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DROIT INTERNATIONAL

PRIVÉ

MASTER 1 DPF/DAF

EN GUISE D'INTRODUCTION.

Le droit international privé est la branche du droit privé qui s'intéresse à la résolution des
problèmes qui peuvent naître dans les rapports entre personnes privées sur la chaîne
internationale. Il s'agit de répondre aux multiples sollicitations du monde contemporain.

Tout part du fait qu'il y a plusieurs pays au monde chacun ayant sa loi, ses lois ou son droit, les
mouvements des personnes à travers les frontières vont créer des différends. Il sera alors question
de savoir laquelle des lois de ces différents pays seront utilisé pour résoudre ces différents
problèmes. On dit alors qu'il y a conflit des lois c'est-à-dire une situation dans laquelle un juge est
saisi d'un litige et il doute sur la loi à appliquer à cause d'un élément qui lui est extérieur appelé
extranéité. Il ne sait pas s'il va appliquer sa propre loi qui est la loi du fort encore appelé la lex fori
ou alors la loi étrangère encore appelé la lex causae.

Le droit international privé s'intéresse aussi au conflit de juridiction lorsqu'il faut déterminer la
compétence internationale directe (le juge camerounais est saisie de la demande en justice) ou
de la compétence internationale indirecte (le juge camerounais est saisi pour apposer la
formule exécutoire sur une décision rendue en pays étranger). Les conflits des lois et de
juridiction constituent ainsi les deux grands domaines du droit international privé.

Cet enseignement se limitera à la théorie générale des conflits de loi qui constitue le cœur de la
matière parce que c'est ici que le droit international privé a puisé ses sources, ces méthodes et ses
techniques.

UTILES LEXIQUES

- lex fori : c'est la loi du fort, la loi du juge saisie d'un litige.

- lex causae : c'est la loi étrangère.

- la lex loci delecti commissi : c'est la loi du lieu de survenance d'un dommage ou de commission
d'un délit.

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- la locus regit actum : c'est la loi applicable au contrat pour la forme.

- la professio juris : c'est la loi de volonté des parties.

- la qualification lege fori: c'est la qualification de la loi du fort qui est la loi du juge saisie.

- la qualification lege causae : c'est la qualification selon la loi étrangère.

LES GRANDS AUTEURS.

- Bartole

- Dumoulain

- Savigny

- Pillet

- Niboyet

- Voet

- Lagarde

- Batiffole

- Cavers

- Francescakis

- Muit-watt

- Depitre

- Tyam

- Djudje

- Kouam.

LES GRANDS ARRÊTS.


L'arrêt caraslanis
L'arrêt patino
L'arrêt Bisbal
L'arrêt sociétés mutuelles du Mens
L'arrêt lautour

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L'arrêt coucke
L'arrêt Hannover international
L'arrêt jumeaux Aubin et Itraco
L'arrêt rivière
L'arrêt princesse de Bauffremon.

LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVE.

Le droit international privé étant un droit privé interne qui ne devient international qu'avec la
présence d'un élément d'extranéité dans un litige, ses sources sont principalement nationales. On
cite alors la loi au sens large, la jurisprudence, la coutume, la doctrine. Mais il faut dire qu'il y a
une prépondérance de la jurisprudence en droit international privé parce que les grands problèmes
de notre matière sont nés et ont trouvé solution dans les affaires portées devant les juridictions.

Toutefois le droit international privé se nourrit également des sources internationales


notamment des conventions internationales, des traités bilatéraux et multilatéraux.

L'étude des conflits de loi se fera d'une part à travers les méthodes du raisonnement conflictuel
et d'autre part à travers les techniques du raisonnement conflictuel.

PREMIERE PARTIE : LES METHODES DU RAISONNEMENT CONFLICTUEL.

survenance d'un dommage, le lieu de passation d'un acte) et qu'il doute sur la loi à appliquer, on
dit qu'il y a conflit de loi. En effet, les juges a entre ses mains deux lois : sa propre loi qui est la lex
fori et une ou plusieurs lois étrangères. Il ne doit pas choisir arbitrairement parmi celles-ci la loi qui
lui servira à trancher le fond du litige. C'est pourquoi des méthodes ont été proposées : la méthode
unilatérale ou unilatéralisme et la méthode bilatérale ou bilatéralisme. Ces méthodes
présentes chacune des avantages et des inconvénients, cependant au lieu de demeurer
concurrentiel, elles sont beaucoup plus complémentaires. C'est pourquoi le doyen Henri Batiffole
prônera le pluralisme des méthodes.

A- LA METHODE UNILATERALE OU UNILATERALISME.

On parle des méthodes unilatérales lorsque le juge applique directement sa propre loi à un litige
comportant un élément d'extranéité sans tenir compte de l'existence de la loi étrangère. Les deux
principales variantes /modalités/ composantes de l'unilatéralisme sont : la méthode des règles
matérielles et la méthode des lois de police.

NB: Il convient de souligner qu'il s'agisse de la méthode unilatérale ou bilatérale chacune a pour
vocation l'exclusivité dans le solutionne ment des conflits des lois.

1-.LA METHODE DES REGLES MATERIEL OU SUBSTANTIELLES.

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Une règle matériel ou substantielle est celle constituée par les différentes sources du droit et qui
permet de trancher directement les fonds d'un litige. Les juges se comportent alors comme s'il y
avait des lois étrangères. Par exemple dans un litige opposant un tchadien à un Sénégalais à
N’Gaoundéré concernant un immeuble, le juge appliquera l'acte uniforme sur les voies d'exécution.

On l'aura compris la méthode des règles matérielles ou substantielles est beaucoup plus orienté
vers le droit communautaire et le droit international notamment avec les conventions
internationales. Avec cette méthode, on croit esquiver la méthode bilatérale qui est indirecte et
complexe. Seulement, en dehors du fait que les règles matérielles sont limitées, on a parfois recours
à la méthode bilatérale pour les appliquer.

a- Les limites des règles matérielles.

Ces limites sont de deux ordres :

- les limites quant au domaine concernent le fait que les règles maternelles s'appliquent
essentiellement dans un espace déterminé, en dehors de cet espace elles ne sont plus applicables.
Par exemple le droit communautaire qui s'applique uniquement dans l'espace CEMAC, et le droit
OHADA qui s'applique dans l'espace OHADA en dehors de ces espaces les règles maternelles ne
peuvent pas s'appliquer.

- les limites quant à l'objet: Ces limites viennent du fait que quel que soit la source des règles
matérielles, elle a un objet précis, il peut s'agir d’une directive CEMAC, d'un acte uniforme OHADA
ou d'une convention internationale quelconque. En dehors de cet objet la règle maternelle ne
s'applique pas. Exemple un consommateur camerounais et un consommateur sénégalais qui se
retrouve au Tchad.

b- l'utilisation du bilatéralisme dans l'application des règles matérielles.

Cela peut paraître étonnant pourtant il y a des hypothèses dans lesquelles le recours à la règle
des conflits (méthode bilatérale) est importante/ incontournable. Par exemple l'Acte uniforme
OHADA sur les droits commercial général (AUDCG) (règles matérielles) pose comme condition
pour exercer le commerce la capacité. Mais ne dis pas en quoi consiste la capacité. Ainsi pour
déterminer la capacité à exercer le commerce il faut passer par la règle de conflit. On dira alors que
la capacité fait partie du statut personnel, le statut personnel est régi par la loi nationale de la
personne, laquelle loi nationale servira donc à déterminer la capacité.

2- LA METHODE DES LOIS DE POLICE.

Encore appeler loi d'application immédiate ou loi d'application impérative ou loi d'ordre public,
les lois de police constitue une variante de l'unilatéralisme. Il s'agit de demander aux juges de les
appliquer directement afin de trancher le fond des litiges. Mais puisqu'il s'agit d'une catégorie des
règles matérielles, la question s'est posée quant à leur identification. Bien plus, par rapport à leur
finalité, la question s'est posée également de savoir s'il ne fallait pas tenir compte des lois de police
étrangère.

a- Identification des lois de police.

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Plusieurs critères ont été proposés par le tenant de cette tendance, mais c'est le critère finaliste
qui a été retenus. Phocion Francescakis qui a proposé ce critère finaliste définis les lois de police
comme étant des lois d'application immédiate, des règles impératives, des lois d'ordre public qui
ont pour but la protection de l'intérêt politique économique et social dans un pays. Par exemple
les règles concernant les impôts sont des lois de police; les dispositions des SMIG.

Paul Lagarde dit alors que la différence entre les lois de police et les autres règles matérielles est
une différence de degré et non de nature car les lois de police sont des règles matérielles
impératives alors que les autres règles matérielles sont ordinaires.

b- les lois de police étrangère.

Dans la conception de l'unilatéralisme, il n'est pas question de tenir compte de quelques


manières que ce soit de la loi étrangère. Mais on s'est posé la question de savoir si la finalité des lois
de police n'amenait pas à prendre en compte la loi de police étrangère. Après une longue discussion,
la jurisprudence commence progressivement à tenir compte des lois de police étrangère. C'était le
cas dans l'affaire de Nikiforidis ainsi que dans l'affaire de l'embargo de la viande bovine à
destination du Ghana.

Il devient alors difficile de tracer une frontière nette entre le bilatéralisme et l'unilatéralisme.

B- LE BILATERALISME OU LA METHODE BILATERALE.

La méthode bilatérale ou conflictuelle ou méthode de la règle de conflit a été imaginée et


systématisée par l'allemand Alfred Von de Savigny. Il part de l'hypothèse selon laquelle les
systèmes juridique de par le monde sont en interaction. C'est pourquoi, il propose une formule
indirecte (bilatérale) pour déterminer la loi applicable lorsque le juge est saisi d'un litige
comportant un élément d'extranéité. Cette méthode qui donne du sens au droit international privé
a été vivement critiquée au point où on a parlé parfois de la crise de la règle des conflits.

1- exposé de la méthode bilatérale.

La méthode bilatérale c'est la méthode de la règle de conflit. Savigny pense que chaque pays a sa
règle de conflit à partir de laquelle le mécanisme peut être déclenché. La règle de conflit est
constituée de trois éléments :

- la catégorie du rattachement c'est-à-dire l'une des catégories du droit privé dont les litiges
fait partie. Ces catégories sont :

* le statut personnel qui regroupe tout ce qui concerne les personnes et la famille, * le statut réel
qui regroupe tout ce qui concerne les biens,

* le statut délictuel qui regroupe tout ce qui concerne le délit et le quasi délit,

* le statut obligationnel qui regroupe tout ce qui concerne les contrats et les quasis contrat.

- Le facteur /élément de rattachement : c'est ce qui permet d'établir les liens entre la catégorie
de rattachement et les litiges portés devant le juge. Il peut s'agir de la nationalité de partie pour la

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catégorie du statut personnel, il peut s'agir du lieu de survenance d'un dommage pour la catégorie
de délit ou quasi délit, il peut s'agir de lieu ou de conclusion d'un contrat, pour la catégorie
obligationnelle ; il peut s'agir de lieu de situation d'un bien pour la catégorie statut réel.

- la loi applicable : c'est la loi susceptible d'être appliqué pour trancher le fond du litige car il
peut arriver que la loi normalement désignée par la règle de conflit soit mise de côté pour fraude à
la loi ou pour atteinte à l'ordre public. La loi applicable est donc la loi correspondant à chaque
catégorie de rattachement avec son facteur de rattachement. Il peut s'agir de la loi nationale pour le
statut personnel en principe, de la loi du lieu de situation d'un bien (lex recite) pour statut réel, de
la loi du lieu de survenance d'un dommage pour les statut délictuel, de la lex contractus qui peut
être la professio juris ou la locus regi actum qui est la forme du contrat. La règle de conflit =
catégorie de rattachement + facteur de rattachement + loi applicable. Exemple : au Cameroun
la règle de conflit concernant le mariage s'exprime ainsi : le mariage fait partie du statut du
personnel (catégories de rattachement) le statut personnel a pour facteur de rattachement la
nationalité donc la loi applicable est la loi nationale des parties.

En plus de la détermination des éléments constitutifs de la règle des conflits, il faut insister sur
les fondements de son mécanisme cristallisé autour de ce caractère. La règle des conflits à trois
caractères fondamentaux:

- les caractères indirects de la règle des conflits qui signifie que la règle des conflits indique le
chemin à suivre et non la destination à atteindre donc elle ne donne pas la solution au fond du litige
comme dans la méthode unilatérale.

- la règle des conflits est bilatéral ce qui signifie qu'elle prend en compte la lex fori et la lex
causae et le résultat peut déboucher sur l'une ou sur l'autre loi.

- la règle des conflits est égalitaire c'est-à-dire qu'il n'y a pas de parti pris dès le départ (ab
initio) ni pour la lex fori ni la l'ex causae, les deux lois sont placés au même pied d'égalité
contrairement au tenant de l'unilatéralisme qui donne la priorité à la lex fori.

C'est le caractère égalitaire de la règle des conflits qui permet l'harmonisation des systèmes
juridique pour la réalisation de justice internationale de droit privé.

2) la critique de la méthode bilatérale.

La méthode élaborée par Savigny a été vivement critiquée surtout pour sa complexité. La
formule de la règle de conflit et apparemment simple mais dans sa mise en œuvre elle ressemble à
un serpent de mer c'est ainsi qu'elle a donné lieu en droit international privé au conflit de
qualification lorsqu'il y a une hésitation sur la catégorie de rattachement, au conflit de rattachement
lorsqu'il y a hésitation sur les facteurs de rattachement, au conflit mobile tout ce qu'il y a
mouvement des facteurs de rattachement, au statut de la loi étrangère avec les questions de
l'application d'office de la loi étrangère de la preuve de la loi étrangère, de l'éviction de la loi
étrangère. C'est cette complexité qui par exemple est évitée par le juge camerounais qui applique
systématiquement la loi camerounaise dans n'importe quel litige comportant un élément
d'extranéité : on dit qu'il manque de réflexe d'internationaliste. La complexité de la méthode

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conflictuelle avait amené Yves Lequette à qualifier le droit privé <<de droit savant>>. Déjà
Prosser écrivait : « le droit international privé est un marécage sinistre peuplé des excentriques
professeurs qui s'expriment dans un jargon hermétique »

Cependant, malgré les critiques de la méthode conflictuelle, elle demeure irremplaçable, c'est elle
qui donne au droit international privé son essence (base/ fond) et sa beauté. Elle est
incontournable au-delà de tout ce qui a fait penser à sa crise (crise de la règle des conflits)

CONCLUSION

Au départ ce qui s'apparenté à un duel entre l'unilatéralisme et le bilatéralisme se présente plus


clairement comme un duo, aucune des méthodes n'est exclusive dans le raisonnement conflictuel.
Cependant le doyen Henri Batiffole disait que : « le droit international privé s'accommode beaucoup
plus du pluralisme des méthodes » l'unilatéralisme et le bilatéralisme sont plus complémentaires
que concurrentes.

IL- LES TECHNIQUES DU RAISONNEMENT CONFLICTUEL.

Face à un litige comportant un élément d'extranéité, le juge interroge sa règle de conflit afin de
trouver la loi applicable. Seulement, ce mécanisme peut poser des problèmes. En effet, le juge doit
d'abord qualifier et à ce niveau va se poser le problème du conflit de qualification ; ensuite, il va
rattacher à ce niveau va poser le problème de conflit de rattachement qui a engendré en droit
international privé les problèmes de renvoi. Enfin, il va mettre en œuvre la loi désignée par la règle
de conflit.

A- LES PROBLEMES DU CONFLIT DE QUALIFICATION.

Trois (3) arrêts classiques ont permis de poser les problèmes de conflit de qualification en droit
international privé : la succession du Maltus (1) le testament de hollandais (2) et le mariage du grec
orthodoxe (3).

1- la succession du Maltus (cour d'appel d'Alger 24 décembre 1889)

Un Anglos maltais était décédé à Alger en Algérie laissant une veuve qui voulait bénéficier de la
quarte du conjoint pauvre, institution inconnue du droit français. Le juge devait résoudre le
problème du conflit de qualification: s'il considère la quarte du conjoint pauvre comme un
avantage matrimonial, la femme devait en bénéficiaire, mais s'il considérait la quarte du conjoint
pauvre comme un avantage successoral, la femme ne devait pas en bénéficier. De la qualification
dépendait l'issue du procès.

2) le testament du hollandais (cour d'appel d'Orléans 4 août 1895).

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Un hollandais rédige en France un testament olographe, alors que le droit hollandais exige
plutôt un testament authentique. La validité était donc discutée, le juge devait donc trancher le
conflit de qualification en disant s'il s'appuie sur le droit français pour qualifier (testament valable)
ou sur le droit hollandais (testament nul).

3- le mariage du grec orthodoxe (cours de cassation française chambre civile 22 juin 1955:
arrêt Caraslanis).

Un grec orthodoxe se marie à l'état civil en France alors que la loi de son pays lui exige plutôt un
mariage religieux devant le rabbin (prêtre). La validité du mariage était discutée. Si le juge qualifié
selon la loi grecque le mariage était nul car la célébration religieuse est une condition de fond en
droit grec ; s'il qualifié selon la loi française le mariage était valable parce qu'il s'agissait d'une
simple condition de forme.

B- LA SOLUTION AU CONFLIT DE QUALIFICATION.

Depuis l'arrêt caraslanis, il est acquis en droit international privé que le conflit de qualification
se résout lex fori c'est-à-dire selon la loi du juge saisie ou plus précisément selon les systèmes
juridique du juge saisie.

Cependant cette solution ne signifie pas que la qualification lege causae est mise de côté (selon
le juge étranger). En effet, le juge commence son raisonnement toujours par la qualification Lege
causae. C’est pourquoi le doyen Henri Batiffole dit que: « la phase d'analyse est menée lege
causae et la phase de jugement est menée lege fori »

C- LE PROBLEME DE LA QUALIFICATION DANS LE SYSTEME OU ORDRE JUDICIAIRE PLURALISME.

Un ordre juridique pluraliste est celui dans lequel une pluralité des lois issues de sous-système
est susceptible de s'appliquer. La qualification lege fori devient alors difficile à être mise en œuvre
parce que le choix entre les lex fori n'est pas évident autrement dit comment choisir une lex fori
pour le conflit de qualification au détriment des autres.

Face à ces situations monsieur Tyam le Libanais pense qu'il est impossible de qualifier Lege fori
et que la meilleure qualification doit se faire lege causae. il prends ainsi appuie sur les différentes
lois confessionnelles libanaises placées toutes sur le même pied d'égalité.

Madame Brigitte Djudje la camerounaise s'inscrit en faux face à cela : selon elle, qui dit ordre
juridique pluraliste ne dis pas forcément qualification lege causae. Tout dépend de la physionomie
de l'ordre juridique pluraliste, si la qualification lege causae peut convenir à un ordre juridique
pluraliste égalitaire, la qualification lege fori est possible dans un ordre juridique pluraliste
hiérarchisé comme celui du Cameroun. Ainsi le juge pourra puiser à chaque fois soit dans le droit
anglo-saxonne, soit dans le droit Romano germanique, soit dans le droit coutumier pour opérer la
qualification lege fori.

D- LA QUALIFICATION LEGE FORI EST LE FORÇAGE DES CATEGORIES JURIDIQUE.

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Il peut arriver que l'institution litigieuse soit inconnue du système juridique du fort. A ce
moment le juge va procéder à un forçage de ces catégories existantes afin d'y faire entrer
l'institution étrangère et réaliser alors sa qualification lege fori. Exemple si un camerounais
polygame va vivre en France avec ses différentes épouses, le juge français va forcer sa catégorie
mariage qui ne connaît que la monogamie où il fait entrer la polygamie.

III - LA MISE EN ŒUVRE DE LA REGLE DES CONFLITS : LES PROBLEMES DE LA LOI ETRANGERE.

Après avoir qualifié et rattaché, le juge détient désormais entre ses mains la loi applicable qui
peut être soit la lex fori c'est-à-dire sa propre loi, soit la loi étrangère. Lorsqu'il s'agit de la loi du
for, aucun problème particulier ne se pose au juge, Jura novit Curia(les juges connaissent sa loi et
il l’applique). Le juge se comporte alors comme dans une affaire de droit privé interne.

En revanche, lorsque la règle de conflit désigne plutôt une loi étrangère, une série de problèmes
va se poser :

-Le juge est-il obligé d'appliquer la loi étrangère désignée par la règle des conflits?
Autrement dit, la règle des conflits a-t-elle à l'égard des parties et à l'égard du juge un caractère
impératif ou un caractère facultatif ? C'est le problème d'application d'office de la règle des conflits.

-Qui doit prouver la loi étrangère (charges) et comment la prouver (moyens) ? C'est le
problème de la preuve de la loi étrangère.

Le problème d'application d'office de la loi étrangère et le problème de la preuve de la loi étrangère


forme ce qu'on appelle en droit international privé le statut de la loi étrangère.

A- LE PROBLEME D'APPLICATION D'OFFICE DE LA LOI ETRANGERE.

Est-ce que le juge est obligé d'appliquer la loi étrangère dans un litige si les parties ne lui
demandent pas ?

La réponse à cette question a évolué en droit international privé suivant une jurisprudence en
dent de scie.

Dans un premier temps, là jurisprudence s'est intéressée à la nature des lois et dans un second
temps à la nature des droits.

1- la jurisprudence et la nature des lois.

La Cour de cassation française a estimé que, si la règle de conflit désigne la lex fori alors le juge
est obligé de l'appliquer. Ainsi, la règle de conflit a un caractère impératif.

En revanche, si c'est une loi étrangère la règle des conflits a un caractère facultatif dont le juge
n'est pas obligé. C'est ainsi que dans l'arrêt Bisbal (cours de cassation 1er chambre civile, 12
mars 1959) le juge dit qu'il n'est pas obligé d'appliquer la loi étrangère. Cette solution a été
confirmée 2 ans plus tard dans l'arrêt compagnie algérienne banque et de crédit (cours de

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cassation 1er chambre civil, 11 octobre 1988) et Schule (cours cassation 1er chambre civile,
18 octobre 1988) la Cour de cassation dit que le juge est obligé d'appliquer la loi étrangère.

Cependant, avec l'arrêt Coucke et surtout l'arrêt Coveco (cours de cassation chambre civile,
4 décembre 1990) la Cour de cassation distingue selon l'origine de la loi étrangère. Si cette loi est
d'origine conventionnelle c'est-à-dire provenant d'une convention internationale, le juge est tenu
de l'appliquer. Dans le cas contraire il ne l'est pas.

2- la jurisprudence et la nature des droits.

C'est dans l'arrêt sociétés mutuelles du Mens (cours cassation, chambre civil, 26 mai
1999) que la Cour de cassation française décide : « si les droits litigieux sont des droits
disponibles, le juge n'est pas obligé d'appliquer la loi étrangère. Par contre, si ces droits sont
indisponibles, le juge est obligé d'appliquer la loi étrangère».

Les droits disponibles sont ceux laissés à la libre disposition des parties. Ces sont les droits qui
sont dans le commerce ; en revanche les droits indisponible sont ceux qui ne sont pas laissés à la
libre disposition des parties comme en matière de statut personnel. Cela veut dire que si la règle
des conflits désigne la loi étrangère en matière de divorce, c'est cette loi qui sera appliquée.

B- LE PROBLEME DE LA PREUVE DE LA LOI ETRANGERE.

Ces problèmes se déclinent en deux parties : celui de la charge de preuve c'est-à-dire qui doit
prouver? et celui de moyen de la preuve c'est-à-dire comment prouver la loi étrangère ?

1- la charge de la preuve.

Depuis l'arrêt Lautour (cours de cassation, chambre civile, 22 mais 1945) la loi étrangère
étant considérée comme un fait, donnant un caractère factuel à la règle des conflits. La charge de la
preuve pèse sur les parties : Damihi factum tibi jus c'est-à-dire tu me donnes les faits je te
donne le droit. Donc la charge de la preuve incombe aux parties. Bien plus, la Cour de cassation a
bilatéralisé la charge de la preuve de la loi étrangère qui peut passer tour à tour du demandeur au
défendeur et vice-versa. Chaque personne qui invoque une loi étrangère au soutien d'une
prétention doit apporter la preuve. C'est la solution de la chambre civile de la Cour de cassation
dans l'arrêt THINET rendu le 24 janvier 1984.

2- les moyens de la preuve.

Lorsque la loi étrangère était considérée comme un fait dans les arrêts Bisbal et Lautour, les
parties doivent prouver à l'aide d'un certificat de coutume. C'est un document délivré par une
ambassade à un consulat indiquant la loi étrangère. Seulement, le certificat de coutume a été
critiqué parce-que les parties qui passent la commande peuvent tromper l'ambassadeur ou le
consul.

C'est pourquoi, depuis l'arrêt Coucke du 13 janvier 1993 cours de cassation, chambre
civile, la loi étrangère n'est plus considérée comme un simple fait, mais comme une véritable règle
de droit. (On est passé du caractère factuel au caractère juridique de la loi étrangère)

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La charge de la preuve de la loi étrangère incombe au juge qui peut se faire aider par ses
parties. C'est la solution des arrêts jumeaux Aubin (cours de cassation, chambre civil, 28 juin
2008) et Itraco (cour cassation, chambre commerciale, 28 juin 2008) dans laquelle, la Cour de
cassation française dit en substance que: « la charge de la preuve de la loi étrangère incombe
principalement au juge qui doit en rechercher le contenu au besoin avec l'aide des parties, que
les droits soient disponibles ou indisponible. Il peut faire aussi usage de sa connaissance
personnelle du droit étranger ».

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