Vous êtes sur la page 1sur 22

MASTER : JURISTE D’AFFAIRES (M1)

SEMESTRE 1

Droit et pratique des entreprises en difficultés.

L’évolution jurisprudentielle de la notion


de Cessation de paiement :

Préparé par :
 SANAA KHIZRANE
 HAMDOUCHE ELMOSTAFA

Sous la direction du Professeur :


 Ahmed EL HAJJAMI

Année universitaire : 2018/2019


1
Sommaire

INTRODUCTION
PARTIE 1 : La notion de Cessation de paiement
CHAPITRE 1 : L’évolution conceptuelle de la notion de Cessation de
paiement
SECTION 1 : L’évolution conceptuelle au sein de la jurisprudence française

SECTION 2 : L’évolution jurisprudentielle au sein de la jurisprudence


marocaine

CHAPITRE 2 : La notion de cessation de paiement et notion voisines


SECTION 1 : Cessation de paiement et insolvabilité

SECTION 2 : Cessation de paiement et gêne passagère

PARTIE 2 : Les éléments constitutifs de la notion de


Cessation de paiement :
CHAPITRE 1 : La notion de passif exigible
SECTION 1 : Le passif exigible

SECTION 2 : Le passif exigé

CHAPITRE 2 : La notion d’actif disponible et de faire face


SECTION 1 : L’actif disponible et actif réalisable

SECTION 2 : L’impossibilité de faire face

CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

2
INTRODUCTION :

Une éminente auteur avait écrit que « l’entreprise est une réalité du monde
économique. Elle en est la cellule de base »1. Cette idée est logique, dans la
mesure où l’entreprise constitue l’agent principal du circuit économique, au sein
duquel « combinent divers facteurs humains et matériels ». 2

En effet, l’entreprise est une institution créatrice de l’emploie et un moyen pour


encourager l’initiative individuelle et la promotion personnelle. Raison pour
laquelle, le législateur marocain, comme dans tous les autres systèmes
juridiques, l’a entouré d’un arsenal juridique qui la protège et en assure la
sécurité.

D’ailleurs, l’entreprise est aujourd’hui au cœur des préoccupations juridiques et


économiques. Ceci se justifie, par le développement et les grandes mutations
qu’a connu le monde sur le plan économique, le siècle dernier. D’où
l’apparition d’un droit « Des difficultés des entreprises ».

Le droit des difficultés des entreprises, comme son nom l’indique (difficulté), a
pour but de mettre en place un certain nombre de mécanismes et d’outils
juridiques, qui permettent de résoudre les difficultés rencontrées par une
entreprise, pour en assurer la survie et maintenir l’emploi qu’elle créée.

1
CHERKAOUI Hassanie, « Droit des affaires – L’entreprise commercial », imprimerie NAJAH EL JADIDA
CASABLANCA, 2003, p.31
2
CI. CHAMPAUD, « le droit des affaires, Que sais-je ? », n°1978, cité par CHERKAOUI HASSANIA, op.cit., p.32
3
Ce nouvel objectif est le fruit d’une longue évolution, qui a rompu avec le
« droit de faillite », ayant comme unique préoccupation le paiement, souvent
illusoire3, des créanciers.

Ce nouveau droit, dresse deux catégorie de mécanismes destiné à régler les


difficultés des entreprises. D’une part, la phase préventive interne ou externe,
qui se déroule sans intervention judiciaire. Et d’autre part, les procédures de
redressement et de liquidation qui se déroulent sous le contrôle du tribunal. Une
autre procédure est ajoutée, en vertu de la loi 17.73, au livre 5 du code de
commerce marocain, à savoir la procédure de sauvegarde.

Avant l’avènement de la procédure de sauvegarde, le critère qui servait de


frontière entre les procédures dites préventives, et celles judiciaires était l’état
de « Cessation des paiements ». Cependant, ce dernier a perdu son « rôle de
démarcation »4, dans la mesure où l’ouverture de la nouvelle procédure de
sauvegarde, malgré son caractère judiciaire, ne nécessite pas que le débiteur soit
en cessation des paiements.

Toutefois, la notion de cessation des paiements, n’a pas perdu son importance et
sa place majeure au sein du droit des entreprises en difficultés. Autrement dit,
l’efficacité de la procédure de redressement judiciaire est fonction de la date où
la cessation des paiements est constatée.

Une ouverture tardive de la procédure de redressement judiciaires, risque de la


priver de son efficacité et de sa viabilité. De même, une ouverture anticipée,
alors que l’entreprise n’est pas en cessation de paiement aura des effets négatifs
sur la situation économique de l’entreprise.

3
Remarque de ELHAJJAMI AHMED, Cours droit des entreprises en difficultés, Master juriste d’affaires, année
2019-2020.
4
MARIE-LAURE COQUELET, Entreprises en difficulté, instruments de paiement et de crédit, 5 éd, DALLOZ,
2015, p.82
4
Par ailleurs, seul le rappel historique des origines de la notion de « cessation des
paiements », nous permettra de comprendre son sens et sa portée. Ainsi, selon
Renouard, jurisconsulte éminent du 19 siècle, « on ne connait pas l’esprit d’une
législation si l’on se borne à en débattre et à en développer les textes ».5

En effet, c’était en Italie de nord que les premier piliers d’un droit de la faillite
ont vu le jour. Notamment, le principe fondamental selon lequel la faillite
s’ouvrait avec l’état de cessation des paiements.6

Les villes italiennes avaient des codes spéciaux (STATUTS), dans lesquels
étaient fixé les règles et les faits constitutifs permettant de caractériser l’état de
cessation des paiements (la fuite du commerçant, les dettes ayant atteintes un
certain chiffre, l’aveu du débiteur…).7

Ces règles élaborées en Italie du nord, seront transportées par la suite en France.
C’était notamment, l’ordonnance de 1673 qui a fixé deux conditions pour
l’ouverture de la faillite, à savoir : le retrait du débiteur et l’apposition des
scellés. Cependant, ce n’était qu’après la révolution française que la notion de
cessation des paiements connu son essor.

Le code de commerce de 1808 a institué un système de preuves légales,


concernant la constatation de l’état de cessation des paiements. Dans la mesure
où, il énumérait un certain nombre de faits dont résulte ledit état :

- La retraite du débiteur
- La clôture des magasins
- Tous acte constatant le refus d’acquitter ou de payer des engagements de
commerce

5
Citation citée par GILBERT GRANCHET, La notion de cessation des paiements dans la faillite et le règlement
judiciaire, Thèse pour le doctorat en droit, soutenu le mercredi 10 février 1960, p.11
6
Ibid., p. 16
7
A Florence « est failli celui qui, se trouvant dans l’impossibilité de payer, par le fait du sort ou par le sien
propre, ou partie par force majeure et partie par sa faute, s’est retiré du marché ». Voir V.J Kohler, Aperçu
historique du développement de la faillite, annales du droit commercial, 1891, p.145 et 228
5
Cependant, la jurisprudence avait refusé de considérer cette énumération à
titre limitative. Elle a estimé que les faits constitutifs de la cessation des
paiements doivent être abandonnés à l’appréciation souveraines des juges de
fond.

Ainsi, selon un éminent auteur « le code de commerce (de 1808), en


précisant les cas d’ouverture de la faillite, avait établi un système de preuves
légales mais il eut le tort de chercher à décomposer dans ses éléments le fait
complexe de la cessation des paiements. »8

Ces critiques ont donné naissance à la réforme de 1838. La nouvelle loi a


supprimé l’ancienne énumération, en imposant une seule condition pour
l’ouverture de la faillite, à savoir « la cessation des paiements »9. On en
déduit, que le système des preuves légales fut remplacé par un système
d’interprétation judiciaire.

Par ailleurs, plusieurs textes législatifs ont succédé la réforme de 1838. On


cite tout d’abord la loi du 4 mars 1889 ayant soumis également la liquidation
judiciaire à la condition de cessation des paiements.

Cependant, le caractère commun de tous ces textes est l’absence d’une


définition légale de la notion de cessation des paiements. Il est revenu donc à
la jurisprudence d’en déterminer les contours. Ce qui a amené plusieurs
juristes, à dire que la Cessation des paiements est une notion purement
jurisprudentielle. D’où l’intérêt théorique de notre recherche qui porte sur
l’évolution jurisprudentielle de la notion de cessation des paiements.

Il n’en demeure pas moins, que notre thématique présente également un


intérêt pratique qui se manifeste à divers niveaux. Jusqu’à une époque
récente la cessation des paiements était l’élément déclencheur des

8
GILBERT GRANCHET, op. cit., p.31
9
L’article 437 de la loi de 1838
6
procédures judiciaires. Malgré qu’elle a perdu cette fonction suite à
l’introduction d’une nouvelle procédure de sauvegarde, elle a conservé son
importance pragmatique.

La preuve en est que, c’est la date de la cessation des paiements qui


permettra de déterminer la période suspecte. Cet état, influe donc sur le sort
des actes conclus par l’entreprise.

Enfin, avant d’être définie par le législateur Français, en vertu de la loi du 24


Juillet 1984, la cessation des paiements était confectionnée par l’œuvre
jurisprudentielle. Il en résulte que c’est grâce à la pratique judiciaire, que la
notion a pris son ampleur. D’où la problématique suivante, qui formera le
centre de notre réflexion :

Comment la jurisprudence a-t-elle contribuée à


l’évolution de la notion de Cessation des paiements ?

7
8
Partie 1 :
La notion de
cessation de paiement

9
Chapitre 1 : l’évolution conceptuelle de la notion de
cessation de paiement :

Section 1 : l’évolution conceptuelle au sein de la jurisprudence


marocaine :
Après l’indépendance et jusqu’à 1965, date d’unification des tribunaux
marocains, la justice était rendu par des magistrats de formation française.
Raison pour laquelle cette jurisprudence ne s’est pas trop évoluée et n’était pas
en adéquat avec l’objectif de redressement de l’entreprise10, parce qu’elle
constate la cessation des paiements en cas de non-paiement d’une seule dette.
De même, la dette pouvait avoir une origine civile ou commerciale. 11

Dans l’ancien code de commerce, qui datait de 1996, il a été prévu que la
cessation des paiements est « le fait pour un commerçant de ne pas être en
mesure de payer à l’échéance : ses dettes, y compris celles nées de ses
engagements conclus dans le cadre de règlement amiable ».12

Par un arrêt du 2 juin 1979, le tribunal de 1ére instance de Casablanca avait


déclaré en faillite la société GOGEDIR et a fixé la date de cessation des
paiements au 1 octobre 1977(arrêt inédit), le failli avait formulé opposition dans
le délai légal de huit jours et avait demandé l’annulation de ce jugement de
faillite au motif que la dette litigieuse avait été payés entre temps et que l’état
financier de la société concourrait au développement de l’économie nationale et
employait près de 90 salariés. Et par un jugement du 9 juin 1979, c’est-à-dire
sept jours après la déclaration de faillite, le même tribunal avait prononcé
l’annulation de cette faillite.

10
ELHAJJAMI AHMED « pp92
11
MUSTAPHA BENTAHAR, « la protection des créanciers dans les procédures collectives : mythe ou réalité ? »,
Revue marocaine de droit, d’économie et de gestion, n° 53-2008,2007, pp.79 et 80.
12
L’article 560 du code de commerce
10
Le même tribunal avait d’ailleurs prononcé la faillite de la société SMER au
capital de 4500000DH par un jugement du 18 janvier 1984 et avait fixé la date
de cessation des paiements au 30 novembre 1979, date de la constatation en
justice du non-paiement d’une traite de 22.575 DH.

La société avait par la suite interjeté appel contre ce jugement de faillite et avait
obtenu gain de cause. Elle avait soutenu que le jugement de 1ere instance avait
été rendu en son absence et elle avait présenté la preuve du paiement de la dette
litigieuse, c’est-à-dire la reconnaissance du créancier d’avoir été payé.

Dans ces deux arrêts, d’ailleurs uniques dans leur genre nous constatons que les
deux sociétés n’avaient pas réglé leurs dettes échues, ce qui avait amené le
tribunal à prononcer leur faillite. Mais ce qui est nouveau c’est que la faillite
avait été annulée très peu de temps après, parce que les dettes litigieuses avaient
été payées. Nous déduisons donc de l’exposé des arguments des faillis que ces
dernières se trouvaient à un moment donné dans une gêne financière qui les a
empêchées d’honorer leurs engagements.

La jurisprudence défini la cessation des paiements comme le fait, d’une


personne « qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son
actif disponible »13.

Cependant la notion de cessation des paiements tel que nous venons de dégager
son contenu à travers la pratique jurisprudentielle marocaine a subi une
évolution dans les pays qui adoptent cette même notion, tel le cas en France
(section 2).

13
PHILIPPE PETEL-ANNE PELISSIER-KALIZYNSKI, travaux dirigés de droit des entreprises en difficulté, 3ème éd,
Editions de Juris-Classeur, 2002,p.34.
11
Section 2 : l’évolution conceptuelle au sein de la jurisprudence
française

En France, la cessation des paiements est passée par trois phases principales qui
ont vu se succéder trois définitions.

Avant 1930, la cessation des paiements était définie d’une manière


traditionnelle consistant dans l’arrêt du service de caisse constaté par le refus
systématique de paiements. La jurisprudence de l’époque ne déclarait la faillite
que lorsqu’elle constatait l’existence d’un fait matériel14 qui se traduisait par
une volonté de ne pas payer ses dettes échues ou par une impuissance à le faire.

Depuis 1930, la cour de cassation a fini par reconnaitre que la cessation des
paiements est une notion légale dont il lui appartient de contrôler tous les
éléments. Ce qui lui a permis d’élaborer une théorie de la cessation des
paiements15 : est en état de cessation des paiements le débiteur dont la situation
financière est désespérée et qui se trouve dans l’impossibilité de payer ses dettes
commerciales, certaines, liquides et exigibles et qui ne peut le faire sans
recouvrir à des moyens frauduleux ou ruineux.

Cependant, en 1985, la législation française a donné une définition à la


cessation des paiements dans son article 316. Cette définition se fonde sur des
critères économiques et comptables17 qui sont à la fois objectifs et actuels. Il en
résulte que la cessation des paiements n’a plus besoin d’un arrêt matériel des

14
Comme exemple des faits matériels nous pouvons citer : le prôté, la vente du fonds de commerce, la
fermeture du magasin ou l’abandon du domicile, l’inexécution d’un jugement de condamnation, la déclaration
du débiteur de sa cessation des paiements
15
L.BEAUDOIN : de la notion de cessation des paiements : J.C.P. 1934.II.1029.
PH.BONNECARRER et M.LABORDE-LACOSTE : exposé méthodique de droit commercial.3°édition.librairie du
receuil surey 1946.N° 1411.
16
Art 3 loi du 25 janvier 1985 : « la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute entreprise,
mentionnée à l’art 2 qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ».
Y.CHAPUT.n° 92
17
Actif disponible : espèce en caisse et fonds déposés en banque + réserve de crédit dont peut disposer
l’entreprise.
Passif exigible : dettes èches dont le créancier peut réclamer le paiement immédiat.
12
paiements pour être constatée car, comme l’écrit Mr.Y.CHAPUT 18
elle est la
balance comparative entre l’actif disponible et le passif exigible. La cause du
défaut de paiement est donc sans incidence.

18
Y.CHAPUT : droit du redressement et de la liquidation judiciaires des entreprises P.U.F.1987.N°38.
13
PARTIE 2 :
Les éléments constitutifs de
la notion de Cessation de
paiement :

14
Depuis l’entrée en vigueur de la loi française du 25 Janvier 1985, le législateur
français a définit clairement la notion de cessation de paiement. En effet, aux
termes de l’article 3 alinéa 1 de la ladite loi, la procédure de redressement est
ouverte lorsque le débiteur est dans « … l’impossibilité de faire face au passif
exigible avec son actif disponible ». Le second alinéa de la loi de 1985, qualifie
cette situation de « Cessation des paiements ».

Dans l’ordre juridique interne, le législateur marocain a prévu en vertu de


l’article 575 de la loi 17.13, que « la situation de cessation des paiements est
avérée lorsque l’entreprise est dans l’impossibilité de régler ses dettes arrivées à
échéance et exigibles avec son actif disponible, y compris les créances nées des
engagements conclus pendant le règlement amiable indiqué à l’article 556 ci-
dessus ».

Toutefois, les nouveaux éléments constitutifs de la notion de cessation de


paiement ont donné lieu à plusieurs interprétations jurisprudentielles quant à
leur détermination. D’où la nécessité de les analyser à la lumière de l’œuvre
jurisprudentielle, dans le cadre de notre deuxième partie.

Ainsi, le premier élément à dégager est l’existence d’un passif exigible


(CHAPITRE 1). Ce dernier, ne doit pas permettre de faire face à l’actif
disponible de l’entreprise (CHAPITRE 2).

15
CHAPITRE 1 : La notion de passif exigible :

Le passif de l’entreprise est constitué des dettes de celle-ci. Il est dès lors
indispensable de savoir si ces dettes doivent être commerciales ou civiles
(SECTION 1). De même, ces dettes doivent présenter un certain nombre de
caractéristiques, qu’il convient d’analyser (SECTION 2).

SECTION 1 : La nature des dettes constituant le passif de


l’entreprise :

Sous l’empire de l’ancien régime de la faillite, la Cour de cassation française


avait considéré que seules les dettes commerciales sont prises en compte pour
déclarer l’entreprise en état de cessation des paiements. Ainsi, il a été décidé par
ladite Cour, le 31 Janvier 1949 que « Est en état de cessation des paiements le
débiteur dont la situation financière est désespérée et qui se trouve dans
l’impossibilité de payer ses dettes commerciales… »19

Toutefois, une dette civile peut être prise en compte, en tant qu’une présomption
ou qu’un élément subsidiaire pour prouver les difficultés économiques que le
commerçant confronte.

A cet égard, on entend selon G. GRANCHET « … A cette occasion de la nature


commerciale de la dette, la jurisprudence apporte toutefois un tempérament, elle
autorise le créancier dont la créance impayée est civile à demander la faillite de
son débiteur, s’il démontre que celui-ci a également refusé le paiement des
dettes commerciales »20

Après une longue hésitation, la jurisprudence française a admis cette possibilité,


par l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire d’une dette civile

19
Cass. Civ. (Sect. Com.) 31 Janvier 1949. Cité par Mohames ELGUECHBOUR « La notion de Cessation des
paiements », ELMONTADA, JUIN 2002. Ed. 3, p.24
20
G. GRANCHET, Op. Cit. P.103
16
contractée par le débiteur antérieurement à l’exercice de son activité
commerciale.21

D’ailleurs, cette problématique, tenant à la nature civile ou commerciale des


dettes constituant le passif de l’entreprise, a été dépassé en France, depuis
l’entrée en vigueur de la loi du 17 Juillet 1967.22 D’autant plus, avec la loi du 25
janvier 1985 relative au redressement et liquidation judiciaires qui s’appliquait
également aux non commerçants.

SECTION 2 : Les caractéristiques du passif de l’entreprise :

En effet, le passif exigible se distingue de la situation du refus du paiement ou


du non-paiement d’une seule créance. Ainsi, la Cour de cassation française a
censuré un arrêt pour avoir retenu « le défaut de règlement d’une telle créance,
certaine, liquide et exigible suffit à caractériser l’état de cessation des
paiements, alors que de tels motifs sont impropres à établir que le débiteur se
trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif
disponible »23

Dans la même logique, le non-paiement de plusieurs créances ne saurait


suffisant pour caractériser l’état de cessation des paiements. Il en résulte que le
passif de l’entreprise doit résulter, non pas du refus du débiteur de payer, mais
d’une incapacité et une impossibilité financière de l’entreprise.

Par ailleurs, on entend par les dettes exigibles, celles que le débiteur est tenu de
payer au jour où sa situation est examinée. Le passif exigible correspond donc
au passif échu de l’entreprise au jour du jugement d’ouverture de la procédure
en cause. Autrement dit, il s’agit du passif qui n’a pas été payé alors que son
terme est arrivé.

21
CORNINE SAINT- ALARY HOUIN, « Les difficultés des entreprises », 5ème éd., 2007, P.203
22
L’alinéa 2 1 de l’article 3 de la loi du 17 juillet 1967
23
Cass. Com. Du 25 Février 1997, Sommaires annotés de la Cour de cassation par Paul-Phillipe Massoni, Gaz et
Sortais, du 26 et 27 Juin 1998, p.3
17
Ainsi, sont exclues du passif exigible, les dettes litigieuses, contestées dans leur
montant ou dans leur fondement. Il en est par exemple des créances faisant objet
d’une instance pendante devant les juges de fond.24

En revanche, ladite contestation doit être sérieuse et fondée sur des raisons
juridiques et bases solides, pour être prise en compte. Une contestation fictive
ou non fondée, dont la seule raison est de gagner du temps, doit être écarter par
le tribunal saisi. A cet égard, la Cour de cassation égyptienne a estimé que le
tribunal peut recourir même aux moyens de preuves afin de vérifier
l’exactututide et s’assurer de la véracité des contestations émises par le débiteur.
25

Dans une autre affaire, la Cour de cassation égyptienne a censuré un arrêt ayant
déclaré la faillite d’une société, sans prendre en considération d’un autre arrêt
dans lequel la Cour de cassation avait cassé le jugement ayant reconnaît la
créance, sur la base de laquelle la faillite a été déclarée.26

Toutefois, une autre caractéristique du passif de l’entreprise a suscité un grand


débat doctrinal et jurisprudentiel. En l’occurrence l’exigibilité du passif de
l’entreprise. Ainsi, dans un arrêt qui date du 28 avril 1998 les juges de fond ont
utilisé la formule « exigible et exigé »27. On en déduit que le créancier qui ne
réclame pas sa créance, a voulu octroyer tacitement un moratoire ou une réserve
de crédit au débiteur.

Cependant, la Cour de Cassation française a opéré un revirement


jurisprudentiel, dans la mesure où elle a estimé que le crédit consenti au

24
Com. 25 novembre 2008 cité par Marie-Laure Coquelet, « Entreprises en Difficultés ; Instruments de
paiement et de crédit », 5ème éd. , Dalloz, 2015, p.83
25
‫ و لئن كان األصل أن للمحكمة أن تستظهر مدى جدية النزاع في الدين المرفوع بشأنه دعوى اإلفالس من األوراق المقدمة إليها و القرائن‬..."
‫المحيطة بالدعوى إال أنه ال عليها إدا هي اتخدت أي إجراء من إجراءات اإلثباث بالقدر الالزم لتحقيق هده الغاية إد قد يكشف هدا اإلجراء من‬
– "‫عدم جدية المنازعة فيقوت بدلك على المدين طريق المنازعة الكيدية الدي قد يهدف به إلى مجرد إسقاط حق الدائن في طلب إشهار إفالسه‬
.418 ‫ ص‬17 ‫ منشىر س مكتب قني‬-1931 ‫ لسنة‬82 ‫ طعن رقم‬-‫نقض مدني‬
26
1246 .‫ ص‬17 ‫ مكتب فني‬-‫ س‬-‫ منشور‬-1931 ‫ لسنة‬-289 ‫نقض مدني – طعن رقم‬
27
Lahcen OUGHZIF « la notion de cessation des paiements : clé des procédures collectives « , Revue de
Jurisprudence commerciale, N 10 bis- 2018, p.38
18
débiteur ne doit pas se déduire de l’inaction du créancier (Càd tacitement). Mais
il doit être univoque et prouvé.28

La solution retenue par la Cour de cassation a été concrétisée par le législateur


français lors de l’adoption de l’ordonnance du 18 Décembre 2008.29

CHAPITRE 2 : Les notion d’actif disponible et


impossibilité de faire face :

Les deux autres conditions nécessaires pour que le tribunal puisse constater
l’existence d’un état de cessation des paiements, sont d’une part l’actif
disponible (SECTION1), et l’impossibilité de faire face à cet actif (SECTION
2).

SECTION 1 : La notion d’actif disponible :

Selon le vocabulaire juridique l’actif disponible est « l’ensemble de biens


constituant un patrimoine. En comptabilité, ce terme signifie « éléments du
patrimoine ayant valeur économique positive pour l’entreprise ».30

Mais au sens du droit des difficultés des entreprises, il s’agit de l’actif


immédiatement réalisable. Ce dernier s’identifie à la trésorerie de l’entreprise.
Pratiquement il comprend l’ensemble des sommes en caisse, des effets de
commerce à vue ou du solde créditeur des comptes bancaires.

La question qui se pose est de savoir si les immobilisations font partie de l’actif
disponible de l’entreprise ?

28
Com. Cass. Aud. Pub. Du 27 février 2007, N° 06-1070, publié au BO.
29
Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
30
JAQUES PICOTTES, Juridictionnaire : Recueil des difficultés et des ressources du français juridique, 2015,
p.110
19
Pour la jurisprudence française la réponse est négative. A cet effet, la chambre
commerciale de la Cour de Cassation a estimé, dans un arrêt du 27 février 2007,
qu’un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible.

Cependant, la Cour de cassation tunisienne a pris une autre orientation. Elle a


décidé ainsi qu’une entreprise aurait dû vendre l’un de ses biens pour régler sa
dette au lieu de demander le bénéfice du règlement judiciaire.31 Cependant, cette
décision de la Cour de cassation tunisienne a été largement critiqué par la
doctrine, dans la mesure où l’actif réalisable à long terme est de nature à porter
atteinte à l’efficacité de l’ouverture tardée d’une éventuelle procédure judiciaire.

Toutefois, il a été jugé que la provision d’un chèque de banque, qui existe au
profit du porteur durant le délai de prescription d’un an de l’action du porteur de
ce chèque contre le tiré, constitue un actif disponible.32

En revanche, la jurisprudence a cherché à assouplir la notion d’« actif


disponible » en y incluant les réserves de crédit consenties à l’entreprise. Selon
certains auteurs « La solution est réaliste. S’il n’était pas tenu compte des
réserves de crédit-fournisseur ou de crédit bancaire, la plupart des entreprises
devaient être déclarées en cessation des paiements. »33 A cet égard, la Cour de
cassation a définit la notion de réserve de crédit comme « toute avance de
trésorerie qui n’est pas bloquée ou dont le remboursement n’est pas
demandé ».34

En ce qui concerne la vente d’un fonds de commerce, dans arrêt du 15 février


2011, la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’exclusion du fonds de
commerce de l’actif disponible du débiteur35. La Cour de cassation estime,

31
ADEL BRAHIM, « Le Droit de redressement des entreprises en difficulté », Février 2002, p.116
32
ALAIN LIENHARD, « Procédures collectives, Préventions et conciliations- Sauvegarde- Sauvegarde financière
accélérée— Redressement judiciaire – Liquidation judiciaire- Sanction- Procédure, 5ème édition, Delmas,
2013/2014, pp. 289 et 290.
33
Marie-Laure Coquelet, op. cit. p.87
34
Com. 16 novembre 2010, n°09-71.278, D.2010.2830, obs, A. Linhard
35
Com. Cass. Aud. Pub. Du 15 février 2011 N° 10-13625 publié au BO.
20
indépendamment de la question du passif exigible, que le fonds de commerce,
bien que mis en vente, ne constitue pas un élément de l’actif disponible. La
chambre commerciale adopte ici une vision très restrictive de l’actif disponible.
Il ne peut s’agir que de l’actif réalisable et mobilisable immédiatement. Or ce
n’est pas le cas d’un fonds de commerce mis en vente.

S’agissant d’une créance à recouvrer, la Cour de cassation refuse de l’intégrer


dans les éléments servant au calcul de la valeur de l’actif disponible. Ainsi pour
la chambre commerciale de la Cour de cassation française, parce que le
recouvrement de créance est une opération qui comporte, en soi, une part d’aléa,
la créance à recouvrer ne peut être incluse dans le calcul de l’actif disponible,
sauf cas exceptionnel.36
Est exclu également, de l’assiette de l’actif disponible, la garantie à première
vue. Il s’agit d’un acte par lequel un garant (le plus souvent une banque ou une
compagnie d’assurances) s’engage à payer dès la 1ère demande et dans un délai
de 15 jours, à la demande du bénéficiaire (le pouvoir adjudicateur), une somme
d’argent déterminée sans pouvoir soulever d’exception, d’objection ou de
contestation tenant à l’exécution de l’obligation garantie selon le contrat de
base.
Même réalisable dans un délai de 15 jours, la Cour de cassation française a
considéré que seul pris en compte, la situation du débiteur le jour de
l’appréciation de l’état de cessation des paiements. Peu importe le crédit dont ce
dernier pourra se prévaloir auprès des tiers (Caution, banquier…). 37

Enfin, on peut conclure que « L’actif disponible inclut toutes les liquidités se
trouvant dans les caisses mais également tout actif qui peut être converti

36
Cass. Com. Aud. Pub. 7 Février 2012 N° 11-11347 publié au BO.
37
Com. Cass. Aud. Pub. 26 Juin 1990 N° 89-10373, publié au BO.
21
rapidement en liquidités et les éventuels crédits susceptible d’être accordés à
l’entreprise ».38

SECTION 2 : Impossibilité de faire face :

38
EL HAJJAMI Ahmed, op. cit. pp.97-98
22

Vous aimerez peut-être aussi