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Mémoire de Projet de fin d'études

Pour l'obtention du diplôme de Master spécialisé :

« JURISTE D'AFFAIRES »
Sous le thème :

L’action de Groupe à la lumière du droit de la


concurrence

Présenté par :

HAMDOUCHE Elmostafa

Sous l'encadrement de :

Mme. BOUSAOUF Maïssae


Professeur à la faculté des sciences Juridiques, économiques et
Sociales - Rabat-SOUISSI

Membres du jury :

MR EL HAJJAMI Ahmed Professeur à la faculté des sciences juridiques,


économiques et sociales Rabat-SOUISSI - président coordonnateur du
master juriste d’affaires-
Mme BOUSAOUF Maïssae Professeur à la faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales Rabat-SOUISSI
Mme GUENBOUR Saida Professeur à la faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales Rabat-SOUISSI

2020/2021
Remerciement

En tout premier lieu, je remercie le bon Dieu, tout-puissant, de nous avoir donné la force pour
survivre, ainsi que l’audace pour dépasser toutes les difficultés. Ce mémoire est l’aboutissement
d’un parcours accompli en trois années que nous ne l’aurions pas pu réaliser seuls.

Je tiens avant tout à exprimer notre grande reconnaissance à Mr. El Hajjami Ahmed pour ses
grands efforts en tant que coordonnateur de notre Master spécialisé juriste d’affaires, ainsi que
son accompagnement académique et pédagogique qui nous a permis d’avoir une formation
solide et pluridisciplinaire.

J’adresse mes sincères remerciements à Mme. Bousaouf Maïsae d’avoir accepté de


m’encadrer dans le cadre de ce travail académique. Je la remercie pour son implication, sa
patience, sa disponibilité, son soutien et ses encouragements tout au long de ce travail.

Je remercie également Mme. Gunebour Saida, notre chère professeur et membre de jury, pour
nous avoir, orienté, aidé et conseillé. Et je salue aussi ses grands efforts, dans
l’accomplissement de son noble métier de professeur. Comme le dit l’adage " Le professeur
était presque un messager"

J’adresse mes sincères remerciements à tous les professeurs, intervenants et toutes les personnes
qui par leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes réflexions et
ont accepté à me rencontrer et répondre à mes questions durant mes recherches.

Je voudrais exprimer ma reconnaissance envers la direction de la faculté des sciences juridiques


économiques et sociales SOUISSI, son doyen, et son vice doyen, et le corps de la direction, qui
nous ont apporté leur support moral et intellectuel tout au long de notre cursus académique.
Grâce à eux, les échanges formels tant qu’informels furent d’une grande richesse humaine et
professionnelle.

Afin de n’oublier personne, je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui, de
près ou de loin, ont contribué à l’accomplissement de ce cheminement.
Dédicace

À la mémoire de l’âme de mon cher frère Mouad Amal


À mes parents
Parce que vous avez investi votre temps et vos efforts pour faire de moi la personne que je suis
aujourd’hui. Ma réussite n’aurait pas été possible sans votre amour et soutien. J’espère que vous verrez
dans ce travail l'expression de ma reconnaissance et de ma gratitude envers vous.

Les mots seuls ne sauraient exprimer fidèlement mon respect, mon amour et ma considération pour les
sacrifices que vous avez consentis pour mon éducation. Que ce modeste travail soit l’exaucement des
vœux que vous avez fréquemment formulé pour moi et le témoignage de l’affection que je vous porte,
car il est avant tout le fruit de vos nombreux sacrifices !

Puisse Dieu le très haut, vous accorder santé, bonheur, longue vie et miséricorde. Je ne saurais vous
remercier assez de m’avoir transmis de nobles valeurs morales, d’avoir assuré mon éducation et de
m’avoir continuellement offert votre soutien. Je souhaite ardemment ne jamais cesser de vous
surprendre et continuer à être une personne à qui vous pensez avec fierté et émotion.

Je remercie à titre spécial ma mère, qui même en période de maladie elle n’a cessé de m’aider et soutenir
tout au long du travail. La patience, la persévérance et l’espoir qui m’ont guidé durant ce travail me
viennent de mon cher frère Mouad AMAL que son âme repose en paix. Et à qui, j’offre ce travail,
pour qu’il reste grevé dans ma mémoire à vie.

Je remercie mes amis, pour leur amour inestimable, leur confiance, leur soutien, leurs sacrifices et toutes
les valeurs qu'ils ont su m'inculquer.

Qu'ils puissent trouver dans ce travail le témoignage de notre sincère gratitude et de notre profond
respect.

HAMDOUCHE ELMOSTAFA
Résumé :

Un conseil de concurrence inactif, un arsenal juridique insuffisant et un besoin urgent de


moderniser notre droit de la concurrence et de déverrouiller nos marchés économiques … voici
les principaux constats rapportés par la commission du nouveau modèle de développement
socio-économique. Comment améliorer dès lors notre droit de la concurrence ?
En effet, le droit de la concurrence est un champs disciplinaire juridique complexe qui
s’intéresse à plusieurs sous-disciplines, et vise surtout la lutte contre toutes les pratiques de
nature à fausser le jeu de la concurrence. Ainsi le droit des pratiques anti-concurrentielles
constitue un terrain fertile de cette matière.
Le conseil de la concurrence est une institution étatique et constitutionnelle, dont les
prérogatives et fonctions sont réglementés par la loi 20.13. C’est au conseil de la concurrence
de lutter contre les pratiques anti-concurrentielles, grâce aux pouvoirs dont il dispose, et
d’infliger les sanctions aux agents qui transgressent et fausse le jeu de la concurrence. C’est
pourquoi on qualifie le contentieux concurrentiel diligenté par cette autorité étatique, de
contentieux objectif dite également Public enforcement.
Cependant le contentieux objectif ne suffit pas pour jouer un rôle dissuasif à l’égard des agents
qui peuvent commettre des comportements anti-concurrentiels intraçables comme des ententes
et qui entraînent des effets néfastes, non pas uniquement pour notre économique et notre climat
des affaires, mais aussi pour les consommateurs personnes physiques et morales. Sans oublier,
que le contentieux objectif prend exclusivement l’intérêt général et l’ordre public et ne
s’intéresse pas aux victimes qui peuvent subir également des dommages concurrentiels.
D’où l’intérêt de reconnaître aux victimes des pratiques anti-concurrentielles un droit
d’indemnisation et une action privé concurrentielle. Cependant la seule reconnaissance s’est
avérée insuffisante dans la mesure où les particularités des pratiques anti-concurrentielles et du
préjudice concurrentiel ont limité l’intérêt de l’action privé des victimes des pratiques anti-
concurrentielles.
En effet, le préjudice concurrentiel s’inscrit dans la catégorie de ce qu’on appelle un préjudice
de masse. Autrement dit il s’agit d’un préjudice minime si on le mesure à l’égard de chaque
victime. De ce fait, la victime n’aura aucun intérêt d’exercer une action en justice coûteuse avec
des frais importants pour réclamer l’indemnisation d’un préjudice minime. Par ailleurs, si on le
mesure à l’égard de plusieurs victimes, le préjudice de masse obtient une valeur importante et
son indemnisation présente un intérêt important. Raison pour laquelle la pratique anglo-saxonne
a inventé un mécanisme juridique approprié dite : Class action (action de groupe), afin de
faciliter et adapter les actions en justice à cette forme de préjudice.
L’action de groupe s’inscrit dans le cadre d’une modernisation et une évolution de la notion de
l’action en justice à la lumière d’un mouvement de collectivisation du recours qui vise à
permettre à plusieurs victimes ayant subi un préjudice semblable de se réunir et réclamer
indemnisation.
Dans le cadre de notre présent travail nous allons essayer de diagnostiquer ce mouvement de
subjectivisation du contentieux concurrentiel, d’un contentieux purement objectif et assuré par
l’Etat à un contentieux à caractère hybride, ayant également un aspect subjectif tendant à la
préservation des intérêts catégoriels des victimes des pratiques anti-concurrentielles.
L’action de groupe est le mécanisme ayant renforcé ledit mouvement de subjectivisation et
contribué à une mutation du contentieux concurrentiel. Grâce à ce travail nous allons analyser
ce mécanisme juridique à la lumière du droit comparé, et en essayant de relever les institutions
judiciaires et législatives qui lui sont proche en droit marocain et les perspectives de son
introduction dans notre arsenal juridique national.

Abstract:

An inactive competition council, an insufficient legal arsenal and an urgent need to modernize
our competition law and unlock our economic markets… these are the main findings reported
by the commission on the new socio-economic development model. How then can we improve
our competition law?
Indeed, competition law is a complex legal disciplinary field which is interested in several sub-
disciplines, and above all aims to fight against all practices likely to distort the game of
competition. Thus, the law of anti-competitive practices constitutes fertile ground in this matter.
The competition council is a state and constitutional institution, whose prerogatives and
functions are regulated by law 20.13. It is up to the competition council to fight anti-competitive
practices, using the powers at its disposal, and to impose sanctions on agents who violate and
distort the game of competition. This is why competitive litigation initiated by this state
authority is qualified as objective litigation also known as public enforcement.
However, objective litigation is not enough to play a dissuasive role with regard to agents who
may commit anti-competitive behavior untraceable like cartels and which has harmful effects,
not only for our economy and our business climate, but also for consumers natural and legal
persons. Without forgetting, that objective litigation takes exclusively the general interest and
public order and does not concern the victims who may also suffer competitive damages.
Hence the interest in recognizing victims of anti-competitive practices a right to compensation
and competitive private action. However, recognition alone has proved insufficient insofar as
the peculiarities of anti-competitive practices and competitive prejudice have limited the
interest in private action of victims of anti-competitive practices.
Indeed, competitive damage falls under the category of what is called mass damage. In other
words, this is minimal harm when measured against each victim. As a result, the victim will
have no interest in pursuing a costly lawsuit with high costs to claim compensation for minimal
damage. On the other hand, if we measure it against several victims, the mass damage obtains
a significant value and its compensation presents a significant interest. This is why Anglo-
Saxon practice has invented an appropriate legal mechanism known as: Class action, in order
to facilitate and adapt legal actions to this form of damage.
Class action is part of a modernization and evolution of the concept of legal action in the light
of a movement to collectivize recourse which aims to allow several victims who have suffered
similar damage. to come together and claim compensation.
In the context of our present work, we will try to diagnose this movement of subjectivation of
competitive litigation, from a purely objective litigation and provided by the State to a hybrid
litigation, also having a subjective aspect tending to the preservation of interests, categories of
victims of anti-competitive practices.
Class action is the mechanism that has reinforced said movement of subjectification and
contributed to a change in competitive litigation. Thanks to this work we will analyze this legal
mechanism in the light of comparative law, and by trying to identify the judicial and legislative
institutions which are close to it in Moroccan law and the prospects for its introduction into our
national legal arsenal.
Sommaire :
INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE : LE MOUVEMENT DE SUBJECTIVISATION DU


CONTENTIEUX CONCURRENTIEL

CHAPITRE1 : L’AMELIORATION DES DROITS DE VICTIMES DES PRATIQUES ANTI-

CONCURRENTIELLES

Section 1 : La reconnaissance d’un droit d’indemnisation aux victimes des


pratiques anti-concurrentielles
Section 2 : La détermination et la réparation du préjudice concurrentiel
CHAPITRE 2 : LA CONCILIATION ENTRE LE PUBLIC ENFORCEMENT ET LE PRIVAT

ENFORCEMENT

Section 1 : L’aménagement des règles relatives à l’exercice de l’action


Section 2 : L’aménagement des règles relatives à la preuve et aux frais de la
procédure

DEUXIEME PARTIE : LES FREINS AU RENFORCEMENT DU


MOUVEMENT DE SUBJECTIVISATION DU CONTENTIEUX
CONCURRENTIEL

CHAPITRE 1 : LA CONCEPTION ET LES LIMITES DE L’ACTION DE GROUPE EN DROIT


FRANÇAIS

Section 1 : Le régime juridique de l’action de groupe en droit français


Section 2 : Les limites et lacunes de l’action de groupe en droit français
CHAPITRE 2 : LES OBSTACLES A L’INTRODUCTION D’UNE ACTION DE GROUPE EN
DROIT DE LA CONCURRENCE MAROCAIN

Section 1 : L’inefficacité de l’arsenal juridique marocain régissant le


contentieux privé concurrentiel
Section 2 : Les réformes envisageables
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Table des matières
Page |1

INTRODUCTION :

« L’union fait la force », un proverbe largement utilisé pour inspirer les mouvements de
coalition et d’association, et qui signifie que la solidarité et l’union permettent aux individus de
se réunir et d’élargir leurs chances de réussite et de succès. Ainsi sur le plan politique et
économique, la plupart des pays du monde ont découvert la nécessité de s’allier et de partager
leurs richesses afin de progresser économiquement.
Cependant, en droit l’esprit libéral était toujours prédominant, et constituait même le fondement
sur lequel la théorie de l’action en justice a été conçue.1 En effet, chaque personne a seul le
droit d’agir en justice pour réclamer la protection de ses intérêts personnels et faire valoir ses
droits. D’où le principe juridique majeur selon lequel « Nul ne peut plaider par procureur ».2
Toutefois l’évolution de la vie socio-économique a remis en cause ce mouvement libéral
exacerbé et a impliquée son atténuation à travers l’adaptation du recours en justice aux
différents changements de la sphère socio-économique.3
La manifestation de l’union dans la sphère juridique s’est concrétisée par le mouvement de la
collectivisation du recours, qui avait pour ambition de permettre à une seule personne d’agir au
nom de plusieurs autres, ayant subi un préjudice semblable que lui, pour demander réparation
en leur nom et pour leur intérêt, sans pour autant avoir besoin de quelconque mandat.4
L’origine de ce mouvement de collectivisation du recours, se trouve en droit anglais. En effet,
les actions de groupe constituaient le principe et la norme au 13ème siècle en Angleterre, dans
la mesure où le traitement des actions individuelles s’avérait compliqué en raison du manque
des moyens de communication et de transport.5 Toutefois la montée du capitalisme au 19ème

1
FRICERO, Natalie et Julien, Pierre « Droit judiciaire privé », LGDJ éd. 2014, p15
2
C’est un principe qui signifie que chaque personne doit agir en justice en son nom et pour son propre compte
et non pas pour le compte d’autrui.
3
Benjamine Lehaire, « L’action privée en droit des pratiques anti-concurrentielles : Pour un recours effectif des
entreprises et des consommateurs en droit français et canadien », thèse en cotutelle doctorat en droit,
université Laval, Québec, Canada et Université de la Rochelle, France, 2014.
4
Ginette PICHE « Le recours collectif d’un point de vue d’un juge », 1998-1999, Revue de jurisprudence
commerciale, p.70
5
https://classactionlawsuitcenter.com/history-of-class-action-
lawsuits/#:~:text=HomeHistory%20of%20Class%20Action,and%20affected%20several%20people%20simultane
ously. Consulté le 02/08/2021
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siècle a remis en cause ledit principe, et les actions de groupe commençaient à retomber en
faveur des actions individuelles.
Ainsi parmi les premières actions de groupes exercées en Angleterre, on trouvait une poursuite
exercée au 14ème siècle, par la population des îles anglo-normandes contre le seigneur des îles,
qui leur a demandé de lui régler le loyer de leur habitation par monnaie française au lieu de la
monnaie locale des îles. Ainsi le juge désigné par le Roi d’Angleterre pour statuer sur le litige,
a demandé de désigner un seul représentant pour venir à Londres et exposer ainsi
l’argumentation de toute la population ayant exercée l’action. Malheureusement, le représentant
a perdu l’action, et la population a ainsi été condamné de payer le loyer au seigneur des Îles en
monnaie française.6
En effet, la norme était l’action collective au lieu de l’action individuelle. Ainsi par exemple
selon un éminent professeur « Il aurait avoir peu de sens de questionner un avocat médiéval
sur le statut des actions collectives, comme si vous demandez à un avocat moderne
pourquoi les individus peuvent exercer des actions ».7
Aux Etats-Unis la Class action a connu un grand essor, et elle est ainsi codifiée par la règle 23
des règles fédérales de procédure civile, et aussi en vertu des dispositions applicables au sein
de l’Etat de New-York dans le domaine civile, qui prévoyaient des modalités de recours
collectif.
Le recours collectif s’avère ainsi comme un moyen efficace pour permettre aux victimes qui
subissent des préjudices de masse, c'est-à-dire des préjudices d’une valeur minime, de se réunir
par le biais d’un seul représentant et d’agir en justice afin de réclamer indemnisation.
En droit de la concurrence, l’enjeux primordial qui animait le législateur est de veiller au bon
fonctionnement du marché économique, en instaurant des règles de jeu qui assurent une
concurrence loyale, qui prend en considération les intérêts socio-économiques. Certes selon la
théorie de la main invisible élaborée par Adam Smith8 chaque individu est à la recherche sur le
marché économique de ses propres intérêts mais en bénéficiant à toute la collectivité.
Néanmoins, le rôle de l’Etat consiste à assurer un environnement sain et qui favorise une
meilleure concurrence entre les acteurs du marché.
En effet, la notion de la concurrence a vu le jour au 19ème siècle avec l’accroissement du
libéralisme en Europe. Toutefois, bien avant cette date, le décret d’Allarde9 proclama en 1791

6
A HISTORY OF CLASS ACTIONS: MODERN LESSONS FROM DEEP ROOTS Michael A Eizenga and Emrys Davis,
Canadian Class Action Review, October 2011, Vol 7 No 1, p.06
7
Yeazell, “The Past and Future,” above note 4 at 689.
8
https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2009-4-page-28.htm consulté le 10/05/2021
9
Marrie-Anne, Frison-Roche et Marie-Stéphane Payet « Droit de la Concurrence », éd. Dalloz 1er édition. P.1
Préliminaires
Page |3

le principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Un principe consacré aujourd’hui au


Maroc par l’article 35 de la constitution de 2011.10
L’enjeux du droit de la concurrence n’est pas de créer la concurrence qui est libre et préétablie,
mais d’en réglementer et de sanctionner les actes et les pratiques qui portent atteinte à son
fonctionnement naturelle. Les premières règles en la matière ont été l’œuvre de la jurisprudence
française qui a sanctionné la concurrence déloyale en se basant sur la lecture des articles 1382
et 1383 du Code civil français.11
Au Maroc le droit de la concurrence est un droit récent et inachevé qui n’a été adopté que ces
dernières années avec l’adoption de la loi 06.99 relative à la liberté du prix et de la concurrence.
Celle-ci a subi une réforme intéressante avec la loi 104.12 et la mise en place d’une autorité
chargé de veiller au fonctionnement naturel de la concurrence au Maroc à savoir le conseil de
la concurrence.12
Le droit de la concurrence est un droit complexe qui a connu plusieurs subdivisions
disciplinaires en raison de son évolution constante. Parmi les disciplines fondamentales qui
constituent ce dernier on trouve le droit des Pratiques anti-concurrentielles. Ce dernier droit a
pour objectif de réprimer les comportements nuisibles qui faussent le jeu de la concurrence et
portent atteinte au fonctionnement normal du marché. Ce droit s’intéresse donc essentiellement
à la notion du marché et aux pratiques anti-concurrentielles. On relève généralement deux
catégories de pratiques qui sont réprimées par ce droit à savoir : Les ententes et les abus de
position dominante.
Dans le cadre des ententes deux ou plusieurs entreprises exercent une coalition et un
comportement harmonisé entre elles afin de limiter et supprimer la concurrence qui s’exerce
naturellement entre elles. Par contre, dans le cadre d’un abus de position dominante, une ou
plusieurs entreprises exploitent certaines ressources ou une situation déterminée13 afin d’obtenir
une position forcée et dominante sur le marché au détriment d’autres acteurs préexistants ou
qui veulent accéder au marché.14
Quel que soit la pratique anti-concurrentielle envisagée, c’est au Conseil de la concurrence de
la détecter, la prouver et la réprimer à travers l’ensemble des moyens juridiques et financiers
dont il dispose15 dans le but de rétablir l’équilibre et le fonctionnement normal du marché qui

10
« L’Etat garantit la liberté d’entreprendre et la libre concurrence ». Article 35 alinéa 3 de la constitution
marocaine de 2011.
11
Marie-Anne, Frison-Roche et Marie-Stéphane Payet, op., cit., p.3
12
Dahir 1-14-117 du 30 juin 2014 portant promulgation de la loi n°20-13 relative au conseil de la concurrence
13
Voir à ce propos la décision de l’ANRT 2007 opposant IAM et Wana à propos de l’abus de position dominante
d’IAM
14
Marie Malaurie-Vignal « Droit de la concurrence interne et européen », 6ème édition SIRY
15
Les pouvoirs du Conseil de la concurrence sont réglementés par la loi 20-13
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a été transgressé. Néanmoins la question qui se pose est de savoir si lesdites pratiques ne
causent pas des préjudices et des effets néfastes à l’égard des consommateurs et des petites
et moyennes entreprises ? et quid de la question de leur réparation ?
La réponse à ladite question est affirmative, car les ententes et abus de position dominante
entraînent souvent une hausse des prix qui portent atteinte au consommateur, éliminent le droit
au consommateur de choisir entre plusieurs produits, et interdisent aux petits entrepreneurs
d’intégrer certains marchés et de s’épanouir et se développer.16
Cependant jamais le rôle du conseil de la concurrence n’a été de réparer les préjudices
concurrentiels des victimes. Et la victime était un sujet marginalisé dont les droits sont ignorés
au profit de l’intérêt général du marché. Mais en 1963 la Cour de justice européenne affirma le
droit aux victimes d’infraction au traité européen, notamment en ce qui concerne les pratiques
anticoncurrentielles de réclamer la préservation et la sauvegarde de leurs droits.17
Cependant les décisions révolutionnaires en matière du droit à réparation des victimes des
pratiques anti-concurrentielle sont les arrêts Courage18 et Manfredi19.
Cependant la reconnaissance du droit à réparation aux victimes des pratiques anti-
concurrentielle ne suffit pas à protéger leurs droits, car souvent les dommages causés par les
pratiques anti-concurrentielles sont des dommages minimes dites dommages de masse. 20 La
victime ne pourra pas ainsi dépenser des frais de justice énorme pour un faible montant de
dommages et intérêts. D’où l’intérêt primordial du recours collectif en droit de la
concurrence.21
En effet, le recours collectif trouve son origine en droit anglais qui reconnaît depuis 1873 que
« Lorsque de nombreuses parties ont le même intérêt dans une action, l’une ou plusieurs d’entre
elles peuvent poursuivre ou être poursuivies ou être autorisées par le tribunal à se défendre dans
cette action, au nom et au profit de toutes les parties ainsi intéressées ».22 Néanmoins c’est au
Etats-Unis que le recours collectif a connu un grand essor avec le modèle de la Class Action
américaine.

16
Sofian Zaroil « L’action de groupe à l’épreuve du droit français », mémoire pour Master II Enseignement
clinique du droit des affaires, sous la direction de Mme. Vanessa Monteillet, année universitaire 2018/2019,
p.30
17
CJEC, 6 avril 1962, De Geus en Uitdenbogerd / Bosch e.a. ; aff. C-13/61, Rec. 1962, p.89
18
CJEC 20 September 2001, Courage Ltd contre Bernard Crehan et Bernard Crehan contre Courage Ltd et
autres, aff. C-453/99, Rec. 2001, p. I-6297
19
CJCE 13 juillet 2006, Manfredi, aff. Jointes C-295-298/04, Rec. 2006, p. I-6619
20
Muriel GHAGNY « La réparation des dommages concurrentiels », Revue de jurisprudence commerciale 12
Juin 2017, p.5
21
Julie Romain, “Les actions de groupe et le droit de la concurrence », mémoire pour Master 2 droit européen
des affaires, dirigé par Mr. Louis Vogel, année universitaire 2015/2016, p.30
22
Suprem Court of Juridiction Act. 1873 (R.U), 36 & Vict., c. 66, sch. A, s. 10 (entrée en vigueur en 1874), cité
par Benjamine Lehair, op., cit., p.80
Page |5

Introduite en 2014 par le législateur français par la loi Hamon23, l’action de groupe a été
présenté comme étant un mécanisme permettant de renforcer l’attractivité du droit français et
s’inscrivait dans le cadre du mouvement de subjectivisation du contentieux concurrentiel.
Ainsi l’intérêt de notre sujet qui porte sur l’étude de l’action de groupe, modalité du recours
collectif, se manifeste à deux égards. D’une part un intérêt théorique qui consiste à analyser
l’esprit du droit de la concurrence au sens moderne et son évolution d’un droit purement objectif
a vocation général et publique, a un droit hybride qui s’intéresse aussi à l’indemnisation des
victimes des pratiques anti-concurrentielles. Et un intérêt pratique qui permet de mesurer les
perspectives et les chances futures d’introduire un tel mécanisme en droit marocain afin de
moderniser le droit de la concurrence marocain et de renforcer le statut de la victime des
pratiques anti-concurrentielle au Maroc.
D’où notre problématique suivante qui fera l’objet de la présente analyse :
Dans quelle mesure l’action de groupe contribue à une mutation du
contentieux en droit de la concurrence ?
Afin de parvenir à répondre à ladite problématique nous proposons de suivre le plan suivant qui
sera l’architecture de notre raisonnement juridique et jurisprudentielle tout au long du présent
travail :
PREMIERE PARTIE : Le mouvement de subjectivisation du contentieux
concurrentielle

CHAPITRE 1 : L’amélioration des droits des victimes des pratiques anti-


concurrentielles
CHAPITRE 2 : La conciliation entre le Public enforcement et le Privat
enforcement
PARTIE II : Les Freins au mouvement de subjectivisation du contentieux
concurrentiel :

CHAPITRE 1 : La conception et les limites de l’action de groupe en droit


français
CHAPITRE 2 : Les Perspectives de l’introduction d’une action de groupe en
droit Maroc

23
Loi 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
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PREMIERE PARTIE :

Le mouvement de subjectivisation du
contentieux concurrentielle :
En effet, le droit de la concurrence est par son origine, un droit objectif, qui tend essentiellement
à assurer la stabilité et veiller au bon fonctionnement du marché, par l’adoption des règles et
des mesures publiques, mises en œuvre par des agents et des institutions purement étatiques,
qui fixent les règles du jeu pour un marché dont la concurrence est respectée et se déroule dans
des circonstances normales. Il en résulte que la défense des intérêts catégoriels des acteurs du
marché, à savoir les concurrents et les consommateurs ne constituait pas un objectif primordial
et originaire de ce droit, et n’entrait pas dans les préoccupations prioritaires du droit de la
concurrence.24
Cependant, un débat doctrinal a vu le jour ces dernières décennies sur le rôle de l’approche
subjective en matière de lutte contre les pratiques anti-concurrentielles. Ainsi, la question ne se
limitait pas exclusivement à savoir si les victimes des pratiques anti-concurrentielles doivent
être indemnisées sur les préjudices concurrentiels qu’elles subissent, mais aussi de comprendre
comment cette approche subjective jouera aussi un rôle de parallèle dans la protection et la
régulation du marché.
Il faut noter que le débat sur la place de la victime au sein du droit de la concurrence marocain
est presque inexistant, et ce en raison du caractère récent du droit de la concurrence marocain
qui n’a vu le jour qu’avec l’adoption de la loi 06-99 modifiée et complétée par la loi 104.12
relative à la liberté du prix et de la concurrence. Par contre en Europe le débat a été déclenchée
depuis la fin du 20ème et au début du 21ème siècle. A titre d’exemple, en 2008 la commission
européenne a publié un livre blanc sur les actions en dommage et intérêts pour infractions aux
règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante.25 Par ailleurs le continent
américain est considéré comme étant le berceau de ce contentieux privé en droit de la
concurrence à travers le modèle de la Class Action aux Etats-Unis et au Canada également.26

24
Benjamine LEHAIRE op., cite., p.37
25
https://www.alain-bensoussan.com/wp-content/uploads/262090.pdf consulté le 15/05/2021
26
Entretien avec Yassmine TARASEWICZ, avocat associé cabinet PROSKAUER et Geoffrey ROCHE juriste en droit
social cabinet PROSKAUER, Forum INTERVIEU 1741_10_SSL_GABARITS 20/10/16 11 :38, p.3
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Généralement le constat qui a été rapporté par la Commission européenne à travers ses travaux
de recherche sur le contentieux privé concurrentiel en Europe, est que l’action privé des
victimes en droit de concurrence dans les Etats membres de l’union connaît un sous-
développement.
Ainsi dans le cadre de notre analyse nous allons essayer de démontrer comment la
reconnaissance d’un droit d’indemnisation aux victimes des pratiques anti-concurrentielles,
contribuera à l’amélioration de leurs droits et par conséquent à renforcer le contrôle et la
régulation du marché, non pas uniquement par ses acteurs originaires étatiques, mais aussi par
l’intégration d’un rôle innovant des sujets agissant sur le marché (CHAPITRE 1).
Par ailleurs, tout changement entraîne inévitablement des adaptations et des aménagements qui
permettent de le faire réussir et de créer l’environnement adéquat pour son développement. Il
en est de même de la subjectivisation du contentieux concurrentiel, qui avait un caractère
purement public en raison de son origine. Cette mutation du contentieux concurrentiel, implique
dès lors une adaptation et une conciliation entre les deux modes de régulation désormais
applicables en droit de la concurrence, et que les praticiens appellent communément le Privat
enforcement et le Public enforcement (CHAPITRE 2).
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CHAPITRE 1 : L’amélioration des droits des victimes des pratiques


anti-concurrentielles
Un éminent auteur disait que le droit de la concurrence est un droit où « le maître mot est
l’efficacité voire l’effectivité ».27 Néanmoins, pour renforcer cette efficacité, il faut
certainement améliorer les droits des victimes des infractions aux dispositions régissant le droit
de la concurrence, en particulier contre les pratiques anti-concurrentielles.
En effet, le renforcement du statut de la victime dans le cadre de la mise en œuvre du droit de
la concurrence aura un impact important sur l’efficacité de ce droit. Ainsi, la vigilance des
victimes à préserver leurs droits, permettra aux autorités publiques et administratives chargées
de l’application des règles du jeu de la concurrence, à détecter les pratiques qui perturbent le
fonctionnement du marché, et générera également un effet plus dissuasif et plus contraignant
qui s’ajoute à celui créée par l’action des agents publics.28
A partir de ce constat, notre réflexion s’articulera autour de deux principaux volets : dans le
cadre du premier volet on évoquera les circonstances et effets de la reconnaissance d’un droit
d’indemnisation aux victimes des pratiques anti-concurrentielles (SECTION 1), Alors que
dans le cadre du second volet nous allons s’intéresser à la détermination du préjudice
concurrentiel et sa réparation (SECTION 2).

SECTION 1 - La reconnaissance d’un droit d’indemnisation aux victimes


des pratiques anti-concurrentielles :
Le premier édifice de la reconnaissance d’un recours privé en droit de la concurrence européen,
auquel s’inspire notamment le législateur marocain, ait été mis en place par la jurisprudence
communautaire à travers les fameux arrêts : Courage et Manfredi. Ainsi dans le cadre de
l’arrêt Manfredi la Cour de Justice de l’Union Européenne a affirmé que « Toute personne est
en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité
entre ledit préjudice et une entente ou une pratique anti-concurrentielle interdite ».29
Certes les victimes des pratiques anti-concurrentielles peuvent agir sur le terrain des règles de
droit commun de responsabilité civile pour demander la réparation d’un dommage que leur a
causé un préjudice concurrentiel. Malgré cette possibilité la commission européenne dans le

27
S. AMRANI MEKKI « Inciter les actions en dommages-intérêts en droit de la concurrence : le point de vue d’un
processualité », dans Le livre blanc sur les actions en dommage-intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et abus de position dominante, collège Européen de Paris, AFEC 13 juin 2008,
Revue concurrence, 2-2009, page. 11
28
Marie Rigal op., cite., p.17
29
Voir supra. P.4
Page |9

cadre d’une étude menée en 2000 dite étude « Ashurst » a relevé un chiffre inquiétant et faible
de 10 % seulement des actions exercées en droit de la concurrence étaient d’origine privé30. Au
Maroc le chiffre est certainement plus baisse et même inexistant en raison de l’absence de la
culture judiciaire chez les consommateurs et aussi en raison du caractère purement étatique du
droit concurrentiel marocain. Ce qui nous amène à s’interroger sur l’origine de ce chiffre
minime, et sur la relation entre la reconnaissance d’un droit d’action privé en droit de la
concurrence et le droit à un recours effectif (paragraphe 1). Une fois ladite relation est établie,
il sera opportun d’identifier et clarifier la modalité du recours collectif comme étant une forme
d’action privé en droit de la concurrence ayant pour ambition de renforcer l’attractivité et
l’effectivité du droit d’indemnisation des victimes des pratiques anti-concurrentielle
(paragraphe 2).

Paragraphe 1- Le recours privé en droit de la concurrence et le droit à un recours


effectif
En effet le droit à un recours effectif est un droit universel et un principe juridique majeur qui
signifie que chaque personne a le droit d’accéder à la justice et de faire valoir ses droits. Ainsi
l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que « Toute personne
dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l’octroi
d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été
commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».
En droit marocain le droit d’exercer une action en justice est un droit ayant une valeur
constitutionnelle dans la mesure où il est garanti par les conventions internationales signées et
ratifiées par le Maroc et qui priment sur les lois nationales conformément au préambule de la
constitution marocaine. 31
Comme nous l’avions déjà relevé, les victimes des pratiques anti-concurrentielles disposent
d’une possibilité d’agir sur le fondement de la responsabilité civile, dans les conditions du droit
commun pour demander la réparation de leurs préjudices causés par des comportements anti-
concurrentiels.
A cet égard, la jurisprudence française, a reconnu depuis 1982, dans le cadre de l’arrêt
SIPEFEL32, ce droit à réparation pour les victimes d’infractions anti-concurrentielles, sur le
fondement du droit commun de responsabilité civile, en affirmant dans ledit arrêt que

30
https://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/comparative_report_clean_en.pdf consulté le
15/05/2021
31
156.‫ ص‬،2015 ‫ الطبعة الثانية‬،‫ التنظيم القضائي بين العدالة المؤسساتية والعدالة المكملة أو البديلة‬: ‫عبج الرحمان الشرقاوي‬
32
Cass. Com. 1er mars 1982, N° de pourvoi – 80-15834, Bull. n° 76
P a g e | 10

« l’abrogation par l’article 19 de la loi du 17 juillet 1977 des dispositions de l’article 45 alinéa
2 de la loi du 27 décembre 1973, permet l’exercice selon les règles de droit commun, de
l’action civile en réparation des dommages causés par les infractions visées à l’article 50 de
l’ordonnance du 30 juin 1945 ».33
Ce courant jurisprudentielle n’a cessé d’être confirmé et réaffirmé par les jurisprudences
ultérieures. Ainsi la Cour d’appel de Paris a affirmé dans un arrêt rendu en 199634 que la
transgression des dispositions des articles 420-1 et 420-2 du Code de Commerce français (Les
article 6 et 7 de la loi 104.12 marocaine) est une faute délictuelle permettant à la victime de
ce comportement d’exercer une action en réparation en s’appuyant sur l’article 1382 du Code
civil (Article 77 du DOC).
Cependant, sur le terrain civil de droit commun, les victimes rencontrent plusieurs difficultés
qui résultent notamment de la lourdeur des règles probatoires. Ces difficultés entravent donc le
droit fondamental des victimes d’accéder à la justice, et portent atteinte au principe juridique
susvisé du droit au recours effectif. Nous essayerons de démontrer ces difficultés probatoires
au niveau de la détermination de la faute d’une pratique anticoncurrentielle et l’établissement
du lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi.
Tout d’abord, concernant la notion de faute, au sens civiliste du terme, elle consiste en une
violation condamnable d’une obligation légale préétablie, par une personne qui lui est
imputable et qui est son auteur.35 En droit de la concurrence, la notion de faute signifie une
transgression de la loi, en l’occurrence des dispositions réprimant les pratiques anti-
concurrentielles (Les ententes, abus de position dominante …).36
En raison de sa nature économique la faute en droit de la concurrence est difficile à détecter et
à prouver, car elle peut être dissimulée voire même justifiée en raison du principe de la liberté
du commerce et de l’industrie qui peut justifier certains dommages sur le marché de nature
licite. Il en est par exemple d’une crise économique résultant du libre jeu de la concurrence.
L’appréciation de la notion de la faute en droit de la concurrence, pourra se faire selon deux
approches : d’une part une approche rigide qui exige aux victimes des pratiques
anticoncurrentielles de prouver les mêmes critères apportés par le Conseil de la concurrence
lors de l’investigation et la recherche d’une pratique anticoncurrentielle. D’autre part une
approche plus fluide qui admet la possibilité pour la victime de prouver la faute concurrentielle

33
L’ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix
34
CA Paris 12 décembre 1996, France Abonnements c. office universitaire de presse JCP € 1997, II 953
35
Saad MOUMI « Droit Civil : Droit des Obligation », dépôt légal n°1323-2000, p.337
36
Les article 6, 7 et 8 de la loi 104.12 relative à la liberté du commerce et de l’industrie (Les articles L.450-1 et
L.420-2 du Code de commerce français)
P a g e | 11

par de simples indices. La première hypothèse est cependant difficile surtout en l’absence d’une
condamnation préalable ou une décision déjà prise par les autorités de la concurrence. Raison
pour laquelle, lors de son adoption de l’action de groupe le législateur français imposa aux
victimes d’attendre une décision publique avant d’intenter une action en réparation.37
Il en résulte que le droit à un recours effectif, ne signifie pas uniquement le droit reconnu à une
personne de déposer une requête devant le tribunal ou de demander la réparation, mais se
mesure en termes de l’effectivité du recours de cette personne et s’elle pourra obtenir
véritablement ses droits et parvenir à la justice.
Concernant le lien de causalité, il constitue une condition primordiale dans la demande de
réparation du préjudice subi suite à une pratique anti-concurrentielle. Ainsi son exigence a été
rappelée dans l’arrêt Manfredi38 et aussi dans le livre blanc publié par la commission
européenne qui prévoit la nécessité d’établir un lien de causalité suffisant entre l’infraction et
le préjudice subi.39
En droit de la concurrence, et en raison de la multiplicité des échanges et des chaînes
commerciales, l’établissement d’un lien de causalité pose un problème spécifiquement pour les
acheteurs indirects à savoir les consommateurs finaux. Par contre pour les acheteurs directs
souvent le lien de causalité est prouvé par le lien contractuel qui unit l’entreprise avec le
fournisseur ou le grossiste.40
A cet égard, un auteur avait considéré que les acheteurs indirects en droit de la concurrence
doivent être assimilés à des victimes par ricochet qui ont droit à être indemnisées au même titre
que les premières victimes.41
La reconnaissance d’un droit à réparation pour les victimes des pratiques anti-concurrentielles
n’est pas uniquement nécessaire mais indispensable et obligatoire, dans la mesure où chaque
personne doit avoir le droit d’accéder aux tribunaux et par conséquent d’accéder à la justice.

Paragraphe 2- La collectivisation du recours privé en droit de la concurrence


Pour pallier aux difficultés qui entravent l’action privé des victimes des pratiques
anticoncurrentielle, notamment en terme de la lourdeur des règles classiques de responsabilité
civile, et aussi des spécificités du préjudice concurrentiel, un phénomène de collectivisation de

37
Voir infra., p.
38
Arrêt de la CJCE du 13 Juillet 2006, affaires jointes C-295-298/04, Rec. 2006, p. I-6619 https://eur-
lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=ecli:ECLI%3AEU%3AC%3A2006%3A461
39
Voir infra. P.
40
Benjamine LEHAIRE op., cite., p.260
41
D. FAQUELLE “livre vert de la commission sur les actions en dommages intérêts pour infractions aux règles
communautaires sur les ententes et abus de position dominante », Revue des droits de la concurrence, p.35
P a g e | 12

recours a vu le jours, dont l’objectif est de permettre à plusieurs victimes ayant subi un même
préjudice concurrentiel, de se réunir pour exercer une seule action, et réaliser par conséquent
une économie en terme de coût et de temps.
La collectivisation du recours en droit de la concurrence est venue pour aider les victimes des
pratiques anti-concurrentielles, qui subissent des préjudices minimes par rapport au coût
éventuel de la réparation qu’elles peuvent réclamer et aux frais qu’elles seront amenées à
dépenser en justice, et aussi pour leur faciliter l’accès à la justice et partant assurer un recours
privé plus effectif.42
Le recours collectif est une exception à l’adage juridique très connu dans les pays de la famille
romano-germanique, y compris le Maroc, selon lequel « Nul ne peut plaider par procureur ».
Dans la mesure où il permet à une seule personne de représenter un groupe d’individus ayant
subi un préjudice semblable de demander réparation en leur nom et pour leur propre compte en
justice sans avoir besoin d’aucune quelconque mandat.43
Selon la Cour suprême du Canada le recours collectif permet la réalisation de trois principaux
objectifs : en premier lieu, une économie judiciaire surtout en réduisant les frais de justice
pour les victimes par rapport à la valeur réelle ou éventuelle du préjudice qu’elles ont
subi. Ensuite, il facilité et améliore l’accès à la justice, dans la mesure où il constitue une
alternative à l’action privée individuelle soumise à des règles classiques rigides de
responsabilité civile. Et enfin, il aura un impact aussi sur le comportement social en
renforçant la culture judiciaire des consommateurs à l’égard des pratiques anti-
concurrentiels.44
De même, conscient de l’importance d’intégrer dans l’ordre juridique interne des Etats membre
de l’union européenne, la commission européenne a recommandé à ces derniers, dans un
communiqué de presse publié le 11 Juin 2013 d’adopter un mécanisme de recours collectif afin
de garantir aux justiciables, un accès effectif à la justice.45
Ladite recommandation indique certains principes à respecter dans le cadre de la mise en œuvre
d’un système national de recours collectif. Le premier principe consiste à reconnaître aux
victimes ayant subi un préjudice de masse deux catégories d’actions : une action en réparation
ainsi qu’une action en cessation.46

42
Voir Western Canadian Shopping Centers c. Dutton, 2001, 2 R.C.S 534, au par. 29
43
Benjamine LEHAIRE, op. cite, p.79
44
Westerne Canadian Shopping Centers Inc.c Dutton https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-
csc/fr/item/1884/index.do?site_preference=normal
45
https://www.concurrences.com/IMG/pdf/ue
recours_collectif.pdf?40122/2585cbf75b9639804d001737f700d9a229743735 consulté le 09/05/2021
46
Voir infra les mesures conservatoires pouvant être exercées par les victimes des pratiques anti-
concurrentielles p.9 et 10
P a g e | 13

Le second principe implique de se doter d’un mécanisme de recours collectif ayant les
caractères suivants : objectif, équitable (ainsi la commissions recommande de reconnaître le
droit au recours collectif tant aux personnes physiques que morales). Rapide et dont les coûts
ne sont pas dissuasifs.
Le troisième principe est que l’action collective européenne doit reposer sur le mécanisme
« opt-in ». Ce dernier signifie que l’action collective implique exclusivement les victimes ayant
données leur consentement expresse et non équivoque d’appartenir au groupe.
Le quatrième principe est l’interdiction de certains comportements de nature à encourager la
mise en jeu de recours collectifs artificiels à caractère purement abusif. A cet égard, la
commission européenne recommande d’interdire par exemple les honoraires de résultat et ce
afin de donner au groupe constitué un objectif non lucratif et de soumettre le financement
étranger du groupe constitué à des conditions rigides afin de garder plus de transparence et de
crédibilité à l’action collective ainsi exercée.
Enfin le dernier principe est d’encourager les parties à faire recours aux modes alternatifs de
règlement des conflits. Cette question sera ultérieurement traitée dans le cadre du second
chapitre de la deuxième partie.

SECTION 2 : La détermination et la réparation du préjudice concurrentiel :

Le droit de la concurrence est un droit désireux d’efficacité. Ceci se justifie par le fait qu’il
s’agisse d’un droit économique qui doit reposer sur des critères d’efficacité économique. Raison
pour laquelle, les juristes de la famille romano germanique ont essayé de puiser dans le droit
Anglo saxon des mécanismes et outils tendant à renforcer et accentuer l’efficacité du droit de
la concurrence notamment dans le droit communautaire européen et également dans le droit
français.47 En droit marocain les outils existants sont inefficaces et nécessite une refonte
profonde à la lumière de l’analyse que nous allons en faire dans le cadre de la seconde partie
du présent travail.
De même la réparation du préjudice concurrentiel est un enjeu fondamental dans le mouvement
de subjectivisation du contentieux concurrentiel, dans la mesure où il ne suffit pas de
reconnaître le droit d’indemnisation aux victimes des pratiques anti-concurrentielle, mais il faut
également leur assurer une meilleure réparation. De ce fait, nous essayerons de déterminer la

47
Géraldine GOFFAUX CALLEBAUT « Le préjudice en droit de la concurrence »., op., cit. p.68
P a g e | 14

notion et les contours du préjudice en droit de la concurrence (Paragraphe 1), afin de parvenir
à clarifier les modalités nécessaires pour une meilleur réparation de ce dernier (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- La détermination du préjudice concurrentiel

En raison des spécificités et des particularités qui caractérisent le droit de la concurrence, la


question de la notion de préjudice réparable nous amène à traiter deux questions intimement
liées : Tout d’abord on devra déterminer le statut de la victime qui doit bénéficier de la
réparation de son préjudice en droit de la concurrence. Et ensuite, on va caractériser avec
précision la conception du préjudice à réparer en droit de la concurrence.
Concernant la première interrogation, elle est le résultat inévitable d’une condition classique
essentielle dans la définition de la notion du préjudice en droit de la responsabilité civile, à
savoir le caractère personnel du préjudice. En effet, la règle est que seule la victime ayant subi
directement le préjudice qui a droit à réclamer son indemnisation.48
Néanmoins en droit de la concurrence on peut distinguer deux catégories de victimes : Les
victimes directes qui sont les entreprises concurrentes et les victimes indirectes qui sont les
consommateurs. La question est de savoir dès lors : Qui devra être indemnisé ?
Aux sens strictes du terme, la notion de consommateur en droit de la consommation désigne la
personne qui se procure d’un bien ou d’un service par l’intermédiaire d’une autre personne
(Vendeur ou distributeur), à des fins purement personnelles. Cependant, cette conception
restreinte s’avère inadéquate en droit de la concurrence, dans la mesure où une petite ou
moyenne entreprise qui achète un bien ou des matières premières pour les transformer ou pour
les industrialiser peut-être entendue comme étant un consommateur.
En général la question de la réparation du préjudice concurrentiel, s’analyse différemment selon
le statut de la victime. Pour les entreprises, on doit faire la distinction entre deux hypothèses :
d’une part l’entreprise qui exerce individuellement une action privée tendant à l’obtention d’une
indemnisation d’un préjudice résultant d’une pratique anticoncurrentielle et d’autre part la
possibilité dans le cadre de la collectivisation du recours, pour les entreprises d’exercer une
action de groupe contre une pratique anticoncurrentielle.
Dans le premier cas, aucun problème ne se pose dans la mesure où l’entreprise va agir seul et
elle est considéré comme étant un acheteur direct, ayant subi un préjudice personnel et directe.

48
Benjamine LEHAIRE, op, cit. p.64
P a g e | 15

Néanmoins, la preuve incombe toujours sur le demandeur, en l’occurrence l’entreprise victime


de ce comportement qui transgresse le libre jeu de la concurrence.49
De ce fait, la preuve devra être précédée inévitablement par la détermination de la notion du
marché pertinent. Pour ce faire, l’entreprise doit utiliser la technique de la substituabilité d’un
produit ou d’un service. Autrement dit, elle doit elle doit analyser le comportement
psychologique du consommateur afin de prouver que ce dernier considère que deux ou plusieurs
produits ou services sont substituables sur un même marché.50
Ainsi dans ce sens, dans l’une de ses décisions, le conseil de la concurrence français a considéré
que les poupées mannequins de Barbie ne répondent pas au critère de substituabilité par rapport
aux poupées poupons dans la mesure où elles présentent des caractéristiques différentes et ce
en se basant sur le comportement psychologique des consommateurs intéressés par ces
produits.51 A titre d’exemple retenu pour motiver la décision, est que Barbie est une poupée
ayant les caractéristiques d’une femme adulte alors que l’autre poupée s’apparente à un bébé.
Cette différence est le résultat logique du constat selon lequel les enfants appréhendent
différemment ces deux jouets.
Dès que le périmètre du marché pertinent est déterminé, les entreprises qui y exercent leurs
activités ont droit et un intérêt à réclamer la réparation de tout préjudice qui leur a été causé par
le fait d’un comportement anti-concurrentiel sur le dit marché.52
Toutefois la doctrine française considère que la notion d’entreprise n’inclut pas uniquement les
sociétés commerciales, mais également les entreprises publiques et les associations.53
En revanche, la condition de déterminer le marché pertinent et son périmètre s’impose
uniquement en ce qui concerne les comportements d’un abus de position dominante ou une
concentration. Cependant s’agissant des ententes il suffit de preuve la concertation car ce
comportement est réprimé quel que soit son effet sur le marché et par le seul fait de son
existence.54
Après avoir analysé le statut de la victime pouvant demander réparation du préjudice
concurrentiel, on s’intéressera pour l’instant d’analyser la notion et les contours du concept de
préjudice en droit de la concurrence, afin de proposer par la suite les modalités adéquate pour
l’évaluation et la réparation du préjudice concurrentiel.

49
50
51
Conseil de la Concurrence le 30 Juin 1999 relative à des pratiques constatées dans le secteur du jouet :
BOCCRF n°20 du 11 décembre 1999.
52
Géraldine GOFFAUX CALLEBAUT « Le préjudice en droit de la concurrence », p.45
53
Ibid., p.45
54
Arrêt du tribunal Première chambre du 10 mars 1992, Verre plat, Rec. 1992, II, 1405
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Paragraphe 2- La réparation du préjudice concurrentiel

Compte tenu des spécificités que représente le préjudice concurrentiel, la doctrine européenne
a essayé de chercher des mécanismes juridiques permettant d’en assurer une meilleure et
efficace réparation surtout à la lumière du dispositif adopté en la matière dans les pays du
Common Law.
A cet égard, les auteurs distinguent deux mécanismes appropriés : Les actions de groupe et les
dommages et intérêts punitifs. Le premier mécanisme sera examiné spécifiquement dans le
cadre de notre seconde partie. Pour l’instant on mettra l’accent sur le rôle des dommages et
intérêts punitif dans la réparation du préjudice concurrentiel55
Le droit marocain classique de responsabilité civile repose sur deux principales fonctions qui
constitue à peu près l’ADN du droit de la responsabilité civile à savoir : la fonction indemnitaire
qui se manifeste dans le principe de la réparation intégration de la victime et la fonction morale
qui repose sur l’idée de la répression d’une faute à un devoir ou une obligation légale
préétablie.56 Toutefois la responsabilité civile peut jouer une troisième fonction qui résulte
notamment de l’évolution de la vie socio-économique à savoir la fonction punitive. Cependant
celle-ci est ignorée dans la culture juridique marocaine, mais commence à s’intégrer et
s’imposer dans l’ordre juridique français.
En effet, la fonction punitive en droit de la responsabilité civile en générale, et en droit de la
concurrence en particulier, se justifie par le caractère économique de ce dernier et de la notion
de faute lucrative. Ainsi dans certains cas, la réparation intégrale ne suffit pas à dissuader
l’auteur de l’infraction, qui peut réaliser des « calculs malveillants » lui permettant de déduire
que le gain économique réalisé sera plus important que l’indemnisation à laquelle il sera
éventuellement condamné en justice.57
Néanmoins, on peut admettre que notre droit positif n’ignore pas catégoriquement la fonction
punitive de la responsabilité civile, qui peut se manifester implicitement dans plusieurs
institutions législatives comme : les clauses pénales, les préjudices extrapatrimoniaux …58
Mais conscient de son importance juridique, pour l’amélioration du droit de la responsabilité
civile, le législateur français a apporté une innovation qui renforce la fonction punitive dans le
cadre de l’avant-projet de réforme de responsabilité civile du 29 Avril 2016, qui prévoit dans

55
Géraldine GOFFAUX CALLEBAUT, op., cite., p.53
56
Mustapha MEKKI « Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile : maintenir, renforcer et enrichir
les fonctions de la responsabilité civil », p., 3
57
Ibid., p.14
58
Ibid., p.14
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son article 1266 que « Lorsque l’auteur du dommage a délibérément commis une faute
lourde, notamment lorsque celle-ci a généré un gain ou une économie pour son auteur, le
juge peut le condamner, par une décision spécialement motivée, au paiement d’une amende
civile »59.
Il en résulte que le préjudice concurrentiel a un caractère purement économique qui nécessite
des modalités de réparation adéquates qui assurent à la fois une réparation intégrale de la
victime de la pratique anti-concurrentielle et également une dissuasion efficace et suffisante de
l’auteur de l’infraction.

CHAPITRE 2 : La conciliation entre le Public enforcement et le Privat


enforcement

La reconnaissance du droit d’indemnisation aux victimes des pratiques anticoncurrentielle et la


subjectivisation du contentieux concurrentiel, a entraîné une juxtaposition entre deux ordres
juridiques au sein du droit de la concurrence, et que les auteurs désignent par les termes : Public
enforcement et Privat enforcement.
Selon l’expression d’un auteur « les actions privées peinent cependant à décoller » en droit
de la concurrence.60 Ce problème de décollage et d’épanouissement du recours privé en droit
de la concurrence résulte notamment des difficultés qui entravent la réussite dudit recours, et
qui se concrétisent notamment par l’absence de mécanismes permettant de concilier entre les
procédures et les règles régissant les deux nouveaux ordres juridiques du contentieux
concurrentiel à savoir le Public enforcement et le Privat enforcement.
En effet, la conciliation entre les deux modes de régulation se manifeste à deux égards : sur le
plan de l’exercice de l’action en réparation du préjudice concurrentiel (SECTION 1), ainsi que
sur le plan de la collecte des preuves nécessaires pour mettre en œuvre la responsabilité du
professionnel et les frais de procédure (SECTION 2).

59
http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/avpjl-responsabilite-civile.pdf consulté le 09/05/2021
60
Julien LOZE « Les stratégies juridiques de l’entreprises à l’épreuve du contentieux privé des pratiques anti-
concurrentielles », Thèse pour l’obtention du Doctorat de l’Université de Toulouse soutenue le 20 Novembre
2019, p.57
P a g e | 18

SECTION 1 : L’aménagement des règles relatives à l’exercice de l’action

L’exercice d’une action privée devant une juridiction civile dans le but d’obtenir une réparation
d’un préjudice concurrentielle doit être concilié et adapté aux règles régissant l’exercice d’une
action publique par les autorités étatiques chargée d’appliquer la réglementation
concurrentielle. Cette conciliation concerne notamment les règles de prescription (Paragraphe
1) ainsi que les mesures d’urgences susceptibles d’être prises pour le compte de la victime
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Les règles de prescription

En principe l’action privée en droit de la concurrence est soumise aux règles de droit commun.
Ainsi en vertu de l’article 106 du dahir des obligations et des contrats l’action tendant à obtenir
indemnisation suite à un délit ou quasi délai se prescrit par 3 ans à compter du jours où la
victime a eu connaissance du dommage et de son auteur. Et 15 ans à partir du moment du jour
où le dommage a eu lieu. Par contre le législateur français fixe le délai de prescription pour les
actions personnelle à 5 ans qui court à partir du jours où la victime a eu ou aurait dû connaître
les faits lui permettant d’exercer son action.61
Ledit délai de 5 ans est très favorable pour la victime d’un dommage concurrentiel, et ce en
raison des particularités de certaines pratiques anti-concurrentielle qui ne se révèlent qu’après
l’écoulement d’un certain laps de temps. Il en est par exemple des ententes concurrentielles qui
sont généralement des accords secrets dont seul le comportement et les agissements répétitifs
sur le marché sont susceptibles de les démontrer.
Par ailleurs, selon la doctrine, lorsque l’autorité publique de la concurrence exerce une action
publique contre une pratique ou un comportement anticoncurrentiel, cela constitue une
présomption de connaissance du dommage concurrentiel par la victime qui se trouvait ainsi en
mesure d’exercer son action.62
Pour les autorités publiques il y a des délais spéciaux qui résultent des spécificités du droit de
la concurrence. Ainsi l’article 23 al. 1er de la loi 104.12 prévoit que « Le conseil de la
concurrence ne peut être saisi ou se saisir d’office de faits remontant à plus de cinq (5) ans s’il

61
Le délai de prescription de 5 ans en droit français a été adopté dans le cadre de la réforme législative par la
loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant « Réforme de la prescription en matière civile ».
62
Benjamin LEHAIR, op., cit., p.162
P a g e | 19

n’a été fait au cours de cette période aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou
leur sanction. ».
Le même délai spécifique consacré au profit du conseil de concurrence marocain a été prévu
par le législateur français. Ainsi en vertu de l’article L.462-7 du Code de Commerce français le
délai de prescription de l’action publique devant l’Autorité de la concurrence est de 5 ans. Il
faut noter que la loi française prévoyait avant 1995 un délai de 3 ans pour l’autorité de la
concurrence.63
De même, le législateur français prévoit également un délai spécifique pour l’exercice d’une
action de groupe en droit de la concurrence, par le biais de l’article L.423-18 du Code de la
consommation français qui le fixe aussi à 5 ans.

Paragraphe 2- Les mesures d’urgence

On entend par mesures d’urgence l’ensemble des actes conservatoires susceptibles d’être
exercés par la victime d’une pratique anti-concurrentielle, afin de faire cesser lesdits
comportement et protéger ses droits au cours de l’exercice de son action en réparation d’un
préjudice concurrentiel.64A cet égard on distingue deux hypothèses : d’une part la victime d’une
pratique anti-concurrentielle peut demander au conseil de la concurrence (Autorité de la
concurrence en France), d’ordonner des mesures conservatoires au cours de l’instruction par ce
dernier d’une pratique anti-concurrentielle, et d’autre part de s’adresser au juge de droit
commun pour demander l’ordonnancement des mêmes mesures. On évoquera la différence
entre les deux recours ainsi que les avantages et limites de chacun d’eux.
En ce qui concerne la première hypothèse, elle est prévue par l’article 35 de la loi 104.12 qui
dispose que « le conseil peut à la demande des entreprises, de l’administration ou des
personnes mentionnées au troisième alinéa de l’article 5 de la loi 20.13 relative au conseil de
la concurrence et après avoir entendu les parties en cause et le commissaire du gouvernement
ordonner les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent
nécessaires. ». La même disposition a été prévue par le législateur français, en l’occurrence via
l’article L.464.1 du code de commerce français. Toutefois contrairement à son homologue
marocain, le législateur français permet également aux associations de consommateurs agréées
de demander de telles mesures conservatoires devant l’autorité de la concurrence.

63
L’ordonnance du 1er décembre 1986
64
103.‫ ص‬،2008 ،‫ الطبعة الخامسة‬،‫ مطبعة الوراقة الوطنية‬،"‫ عبد الكريم الطالب "الشرح العملي لقانون المسطرة المدنية‬.‫د‬
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Il en résulte, qu’en droit de la concurrence marocain, les victimes des pratiques anti-
concurrentielles, mais uniquement les entreprises, disposent d’un mécanisme préventif et
efficace qui leur permette d’agir devant le conseil de la concurrence et réclamer des mesures
conservatoires afin de minimiser les effets de leurs préjudices concurrentiels.
Ce mécanisme juridique révèle plus ou moins un aspect subjectif dans le cadre du contentieux
concurrentiel qui par sa nature constitue un contentieux objectif. Ainsi, il permet au Conseil de
la concurrence en tant qu’un organe étatique chargé de la protection du marché et des règles de
jeu de la concurrence, à ordonner des mesures qui préservent les droits des entreprises
endommagées par les comportements anti-concurrentiels.65
La demande des mesures conservatoires peut être exercée uniquement au cours d’une procédure
déjà intentée par le conseil de la concurrence contre la pratique anti-concurrentielle en cause.
Ce qui signifie que dans l’hypothèse où la victime intente une action en réparation devant une
juridiction de droit commun, elle ne peut pas demander de telles mesures. Généralement nous
pensons que si le Maroc introduit dans le future une action de groupe ou un recours privé en
droit de la concurrence, ce mécanisme juridique doit être étendu également à ce genre de recours
pour renforcer l’efficacité et l’efficience du recours privé en droit de la concurrence.
En ce qui concerne les conditions requises pour l’exercice de la demande des mesures
conservatoires, en premier lieu il faut que la pratique en cause porte une atteinte grave et
immédiate à l’économie du pays, ou celle du secteur intéressé, à l’intérêt du consommateur ou
de l’entreprise l’ayant exercée.
Les mesures consistent généralement soit en une suspension de la pratique anti-concurrentielle
ou une injonction de revenir à l’état antérieur adressée aux parties en question. De même la
prise des mesures doit être conforme à ce qui est nécessaire et dans la limite du caractère urgent
de la pratique dénoncée.66
Par ailleurs, une autre voie est possible pour les victimes des pratiques anti-concurrentielles
notamment dans le cas d’une action autonome en réparation d’un préjudicie concurrentiel
devant une juridiction de droit commun, à savoir l’ordonnancement de mesures conservatoires
par le juge du droit commun statuant en référé.
Ainsi en vertu de l’article 21 de la loi 53.95 instituant des tribunaux de commerce, prévoit que
« Le président du tribunal de commerce peut dans les limites, de la compétence du tribunal,
ordonner en référé toutes les mesures qui ne font l’objet d’aucune contestation sérieuse … ».
De surplus l’alinéa 3 dudit article, inspiré notamment de l’article 873 du code de procédure

65
Benjamin LEHAIRE op., cite., p.172
66
L’article 35 alinéa 2, 3 et 4 de la loi 104.12
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civile français ajoute que « Le président du tribunal de commerce peut dans les mêmes limites
et même en cas de contestation sérieuse, ordonner toutes les mesures conservatoires ou la
remise en état, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble
manifestement illicite. ». Cette disposition a été adoptée par le législateur marocain dans un
objectif de souplesse pour répondre aux exigences de rapidité et de sécurité qui animent le
monde des affaires.67

SECTION 2 : L’aménagement des règles relatives à la preuve et frais de procédure

Contrairement à l’autorité publique (en l’occurrence le conseil de concurrence au Maroc ou


l’autorité de la concurrence en France), les personnes physiques ou encore les petites et
moyennes entreprises victimes de pratiques anti-concurrentielles, ne disposent pas de moyens
et d’armes suffisants pour engager une action en réparation d’un préjudice concurrentiel. Raison
pour laquelle certains mécanismes sont apparues dans le système anglo-saxon dans le but
d’aider les victimes de pratiques anti-concurrentielles à prouver ces comportements illégaux,
comme la procédure de Discovery (Paragraphe 1), et aussi afin de minimiser les coûts et les
frais relatifs à la procédure et l’exercice de l’action privée (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- La procédure de Discovery

En effet la procédure de Discovery a joué un rôle très important dans l’évolution et


l’épanouissement du recours privé et du Privat enforcement en droit de la concurrence aux pays
relevant du Common Law et notamment aux Etats-Unis. Ce succès d’application se justifie
notamment par les difficultés probatoires dans la détection et la démonstration des pratiques
anti-concurrentielles surtout les cartels et les abus de position dominante qui sont souvent
cachés et indétectables facilement.68
La procédure de Discovery est réglementée en droit américain par la règle 26 du « Federal
Rules of Civil Procedure », qui signifie que chaque partie est obligée d’apporter au tribunal à
la fois les preuves qui sont en sa faveur et aussi celles qui peuvent la condamner.
Toutefois il faut noter que pour les victimes des pratiques anti-concurrentielles, cette procédure
est plus favorable et avantageuse dans la mesure où elle fait pression aux entreprises en causes
pour faire un tri entre les moyens de preuves qu’elles disposent pour joindre à l’affaire ceux qui

67
‫ منقول من محمد برهان الدين "القضاء االستعجالي في المادة‬، 202.‫ المحاكم التجارية بالمغرب وافاق التجربة ص‬،‫المجدوبي االدريسي محمد‬
‫التجارية" منشور على مجلة القانون واألعمال‬
68
Adèle CHARTOUNY, op., cite., p.74
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sont nécessaires, ce qui leur crée beaucoup de perte en termes de temps et de coût. Raison pour
laquelle la plupart des Entreprises préfèrent régler le litige devant un tribunal arbitral que faire
face à une procédure de Discovery.69
Ainsi afin d’éviter la mise en œuvre artificielle d’une procédure de Discovery la jurisprudence
américaine a essayé d’enseigner aux juges américains de se comporter avec plus de rigueur et
de prudence dans l’appréciation de l’ampleur et l’application de cette procédure. A cet égard,
le Cour suprême américaine a jugé dans une affaire dite Twombly,70 dans le cadre d’une class
action exercée contre des opérateurs locaux de téléphone, qu’il faut s’assurer que les faits à
l’origine de l’action sont fondés sur « un espoir raisonnable », et doivent justifier le bien
fondée la demande de réparation. L’objectif étant d’éviter l’ouverture d’une fausse procédure
de Discovery.
Selon la doctrine, la procédure de Discovery pratiquée dans le Common Law est une
consécration du principe d’égalité d’accès à la justice et d’égalité d’armes. De ce fait, elle
facilite aux victimes qui ne disposent que de preuves factuelles et faibles de se lancer dans une
procédure judiciaire qu’elles pourront gagner grâce à cette procédure d’investigation
préalable.71

Paragraphe 2- Les règles relatives aux frais de la procédure :

La question des frais de procédures est d’une grande importance en matière de recours privé
contre des pratiques anti-concurrentielles. Et ce en raison, de la complexité d’un tel procès, et
la valeur économique importante à laquelle la victime (consommateur ou petite et moyenne
entreprise) sera exposée. Raison pour laquelle, certains systèmes juridiques notamment ceux
du Common Law pratiquent certains mécanismes judiciaires qui minimisent les coûts et les
frais de procédure pour les actions privées des victimes des pratiques anti-concurrentielles. On
distingue deux principaux mécanismes : Le « One Way Cost » et Les « Contingency Fees ».

- La procédure de One-Way Cost : Cette procédure a vu le jour aux Etats-Unis dans le


cadre de la Clayton Act, spécifiquement pour les litiges relatifs au droit de la
concurrence. En vertu de laquelle, la victime d’une pratique anti-concurrentielle peut
réclamer remboursement de ses frais de procédure s’elle gagne le procès. Par contre

69
Catherine PRIETO, op., cite., p.54
70
SUPREM COURT OF THE UNITED STATES “Bill Atlantic Corp Vs Twombly” N°05-1126 21 Mai 2007,
https://www.supremecourt.gov/opinions/06pdf/05-1126.pdf
71
Catherine PRIETO, op., cite., p.53
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s’elle perde il ne pourra pas être contrainte à rembourser les frais de la procédure
engagés par le défendeur. L’adoption d’une telle procédure a pour intérêt d’encourager
les consommateurs et les petites et moyennes entreprises à engager des actions en justice
en vue de demander réparation d’un préjudice résultant d’une pratique anti-
concurrentielle sans avoir peur des risques financiers liés au procès.72

En effet la procédure de One-Way Cost est une exception aux principes juridiques admis dans
le cadre du droit marocain, lequel s’inspire du droit français et européen, qui admettent la règle
de la condamnation de la partie défaillante au paiement des dépens. Ainsi l’article 124 du Code
de procédure civil marocain dispose que « Toute partie qui succombe, qu’il s’agisse d’un
particulier ou d’un établissement public, est condamnée aux dépens. ». Toutefois les dépens
peuvent selon l’appréciation du juge des circonstances de l’affaires être compensés entre les
deux parties en tout ou en partie.
- Les Contingency Fees : Il s’agit autrement dit d’une convention d’honoraires qui
permet de financier le procès et minimiser ainsi certains coûts pour la victime d’une
pratique anti-concurrentielle. Elle consiste notamment en un accord entre la victime et
son avocat, en vertu duquel l’avocat avance certains fonds afin de financer la procédure
contre une rétrocession d’un pourcentage du montant de l’indemnisation qui sera
obtenue. Ainsi si l’avocat obtient une réparation grâce à une transaction il aura droit à
un pourcentage d’un tiers du montant. Par contre si l’indemnisation est obtenue par un
jugement confirmé en appel, le pourcentage pourra atteindre 50%.

Toutefois ce mécanisme juridique contredit la culture juridique marocaine qui interdit la


fixation d’honoraire à l’avance en fonction du résultat judiciaire, dite aussi interdiction du pacte
de « quota litis ».
Enfin, on pourra affirmer que le mouvement de subjectivisation du contentieux concurrentiel
continu de s’accélérer surtout en Europe et ce à travers l’adoption de mécanismes juridiques
appropriés comme l’Action de Groupe qui fera l’objet de notre analyse dans la partie suivante.

72
Roach, Kent et Trebilcock, Michael J. “Private enforcement of competition laws”. Osgood Hall LJ, 1996,
vol..34, p.461
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DEUXIEME PARTIE :

Les Freins au renforcement du mouvement de


subjectivisation du contentieux concurrentiel :

A la lumière des analyses précédentes, on peut déduire que le droit de la concurrence n’a pas
exclusivement un caractère public et étatique mais il vise également d’une manière indirecte, à
réprimer des comportements anti-sociaux et anti-concurrentiels, qui entraînent des effets
néfastes à l’égard des consommateurs et aussi des petites et moyennes entreprises.
De ce fait, il est nécessaire de renforcer le rôle subjectif du droit de la concurrence, notamment
à travers l’adoption des mécanismes juridiques appropriés qui permettent de protéger les
victimes des pratiques anti-concurrentielles, et mettre à leur disposition un moyen de recours
effectif et efficace. A cet égard l’action de Groupe constitue un moyen et un mécanisme
juridique efficace pour renforcer le mouvement de subjectivisation du contentieux
concurrentiel.73
Ainsi selon l’ex président du Conseil de la Concurrence français « il est temps que le citoyen,
le consommateur se saisisse du droit de la concurrence ».74 Par ailleurs si le législateur
français a pu réussir à faire face à cet enjeu juridique à travers l’adoption de l’action de groupe
par la loi Hamon de 2014, en droit marocain le débat est presque inexistant pour l’instant.
Raison pour laquelle nous suggérons d’analyser dans un premier temps le fonctionnement de
l’Action de Groupe telle qu’elle a été adoptée par le législateur français (CHAPITRE 1), avant
de diagnostiquer et décrire les perspectives de l’introduction dudit mécanisme juridique dans
l’ordre juridique marocain (CHAPITRE 2).

73
Sofian Zaroil, op., cit., p.8
74
Pierre Rauchs, Ex président du Conseil de la Concurrence en France, « Le recours collectif en droit de la
concurrence », p. 2 https://meco.gouvernement.lu/dam-
assets/l%C3%A9gislation/legislation/consommation/recours-collectif/discours-pierre-rauchs.pdf
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CHAPITRE 1 : La Conception et les limites de l’action de


Groupe en droit français

Finalement adoptée par le législateur français dans le cadre de la loi Hamon n° 2014-344 du
17 Mars 2014, l’action de groupe a fait l’objet d’un encadrement juridique spécifique qui prend
en compte les particularités du droit et du climat juridique en France. Celle-ci peut être définit
comme étant : Une procédure d’action collective mies à la disposition des consommateurs et
aux victimes ayant subi un préjudice semblable par un professionnel afin de se grouper et
d’agir en justice en réalisant une économie en termes de temps et des coûts.75
Afin d’analyser le fonctionnement juridique de l’action de groupe à la lumière du droit français,
il sera opportun d’étudier dans un premier temps le régime juridique de l’action de groupe à la
française (SECTION 1), avant de relever les lacunes et limites dudit régime juridique
(SECTION 2).

SECTION 1 : Le régime juridique de l’Action de Groupe en droit français :

L’exercice de l’action de groupe est soumis à certaines conditions prévues par le législateur
français et qui se rattachent aux spécificités de cette action telle qu’elle a été adoptée en droit
français (Paragraphe 1). Une fois lesdites conditions sont remplies toute une procédure sera
déclenchée dont le fonctionnement et l’enchaînement méritent d’être analysées (Paragraphe
2).
Paragraphe 1- Les conditions relatives à l’exercice de l’action de groupe :

On distingue deux catégories de conditions requises pour pouvoir procéder à l’exercice d’une
action de groupe devant une juridiction française. D’une part des conditions générales se
rapportant à l’action elle-même. Et d’autre part des conditions spécifiques qui concernent la
qualité des requérants.

75
https://www.economie.gouv.fr/cedef/action-de-groupe
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Pour ce qui est des conditions générales, on peut les résumer dans deux principaux volets : la
nature de la procédure choisie par le législateur français pour l’exercice d’une action de groupe,
et le tribunal compétent pour y statuer.
En ce qui concerne la procédure choisie, le législateur français a choisi la procédure dite de
« Follow-on »76. Ce dernier terme signifie que l’exercice d’une action de groupe est
conditionné par l’existence d’une décision préalable rendue par l’autorité chargée de réguler le
secteur de la concurrence. En d’autres termes, le législateur français a laissé le contentieux
subjectif toujours dépendant et soumis au contentieux objectif.77
Toutefois la procédure de Follow-on présente à la fois des avantages et des inconvénients qui
ouvrent la porte à un débat juridique sur son effectivité. Ainsi selon ses partisans, cette
procédure a pour objectif de faciliter le fardeau de la preuve pour le consommateur en lui
donnant une présomption irréfragable de l’existence de la pratique anti-concurrentielle, et par
conséquent de la faute sur laquelle son action ait été fondée. De ce fait, la victime sera exonérée
de l’exigence de prouver la faute concurrentielle. A cet égard, l’article L.423-17 al. 1er du Code
de consommation français prévoit que, une fois la décision administrative est définitivement
rendue « les manquements du professionnel sont réputés établis de manière irréfragable ». Il
en résulte que la décision publique dispose d’une autorité de la chose jugée à l’égard du juge
civil.
Ladite présomption constitue un avantage pertinent pour la victime d’une pratique anti-
concurrentielle, car elle allège les règles classiques et exigeantes de responsabilité civile, et
prend en compte les spécificités des infractions anti-concurrentielles qui sont par nature
secrètes, cachées et difficiles à prouver.
Par ailleurs d’autres auteurs considèrent que cette procédure consécutive (Follow-on), prive
l’action de groupe de son autonomie juridique et judiciaire, et ne lui donne pas une réelle
indépendance au regard du contentieux objectif. Ce qui les a amenés à la qualifier uniquement
d’action accessoire qui dépend toujours du sort du contentieux objectif et de la décision ainsi
prise par l’autorité de la concurrence.78
Cette dépendance de l’action de groupe à l’action publique contredit les recommandations
visant à assurer le développement du Privat enforcement, dans la mesure où la victime se trouve

76
L’article L. 423-17 du Code de Commerce français prévoit que « La responsabilité du professionnel ne peut
être prononcée dans le cadre de l’action de groupe que sur le fondement d’une décision déjà prononcée par
les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union Européenne compétentes qui constate les
manquements ».
77
Julie Roman « Les Actions de Groupe et le Droit de la Concurrence », Mémoire pour l’obtention d’un Master
2 Droit Européen des Affaires année universitaire 2015-2016 Université Paris II- Panthéon-Assas, Institut Droit
Comparé, p.38
78
Ibid. 39
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confrontée à la réalisation préalable de l’action publique qui vise à protéger un intérêt du


marché, et non pas son propre intérêt et son droit d’indemnisation. En effet « L’action civile
doit pouvoir se déployer de manière autonome sans être conditionnée par une action publique
préalable dans laquelle la victime ne poursuit aucun intérêt propre ».79
Hormis la question d’autonomie de l’action de groupe à la lumière de la procédure du follow-
on, d’autres critiques ont été relevées à cet égard, et qui concernent notamment certains
principes fondamentaux du droit français qui se voient violés voire limités par l’adoption de
ladite procédure. Il s’agit tout d’abord de la question d’indépendance des juges et de séparation
des pouvoirs. En effet, l’autorité de la concurrence ne constitue pas une juridiction mais une
autorité relevant du pouvoir exécutif. En donnant à ses décisions une autorité de chose décidée,
cela entraîne une immixtion du pouvoir exécutif dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire
tenu d’être impartial et indépendant.80
Ainsi en 2006, le conseil constitutionnel français affirma en réponse à un avis du conseil de la
concurrence que « la décision de condamnation prise par le Conseil de la Concurrence … ne
s’impose pas au juge de la réparation… ».81 De même, le même conseil confirme que « la
notion d’indépendance de l’autorité implique l’absence de toute tutelle ou pouvoir
hiérarchique de la part du pouvoir exécutif, même si elle agit au nom de l’Etat et engage la
responsabilité de ce dernier… ».82 Il en résulte que la procédure de follow-on remis en question
certains principes fondamentaux du droit français dans la mesure où l’autorité de la concurrence
ne remplit pas les exigences absolues d’impartialité et d’indépendance à l’égard du pouvoir
exécutif.
La seconde condition générale concerne le tribunal compétent pour statuer sur la recevabilité
et le bien-fondé d’une action de groupe. En effet, le législateur français a donné aux juges civils
de droit commun, la compétence pour statuer sur les actions collectives. Contrairement aux
actions individuelles qui doivent être portées devant des juridictions spécialisées. Ainsi l’article
423-1 du code de la consommation consacre cette compétence matérielle.
Toutefois, deux courants doctrinaux se sont confrontés sur la question de la compétence
matérielle en cas d’exercice d’une action de groupe. D’une part ceux et celles qui souhaitent

79
Note à la commission européenne à propos du Livre Vert du Secrétariat général vert intitulé « Livre Vert sur
les recours collectifs Européens ».
80
Voir à cet égard, l’article 16 de la DDHC- Décision du Conseil Constitutionnel n°80-199 DC du 22 Juillet 1980
concernant la reconnaissance de l’indépendance de l’autorité administrative- Arrêt du Conseil d’Etat du 13
Décembre 1889 Cadot.
81
Avis du Conseil de la Concurrence français du 21 Septembre 2006 relatif à l’introduction d’une action de
groupe en matière de pratiques anti-concurrentielles- A voir aussi l’Arrêt de la Cour de Cassation française du
15 Octobre 1996, pourvoi n°1570
82
Décision du Conseil Constitutionnel n°119-80DC du 22 Juillet 1980
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confier la compétence à des juridictions spécialisées en raison du caractère technique,


économique et complexe du droit de la concurrence.83 Et d’autre part ceux et celles qui estiment
que l’adoption de la procédure du follow on allège le travail du juge civil en raison de
l’interdépendance de sa mission avec la décision prise par l’autorité de la concurrence qui
constitue une autorité spécialisée en la matière.84
En revanche, d’autres conditions spécifiques sont requises pour pouvoir exercer une action
collective, et qui se rattachent notamment au statut des personnes requérantes de l’action. A cet
effet, le législateur français a choisi de confier le droit d’exercer une action de groupe, non pas
à tout groupement de consommateurs, mais uniquement aux associations de protection du
consommateur et qui sont agréées et représentatives sur le plan national.
On en déduit que le ou les consommateurs ayant subi un préjudice concurrentiel, doivent
s’adresser à une association agréée de protection du consommateur pour déclencher une action
de groupe. Toutefois l’association a un pouvoir discrétionnaire quant à l’acceptation ou le rejet
d’une demande d’exercice d’une action collective. Par ailleurs, aucun mandat n’est exigé pour
que l’associations puisse agir en justice. De ce fait l’action pourrait s’adapter aux éventuels
membres du groupe quel que soit leur nombre (Des centaines, milliers, millions …).85
Cependant ce monopole juridique reconnu aux seules associations de protection du
consommateur pour l’exercice d’une action collective a été largement revendiqué et critiqué,
en raison de l’exclusion d’autres acteurs et sujets qui peuvent se voir reconnaître un tel droit :

- Il s’agit principalement des avocats :

L’exclusion des avocats de l’initiative d’exercer une action de groupe était surprenante et
étonnante, dans la mesure où les avocats constituent « les acteurs naturels de l’action de
groupe »86 en raison de leur formation et leur professionnalisme et expérience juridique plus
approfondie par rapport aux associations agrées de protection du consommateur.
Selon la doctrine le législateur français a exclu les avocats afin d’éviter que ces derniers exigent
des rémunérations très élevés qui portent sur l’indemnisation qui sera obtenue en faveur des
victimes comme c’est le cas notamment aux Etats-Unis. Cependant cette préoccupation paraît
injustifiée dans la mesure où la pratique du pacte de quota litis est interdite en droit français. 87

83
L. BETEILLE et R. YUNG : Rapport d’information du 26 Mars 2010 n°499
84
Julie Roman, op., cit., p.42
85
L. BORE « Une class action à la française ? Discours in Pour mieux réparer les préjudices collectifs » Gaz. Pal.
28 et 29 Septembre 2001 p.13
86
Maître VATIER, le Petit Juriste
87
Me. Kami Haeri « Action de Groupe : Le nouveau fer de lance de la protection des consommateurs » 10
février 2015 sur le Petit Juriste
P a g e | 29

Par ailleurs, il faut noter que les avocats sont exclus seulement de l’initiative de déclencher
l’action. Toutefois l’association aura certainement besoin d’un accompagnement juridique d’un
professionnel de droit notamment d’un avocat. Ce qui laisse comprendre que cette exclusion
est injustifiée et devra être revue par le législateur français.

Paragraphe 2- Le fonctionnement et déroulement de l’action de groupe :

La loi Hamon a consacré deux types de procédures pour l’exercice et le déroulement d’une
action de groupe : Une procédure classique comportant deux phase (Action et deux jugements)
et une procédure simplifiée.

- La procédure classique :

La première phase/ Premier jugement : En effet l’article L.423-1 du Code de la consommation


prévoit que « l’action de groupe est exercée conformément aux dispositions du code de
procédure civile ». Ainsi dans le cadre de cette phase le juge doit constater la responsabilité du
professionnel, déterminer le groupe des victimes, et les mesures de publicité nécessaires afin
d’informer le consommateur.
• La responsabilité du professionnel :

Le juge est tenu ainsi de déterminer l’étendue de la responsabilité du professionnel afin de fixer
l’indemnisation en fonction de la gravité des fautes commises. A cet égard, l’association est
tenue de préciser dans sa requête d’une manière exhaustive « Les cas individuels au soutien de
sa cause ».88 Par ailleurs, concernant la preuve des faits allégés au professionnel, déjà la
décision rendue par l’autorité de la concurrence conformément au principe du follow-on
constitue une présomption irréfragable pris en considération par le juge dans le cadre de sa
mission.
Lorsqu’il y a une entente, le juge devra déterminer la responsabilité de chaque entreprise ayant
participé au cartel, compte tenu son implication.89

• La détermination du groupe des victimes

Selon l’article 423-3 font partie du groupe les victimes se trouvant dans une même situation et
ayant un commun préjudice causé par des mêmes professionnels. Le juge arrête ainsi les critères

88
L’article L.423-3 du Code de la consommation français
89
Julie Roman, op., cit., p.50
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qui permettent à chaque consommateur ou catégorie de consommateur d’adhérer par la suite au


groupe des victimes.

• La détermination du préjudice concurrentiel

En vertu de l’article 423-3, une fois la responsabilité du professionnel est établie le juge doit
fixer le montant de l’indemnisation pour chaque consommateur ainsi que les modalités de son
calcul.

• Les mesures de publicités

Une fois la décision du juge rendue, l’association doit procéder à sa publication par tout moyen
(communication, presse, internet, médias …) afin d’informer les autres consommateurs ayant
subi un même préjudice pour adhérer au groupe des victimes.90
La seconde phase est celle de la constitution définitive du groupe des victimes et l’adhésion de
ces dernières. Il faut noter que l’adhésion au groupe n’entraîne pas adhésion à l’association. 91
De même le jugement rendu a autorité de chose juge en faveur de tous les membres du groupe.92
Une fois les victimes adhèrent au groupe, elles deviennent définitivement et officiellement
partie à l’instance et le juge sera tenu de fixer le montant de l’indemnité à allouer à chacun
d’eux.93

- La procédure simplifiée :

Cette procédure est introduite dans le cas où le nombre des victimes ayant subi un même
préjudice concurrentiel, est clairement connu et identifiable. De même lorsque le montant du
préjudice est identique par rapport à une même prestation rendue ou en fonction d’une même
période ou même durée. Dans ce cas-là, le juge réalise une économie de temps dans la mesure
où il n’aura pas besoin d’identifier le groupe et il statuera dans une seule phase par un seul
jugement sur la responsabilité du professionnel ainsi que sur le montant d’indemnité à allouer
à chaque victime.94

90
Conformément au système de l’Opt In choisi par le législateur français et selon lequel le juge définit au
départ le groupe d’une manière abstraite et par la suite les consommateurs qui souhaites adhérer au groupe
manifestent leur consentement.
91
L’article L.423-5 al 3 et 4 du Code de la Consommation
92
L’article L.423-21 du Code de la Consommation
93
L’article L.423-21 du Code de la consommation
94
L’article L.430-10 du Code de la consommation français
P a g e | 31

Enfin selon un auteur cette procédure est utilisée notamment pour les victimes qui étaient
abonnés à un même service proposé par le professionnel. Ainsi il sera suffisant de consulter la
liste des abonnés afin de connaître les victimes ou de trier les contrats conclus.95
Après avoir analysé le régime juridique régissant l’action de groupe selon le dispositif français,
on évoquera par la suite les limites et lacunes de ce mécanisme juridique afin d’évaluer à la fin
les perspectives de son introduction dans l’ordre juridique marocain.

SECTION 2 : Les limites et lacunes de l’action de groupe en droit français

En essayant de l’adapter aux principes juridiques du droit français et de parier aux dérives
anglo-saxonnes, le législateur français a en quelque sorte vidé l’action de groupe de son esprit
et a limité quelque part son effectivité. Nous relevons dans un premier temps les limites se
rapportant au régime juridique proprement dit de l’action de groupe (Paragraphe 1), et dans
un second temps les limites se rattachant aux spécificités du droit de la concurrence notamment
à la lumière de la procédure de clémence (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Les limites se rattachant au régime juridique de l’action de groupe

Dans le cadre de ce paragraphe nous allons reposer la question du statut de la victime pouvant
réclamer indemnisation d’un préjudice concurrentiel. En effet, l’action de groupe française
limite le statut des victimes pourront y bénéficier. On évoquera à ce titre la question des
consommateurs et des PME.
Concernant les consommateurs on doit faire la distinction entre les consommateurs directs et
indirects. Pour les premiers aucun problème ne se pose dans la mesure où ils ont contracté
directement avec l’auteur de l’infraction. Par contre pour les seconds il est difficile d’établir le
lien de causalité surtout avec une chaîne de distribution et d’industrialisation étendue.
En effet le consommateur indirect, qui est généralement le consommateur final peut subir un
préjudice indirect lorsqu’il y a une répercussion des coûts illégaux. Cela signifie que
l’entreprise ayant effectué un achat auprès d’un fournisseur qui avait commis une pratique anti-
concurrentielle, peut diminuer sa perte économique et financières en répercutant les coûts sur
les consommateurs finaux, notamment à travers une hausse des prix.

95
Julie Roman, Op., Cit., p. 53
P a g e | 32

Dans une telle situation l’établissement du lien de causalité « s’avère impossible compte tenu
du nombre de données à analyser, de leur complexité, et de l’éloignement des victimes par
rapport à l’infraction ».96
De surcroît, le conseil de concurrence français a constaté que dans la plupart des affaires
récentes (ententes des lessives, de l’alimentation d’animaux … », les victimes sont des
consommateurs finaux ayant acheté des biens intermédiaires sur des marchés de gros.97
A cet égard il faut rappeler l’existence d’un principe dit de passing on défense qui signifie que
l’entreprise ayant répercuté des coûts sur ses clients ne peut pas se prévaloir de statut de victime
à l’encontre de son fournisseur auteur de la pratique anti-concurrentielle. Mais par contre elle
peut essayer de faire échec à l’action dirigé à son égard, en invoquant qu’elle a amorcé les coûts
illégaux résultants de la pratique anti-concurrentielle sans les répercuter sur les consommateurs
finaux.
Toutefois afin de pallier à ce problème de répercussion des surcoûts, le législateur
communautaire européen a pris une directive n°2014/104 qui prévoit dans son article 14 une
présomption de répercussion des surcoûts qui joue en faveur des victimes. Ainsi c’est à
l’entreprise intermédiaire de prouver le contraire.
Malheureusement le législateur français a exclu dans le cadre de l’exercice de l’action de groupe
les personnes morales notamment les petites et moyennes entreprises qui peuvent subir aussi
bien des préjudices en tant que des intermédiaires entre l’auteur de la pratique et le
consommateur final. A cet égard, dans une résolution publiée le 2 février 2012 le parlement
européen a affirmé que le droit à réparation doit être reconnu à la fois pour les personnes
physiques et les personnes morales.98

Paragraphe 2 : Les limites se rattachant aux spécificités du droit de la concurrence :


Exemple de la procédure de Clémence

En effet, la clémence est un mécanisme juridique utile qui permet de détecter facilement les
ententes qui sont par nature des accords secrètes et difficiles à prouver. Le principe consiste
pour l’une des entreprises faisant partie du cartel de s’adresser à l’autorité de la concurrence
afin de révéler des informations nécessaires pour la sanction de la pratique, et bénéficier en

96
M. DUMARCAY « La situation de l’entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques
anticoncurrentielles », Lexis Nexis, FNDE, 2010 p.36
97
Avis de 2006 déjà mentionné du conseil de la concurrence
98
Résolution du parlement européen « Vers une approche européenne en matière du recours collectif », 2
Février 2012, (2011/2089(INI).
P a g e | 33

contrepartie d’un traitement privilégié qui peut aller jusqu’à l’exonération de l’amende à
infliger aux auteurs de la pratique anticoncurrentielle.99 Il ne s’agit pas ici d’analyser le
mécanisme de clémence mais de savoir comment concilier entre ce mécanisme et le droit
d’indemnisation des victimes des pratiques anti-concurrentielles.
En effet, la spécificité de la procédure de clémence réside dans la sécurité qu’elle génère pour
l’entreprise bénéficiant. Ainsi celle-ci se sent à l’abri de toute poursuite judiciaire pouvant
mettre en jeu sa responsabilité et engager ainsi son patrimoine. Cependant, l’introduction d’une
action de groupe et la reconnaissance du droit à réparation des victimes des pratiques anti-
concurrentielles dissuade les entreprises à participer aux programmes de clémence car elles
resteront toujours menacées d’engager leur responsabilité civile devant le juge de droit
commun.
Pour résoudre ce problème et garder au mécanisme de clémence son efficacité, le législateur
européen communautaire est intervenu par la directive 2014/104 qui prévoyait dans son article
6.6 que la divulgation des déclarations d’une entreprise souhaitant bénéficier d’une clémence
est interdite. Cette disposition figure déjà dans l’article L.462-3 du code de commerce français.
Néanmoins la directive va au-delà de ça en affirmant également que « une entreprise
bénéficiant d’une immunité d’amende (…) sera déchargée de la responsabilité solidaire
qu’encourent en principe les participant à une entente ».100

CHAPITRE 2 : Les Obstacles à l’introduction d’une action


de Groupe en droit de la concurrence marocain

En effet le marché économique marocain tend de plus en plus à se libérer et être soumis au jeu
de la concurrence et s’échapper du monopole étatique exacerbé. Ainsi ces dernières années le
gouvernement marocain a pris une politique de libération de certains secteurs, qui avant
quelques décennies étaient strictement réglementé, et ce pour des raisons et des contraintes
économiques financières et parfois technologiques.101
A titre d’exemple depuis 2013 le gouvernement marocain a décidé de libérer le secteur des
hydrocarbures et le soumettre aux fluctuations et changements du marché national et

100
Article 11 de la directive 2014/114
101
On peut prendre plusieurs exemples comme le marché des télécommunications, le marché des
hydrocarbures …
P a g e | 34

international. Cependant quelques années plus tard une polémique politique et économique
s’est déclenchée à propos de certaines pratiques anti-concurrentielles commises dans ledit
secteur.102
Ladite crise a révélé que le conseil de la concurrence à lui seul ne peux pas assurer une
protection parfaite et absolue du marché et que l’intervention législative en la matière est
devenue une priorité et un besoin urgent afin d’assurer un cadre législatif économique qui
favorise à la fois l’épanouissement du marché et de la concurrence et la protection du
consommateur et des petites et moyennes entreprises.
Dans le cadre de notre présent chapitre, nous essayerons de mesurer et analyser les éventuelles
perspectives d’introduire une action de groupe en droit de concurrence marocain, en
diagnostiquant l’état des lieux du régime actuellement applicable en la matière et proposer les
alternatives nécessaires pour aboutir aux résultats escomptés. A cet égard, nous allons
démontrer l’insuffisance et l’inefficacité des institutions et mécanismes juridiques reconnus
dans l’ordre juridique marocain et se rapportant au contentieux privé en droit de la concurrence
(SECTION 1), avant de proposer des réformes susceptibles d’améliorer notre régime juridique
en la matière et de garantir une mise en œuvre efficace de notre droit de la concurrence
(SECTION 2).

SECTION 1 : L’inefficacité de l’arsenal juridique marocain régissant le


Contentieux privé concurrentiel

A travers la loi 104.12 relative à la liberté du prix et de la concurrence, ainsi que dans le cadre
de la loi 31.08 relative aux mesures protégeant les consommateurs, le législateur marocain a
essayé de prévoir des modalités et des mécanismes qui protègent l’intérêt collectif des
consommateurs. Néanmoins, lesdits mécanismes ne permettent pas d’aboutir à une réelle
subjectivisation du contentieux concurrentiel et ne reflètent pas l’évolution législative en la
matière telle que précisée dans les développements précédés notamment en droit français et
dans le Common Law. De ce fait, avant de relever leurs limites (Paragraphe 2), il est
souhaitable d’exposer et présenter ces mécanismes juridiques actuellement reconnus en droit
marocain (Paragraphe 1).

102
: ‫التقرير التركيبي للمهمة االستطالعية حول أسعار بيع المحروقات السائلة للعموم وشروط المنافسة بعد قرار التحرير‬
https://www.chambredesrepresentants.ma/sites/default/files/docspublics/ ‫تقرير_المهمة_االستطالعية_المؤقتة_حول_أ‬
‫سعار_بيع_المحروقات‬-.pdf
P a g e | 35

Paragraphe 1- Les outils judiciaires mis à la disposition des victimes des pratiques
anti-concurrentielles :

Le droit marocain reconnaît exclusivement les actions permettant de protéger l’intérêt collectif
des consommateurs et des victimes des pratiques anti-concurrentielles. Ainsi on distingue
quatre formes d’actions à savoir : L’action civile, l’action en suppression des clauses abusives
et de cessation des agissements illicite, le droit d’intervention devant les juridictions civiles
ainsi que la fameuse action en représentation conjointe.
L’article 157 et 162 de la loi 31.08 ont mis à la disposition des associations de protection des
consommateurs le droit d’exercer certaines actions judiciaires afin de défendre l’intérêt collectif
et non catégoriel et individuel des consommateurs. Il s’agit notamment de l’action civile ainsi
que l’action en suppression des clauses abusives et en cessation des agissements illicites.
En effet, la reconnaissance de certaines dispositions permettant d’encadrer le contentieux des
consommateurs et des victimes des comportements économiques du marché, n’a été reconnue
qu’avec l’adoption de la loi 06.99 qui a été modifiée et complété par la loi 104.12 relative à la
liberté du prix et de la concurrence qui prévoit notamment dans son article 106 que « les
associations de consommateurs reconnues d’utilité publiques peuvent se constituer partie civile
ou obtenir réparation sur la base d’une action civile indépendante du préjudice subi par les
consommateurs ».103
Le précédent texte a été prévu spécifiquement pour les infractions aux dispositions de la loi
régissant la concurrence. Par ailleurs et d’une manière générale l’article 157 de la loi 31.08
prévoit que « la fédération nationale et les associations de protection du consommateur
reconnues d’utilité publique conformément aux disposition de l’article 154 de ladite loi,
peuvent former des actions en justice, intervenir dans les actions en cours, se constituer partie
civile devant le juge d’instruction pour la défense des intérêts des consommateurs et exercer
tous les droits reconnus à la partie civile relatif aux faits et agissements qui portent préjudice
à l’intérêt collectif du consommateur. 104
De même, l’alinéa 2 dudit article exonère les associations de protection du consommateur
reconnu d’utilité publique des dispositions de l’article 7 du code de procédure pénale qui
impose aux associations d’utilité publiques souhaitant se constituer partie civile, d’avoir acquis
4 ans de constitution à partir de la commission de l’infraction pénale. Ce qui constitue plus au

103
127.‫ ص‬... '31.08 ‫المهدي العزوزي "تسوية نزاعات االستهالك في ضوء القانون‬
104
L’équivalent de l’article L.421-1 du code de la consommation français
P a g e | 36

moins un allégement pour les associations de protection du consommateur et une prise en


considération par le législateur de l’intérêt social.
Hormis l’action civile ou la constitution de partie civile, l’article 162 de la loi 31.08 reconnaît
à la fédération national ainsi qu’aux associations de protection du consommateur reconnues
d’utilité publique de demander soit à travers une action indépendante ou dans le cadre de
l’action civile accessoire, au tribunal d’enjoindre au défendeur ou au prévenu de cesser les
agissements illicites ou de supprimer dans le contrat ou le contrat type proposé ou adressé au
consommateur une clause illicite ou abusive. Il s’agit de deux types d’actions : une action en
suppression des clauses abusives ou illicites, et une action en cessation des agissements
illicites.105
La question qui s’est posée était de savoir s’il y a une différence entre les deux notions de
clauses abusives et illicites.106 La distinction entre les deux notions a été élucidée par un arrêt
rendu le 26 Septembre 2019 par la Cour de Cassation française dans le cadre d’un litige
opposant l’association Union Fédéral des consommateurs – Que choisir (l’UFC) et la société
GDF Suez, afin de demander la condamnation de cette dernière à supprimer certaines clauses
abusives ou illicites incluses dans des contrats de vente de gaz naturel. 107 Deux clauses vont
retenir notre attention et qui illustrent la distinction entre les clauses abusives et illicites. La
première est l’article 3.3 des conditions générales de vente qui stipule que « le délai
prévisionnel de fourniture est convenu entre le Fournisseur et le Client, dans le respect des
contraintes imposées par le Distributeur. Il figure dans le catalogue des prestations du
Distributeur ». Selon la Cour de cassation française ladite clause est illicite dans la mesure où
elle contredit l’article L.121-87, 8°, (maintenant article L.224-3, 8°) du code de la
consommation qui affirme que l’offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel doit arrêter
et préciser selon des termes clairs et compréhensibles le délai prévisionnel de fourniture de
l’énergie.
La seconde clause figurait aussi dans les conditions générales d’un contrat de vente de juin
2014 qui prévoyait que « A défaut de paiement intégral dans le délai prévu, les sommes dues
sont majorées sans mise en demeure de pénalités égales aux sommes restants dues multipliées

105
‫ عمان‬،‫ الدار العملمية والدار الدولية للثقافة والنشر‬،‫عمر قاسم الفنيسي " الحماية القانونية للمستهلك دراسة مقارنة في القانون المدني والمقارن‬
222.‫ ص‬،2002
106
L’intérêt de cette question par rapport au droit de la concurrence réside dans le fait que l’utilisation de
clauses abusives et illicites peut constituer une présomption et un moyen d’exercer un abus d’une position
dominante. Ainsi à titre d’exemple l’ANRT a décidé en 2007 que l’intégration par IAM de certaines clauses
visant une captation forcée de la clientèle dans des contrats de liaisons loués constitue une manifestation d’un
abus de position dominante. Voir : https://www.anrt.ma/sites/default/files/2007-11-07-saisine-litige-pratiq-
anti-conc-Wana-IAM-fr.pdf , consulté le 22/05/2021.
107
Civ. 1er, 26 Septembre 2019, FS-P+B, n°18_10.891
P a g e | 37

par le nombre de jours de retard, que multiplie 1,5 fois la valeur journalière du taux d’intérêt
légal en vigueur ». D’après les juges de droit, ladite clause est réputée abusive dans la mesure
où aucune pénalité réciproque incombant au fournisseur en cas de manquement à une obligation
principale notamment de fourniture d’énergie, même en cas de non maîtrise de son réseau de
distribution, de difficultés technologiques ou du caractère modéré de la pénalité susvisée, et ce
pour le compte du consommateur.
Il en résulte que le caractère illicite réside de la contrariété de la clause à une disposition légale,
alors que le caractère abusif résulte d’un déséquilibre significatif engendré par la clause en
faveur d’une partie au détriment de l’autre. 108
Enfin une dernière action a été prévu également par le législateur marocain dans le but de
défendre l’intérêt collectif des consommateurs, notamment contre les pratiques anti-
concurrentielles, et qui se rapproche plus au moins de l’action de groupe avec quelques limites,
à savoir l’action en représentation conjointe.
L’action en représentation conjointe permet à plusieurs consommateurs ayant subi un même
préjudice d’agir en justice à travers une association de protection du consommateur, afin de
réclamer réparation dudit préjudice.109 Ainsi l’article 158 de la loi 31.08 dispose que « … la
fédération ou toute association de protection du consommateur visées à l’article 157 peut,
lorsque plusieurs consommateurs identifiés, ont subis des préjudices individuelles causés par le
même fournisseur, et qui ont une origine commune, agir en réparation devant toute juridiction
au nom de ces consommateurs, si elle a été mandatée par au moins deux consommateurs
concernés ».
Toutefois malgré la multiplication des outils judiciaires susvisés et mis à la disposition des
consommateurs afin de leur assurer une protection efficace contre les agissements illicites sur
le marché, il n’en demeure pas moins que ces outils judiciaires sont limités et ne permettent pas
d’atteindre le même objectif escompté par l’action de groupe en droit français. D’où la nécessité
de mettre en lumière les limites et les insuffisances de ces outils judiciaires dans le cadre des
développements qui suivent.

108
https://www.dalloz-actualite.fr/flash/de-distinction-entre-clauses-illicites-et-clauses-abusives, consulté le
22/05/2021
109
63.‫ ص‬،2007 ‫ دجنبر‬38 ‫ عدد‬،‫ مجلة المعيار‬،‫ إشكاالت تمثيل جمعيات المستهلك أمام القضاء‬،‫محمد الهيني‬
P a g e | 38

Paragraphe 2- Les limites des outils judiciaires mis en faveur des victimes des
pratiques anti-concurrentielles

Certes le législateur marocain a intégré dans la réglementation liée au droit de la concurrence


et aussi à la protection des consommateurs toutes une panoplie d’outils judiciaires afin de les
protéger, mais qui demeurent néanmoins d’une valeur minime et limitée et ne permettent pas
de reconnaître un véritable droit d’indemnisation et de réparation aux victimes des pratiques
anticoncurrentielles.
Tout d’abord, il faut rappeler que les actions existantes et analysées ci-dessous se limitent à la
protection de l’intérêt collectif et non pas catégoriel et individuel des consommateurs. Cette
politique de défense d’intérêt collectif est inspirée de la politique qui étaient adoptée par le
législateur français avant l’introduction de l’action de groupe en 2014. En effet, elle a pour
objectif d’éviter « la vengeance privée » et la pratique de « procureurs privés », en confiant la
protection de l’intérêt collectif des consommateurs aux associations sous réserve d’agrément.110
Ladite politique est trop limité par rapport à la notion d’action de groupe, et ce pour les raisons
suivantes : La défense est restreinte aux associations de protection de consommateurs et agrées
par les autorités publiques. Et le consommateur n’obtient pas de réparation individuelle mais
seul l’intérêt collectif étant violé qui est réparé au profit de l’association.
Enfin, on peut affirmer plus ou moins l’existence d’une action en droit marocain proche de
l’action de groupe qui prend en compte l’intérêt individuel des consommateurs mais qui est
également largement critiquée : il s’agit de l’action en représentation conjointe prévue à l’article
158 de la loi 31.08.
Ladite action de groupe a été abrogé en droit français, car elle est soumise à des conditions très
complexe qui l’ont rendu inapplicable. Ainsi en vertu de l’article 158 l’action ne peut être
exercée que par la fédération nationale nationales et les associations de protection du
consommateur reconnue d’utilité publique et à condition d’être mandater par au moins deux
consommateurs. D’autant plus le mandat ne peut pas être sollicité par voie d’appel télévisé,
radiophonique, ni par voie d’affichage de tract ou n’importe quel moyen de
communication à distance. Et le mandat doit être écrit.

110
Russel B. STEVENSON « Le procureur général privé » dans le droit des sociétés des Etats-Unis », (1978) 30/3
R.I.D.C. 799
P a g e | 39

Cette action en représentation conjointe s’est révélée inefficace en raison desdites conditions
complexes. Ainsi dans l’affaire du cartelmobil en France, dans laquelle la Cour de cassation111
a reproché à l’association UFC Que-choisir de mettre sur Internet d’un calculateur qui permet
aux consommateurs de calculer leur préjudice, suite à la décision de condamnation par le
conseil de la concurrence des trois opérateurs téléphonique mobile le 30 Novembre 2005.
L’association estimait que son action était une action de protection d’intérêt collectif.
Cependant en raison dudit mécanisme les juges de fonds et de droit l’ont qualifié d’action en
représentation conjointe inadmissible.
A la lumière des limites susvisés, la question est de savoir : Quelles sont les réformes
envisageables ?

SECTION 2- Les réformes envisageables

Selon la commission spéciale chargée de l’élaboration du nouveau modèle de développement


socio-économique, il y’a un unanime accord entre les experts et les acteurs que le marché
marocain est encore verrouillé et ne favorise que les intérêts qui y étaient initialement présents
et installés. Ceci est dû selon cette dernière, aux limites et lacunes qui caractérisent la régulation
de certains secteurs. Parmi les manifestations de ces insuffisances régulatrices, est « le retard
dans le traitement des situations d’abus de position dominante et d’entente ». De même, selon
la même source, notre arsenal juridique réglementant le marché de la concurrence au Maroc,
ne dispose pas d’outils suffisants et efficaces afin de lutter contre les pratiques anti-
concurrentielles, surtout avec une institution qui était depuis 2013 presque inactif et incohérent,
à savoir le Conseil de la concurrence.112
Les remarques pertinentes qui ont été apportées par les membres de la commission royale,
confirment notre postulat de la nécessité d’adopter des nouvelles réformes afin de renforcer la
régulation en droit de la concurrence marocain. D’où la nécessité de pallier aux insuffisances
des outils judiciaires initialement développés, notamment avec la mise en œuvre d’une action
de groupe marocaine (Paragraphe 1), et le renforcement des modes alternatifs de règlement
de litiges notamment l’arbitrage collectif (Paragraphe 2).

111
Civ. I, 26 mai 2011, n°10-15676, Bull. I, n°98; D. 2011, p.1884, voir :
https://leparticulier.lefigaro.fr/upload/docs/application/pdf/2011-
05/cass_26052011_1015676_que_choisir.pdf consulté le 17/06/2021
112
Rapport général du nouveau modèle de développement, page. 36
P a g e | 40

Paragraphe 1 -La mise en place d’une action de groupe marocaine avec


renforcement des outils existants :

Les réformes que nous souhaitons analyser et recommander dans le cadre de la présente partie
concernent à la fois le renforcement des actions existantes visant à protéger l’intérêt collectif
des consommateurs, et également le renforcement de l’action en représentation conjointe et
l’adoption d’une action de groupe marocaine afin de prendre en compte l’intérêt individuel des
consommateurs et aussi des petites et moyennes entreprises victimes des pratiques anti-
concurrentielles.
En effet, toutes les actions prévues par le législateur marocain en faveur des associations de
protection des consommateurs (Action civile, cessation des agissements illicites, constitution
de partie civile …) ne permettent que de préserver l’intérêts collectif des consommateurs et
non pas de leur octroyer une réparation individuelle. Même l’article 106 de la loi 104.12 qui
permet aux associations de défense des consommateurs d’obtenir réparation, ne concerne
qu’une réparation octroyée à l’association au nom de la défense de l’intérêt collectif et non pas
une indemnisation personnelle.
A cet égard, dans le cadre de ses travaux, un groupe de travail français constitué en 2005, par
le gouvernement français dans le but d’élaborer un rapport sur l’Action de Groupe, a
recommandé d’étendre les effets des actions existantes en faveur des associations de défense
des intérêts collectifs des consommateurs, en mettant en place deux phases d’action :113
Une première phase à travers laquelle l’association agréée intente une action civile, ou en
cessation d’agissements illicite, ou se constitue partie civile, afin de défendre l’intérêt collectif
des consommateurs ayant subi un préjudice concurrentiel. Et une seconde phase à travers
laquelle les consommateurs peuvent intenter des actions individuelles en réparation en se
fondant notamment sur le jugement ainsi obtenu durant la première phase en faveur des
associations de défense des intérêts collectifs des consommateurs.
Toutefois même en étendant leurs effets, cette extension ne permettra pas d’améliorer le droit
aux réparations des victimes des pratiques anti-concurrentielles en raison de la spécificité de
leurs préjudices qui constituent des préjudices minimes et de masse. D’où l’intérêt d’adopter

113
« Rapport sur l’Action de Groupe », groupe de travail présidé par Guillaume CERUTTI directeur général de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et Marc GUILLAUME directeur des affaires
civiles et du Sceau, rendu le 16 Décembre 2005, page.25
P a g e | 41

une action de groupe marocaine, car comme l’exprime un auteur « au dommage de masse
répond le recours collectif ».114
Comme déjà mentionné, on entend par action de groupe : l’action à travers laquelle un
représentant agit en justice pour le compte de plusieurs personnes ayant subi des préjudices
semblables et similaires, et dont l’objectif est d’obtenir un jugement ayant autorité de chose
jugée à l’égard de tous les membres du groupe pour lequel il agit.115
Avant l’introduction de l’action de groupe en France, un grand débat politique et juridique s’est
déclenché entre deux courants, les opposants et les partisans de la création d’une action de
groupe en droit français. En relevant les arguments qui ont été soulevés par chaque courant on
pourra préparer un débat semblable qui devra animer également la scène politique et juridique
marocaine surtout à la lumière des recommandations de la commission du nouveau modèle de
développement socio-économique en droit de la concurrence et la nécessité de revivre et
innover ce dernier pour assurer une économie déverrouillée et bien réglementée.116
En effet, les opposants à l’action collective peuvent invoquer plusieurs arguments à la fois
juridiques et économiques. Sur le plan juridique, l’introduction d’une action de groupe portera
atteinte à certains principe législative de notre droit privé processuel. Le premier principe qui
sera transgressé est celui selon lequel « Nul ne peut plaider par procureur », qui limite le
procès à ceux et celles qui y trouvent un intérêt personnel afin d’assurer une certaine
transparence juridique.117 Toutefois cet argument peut être contourné par le souci d’efficacité
juridique afin de protéger des intérêts catégoriels et faibles des consommateurs et protéger la
cohérence et la stabilité du marché économique.118
Le second principe juridique est celui de l’égalité des armes qui constitue une garantie
fondamentale pour un procès équitable. Et ce, dans la mesure où le défendeur se trouvera dans
une situation aiguë dans la mesure où il ne connaît pas ses adversaires, pour leur invoquer des
oppositions ou des fins de non-recevoir, ce qui créer un certain déséquilibre au sein du procès.
Pour ce qui est des arguments économiques, ils concernent notamment le risque de dés
encourager l’investissement surtout pour les petites et moyennes entreprises qui peuvent faire

114
Benjamine Lehaire, op., cit., p.63
115
Louis BORE « La défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives et
judiciaires »- LGDJ- 1997, p.70
116
Voir supra. P.
117
« Des obstacles juridiques à l’action de groupe », discours du Premier président de la Cour de Cassation au
Colloque organisé le 10 Novembre 2005, par l’association UFC- Que choisir, sur la thématique « Pour de
véritables actions de groupe : un accès efficace et démocratique à la justice », Voir. Note de Laurène Thouvenin
« Action de Groupe et droit de la concurrence : Perspectives comparatives des droits français, allemand et
Européen », Mémoire pour Master de droit européen des affaires, dirigé par Mr. Louis Vogel, année
universitaire 2015/2016, p.26
118
Idem.
P a g e | 42

face à des actions de groupes multipliés entraînant parfois leur faillite. Ainsi aux Etats-Unis on
assiste à une « Industrie de Calss Action »119, dans la mesure où les justiciables s’accordent
avec les avocats pour mener des actions collectives et réaliser ainsi des gains énormes au
détriment des entreprises.
A l’action de groupe s’ajoute un autre mécanisme qui pourra favoriser le développement du
contentieux privé en droit de la concurrence, à savoir l’arbitrage collectif qui sera étudié dans
le paragraphe suivant.

Paragraphe 2- L’adoption d’un cadre dédié à l’arbitrage collectif :

L’arbitrage collectif est fondé sur le même concept de l’action de groupe, et consiste à permettre
à plusieurs demandeurs (victimes), ayant subi un même préjudice de se réunir devant un tribunal
arbitral afin de réclamer réparation contre le défendeur auteur de l’infraction (notamment de la
pratique anti-concurrentielle en droit de la concurrence). Il s’agit d’une pratique en voie de
développement et de croissance aux Etats-Unis, et qui a été largement recommandé en France
avant l’introduction de l’action de groupe en 2014.120
En effet, l’arbitrage collectif a vu le jour la première fois aux Etats-Unis dans le but de protéger
le consommateur et de ne se limiter pas uniquement à l’action de groupe mais à un autre procédé
qui est la « Class arbitration ».121 Cette apparition était le résultat de la pratique juridique : ainsi
pour dissuader les consommateurs à exercer des recours collectifs devant la justice, les
professionnels ont commencé à intégrer et imposer dans leurs contrats des clauses
compromissoires pour pousser les consommateurs à faire recours aux modes alternatif de
règlement des conflits. Et même en incluant parfois une clause expresse qui interdit le recours
collectif dite « class action waiver ».122
Ainsi c’est la jurisprudence américaine qui était à l’origine de cette procédure hybride qui
combine entre le recours collectif et l’action de groupe. A cet égard, la Cour Californienne a

119
Laurène Thouvenin, op., cit., p.27
120
https://www.lepetitjuriste.fr/le-renouveau-de-larbitrage-international-dans-les-litiges-de-consommation-
lintroduction-de-larbitrage-collectif-en-
france/#:~:text=L'arbitrage%20collectif%2C%20encore%20d%C3%A9nomm%C3%A9,r%C3%A9paration%20d'un
%20pr%C3%A9judice%20commun consulté le 17/06/2021
121
Mitshubishi Motors v. Soler Chrylsler-Plymouth 473 U.S 614, Voir également Th. E. Charbonneau “the Law
and Practice for arbitration”, Juris Publishing, 2004, p.155
122
“L’arbitrage collectif : une solution pour les consommateurs ? » : Etude présentée au bureau de la
consommation d’industrie Canada par option consommateurs (l’association des consommateurs de Québec),
juin 2007p.12
P a g e | 43

décidé dans l’affaire Keating c. Superior Court que rien n’interdit de procéder à une action
collective dans le cadre de l’arbitrage.123
De même certains pays européens ont commencé à intégrer ce procédé d’arbitrage collectif.
Ainsi l’institut allemand d’arbitrage a mis ce mécanisme mais uniquement dans les litiges qui
opposent les actionnaires et les entités financières ou les dirigeants.124
Enfin à la lumière des développements précédés, on peut affirmer qu’il est temps pour lancer
un débat juridique au Maroc à propos de l’introduction d’une action de groupe à la marocaine,
ou de mécanismes proches comme l’arbitrage collectif, dans le but de rénover notre droit de la
concurrence et préserver les différents intérêts en présence.

123
« United State Supreme Court and class arbitration : A tragedy of errors, the Symposium” Gary Born et
Claudio Salas, volume 2012, Journal of Dispute resolution, article 5
124
https://www.lepetitjuriste.fr/le-renouveau-de-larbitrage-international-dans-les-litiges-de-consommation-
lintroduction-de-larbitrage-collectif-en-
france/#:~:text=L'arbitrage%20collectif%2C%20encore%20d%C3%A9nomm%C3%A9,r%C3%A9paration%20d'un
%20pr%C3%A9judice%20commun consulté le 17/06/2021
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CONCLUSION :

« Je m’intéresse à l’avenir car je vais y passer le reste de ma vie ». Cette citation est le fruit
de notre analyse et des développements précédents qui avaient pour ambition de prédire et
prévenir l’avenir législatif en droit de la concurrence marocain, qui aura certainement un jour
besoin d’ouvrir un débat sur la place de la victime au sein de la réglementation de la
concurrence, et aussi pour moderniser ce droit conformément aux recommandations relevés par
la commission royale du nouveau modèle de développement socio-économique qui a tracé ses
objectifs au moyen terme jusqu’à 2035.
A la lumière de ce qui précède on guise de conclusion on peut dire que les pays Européen, y
compris la France, ont exploité l’évolution et les acquis des pays du Comman Law en matière
de la reconnaissance d’un droit à réparation des victimes des pratiques anti-concurrentiels, et
surtout en adoptant des mécanismes juridiques efficaces et efficients pour réaliser cet objectif
notamment l’action de groupe.
L’action de groupe tend ainsi à devenir un phénomène mondial. Presque la plupart des pays de
monde se sont doté de ce mécanisme dédié aux litiges individuels minimes, et qui permet aux
groupes de victimes de réaliser des économies énormes en termes de temps et de coût. Ainsi
l’action de groupe est utilisée aujourd’hui dans divers domaines de la vie juridique : droit des
sociétés, droit social, et notamment en droit de la concurrence et de la consommation.
On peut affirmer que sans recours collectif, et sans action de groupe, le contentieux privé en
droit de la concurrence n’aurait pas évolué. Car, la reconnaissance d’un droit d’indemnisation
aux victimes des pratiques anti-concurrentielles à elle seule, n’était suffisante pour renforcer le
mouvement de subjectivisation du contentieux concurrentiel, surtout à la lumière des
contraintes juridiques et économiques qui entravent le succès de l’action individuelle de la
victime d’une pratique anti-concurrentielle.
L’action de groupe était donc un mécanisme d’une efficacité majeure, mais qui souffre
cependant de certaines limites surtout dans sa version française, qui a essayé de la modifier afin
de contrarier les dérives de la class action américaine. Mais cela a entraîné un changement
profond dans l’esprit de l’action qui nécessite encore une revue et une refonte pour englober
d’autres acteurs et parvenir à assurer une édification d’un droit moderne de la concurrence qui
protège à la fois l’intérêt du marché et les intérêts catégoriels de ses acteurs consommateurs et
aussi entrepreneurs.
P a g e | 45

Aussi le renforcement de la culture judiciaire des consommateurs est d’une importance


primordiale afin d’encourager l’exercice de ce type d’action qui permettent ainsi aux citoyens
de participer indirectement au contrôle des marchés et des pratiques qui portent atteinte au libre
jeu de la concurrence. Ce rôle doit normalement être remplie par les associations de protection
du consommateur qui sont généralement les acteurs uniques aujourd’hui en France de l’action
de groupe.
Au Maroc, notre législation concurrentielle est aujourd’hui devant un enjeu majeur pour se
moderniser et se réformer. Notre économie devient de plus en plus libérale et de nouveaux
investisseurs internationaux souhaitent intégrer le marché marocain. Mais il nous faut un
marché préparé et bien armé pour une concurrence normale et réglementée. L’introduction
d’une action de groupe au Maroc devra ainsi attirer l’attention du législateur dans le cadre de
toute éventuelle réforme en la matière.
Finalement, on peut réaliser que la collectivisation du recours est une modalité de justice très
efficace avec des avantages multipliés dans divers domaines juridique et qui peut faire l’objet
d’une prochaine étude même doctorale pour relever ses enjeux futurs surtout dans notre
législation interne.
P a g e | 46

BIBLIOGRAPHIE:

OUVRAGE GENERAUX :
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• Saad MOUMI « Droit Civil : Droit des Obligation », dépôt légal n°1323-2000,
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• FRICERO, Natalie et Julien, Pierre « Droit judiciaire privé », LGDJ 2014
• 2008 ،‫ الطبعة الخامسة‬،‫ مطبعة الوراقة الوطنية‬،"‫ عبد الكريم الطالب "الشرح العملي لقانون المسطرة المدنية‬.‫د‬
• ‫ دار نشر المعرفة‬،31.08 ‫المهدي العزوزي "تسوية نزاعات االستهالك في ضوء القانون‬

OUVRAGE SPECIAUX :
• Marie-Anne, Frison-Roche et Marie-Stéphane Payet « Droit de la Concurrence »,
éd. Dalloz 1er édition, 2006
• GUEGAN-LECUYER, Anne « Dommages de masse et responsabilité civile, Paris,
• LGDJ, 2006
• Marie Malaurie-Vignal « Droit de la concurrence interne et européen », 6ème édition
• SIRY, 2014
• CALAIS-AULOY (J) : « Droit de la consommation, 9ème édition
• El Bazzim, Rachid « Conseil de la concurrence au Maroc : De la recherche de
l’indépendance à la régulation du marché », édition de 2019 L’Harmattan, ISBN : 978-
• 2-343-17121-0
• Catherine PRIETO « Le nouveau droit communautaire de la concurrence », éd.
Canivet et F. Brunet, LGDJ 2008
• Jean Calais-AULOY, Henri TEMPLE, Malo DIPINCE « Droit de la consommation
», 10ème éd. Dalloz, 2020
• Coord Dominique ROUX et Lydiane NABEC « Protection des consommateurs : Les
nouveaux enjeux du consumérisme », éd. EMS, 2016.
• Walid Abdelgawad « Arbitrage et droit de la concurrence : Contribution à l’étude des
rapports entre ordre spontané et ordre organisé », éd. LGDJ, 2001
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Thèses et mémoires:

• Benjamine Lehaire, « L’action privée en droit des pratiques anti-concurrentielles : Pour


un recours effectif des entreprises et des consommateurs en droit français et canadien »,
thèse en cotutelle doctorat en droit, université Laval, Québec, Canada et Université de
la Rochelle, France, 2014.
• Julien LOZE « Les stratégies juridiques de l’entreprises à l’épreuve du contentieux
privé des pratiques anti-concurrentielles », Thèse pour l’obtention du Doctorat de
l’Université de Toulouse soutenue le 20 Novembre 2019
• Sofian Zaroil « L’action de groupe à l’épreuve du droit français », mémoire pour Master
II Enseignement clinique du droit des affaires, sous la direction de Mme. Vanessa
Monteillet, année universitaire 2018/2019
• Julie Romain, “Les actions de groupe et le droit de la concurrence », mémoire pour
Master 2 droit européen des affaires, dirigé par Mr. Louis
• Vogel, année universitaire 2015/2016,
• Laurène Thouvenin « Action de Groupe et droit de la concurrence : Perspectives
comparatives des droits français, allemand et Européen », Mémoire pour Master de droit
européen des affaires, dirigé par Mr. Louis Vogel, année universitaire 2015/2016

Etudes et Rapports:

• “L’arbitrage collectif : une solution pour les consommateurs ? » : Etude présentée au


bureau de la consommation d’industrie Canada par option consommateurs
(l’association des consommateurs de Québec), juin 2007

• L. BETEILLE et R. YUNG : Rapport d’information du 26 Mars 2010 n°499


• Rapport général du nouveau modèle de développement socio-économique présenté à sa
majesté le roi le … 2021
• « Rapport sur l’Action de Groupe », groupe de travail présidé par Guillaume CERUTTI
directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
et Marc GUILLAUME directeur des affaires civiles et du Sceau, rendu le 16 Décembre
2005
P a g e | 48

Articles de doctrine et Revue :

• Ginette PICHE « Le recours collectif d’un point de vue d’un juge », article juridique
• Muriel GHAGNY « La réparation des dommages concurrentiels », Revue de
jurisprudence commerciale 12 Juin 2017.
• Géraldine GOFFAUX CALLEBAUT « Le préjudice en droit de la concurrence ».
• Entretien avec Yassmine TARASEWICZ, avocat associé cabinet PROSKAUER et
Geoffrey ROCHE juriste en droit social cabinet PROSKAUER, Forum INTERVIEU
1741_10_SSL_GABARITS 20/10/16 11.
• S. AMRANI MEKKI « Inciter les actions en dommages-intérêts en droit de la
concurrence : le point de vue d’un processualité », dans Le livre blanc sur les actions
en dommage-intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus
de position dominante, collège Européen de Paris, AFEC 13 juin 2008, Revue
concurrence, 2-2009, page
• D. FAQUELLE “livre vert de la commission sur les actions en dommages intérêts
pour infractions aux règles communautaires sur les ententes et abus de position
dominante », Revue des droits de la concurrence,
• Mustapha MEKKI « Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile :
maintenir, renforcer et enrichir les fonctions de la responsabilité civil »

• Note à la commission européenne à propos du Livre Vert du Secrétariat général vert


intitulé « Livre Vert sur les recours collectifs Européens ».
• L. BORE « Une class action à la française ? Discours in Pour mieux réparer les
préjudices collectifs » Gaz. Pal. 28 et 29 Septembre 2001
• 63.‫ ص‬،2007 ‫ دجنبر‬38 ‫ عدد‬،‫ مجلة المعيار‬،‫ إشكاالت تمثيل جمعيات المستهلك أمام القضاء‬،‫محمد الهيني‬
• ‫ منقول من محمد برهان الدين "القضاء‬،‫ المحاكم التجارية بالمغرب وافاق التجربة‬،‫المجدوبي االدريسي محمد‬
‫االستعجالي في المادة التجارية" منشور على مجلة القانون واألعمال‬
• Mitshubishi Motors v. Soler Chrylsler-Plymouth 473 U.S 614,
• Th. E. Charbonneau “the Law and Practice for arbitration”, Juris Publishing, 2004

• “L’arbitrage collectif : une solution pour les consommateurs ? » : Etude présentée


au bureau de la consommation d’industrie Canada par option consommateurs
(l’association des consommateurs de Québec), juin 2007p
• « United State Supreme Court and class arbitration: A tragedy of errors, the
Symposium” Gary Born et Claudio Salas, volume 2012, Journal of Dispute
resolution, article 5
P a g e | 49

Code et Lois:

• Constitution marocaine
• Loi 15.95 formant Code de commerce marocain
• Code de procédure civile marocain
• Dahir 1-14-116 du 30 juin 2014 portant promulgation de la loi 104.12 relative à la liberté
du prix et de la concurrence
• Dahir 1-14-117 du 30 juin 2014 portant promulgation de la loi n°20-13 relative au
conseil de la concurrence
• Dahir formant code des obligations et des contrats
• Code de la consommation Français
• Code de Commerce français

• L’ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix

Jurisprudence:

• CJEC, 6 avril 1962, De Geus en Uitdenbogerd / Bosch e.a. ; aff. C-13/61, Rec. 1962,
p.89
• CJEC 20 September 2001, Courage Ltd contre Bernard Crehan et Bernard Crehan
contre Courage Ltd et autres, aff. C-453/99, Rec. 2001, p. I-6297

• CJCE 13 juillet 2006, Manfredi, aff. Jointes C-295-298/04, Rec. 2006, p. I-6619

• Suprem Court of Juridiction Act. 1873 (R.U), 36 & Vict., c. 66, sch. A, s. 10 (entrée en
vigueur en 1874), cité par Benjamine Lehair, op., cit., p.80

• Cass. Com. 1er mars 1982, N° de pourvoi – 80-15834, Bull. n° 76


• CA Paris 12 décembre 1996, France Abonnements c. office universitaire de presse JCP
€ 1997, II 953

• Arrêt de la CJCE du 13 Juillet 2006, affaires jointes C-295-298/04, Rec. 2006, p. I-6619

• Arrêt du tribunal Première chambre du 10 mars 1992, Verre plat, Rec. 1992, II, 1405
P a g e | 50

• Décision du Conseil Constitutionnel n°80-199 DC du 22 Juillet 1980 concernant la


reconnaissance de l’indépendance de l’autorité administrative- Arrêt du Conseil d’Etat
du 13 Décembre 1889 Cadot.

• Avis du Conseil de la Concurrence français du 21 Septembre 2006 relatif à


l’introduction d’une action de groupe en matière de pratiques anti-concurrentielle
• Arrêt de la Cour de Cassation française du 15 Octobre 1996, pourvoi n°1570

• Décision du Conseil Constitutionnel n°119-80DC du 22 Juillet 1980

• Cass. Civ. 1er, 26 Septembre 2019, FS-P+B, n°18_10.891

• Cass. Civ. I, 26 mai 2011, n°10-15676, Bull. I, n°98; D. 2011, p.1884

Webographie:
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: ‫التحرير‬
https://www.chambredesrepresentants.ma/sites/default/files/docspublics/‫تقرير_المهمة_اال‬
‫ستطالعية_المؤقتة_حول_أسعار_بيع_المحروقات‬-.pdf
• https://www.anrt.ma/sites/default/files/2007-11-07-saisine-litige-pratiq-anti-conc-
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• https://www.lepetitjuriste.fr/le-renouveau-de-larbitrage-international-dans-les-litiges-
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france/#:~:text=L'arbitrage%20collectif%2C%20encore%20d%C3%A9nomm%C3%
A9,r%C3%A9paration%20d'un%20pr%C3%A9judice%20commun consulté le
17/06/2021
P a g e | 52

Table des matières


INTRODUCTION .................................................................................................................... 1
PREMIERE PARTIE : Le MPUVEMENT DE SUBJECTIVISATION DU
CONTENTIEUX CONCURRENTIEL .............................................................................. 6
CHAPITRE 1 : L’AMELIORATION DES DROITS DES VICTIMES DES PRATIQUES
ANTI-CONCURRENTIELLE ........................................................................................... 8
Section 1 : La reconnaissance d’un droit d’indemnisation aux victimes des pratiques anti-
concurrentielles .................................................................................................................. 8
Paragraphe 1 : Le recours privé en droit de la concurrence et le droit à un recours
effectif ................................................................................................................................. 9
Paragraphe 2 : La collectivisation du recours privé en droit de la concurrence ....... 11
Section 2 : La détermination et la réparation du préjudice concurrentiel ..................... 13
Paragraphe 1 : La détermination du préjudice concurrentiel .................................... 14
Paragraphe 2 : La réparation du préjudice concurrentiel .......................................... 16
CHAPITRE 2 : LA CONCILIATION ENTRE LE PUBLIC ENFORCEMENT ET LE
PRIVAT ENFORCEMENT ............................................................................................. 17
Section 1 : L’aménagement des règles relatives à l’exercice de l’action ....................... 18
Paragraphe 1 : Les règles de prescription .................................................................. 18
Paragraphe 2 : Les mesures d’urgence ........................................................................ 19
Section 2 : L’aménagement des règles relatives à la preuve et aux frais de la procédure
.......................................................................................................................................... 21
Paragraphe 1 : La procédure de Discovery ................................................................. 21
Paragraphe 2 : Les règles relatives aux frais de la procédure ................................... 22
DEUXIEME PARTIE : Les Freins au mouvement de subjectivisation du contentieux
concurrentiel .......................................................................................................................... 24
CHAPITRE1 : La conception et les limites de l’action de groupe en droit français ............ 25
Section 1 : Le régime juridique de l’action de groupe en droit français ........................ 25
Paragraphe 1 : Les conditions relatives à l’exercice de l’action de groupe ............... 25
Paragraphe 2 : Le fonctionnement et déroulement de l’action de groupe .................. 29
Section 2 : Les limites et lacunes de l’action de groupe en droit français ..................... 31
Paragraphe 1 : Les limites se rattachant au régime juridique .................................... 31
Paragraphe 2 : Les limites se rattachant aux spécificités du droit de la concurrence /
exemple de la procédure de clémence .............................................................................. 32
CHAPITRE 2 : LES Obstacles à l’introduction d’une Action de Groupe en droit de la
concurrence marocain ....................................................................................................... 33
Section 1 : L’inefficacité de l’arsenal juridique marocain régissant le contentieux privé
concurrentiel ..................................................................................................................... 34
Paragraphe 1 : Les outils judiciaires mis à la disposition des victimes des pratiques
anti-concurrentielles ......................................................................................................... 35
Paragraphe 2 : Les limites des outils judiciaires mis en faveur des victimes des pratiques
anti-concurrentielles ......................................................................................................... 38
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Section 2 : Les réformes envisageables .......................................................................... 39


Paragraphe 1- La mise en place d’une action de groupe marocaine avec renforcement
des outils existants ............................................................................................................ 40
Paragraphe 2- L’adoption d’un cadre dédié à l’arbitrage collectif ............................ 42
CONCLUSION ............................................................................................................... 44
BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................... 46
TABLE DES MATIERES .............................................................................................. 55

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