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Thérèse Atangana-Malongue

Cours de Droit International Privé

Master 1

Université Omar Bongo (Gabon)


Bibliographie Générale

I/ Ouvrages

- Dominique BUREAU et Horatia MUIR WATT, Droit international privé, Thémis droit
PUF, 2 tomes, 2007.
- Yvon LOUSSOUARM, Pierre BOUREL et Pascal de VAREILLES-SOMMIÈRES, Droit
international privé, 8e éd. Précis Dalloz, 2004.
- Bernard AUDIT,Droit international privé, Economica, 5e éd., 2008.
- Daniel GUTMANN, Droit international privé, Cours, 5e éd. Dalloz, 2007
- Jean DÉRUPÉ et Jean-Pierre LABORDE, Droit international privé, Mémentos 16e éd.
Dalloz, 2008.
- Françoise MONÉGER, Droit international privé, Objectif droit, 5e éd. Litec, 2009.
- Thierry VIGNAL, Droit international privé, Armand Colin, 2005.
- Hugues FULCHIRON et Cyril NOURISSAT, Travaux dirigé de Droit international privé,
Objectif droit, 3e éd. Litec, 2007.
- Sandrine CLAVEL, Droit international privé, Hyper Cours, Dalloz, 2009.
- Pierre MAYER et Vincent HEUZÉ,DIP, Domat, Montchrestien, 9e éd. 2007
- Bernard ANCEL et YvanLEQUETTE, Grands arrêts de la jurisprudence française de
droit international privé, Sirey, 5e éd., 2006.
- Henri BATIFFOL,Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, 1956.
(rééd. 2002, présentation Y. Lequette)
- Henri BATIFFOL et Pierre LAGARDE, Droit international privé, LGDJ, t. I, 8e éd.,
1993, t. II, 7e éd., 1983.
- D HOLLEAUX,Jacques FOYERet G de GEOUFFRE DE LA PRADELLE, Droit international
privé, Masson, 1987.

II/ Encyclopédies

- Encyclopédie Dalloz, Répertoire de droit international, 3 vol., (dir.) D. Carreau, P.


Lagarde et H. Synvet,
- Juris-Classeur droit international, 11 vol., (dir.) H. Fulchiron,
III/ Revues

- Journal du droit international (Clunet)


- Revue critique de droit international privé

IV/ Instruments juridiques pertinents

- Code civil gabonais et Jurisprudence gabonaise


- Traité de l’OHADA et les différentes Uniformes et Jurisprudence de la CCJA
- Les grands arrêts de la jurisprudence française de DIP, Dalloz, 2006.
- Conventions internationales (Convention de Rome, Convention de Vienne, les actes
uniformes OHADA, etc..)
A. Les sources internes en DIP
Ce sont, dans chaque pays, les sources ordinaires du droit : la loi, la coutume, la
jurisprudence. Leur importance est variable selon les matières et les pays.

1. La loi
Par loi, on entend un texte de portée générale, impersonnelle et obligatoire, élaborée par une
autorité publique. Considérée par les juristes de tradition latine comme la source principale du
droit, elle n’a pas la même importance en DIP. Si son rôle est central dans les parties de la
matière que sont la nationalité, le droit des étrangers, il est plutôt secondaire en matière de
conflit de lois et de juridictions notamment en France et au Cameroun. Ainsi pendant
longtemps, le seul texte de loi en matière de conflit de lois était l’article 3 du code civil qui
se borne à indiquer les grandes lignes du règlement des conflits de lois à propos des statuts
réels et des statuts personnels.
En revanche, dans d’autres pays qui ont récemment légiféré en la matière tels que le Gabon, la
loi occupe une place déterminante depuis la réforme du Code civil Gabonais (cf. art. 25 à
77).On peut également citer le CPF du Bénin (art. 962-1016). La nécessité de codifier le DIP
s’impose. L’Avant-projet de code camerounais des personnes et de la famille s’y attèle.
En matière de conflit de juridictions, là encore les textes du code civil sont rares ( art. 14 et 15
sur la compétence des juges camerounais en présence d’une situation internationale, ou art.
27 et art. 71 à 77 du Code civil gabonais ; art. 962 à 972 du CPF béninois).

2. La jurisprudence
C’est à elle que l’on doit la plus grande partie des règles de DIP (à partir du seul art. 3 du c.
civ.), le législateur gabonais n’étant intervenu que très tardivement. Il s’agit surtout en cette
matière des décisions des tribunaux judiciaires. Il est certes vrai que les juridictions
administratives ont joué également un rôle dans la construction du droit de la nationalité et de
la condition des étrangers. C’est en usant de son pouvoir d’interprétation et en assumant son
obligation de juger malgré l’absence de texte que la JP a crée l’essentiel des règles applicables
en DIP.
L’évolution de la jurisprudence, du fait des revirements, apparait en dents de scie, ce qui
complique la tâche des interprètes. Il faut dire que cette œuvre jurisprudentielle a été facilitée
par une activité doctrinale importante.

3. L’influence de la doctrine

Son influence est grande surtout dans le droit des conflits où les textes ont été peu nombreux.
Sans être une autorité directe de création des règles, la doctrine a inspiré plusieurs
solutions jurisprudentielles. De nombreux arrêts empruntent directement les théories
doctrinales. On doit à la doctrine, l’affinement des concepts fondamentaux tels que l’effet
atténué de l’ordre public, la fraude à la loi ainsi que les réflexions sur les conflits et
qualifications ou les renvois (V. la formule de la localisation du contrat (pour déterminer la
loi applicable à défaut de choix express d’une loi par les parties) employé par la Cour de
cassation est empruntée au doyen BATIFFOL)
Les principaux modes d’expression écrite de la doctrine sont actuellement : les Traités et
Manuels (Niboyet ; Batifol et Paul Lagarde ; Yvan Loussouarm, Pierre Bourel et P. de
Vareilles-Sommières ; P. Mayer et Vincent Heuzé ; Dominique Bureau et Horatio Muir-
watt ; Bernard Audit ; Daniel Gutmann ; Pierre Courbe ; Françoise Monéger, Pierre
Meyer), les Encyclopédies et Juris-classeurs, les périodiques : Revue critique de DIP et le
Journal du DIP.

B. Les sources internationales


L’existence des sources internationales satisfait les universalistes. On y range les traités, la
coutume internationale et la jurisprudence internationale.

1. Les traités
Ce sont des accords conclus entre des Etats pour résoudre des difficultés nées des divergences
entre les législations. On les classe en deux catégories : les Traités bilatéraux (entre deux
Etats, plus facile à négocier mais accentuent la division du droit d’où la tendance des juges à
les considérer comme des règles d’exception soumises à interprétation restrictive. Fréquents
en matière de condition des étrangers) et les Traités multilatéraux (entre plusieurs Etats,
difficile à conclure car ils visent à des règles de valeur universelle ou pouvant être acceptées
par le plus grand nombre.
L’unification qu’ils réalisent concerne soit les règles de fond (ou règles matérielles traitant
directement le fond du droit, elle contribue au rapprochement des législations nationales et
excluent le conflit de lois : exemple, le Traité instituant une organisation et l’harmonisation en
Afrique du droit des affaires OHADA de 1993 (art 10 : « Les actes uniformes sont
directement applicable et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition
contraire de droit interne antérieure ou postérieure » ; la Convention de Tananarive du 12
septembre 1961 sur la coopération en matière de justice (Cameroun, Centrafrique, Congo,
Gabon, Côte-d’Ivoire, Dahomey (actuel Bénin), Haute-Volta, Mauritanie, Niger, Sénégal et
Tchad) ; le Traité de Paris sur la propriété industrielle, le Traité de Bernes 1886 sur la
propriété littéraire et artistique ; la Convention de Vienne du 11 avril 1981 sur les contrats de
vente internationale de marchandises), soit les règles de conflit. (La Convention de Rome du
19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, transformée en Règlement
Rome I du 17 juin 2008)
L’unification des règles de conflit a été réalisée en grande partie sous l’égide de la Conférence
de la Haye de DIP instituée en 1883, avec aujourd’hui 96 Etats, avec des sessions plénières
tous les 4 ans.

2. La coutume internationale
C’est l’ensemble des règles non écrites de DIP que la plupart des Etats estiment devoir
respecter. Elle est parfois invoquée à l’appui de solutions largement retenue (par exemple la
compétence exclusive de chaque Etat pour ce qui est de sa propre nationalité, ou encore la
compétence de la lex rei sitae pour le statut réel).
On range également dans la coutume internationale, l’ensemble des contrats types et les
usages établis de façon spontanée par les auteurs du commerce international. Cet ensemble de
règles appelé lex mercatoria (la loi des marchands dont l’origine remonte au Moyen âge) joue
un rôle important dans la régulation des échanges internationaux.
Cependant, la nature de cette lex mercatoria est discutée en doctrine. Est-ce une véritable
source du DIP ? Sa portée reste limitée faute d’une réception par la loi ou la jurisprudence
internationale.

3. Les décisions de la Cour internationale de justice de la Haye et de la Cour


commune de justice et d’arbitrage (CCJA)
Elles sont peu nombreuses car elles impliquent une saisine de la CIJ par les Etats, ce qui est
rare en matière de droit privé. La CIJ s’est prononcée de manière incidentes sur les questions
suivantes : La nationalité (arrêt Nottebohm du 6 avril 1955, opposabilité aux Etats tiers des
actes de naturalisation) ; la condition des étrangers (arrêt du 25 mai 1926, expropriation
sans indemnité par la Pologne des usines allemandes en Silésie, arrêt Barcelona du 5 février
1971, protection diplomatique des actionnaire d’une société) ; le droit des conflits (arrêts du
12 juillet 1929, emprunts yougoslaves et brésiliens en France, arrêt Boll du 20 novembre
1958, tutelle des mineurs ; cette affaire est à l’origine de la Convention de La Haye du 5
octobre 1961 sur la protection des mineurs).
En ce qui concerne l’OHADA, le Traité prévoit dans son article 14 que « la CCJA assure
dans les Etats parties l’interprétation et l’application commune du présent traité, des
règlements pris pour son application et des Actes uniformes ».

C. Les rapports entre les diverses sources du DIP


Pour présenter ces rapports, il est important de rappeler le conflit de tendances (1) et le conflit
des conceptions de l’ordre juridique (2) avant de dire précisément un mot sur la place du
Traité et de la loi au Gabon et au Cameroun (3).
1. Le conflit de tendances
Il existe deux attitudes face au problème de la valeur respective des sources internes et des
sources internationales.
Les universalistes affirment la primauté des sources internationales. Ces auteurs soutiennent
l’existence d’un droit international transcendant les limites des Etats. Le plus célèbre est
PILLET. Pour ces auteurs, les problèmes surgissant dans les relations internationales
concernent la société internationale dans son ensemble. Ils soutiennent qu’il est non seulement
souhaitable mais possible de leur trouver une solution internationale, commune à tous les
Etats et donc de valeur universelle. Pour les auteurs de cette tendance, priorité doit être
accordée aux sources internationales.
Les particularistes privilégient les sources internes. Pour eux, le DIP a et ne doit avoir pour
objectif que de résoudre des problèmes propres à chaque pays en respectant les intérêts
propres à chaque Etat dans les rapports internationaux. Parmi les particularistes, on cite
BARTIN, NIBOYET, de VARIELLES-SOMMIERES. Pour les particularistes, le DIP est une
projection des droits internes sur un plan international et la discipline existe parce que les
solutions internes sont variées.
2. Le conflit des conceptions de l’ordre juridique
La conception de l’ordre juridique a une influence sur le problème de coordination et de la
hiérarchie des sources internes et internationales. Deux conceptions s’opposent : La thèse
moniste qui considère que l’ordre juridique internationale et l’ordre juridique interne forment
un ensemble unique de règles dans chaque pays. Dans cette unité, les règles internationales
sont hiérarchiquement supérieures aux règles internes (cas du Cameroun, du Gabon). Dans la
thèse dualiste, les ordres juridiques internes et l’ordre juridique international sont des
systèmes de droit indépendants, distinct et égaux.
En tout état de cause, dans les faits, les sources internes sont normales et nécessaires car il est
impossible de faire totalement abstraction des particularismes et des intérêts nationaux. Les
sources internationales sont souhaitables car elles améliorent les relations internationales.
3. Le rapport du traité et de la loi au Gabon
Le principe de la supériorité du Traité sur la loi est affirmé au Gabon par la Constitution (art.).
D’après ce texte, les Traités et accords internationaux régulièrement approuvés et ratifiés
ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois sous réserve de
réciprocité. Il convient de préciser qu’en droit gabonais, en sus de la Constitution du 15 mars
1991 (modifiée par la loi n° 1/94 du 18 mars 1994 ; la loi n° 18/95 du 29 septembre 1995 ; la
loi n° 1/97 du 22 avril 1997 ; la loi n° 14/2000 du 11 octobre 2000 et la loi n° 13/2003 du 19
août 2003 et la loi n° 047/2010 du 12 janvier 2011), le Code civil prévoit des dispositions sur
la force obligatoire des traités et accords internationaux (art. 14 et 15, C. civ gab), ce qui dans
nos contextes juridiques africains n’est pas superflu.
En ce qui concerne l’interprétation des Traités par les juges gabonais, la question est de
savoir si les tribunaux peuvent interpréter un Traité régulièrement ratifié ? Ou alors ce
pouvoir d’interprétation est-il réservé à l’exécutif qui a négocié et ratifié le traité ? En
France, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat n’ont pas toujours donné la même réponse à
cette question.
Les chambres civiles de la Cour de cassation ont admis la compétence des tribunaux
judiciaires pour interpréter les traités « sauf lorsque les dispositions soumises à leur
interprétation mettent en jeu les questions de droit public international ». Ainsi, lorsque le
Traité mettait en présence des intérêts privés, le juge judiciaire se déclarait compétent et le cas
contraire renvoi était fait au Gouvernement. Cette position est celle toujours en vigueur au
Cameroun. En droit français, la question a fait l’objet d’une évolution puisque depuis l’arrêt
Banque africaine de développement du 19 décembre 1995 (Rev. Crit. DIP 1996, p. 468, note
B. Oppetit), le juge judiciaire est apte pour interpréter les traités internationaux invoqués dans
la cause soumise à son examen sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’avis d’une autorité non
juridictionnelle. En l’espèce, l’interprétation d’un accord portant création de la BAD.
Traditionnellement, le Conseil d’Etat estimait que l’interprétation des traités devait être
demandée au Gouvernement (relevant de l’exécutif). Mais par l’arrêt Gristi du 29 juin 1990
(Rev. Crit. DIP 1991, 61, concl. Abraham, note P. Lagarde), le Conseil d’Etat a posé que le
juge administratif a le droit d’interpréter lui-même les traités internationaux sans être
lié par l’interprétation gouvernementale. En l’espèce, l’interprétation d’un accord franco-
algérien en matière de regroupement familial qui accordait ce regroupement aux enfants
mineurs. Il va même jusqu’à décider que l’Etat est tenu de réparer le préjudice résultant de la
méconnaissance d’une convention internationale (CE, 8 février 2007, arrêt Gardedieu).
Dès lors que le juge peut interpréter les traités, une autre question se pose : quelles méthodes
d’interprétation doit-il suivre ? Celle utilisée pour les lois internes ou au contraire suivre les
règles du droit international public énoncées dans les traités ? Le principe de la supériorité des
traités sur les lois invite à suivre la seconde méthode.
Le particularisme du DIP se prolonge sur le terrain de la méthode.

IV/ Les méthodes du DIP

Il y a essentiellement deux manières d’appréhender une question de DIP : la méthode directe


et la méthode indirecte.
A. La méthode directe (les règles substantielles)
Il s’agit ici de chercher à élaborer des règles matérielles ou substantielles qui vont donner
directement la solution. La méthode directe se rencontre dans le droit de la nationalité, de la
condition des étrangers, en matière de conflit de juridictions et d’effets des jugements
étrangers. Elle se rencontre également dans certains traités internationaux (Convention de
Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, Convention de Vienne du 11 avril
1980sur les contrats de vente internationale de marchandises, l’ensemble des Actes uniformes
de l’OHADA notamment l’Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage
(AUA), l’Acte uniforme relatif au droit commercial général du 15 décembre 2010 (AUDCG),
l’Acte uniforme du 17 mars 1997 révisé le 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), l’Acte uniforme du 24
mars 2000 relatif au droit comptable, l’Acte uniforme du 17 avril 1997 révisé le 15 décembre
2010 portant organisation des sûretés (AUS), l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’Acte uniforme du 22 mars
2003 relatif aux contrats de transport de marchandises par route (AUTM), l’Acte uniforme
relatif au droit des sociétés coopératives du 15 décembre 2010 (AUSCOOP)).
Elle se rencontre aussi en jurisprudence lorsque le juge énonce des règles matérielles qui ne
s’appliquent que dans les relations internationales (Cf. arrêt Messageries maritimes du 21
juin 1950 qui a posé une règle matérielle en validant les clauses valeur-or pour les contrats
internationaux). Elle se rencontre enfin dans la théorie des lois de police puisqu’il s’agit alors
d’appliquer directement la loi du for dans certaines matières sans se préoccuper de l’élément
d’extranéité de la situation en cause.

B. La méthode indirecte (les règles de conflit)


Il s’agit d’énoncer des règles de conflit de lois en fonction de la question posée, règles de
conflit qui permettront de désigner la loi applicable mais qui ne donneront pas
directement la solution puisque celle-ci dépendra de l’application de la loi désignée par la
règle de conflit.
D’après celle-ci, chaque fois qu’une juridiction doit connaître d’un litige comportant un
élément extranéité, elle doit consulter son propre système précisément sa propre règle de
conflit et déterminer la loi applicable.
Plan. La prise en compte de ces deux méthodes qui cohabitent oblige à procéder à des
regroupements permettant d’examiner d’abord la théorie générale du droit des conflits
(conflits de lois et conflits de juridictions), ensuite le droit spécial des conflits de lois.
SECTION 2
LA MÉTHODE UNILATÉRALISTE
La méthode unilatéraliste de règlement de conflit de lois est née de l’impossible usage de la
méthode bilatéraliste dans certaines hypothèses prolongeant la tradition territorialiste tout en
la dépassant. Elle se propose de corriger les faiblesses du bilatéralisme.
Des auteurs allemands tels que SCHNELL, puis NIEDLER ont entrepris au moment de
l’élaboration du BGB (code civil allemand) à la fin du 19 e siècle de démontrer l’atteinte à
leurs yeux inacceptables que le bilatéralisme portait à la souveraineté étrangère. En France
NIBOYET fut sensible à l’unilatéralisme tout en faisant observer qu’il ne pouvait être
envisagé que de lege ferenda.
Pour cerner l’unilatéralisme, il est important de comprendre la notion (§1) puis d’envisager sa
réception par le droit positif gabonais (§2)

§1 La notion d’unilatéralisme
L’unilatéralisme est la doctrine qui prône une réglementation directe du rapport de droit,
en évitant de passer par le canal de la méthode bilatérale ou conflictuelle. Ainsi attribuer
à la règle de conflit un caractère unilatéral, c’est considérer que l’objet de cette règle est de
déterminer le champ d’application dans l’espace d’une loi et par conséquent de limiter son
objet à la seule désignation de la loi du for. La règle de conflit unilatérale est celle qui
détermine le domaine d’application d’une loi. On part de la loi (du for) pour définir son
champ d’application dans l’espace.
On doit à QUADRI d’avoir systématisé une théorie de conflit des lois fondée sur l’idée que
chaque Etat détermine tacitement le champ d’application de ces lois dans l’espace. Ce
champ variant en fonction du contenu de sa loi.
Cette méthode est séduisante par sa simplicité mais cette qualité est également son principal
défaut. En effet, le problème majeur de l’unilatéralisme vient de ce que cette méthode
s’appuie sur le postulat que les Etats peuvent naturellement se coordonner dans l’espace
international. Or, l’expérience montre qu’il s’agit d’une simple vue de l’esprit. Parfois, les
Etats se considèrent simultanément compétents pour appréhender une situation juridique, c’est
l’hypothèse où deux pays réclament l’application de leur loi au rapport juridique ; parfois ils
rejettent ou refusent leur compétence. Pourtant le juge saisi doit trancher sur la base de ces
éléments de la coordination nationale. On comprend que cette méthode de règlement de
conflit ait eu un succès limité en droit positif qui ne l’a réceptionné que pour résoudre des cas
très précis.

§2 La réception de l’unilatéralisme par le droit positif gabonais


Au Gabon, l’unilatéralisme connait deux formes principales : les règles de conflit unilatérales
(A) et les lois de polices (B)

A. Les règles de conflit unilatérales


On distingue deux types de règles de conflit unilatérales : les fausses et les vraies.
L’article 3, alinéa 3 du Code civil français qui dispose que : « Les lois concernant l’état et la
capacité des personnes régissent les Français même résidant en pays étrangers » est
classiquement citer comme faussement unilatérale. En apparence, il s’agit d’une règle de
conflit unilatérale puisqu’elle ne fait explicitement que fixer le domaine d’application de la loi
française. Un autre exemple peut être tiré de l’article 49 du code civil gabonais qui énonce
que : « Le régime matrimonial des époux qui se sont mariés sans faire un contrat est soumis
à la loi gabonaise en vigueur à l’époque du mariage ». En réalité, ces règles sont aisément
« bilatéralisable » car elles permettent de dégager une règle générale d’après laquelle d’une
part l’état et la capacité d’une personne sont régis par la loi du pays dont cette personne a la
nationalité et d’autre part que le régime matrimonial est soumis à la loi de l’Etat dont les
époux sont des nationaux.
En revanche, certaines règles sont véritablement des règles de conflit unilatéral. Il en est ainsi
de l’article 310 du code civil français. Son alinéa 1er soumet le divorce et la séparation de
corps des époux de nationalité française à la loi française. Peut-on en déduire que le divorce
est régi par la loi commune des époux ? La réponse est négative puisque le second alinéa
prévoit que la loi française s’applique également lorsque les deux époux ont l’un et l’autre
leur domicile sur le territoire français. Par conséquent, deux époux de nationalité gabonaise
domiciliés en France sont soumis aux règles françaises sur le divorce. Il n’est donc pas
possible de bilatéraliser l’alinéa premier : il s’agit donc d’une vraie règle de conflit
unilatérale. L’article 48 du Code civil Gabonais est également une vraie règle unilatéraliste :
« La loi gabonaise régit la faillite et la liquidation judiciaire de tout commerçant domicilié au
Gabon ou y possédant soit un établissement commercial et industriel, soit des éléments
d’actifs ». Il en est de même de l’ article 50 : « Les dispositions du contrat de mariage
relatives aux biens sont soumises à la loi gabonaise ».
On voit bien que la différence entre les vraies et les fausses règles de conflit unilatérale réside
dans la forme mais également sur le fond. C’est qu’en effet, le législateur qui pose une vraie
règle unilatérale manifeste le souci d’étendre le domaine d’application de sa propre loi. C’est
un mécanisme semblable mais de portée juridique plus radicale qui opère dans les lois de
police.

B. Les lois de police


La notion de lois de police est ancienne, on la retrouve dès 1804 dans l’article 3 du code civil
français qui dispose : « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le
territoire national ». L’ancienneté n’a pas permis de définir avec aisance la notion, celle-ci
étant l’œuvre de la doctrine et de la JP.
En DIP gabonais, l’art. 40 du C. civ. précise que : « Les lois de police régissent tous les faits
qui se produisent sur le territoire ». On peut citer également l ’article 43, C. civ gab : « Les
mesures de publicité prescrites dans un but de police par les lois d’un Etat s’appliquent à
tous les faits qui se produisent et à tous les actes qui sont passés sur le territoire de cet Etat ».
La notion mérite d’être cernée (1) avant que ne soit envisagé sa mise en œuvre (2).

1. La notion de lois de police


C’est FRANCESCAKIS qui le premier a étudié, en France, les lois de police qu’il appelait
encore lois d’application immédiate. La définition qu’il en donne est fondée sur le contenu
de ces lois : Ce sont des lois « dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de
l’organisation politique, sociale et économique du pays » (Rep. Dr. Int. Dalloz, 1re éd., V.
conflit de lois). Il s’agit donc de dispositions impératives qui vont s’appliquer à une situation
donnée, même si cette situation présente des liens avec un autre Etat.
En effet, la loi de police s’applique sur le fond de façon prioritaire, quelle que soit la loi
applicable aux rapports de droit. Un exemple de loi de police nous est fourni par le Code de
travail gabonais. Selon ce texte, « Tout contrat de travail conclu pour être exécuté au Gabon,
est soumis au Code de travail gabonais».
C’est encore le cas du bail d’un immeuble situé au France qui est impérativement soumis à la
réglementation française concernant les loyers indépendamment de l’élément d’extranéité.
De même, l’arrêt célèbre Cie internationale des Wagons-lits du 29 juin 1973 (CE, GA n° 53)
a énoncé qu’une entreprise ayant son siège à l’étranger mais employant en France plus de 50
salariés ne saurait échapper à la législation française sur les comités d’entreprise.
La Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles
met en œuvre la catégorie des lois de police dans son article 7, à la fois les lois de police du
for (al.2) et les lois de police étrangères (al. 1 er). Le Règlement Rome I du 17 juin 2008 qui
remplace cette convention a donné une définition très stricte des lois de police inspirée de la
jurisprudence de la CJCE, dans son article 9§1 : « Une loi de police est une disposition
impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts
publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger
l’application à toute situation entrant dans son champ d’application quelle que soit par
ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement ».Il faut souligner que la
qualification de loi de police n’a d’intérêt que si la loi applicable au fond est une loi étrangère.
Pour avoir une vue exhaustive des lois de police, il convient de les situer par rapport aux lois
d’application territoriale et immédiate (a) et par rapport aux règles de conflit (b).

a- Distinction entre lois de police, lois d’application territoriale et lois d’application


immédiate
La notion de « loi de police » ne se confond pas totalement avec celle de « loi d’application
territoriale ». On entend par loi d’application territoriale, une loi qui doit être appliquée par
toutes les autorités du territoire. Sur cette base, les tribunaux ont parfois assimilé loi de police
et loi territoriale. Cette assimilation est hâtive car il existe des lois territoriales qui ne sont pas
des lois de police. Par exemple, dans la plupart des pays, le statut réel relève de la lex rei
sitae ; pourtant le statut réel constitue une catégorie de rattachement. Autre exemple,
« Doivent être déclarés à l’état civil gabonais les naissances et décès survenus sur le
territoire gabonais quel que soit la nationalité des intéressés » (art. 59, C. civ. Gab). En
revanche une loi de police est toujours d’application territoriale ; même si par ailleurs elle
peut s’appliquer à raison d’un critère personnel. Tel est le cas d’une interdiction d’exporter
visant tous les ressortissants de l’Etat qui l’édicte. De sorte qu’une loi de police, devant être
appliquée uniformément par toutes les autorités sur le territoire du pays qui l’émet, peut ne
pas concerner tous les individus se trouvant sur ledit territoire.
En revanche, la notion de « loi de police » est synonyme de la notion de « loi d’application
immédiate ». Il s’agit en réalité d’une même idée présentée de façon différente dans chaque
expression. Tandis que la notion de loi de police renvoie à des considérations tenant à son
contenu particulièrement contraignant, la notion de « loi d’application immédiate » fait
mieux apparaître le fait que ladite loi s’impose sans considération pour les lois étrangères. On
rencontre aussi en doctrine l’expression « règles d’application nécessaires » (cf. P. Mayer et
V. Heuzé, n° 120).

b- Distinction entre lois de police et règles de conflit


Les lois de police s’opposent à la règle de conflit pour au moins trois raisons : D’abord la loi
de police est d’application spontanée. On ne passe pas par l’intermédiaire de la règle de
conflit pour désigner la loi compétente. La présence d’une loi de police supprime purement et
simplement la nécessité de rechercher à quelle loi la règle de conflit aurait donné compétence.
Ensuite, l’approche du problème n’est pas la même dans les deux procédés. Dans la
méthode conflictuelle, on part d’une situation concrète qu’on tente de rattacher à une loi en
mesurant l’intensité de ses liens avec les différents pays en concours. En présence d’une loi de
police, le processus est inversé, on part du champ d’application de la loi dans l’espace. A
partir de là, on recherche l’existence d’une loi locale qui revendique impérativement
irrésistiblement son application. Ici, c’est la loi de police qui fixe elle-même son domaine
d’intervention. Enfin, la loi de police n’écarte pas l’application de la loi étrangère
normalement compétente en vertu de la règle de conflit en raison de son caractère choquant
comme en matière d’exception d’ordre public international. La loi d’application immédiate
se fait sentir avant, le contenu de la loi étrangère est totalement indifférent.
Malgré tous les efforts visant à clarifier la notion de loi de police, un seul point est acquis :
l’impossibilité de découvrir un critère suffisant et précis pour la caractériser. Les lois de
police sont finalement une série de dispositions éparses et sans homogénéité dans les
différents domaines du droit. Il reste cependant que cette notion est réelle et qu’il faut se
préoccuper de sa mise en œuvre.

2. La mise en œuvre des lois de police


Elle varie selon qu’on se trouve en présence d’une loi de police du for (a) ou d’une loi de
police étrangère (b).

a- L’application des lois de police du for


En présence d’un litige international, si le juge compétent identifie dans le droit du for une
loi de police, il a l’obligation de l’appliquer et s’abstenir de faire appel à la méthode
conflictualiste. Le cas le plus simple est celui où le législateur a expressément précisé le
champ d’application territorial de la règle impérative qu’il pose. Dans une telle hypothèse, le
juge ne peut qu’appliquer cette loi de police même si la solution lui semble excessive. Il n’a
pas d’autre choix que de respecter la volonté de son ordre juridique qui les a instituées. La
difficulté s’accroît parfois lorsque le législateur est resté silencieux et que l’une des parties
invoque une loi de police sur le point envisagé. C’est l’hypothèse de l’arrêt Cie des wagons-
lits. Le principe général est celui de la primauté des lois de police du for sur les lois
normalement applicables. Il a reçu une consécration textuelle à l’article 7 de la Convention
de Rome de 1980.
Le droit communautaire européen intervient pour contrôler la légitimité des lois de police
dans l’espace européen afin d’éviter que certaines de ces dispositions impératives constituent
des entraves à la libre circulation des personnes, des marchandises ou des services.
Deux test permettent ce contrôle de légitimité : Le test de compatibilité ou de
proportionnalité consiste à vérifier que la loi de police est non-discriminatoire, poursuit un
but d’intérêt général, est nécessaire et proportionnée à l’objectif recherché. Le test
d’équivalence a pour objet de vérifier l’utilité réelle de la loi de police de sorte que s’il existe
dans l’Etat d’origine une disposition équivalente à celle prévue par la loi de police de l’Etat de
destination et qui a déjà été respectée, la loi de police de l’Etat destinataire doit s’effacer. Ici,
le for doit donc renoncer à l’application de sa propre loi de police. Par conséquent, le for ne
retrouve sa marge de manœuvre que dans les relations avec les Etats tiers à l’Union
européenne.

b- L’application des lois de police étrangère


Le problème peut se poser de la manière suivante : un juge doit résoudre un litige à caractère
international, une loi a été désignée par la règle de conflit en occurrence la loi du juge du for ;
mais une autre loi étrangère revendique son application en tant que loi de police. Pendant
longtemps la doctrine a opposé un refus de principe à la possibilité d’appliquer une loi de
police étrangère sur la base de plusieurs arguments. La solution a été consacrée par la JP qui
suggère de respecter autant que possible les objectifs jugés essentiels par un législateur
étranger (Ch. Soc. 31 décembre 1972, arrêt Thuillier).
Mais comment appliquer les lois de police étrangère ? Deux hypothèses sont à envisager :
d’une part, la loi de police étrangère est issue de l’Etat dont la loi est désignée comme
compétente par le jeu de la règle de conflit. Sa mise en œuvre ne soulève aucun problème
particulier, la loi de police s’applique alors en vertu de la règle de conflit. D’autre part, la loi
désignée comme compétente par la règle de conflit entre en concourt avec la loi de police
d’un Etat tiers, tout le problème est de choisir entre les deux. Aucune directive n’est
donnée au juge, l’application des lois de police étrangère n’est que facultative. La possibilité
pour le juge du for d’appliquer une loi de police étrangère a été consacrée dans la convention
de Rome en ces termes : « il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi
d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit si et dans la mesure où selon le
droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le
contrat ». Le juge du for n’est pas tenu d’appliquer les lois de police étrangère, il a
simplement le loisir de le faire s’il juge que cette application est justifiée (son contenu ne doit
pas être en contradiction avec la politique du for).
De ce qui précède, il ressort que même si la méthode unilatéraliste a reçu des applications en
droit positif, sa place reste marginale car le raisonnement conflictualiste inspiré par les
travaux de SAVIGNY demeure le plus largement appliqué. C’est donc en référence à lui qu’il
est possible d’envisager les étapes de règlement de conflit de lois.
§2 : Le domaine de la qualification lege fori

Le reproche adressé à la qualification lege fori serait sans doute fondé si le juge utilisant ce
procédé devait tout mesurer à la lumière de son propre droit interne. Or il n’en est rien.
D’abord au sein même de la qualification lege fori, la référence au droit interne du for n’est
pas exclusive, elle connaît des limitations (A) ; ensuite le principe de la qualification lege fori
ne recouvre pas toutes les qualifications, il souffre des exceptions (B).

A. La désignation de la règle de conflit applicable


La qualification selon la loi du for est limitée à la désignation de la loi applicable. Ce principe
conduit à deux conséquences :
D’abord, les qualifications de la loi étrangère (lex causae) reprennent leur empire
lorsque cette loi a été désignée par la règle de conflit du for. Exemple : un accident de la
circulation a lieu au Tchad. La règle de conflit gabonaise désigne la loi tchadienne, loi du
lieu du délit. Une fois que la loi tchadienne est désignée, elle est appliquée avec ses propres
qualifications. Toutefois, si la loi étrangère désignée avait une autre qualification de la
question posée, donc une autre règle de conflit, la question du renvoi opéré par la loi désignée
à une autre loi peut se poser comme il se pose en cas de conflit de rattachement. Par exemple,
si la loi allemande du lieu du délit qualifie le cas de responsabilité, de responsabilité
contractuelle, faut-il opérer le renvoi à la loi du contrat déterminée selon la loi allemande ?
(lire Y Lequette, Le renvoi de qualification, Mélanges Holleaux, 1990, p. 249). La Cour de
cassation a semblé écarter le renvoi de qualification dans un arrêt du 11 mars 1997, mais il
s’agissait de la mise en œuvre de la loi d’autonomie exclusive de tout renvoi.
Ensuite, pour la distinction entre les meubles et les immeubles, la qualification est faite
soit par la loi du for, soit par la loi de situation des biens selon qu’il s’agit ou non de
déterminer la règle de conflit. Ainsi en matière successorale, il ya deux règles de conflit
différentes pour les meubles et les immeubles. Les meubles sont soumis à la loi du dernier
domicile du défunt, les immeubles à la loi de leur situation (Cf. Article 53, C. civ gab: « Les
successions sont soumises: 1°) En matière immobilière, à la loi de la situation des
immeubles; 2°) En matière mobilière, à la loi du dernier domicile du défunt. Toutefois, les
successions relatives aux fonds de commerce sont soumises à la loi du lieu du principal
établissement ». En revanche, s’agissant des biens en général, et non des biens successoraux,
il ya une règle de conflit unique qui désigne la loi du lieu de situation du bien (art. 44, C. civ
gab : « Les biens corporels sont soumis à la loi du lieu de leur situation »).
Par conséquent en matière successorale, ce sera la loi du for, loi gabonaise, qui devra qualifier
les biens en meubles ou immeubles pour leur appliquer la loi correspondante. Cependant, en
matière de biens, ce sera la loi de situation du bien, donc éventuellement la loi étrangère si les
biens sont à l’étranger, qui qualifiera les biens en meubles ou en immeubles (TGI Seine, 2
janvier 1966, affaire Stroganoff : Rev. Crit. DIP 1967, p. 120, note Y. Loussouarm).

B. L’intervention des traités internationaux


Certains traités peuvent donner des qualifications uniformes qu’il convient de respecter et qui
écartent par là même la qualification lege fori. La Convention de La Haye du 5 octobre 1961
sur les conflits de lois en matière de forme testamentaire donne dans son article 5 une large
acception des questions de forme. « Aux fins de la présente convention, les prescriptions
limitant les formes des dispositions testamentaires admises et se rattachant à l’âge, à la
nationalité ou à d’autres qualités personnelles du testateur sont considérées comme
appartenant au droit de la forme ». La question du « testament du Hollandais » ne pose plus,
depuis la mise en œuvre de cette convention, de problème.
SECTION 2
LE RATTACHEMENT

Le rattachement est la seconde étape du règlement du conflit de lois. Il consiste, une fois la
qualification acquise, à rattacher le problème de droit à un ordre juridique donné.
L’existence du rattachement ne pose pas de problème en présence d’une règle bilatérale
classique : une fois classé dans une catégorie de DIP du for, la question de droit est
automatiquement soumise, grâce à l’élément de rattachement correspondant à cette
catégorie, à un ordre juridique donné. Mais trois facteurs sont susceptibles de gêner
l’application de ce principe : les conflits de rattachements (§1), l’évolution du facteur de
rattachement (§2) et les questions préalables (§3).

§1 Le conflit de rattachement
Ce conflit peut être illustré par trois exemples.
Premier exemple : le statut personnel. En matière de statut personnel, les pays se
répartissent entre ceux qui soumettent ce statut à la loi nationale, comme le Gabon,le
Cameroun, la France et ceux qui soumettent le statut personnel à la loi du domicile comme
l’Angleterre, le Canada.
Deuxième exemple : les successions. En droit gabonais tout comme en droit français et
camerounais, les successions font partie du statut réel, les immeubles sont soumis à la loi de
situation, leurs meubles à la loi du lieu du dernier domicile de défunt. Dans d’autres pays
notamment l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, l’Avant-projet de code camerounais, les
successions sont rattachées au statut personnel et soumis à la loi nationale du défunt.
Troisième exemple : la nationalité des sociétés commerciales. En droit OHADA (Gabon,
Cameroun) et français, il y a rattachement à la loi du siège social qui peut être fixé, au choix
des associés, soit au lieu du principal établissement de la société, soit à son centre de
direction, en droit anglais, à la loi du pays d’incorporation de la société (loi du pays selon
laquelle la société a été constituée), en droit hollandais, à la loi du pays du siège social
statutaire.
Comment régler le conflit de rattachement ? S’agissant par exemple du statut personnel
d’un anglais domicilié en France, la règle de conflit française désigne la loi anglaise. Faut-il
s’arrêter à cette désignation et appliquer la loi interne anglaise, ou prendre en considération le
rattachement anglais à la loi du domicile, donc la règle de conflit anglaise ?Cette prise en
considération va opérer un renvoi à la loi française. C’est pourquoi la question du conflit
de rattachement est désignée par la question du renvoi.
Il existe deux types de conflit de rattachements : le conflit positif et le conflit négatif.
Il y a conflit positif lorsque plusieurs systèmes en raison des rattachements adoptés par leurs
règles de conflit de lois se considèrent compétents pour appréhender la situation. Chaque
règle de rattachement en présence donne compétence à sa propre loi. Exemple de conflit
positif : succession mobilière d’un italien qui décède au Gabon. Le juge gabonais va
appliquer la loi gabonaise, loi du dernier domicile du défunt ; le juge italien va appliquer la
loi italienne, loi nationale du défunt. Il n’ya pas harmonie des solutions du fait de la
différence du rattachement, mais la question du renvoi ne se pose pas.
Le conflit négatif par contre soulève d’immenses difficultés. Il ya conflit négatif
lorsqu’aucun des systèmes juridique en conflit ne retient sa compétence pour trancher le
problème de droit en cause. Chaque règle de rattachement attribue compétence à l’autre loi.
Exemple de conflit négatif : Succession mobilière d’un Gabonais domicilié en Allemagne. Le
juge allemand va appliquer la loi gabonaise, loi nationale du défunt (la succession mobilière
rentre en Allemagne dans la catégorie statut personnel et est régit par la loi nationale). Le
juge gabonais va appliquer la loi allemande du dernier domicile du défunt (en droit
gabonais, la succession mobilière rentre dans la catégorie statut réel, comme en France, et
est rattaché à la loi du dernier domicile du défunt). On voit bien que la question du renvoi ne
se pose que pour les conflits négatifs. La question du renvoi est restée controversée en
doctrine (A) mais a reçu en droit positif gabonais une réponse claire (B).
A. La controverse doctrinale sur le renvoi
La question du renvoi fait intervenir toute conception d’ensemble du DIP d’où le débat
doctrinal qu’elle a suscité. Aux thèses développées par les auteurs hostiles au renvoi (1), on
opposera la thèse de leurs contradicteurs (2)
1. Les thèses hostiles au renvoi
Comme en matière de qualification, les successeurs de BARTIN ont eu tendance à envisager
le renvoi en termes de conflit de souveraineté. L’hostilité au renvoi se fonde sur l’idée que
l’Etat ne peut abandonner sa souveraineté en cédant devant les règles de conflit étrangères.
L’argument n’a pas convaincu. On a pu observer que le respect de la souveraineté nationale
peut certes expliquer que le règlement national du conflit ait un caractère définitif, l’impératif
du souverain étranger peut en sens inverse justifier le renvoi. D’un autre côté, le renvoi devait
être exclu parce qu’il pouvait conduire à un cercle vicieux du fait d’une succession de renvois.
Ainsi pour cette doctrine classique, de même que le conflit de qualification devait être réglé
par la loi du for, le conflit de rattachement devait également être réglé par le respect de la
règle de conflit du for. Dans le prolongement de cette critique, s’est développé un courant
favorable au renvoi.
2. Les thèses favorables au renvoi
Les auteurs favorables au renvoi ont d’abord mis en avant ses intérêts d’opportunité et de
simplification. Il faut observer que lorsque la loi étrangère renvoi au juge du for (cas du
renvoi au premier degré), celui-ci est bien heureux d’appliquer sa propre loi plutôt que celle
d’une Etat étranger. Cette approche pragmatique a été exprimée par la Cour de cassation dans
l’arrêt Soulié du 9 mars 1910 dans lequel la cour a annoncé : « qu’il n’ya qu’avantage à ce
que tout conflit se trouve supprimé et à ce que la loi française régisse, d’après ses propres
vues, des intérêts qui naissent sur son territoire » (cass. Req. 9 mars 1910, DP. 1. 1912, p.
262, rapp. Denis). Au-delà de l’intérêt du juge, c’est l’intérêt des parties qui se trouve respecté
puisqu’elles ont la garantie que le juge du for tranchera selon les mêmes règles que celles qui
auraient été appliquées dans le pays qui opère le renvoi, ce qui peut favoriser la circulation
internationale des décisions. C’est enfin la sécurité juridique qui gagne car l’application du
droit français par les juges est contrôlée par la Cour de cassation. Acceptant le renvoi à la
suite de la JP, la doctrine moderne l’a justifié par deux conceptions : le renvoi-règlement
subsidiaire (a) et le renvoi-coordination (b).
a- Le renvoi-règlement subsidiaire
Cette théorie encore appelée technique du renvoi désistement a été faite par LEREBOURS-
PIGEONNIERE. Elle repose sur l’idée que le refus de la loi étrangère désignée de se déclarer
compétente traduit une imperfection de la règle de conflit du for. Plus précisément, ce refus
de compétence du droit étranger oblige le for à élaborer une nouvelle règle de conflit que l’on
peut qualifié de subsidiaire en ce qu’elle ne joue que si le système étranger désigné par la
règle de conflit ordinaire refuse sa compétence.
Cette thèse encourt trois principaux griefs : en premier lieu, elle reste très incertaine sur le
contenu du règlement subsidiaire que le DIP du for doit mettre en place après que le droit
étranger a décliné sa compétence. En deuxième lieu, s’il fallait pour chaque règle de conflit
existante en prévoir une subsidiaire en cas de désistement cela accroitrait la complexité du
système de DIP. En troisième lieu, cette théorie est démentie par le droit positif. Il existe une
règle de conflit unitaire. Ces observations expliquent le succès de la théorie du renvoi-
coordination.

b- Le renvoi-coordination

Cette thèse développée par BATIFOL repose sur l’idée que le renvoi procède de la règle de
conflit française elle-même, laquelle prévoit l’éventualité de sa coordination avec les règles de
conflit de l’ordre juridique étranger désigné. Elle met en avant la nécessité de coordonner les
différents systèmes de DIP grâce à l’harmonisation des règles gabonaises et étrangères de
conflit. La thèse du renvoi-coordination est la seule à ne pas être démentie par la JP. Elle est
par ailleurs la plus apte à expliquer le renvoi au second degré en tant qu’il permet de combiner
les règles de conflit gabonaises et étrangères.

B. Le renvoi en droit positif

La JP s’est toujours montrée favorable au renvoi depuis les arrêts Forgo du 24 juin 1878 et
du 22 février 1882 (GA n° 7 et 8) et l’est restée en dépit des critiques de la doctrine (1). C’est
seulement son domaine qui a été réduit (2).

1. L’acceptation du renvoi
Il existe deux types de renvoi : le renvoi au premier degré et le renvoi au second degré.
Le renvoi au premier degré : renvoi à la loi du for. Il ya renvoi au premier degré lorsque la
loi désignée par la règle de conflit gabonaise renvoie à la loi du for. Exemple. Le cas d’un
Anglais domicilié au Gabon. Le juge gabonais devant régler une question de capacité
concernant cet anglais, appliquera la règle de conflit gabonaise (loi nationale) et désignera
donc la loi anglaise. La loi anglaise ayant un autre rattachement (la loi du domicile) renverra à
loi gabonaise, loi du for.
Le renvoi au second degré : renvoi à une loi d’un pays tiers. Il ya renvoi au second degré
lorsque la loi désignée par la règle de conflit renvoie à une autre loi que celle du for.
Exemple : le cas d’un Anglais domicilié au Danemark. Le Danemark a la même règle de
conflit que la loi anglaise, application de la loi du domicile en matière de statut personnel. Le
juge gabonais, qui devra régler la question d’un Anglais au Danemark, appliquera la règle de
conflit gabonaise (loi nationale, donc loi anglaise) ; la loi anglaise désigne la loi du domicile,
loi danoise. Cette loi ayant le même rattachement, il n’y aura pas d’autre renvoi.

a- L’acceptation du renvoi en jurisprudence


L’admission par la cour de cassation du renvoi au premier degré eut lieu dans l’affaire
Forgo. En l’espèce un Bavarois domicilié de fait en France y était décédé et y laissait une
succession mobilière. Le DIP français donnait compétence à la loi bavaroise. Or celle-ci
retenait comme rattachement le domicile de fait et renvoyait donc à la loi française. Ce
qu’admit la Cour. La solution de l’arrêt Forgo a été réitérée en matière successorale en
1910, 1913, 1938.
Le renvoi a ensuite été appliqué en matière de statut personnel ; en matière de divorce (cass.
Req. Arrêt Birchall, 10 mai 1939, S. 1942, 1. P.3, note Niboyet ; arrêt Patino,cass. Civ. 15
mai 1963, JCP 1963. II. 13365, note Motulsky ; en matière de mariage : cass. Civ. 15 juin
1982, arrêt Zagha, Rev. Crit. DIP 1983, p. 300, note Bischoff. En l’espèce, il s’agissait de la
validité d’un mariage célébré en Italie en 1924 en la forme rabbinique entre deux Syriens. Le
mariage a été reconnu valable par renvoi de la loi italienne du lieu de célébration à la loi
syrienne de la nationalité commune. C’est un renvoi au second degré) ; en matière de
filiation (cass. Civ. 8 décembre 1953, arrêt Sommer, D. 1954, p. 167). Il vient d’être admis
en matière d’incapacité (cass. Civ. 21 septembre 2005, Bull. civ. I. n° 336 en l’espèce renvoi
de la loi nationale canadienne à la loi française de la résidence de la personne à protéger).
Le renvoi au second degré a été mis en œuvre en JP en matière de sociétés dans l’affaire de la
Banque ottomane (Paris 19 mars 1965, JDI 1966, p. 118, note B. Goldman. En l’espèce,
renvoi de la loi du siège réel de la société à la loi du siège statutaire).
La cour de cassation vient d’admettre le renvoi au premier degré en matière de succession
immobilière (arrêt Ballestero, cass. Civ. 21 mars 2000, D. 2000, p. 539, note F. Boulanger,
renvoi de la loi successorale, loi italienne de situation des immeubles à la loi française loi
nationale du défunt). La solution a été réitérée de manière plus claire dans l’arrêt Wildenstein
du 20 juin 2006 (JDI 2007, p. 125, note H. Gaudemet-Tallon). Plus récemment, dans un arrêt
du 11 février 2009, la cour de cassation a circonscrit le renvoi en ces termes : « en matière de
succession immobilière, le renvoi opéré par la loi de situation de l’immeuble ne peut être
admis que s’il assure l’unité successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux
immeubles ».
b- L’acceptation du renvoi dans les conventions internationales
Une convention de La Haye du 15 juin 1955 pour régler les conflits de lois entre la loi
nationale et la loi du domicile, donc pour régler le problème du renvoi n’a été signée que par 5
Etats et n’est jamais entrée en application.
Les conventions de La Haye conclues depuis 1951 excluent le renvoi en désignant comme loi
applicable « la loi interne de l’Etat signataire » ou en excluant expressément les règles de
conflit de lois (cf. article 21 de la convention du 19 octobre 1996 sur la protection des enfants.
Seule la convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause
de mort fait une place au renvoi dans son article 4 afin de coordonner le système mis en place
par la convention avec le système des autres droits.
2. Les restrictions au domaine du renvoi
Les restrictions dépendent à la fois des matières (a) et de la nature des règles de conflit de lois
en cause (b).
a- Exclusion du renvoi en raison de la matière
Le renvoi a été exclu dans les hypothèses où les parties peuvent influer sur le choix de la loi
applicable. Il en est ainsi dans les matières où s’applique la loi d’autonomie. Lorsque les
parties ont choisi de soumettre leur contrat à une loi, ce choix désigne la loi interne du pays et
non la règle de conflit qui renverrait à une autre loi. C’est la solution posée en matière de
régimes matrimoniaux par l’arrêt Lardans du 27 janvier 1969 (Rev. Crit. DIP, 1969, note J.
Derruppé) ; l’arrêt Gouthertz du 1er février 1972 (GA n° 51) ; l’arrêt Mari du 24 janvier 1984
(JDI 1984, p. 868 note J. Derruppé) et généralisée par l’arrêt Mobil NorthSea Ltd du 11
mars 1997 dans lequel la Cour de cassation énonce que : « la mise en œuvre de la loi
d’autonomie de la volonté est exclusive de tout renvoi ».
De même en ce qui concerne la forme des actes, ce principe est qu’un acte est valable quant
à la forme, s’il respecte la loi du lieu de conclusion (locus regitactum), il ne peut donc y avoir
renvoi à une autre loi.
b- Exclusion du renvoi en raison de la nature de la règle de conflit
Les règles de conflit unilatérales excluent par hypothèse tout renvoi puisqu’elles se
contentent d’énoncer les cas d’application de la loi gabonaise ou camerounaise sans mettre en
œuvre la loi étrangère
Il en est de même des règles de conflit de lois alternatives ou à option comme celle énoncée
dans du code civil gabonais en matière de filiation (art.38). En effet, la volonté du législateur
a été de favoriser la légitimation, la reconnaissance d’un enfant. Le choix fait en faveur d’un
rattachement pour atteindre le résultat recherché doit exclure le renvoi. En revanche, lorsque
la règle de conflit est bilatérale et neutre, le renvoi est admis.
§2 L’évolution du rattachement
L’élément de rattachement retenu par une règle de conflit peut se modifier avec le temps.
C’est ce qu’on appelle depuis BARTIN, le conflit mobile. C’est le cas lorsqu’après la
naissance d’une situation juridique, le facteur de sélection de la loi compétente évolue. Il en
est ainsi lorsque la personne dont le statut personnel est en cause a changé de nationalité, de
domicile ou de résidence. Ou le lieu de situation d’un bien peut avoir été modifié en raison du
transfert de ce bien. La situation juridique est donc soumise successivement à deux règles
substantielles différentes. L’alternance des lois en conflit ne résulte pas d’une évolution
législative mais du mouvement du rapport de droit lui-même.
Les conflits mobiles ne peuvent apparaître qu’en présence d’un facteur de rattachement
s’appuyant sur une circonstance susceptible de mobilité. Par exemple : un meuble quitte
le Gabon pour être acheminé en Tunisie. La loi de situation du bien sera compétente mais
laquelle ? L’ancienne loi (loi gabonaise) ou la nouvelle (loi tunisienne) ?
Pour trancher, il faut choisir le moment où l’on prend en considération l’élément de
rattachement. Il existe trois méthodes de résolution du conflit mobile : l’application de la
théorie des droits acquis (A), l’application des règles internes relatives au conflit de lois dans
le temps (B) et l’interprétation propre à chaque règle de conflit (C).

A. L’application de la théorie des droits acquis


C’est à PILLET que l’on doit l’idée de résoudre les conflits mobiles en utilisant la théorie des
droits acquis ou « vested rights » en anglais. Elle signifie que chaque souverain doit
respecter les droits acquis sur le territoire d’un autre. Ce respect est dû en vertu de la
courtoisie internationale. Cela aboutit à décider que la situation juridique litigieuse restera
soumise à la législation applicable à l’époque où elle a pris naissance. Ce qui aboutit à écarter
l’emprise immédiate de la nouvelle loi. Par exemple, si deux époux étaient italiens lors de
leur mariage, leur statut personnel restera soumis à la loi italienne même s’ils obtiennent la
nationalité gabonaise. Cette théorie se recommande de la sécurité juridique et de la stabilité
des droits dans l’ordre international.
La théorie a connu un relatif succès dans la doctrine française alors que sa réception est très
importante dans la doctrine anglo-saxonne. En JP, elle a connu une consécration limitée. Dans
un arrêt Banque Ottomane du 19 mars 1965 (Rev. Crit. DIP 1967, 85, note P. Lagarde), la
CA de Paris s’est fondé sur la théorie des droits acquis pour refuser de faire application de la
règle de conflit française à la question de la validité de résolutions prises en Turquie par
l’Assemblée générale d’une société. Selon la cour, « le système de conflit du for n’a pas à
intervenir à l’égard de situations qui se sont établies à l’étranger, s’y sont développées et y
ont épuisé leurs effets alors qu’elles ne présentaient aucune attache avec le for ». Elle en a
déduit que « le fait de la validité des résolutions votées en Turquie imposait leur
reconnaissance en France ».
Cependant, cette conception a fait l’objet de critiques : on lui a reproché de figer une situation
juridique sous l’empire de la loi qui a présidé à sa naissance sans tenir compte des
bouleversements ayant pu l’affecter. Ensuite, il lui est fait grief d’accorder une trop grande
importance à la souveraineté des Etats dans les litiges qui opposent essentiellement des
particuliers entre eux. Enfin, elle ne protège nullement la sécurité des relations entre
l’intéressé et les personnes qui sont entrées en relation avec lui postérieurement à la
modification du rattachement, ces personnes ignorant le plus souvent l’existence de la
situation passée. Une deuxième tentative de résolution du conflit mobile a donc été proposée.

B. L’application des règles internes de conflit de lois dans le temps


Cette seconde théorie entend exploiter juridiquement l’analogie entre le conflit mobile et
le conflit dans le temps ; le conflit mobile provoquant un conflit entre lois successives. Pour
les tenants de cette théorie, le conflit mobile ne serait rien d’autre qu’un conflit de lois dans le
temps. De sorte qu’il convient de lui transposer les règles du droit transitoire interne issues de
l’article 2 du code civil applicable au Cameroun ou les articles 16 à 23 du code civil
gabonais :
- application immédiate de la loi nouvelle aux effets à venir des situations en cours
- maintien de la loi ancienne pour juger des conditions de validité et des effets passés de ces
situations.
Si l’on reprend l’exemple des époux italiens, la validité de leur mariage sera appréciée selon
la loi italienne, mais ils pourront divorcer selon les dispositions de la loi gabonaise.
Toutefois, cette théorie appelle des objections : elle semble négliger le caractère international
du conflit mobile pour deux raisons au moins. D’abord les deux lois émanent de législateurs
différents, ensuite, les deux lois en conflit devant le juge ne sont pas ancienne et nouvelle
puisqu’elles demeurent simultanément en vigueur. Par conséquent, si cette théorie est plus
satisfaisante sur le plan théorique que la précédente, elle laisse tout de même planer sur la
résolution du conflit mobile une certaine incertitude.

C- L’interprétation de la règle de conflit


Selon cette conception, il n’ya de solution apte à régler tous les cas de conflits mobiles. Il faut
alors rechercher une solution spécifique au problème posé par la modification de la
circonstance de rattachement. Il n’y aurait dont pas selon l’idée déjà présente chez
BARTIN, de solution générale digne de s’imposer à tous les conflits mobiles.
Le droit positif semble favorable à une telle méthode. La conduite à tenir est dictée par les
facteurs qui ont présidés à l’élaboration de règles de conflits en fonction de ses objectifs et des
intérêts qu’elle met en jeu. Ainsi en matière de statut réel mobilier, le but recherché par la
règle de conflit en rattachant le meuble à la loi de la situation est la sauvegarde de
l’apparence. De sorte qu’il est plus logique de se référer à la loi de la situation actuelle du
bien mobilier. Exemple si un meuble se trouvant en Roumanie est transféré au Cameroun, la
loi camerounaise, la loi de la nouvelle situation, est la seule compétente pour régir la
situation litigieuse concernant ce meuble.

§3 Le rattachement des questions préalables


Le troisième facteur de complication du mécanisme de rattachement est le rattachement des
questions dites préalables. Le conflit de rattachement peut se poser lorsqu’il y a une
question principale, par exemple une question de succession, et que pour résoudre cette
question principale, il faut résoudre d’autres questions dites questions préalables,
comme celle de savoir qui est le conjoint, ou le descendant du défunt.
Se pose alors la question de déterminer la loi qui doit résoudre la question préalable (la
qualité de conjoint), est-ce comme à l’ordinaire la loi désignée par la règle de conflit du for
applicable à la question préalable elle-même ? Ou est-ce plutôt la loi désignée par la règle de
conflit du pays dont la loi a été déclarée applicable pour régler la question principale (loi
successorale) ? Faut-il se référer à la règle de conflit de la loi qui régit la question principale ?
Le problème est de choisir entre le DIP du for et le DIP de l’Etat dont la loi matérielle
régit la question principale. Or si les deux règles ont des rattachements différents, il pourra
y avoir, dans une telle hypothèse conflit de rattachement.
La question a divisé la doctrine. Pour les partisans de la théorie des questions préalables, il
appartient au système juridique applicable à la question principale de régler par la même
occasion la question préalable. En faveur de cette conclusion, on invoque l’idée qu’il faut
respecter l’unité du système appelé à trancher la question principale : le droit applicable à la
dévolution successorale doit naturellement désigner la loi qui dira quels sont les héritiers.
La doctrine française en général considère que chaque question qu’elle soit principale ou
préalable doit être réglée par la règle de conflit du for. Ainsi, la qualité de conjoint est une
question de statut personnel rattaché à la loi nationale
La JP après l’avoir admis dans un arrêt isolé du 21 avril 1931, arrêt Ponnoucanamale (Rev.
Crit. DIP 1932, 526, note Niboyet), a rejeté la théorie des questions préalables. D’abord
dans l’arrêt Dame Bendeddouche du 3 janvier 1980 (GA n° 61) en énonçant que « si la loi
française régit la dévolution successorale des immeubles sis en France, la qualité de conjoint
et l’établissement de la parenté nécessaire pour le jeu de la dévolution successorale relèvent
de la loi personnelle ». La même solution a été énoncée dans un arrêt Djenanji du 11 mars
1986 (Rev. Crit. DIP 1988, 302, note Bischoff) en ces termes : « S’il appartient à la loi
successorale de désigner les personnes appelées à la succession et de dire notamment si le
conjoint figure parmi elles et pour quelle part, il ne lui appartient pas de dire si une personne
a la qualité de conjoint ni de définir selon quelle loi cette qualité doit être appréciée ».
SECTION 2
LES OBSTACLES À L’APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT

La loi étrangère désignée par la règle de conflit peut être évincée soit lorsque son application
heurte l’ordre public du juge du for (§1), soit lorsque les circonstances de l’espèce font
apparaître une fraude à la loi (§2).
§1 L’exception d’ordre public
L’un des nombreux apports de l’arrêt Lautour suscité réside dans son approche de la notion
d’ordre public international. Il s’agit de contrôler in concreto que l’application de la loi
étrangère désignée par la règle de conflit ne conduit pas à un résultat incompatible avec les
valeurs fondamentales du for. Et en DIP gabonais, c’est l’article 30 du Code civil qui fixe ce
principe en ces termes : « ne sont pas applicables au Gabon toutes les dispositions des
législations étrangères qui heurtent l’ordre public ».
Cependant, l’éviction de la loi étrangère doit demeurer exceptionnelle. Elle constitue en effet
une entorse au principe de la neutralité de la règle de conflit qui veut qu’une loi étrangère soit
déclarée applicable indépendamment de son contenu. Le respect nécessaire de l’OPI conduit à
mettre en œuvre un mécanisme d’exception dont on précisera le fonctionnement (B) et les
effets (C) après avoir défini le contenu (A).
A. Le contenu de l’ordre public en DIP
Le contenu de l’ordre public en DIP sera mieux cerné en envisageant d’une part la notion (1)
et d’autre part de le distinguer des notions voisines (2).
1. La notion d’ordre public international
Le terme OPI est discuté. De fait, l’ordre public tel qu’on l’envisage en DIP n’est pas un
véritable ordre public international c’est-à-dire commun à toutes les nations. C’est plutôt un
ordre public du for autrement dit de source interne. C’est pourquoi certains auteurs suggèrent
de parler d’ordre public au sens du DIP. Toutefois, l’ordre public en DIP est défini par la
doctrine et la JP comme un correctif exceptionnel permettant d’écarter la loi étrangère
normalement compétente, lorsque cette dernière contient des dispositions dont l’application
est jugée inadmissible par le tribunal saisi.
L’ordre public est relatif parce qu’il varie dans l’espace et dans le temps. Il traduit la
représentation des valeurs fondamentales que se fait à un moment donné un ordre juridique
particulier. Ceci explique par exemple que la monogamie soit considérée comme un principe
fondamental dans de nombreux pays occidentaux et qu’elle n’en soit pas de certains pays
africains comme le Cameroun, le Sénégal ou inversement que l’hétérosexualité soit un
principe fondamental dans certains pays africains et n’en soit pas dans les pays occidentaux.
De sorte que c’est au juge de dire à chaque fois si la loi étrangère est ou non contraire à
l’ordre public. C’est lui qui appréciera à un moment donné l’état de l’opinion dans l’ordre du
for afin de déterminer si oui ou non la loi étrangère doit être évincée. L’intervention de l’OPI
est ainsi abandonnée à la discrétion des juges et liée à leur jugement sur la valeur du contenu
de la loi étrangère. Néanmoins les Nations et les Etats s’accordent à ranger dans l’ordre public
un ensemble de principes considérés comme universels tels que l’interdiction de l’esclavage,
la prohibition des discriminations raciales.
2. Distinction ordre public en DIP, ordre public interne et lois de police.
L’OPI doit être distingué de certaines notions voisines : l’ordre public et les lois de police.
L’OP interne recouvre l’ensemble des dispositions qui revêtent un caractère impératif dans le
sens de l’article 6 du code civil applicable au Cameroun (art. 8, al. 5, C.civ. gab) puisque ceux
qui s’y trouvent soumis ne peuvent en écarter l’application par convention. Il renvoie donc à
la distinction traditionnelle entre règles supplétives de volonté et règles impératives ou
d’ordre public. Mais cet ordre public n’entretient de relation qu’avec l’ordre interne. Dès lors
qu’une situation est internationale, c’est à l’POI qu’i convient de recourir. Et l’OPI n’inclut
pas toutes les dispositions impératives du droit interne. Il ne vise selon la formule de l’arrêt
Lautour que « les principes de justice universelles considérés dans l’opinion française
comme de valeur internationale absolue ». Le domaine de l’OPI est plus limité que celui de
l’OP interne.
L’OPI s’oppose également aux lois de police qui elles interviennent en amont avant le
déclenchement de la méthode conflictuelle. Le juge doit l’appliquer sans prendre en
considération l’élément d’extranéité du litige et sans mettre en œuvre la règle de conflit.
B. Le fonctionnement de l’exception d’ordre public
L’OPI fonctionne sur la base d’un mécanisme d’exception et son application est
circonstanciée. Le terme exception indique que l’intervention de l’OPI ne joue que pour faire
échec à l’application de la loi étrangère dont la compétence de principe n’est pas mise en
cause. Le contrôle de la conformité à l’OPI n’intervient donc qu’à posteriori. Il s’opère in
concreto.
Mais en cas d’admission de l’exception peut se poser le problème de la combinaison des
dispositions issues de la loi étrangère et de celles issues de la loi du for. La réponse est liée à
l’étroitesse des liens qu’entretient la situation juridique avec le for.
Si les liens sont étroits, les exigences imposées au titre de l’ordre public peuvent être
renforcées : c’est l’ordre public de proximité ou ordre public plein. En revanche, si les
liens sont lâches, les exigences imposées au titre de l’ordre public peuvent être assouplies :
c’est l’effet atténué de l’ordre public. Cette solution a été consacrée par l’arrêt Rivière du
17 avril 1953 (GA n° 26). Il s’agissait d’un divorce prononcé selon la loi étrangère qui
admettait le divorce par consentement mutuel. Un tel divorce n’aurait pas pu être prononcé en
France, la loi étrangère aurait été déclaré contraire à l’ordre public mais cet ordre public était
atténué s’agissant de la reconnaissance en France du divorce : « en effet, la réaction à
l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre public n’est pas la même suivant qu’elle met
obstacle à l’acquisition d’un droit en France ou suivant qu’il s’agit de laisser se produire en
France les effets d’un droit acquis, sans fraude, à l’étranger et en conformité de la loi ayant
compétence en vertu du DIP français ». Mais c’est surtout dans l’arrêt Munzer du 7 janvier
1964 que la formule « effet atténué de l’ordre public » a été consacré.
Mais un autre danger s’est vite signalé à la doctrine qui a vu le risque d’application erronée de
l’effet atténué de l’ordre public, notamment lorsque les intéressés domiciliés en France ne se
rendaient dans leur pays d’origine dans le seul but de faire naître la situation à l’étranger. La
cour de cassation invoque très souvent la fraude pour s’opposer à la reconnaissance de telles
situations. La fraude est l’autre forme d’éviction de la loi étrangère désignée par la règle de
conflit.
§2 La fraude à la loi
En DIP, la théorie de la fraude à la loi tend à écarter par une manipulation artificielle la règle
de conflit du for. C’est l’arrêt Bauffremont du 18 mars 1878 (GA n° 6) qui a fondé en JP la
théorie de la fraude à la loi. En l’espèce, la princesse de Bauffremont devenue française par
son mariage, s’était fait naturalisé allemande pour faire convertir la séparation de corps
obtenue devant une juridiction française en divorce et se remarier avec un autre prince. La
cour de cassation décida que : « la demanderesse avait sollicité et obtenu cette nationalité
nouvelle non pas pour exercer les droits et accomplir les devoirs mais dans le seul but
d’échapper aux prohibitions de la loi française ». En DIP gabonais, le principe est consacré
par l’article 31 du Code civil gabonais en ces termes : « Nul ne peut se prévaloir d’une
situation juridique créée en application d’une loi étrangère qui n’a pas été rendue
compétente que par une fraude à la loi gabonaise ». La constitution de la fraude à la loi
implique la réunion de certains éléments (A) et entraîne des sanctions (B).
A. Les éléments de la fraude à la loi
Il existe deux éléments : un élément matériel (1) et un élément psychologique (2).
1. L’élément matériel : l’utilisation volontaire des règles de conflit
L’élément matériel résulte en général d’une altération du facteur de rattachement. Ainsi la
fraude à la loi n’est envisageable que pour les seuls les règles de conflit admettant un critère
de rattachement sous l’influence de la volonté des parties. C’est le cas des matières du statut
personnel, le rattachement étant soit la nationalité soit le domicile. L’affaire princesse de
Bauffremont est l’exemple type d’une fraude à la loi réalisée par changement de nationalité.
Quant à la loi du domicile, la fraude est encore plus facile, déménager étant plus simple que
changer de nationalité. C’est le cas également du statut réel mobilier dans lequel la fraude
peut consister dans le déplacement d’un meuble (transport d’un meuble d’un pays à un autre
modifie la compétence législative), ou le changement de la qualification du bien en
transformant un immeuble en meuble.
En revanche, la fraude est moins aisée dans les matières contractuelles en raison du libre
choix par les parties de la loi applicable, et sauf l’hypothèse susmentionnée, elle est
impossible en matière immobilière dans la mesure où la volonté des parties est sans influence
sur le lieu de situation du bien, inamovible par définition.
2. L’élément moral : l’intention frauduleuse
Toute personne qui change l’élément de rattachement ne commet pas nécessairement une
fraude A l’intention matériel doit s’ajouter un élément intentionnel Il n’y aura fraude que si la
modification apportée au facteur de rattachement est destinée à écarter la loi normalement
applicable. Dans l’affaire princesse de Bauffremont le changement de nationalité apparaît
frauduleux car il a été réalisé « dans le seul but d’échapper aux prohibitions (du divorce) et de
la loi française ».
L’existence de l’intention frauduleuse est laissée à l’appréciation souveraine des juges du
fond. Pendant longtemps, seules les fraudes à la loi française ont été sanctionnées. Mais
aujourd’hui les juges français n’hésitent pas à sanctionner la fraude à la loi étrangère. Par
exemple, lorsqu’un époux québécois se rend à Reno au Nevada pour obtenir un divorce qu’il
n’aurait pas pu obtenir à Québec, le juge français saisi peut constater la fraude (arrêt Giroux
c/ Dame Chatrand du 11 juillet 1977, Rev. Crit. DIP 1978, p. 149, note B. Audit).
B. La sanction de la fraude à la loi
En doctrine, la question se pose de savoir quelle est la portée exacte de la sanction devant
frapper la fraude lorsque celle-ci se réalise par un acte juridique : L’acte doit-il être
simplement déclaré inopposable au juge français ou doit-il être annulé ? La naturalisation de
la princesse de Bauffremont est-elle nulle ou simplement inopposable ? En DIP, la réponse
n’est pas évidente puisqu’il convient de en considération l’Etat étranger concerné. Par
exemple, le juge du for n’a pas le pouvoir d’annuler une naturalisation prononcée à l’étranger,
il ne pouvait seulement déclarer que cette naturalisation ne produirait pas d’effets en France.
La sanction de la fraude à la loi étrangère est donc en principe l’inopposabilité.
Autre question : faut-il admettre que l’inopposabilité s’applique à l’ensemble de l’acte
frauduleux ou seulement à la conséquence frauduleuse qui était le but de l’acte ? Dans
l’exemple de la princesse de Bauffremont, est-ce la naturalisation en entier qui est
inopposable ou uniquement le divorce et le remariage, le changement de nationalité
produisant ses autres effets ? La cour de cassation estime que l’inopposabilité concernait la
totalité de l’acte.
§1 Les fondements des règles de compétence judiciaire internationale

Ces fondements sont théoriques (A) et historiques (B).

A. Les fondements théoriques

Les fondements théoriques sont doubles : la dissociation entre la compétence juridictionnelle


et la compétence législative d’une part (1) et la nature de la compétence judiciaire
internationale (2).

1. La dissociation entre compétence juridictionnelle et compétence législative

Les objets de ces deux compétences sont très différents. Dans la compétence
juridictionnelle, le juge se demande s’il est compétent pour régler le litige. Dans la
compétence législative, il recherche la loi applicable au contentieux qui est déféré. De même
les critères mis en œuvre sont distincts. D’une part, en matière de conflit de loi, un critère
unique par catégorie est retenu car il est impossible de soumettre la résolution du problème à
plus d’une loi. A l’inverse, il n’ya aucun inconvénient à donner compétence à plusieurs ordres
juridictionnels en laissant aux plaideurs le soin de faire leur choix. D’autres part, la nationalité
constitue toujours un critère de compétence juridictionnelle tandis qu’elle n’est admise
comme élément de rattachement dans la compétence législative que dans le domaine du statut
personnel.
Cette dissociation entre la compétence juridictionnelle et la compétence législative signifie en
pratique que le juge camerounais peut valablement appliquer une loi étrangère, et qu’un juge
étranger peut valablement appliquer le droit camerounais.

2. La nature de la compétence judiciaire internationale

Cette question se pose à la lumière des catégories du droit interne. En droit judiciaire interne,
il existe deux catégories de règles de compétence : les règles de compétence d’attribution
(déterminent la compétence des juridictions en fonction de la nature de l’affaire, par exemple
juridictions civiles pour les litiges à caractère civil, juridictions administratives pour le
contentieux administratifs) et les règles de compétence territoriale (déterminent le lieu où
sera tenu le procès, par exemple domicile du défendeur). Qu’en est-il pour un litige
comportant un élément extranéité ? Les règles qui déterminent la compétence internationale
doivent-elles être assimilées à des règles de compétence d’attribution ou à des règles de
compétence territoriale ? Une partie de la doctrine représentée par BARTIN proposa de traiter
la compétence judiciaire internationale comme se rapportant à la compétence d’attribution. En
effet, il s’agit de déterminer si, en général, les juridictions d’un pays sont compétentes pour
connaître d’un problème international donné. Par exemple, un choix doit être effectué entre
l’ordre juridictionnel camerounais et les tribunaux étrangers. Ce n’est qu’en second temps,
une fois connu l’ordre juridique compétent, que se pose un problème similaire à celui de la
compétence territoriale interne puisqu’il faudra alors dire quelle juridiction gabonaise est
spécialement compétente, s’il s’agit du tribunal de Porto Novo ou de Libreville . Malgré ses
qualités, cette approche n’a pas été retenue en doctrine et en jurisprudence. Deux objections
ont été avancées : d’une part, la compétence d’attribution se fonde sur la nature du litige. Or,
le fait de savoir qu’il s’agit d’un procès en filiation plutôt que dans un procès commercial est
sans incidence pour déterminer l’ordre juridictionnel compétent ; d’autre part, les seuls
critères de compétence qu’il est possible de retenir à l’échelon international sont ceux
qui permettent une localisation du litige tel que le domicile de défendeur, le lieu de
situation d’un immeuble. C’est pourquoi, il est admis que la compétence judiciaire
internationale se détermine par transposition des règles de compétence territoriale
interne.

B. Les fondements historiques

La difficulté d’élaborer une réglementation internationale des conflits de juridictions tient de


l’omniprésence des considérations de souveraineté et d’intérêt général. De sorte qu’il revient à
chaque Etat souverain d’aborde la question sur son territoire. Pendant longtemps, le règlement
de la compétence internationale a reposé sur deux articles du code civil ancien : les articles 14
et 15 du code civil qui donnent compétence aux tribunaux lorsqu’un Gabonais est demandeur
ou défendeur. Pareille conception influait sur le sort réservé aux étrangers. Si ceux-ci peuvent
saisir les tribunaux gabonais, ils doivent verser une caution appelée caution judicatumsolvi,
destinée à garantir le paiement d’éventuels dépens et dommages-intérêts. Cette pratique est
consacré par le Code civil gabonais (art. 28, C. civ. Gab : « Sous réserve des conventions
passées entre le Gabon et les autres Etats, l’étranger demandeur ou intervenant doit, en
matière civile et commerciale, fournir au défendeur gabonais qui l’en requiert, la caution
judicatumsolvi, à moins qu’il ne soit domicilié au Gabon ou qu’il n’y possède des biens de
valeur suffisante pour assurer le payement des frais et dommages-intérêts résultant du
procès »). Elle existe au Royaume uni tandis que qu’elle a été sévèrement condamnée par la
Cour de cassation française dans un arrêt du 16 mars 1999 comme contrevenant au droit de
chacun d’accéder au juge de l’article 6.1 de la CEDH. Accordant un véritable privilège de
juridiction au plaideur Gabonais.
SECTION 2
LE RÉGIME DE LA COMPÉTENCE JUDICIAIRE INTERNATIONALE

Le principe est celui de l’extension des règles de compétence interne à la compétence


internationale. Toutefois, le régime de la compétence internationale pose trois séries de
questions : la possibilité pour les parties de déroger aux règles de compétence (§1), les
conditions dans lesquelles l’incompétence peut être soulevée (§2), et les conflits de
procédures (§3).
§1 Les clauses dérogatoires aux règles de compétence internationale

Les règles de compétence judiciaire internationale n’ont pas un caractère obligatoire. Les
parties ont la possibilité d’y déroger les clauses d’attribution de juridiction (A) ou par une
clause compromissoire (B).
A. Les clauses attributives de juridiction (l’élection de for)
Dans les relations internationales, les clauses attributive de juridiction encore appelées
« élection de for », sont très fréquentes. Les parties choisissent ainsi la juridiction qui leur
semblent la plus adéquate pour trancher un éventuel différend. La licéité de ces clauses est
admise mais assortie de certaines conditions.
B. Les clauses en matière d’arbitrage
Il en existe deux types : la clause compromissoire qui est incluse dans le contrat et prévoit le
recours à l’arbitrage au cas où un différend existerait entre les partie. Le compromis qui
intervient après un différend, les parties se mettent alors d’accord pour soumettre celui-ci à un
arbitre et non à un juge. Comme pour les clauses attributives de juridiction, la liberté des
parties n’est pas totale, il faut que soient respectées les règles impératives du droit
camerounais et l’ordre public international. C’est à propos de l’arbitrage que la cour de
cassation a énoncé plusieurs règles matérielles.

§2 Les conditions de mise en œuvre de l’incompétence des tribunaux


La sanction de l’incompétence du juge saisi peut avoir lieu de deux façons distinctes : soit le
juge use de la faculté de relever d’office son incompétence, soit le défendeur oppose lui-
même une exception d’incompétence. Et lorsque le juge camerounais se déclare
incompétent, il n’attribue pas la compétence aux tribunaux étrangers, il n’a pas le pouvoir de
le faire. Il constate simplement qu’il n’est pas compétent et renvoie les parties à mieux se
pourvoir.
L’exception d’incompétence formulée par le défendeur doit l’être in limine litis c’est-à-dire
avant toute défense au fond.
§3 Les conflits de procédures
Il ya conflit de procédures toutes les fois qu’un juge camerounais est saisi d’un litige qui fait
déjà l’objet d’une procédure à l’étranger. Concrètement c’est le règlement des conflits de
compétence internationale. Deux de problèmes peuvent se présenter : la litispendance et la
connexité.
En droit interne, l’exception de litispendance oblige le juge saisi en second de se dessaisir au
profit du premier. En DIP, la cour de cassation retient que l’exception de litispendance peut
être reçue devant le juge français en vertu du droit commun français en raison d’une instance
engagée devant un tribunal étranger également compétent (arrêt Miniera di Fragne du 26
novembre 1974, GA n° 54) sauf si la décision à intervenir à l’étranger n’est pas susceptible
d’être reconnue en France.
Quant à l’exception de connexité qui aurait pour résultat de laisser à une juridiction étrangère
le soin de régler la question connexe posée au juge camerounais, la JP a été plus réticente à
l’admettre en matière internationale. En droit français, la cour de cassation vient d’admettre
que le juge français pouvait se dessaisir « aux seules conditions que deux juridictions relevant
de deux Etats différents soient également et compétemment saisies de deux instances en
cours, faisant ressortir un lien de nature à créer une contrariété.

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