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JURISTE D’AFFAIRES
2019 – 2020
MODULE : Droit du Commerce
International
L’affaire BHOPAL
Pr JEBBOUR MOHAMED
HAMDOUCHE ELMOSTAFA
L’affaire BHOPAL Droit du commerce international
Dans la nuit du 2 Décembre 1984, une fuite de fumée s’est déclenchée, dont l’air l’as
dirigé vers la ville Bhopal, en entraînant des milliers de morts et des blessés. Le bilan
fut catastrophique : Cet accident industriel tua officiellement 3 828 personnes, ce bilan
ayant été revu en 1989 à 3 598 morts, puis à 7 575 en 1995. Il fit en fait entre 20 000 et
25 000 morts selon les associations de victimes.1
Quelques jours plus tard, une dizaines d’avocats américains ont intenté des actions en
justice contre la grande entreprise américaine « Union Carbide Corporation », dont
l’ensemble était réunie et porté devant le tribunal fédéral de première instance de New
Yourk, sous la direction du juge J.F KENNAN.2
1
Dominique Lapierre et Javier Moro, Il était minuit cinq à Bhopal, Robert Laffont, 2001 (ISBN 2-221-
09131-0) (notice BnF no FRBNF37222086)
2
Cette possibilité de rassembler plusieurs actions devant une seule juridiction est permise par le droit
américain
En principe, c’est le lieu où s’est produite l’accident, qui est le plus convenable pour
porter l’affaire. Car c’est dans ce dernier où se trouvent les témoins, les documents et
les preuves permettant d’orienter les juges dans leur mission. 4 Toutefois, le demandeur
peut bénéficier du droit de porter son affaire devant une juridiction étrangère, mais à
condition de convaincre cette dernière que « l’autre juridiction est insuffisante au point
de n’apporter aucune solution au litige ».5
Selon l'Etat indien, les tribunaux indiens n'ont pas la capacité de rendre justice à leurs
citoyens. En ce qui concerne le droit, l'Inde reste un pays sous-développé, toujours
sous le joug du colonialisme anglo-saxon, allègue l'Etat demandeur. De nombreux
détails sont précisés pour persuader le juge américain de l'insuffisance du système
juridique indien :
- Il lui manque également la capacité pour les accidents provoqués par une
technologie compliquée ;
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Joseph L. Sax « L'affaire Bhopal devant les tribunaux américains. Forum non conveniens », p.414
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Joseph L. Sax « L'affaire Bhopal devant les tribunaux américains. Forum non conveniens », p.414
5
Même là où il y a une autre juridiction suffisante, le tribunal du choix du demandeur est autorisé à retenir la
cause dans certaines circonstances. Selon la Cour suprême des Etats-Unis, cela dépend des questions
suivantes : Où se trouvent les preuves ? Quelle est la disponibilité des témoins ? Quelle est la difficulté de
l'exécution d'un jugement d'un tribunal rendu à l'étranger ? Quels sont les frais d'un procédé mené loin du
lieu de l'accident ? « Piper Aircraft v. Reynolds », 454 U.S. 235, 102 S.Ct. 252, 70 L.Ed.2d 419 (1981) ; « Gulf Oil
Corp. v. Gilbert », 330 U.S. 501, 67 S.Ct. 839, 91 L.Ed., 1055 (1947). En droit anglais, il s'agit de la décision
dénommée « Mac Shannon v. Rockware Glass Ltd. », 1 978, A.C. 795.
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Joseph L. Sax « L'affaire Bhopal devant les tribunaux américains. Forum non conveniens », p.416
Cette dernière condition a été imposé par le tribunal américain, pour éviter une
double contestation de la compétence par le défendeur devant le tribunal indien,
après transfert de l’affaire. En fin, selon le juge Keenan « L'Inde est une puissance
mondiale, en 1 986, et ses tribunaux ont la compétence de rendre la justice au
peuple indien... ».
En 1984, l'usine de Bhopal était l'une des installations de Union Carbide India Limited
(UCIL). Union Carbide Corporation (UCC) – une société basée aux États-Unis –
détenait 50,9 % des parts d'UCIL. UCC a toujours soutenu qu'UCIL était une entité
totalement autonome. Elle a aussi à maintes reprises affirmé devant les tribunaux que
son siège se situe aux États-Unis et nie avoir la moindre activité en Inde ou dans un
quelconque pays autre que les États-Unis. 7
7
https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/les-entreprises-les-autorites-et
Après 25 longues années, le tribunal indien a prononcé son jugement dans l’affaire
pénale contre Union Carbide et sa filiale indienne, sur les charges de négligence et de
responsabilité. Il reconnaît certes coupables sept cadres d’Union Carbide India, mais
pour des infractions mineures de blessures involontaires – équivalant à un accident de
la route – et acquitte les principaux accusés de l’entreprise parente américaine.
La Cour Suprême en inde, a tout d’abord commis une grave erreur en 1989 en fixant le
montant total des dommages, au civil et au pénal, à la somme de 470 millions de
dollars
Puis, en 1996, la Cour Suprême a décidé de ne pas retenir les charges pénales
correspondant à la section 304b (culpabilité d’homicide entraînant une punition
maximale de 10 ans d’emprisonnement) pour ne conserver que celles moins graves de
la section 304a, négligence ayant entraîné la mort, correspondant notamment aux
accidents de la circulation et limitant les dommages et intérêts ainsi que la durée
d’emprisonnement.
La Cour Suprême ne s’est pas prononcé à propos du site abandonné de l’usine, rempli
des déchets contaminants toxiques que l’entreprise a laissés derrière elle.
En 1994, Union Carbide a cédé les 50,9 % de parts qu'elle détenait auprès d'UCIL à
Mac Leod Russell (India) Limited, située à Calcutta, et UCIL a été renommée
EvereAdy Industries India Limited (Eveready Industries). Union Carbide a déclaré : «
Faisant suite à la vente de ses parts d'UCIL, Union Carbide n'a conservé aucun intérêt
– et n'a plus aucune responsabilité – dans le site de Bhopal, et Eveready Industries est
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http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-8491.html