des créanciers.
Toutefois, la notion de cessation des paiements, n’a pas perdu son importance et
sa place majeure au sein du droit des entreprises en difficultés. Autrement dit,
l’efficacité de la procédure de redressement judiciaire est fonction de la date où
la cessation des paiements est constatée.
3
Remarque de ELHAJJAMI AHMED, Cours droit des entreprises en difficultés, Master juriste d’affaires, année
2019-2020.
4
MARIE-LAURE COQUELET, Entreprises en difficulté, instruments de paiement et de crédit, 5 éd, DALLOZ,
2015, p.82
4
Par ailleurs, seul le rappel historique des origines de la notion de « cessation des
paiements », nous permettra de comprendre son sens et sa portée. Ainsi, selon
Renouard, jurisconsulte éminent du 19 siècle, « on ne connait pas l’esprit d’une
législation si l’on se borne à en débattre et à en développer les textes ».5
En effet, c’était en Italie de nord que les premier piliers d’un droit de la faillite
ont vu le jour. Notamment, le principe fondamental selon lequel la faillite
s’ouvrait avec l’état de cessation des paiements.6
Les villes italiennes avaient des codes spéciaux (STATUTS), dans lesquels
étaient fixé les règles et les faits constitutifs permettant de caractériser l’état de
cessation des paiements (la fuite du commerçant, les dettes ayant atteintes un
certain chiffre, l’aveu du débiteur…).7
Ces règles élaborées en Italie du nord, seront transportées par la suite en France.
C’était notamment, l’ordonnance de 1673 qui a fixé deux conditions pour
l’ouverture de la faillite, à savoir : le retrait du débiteur et l’apposition des
scellés. Cependant, ce n’était qu’après la révolution française que la notion de
cessation des paiements connu son essor.
- La retraite du débiteur
- La clôture des magasins
- Tous acte constatant le refus d’acquitter ou de payer des engagements de
commerce
5
Citation citée par GILBERT GRANCHET, La notion de cessation des paiements dans la faillite et le règlement
judiciaire, Thèse pour le doctorat en droit, soutenu le mercredi 10 février 1960, p.11
6
Ibid., p. 16
7
A Florence « est failli celui qui, se trouvant dans l’impossibilité de payer, par le fait du sort ou par le sien
propre, ou partie par force majeure et partie par sa faute, s’est retiré du marché ». Voir V.J Kohler, Aperçu
historique du développement de la faillite, annales du droit commercial, 1891, p.145 et 228
5
Cependant, la jurisprudence avait refusé de considérer cette énumération à
titre limitative. Elle a estimé que les faits constitutifs de la cessation des
paiements doivent être abandonnés à l’appréciation souveraines des juges de
fond.
8
GILBERT GRANCHET, op. cit., p.31
9
L’article 437 de la loi de 1838
6
procédures judiciaires. Malgré qu’elle a perdu cette fonction suite à
l’introduction d’une nouvelle procédure de sauvegarde, elle a conservé son
importance pragmatique.
7
8
Partie 1 :
La notion de
cessation de paiement
9
Chapitre 1 : l’évolution conceptuelle de la notion de
cessation de paiement :
Dans l’ancien code de commerce, qui datait de 1996, il a été prévu que la
cessation des paiements est « le fait pour un commerçant de ne pas être en
mesure de payer à l’échéance : ses dettes, y compris celles nées de ses
engagements conclus dans le cadre de règlement amiable ».12
10
ELHAJJAMI AHMED « pp92
11
MUSTAPHA BENTAHAR, « la protection des créanciers dans les procédures collectives : mythe ou réalité ? »,
Revue marocaine de droit, d’économie et de gestion, n° 53-2008,2007, pp.79 et 80.
12
L’article 560 du code de commerce
10
Le même tribunal avait d’ailleurs prononcé la faillite de la société SMER au
capital de 4500000DH par un jugement du 18 janvier 1984 et avait fixé la date
de cessation des paiements au 30 novembre 1979, date de la constatation en
justice du non-paiement d’une traite de 22.575 DH.
La société avait par la suite interjeté appel contre ce jugement de faillite et avait
obtenu gain de cause. Elle avait soutenu que le jugement de 1ere instance avait
été rendu en son absence et elle avait présenté la preuve du paiement de la dette
litigieuse, c’est-à-dire la reconnaissance du créancier d’avoir été payé.
Dans ces deux arrêts, d’ailleurs uniques dans leur genre nous constatons que les
deux sociétés n’avaient pas réglé leurs dettes échues, ce qui avait amené le
tribunal à prononcer leur faillite. Mais ce qui est nouveau c’est que la faillite
avait été annulée très peu de temps après, parce que les dettes litigieuses avaient
été payées. Nous déduisons donc de l’exposé des arguments des faillis que ces
dernières se trouvaient à un moment donné dans une gêne financière qui les a
empêchées d’honorer leurs engagements.
Cependant la notion de cessation des paiements tel que nous venons de dégager
son contenu à travers la pratique jurisprudentielle marocaine a subi une
évolution dans les pays qui adoptent cette même notion, tel le cas en France
(section 2).
13
PHILIPPE PETEL-ANNE PELISSIER-KALIZYNSKI, travaux dirigés de droit des entreprises en difficulté, 3ème éd,
Editions de Juris-Classeur, 2002,p.34.
11
Section 2 : l’évolution conceptuelle au sein de la jurisprudence
française
En France, la cessation des paiements est passée par trois phases principales qui
ont vu se succéder trois définitions.
Depuis 1930, la cour de cassation a fini par reconnaitre que la cessation des
paiements est une notion légale dont il lui appartient de contrôler tous les
éléments. Ce qui lui a permis d’élaborer une théorie de la cessation des
paiements15 : est en état de cessation des paiements le débiteur dont la situation
financière est désespérée et qui se trouve dans l’impossibilité de payer ses dettes
commerciales, certaines, liquides et exigibles et qui ne peut le faire sans
recouvrir à des moyens frauduleux ou ruineux.
14
Comme exemple des faits matériels nous pouvons citer : le prôté, la vente du fonds de commerce, la
fermeture du magasin ou l’abandon du domicile, l’inexécution d’un jugement de condamnation, la déclaration
du débiteur de sa cessation des paiements
15
L.BEAUDOIN : de la notion de cessation des paiements : J.C.P. 1934.II.1029.
PH.BONNECARRER et M.LABORDE-LACOSTE : exposé méthodique de droit commercial.3°édition.librairie du
receuil surey 1946.N° 1411.
16
Art 3 loi du 25 janvier 1985 : « la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute entreprise,
mentionnée à l’art 2 qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ».
Y.CHAPUT.n° 92
17
Actif disponible : espèce en caisse et fonds déposés en banque + réserve de crédit dont peut disposer
l’entreprise.
Passif exigible : dettes èches dont le créancier peut réclamer le paiement immédiat.
12
paiements pour être constatée car, comme l’écrit Mr.Y.CHAPUT 18
elle est la
balance comparative entre l’actif disponible et le passif exigible. La cause du
défaut de paiement est donc sans incidence.
18
Y.CHAPUT : droit du redressement et de la liquidation judiciaires des entreprises P.U.F.1987.N°38.
13
PARTIE 2 :
Les éléments constitutifs de
la notion de Cessation de
paiement :
14
Depuis l’entrée en vigueur de la loi française du 25 Janvier 1985, le législateur
français a définit clairement la notion de cessation de paiement. En effet, aux
termes de l’article 3 alinéa 1 de la ladite loi, la procédure de redressement est
ouverte lorsque le débiteur est dans « … l’impossibilité de faire face au passif
exigible avec son actif disponible ». Le second alinéa de la loi de 1985, qualifie
cette situation de « Cessation des paiements ».
15
CHAPITRE 1 : La notion de passif exigible :
Le passif de l’entreprise est constitué des dettes de celle-ci. Il est dès lors
indispensable de savoir si ces dettes doivent être commerciales ou civiles
(SECTION 1). De même, ces dettes doivent présenter un certain nombre de
caractéristiques, qu’il convient d’analyser (SECTION 2).
Toutefois, une dette civile peut être prise en compte, en tant qu’une présomption
ou qu’un élément subsidiaire pour prouver les difficultés économiques que le
commerçant confronte.
19
Cass. Civ. (Sect. Com.) 31 Janvier 1949. Cité par Mohames ELGUECHBOUR « La notion de Cessation des
paiements », ELMONTADA, JUIN 2002. Ed. 3, p.24
20
G. GRANCHET, Op. Cit. P.103
16
contractée par le débiteur antérieurement à l’exercice de son activité
commerciale.21
Par ailleurs, on entend par les dettes exigibles, celles que le débiteur est tenu de
payer au jour où sa situation est examinée. Le passif exigible correspond donc
au passif échu de l’entreprise au jour du jugement d’ouverture de la procédure
en cause. Autrement dit, il s’agit du passif qui n’a pas été payé alors que son
terme est arrivé.
21
CORNINE SAINT- ALARY HOUIN, « Les difficultés des entreprises », 5ème éd., 2007, P.203
22
L’alinéa 2 1 de l’article 3 de la loi du 17 juillet 1967
23
Cass. Com. Du 25 Février 1997, Sommaires annotés de la Cour de cassation par Paul-Phillipe Massoni, Gaz et
Sortais, du 26 et 27 Juin 1998, p.3
17
Ainsi, sont exclues du passif exigible, les dettes litigieuses, contestées dans leur
montant ou dans leur fondement. Il en est par exemple des créances faisant objet
d’une instance pendante devant les juges de fond.24
En revanche, ladite contestation doit être sérieuse et fondée sur des raisons
juridiques et bases solides, pour être prise en compte. Une contestation fictive
ou non fondée, dont la seule raison est de gagner du temps, doit être écarter par
le tribunal saisi. A cet égard, la Cour de cassation égyptienne a estimé que le
tribunal peut recourir même aux moyens de preuves afin de vérifier
l’exactututide et s’assurer de la véracité des contestations émises par le débiteur.
25
Dans une autre affaire, la Cour de cassation égyptienne a censuré un arrêt ayant
déclaré la faillite d’une société, sans prendre en considération d’un autre arrêt
dans lequel la Cour de cassation avait cassé le jugement ayant reconnaît la
créance, sur la base de laquelle la faillite a été déclarée.26
24
Com. 25 novembre 2008 cité par Marie-Laure Coquelet, « Entreprises en Difficultés ; Instruments de
paiement et de crédit », 5ème éd. , Dalloz, 2015, p.83
25
و لئن كان األصل أن للمحكمة أن تستظهر مدى جدية النزاع في الدين المرفوع بشأنه دعوى اإلفالس من األوراق المقدمة إليها و القرائن..."
المحيطة بالدعوى إال أنه ال عليها إدا هي اتخدت أي إجراء من إجراءات اإلثباث بالقدر الالزم لتحقيق هده الغاية إد قد يكشف هدا اإلجراء من
– "عدم جدية المنازعة فيقوت بدلك على المدين طريق المنازعة الكيدية الدي قد يهدف به إلى مجرد إسقاط حق الدائن في طلب إشهار إفالسه
.418 ص17 منشىر س مكتب قني-1931 لسنة82 طعن رقم-نقض مدني
26
1246 . ص17 مكتب فني- س- منشور-1931 لسنة-289 نقض مدني – طعن رقم
27
Lahcen OUGHZIF « la notion de cessation des paiements : clé des procédures collectives « , Revue de
Jurisprudence commerciale, N 10 bis- 2018, p.38
18
débiteur ne doit pas se déduire de l’inaction du créancier (Càd tacitement). Mais
il doit être univoque et prouvé.28
Les deux autres conditions nécessaires pour que le tribunal puisse constater
l’existence d’un état de cessation des paiements, sont d’une part l’actif
disponible (SECTION1), et l’impossibilité de faire face à cet actif (SECTION
2).
La question qui se pose est de savoir si les immobilisations font partie de l’actif
disponible de l’entreprise ?
28
Com. Cass. Aud. Pub. Du 27 février 2007, N° 06-1070, publié au BO.
29
Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
30
JAQUES PICOTTES, Juridictionnaire : Recueil des difficultés et des ressources du français juridique, 2015,
p.110
19
Pour la jurisprudence française la réponse est négative. A cet effet, la chambre
commerciale de la Cour de Cassation a estimé, dans un arrêt du 27 février 2007,
qu’un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible.
Toutefois, il a été jugé que la provision d’un chèque de banque, qui existe au
profit du porteur durant le délai de prescription d’un an de l’action du porteur de
ce chèque contre le tiré, constitue un actif disponible.32
31
ADEL BRAHIM, « Le Droit de redressement des entreprises en difficulté », Février 2002, p.116
32
ALAIN LIENHARD, « Procédures collectives, Préventions et conciliations- Sauvegarde- Sauvegarde financière
accélérée— Redressement judiciaire – Liquidation judiciaire- Sanction- Procédure, 5ème édition, Delmas,
2013/2014, pp. 289 et 290.
33
Marie-Laure Coquelet, op. cit. p.87
34
Com. 16 novembre 2010, n°09-71.278, D.2010.2830, obs, A. Linhard
35
Com. Cass. Aud. Pub. Du 15 février 2011 N° 10-13625 publié au BO.
20
indépendamment de la question du passif exigible, que le fonds de commerce,
bien que mis en vente, ne constitue pas un élément de l’actif disponible. La
chambre commerciale adopte ici une vision très restrictive de l’actif disponible.
Il ne peut s’agir que de l’actif réalisable et mobilisable immédiatement. Or ce
n’est pas le cas d’un fonds de commerce mis en vente.
Enfin, on peut conclure que « L’actif disponible inclut toutes les liquidités se
trouvant dans les caisses mais également tout actif qui peut être converti
36
Cass. Com. Aud. Pub. 7 Février 2012 N° 11-11347 publié au BO.
37
Com. Cass. Aud. Pub. 26 Juin 1990 N° 89-10373, publié au BO.
21
rapidement en liquidités et les éventuels crédits susceptible d’être accordés à
l’entreprise ».38
38
EL HAJJAMI Ahmed, op. cit. pp.97-98
22