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THEORIE GENERALE DES CONFLITS DE LOIS

Exam : deux sujets de cours au choix et orthographe bcp sanctionné


8/09/20

INTRODUCTION : L’OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVE (DIP)

L’expression DIP est très récente puisqu’elle n’a été forgée qu’au XIXème siècle. De plus,
cette expression a été calquée sur l’expression droit international public parce que pendant
longtemps, on a considéré que le DIP n’était qu’une branche du droit international public, et ce n’est
qu’au XIXème siècle que le DIP a commencé à prendre son indépendance par rapport au droit
international public, et n’y parviendra qu’à partir du XXème siècle.

Aujourd’hui, cette conception publiciste du DIP ne vaut plus que très exceptionnellement pour le
conflit de lois parce que l’objet du DIP concerne les relations privées internationales, c’est-à-dire
entre les particuliers. C’est pour cette raison que les situations que nous allons rencontrer sont des
situations que nous avons déjà rencontré en droit interne tels que des problèmes de filiation, de
succession…

Ce DIP a pris une importance particulièrement grande du fait des mouvements des populations tels
que l’immigration des pays du Sud vers les pays du Nord, le tourisme international, les libertés de
circulations de l’UE… De plus, on trouve un autre facteur du développement du DIP qui est internet.

C’est donc une matière importante en pratique.

SECTION 1 : Le domaine fondamental du DIP

I. Les conflits de lois

Lorsque l’on a une situation compliquée de cet élément d’extranéité, deux méthodes peuvent être
mises en œuvre pour savoir quel droit appliquer :
- La méthode conflictuelle
- L’édiction de règles matérielle.

A. La méthode conflictuelle

Il est très important de déterminer les lois applicables car en fonction de conflits des lois, les droits
obligations des parties se sont pas forcément les mêmes. De manière plus générale, on appelle cela
les conflits de lois dans l’espace.

Le grand principe qui domine la désignation d’une loi est le principe de proximité, c’est-à-dire que
l’on va chercher à déterminer la loi qui présente les liens les plus étroits avec la situation juridique.

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Cette méthode est indirecte car elle n’a pas pour objet de donner la solution au litige, mais a pour
seul objet de désigner la loi qui va donner la solution au litige. En principe, on ne désigne pas la loi en
fonction de son contenu mais on va désigner celle la plus proche.

C’est de loin aujourd’hui la méthode la plus fréquente pour résoudre les conflits de lois dans
l’espace.

B. Les règles matérielles

Ce sont des règles matérielles adaptées aux situations juridiques internationales qui vont permettre
de résoudre les litiges des conflits de lois. On dit souvent que ces règles matérielles sont une
meilleure méthode de régler les litiges internationaux que la méthode conflictuelle car il y a un
reproche classique qui est fait à la règle conflictuelle qui est qu’elle va désigner un système juridique
interne.
Les règles matérielles sont adoptées en fonction du caractère juridique international et vont être plus
adaptées aux litiges internationaux.

Ces règles matérielles applicables directement à la situation internationale se retrouvent également


en droit du commerce international notamment avec les Conventions internationales sur les
transports.

Certaines règles matérielles sont également de source interne telles qu’en matière d’arbitrage
(justice privée). Une disposition du Code de procédure civile interdit à l’Etat de compromettre, c’est-
à-dire que dans un litige interne, l’Etat n’a pas le droit de ne pas faire appel à ses juridictions,
autrement dit il n’a pas le droit de faire appel à un tribunal privé.
 La Cour de Cassation dans un arrêt de 1966 a décidé que dans les litiges internationaux,
l’Etat pouvait avoir recours à l’arbitrage.

Si ces règles matérielles sont si opportun, comment se fait-il qu’elles soient l’exception et que la
méthode conflictuelle demeure le principe ? Plusieurs raisons à cela :
- Les règles internationales sont très souvent de sources internationales (Convention
internationale), et donc les Etats ont conclu des conventions internationales exclusivement
sur le commerce international car ce sont des règles matérielles.
- Ces conventions internationales sont doublement limitées :
o Leur portée géographique : aucune convention n’a été signée par tous les Etats existant
aujourd’hui. Il y a donc un certain nombre d’état qui n’ont pas signé les conventions, et
de ce fait, vont appliquer la méthode conflictuelle.
o Leur portée matérielle : ces conventions sont en règle générale lacunaire parce que même
dans le domaine économique, il est parfois très difficile aux Etats de se mettre d’accord
sur des règles uniques.

Les règles des conflits de lois représentent la matière reine du DIP, c’est le cœur du DIP.

II. Les conflits de juridictions

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Il faut également désigner la juridiction internationale compétente pour trancher un litige
international. L’objet des conflits de juridiction est double :
- La compétence internationale directe répond à la question suivante : les juges français sont-
ils internationalement compétents ?
- La compétence internationale indirecte : ici, deux systèmes juridiques internationaux
peuvent revendiquer leur compétence. Il est possible qu’un juge ait été saisit de l’affaire, il
tranche le
litige mais le jugement doit être tranché en France. Pour pouvoir reconnaitre un jugement
étranger en France, il faut considérer que le juge étranger était internationalement
compétent.

On note aussi une différence fondamentale entre conflits de lois et de juridictions : les règles des
conflits de juridictions ne sont pas conflictuelles mais sont matérielles parce que les conflits de
juridictions répondent directement à la question posée (le juge français est-il compétent pour
trancher le litige ?).

 Pourquoi on ne règle pas les conflits de juridictions sur le modèle des conflits de lois ?

(La loi du for est la loi du tribunal saisit).

On ne règle pas les conflits de juridictions sur le modèle des conflits de lois car certaines situations
juridiques peuvent être soumises à plusieurs lois, c’est-à-dire que plusieurs juges peuvent être
compétents. De plus, les impératifs qui dominent la juridiction compétente ne sont pas forcément les
mêmes que ceux qui prévalent pour désigner la loi applicable.

Un autre grand principe, en concurrence directe avec le principe de proximité, permet de désigner la
compétence d’une juridiction, est le principe de prévisibilité. Un autre impératif pour désigner le
tribunal compétent est l’exécution d’une décision en justice : une fois gain de cause obtenue devant
un juge, il faut faire exécuter la solution. C’est pour cette raison qu’il n’est pas rare qu’un juge
n’applique pas sa propre loi, et c’est même un principe cardinal du DIP qui est cette dissociation
entre compétente juridictionnelle et compétence législative.

SECTION 2 : La conception élargie du DIP

I. La condition des étrangers

Il s’agit de la détermination des prérogatives dont peuvent bénéficier les étrangers sur le territoire
national. Comme le droit de la nationalité, la condition des étrangers est une matière très importante
puisque la France est un pays d’immigration.
C’est une matière qui renvoie à différents domaines :
- Les droits politiques des étrangers : les étrangers n’ont pas de droit de vote et pas d’accès à
la fonction publique,
- Les droits privés : le principe c’est que les étrangers ont les mêmes droits que les nationaux.
L’article 11 du Code civil ne s’applique plus.

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- Le domaine administratif : cela correspond à tous les droits d’entrée et de séjour sur le
territoire français. Question réglée par le CESEDA (Code d’entré et du séjour des étrangers et
du droit d’asile), mais ce code ne s’applique pas aux ressortissants de l’UE.

On intègre la condition des étrangers dans le domaine du DIP à cause des liens étroits que cette
matière entretient avec les conflits de lois. La condition des étrangers a pour objectif politique ultime
l’assimilation des étrangers. C’est pour cette raison qu’on leur accorde les mêmes droits privés que
les nationaux. En matière de conflits de lois cette idée est également présente.
II. Le droit de la nationalité

Le fait que la nationalité soit dans le DIP est une exclusivité française. La Cour de cassation et le
Conseil d’Etat ont décidé que le droit de la nationalité est du droit public interne. Certes il y a des
aspects de droit privé dans le droit de la nationalité, ne serait-ce que ce droit est règlementé dans le
Code civil, il est évident que les aspects du droit public l’emportent majoritairement car accorder la
nationalité à un étranger est une prérogative régalienne.

L’intégration du droit de la nationalité dans le DIP est une intégration accessoire car on considère de
manière assez logique que la condition des étrangers et le droit de la nationalité sont indissociables
parce que le but ultime du régime appliqué aux étrangers est à terme, l’octroi de la nationalité
française.

CHAPITRE LIMINAIRE : LES SOURCES DU DROIT DES CONFLITS DE LOIS

SECTION 1 : Les sources doctrinales

Pendant très longtemps, la doctrine a été la source principale du droit des conflits de lois. C’est un
droit qui a toujours été considéré comme compliqué et de ce fait, la doctrine a le temps de réfléchir
de manière approfondie et complète à ces problèmes. Les sources juridiques apparaissent bien plus
tard, c’est-à-dire à la moitié du XXème siècle.

L’histoire du conflit des lois ne remonte qu’au XIIème siècle. Avant, on ne pense pas les conflits de
lois parce qu’on ne les vies pas. Le droit romain ne réfléchit pas au conflit de lois puisque pour les
romains, le droit romain était appliqué, et pour les étrangers c’était leur droit à eux qui était
appliqué, donc aucun conflit de lois, aucune concurrence entre ces droits.

Après la chute de l’Empire romain d’Occident et malgré les invasions barbares, on ne trouve toujours
pas de conflits de lois puisque les barbares appliquaient un système personnalisé des lois, c’est-à-dire
qu’on appliquait à chacun le droit de leur tribu. Donc, sur un même territoire pouvait exister
plusieurs lois sans avoir de la concurrence entre ces dernières.

Dès le IXème siècle avec la période féodale, toujours pas de conflits de lois puisqu’est appliqué le
système de la territorialité des lois, c’est-à-dire que le Seigneur ne peut envisager que l’on applique
sur son fief une autre loi que la sienne. Là encore, aucune concurrence avec une loi étrangère.

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Il a fallu attendre le XIIème siècle avant de penser les conflits de lois. cela a commencé en Italie du
Nord.

I. Les doctrines originaires

A. La doctrine statutaire

1. L’école italienne des statuts

En Italie, c’est le début de la renaissance médiévale, une période de paix relative car la féodalité était
très peu présente car l’histoire italienne est une histoire de ville marchande. Ces villes marchandes se
dotent alors d’une règlementation que l’on appelle les statuts.

Pour la première fois de l’histoire européenne, des règlementations vont entrer en concurrence. On
assiste donc à une multiplication des conflits de lois. Deux auteurs ont alors développé des solutions
de conflits de lois : Bartole et Balde. Ces auteurs ont cherché des solutions des conflits de lois dans le
droit romain :
- La distinction entre la procédure et le fond : les règles de procédure sont forcément
soumises à la loi du for (loi du tribunal) alors que les règles du fond peuvent être soumises à
des règles étrangères.
- La loi applicable en matière de responsabilité civile : lex loci delicti, c’est la loi du lieu du
dommage qui va régler un litige en matière de responsabilité civile.
- La notion de « statut odieux » : le contenu de la loi étrangère peut se retrouver inacceptable
au regard des valeurs de la loi du for. Dans ce cas, on écarte la loi étrangère désignée et est
remplacée par la loi du for.
- La distinction entre les statuts réels et les statuts personnels : le statut réel concerne les
biens et sont d’application territoriale, alors que les statuts personnels relèvent du droit des
personnes et sont d’application extraterritoriale. Il faut donc analyser la nature de la loi pour
en déduire le champ d’application international.

2. La doctrine française des statuts

C’est l’auteur Dumoulin qui va apporter sa pierre aux solutions conflictuelles. Son apport va être de
mettre en évidence que la distinction entre statut réel et personnel est trop restrictive car il y a des
statuts qui n’entrent dans aucune de ces catégories et à qui on va appliquer la loi choisie par les
parties.

Dumoulin va défendre cette idée lors de la consultation de la veuve de Ganey qu’il rend en 1525 :
c’était un litige qui concernait l’héritage, et il fallait déterminer la coutume applicable à certains
immeubles qu’ils possédaient à Paris et à Lyon. Ici, c’est difficile de choisir entre les deux statuts, et
Dumoulin a raisonné d’une manière différente en s’affranchissant de cette distinction, et dit que le
régime matrimonial est un contrat tacite conclu entre époux, ne relevant ni de la coutume réelle ni
de la coutume personnelle, la loi applicable est donc la loi choisie par les époux. On considère que les
époux, en l’absence de choix express, ont choisi la loi du premier domicile conjugal, en l’espèce Paris.

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Ici, le grand apport de Dumoulin a été l’avènement de la loi d’autonomie, c’est-à-dire une règle de
conflit très spéciale parce que c’est la règle qui dit que la loi peut être choisie librement par les
parties.

Contrairement à un raisonnement fondé sur la nature de la coutume, Dumoulin dit qu’il faut partir
de la nature juridique, c’est-à-dire qu’il faut qualifier la situation juridique. On ne détermine donc
plus le champ d’application territorial de la loi, mais on détermine la loi la plus proche du problème
juridique.

De cette doctrine statutaire, qu’elle soit française ou italienne, on peut en tirer :


- Un grand avantage : absence de tout dogmatisme, c’est-à-dire que l’on met sur un pied
d’égalité la loi du for et la loi étrangère.
- Un inconvénient : les statutaires n’ont pas créé un système de conflit de lois parce que c’était
des personnes très pragmatiques. Le résultat est qu’ils n’ont pas pu répondre à toutes les
questions, telle que la détermination du champ d’application international du régime des
successions, et ont proposé comme solution de déterminer le champ d’application
international du statut en fonction du premier mot de l’adage qui exprimait la règle
successorale.

15/09/20
B. Le DIP, conflit de souverainetés étatiques
Il y a des systèmes opposés qui ont un droit commun qui est de penser que l’application de sa loi par
un Etat c’est l’expression de sa souveraineté. Seulement, la souveraineté d’un Etat est double : elle
est territoriale et personnelle. Elle s’exprime sur son territoire (territorialisme) et sur ses nationaux
(personnalisme).

1. Les territorialismes

C’est une idée extrêmement logique qui veut que l’Etat est souverain au sein de ses frontières, il ne
peut donc imposer sa loi que sur son territoire. Au-delà de ses frontières, il n’est plus rien donc la loi
doit être d’application territoriale. On lie l’application de la loi au pouvoir de coercition de l’Etat. On
parle ici de territorialisme et non pas de territorialité. Chaque territorialisme ne va pas accorder la
même place au droit étranger, c’est pour cela qu’il y a différentes théories territorialistes.

 Le territorialisme français : d’Argentré (1519-1590)

C’est un magistrat qui compte favoriser l’indépendance juridique de la Bretagne. C’est une théorie
très politique puisque son but est d’appliquer la coutume bretonne au maximum de situations
juridiques en Bretagne. Il s’est inspiré des statutaires mais n’a retenu que la distinction entre
coutume réelle et personnelle. Il va ajouter que les coutumes sont en principe réelles et n’est
personnelle que si elle est exclusivement personnelle. Les coutumes mixtes sont des coutumes
réelles. Les coutumes étrangères sont d’application très exceptionnelles.

Au regard des justifications politiques, le territorialisme d’Argentré a eu bcp de succès à l’étranger


mais pas en France. Cela plait bcp aux pays qui vont s’affranchir de d’autres pays. C’est pour cela que
le 2ème territorialisme est hollandais.

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 Le territorialisme hollandais (XVIè-XVIIIè s.)

Le contexte hollandais était doublement favorable aux conflits de lois. Les Provinces Unies vont
réussir à s’affranchir des couronnes d’Espagne. Elle acquière leur indépendance juridique. C’est un
pays qui va affirmer sa souveraineté et qui va avoir besoin de conflits de lois. Ils vont radicaliser la
pensée de D’Argentré en faisant une place encore plus réduite aux droits étrangers puisqu’ils vont
affirmer que c’est la loi locale qui s’applique (exit distinction droit réel et personnel).

Pourquoi cette radicalisation ? Car ce sont des hollandais et qu’ils ont théorisé le droit international
public. Ils sont conscients de l’idée de souveraineté des Etats, idée qui est en filigrane de la théorie
de D’Argentré. On ne badine pas avec la souveraineté quand on est un jeune Etat qui vient de
l’acquérir. Les hollandais n’envisagent donc que la courtoisie internationale : idée qu’un Etat peut
accorder une place à la loi étrangère chez lui. On applique la loi étrangère par l’équité ou par
opportunité (quand on cherche les faveurs d’un pays). Ce terme met en lumière qu’il ne s’agit pas
d’une obligation pour l’Etat.

 Le territorialisme anglo-américain (XIXè-XXè s.)

Aux USA, indépendance oblige donc ils s’affranchissent de la couronne britannique et ne peuvent
qu’être territorialistes. Les territorialistes américains vont reprendre les théories hollandaises, cela
s’explique par le contexte politique puisque les conflits de lois aux USA sont particulièrement
importants car il faut régler les conflits de lois des états fédérés.

Dicey a élaboré la théorie des droits acquis et a pour logique de considérer que l’on doit apprécier la
validité d’une situation juridique en fonction de son contexte. L’Etat doit appliquer la loi étrangère
lorsque des droits subjectifs ont été acquis sous l’empire de cette loi étrangère.

Ici Dicey combine le territorialisme avec une application fréquente de la loi étrangère sur le territoire
d’accueil. Aujourd’hui, la méthode la plus dangereuse pour les conflits de lois est celle de
reconnaissance des situations juridiques constituées à l’étranger.

2. Le particularisme
Fondée sur l’idée que le conflit de loi est soumis à la souveraineté.

 En Italie : Mancini (XIXè s.)

Il a théorisé le personnalisme, et considère que les principes de résolution des conflits de lois doivent
être trouvés dans le droit international public et notamment dans les principes de nationalité . De
plus, il considère que tout individu a un droit subjectif à exiger qu’on lui applique son droit national.
Pour lui, la nationalité fait partie de l’identité d’un individu. Le statut politique mais aussi civil de
chaque individu doit être soumis à la loi nationale.

Ce système personnaliste a eu beaucoup de succès car il a été repris par le Code civil italien, espagnol
et allemand. Cela a été le système retenu par les premières conventions de La Haye (conventions de

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droit international privé). Dans le cadre d’une organisation internationale qui a été créé sous l’égide
intellectuelle de Mancini. C’est un système qui n’a eu aucun succès dans les pays de Common Law.

Le système personnaliste de Mancini est un système de conflits de lois avec des solutions opposées à
celles du territorialisme car selon lui, les lois sont en principes personnelles. Primauté à la loi
nationale et si l’une des lois et personnelle et réelle, on va dire qu’elle est uniquement personnelle
(pour invoquer le droit national à chacun).

Une sorte de réconciliation entre personnalisme et territorialisme va être réalisée par Pillet.

 En France : Pillet (XXè s.)

Pillet est un publiciste de droit international public. Il va tenter de concilier personnalisme et


territorialisme car il a le grand mérite de mettre en lumière que les deux théories qui peuvent mener
qu’à une impasse car la souveraineté d’un État est forcément double : elle est territoriale et
personnelle.

Que l’on choisisse un système ou l’autre, on porte atteinte à une des deux dimensions de la
souveraineté d’un État et donc dire que l’on privilégie la souveraineté territoriale à la personnelle
est un choix politique.

Pillet a tenté de sortir de cette alternative, et a proposé un autre principe qui est celui du moindre
sacrifice, c’est-à-dire qu’il faut appliquer la loi qui a le plus d’intérêt à l’être en déterminant son but,
et appliquer la loi dont l’objectif est le plus important dans la circonstance présente dans l’espèce.

Il met en lumière deux catégories d’objectifs permettant de savoir quelle loi appliquer :
- Soit la loi peut garantir des intérêts individuels comme la loi sur la protection des incapables :
devra être d’application extraterritoriale.
- Soit la loi a un but d’intérêt général et doit être d’application territoriale.

Il est assez compliqué de distinguer la loi qui poursuit l’intérêt individuel et l’autre l’intérêt social. Sa
théorie n’était pas dogmatique ni politique. Il y a aussi l’idée qu’en définitive, il faut appliquer la loi
qui est la mieux adaptée à la situation.

II. Les doctrines modernes

A. Le DIP, conflit d’intérêts privés

Il s’agit ici de la dépolitisation du DIP par un juriste allemand : Savigny (première moitié du XIXe). Il
savait que si la codification se faisait à son époque, cela se ferait avec le CC français (il n’en voulait
pas).

Sa doctrine a été convaincante en matière de droit international privé car il va l’affranchir du droit
international public puisqu’étaient en cause des intérêts privés et non pas étatiques. Il considère que

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l’autorité politique de l’Etat n’est pas mise en danger au motif qu’une loi étrangère trouve à
s’appliquer sur son territoire car il s’agit seulement de résoudre un conflit d’intérêt privé.

Il va proposer un autre critère pour résoudre les conflits de lois et va dire que le point de départ n’est
pas la loi mais la nature de la situation juridique. En effet c’est en déterminant la nature de la
situation juridique que l’on appliquera la loi qui présente des liens les plus étroits.

Ces catégories juridiques essentielles sont les mêmes en droit interne. C’est pour cela que l’on a un
DIP de la famille, des contrats etc. L’opération de qualification est essentielle : elle permet de savoir
quelle loi appliquer. On va ensuite appliquer un critère de rattachement qui va localiser la situation
juridique.

 Arrêt de Lautour du 25 mai 1948 : Il s’agissait d’un accident qui a eu lieu en Espagne. Des
camions français entrent en collision avec un train et le chauffeur est tué. Sa veuve demande
un complément sur le fondement de la responsabilité civile. Si c’est le droit français qui est
applicable, la veuve a le droit d’obtenir un complément d’indemnisation. Mais, si c’est le
droit espagnol, cela ne s’appliquera pas car c’est un droit qui ne connait que la responsabilité
pour faute, et de ce fait la veuve n’obtiendra rien de plus.
A l’époque, il y avait un grand débat pour savoir si en responsabilité il fallait appliquer la loi
du for avec l’idée classique que tout ce qui est de la responsabilité civile relève finalement
de l’ordre social. On doit appliquer la loi du juge saisie. D’autres plaidaient pour cette loi et
d’autres pour la lex loci delicti (loi du lieu). La CC° choisie la loi du lieu : elle considère que
c’est un meilleur critère de rattachement.
Cet arrêt met en lumière cette dépolitisation des solutions conflictuelles, mais aussi sa
neutralité.

B. Universalisme et particularisme

A savoir : Savigny est le père du DIP moderne, mais au moment où il l’écrit, cela n’a pas eu d’effet. Sa
façon de pensée va s’imposer petit à petit.

Au 19ème siècle on voit apparaitre ces 2 notions (universalisme / particularisme) car à cette époque
c’est le siècle des grandes codifications nationales, qui renvoie à 2 conséquences :
 Les règles conflictuelles deviennent également nationales (on a un DIP français, un DIP
espagnol, un DIP Italien…).

 Mais c’est au moment où le DIP devient national, que les conflits de lois deviennent
internationaux, justement par ce qu’on a unifier le droit civil dans les Etats (conflits entre loi
française et loi étrangère).
Le risque est que chaque juge national va appliquer son droit national, donc on n’aura pas les
mêmes solutions, bien que les systèmes juridiques soient proches, car els règles
conflictuelles ne sont pas les mêmes : c’est le risque du forum shopping  situation où on va
aller devant le tribunal dont on sait, qui va nous donner raison. Cela va découler sur des
décisions contradictoires donc qui est facteur de désordre international.

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En conséquence à ce système, il y a 2 écoles : les universalistes, c’est-à-dire ceux qui
pensent qu’il faut mettre fin aux sources nationales (Pleins de DIP), et les autres qui sont les
particularistes, qui pensent qu’il n’y a que ça qui peut marcher.

o Universalisme

Pour éviter ce forum shopping, les universalistes vont plaider pour l’internationalisation des
sources du DIP, afin d’unifier les règles du conflit de loi. Si chaque pays applique la même
règle de conflit, donc même loi, donc plus de contradiction : facteur de sécurité juridique.

Savigny était un universaliste, son raisonnement était : on peut parfaitement unifier les
règles de conflits de loi car les pays d’Europe partagent une communauté de civilisation ;
civilisation qui ont toutes été influencés par le Droit Romain et le Christianisme. Pour lui, ce
sera facile de se mettre d’accord sur les catégories juridiques identiques, et d’avoir des
critères de rapprochement.
Cependant, à l’époque où il écrit, ce n’est qu’un idéal et absolument pas réaliste, pour
plusieurs raisons :
 Déjà car l’Europe est partagée en 2, le Common Law n’est pas influencé par le droit
Romain…
 De plus, même entre pays ayant la même communauté, le contenu des catégories
juridiques sont très divers, comme par exemple la prescription : en France on
considère que c’est une règle de fond mais dans d’autres pays c’est une règle de
forme. Ou alors la donation, en France c’est un contrat, alors qu’en Angleterre, cela
relève du droit du bien.
 Idem pour les critères de rattachement, car certains pays appliquent la droit national
(France) d’autre appliqueront le droit local (Angleterre).

Malgré ces limites, le raisonnement de Savigny est celui adopté aujourd’hui par le DIP de
l’UE. Le DIP de l’UE est fondé sur des notions autonomes, donc il faut forger pour le DIP de
l’Union, des catégories autonomes, en faisant une sorte de synthèses avec les Etats, quitte à
obliger certains Etats à changer leurs catégories.
Le but est d’adopter des critères de rattachement commun. Cependant, il y a bcp de
questions qui restent sans réponses au sein du DIP de l’UE (par exemple on ne sait toujours
pas ce qu’est un contrat en DIP UE). C’est très compliqué de se mettre d’accord sur des
notions unifié.
L’universaliste à l’échelle européenne, est du droit positif.

Pillet était aussi un universaliste, et considère que ce sont les règles du droit international
public, qui doivent être solliciter pour résoudre un conflit de loi (car le DIPublic est commun
à tous les Etats).
Cependant sa théorie était irréaliste, car le DIPublic n’est pas capable de donner des
solutions à un conflit ; ce n’est pas son objet.

o Particularisme

C’est en réaction à l’universalisme que le particularisme va être créer.

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Bartin (auteur important du 20ème siècle) part du principe de « tout indissociable » entre les
règles du conflit de loi et les règle du droit interne. Donc on élabore les règles du conflit de
loi en fonction des catégories juridiques : c’est la qualification lege fori (=selon la loi du for).
Donc pour qualifier en DIP, on s’appuie sur des catégories juridiques en droit interne, et en
fonction du contenu de ses catégories juridiques, on va en déterminer le critère de
rattachement le plus adapté.
Cela signifie que pour unifier les règles de conflit de loi, il faut commencer par unifier les
règles de droit interne, mais c’est impossible pour lui. Surtout, il faut veiller à la cohérence
entre droit interne et droit des conflits de loi, avant d’essayer d’avoir de la cohérence au
niveau international.
Pour lui, le DIP ne peut que d’être de source nationale.

Niboyet considère que la France est un pays d’immigration donc il faut absolument que la loi
française s’applique à toutes les personnes en France. Il est complètement contre la loi
internationale, afin d’appliquer la loi Française aux étrangers de France.

Ce qui caractérise la doctrine international privatiste aujourd’hui :


- Les règles de conflits de loi sont dépolitisées (sauf les lois de police).
- Abandon de tout dogmatisme : étude du droit positif selon la doctrine très
internationaliste qui se donne pour objectif d’assurer la stabilité des statuts (par
exemple faire en sorte que les gens soient considérés mariés autant dans un pays
que dans un autre).

SECTION 2 : Les sources juridiques

Les sources juridiques ont obéi au mouvement global suivant : national, puis international,
puis européen, bien que ces 3 mouvement cohabitent.

§ 1 - Les sources internes

A – Les sources classiques : la doctrine et la jurisprudence

Les conflits de loi (DIP) sont un domaine où pendant très longtemps, c’est la JP qui a été la
source. Mais certains domaines en ont échappé au profit de la JP, notamment lorsqu’il n’y
avait pas de loi.

Le droit national est donc prétorien. La CC° vise souvent les principes généraux du droit :
doctrine et JP. Il y a un dialogue constant entre la C° et la doctrine. En effet, la CC° reprend
très souvent les solutions prônées par la doctrine (il n’y a que 1-2 fois où la CC° était contre
la doctrine).

B – La revanche éphémère de la loi

Pdnt très longtemps on avait un seul texte en droit des conflits de loi, qui était l’article 3 du
code civil (on l’a toujours d’ailleurs). Du coup après la 2nd GM, on a tenté de codifier le DIP,

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mais cela été échec sur échec. Par conséquent dans les années 60, il y a la réforme du Code
civil (Doyen Carbonnier) n’y intégrant des règles de conflits de loi : pour chaque domaine de
droit réformé, on va penser à y intégrer des règles de DIP.

D’ailleurs, en 1972 on voit apparaitre dans le cc les articles 311-14 à -18, qui sont les règles
de conflits de loi en matière de filiation.
Notamment la loi de 1975 intégrant l’article 310 du code civil (aujourd’hui article 309) qui a
instauré des règles de conflits de loi en matière de divorce. Cependant cet article a été très
critiqué car cet article rompait avec la règle doctrinale, mais pourtant cet article favorisait le
divorce à la française.
L’article 2221 cc issu de la loi de 2008, concernant la prescription : le droit français considère
que c’est une règle de fond et pas de procédure.
La loi de 2011 intègre une règle de conflit de loi sur le PCS (alors que le PACS en France a été
créée en 1999 : il a fallu 10 ans pour y intégrer une règle de conflit de loi à ce sujet).
La loi du 17 Mai 2013 « Loi Taubira » sur le mariage homosexuel, a intégré une règle de
conflit de loi spécifique.

§ 2 - Les sources internationales

Ce sont développés tardivement : à compter des années 50.

A – Les traités

Les traités peuvent avoir différents objets mais on s‘intéresser aux traités qui ont pour objet
d’unifier les règles de conflits de loi, notamment les Conventions internationales de la
Haye qui ont été négociés et signés dans le cadre de la Conférence de DIP de la Haye.
Aujourd’hui +80 Etats y siègent, mais aussi l’UE depuis 2007 ce qui a été très critiqué car les
Etats ont perdu leur souveraineté de négocier la Convention de la Haye car c’est l’UE qui l’a
fait à leur place. En plus l’UE a le droit a 27 voies, alors que les EU 1 seule.
Les conventions sont signées lors de la Conférence tous les 4 ans et porte sur toutes les
questions du conflit de loi (DIP).
A sa création, les EU et le RU n’y participaient pas, jusqu’à l’après 1ère GM.
Elles prévalent sur le DIP d l’UE.

1. Les conditions d’application des traités

La première phrase de l’article 55 C° a été étudié en licence (primauté des traités sur els lois
nationales, mêmes postérieures). Ce qui va nous occuper c’est la condition de réciprocité :
fin de l’article. En fait le principe est que chaque Etat va respecter le Traité à condition que
l’autre Etat le respecte aussi.

En réalité, certains types de Traité n’y sont pas soumis, comme les traités humanitaires
(convention des droits de l’Homme…) : tous mes Etats doivent la respecter, peu importe si
un autre Etat ne la respecte pas. Il y a aussi les Traités qui prévoient eux même de sanction
en cas de non-respect de la loi (Traité de l’UE).

12
Lorsque la condition de réciprocité est applicable, elle a donné lieu à une JP abondante, qui
devait répondre à 2 questions :

- Est-ce que les juges peuvent ou doivent apprécier le respect de cette condition ?

Pour répondre à cette question il faut envisager 2 hypothèses :

 En présence d’une décision officielle du Gouvernement, les juges n’ont aucun pouvoir
d’appréciation car c’est un acte de Gouvernement (portée de l’engagement que
l’Etat est prêt à prendre).
Dans un arrêt d’assemblée du 12 Octobre 2018 « SUPERCOIFFEUR » : super coiffeur
fait travailler des clandestins, donc est condamné à 2 amendes administratives : l’une
au titre du droit du L et une au titre du CESEDA.
Mais il conteste le fait d’avoir été puni 2 fois pour la même infraction en disant que
c’est contraire à l’article 4 Protocole 7 de la Convention des DLH que la rance a
ratifier (non bis in idem). Cependant, certes la France avait ratifié ce Protocole mais
en mettant une réserve : exclusivement lorsqu’on est sanctionné par une J° pénale.
Du coup il demande au CE d’invalider cette réserve. Le CE refuse car une réserve est
un acte de gouvernement.

 S’ils n’ont pas ce pouvoir, est ce qu’ils peuvent ou doivent interroger le


Gouvernement à ce sujet (sursoir à statuer) quand ils n’ont pas la réponse ?
Pour répondre à cette questions 2 approches sont possibles :

 Approche constitutionnelle : Depuis 1975 ce sont les JJ et JA qui appliquent la


première partie de l’article 55 C°, donc la logique pousse conclure à une
réponse positive.
 Approche pragmatique : Cette règle de réciprocité est une très vieille règle de
DIPublic coutumier. Les juges ne doivent donc pas apprécier eux même la
question de la condition de réciprocité car cela attrait aux relations
internationales donc à la politique. Aujourd’hui, toutes les J° se rangent de cet
avis.

22/09/20

- S’ils n’ont pas ce pouvoir, est ce qu’ils peuvent ou doivent interroger le Gouvernement à ce
sujet (sursoir à statuer) quand ils n’ont pas la réponse ?

Dans ce domaine, CC° et CE ne sont pas d’accord :

 La CC° admet que les juges judiciaires doivent être très en retrait et qu’en l’absence de toute
position officielle du Gouvernement, les juges n’ont pas à prendre l’initiative d’interroger le
Gouvernement sur le respect de la réciprocité. Donc, la réponse est la même qu’à la
première question à savoir que le juge ne peut pas apprécier lui-même la condition de
réciprocité.

13
 Le CE avait adopté la position inverse dans un arrêt Rekhou du 29 mai 1981 : à propos des
accords d’Évian. Or, ces accords réglaient le sort des pensions à verser aux algériens qui,
avant l’indépendance avaient travaillé pour la France. Ces accords prévoient que
l’indépendance ne remet pas en cause leur droit à toucher des pensions. A un moment
donné, la France cristallise ces pensions, c’est-à-dire qu’elle gèle toute revalorisation des
pensions, au motif que l’Algérie ne respecte pas les accords d’Évian. Mr. Rekhou intente une
action pour contester cette cristallisation. Pour pouvoir statuer, le CE demande au Ministère
des affaires étrangères pour savoir si oui ou non la condition de réciprocité est respectée.

La CC° a eu raison pour plusieurs arguments :


 Notamment ceux déjà énoncés dans la première question. Donc, les juges n’ont pas à
entraver la politique internationale du Gouvernement en lui demandant de formuler un avis.
 Puis, il y a un argument juridique qui condamne la position du CE : le ministère du budget
gèle la revalorisation des pensions car l’Algérie ne respecte pas les accords. Un ministère est
défendeur à un procès et pour, trancher un litige on demande à un autre ministre : c’est la
solidarité gouvernementale. Cela est contraire aux principes fondamentaux du droit
processuel car le CE considérait que l’avis du ministère des affaires étrangères était
impératif. Cela est contraire aux droits de la défense, à l’égalité des armes et à la nécessité
du tribunal d’être impartial et indépendant.

C’est pour cette raison que la France a été condamnée par la CEDH dans un arrêt Chevrol de
2003 : en l’espèce, deux médecins algériens souhaitaient exercer en France et donc
demandent à être inscrit à l’ordre départemental des médecins des Bouches-du-Rhône.
Refus d’inscrire ces médecins. Mme. Chevrol invoque l’article 5 des accords d’Évian. Dans
cette affaire, le CE applique sa jurisprudence Rekhou, interrogeant le Ministère des affaires
étrangères : l’Algérie ne respecte pas les accords, y compris l’article 5 donc Mme. Chevrol a
été déboutée par le CE. Cette dernière va devant la CEDH qui condamne la France. La Cour va
parler de mutilation de la fonction juridictionnelle puisque les juges doivent statuer
conformément à l’avis donné par le Gouvernement.

Donc, si la France est condamnée, ce n’est pas parce que le CE demande l’avis du
Gouvernement. Ce que la CEDH reproche au CE est de considérer que cet avis est impératif.

A la suite de cette condamnation, le CE était devant une alternative : soit il s’aligne sur la
position de la CC°, soit il continue à demander l’avis au Gouvernement mais le considère
comme consultatif. Le CE a adopté cette seconde solution dans un arrêt Souad de 2010. Le
CE perd un revirement de jurisprudence et considère que l’article 5 est respecté par l’Algérie.
En définitive, en rendant l’avis consultatif, le CE s’arroge le pouvoir d’apprécier lui-même si la
condition de réciprocité est respectée. En s’arrogeant le pouvoir de retenir ou d’écarter l’avis
formulé par le Gouvernement signifie que le CE apprécie lui-même le respect de la condition
de réciprocité. Le revirement de jurisprudence sur cette question opère aussi revirement sur
la première.

2. L’interprétation des traités

14
 Les juges peuvent-ils interpréter eux-mêmes les traités ?

La jurisprudence a été divisée, mais est désormais unifiée, dans le sens d’une interprétation
juridictionnelle des juges. Donc, les juges peuvent interpréter les traités. C’est en 1990 que le CE a
opéré son revirement de jurisprudence, alors que la CC° a toujours considéré que les juges pouvaient
interpréter les traités.

 Est-il logique de la part de la CC° de répondre différemment aux deux questions ?

Il n’y a pas d’incohérence de la part de la CC° car imaginons que la CC° n’interprète pas et ne
demande pas l’avis au Gouvernement, le traité sera obscur, et conduirait à un déni de justice car les
juges seraient dans l’incapacité de statuer. Pour éviter cela, il faut donner la possibilité aux juges
d’interpréter eux-mêmes les traités. Lorsque la CC° dit que les juges judiciaires ne peuvent statuer
sur la condition de réciprocité, cela ne conduit pas à un déni de justice.
B-Le droit de l’Union européenne

1. Le droit dérivé

a) Les règlements

Dans un premier temps, les Etats membres de la CEE ont réglé entre eux la question du DIP en
concluant des conventions internationales classique car le DIP ne faisait pas partie des compétences
de la CEE. Donc, un certain nombre de conventions ont été conclus dont la Convention de Bruxelles
du 27 septembre 1968 concernant les conflits de juridiction en matière civile et commerciale.

On trouve d’autres conventions :


- Bruxelles 2 de 1998 qui tranche un certain nombre de conflits de juridiction, notamment la
question juridictionnelle en certaines matières familiales.
- La Convention de Rome du 19 juin 1980 concernant la loi applicable sur les obligations
contractuelles.

Ce n’est qu’avec le Traité d’Amsterdam en 1997, que le DIP est tombé dans l’escarcelle de l’UE. C’est
le Traité de Lisbonne qui va donner un fondement express à l’unification du DIP par l’UE (Cf. Article
81 TFUE).

 Pourquoi on est passé de convention internationale classique à une communautarisation


de la matière ?

L’argument invoqué est que si l’on souhaiter unifier le DIP, il aurait été préférable de le faire par
règlement que par conventions car c’est un processus moins long. C’est pour cette raison que le DIP
devienne compétence communautaire.

Pour les Etats, c’est une catastrophe car dès que l’Union a une compétence interne, non seulement
les Etats perdent leur compétence interne mais perdent aussi leur compétence externe, c’est-à-dire
qu’ils ne peuvent plus négocier de conventions internationales sur le domaine dont s’est emparé

15
l’Union : c’est ce que l’on appelle les compétences externes implicites de l’Union. La CJUE considère
en 1971 que pour préserver l’effet utile de la règlementation européenne, il faut que les Etats
perdent leur compétence externe. C’est désormais l’article 3.2 TFUE qui reprend cette règle.

Conséquences de la perte de la compétence externe :


- Cela est très ennuyeux pour un pays comme la France car elle a un grand empire colonial
avec pour conséquence qu’elle a conclu de nombreuses conventions bilatérales avec des
colonies, dont parfois elle a besoin de renégocier. Pour le faire, il va falloir demander
l’autorisation à Bruxelles.
- De plus, l’UE est désormais partie à la Conférence de la Haye, et non plus les Etats membres.

La conséquence de cette communautarisation est que les conventions ont été transformées en
règlement de l’Union directement applicable :
- Convention de Bruxelles : Règlement Bruxelles 1 et un autre 1 bis
- Convention de Rome : Règlement Rome 1 ; Rome 2 (loi applicable sur les obligations non
contractuelle) ; Rome 3 (loi applicable aux divorces et à la séparation de corps, ne lie que 15
Etats membres)
- Règlement succession du 4 juillet 2012
- 2 règlements du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux : loi applicable sur les conflits de
juridiction et sur les effets patrimoniaux de partenariats enregistrés.

b) Les directives sectorielles

Il s’agit principalement des directives consuméristes (les premières directives consuméristes ne se


prononçaient pas sur les conflits de lois, c’est à partir de la directive de 1993 sur la lutte des clauses
abusives, que l’on a commencé à adopter les règles de conflits de lois).
Ces règles conflictuelles sont toutes d’inspiration unilatéraliste, c’est-à-dire que la directive prévoit le
champ d’application international, sans se préoccuper de savoir qu’elle est la loi applicable aux
autres pays, toujours dans l’optique d’assurer un champ international le plus large.

On a eu des directives en matière d’assurance mais ont été abrogées car ont été intégrées dans le
règlement Rome 1. On a aussi la directive sur le détachement des travailleurs.

Logiquement, cette multiplication des règles conflictuelles dans chaque directive nuit à l’unification
des règles de conflits de lois en matière de droit de la consommation, alors même que l’article 5 du
règlement Rome 1 prévoit les règles applicables en matière de droit la consommation. Cela rend
illisible la matière conflictuelle pour les contrats de consommation. Les lois de transpositions sont
différentes entre chaque pays, donc pour connaitre la loi applicable cela est très compliqué.

2. Le droit primaire ?

 Le droit primaire est-il une source de conflits de lois ?

Il parait étonnant que les traités puissent être source de règles conflictuelles. L’expression DIP de
l’UE est un oxymore, monstre juridique parce que le DIP admet la diversité législative et tente de la

16
gérer au mieux qu’il peut, alors que le droit de l’UE est « allergique » à cette diversité et considère
qu’il faut unifier les législations des différents Etats membres car c’est cette unification qui permet
un bon fonctionnement du marché intérieur. Ceci est un postulat non démontré. Quoi qu’il en soit, il
existe une profonde différence de philosophie qui nous fait dire que le DIP de l’UE est un monstre
juridique.

C’est partant de ce postulat que certains auteurs ont défendu l’idée que les libertés de circulations
de l’Union devaient s’accompagner de la liberté de circulation des lois. Exemple : pour qu’un produit
puisse librement circuler au sein de l’union, il faut que ce produit puisse circuler avec la loi sous
l’empire de laquelle, il a été fabriqué, à savoir la loi du pays d’origine, car toute exigence
supplémentaire du pays d’importation (titre de l’information des consommateurs) serait une entrave
à la libre circulation des produits. Il faut appliquer systématiquement la loi du pays d’origine.

C’est une théorie défendue par les libéraux et disent que ces libertés de circulations dans le TFUE
contiennent des règles de conflit implicites et générales au bénéfice de l’application systématique de
la loi du pays d’origine.
La doctrine française ne participe pas à ce mouvement. C’est le professeur Vincent Ezer qui est
surtout contre cette théorie et fait valoir que ce serait source de dumping juridique au bénéfice des
pays les moins disant fiscalement, juridiquement. Les autres auteurs français sont toujours contre
cette théorie mais font valoir que l’on ne doit pas vraiment s’inquiéter puisqu’on a aucun risque de
voir triompher au sein de l’union, une application inconditionnelle et générale de la loi du pays
d’origine. C’est une vue de l’esprit, puisqu’on aucun risque de voir triompher cette règle de conflits
implicites parce que l’application systématique de la loi du pays d’origine contrevient à d’autres
impératifs du droit de l’union telle que l’exigence d’une concurrence non-faussée ainsi que la
protection des consommateurs.

 Qu’en est-il en droit positif ? / Est-ce que la doctrine du droit du pays d’origine est-elle du
droit positif ?

Il est certain qu’au sein de la Commission Européenne (notamment la direction du marché intérieur),
il y a des partisans de cette théorie. Cependant, la direction de la Justice qui est une direction se
trouvant dans la Commission Européenne, n’est pas favorable à cette théorie.
On a remarqué qu’ils étaient partisans à cette théorie lors de l’élaboration du règlement Rome I.

Mais lors de la proposition du règlement Rome I, il était expressément prévu dans son article 22 que
si les règles de DIP du règlement contredisaient les règles destinées à favoriser le bon
fonctionnement du marché intérieur, il fallait écarter les règles du règlement. En fait il y avait la
volonté de soumettre les règles conflictuelles, aux règles de libertés de circulations qui sont les règles
reines du bon fonctionnement du marché intérieur.
Cependant, le Parlement a refusé que cet article soit intégré dans le règlement Rome I, donc il a
obtenu que cet article disparaisse du règlement définitif. Cependant les débats entre le Parlement
et la Commission a découlé sur un compromis : certes cet article a disparu du règlement, mais a été
intégré dans les « Considérant » donc dans l’exposé des motifs du règlement.
Finalement avec ce compromis, on doute du gain de cause du Parlement. En réalité cela va
dépendre de la valeur juridique du Considérant : s’ils ont une valeur juridique contraignante, le
Parlement s’est « fait avoir ». En fait, la théorie est que le préambule, l’exposé des motifs n’ont pas
valeur juridique : seulement les articles dans le corps du texte. Seulement en pratique, on n’a jamais

17
vu un préambule ne pas avoir de valeur contraignante (ex : le Préambule de la C° de 46 qui fait
partit du bloc de constitutionnalité).

Finalement est ce qu’on doit craindre le triomphe de la loi du pays d’origine ? En réalité non et oui :
 Non, car à partir du moment où on a un règlement conflictuel, il est très peu probable que la
loi du pays d’origine triomphe car il y a dans chacun des règlements des règles de conflit de
loi qui ne désignent pas la loi du pays d’origine (exemple : Rome II qui a opté pour la loi du
lieu du préjudice).
 Oui, car cette doctrine est bien du droit positif en DIP de l’UE à chaque fois qu’un domaine
n’a pas de règlement conflictuel. A chaque fois qu’il n’y a pas de règlement, la Cour de Justice
a utilisé les libertés de circulations du Traité, pour imposer la loi du pays d’origine 
Méthode de reconnaissance des situations juridiques.

CHAPITRE 1 : LA METHODE DE PRINCIPE : LA METHODE SAVIGNIENNE

Prolégomènes : Structure et caractères de la règle de conflit savignienne

o Structure

Cette règle repose sur l’enchainement « qualification + critère de rattachement = localisation ».


Exemple : établissement de la filiation naturelle + loi nationale de la mère au jour de la naissance
de l’enfant = localisation dans le pays dont a mère a la nationalité.

Le critère de rattachement a pour fonction de désigner la loi qui présente les liens les plus étroits
avec la situation juridique. L’appréciation de l’étroitesse des liens se fait de manière abstraite et
objective. En effet, si on reprend l’exemple factuel de la filiation : la mère est Tunisienne au jour de la
naissance, le père est Algérien. Tout le monde vit en France donc l’enfant est français.
Ultérieurement, la mère acquiert la nationalité Française. Et pourtant pour établir la filiation
naturelle, on va appliquer la loi Tunisienne a une situation juridique qui n’a plus aucun lien avec la
Tunisie.

A savoir : Qd on parle de « la règle de conflit » sans précision, on parle de la règle de conflit


Savignéenne.

o Caractères

Il y a 3 caractères de la règle de conflit Savignienne :

- Indirecte : elle n’est pas là pour donner la solution au pb, mais pour désigner la loi qui va
donner la solution au pb.
- Bilatérale : le bilatéralisme suppose que la loi du for et loi étrangère soit considéré de façon
égales.
- Neutre : Non seulement elle ne tranche pas le fond du droit, mais en plus elle s’en
désintéresse complément : on ne connaît pas le contenu de la loi applicable lorsqu’on la
désigne.

SECTION LIMINAIRE : L’APPLICABILITE DE LA REGLE DE CONFLIT

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Cette section est étonnante car on va se demander « est ce que le juge doit forcément appliquer la
règle du conflits ». Cela va dépendre des situations :

Qd au moins une des parties à l’instance demande la règle du conflit, évidemment le juge est
obligé de l’appliquer.

Cependant, dans 2 autres hypothèses c’est plus compliqué :

- Dans le silence des parties : ici l’élément d’extranéité est connu (nationalité et domicile des
parties), mais les parties gardent le silence sur l’applicabilité de la règle de conflit.
Alors que doit faire le juge face à ce silence ? Doit il appliquer la règle de conflit d’office, ou
est ce qu’il a le choix de le faire, ou est ce que ça lui est interdit ? (§1)

- Quand les parties demandent au juge de ne pas appliquer la règle des conflits. C’est la
question de la force obligatoire de la règle de conflit à l’égard des parties (§2).

§ 1 – L’autorité de la règle de conflit à l’égard du juge

On a répété plusieurs fois que le DIP/règle de conflit est un droit savant qui fait que la JP et al
doctrine travaillent ensemble. Cependant, ce sujet est le rare exemple où al doctrine et la JP ne sont
pas d’accord. La JP a bcp évoluer avant d’arriver à une solution pas appréciée par la doctrine.

A – Les évolutions jurisprudentielles : le mouvement du pendule

1. L’application de la règle de conflit, simple faculté pour le juge

C’est ici que la doctrine s’est déchainée contre la JP car elle a dit que le juge n’avait pas l’obligation
d’appliquer la règle du conflit.

a. Les applications

Arrêt BISBAL (grand arrêt de DIP) du 12 Mai 1959 : Cet arrêt fait partir d’un contentieux très fréquent
à l’époque, car il avait de l’immigration en France issu de pays catholique qui interdisaient le divorce.
En l’espèce, le couple BISBAL (espagnol qui vivent en France) ne pouvaient pas divorcer donc
séparation de corps. Cependant le mari souhaite que cette séparation de corps soit convertie en
divorce. Du coup la J° française prononce le divorce conformément en droit français, alors qu’à
l’époque, le droit français n’était pas applicable car le divorce était appliqué par la loi nationale
commune des citoyens. Cependant, aucun des conjoints n’a invoqué la règle de conflit de loi. Ce
n’est qu’au pourvoi que l’avocat de l’épouse reproche au juge du fond de ne pas avoir appliqué
d’office la règle des conflits. Du coup le pourvoi donne grande cause à l’épouse. Cependant, la CC°
refuse et casse l’arrêt en disant que les juges du fond n’avaient pas à appliquer la règle des conflits
car ce n’est pas une règle d’ordre public, et que c’est aux parties de la demander. Du coup on ne peut
pas reprocher aux juges du fond de ne pas avoir appliquer la règle des conflits. Donc lorsque la règle
de conflit désigne une loi étrangère, les juges n’ont pas à l’appliquer d’office.

Cependant, on se demande pourquoi les juges n’ont pas à l’appliquer d’office ? La CC° repondéra à
cette question dans un autre grand arrêt de 1960 « Compagnie Algérienne de crédit et de banque »,
2 Mars 1960. Ici le reproche du pourvoi est inverse que l’arrêt BISBAL puisqu’il était reproché au juge
du fond d’avoir appliqué d’office une règle de conflit qui n’a pas été invoqué par els parties. Le
pourvoi est rejeté par la CC° aux motifs qu’il est « loisible » au juge d’appliquer la règle de conflit :

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donc on comprend que c’est une faculté qui l’a ; dans le silence des parties, l’application de la règle
de conflit par le juge est autorisée sans être imposé.

b. Les tentatives de justification

i. Pratiques

Cette JP se justifie en pratique puisqu’il cela permets d’alléger l’office des juges du fond.

Cependant, accepter cela est traduit par une rupture d’égalité ; et cela permets de frauder à la loi
étrangère : si on prend l’arrêt BISBAL, le mari a choisit la J° selon la décision qu’il souhaite (forum
shopping).
ii. Juridiques

-Articles 7 §2 et 8 du CPC :
 L’article 7 : le juge peut prendre en considération les faits qu’il souhaite
 L’article 8 : le juge peut inviter les parties à fournir des explications de faits supplémentaires.
Donc le juge est souverain car il a la maitrise des faits pendant le procès ; il a la maitrise de
l’élément d’extranéité, peut insister dessus, ou même l’évincer.

-Article 12 §1 CPC : le juge tranche le litige conformément aux règles de droits qui lui sont
applicables. En effet le droit n’est pas à la carte pour le juge ! Pourtant, dans l’arrêt BISBAL on nous
dit que la loi ne s’applique pas au juge et c’est lui qui décide de l’appliquer ou pas, car cette règle
n’est pas « d’ordre public », mais et alors ? Que la règle soit impérative ou supplétives, la règle est
censée s’appliquer au juge.

-Dire que la règle de conflit désigne un droit étranger alors elle ne s’impose pas, c’est finalement
contraire à la bilatéralité de la règle de conflit.

-Finalement cet arrêt permet aux parties d’écarter le droit qu’ils veulent. Dans l’arrêt BISBAL cela
permet d’écarter le droit espagnol par le forum shopping.

-Toutes ces critiques sont à l’origine d’un revirement de JP, qui va faire de la règle de conflit une
véritable obligation pour le juge.

2. L’application de la règle de conflit, véritable obligation pour le juge

a. L’affirmation de l’obligation

On cite 2 arrêts d’Octobre 1988 qui opèrent un véritable revirement de JP :

REBOUH : La mère est Algérienne et intente une action en recherche de paternité naturelle. Les
juges du fond la déboutent sur le fondement du droit français, alors même que c’est la loi algérienne
qui est applicable. Cependant la CC° casse la CA en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir
appliquer d’office la règle des conflits, au visa de l’article 12 CPC. En réalité la loi Algérienne ne
permet pas l’établissement de la filiation naturelle, donc impossible d’établir une filiation naturelle.
Finalement si les juges du fond avaient appliqué la règle des conflits ou le droit français, la solution
aurait été la même : elle aurait été déboutée.

SCHULE : un Suisse domicile en Suisse meurt, et avait fait une donation déguisée par sa maitresse ;
ce qui est contesté par sa fille au moment de son décès. Les juges du fond appliquent le droit

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français, annulent la donation fait à la maitresse. Pourtant, le droit Suisse était applicable, car selon
le DIP français des successions, aux succession mobilières, on applique la loi du dernier domicile du
défunt. Du coup la CC° casse la CA au visa de l’article 12 CPC, pour ne pas avoir appliquer d’office la
règle des conflits.

Dans ces 2 arrêts, on voit un grand revirement de JP puisque la CC° reproche à la CA de ne pas avoir
appliqué la règle de conflit : désormais, il y a obligation de l’appliquer, même si elle désigne une
règle étrangère. Le revirement concerne tous les litiges que les droits soient disponibles ou
indisponibles (donc quel que soit la nature du droit litigieux) : elle est générale.

b. Le recul de l’obligation

Cependant, 2 ans plus tard, cette obligation des juges est remise en cause. En effet, dans l’arrêt
« Société COVECO » en 1990 qui limite l’obligation faite aux juges d’appliquer d’office la règle des
conflits.
Dans cet arrêt, c’était un pb lié à un transport. La société COVECO (Hollandaise » avait demandé à
une société française d’un transport de viande, cependant elle arrive avarier à destination, donc
action en responsabilité contractuelle contre la société française. L’action est déclarée irrecevable
par les juges du fond car la société Hollandaise a été intégralement indemnisé par son assureur. En
droit français dès qu’on a été indemnisé par l’assureur, on ne peut plus agir en justice. Dans son
pourvoi, la société reproche à la CA que c’est le droit Hollandais qui doit être applicable (leur droit
autorisé d’être indemnisé 2 fois du coup). Il fallait donc interroger le droit Hollandais pour savoir si la
société COVECO avait un intérêt à agir.
Mais son pourvoi est rejeté car la CC° opère un revirement de JP en disant qu’il n’y avait pas
obligation des juges du fond d’appliquer d’office la règle des conflits car la société COVECO avait la
libre disposition de ses droits (droits disponibles) et par ce que le litige n’était pas soumis à une
Convention internationale (droit pas conventionnels). Il y a donc un retour à l’arrêt BISBAL : en
principe, les juges n’ont pas l’obligation d’appliquer la règle des conflits, sauf dans 2 hypothèses :
lorsque le droit litigieux est indisponible, ou lorsque la règle de conflit est conventionnelle.

Ce critère de la source de la règle de conflit va être abandonner à son tour dans un énième
règlement de JP. La CC° va retenir que la nature des droits litigieux pour savoir si la règle s’impose
aux juges. C’est la position actuelle.

B – La position jurisprudentielle actuelle : un entre-deux insatisfaisant

La Cour va faire un énième revirement de JP dans 2 arrêts :

CC° 26 Mai 1999 « Mutuelle du Mans » : à propos de la vente d’un silo à grain qui s’effondre.
L’acheteur est indemnisé par la Mutuelle du Mans. Du coup la mutuelle se retourne contre
l’importateur qui était Suisse et le fabricant Allemand. L’assureur est débouté par la CA sur le
fondement du droit français. Là encore aucune des parties n’avait invoqué la règle des conflit. Du
coup l’assureur se fonde sur l’arrêt COVECO puisque la règle de conflit était conventionnelle
(convention de la Haye de 1955) donc els juges du fond auraient dû appliquer d’office la règle de
conflit. La CC° rejette le pourvoi en ne retenant que le critère de la disponibilité des droits : vu que les
droits étaient disponibles, les juges n’ont pas à appliquer la règle des conflits d’office.

Arrêt Belaide A, 26 Mai 1999 : la mère marocaine intente une action en recherche de filiation
paternelle naturelle. Ici contrairement à l’arrêt Rebouh, les juges du fond lui donne gain de cause
mais en appliquant le droit français. Cependant, c’était le droit marocain qui était applicable, mais
aucune des parties n’a invoqué la rège des conflits. Cependant le père forme un pourvoi en
21
reprochant aux juges du fond de ne pas avoir appliqué la règle des conflits. La CC° vient casser la CA
en disant que les juges du fond auraient dû appliquer d’office la règle des conflits car en l’espèce les
droits litigieux sont indisponibles.

BONNE NOUVELLE : Depuis cet arrêt, la CC° n’a pas changer de position (21 ans sans changer d’avis).

-2 remarques concernant cette JP :

 Difficulté d’application de savoir si cela porte sur un droit disponible ou pas : la CC° en 2009
a en effet décidé qu’il fallait se fonder sur l’objet du litige (si en cas de divorce, l’épouse
interjette appel non pas sur le divorce mais sur la prestation compensatoire, alors les juge
considèrent que c’est un litige concernant des droits disponibles).
Cependant, si un litige porte à fois sur des droits dispo ou indispo, il faudra le « dépecer »
(repartir l’office du juge en fonction des droits en jeu).

A savoir : Cependant, à cause du règlement Rome II sur la loi applicable au divorce, on se


demande si le divorce est toujours indisponible, puisqu’il permet aux conjoints de choisir la
loi applicable à son divorce. L’avis de la prof est de dire que si on peut choisir la loi du divorce
alors le divorce est disponible, mais c’est une question très débattue et qui va bien finir par
être plaidée.
30/09/20
- L’interprétation du silence gardé par les parties sur l’application de la règle des conflits : ce
silence peut être un accord tacite portant sur la non-application de la règle de droit.

I. La force obligatoire de la règle de conflit à l’égard des parties

La question est de savoir si les parties ont le droit de convenir de l’application d’une loi différente
de celle désignée par la règle de conflit ?

La CC° a admis, dans un arrêt du 19 avril 1988, Roho, que les parties puissent écarter la règle de
conflit lorsque les droits litigieux sont disponibles. En l’espèce : accident de la route à Djibouti entre
deux français. M. Roho est condamné en application du droit français, alors que c’était le droit de
Djibouti qui était compétent. Le pourvoi est formé invoquant l’obligation qu’auraient que les juges de
faire application d’office de la règle de conflit de loi. Le pourvoi est rejeté puisque la Cour dit que
lorsque les droits litigieux sont disponibles, les parties peuvent demander une loi différente que
celle de conflit de loi.

C’est une jurisprudence justifiée :


- Article 12 alinéa 3 CPC : accord procédural.
- Les parties pourraient convenir directement du contenu de leur droit donc il est normal de
leur reconnaitre d’en disposer indirectement.
- Le fait de permettre aux parties d’écarter la loi désignée permet d’insuffler de la souplesse à
cette règle de conflits.

Par deux arrêts de 1997, la CC° a réaffirmé la possibilité pour les parties de demander l’application
d’une autre loi que celle désignée par les règles de conflits de lois. Ces arrêts n’ont pas fait que
confirmer la jurisprudence Roho et ont précisé un point de régime de l’accord procédural, mais
soulevaient aussi une question sur l’objet de cet accord.
22
Dès 1997, la CC° admet que l’accord procédural puisse être tacite. Mais pour ce faire, il faut que
l’une des parties invoque la règle de conflit, à défaut, il lui sera interdit de l’appliquer car elle doit
respecter l’accord procédural tacite.

Cette jurisprudence de 1997 abroge l’arrêt compagnie algérienne de crédit et de banque rendu en
1960 qui réservait aux juges du fond la faculté d’appliquer d’office la règle de conflit lorsque les
parties restaient muette sur ce sujet.

De plus, ces arrêts de 1997 soulevaient la question suivante : lorsque les parties demandent
d’écarter la règle de conflit, est-ce que cela doit être expressément au profit de la loi française ou
cela peut être au profit d’une loi étrangère ? Quelle est la portée de la liberté contractuelle
accordée aux parties ?

Pour permettre une liberté totale, certains auteurs ont invoqué la bilatéralité de la règle de conflit,
c’est-à-dire que les lois sont mises sur un pied d’égalité. L’argument n’était pas fondé parce que les
parties demandent à ce que la règle de conflit soit écartée, et de ce fait, sa bilatéralité ne peut pas
être invoquée.
Par ailleurs, on trouve un autre argument selon lequel les parties pouvaient écarter la règle de conflit
seulement au bénéfice de la loi du for.

La CC° n’a jamais été saisie pour répondre à cette question puisque la loi d’autonomie a gagné du
terrain grâce au DIP de l’UE.

SECTION 1 : La désignation de la loi applicable

I. L’opération de qualification

A. Le choix de l’ordre juridique de qualification

L’alternative est que soit l’on qualifie lege fori, soit lege causae. Cependant, une troisième solution a
été proposée par Rabel qui réside dans le fait que l’on pourrait avoir une règle de conflit
internationale. Cette théorie n’a eu aucun succès mais va être cependant appliquée par le DIP de
l’UE.

1. Le principe de la qualification lege fori

a. L’adoption du principe en DIP français

Ici, on a eu plusieurs controverses doctrinales pour défendre la lege fori :

- Bartin : c’est lui qui a mis au jour le problème de qualification et a plaidé en faveur de cette
qualification lege fori en invoquant le respect dû à la souveraineté de l’Etat du for. Il part du
principe que la règle de conflit va permettre de délimiter le champ d’application international
de la loi du for, c’est-à-dire que la règle de conflit détermine l’étendu de la souveraineté
législative de l’Etat du for. Ce premier argument est dépassé dans la mesure où raisonner en

23
termes de souveraineté conduit à une impasse car en qualifiant lege fori, on permet à l’Etat
du for de déterminer les cas dans lesquels la loi étrangère s’applique ou ne s’applique pas.

- Lorsqu’on qualifie la loi étrangère, on ne sait pas si elle va être applicable, et de ce fait il
n’est pas possible de qualifier lege fori. En définitive et en réalité, il n’existe pas de conflit de
qualification. Le seul lien sur lequel on peut s’appuyer est le lien juridictionnel. Cet argument
n’est pas solide puisqu’on ne peut rien déduire des conflits de juridictions, mais aussi parce
qu’il est réversible. Donc, au stade de la qualification, tant la loi française que la loi étrangère
n’ont aucune compétence juridique à régler le problème.

- On qualifie lege fori parce qu’on applique la règle de conflit du for. C’est cet argument qui a
été retenu par la CC°dans un arrêt Caraslani du 22 juin 1955 : un grec et une française se
marient civilement en France, ils divorcent. L’homme veut éviter le versement de la pension
alimentaire, et plaide la nullité exclusivement civile du mariage. Le droit grec exigeait qu’il
soit religieux pour être valable, et de ce fait, le mariage civil était nul sans cérémonie
religieuse. Les deux droits avaient opté pour les mêmes critères de rattachement, c’est-à-
dire qu’aux conditions de forme du mariage, les deux droits prévoient d’appliquer la loi du
lieu de célébration du lieu du mariage, tandis qu’aux conditions de fond, on applique
cumulativement la loi nationale des deux époux. L’enjeu était un enjeu purement de
qualification.
Pour le droit grec : condition de fond. Pour le droit français : condition de forme. La CC°
précise pour la première fois que lorsque l’on applique la règle de conflit, on doit qualifier
selon les catégories juridiques du droit français parce qu’on applique la règle de conflit
française.

b. Les difficultés d’application en DIP de l’UE.

En DIP de l’UE, le principe de qualification de lege fori est admis : on doit qualifier selon les catégories
juridiques du droit de l’UE. Cependant, le DIP de l’UE ne peut pas s’appuyer sur des qualifications de
droit matériel. Lorsque la CJUE doit qualifier pour appliquer les règles européennes du DIP, elle se
retrouve devant une impasse et ne peut s’appuyer que sur des références internes.

Un des exemples de ces difficultés de qualification par la CJUE est le fait de savoir ce qu’est un
contrat en DIP de l’UE. :
Exemple avec la nature de l’action directe dans les chaines translatives de contrats :
- CC° qualifie l’action directe d’action contractuelle ;
- CJUE qualifie l’action directe de la chaine de contrat d’action délictuelle dans un arrêt du 17
juin 1992, Rhandte, sur la base de deux justifications :
 Elle donne une définition générale de ce que l’on doit entendre par matière
contractuelle ;
 Cette qualification est la plus répandue dans les Etats membres.
Cet arrêt a été rendu en matière de conflit de juridiction car pendant de nombreuses
années, la CJUE n’a pas eu le droit d’interpréter la Convention de Rome.

24
A la suite de cet arrêt, la CC° s’est soumise à cette qualification d’action délictuelle en matière de
conflit de juridiction, mais est restée fidèle à la qualification contractuelle en matière de conflit de
lois : arrêt 10 octobre 1995. Dans cet arrêt, la CC° n’applique pas le DIP européen puisqu’elle
applique une Convention de la Haye de 1995 sur la loi applicable en matière de vente de meuble
corporel.

Tous les auteurs considèrent que la position de la CC° ne peut pas être tenable parce qu’il est précisé,
dans les règlements Rome I et Rome II que les notions doivent être les mêmes en matière de conflits
de lois et de juridictions. En effet, le DIP des obligations est entièrement européen, et de ce fait, il
doit être cohérent avec les autres droits. Depuis 1992, la CC° n’a plus jamais saisi la CJUE d’une
question préjudicielle portant sur la nature contractuelle ou délictuelle de la chaine de contrat.

L’action doit être qualifiée de contractuelle pour deux raisons :


- Raison de logique juridique : lorsqu’un sous-acquéreur agit contre un fournisseur, il invoque
le contrat conclu par ce dernier puisqu’il lui reproche de ne pas avoir exécuté telle ou telle
obligation. Donc, lorsqu’on invoque un tel contrat, l’action directe sera forcément
contractuelle. En DIP et conflits de loi, on aboutit au résultat d’appliquer la loi du contrat
conclu par le fournisseur puisque c’est cette loi qui va permettre de déterminer quelles sont
les obligations du fournisseur dont le sous-acquéreur invoque le respect.

- Raison d’intérêt pratique : le fournisseur qui est le défendeur, n’est pas surpris par la loi que
l’on va appliquer puisque c’est celle de son contrat qui sera applicable. Ici, la sécurité
juridique est préservée par la prévisibilité de la loi applicable du défendeur.

La position de la CJUE, toujours en matière de conflits de juridiction, va évoluer dans un arrêt du 17


mars 2018, Air Nostrum : en l’espèce, c’était une chaine de contrat de service puisqu’il s’agissait d’un
transport aérien. Un allemand achète ses billets d’avion auprès d’une compagnie allemande. Cette
dernière sous-traite une partie du vol à une compagnie espagnole. Lors du voyage retour, la
compagnie aérienne espagnole est fautive car son avion va avoir du retard, et de ce fait, le touriste
rate la correspondance et arrive en retard chez lui. Le client allemand agit contre la compagnie
aérienne espagnole avec laquelle il n’a pas signé de contrat.
La CJUE retient la qualification contractuelle, alors même qu’aucun contrat n’a été conclu entre le
touriste et la compagnie aérienne espagnole. Elle justifie cela en retenant une définition de la
matière contractuelle beaucoup plus large que celle retenue dans l’arrêt Rhandte. Pour la Cour, il y a
contrat « lorsqu’il y a une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une
autre, et sur laquelle se fonde l’action du demandeur ». Cela signifie que l’on est face à une action
contractuelle alors même que les deux parties à l’instance ne sont pas liées directement par un
contrat. L’action est contractuelle parce qu’elle a pour base un contrat pouvant être invoqué par
quelqu’un qui ne l’a pas conclu.

Cet arrêt de 2018 est justifié parce que nous sommes dans le cadre d’une sous-traitance. En effet, le
sous-traitant exécute les mêmes obligations que l’entrepreneur principal.

Deuxième exemple de difficulté de qualification concerne les contrats de distributions :

25
En effet, la CC° considérait que ces contrats n’étaient ni des ventes, ni des prestations de services.
Le considérant 17 du règlement Rome I qualifie ces contrats de contrats de services, mais en plus y
est affirmé que les concepts doivent être les mêmes en conflits de loi et de juridiction. Cela pose
problème car dans le cadre des conflits de juridictions, la CJUE a donné une définition générale des
contrats de services dans un arrêt Falco du 23 avril 2009 : est un contrat de service « un contrat qui
met à la charge de l’une des parties une activité en échange d’une rémunération ». Cette définition
n’est pas adaptée à tous les contrats de distribution.

Le problème qui est né suite à la qualification des contrats de distribution, est un problème de
cohérence au sein même du DIP de l’UE.

Dans un arrêt du 19 décembre 2013, Corman-Collins, la CJUE applique les critères de définition d’un
contrat de service de l’arrêt Falco aux contrats de distribution. Elle précise ces critères :
- Le distributeur doit exercer une activité allant au-delà d’une simple activité de revendeur ;
- Le contrat de distribution peut être un contrat de service si son objet est une activité
rémunérée.

La CC° s’est alignée sur ce dernier arrêt à travers l’arrêt du 19 novembre 2014, et abandonne de ce
fait sa jurisprudence antérieure où elle refuser de qualifier les contrats de distribution.

2. Le rôle marginal de la lex causae

La lex causae va effectivement jouer un rôle marginal, mais soit avant la qualification de la règle de
loi, soit après.

a. La phase préalable d’analyse

Il s’agit ici d’analyse et non pas de qualification. C’est la loi étrangère qui va permettre très
logiquement de connaitre la structure de l’institution étrangère.
Raape résumait cela par la phrase suivante « L’Etat étranger caractérise ses règles, l’Etat du for les
classes ».

Cette analyse lex causae est nécessaire lorsque l’institution juridique étrangère n’est pas connue du
droit du for.
L’exemple archétypal est le trust du droit du common law. C’est une institution juridique qui est
constituée du SETTLER qui transfère ses biens à 1 TRUSTY qui doit les gérer dans un but déterminé
parce qu’à la fin du TRUST, c’est un bénéficiaire qui va les récupérer. Dans le cadre du TRUST on
distingue 2 types de propriétés qui ne veulent rien dire en droit français :
- ‘’La propriété légale ‘’
- ‘’La propriété équitable’’

Pour tenter de qualifier un trust, les juges français doivent analyser le contrat de constitution du
trust qui va permettre de savoir quel est le but poursuivi par ce trust. Pour analyser un trust, il faut se
référer au contrat de trust.

26
 CC° chambre commerciale, 31 mars 2009 : le litige est fiscal, et donc un trust américain a été
constitué par une personne qui meurt à Paris. Le fisc reproche au conjoint survivant puis aux
héritiers de ne pas avoir déclaré les valeurs mobilières dans leurs impôts. Les héritiers
contestent cela en faisant valoir que le constituant n’était plus propriétaire de ces valeurs car
elles étaient entre les mains d’un trustee. Les juges français ont analysé le contrat de trust
pour savoir qui était propriétaire au sens de l’article 544 CC.
Les juges ont insisté sur le fait que le trust était révocable discrétionnairement par le
constituant, ce dernier pouvait à tout moment demander de se faire remettre les valeurs
mobilières de liquider le trust, et à cause de ça le juge considérait qu’il n’y avait pas de
transfert de propriété et que le propriétaire aurait dû déclarer ces dernières au fisc. De ce
fait, le trustee n’était pas le propriétaire.

7/10/20
b. Les qualifications subséquentes, dites « en sous-ordre »

Qualification vient de Bartin « en sous-ordre », qualifier c’est appliquer la règle de conflit, comme
c’est celle du for on qualifie selon les catégories du for une fois après que l’on sait quelle est la loi
applicable et que c’est une loi étrangère si pour appliquer cette loi étrangère il faut qualifier ce sera
évidemment selon les qualifications du droit étranger.

Les qualifications internationales en matière de succession : selon le DIP français des successions le
système est scissionniste on applique aux meubles, la loi du dernier domicile du défunt et aux
immeubles, la loi du lieu de l’immeuble. La règle de conflit distingue les meubles ou immeuble, si
une espèce pose une règle de qualification on ne sait pas si c’est un meuble ou un immeuble alors on
appliquera le droit français.

B. Le choix de la catégorie juridique

Le choix de la catégorie juridique interne pose deux problèmes :


- Lorsque l’institution juridique étrangère peut relever de plusieurs catégories juridiques.
- Lorsque l’institution à qualifier ne correspond à aucune catégorie juridique interne

1. Le conflit des catégories juridique interne

Pour savoir de quelle catégories juridique l’institution doit relever, il faut déterminer sa nature
juridique dominante. Le divorce, entre par exemple dans la catégorie du mariage donc dans droit de
la famille et même s’il est par consentement mutuel on n’aurait pas l’idée de le placer dans la
catégorie contrat. De même un divorce pour faute c’est toujours du droit de la famille on
n’intégrerait pas cette institution dans la catégorie responsabilité civile.

27
a) Les solutions tirées du droit interne

Un indice de qualification peut être donné par l’emplacement d’une institution dans le code civil,
cela peut donner un indice sur la nature juridique de l’institution en question. Et c’est ce qui a pu
inspirer la jurisprudence en matière de qualification de la prohibition des testaments conjonctifs, en
droit des successions un principe fort en droit français. C’est un testament établit conjointement en
général pour les époux qui s’entendent bien, en principe c’est fréquent, chacun des époux doivent
établir 1 testaments chacun signé chacun par un seul conjoint.
Prohibition car son objectif est d’assurer un grand principe du droit des succession qui est la liberté
de tester. Un futur défunt doit pouvoir modifier ses dernières volontés jusqu’au dernier instant. Et ce
n’est pas possible si l’on a fait un testament à deux.

 Cette prohibition est-elle une règle de forme ou de fonds ?

Une règle de forme puisque deux signatures sur 1 testament c’est nul, mais aussi une règle de fond
car ce formalisme a pour objectif d’assurer la liberté d’élaborer son testament.

Dans un arrêt du 21 novembre 2012, la CC° choisit la qualification de règle de forme : un testament
conjonctif avait été établit par deux époux juifs marocains au Maroc. Ce testament prévoyait qu’à la
mort du second parent, l’ensemble de la succession irait à la fille aînée parce qu’elle s’occupait de
la cadette qui était handicapée et c’est seulement à la mort de ses deux sœurs que le benjamin qui
était un garçon, héritait et encore à la condition qu’au moment du décès du dernier parent, sa
femme et enfants étaient convertis au Judaïsme. Donc à la mort de la mère à Nice, donc du dernier
conjoint, le fils conteste la validité du testament. Il conteste la validité formelle du testament
mettant en avant que c’est un testament conjonctif. Or puisque la mère était décédée en France et
succession mobilière c’est le droit français applicable. Loi du dernier domicile du défunt. Il dit que le
testament est nul en la forme.
Et cet argument a été rejeté par la CC° car le droit français est applicable aux règles de fonds de la
succession du défunt or il s’agit ici d’une règle de forme, un testament est un acte juridique et
comme tous les actes juridiques, sa forme est gouvernée par la loi du lieu d’établissement de l’acte
qui régit la forme de tous les actes juridiques et testaments de l’Etat. Donc la prohibition du
testament conjonctif est une règle de forme et il faut lui appliquer la loi Marocaine qui est un droit
confessionnel renvoyant au droit rabbinique et considère comme valable les testaments conjonctifs.

b) Les solutions tirées de la règle de conflit

La règle de conflit est composée de 3 étapes : qualification, critère de rattachement, localisation.


Si on a du mal à qualifier, on partira du critère de rattachement pour ensuite déduire la qualification,
et plus précisément, c’est de la finalité poursuivie par le critère de rattachement que l’on déduit la
qualification.

Exemple : il s’agit d’un problème de qualification de l’insanité d’esprit. 2 qualifications sont


défendues :

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- Qualification de vice de consentement : on applique la loi du contrat. Quand un contrat est
vicié c’est un événement accidentel. Ici la protection assurée à la personne dont le
consentement est vicié est ponctuelle.

- Incapacité : on applique la loi nationale de l’intéressé. Quand un individu est incapable


juridiquement qui va permettre de le protéger quoi qu’il fasse et où qu’il soit. Quand on est
incapable, l’incapacité est un état continu de l’individu.

Le critère de rattachement choisi poursuit un but précis. Dans le cas de la capacité il s’agit d’assurer
la protection permanente du contractant & dans le vice de consentement on protège
ponctuellement.

 Comment qualifier l’insanité d’esprit ?

 CC° 25 juin 1957, Silvia : il s’agissait d’une italienne qui octroie une donation et un bail à son
frère sur deux immeubles de Tunis. Elle invoque son insanité d’esprit au moment où elle a
conclu ses conventions pour les faire annuler. Or à l’époque dans le CC il n’y a aucune
disposition concernant l’insanité d’esprit, la conséquence c’est qu’en droit interne les juges
qualifient l’insanité d’esprit de vices du consentement car ils ne pouvaient pas adopter la
qualification d’incapacité. Si l’insanité d’esprit était une incapacité, on appliquerait le droit
italien.
La CC° opte pour la qualification d’incapacité « naturelle », c’est-à-dire une incapacité qui
n’est pas prévue par la loi. Donc, en droit des conflits de lois, la CC° s’affranchit du principe
selon lequel « pas d’incapacité sans textes ». Cette qualification était justifiée parce que cela
permettait d’appliquer la loi nationale de l’intéressée, et donc d’adopter le critère de
rattachement le plus conforme à la situation, c’est-à-dire assurer une protection permanente
à l’intéressée : en l’espèce, la loi italienne. C’est donc la finalité de la règle du conflit et du
critère de rattachement qui ont permis à la CC° d’opter pour la qualification d’incapacité. Cet
arrêt souligne bien la neutralité des règles saviniennes.

2- L’adaptation des catégories juridiques

En principe, l’adaptation des catégories juridiques ne pose pas de problème parce que des
institutions juridiques étrangères sont inconnues du droit français. Par exemple, en droit français le
mariage doit se faire entre deux personnes, et un mariage polygamique est nul. De même que le
divorce qui, en droit français prend certaines mesures, et prendra d’autres mesures dans les autres
pays. Quelle que soit la diversité des systèmes juridiques, les étapes sont les mêmes (mariage,
divorce, filiation…).

Une fois encore, le trust pose problème, notamment lorsqu’il a été constitué à des fins successorales.
Le droit français connait deux types de libéralité :
- La libéralité entre vifs : donations
- La libéralité à cause de mort : testaments, lègue.

29
C’est très important de distinguer les deux pour une question successorale essentielle qui est la
réduction des libéralités : en droit français il y a la réserve héréditaire on ne peut pas totalement
déshériter ses enfants, chacun peut disposer de la quotité disponible, seulement parfois, les
différents libéralités accordées par le défunt dépassent la quotité disponible et portent atteinte à la
réserve impérative, cela n’est pas possible donc ce qu’il faut faire c’est qu’il faut réduire les libéralité
pour les rapporter à la succession.
 Dans quel ordre on réduit les libéralités ?

En droit français, article 926 CC, on réduit d’abord les lègues, puis si cela ne suffit pas, on réduit les
donations de la plus récente à la plus ancienne. On remonte donc dans le temps en fonction de la
date du transfert de propriété.

Cependant, le trust n’entre pas dans ce schéma-là car que l’on soit face à une donation ou à un
testament, c’est au moment où celui qui fait la libéralité n’est plus propriétaire et le bénéficiaire
devient propriétaire. En matière de trust, cette simultanéité n’existe pas il y a un décalage
temporaire car le trust est une libéralité à cause de mort réalisé au moyen d’un contrat entre vif.
Donc ce n’est qu’à la mort que les bénéficiaires deviennent propriétaires. Donc cette donation dans
le contrat de trust le donateur se défait au moment du contrat de la propriété du bien, et les
« héritiers » eux le reçoivent qu’à la mort du donateur. Donc ce n’est ni une donation, un testament,
un lègue. Le trust ne rentre absolument pas dans le schéma binaire des libéralités à la française.
Que pour les trusts en matière de succession.

 CC° 20 février 1996 : le trust en l’espèce était révocable, à tout moment le constituant
pouvait dire au trustee de lui rendre les bien, il avait été conclu en 1953 c’était la libéralité la
plus ancienne, et quand les héritiers se sont écharpés et que l’on s’est rendu compte que la
libéralité dépassait la quotité disponible ils ont voulu rentrer dans le schéma français des
libéralités, et pour l’intérêt de chacun ils allaient sur le terrain de la donation, elle est
ancienne et ne sera pas réduire car les donations la plus ancienne et réduite en dernier
d’autres parties disaient que c’était un lègue et que ces œuvres vont être réintégrées dans la
masse successorale.

La CA dit que le trust est un lègue puisqu’il est révocable car le constituant ne s’est pas
dessaisit de ses biens. La CC° casse l’arrêt d’appel et qualifie le trust de donation indirecte
ayant reçu effet au moment du décès de la donatrice. La CC° semble avoir considéré le trust
comme une assurance vie qui est qualifiée de donation indirecte. Quoi qu’il en soit, de cette
qualification hybride, la CC° va déduire un régime sui generis applicable au trust en matière
d’ordre de réduction des libéralités.

Donc ce n’est pas par la qualification qu’on trouve la réponse, la vraie question qui faut se poser c’est
de savoir quel est le moment le plus déterminant pour la réduction d’une libéralité, le plus significatif
au regard de l’objectif de réduction des libéralités : est-ce que c’est la date de dessaisissement du
constituant ou c’est au contraire l’instant où les bénéficiaires deviennent propriétaires ?

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La date déterminante est la seconde, c’est-à-dire la date à laquelle le bénéficiaire devient
propriétaire au sens de l’article 544 CC. En matière de trust, les bénéficiaires reçoivent cette
propriété pleine et entière à la mort du constituant.

 CC° 15 mai 2007 : le fisc reproche aux héritières de ne pas avoir intégré un trust à la masse
successorale. Le trust était ici irrévocable, à la différence de l’arrêt 1996. La chambre
commerciale va renoncer à qualifier le trust et va dire qu’il s’agit d’une mutation à titre
gratuit qui prend effet au jour du décès du constituant, et non pas au jour de la constitution
du trust.

II. La mise en œuvre du critère de rattachement

Deux hypothèses peuvent être évoquées :


- Les conflits de rattachements
- L’évolution du critère de rattachement

A. Les conflits de rattachements

Les conflits de rattachements donnent lieu à deux différents conflits :


- Conflits positifs : par exemple, une succession mobilière d’un italien domicilié en France.
Avant le règlement succession, le DIP italien désigne le droit italien comme loi nationale du
défunt, alors que le DIP français désigne le droit français comme loi du dernier domicile du
défunt. Chaque juge va être amené à choisir sa propre loi matérielle. Cela favorise le forum
shopping.

- Conflits négatifs : posent problème. Par exemple, une question d’incapacité d’un anglais
domicilié en France. Le juge français va désigner le droit anglais applicable, alors que le DIP
anglais va désigner le droit français applicable car il prévoit l’application de la loi du
domicile de l’intéressé. Dans ce cas, la CC° a décidé que lorsque la règle française de conflit
désigne un droit étranger applicable, en l’espèce le droit anglais, cela englobait les règles
matérielles du conflit. Cela correspond donc à la théorie du renvoi : en effet, il y a renvoi
lorsque le juge français applique le critère de rattachement étranger.

1. Le renvoi

La doctrine n’avait pas anticipé ce problème, et c’est la jurisprudence qui a dû le résoudre seule.

a) Hier, l’admission du renvoi

 La position jurisprudentielle

 Le renvoi au 1er degré

C’est l’hypothèse où la règle de conflit française désigne une règle étrangère qui cette dernière,
renvoie à la loi française.

31
Principe admis dans un arrêt Forgo du 27 juin 1878 : en l’espèce, il s’agissait d’une succession
mobilière d’un bavarois qui n’avait que de la famille naturelle résidant en France mais n’y est pas
juridiquement domicilié. M. Forgo décède et viennent à la succession quelques membres de sa
famille naturelle, et des collatéraux. Selon le droit français, la famille naturelle n’a pas de droits
successoraux donc la succession reviendrait à l’Etat. A l’inverse, le droit bavarois permettait aux
collatéraux naturels d’hériter.
Les juges français appliquent la loi du dernier domicile du défunt, donc la loi bavaroise. Donc, pour
le DIP français, c’est le droit bavarois qui était applicable. Or, le droit bavarois donnait compétence à
la loi de la résidence habituelle du défunt, donc la France.
C’était l’occasion pour la CC° d’admettre le renvoi, c’est-à-dire qu’elle a appliqué le critère de
rattachement, donc elle appliquera la loi française.

 Le renvoi au 2nd degré

C’est l’hypothèse dans laquelle le DIP français désigne une loi étrangère qui renvoie à une autre loi
étrangère.

Arrêt Marquis della Costa du 7 mars 1938 : on admet le renvoi au 2nd degré alors même qu’il n’y a
eu aucun renvoi car le DIP français avait désigné le DIP Argentin qui acceptait sa compétence.

Arrêt du 15 juin 1982, Zagha : la CC° va appliquer le renvoi au 2 nd degré. En l’espèce, deux syriens
juifs se marient en Italie sous la forme exclusivement religieuse. Ce mariage est-il valable ? Les
juridictions françaises sont saisies car le couple résidait en France.
La solution retenue est la suivante : le DIP français qualifie le caractère religieux de règle de forme,
donc on applique la loi du lieu de célébration du mariage, en l’espèce le droit italien. Cependant, le
DIP italien a adopté un autre critère de rattachement que la règle de conflit française. C’est ce critère
italien que l’on va appliquer au titre du renvoi, puisque le DIP italien désigne la loi nationale
commune des époux qui, à l’époque du mariage, était syrienne = renvoi au 2nd degré. Donc, le
mariage était valable grâce au 2nd degré.

 Les controverses doctrinales

 Les critiques

Plusieurs critiques :
- Bartin : va raisonner en termes de respect de la souveraineté des Etats pour critiquer le
renvoi parce qu’il considère qu’on abandonne le soin de déterminer la loi applicable à la
règle de conflit étrangère, et de ce fait, on porte atteinte à la souveraineté de l’Etat du for.
Raisonnement dépassé puisque si l’on applique la loi française de conflit et non la règle
étrangère, on aboutit à appliquer la loi étrangère à une hypothèse qu’elle n’avait pas pensé
règlementer, et on porte atteinte à la souveraineté de l’Etat étranger.

- Critiques d’ordre logique :

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 Le renvoi est un faux problème puisqu’il n’existe pas. En effet, cela n’existe pas parce
que lorsque la règle française de conflit a désigné la loi étrangère applicable, elle a
répondu à la question de savoir quelle est la loi juridique applicable.
 Par ailleurs, on trouve l’asymétrie du renvoi au 1er degré puisqu’on désigne
uniquement le DIP étranger qui renvoi à la règle matérielle française. Ce renvoi est
un cercle vicieux.

 Les justifications

C’est le renvoi au 2nd degré qui a été justifié par la doctrine car c’est un véritable instrument
d’harmonie internationale des solutions. Or, c’est la fonction des règles conflictuelles. L’affaire Zagha
en est une excellente illustration puisque, grâce au renvoi du 2 nd degré, les juges français vont
appliquer la loi syrienne, de même pour les juges italiens : donc c’est un instrument de lutte contre le
forum shopping, puisque quel que soit le juge saisi, on appliquera toujours la même loi.

Quant au renvoi du 1er degré, cela a été plus compliqué et 4 justifications ont été avancées :
- CC° Soulier 1910 : la Cour affirme que c’est le droit français qui doit s’appliquer.
- BOYER : sa justification s’appuie sur le principe de la vocation subsidiaire générale de la loi du
for, c’est-à-dire la loi française. En effet, dès que la loi étrangère désignée ne peut pas
s’appliquer, on doit appliquer le droit français.
- BATIFFOL : il affirme que le renvoi au 1er degré permet de coordonner les différents
systèmes de DIP. Cependant, l’argument de coordination n’est pas convainquant sauf pour le
renvoi au 2nd degré. Au contraire, ce renvoi au 1er degré met en lumière l’échec de la
tentative d’harmonisation des solutions internationales, c’est-à-dire que c’est la règle de
conflit elle-même qui a échoué.
- Appliquer le critère de rattachement étranger ne se fait pas de manière fortuite.

b) Aujourd’hui, le recul du renvoi

 La multiplication des exceptions en droit interne

 Les cas objectifs d’incompatibilité

Il y a deux cas objectifs d’incompatibilité :

- Le renvoi est incompatible avec la loi d’autonomie :

La loi d’autonomie est la loi librement choisie par les intéressés. Lorsque les parties ont choisi la loi
applicable à leur convention, elles sont présumées n’avoir choisi que les dispositions matérielles de la
loi choisie.
Exemple : un contrat de vente franco-allemand gouverné par la loi allemande même lorsque le
vendeur est français et l’acheteur allemand. Le vendeur souhaite que le contrat soit soumis au droit
allemand car ce droit est très favorable au vendeur, alors que le droit français de la vente est très
favorable à l’acheteur. Donc, les parties choisissent le droit allemand en fonction de son contenu.

33
Cette incompatibilité a été admise en matière de régimes matrimoniaux, notamment dans un arrêt
1er février 1972, Gouthertz. En l’espèce, deux époux français se marient et s’installent en Russie. En
principe, la loi russe est applicable comme loi du 1 er domicile conjugal. Ils divorcent, et un litige
apparait autour la vente d’un immeuble qui avait été conclue par le mari seul. Son ex-épouse
conteste la validité de cette vente. Si le droit français était applicable, la vente est nulle puisqu’il
fallait l’accord de l’épouse ; mais si c’est le droit russe qui est applicable, la vente est valable parce
que le régime matrimonial russe est la séparation des biens.
L’épouse invoque le renvoi en disant que le droit russe devait s’appliquer, mais uniquement les
règles conflictuelles. Or, le critère de rattachement russe désignait la loi nationale du mari, en
l’espèce la loi française. Donc, si on appliquait ce critère, on admettait le renvoi à la loi française et,
de ce fait, la vente était nulle.
La CC° dit qu’en matière de régime matrimonial, il n’y avait pas de place pour le renvoi. Donc en
l’espèce, le droit russe s’applique et la vente est valable.

Par la suite, la CC° a généralisé cette règle à tous les contrats dans un arrêt du 11 mars 1997. En
l’espèce, il s’agissait d’une action en responsabilité contractuelle à la suite d’un naufrage d’une
plateforme pétrolière. Le droit anglais était désigné par le contrat. La mise en œuvre de la loi
d’autonomie est exclusive de tout renvoi.

A partir du moment où le DIP de l’Union n’a cessé d’étendre le champ d’application de la loi
d’autonomie (responsabilité civile, succession, divorce) forcément le renvoi recule
automatiquement.

13/10/20

- Le renvoi est incompatible avec les rattachements alternatifs :

C’est par exemple l’article 311-17 CC qui traite de la loi applicable à la reconnaissance volontaire de
paternité/maternité : à cette reconnaissance, on applique soit la loi personnelle de son auteur soit
de l’enfant. À la lecture de l’article, on comprend qu’il poursuite un but précis : favoriser la filiation
naturelle de l’enfant.

Autre exemple, article 11 du règlement Rome I qui a trait à la loi applicable à la forme du contrat. Là
encore, l’article 11 a opté pour des rattachements alternatifs puisque le but du contrat est d’assurer
sa validité formelle du contrat puisqu’il sera valable soit sur la loi qui régit le fond du contrat soit sur
le fondement de la loi du lieu où il a été conclu.

Le renvoi est donc incompatible avec les rattachements alternatifs car en les adoptant, le législateur
poursuit un objectif substantiel, de fond. Il y a la volonté du législateur de favoriser la solution
donnée. Ici, les règles de conflits savinienne ne seraient plus neutres mais sera à coloration
matérielle.

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C’est pour ces deux cas (autonomie et rattachements alternatifs) on peut tirer le principe suivant : le
renvoi est exclu lorsque le critère de rattachement est défini en fonction du contenu de la loi
désignée. On doit en conclure que le renvoi est une technique de la règle conflictuelle pure, c’est-à-
dire qui ne peut être mise en œuvre que dans un cadre de conflit neutre. En revanche, dès que les
critères de rattachements sont établis en fonction d’une solution matérielle souhaitée, le renvoi ne
peut pas opérer.

C’est ce qu’a affirmait la CC° dans un arrêt du 4 mars 2020 : l’arrêt concerne l’article 311-14 CC. C’est
le premier arrêt qui permet à la CC° de préciser que le renvoi est admissible dans le cadre de cet
article parce qu’il « énonce une règle de conflit bilatérale et neutre ». Auparavant, les juges du fond
étaient peu favorables au renvoi dans le cadre de ce texte. De plus, on avait un débat doctrinal :
 La doctrine majoritaire était favorable au renvoi dans le cadre de cet article parce qu’elle
était très hostile à cette règle de conflit posée à l’article 311-14. Avec le renvoi, on risque de
ne pas appliquer très souvent le critère de rattachement de l’article 311-14 car ce critère est
très rare en DIP comparé.
 La doctrine minoritaire considérait que le renvoi devait être exclu en application de l’article
311-14 parce que pour ces auteurs, cet article était une règle de conflit à coloration
matérielle et n’était pas neutre.
Donc, les cas objectifs d’incompatibilité se présentent dès que la règle de conflit perd sa neutralité.

 La fonctionnalisation du renvoi.

Il s’agit ici d’admettre le renvoi que de manière limitée parce qu’on va soumettre son admission à un
objectif substantiel. En revanche, s’il ne permet pas d’atteindre cet objectif, il sera exclu.

Cette fonctionnalisation du renvoi a été admis en DIP des successions. C’est emblématique puisque
c’est dans cette matière (successions) que la CC° a admis le renvoi de manière illimitée, et c’est
également dans cette matière que la Cour va faire reculer l’admission du renvoi.

 Quel est le problème du DIP des successions français ?

Le problème est qu’il est scissionniste, c’est-à-dire qu’il n’applique pas la même loi aux meubles et
aux immeubles successoraux :
- Aux meubles : on applique la loi du dernier domicile du défunt
- Aux immeubles : on applique la loi de la situation de l’immeuble, lex rei sitae.

Cela abouti à un morcellement des successions avec l’application de deux lois différentes : on
applique le droit français aux meubles, et aux immeubles on applique le droit du pays dans lequel ils
sont situés. Cela est très problématique puisque cela est contraire à l’universalité des patrimoines où
normalement, tout l’actif répond de tout le passif.

Donc, l’application de différentes lois successorales peut conduire à des situations iniques entre les
héritiers. Ces situations ont été illustrées par la question anglaise (normande à l’origine), mise en
lumière par Révigny. L’hypothèse posée par Révigny était la suivante : une personne possède un
immeuble en Angleterre et en France et veut répartir équitablement ces immeubles entre ces deux

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enfants : le futur défunt lègue l’immeuble français à un enfant, et l’immeuble anglais à un autre avec
l’idée de répartir de manière égale sa fortune entre les deux enfants. Or, cet objectif est rompu par
l’application du DIP français parce que su l’immeuble situé en France, le droit français s’applique : or,
le droit français connait des réserves, et de ce fait, l’enfant héritant de l’immeuble anglais pourra
demander la moitié de l’immeuble en France. En revanche, l’enfant gratifié sur l’immeuble français
ne peut pas faire valoir la moitié de l’immeuble anglais.

Pour résoudre ce problème, la CC° a fonctionnalisé le renvoi, c’est-à-dire qu’elle ne l’admet en DIP
des successions que s’il permet d’assurer l’unité des successions et s’il est au 1er degré.
Exemple : un défunt meurt en France mais est propriétaire d’un immeuble en Espagne. Or, le DIP
espagnol en matière des successions désigne la loi nationale du défunt. Ce renvoi au 1 er degré permet
d’assurer l’unité de la succession. Cependant, le renvoi au 2 nd degré est exclu car le renvoi qui renvoie
à une autre loi étrangère ne permet pas l’unité de la succession.

Cette limitation du recours aux renvois a été admise pour la première fois dans un arrêt de la CC° du
21 mars 2000, Ballestrero. Elle a confirmé cela dans un arrêt Riley du 11 février 2009.

L’arrêt du 15 mai 2018 a mis en lumière le fait que le renvoi pouvait se désactiver lui-même. En
l’espèce, un défunt meurt en France et avait un immeuble en Espagne. L’épouse décédée était
française et espagnole. Quelle nationalité devait-on prendre en compte ?
Le DIP espagnol dit qu’il applique la loi nationale du défunt, or ici, la défunte en avait 2. La CA avait
préféré la loi française en appliquant la méthode du faisceau d’indices considérant que la succession
avait des liens plus significatifs avec la France. L’arrêt de la CA est cassé selon un raisonnement
logique en disant qu’il s’agit de la mise en œuvre du DIP espagnol grâce au renvoi, donc on doit
interroger la loi espagnole pour savoir quelle nationalité on doit choisir. Le renvoi est désactivé.

 L’hostilité de principe au renvoi en droit international et en droit de l’UE

C’est quasi-systématique que les conventions internationales de DIP et les règlements de l’UE
excluent par principe, le renvoi, même dans des domaines où il n’y a aucune incompatibilité
objective.
Le cas le plus emblématique est l’article 20 du règlement Rome I.

Cette hostilité de principe est très logique puisqu’elle est conforme à l’objectif poursuivi par ces
textes : unifier les règles de conflits de lois. Si ces textes admettaient le renvoi, ils admettaient
qu’une autre loi que celle qui ont choisi soit applicable. Donc, le renvoi est incompatible avec le
renvoi.

C’est pour cette raison que la proposition de règlement succession rejetait également le renvoi de
manière générale. Cette exclusion avait également un autre fondement dans la proposition de
règlement succession : les rédacteurs craignaient qu’elle n’entraine le morcellement de la
succession, or, le règlement succession a eu une obsession qui est d’assurer l’unité de la succession.
Cependant, c’est parfois le renvoi lui-même qui permet d’atteindre l’unité de la succession. C’est
pour cette raison, qu’à l’article 34 du règlement admet le renvoi au 2nd degré de manière
exceptionnelle.

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2. Les questions préalables

C’est une théorie qui aboutissait également à l’application du DIP étranger.

Une question préalable est une question qui se pose avant la question principale : c’est une question
qu’il faut résoudre avant de pouvoir résoudre la question principale. L’hypothèse la plus classique
relève encore du droit des successions : validité du mariage, divorce…

 Comment déterminer la loi applicable à la question préalable ?

L’alternative est la suivante :


- Soit l’on considère que cette question n’est pas autonome de la question principale : on
désigne la loi applicable à la question principale, selon le DIP du for. Si la loi applicable à la
question principale est étrangère, on demande au DIP étranger de désigner la loi applicable à
la question préalable. L’argument en faveur de cette théorie est qu’elle permet d’assurer
l’unité du DIP étranger, qui est appelé à trancher la question principale.
- Soit l’on considère que la question préalable est indépendante de la question principale : on
applique le DIP du for à la question préalable.

C’est cette seconde manière de raisonner qu’a choisi la CC°. Cependant, cette théorie présente un
inconvénient majeur qui est de faire varier cette question préalable.

 CC° 25 mai 2016 : un couple français décède en laissant un immeuble en Espagne. Le droit
français s’applique à l’immeuble situé en Espagne. Un des héritiers affirmait être devenu
propriétaire de l’immeuble espagnol par usucapion.
Quelle loi appliquer à cette action en revendication de propriété ?
La CA applique le droit français donc la loi successorale. La CC° casse l’arrêt d’appel en disant
qu’il fallait d’abord résoudre cette question (question de propriété) avant de résoudre la
question successorale. Donc, on applique la loi espagnole pour savoir si ce fils est bien
devenu propriétaire de l’immeuble.

B. Hypothèse 2 : L’évolution du critère de rattachement

Il s’agit d’étudier l’évolution du critère de rattachement dans le temps. L’exemple le plus fréquent est
le changement de nationalité. De même, cela est fréquent en matière de contrat ou en matière de
biens.

 A quel moment il convient d’apprécier le critère de rattachement ?

Ce problème de l’évolution du rattachement concerne les conflits mobiles, expression de Bartin.


Donc, en changeant le critère de rattachement, on change automatiquement la loi applicable.

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Toutes les règles de conflits de lois ne sont pas nécessairement soumises aux conflits mobiles.
Exemple : Article 311-14 CC application de la loi nationale de la mère au jour de naissance de
l’enfant, donc aucun changement de loi applicable.

1. Les principes de solution extérieurs à la règle de conflit

a) La théorie des droits acquis

Cette théorie vient de Dicey et suppose que l’on respecte les droits valablement acquis à l’étranger et
doivent être reconnus de partout.

Pillet s’en est inspiré pour tenter de résoudre le conflit mobile.


Exemple : imaginons qu’une sûreté a été constituée sur un meuble situé en Allemagne. Ce meuble
est par la suite déplacé en France. D’après la théorie des droits acquis, c’est la loi allemande qui
devra être appliquée à cette sûreté.

Donc, la théorie des droits acquis appliquée au conflit mobile assure l’application constante de la loi
ancienne, et le refus d’appliquer la loi nouvelle. En définitive, il y a réglementation par paralysie du
conflit mobile.
Cependant, plusieurs critiques ont été apportées :
- On doit respecter le droit valablement acquis à l’étranger : mais comment savoir que le droit
a été valablement acquis ? La théorie ne sera alors pas applicable parce qu’on ne sait pas
quelle est la loi applicable.
- moment où le critère a changé appliquer la loi ancienne est faire preuve de peu de réalisme.
- La troisième critique est liée à la sécurité juridique. Mais la sécurité juridique pour qui?
Acheteur, vendeur, partie au contrat...? Le créancier français qui constitue en gage sur le
meuble en France n'a aucun moyen de savoir qu'il est déjà gagé en application du Droit
allemand.

b) L’application du droit transitoire

C’est une proposition de Batiffol. Le droit transitoire concerne les règles applicables dans le temps.

Les principes du droit transitoire :


- Non-rétroactivité de la loi nouvelle,
- Application immédiate de la loi nouvelle aux effets futurs des situations juridiques légales,
- Survie de la loi ancienne pour les effets futurs des situations juridiques contractuelles.

Cependant, ces principes sont tous fondés sur un postulat qui n’est pas transposable au DIP : la loi
nouvelle est meilleure que la loi ancienne. Il y a un jugement de valeur qui permet de départager les
deux lois (ancienne et nouvelle) qui sont en conflit. Or, c’est un postulat qui est absent et même
incompatible avec la règle de conflit savinienne.

A la suite des échecs de ces méthodes, on a abandonné la recherche d’une solution générale, et le
résultat est que les règles du conflit mobile ne font pas parties de la théorie générale des conflits de
lois.

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2. Les principes de solution tirés de la règle de conflit

Les principes de solutions du conflit mobile vont dépendre de chaque règle de conflit, et on va tenir
compte du but poursuivi par la règle de conflit pour savoir si on privilégie le nouveau ou l’ancien
critère de rattachement.

Deux illustrations :
- En matière contractuelle : si les parties changent la loi applicable au contrat, on va privilégier
la loi d’autonomie parce qu’elle permet aux parties de défendre au mieux leurs intérêts
économiques.
- En matière de statut réel mobilier : on applique la loi de situation de l’immeuble parce que
c’est la loi qui est apparemment applicable. C’est l’apparence qui justifie ce critère de
rattachement et on va faire prévaloir la loi nouvelle, c’est-à-dire la loi de la situation présente
sur la loi de la situation ancienne. Il s’agit donc de protéger le droit des créanciers présents
afin de ne pas leur opposer des sûretés occultes.
La loi française est seule applicable aux droits réels dont sont l’objet des meubles situés en
France : CC° DIAC, 8 juillet 1969.

Le problème qu’a posé cette règle de conflit mobile est celui de sa portée, ce qui illustre un :
 Arrêt du 3 février 2010, Ducas : ce dernier ouvre un restaurant à New-York et un artiste,
Arman, lui avait remis 7 toiles que le restaurateur affiche dans son restaurant. L’artiste
meurt, et Ducas entre en France avec les toiles. La veuve n’est pas d’accord et revendique la
propriété des toiles.

Qui est propriétaire des toiles ?

En droit français, le possesseur est présumé propriétaire (Article 1275 CC) donc ce sera à la
veuve de prouver qu’il s’agissait d’un prêt. Au contraire, si le droit newyorkais s’applique, il
n’y a aucune présomption de propriété fondée sur la possession, et Ducas devra démontrer
qu’il s’agissait d’une donation.
La CC° se fonde sur le critère de rattachement de l’arrêt DIAC, et décide que c’est le droit
français qui s’applique du fait de la présence des toiles en France, et déboute la veuve.

Cet arrêt est critiquable en ce sens où la Cour donne à la règle des conflits mobiles une
portée allant au-delà de sa justification : il s’agit de protéger les tiers présents dans le pays
où le meuble est présent. Cependant, dans cette affaire il n’y a pas de tiers puisque le
conflit opposait les deux personnes parties au contrat, donc sécurité juridique des tiers
n’est pas applicable, donc il faudrait appliquer le droit newyorkais, et la loi de conflit
mobile ne devait en l’espèce, pas s’appliquer.

SECTION 2 : La détermination de la loi étrangère

Hypothèse dans laquelle, à la suite de ces deux étapes, a été désigné un droit étranger. C’est une
étape essentielle puisqu’il va falloir appliquer le droit étranger, désigné par la loi du for.

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Cette section traite du régime procédural de la loi étrangère. Il s’agit de savoir si la loi étrangère doit
être considérée comme un fait ou comme du droit :
- Un fait : elle doit être prouvée et interprétée souverainement par les juges du fond ;
- Un droit : la loi est censée être connue des juges, et son interprétation sera contrôlée par la
CC°. En d’autres termes, la question est de savoir si le droit étranger peut suivre le même
régime procédural de la loi française ? La réponse est négative car on ne peut pas affirmer
que le juge français est censé connaitre le droit étranger, et de ce fait, la CC° ne pourra pas
contrôler l’appliquer du droit étranger.

Donc, le droit étranger est un fait mais la CC° a affirmé que c’était une règle de droit dans un arrêt
Consort Coucke le 13 janvier 1993 : elle refuse dans cet arrêt d’appliquer l’article 7 du CPP au droit
étranger.

Il y a une grande spécificité du droit étranger : il a été rendu applicable sur le fondement du droit
français. On va tenir compte de cette corrélation avec le droit français pour renforcer l’office des
juges du fond quant à la recherche du droit étranger.

Jacques Foyer dira « La loi étrangère est traitée comme du droit devant les juges du fait, et comme
un fait devant les juges du droit ».

I. La preuve de la loi étrangère

Il est important d’établir et de connaitre la teneur du droit étranger pare que c’est la condition sine
qua none de l‘effectivité de la règle de conflit. La question de la preuve de la loi étrangère en soulève
plusieurs :
- Qui doit prouver ? (=charge de la preuve)
- Que doit-on prouver ? (= objet de la preuve)
- Comment doit-on prouver ? (=mode de la preuve)
- Quelles sont les conséquences du défaut de preuve ? (=défaut de la preuve)

A. La répartition de la charge de la preuve entre le juge et les parties

Cela nous renvoie à l’applicabilité de la règle de conflit : elle sera obligatoire pour le juge lorsque les
droits litigieux sont indisponibles et lorsque les droits litigieux sont disponibles mais que l’une des
parties a invoqué la règle de conflit.

Ici, c’est la même chose : le juge français est obligé de rechercher la teneur du droit étranger lorsque
les droits litigieux sont indisponibles et lorsque les droits litigieux sont disponibles mais que l’une des
parties a invoqué la règle de conflit. Il s’agit pour le juge d’une obligation de moyens, et non pas de
résultat.

Cela a été exposé dans deux arrêts du 28 juin 2005, Aubin et Itraco.

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La CC° lorsqu’elle a imposé aux juges du fond de rechercher la teneur du droit étranger ne l’a pas fait
sur le même visa : à l’origine, elle visait l’article 12 CPC, ce qui était ambigu. Désormais, la Cour se
fonde sur l’article 3 CC. Cet article exprime clairement que de ne pas rechercher le contenu du droit
étranger reviendrait à violer la règle de conflit.

B. La répartition de la charge de la preuve entre les parties

Malgré l’obligation qui est faite au juge de rechercher le contenu du droit étranger, il faut savoir sur
qui pèse le risque de la preuve. La partie du procès sur qui pèse la charge de la preuve est celle qui va
perdre le procès si elle n’y arrive pas.

27/10/20
1- Le choix du critère

Ce choix a évolué dans le temps.

a) Le critère de la prétention

Ce critère a été adopté dans l’arrêt Lautour du 25 mai 1948 : a qui revenait-il de prouver le contenu
du droit espagnol ? La CA avait décidé qu’il revenait à l’employeur, défendeur à l’instance, de
prouver le contenu du droit espagnol parce que c’était lui qui l’invoquait. Au contraire, la CC° vient
dire que c’est à celui dont la prétention est fondée sur le droit étranger applicable qui doit en établir
le contenu. En l’espèce, c’est à la demanderesse à l’instance de prouver la teneur du droit étranger.
La CC° a jugé que la loi étrangère était un fait en disant qu’il incombe à chaque partie de prouver les
faits qui viennent au soutien de sa prétention. C’était une solution critiquable parce que :
- Ce n’est pas réaliste, puisque c’était dissocier la charge de la preuve par l’intérêt de la
preuve.
- Cela pouvait favoriser les défendeurs de mauvaise foi

La CC° a donc dans un premier temps a choisi le critère de la prétention. Mais cependant cette JP a
été très critiqué, ce qui a fait qu’elle a choisi un peu plus tard le critère de l’invocation.
b) Le critère de l’invocation
CC° AMERFORD 1993 : dans cette affaire, une action en responsabilité contractuelle a été intentée
par les assureurs du client. Les marchandises ont été endommagés pendant le transport donc
l’entreprise intente cette action contre la société de transport MERFORD. Elle est condamnée par la
CA sur le fondement sur droit français alors que le contrat était soumis au droit d’un Etat Américain
(Illinois), alors qu’en plus la société MERFORD avait réclamé l’application du droit Américain. La
raison de cette solution est que la société américaine n démontrait pas qu’il existait une diff entre le
droit américain et le droit français. La société forme un pourvoi formé sur la JP Lautour. La CC° rejette
le pourvoi donc revirement de JP (abandon de Lautour) : dans les matières où les droits sont
disponibles, ce sont les parties qui invoquent la règle de contrôler prouver. La CC° opte donc pour le
critère de l’invocation : c’est celui qui invoque le droit étranger qui doit en indiquer la teneur.

2 - Les conséquences du critère

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a) L’objet de la preuve

L’arrêt Amerford précise pour que le juge français a l’obligation d’appliquer le droit étranger
applicable désigné par la règle de conflit, il faut que la partie qui invoque le droit étrngae,r démontre
que ce droit étranger est différent que la loi française : théorie de l’équivalence car si les droits sont
étrangers, aucun intérêt d’invoquer le droit étranger et le juge n’a aucun intérêt à l’appliquer. Tant
que la diff n’est pas faite, le juge n’a pas a appliquer le droit étranger pourtant désigné par la règle
des conflit.
En fait cette décision présente plusieurs intérêts pratiques :
- Eviter les pourvois dilatoires : pourvoi pour gagner du temps.
- L’économie moyen réalisé : ce sont des intérêts privés qui sont en jeu.

Ces règles ne sont pas impératives et s’appliquent dans l’hypothèse où les droits sont disponibles.

Plusieurs difficultés :

- Comment apprécier l’équivalence entre le droit français et le droit étranger ?

La doctrine souligne une contradiction dans AMERFORD car la CC° nous dit que c’est al diff des
résultats de la mise en œuvre de 2 droits qu’il faut établir (in concreto) ; alors que la fin de l’arrêt
appelait à une appréciation in abstracto de la diff.
Plus tard, la CC° a choisi l’appréciation in concreto.

C’est cette appréciation in concreto qui est aussi retenu en matière d’exception d’ordre public
international : quand on veut savoir si une loi étrangère est contraire ou conforme à la loi étrangère
internationale, on regarder si LA MISE EN ŒUVRE (in conreto) débouche sur un résultat contraire ou
pas à la loi internationale. Il existe des lois in abstracto sont conforme et in concreto non.

- Contradiction avec la JP Aubin 2005

En 2005 on dit que les juges du fonds doivent rechercher la teneur du droit étranger dès que la règle
de conflit d’impose à eux ; alors que Amerford dit que le juge doit appliquer la règle après que la
partie qui invoque le droit étranger démontrer qu’il aboutit à une solution différente, donc avant cela
les juges doivent appliquer les droits français. Donc contradiction frontale. La solution d’Amerford est
toutefois la plus raisonnable.

On pourrait considérer que la JP 2005 ont abroger la JP AMERFORD mais ça n’est pas si simple car il y
a une contradiction entre la rigueur juridique et les impératifs requis. Théoriquement ce sont les JP
de 1999 et 2005 qui ont raison mais ici ce sont des intérêts privés qui sont en cause et il n’est pas
illogique d’imposer à la partie qui invoque le droit étranger de prouver qu’elle a de bonnes raisons
d’invoquer ce droit étranger. Car ceci est long et couteux donc il faut que ce temps soit réellement
investi. L’alourdissement de la tâche du juge découlant des arrêts de 1999 et 2005 n’est pas
forcément le plus raisonnable ni le plus praticable d’un point de vue pratique.

Cette contradiction n’est toujours pas levée et la doctrine cherche une solution.

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La CC° n’a jamais dit abandonner la JP AMERFORD : cela prouve qu’elle est légitime même si elle ne
suit pas la logique juridique rigoureuse. Donc la doctrine a posé une solution pour concilier ces 2
arrêts : on demande à la partie qui invoque le droit étranger de prouver qu’il est vraisemblable (pas
certainement) que le droit étranger s’il état appliqué, abouterai à une solution diff que le droit
français. Si c’est le cas, le juge appliquera ce droit.

b) Le défaut de la preuve

En cas de défaut de preuve, 2 solutions sont envisageables :


- Rejeter la prétention de la partie ayant la charge de la preuve, comme en matière de fait.
- Appliquer la loi du for au titre de l’invocation subsidiaire générale.

A la suite de l’arrêt Lautour, ces 2 solutions n’en font qu’une : peu importe la solution choisie, la
finalité sera la même. Alors que dans l’arrêt Lautour ces 2 solutions étaient très différentes.

§2 : L‘interprétation de la loi étrangère

A. L’interprétation souveraine des juges du fond

Cette interprétation est souveraine par les juges du fond car la CC° ne peut pas appliquer elle-même
le droit étranger.

En effet la CC° a plusieurs fonctions qu’elle ne peut appliquer en matière de droit étranger :

- Disciplinaire : normalement elle contrôler la bonne application du droit par la CA. En cas de
mauvaise application ils sont sanctionnés.
Mais la CC° n’est pas censés connaitre le droit étranger donc pas de reproche quand il est
mal appliqué. Par ailleurs si la CCass devait contrôler la bonne application du droit étranger,
elle devrait elle-même rechercher la teneur du droit étranger, cad procéder à des recherches
de fait qui ne sont pas de son office. Donc la fonction disciplinaire sur l’application du droit
étranger n’est pas possible.

- Fonction juridique : normalement elle doit assurer l’unité d’interprétation de la loi française
sur le territoire par la CA. Mais dans un conflit DIP, la CC° va s’aligner sur la Haute J° de la J°
étrangère, ce qui n’entre pas dans ses fonctions.

- Fonction créatrice de droit : la CC° doit dire ce que doit être le droit français.
Mais il faut distinguer le mot « interpréter » lorsqu’on l’associe avec le droit étranger ou le
droit français. En effet, quand la CC° interprète le droit français, elle est conduite à préciser
ce que doit être le droit français ; alors que lorsque les juges du fond sont amenés à
interpréter le droit étranger, ils ne doivent pas apporter de jugement de valeur u le faire
évoluer, mais juste dire ce qu’est le droit étranger. La CC° n’a pas à contrôler l’interprétation
du droit étranger.

On s’est quand même posé la question si exceptionnellement la CC° ne serait pas compétente pour
contrôler l’interprétation du droit étranger par les juges du fond quand ce droit étranger a pour
origine un traité portant loi uniforme ? En fait on est dans l’hypothèse ou du coup les 2 droits ont
une source commune (le traité) donc sont identiques.

43
Dans l’arrêt HOCK du 4 Mars 1963, il y avait une règle qui émanait d’une Convention de Genève et
ratifiée par l’Allemagne donc contient la même règle. Dans cet arrêt, c’était justement le droit
allemand qui était applicable. Donc il s’agissait d’interpréter le droit allemand. Or, si les 2 lois étaient
rigoureusement identiques, elles étaient aussi ambiguës. Donc la CC° et la CC° Allemande avait
interprété le texte de manière différente. En l’espèce, alors même que la CA disait appliquait le
droit allemand, elle avait appliqué la JP française et non pas la loi allemande. L’erreur
d’interprétation était donc flagrante. Pourtant la CC° ne casse pas la CA et répond que par la
négative à la question ce qui est logique vu comme les lois étaient ambiguës.

B. Le contrôle de dénaturation par la CC°

CC° 1961 MONTEFIORE c/ colonie du Congo Belge : en 1901, le congo alors encore étant
indépendant, avait émis un emprunt à des français. En 1907, il est colonisé de la Belgique. Puis en
1952, les français demandent un remboursement et assigne en justice la colonie du congo belge
devant la J° française par l’article 14 cc. La colonie invoque son immunité de J° afin de ne pas
comparaitre devant la J° française. La CA avait été d’accord avec cet argument. Mais la CC° casse la
CA car une loi belge réglait directement la question : le congo belge conservait une personnalité
distincte de la métropole donc l’immunité juridique qu’elle invoquait par le biais de la Belgique,
n’était pas invocable et pas de confusion de patrimoine et donc cet emprunt devait être remboursé
par le congo. Pour la 1ère fois dans cet arrêt, al CC° admets contrôler la dénaturation de la loi
étrangère.

Après cet arrêt, il y n’y avait pas bcp d’arrêts sur le contrôle de la dénaturation de la loi étrangère.

Depuis un arrêt de 1997 Africa Tour : En l’espèce, il s’agissait d’une action en RC contre le dirigeant
d’une société Sénégalaise, et le droit sénégalais était applicable. Mais l’action est rejetée par les
juges du fond car le droit sénégalais et le droit français sont rédigés dans des termes identiques (ce
qui n’était pas totalement vrai) donc finalement ils appliquent au droit sénégalais la JP française mais
finalement la JP française était l’inverse de la loi Sénégalise. Donc al CC° a casser la CA pour
dénaturation.
Depuis 1997, la CC° a changé de visa lorsqu’elle doit contrôler la dénaturation de la loi étrangère :
elle abandonne le visa 1134cc(ancien) pour appliquer l’article 3 du code civil : dénaturer la loi
étrangère c’est violer la règle des conflits.

Section 3 : L’éviction de la loi étrangère

I. L’ordre public international

La loi étrangère s’applique parce qu’à la suite de l’application du critère de rattachement, la règle de
conflit française considère qu’elle a des liens plus étroits avec la situation juridique que la loi
française. Il n’en demeure pas moins qu’appliquer la loi étrangère aboutit à son application
extraterritoriale, ce qui entraine sa confrontation avec la loi locale, et si elle heurte les conceptions
fondamentales de cet ordre juridique du for alors elle sera écartée au nom de l’ordre public
international.

C’est donc une exception à la neutralité de la règle de conflit, mais exception nécessaire parce que la
règle de conflit est neutre c’est ad ire que l’on désigne par la règle de conflit la loi applicable sans

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connaitre le contenu du droit étranger. Comme l’avait RAAPE, désigner ainsi la loi étrangère
représente un « saut dans l’inconnu » car on ne sait ce que prévoit la loi étrangère.

A. La notion d’ordre public international

1. Le domaine de l’ordre public international

a) Les principes universels

Font partie de l’ordre public international les principes universels, c’est ce qu’a précisé l’arrêt
Lautour du 25 mai 1948 : ce sont des principes de justice universelle considérés comme doués de
valeur internationale absolue.

Un principe universel n’est cependant pas un principe d’application universelle. En effet, il s’agit d’un
principe tellement fondateur, puissant qu’il a, d’après l’opinion de chaque for, vocation à s’appliquer
universellement.

Par ailleurs, on trouve également comme principes universels :


- L’indisponibilité du corps humain
- La présomption d’innocence
- La prohibition de toute discrimination
- La liberté matrimoniale ;
- Le droit à un procès équitable…

Globalement, on peut s’inspirer des CEDH pour déterminer les principes universels.

 Cour EDH 19 décembre 2018, Molla Sali c/Grèce : en l’espèce, il s’agissait d’un couple
musulman grec. Le mari élabore un testament, selon le droit civil grec, qui prévoit que sa
femme héritera de l’ensemble de ses biens. Le mari décède et le testament est contesté par
les sœurs du mari décédé. Pourquoi ? Car il s’agissait d’un couple de musulmans grecs
appartenant à une minorité grecque du pays et il était prévu dans la loi grecque que les
musulmans grecs étaient soumis à la charia. Or, la charia prévoit que l’épouse peut hériter du
quart des biens de son mari, mais pas la totalité ; d’où la contestation par les sœurs. Cela est
lié à l’histoire mouvementée de la chute de l’empire Ottoman. La loi grecque était liée
directement à des traités conclus entre la Grèce et l’Empire Ottoman et ces traités
prévoyaient que les musulmans restant sur le territoire grec devaient être soumis à la
Charia.

Les sœurs obtiennent gain de cause devant les juridictions grecques. De ce fait, la veuve va
devant la Cour EDH considérant qu’elle est victime d’une discrimination religieuse. Elle
obtient gain de cause devant la Cour et qui condamne la Grèce.

La Cour précise que la liberté religieuse ne contraint pas les Etats à créer une législation
spécifique à une catégorie de la population qui serait soumise à un autre droit pour des
raisons religieuses. Par ailleurs, la Cour considère que la loi grecque est soumise à un droit

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d’importance capital reconnu par la convention, qui est celui de la libre identification. On ne
peut pas appliquer la Charia contre la volonté des personnes concernées.

Arrêt important puisque la Cour dit bien qu’on a un droit à choisir les règles auxquelles on
veut se soumettre et donc le futur mort avait le droit de choisir la charia ou le droit civil et
donc de choisir de ne plus appartenir à ce groupe et de ne plus appartenir aux règles de ce
groupe. La Cour dit quelque chose d’important alors : quiconque a un droit d’apostasie.
Consécration du droit d’apostasie, ce qui est essentiel car la religion musulmane ne reconnaît
pas la liberté de conscience alors que cette liberté est la condition sine qua non de toute
démocratie.

b) Les principes essentiels du droit français

Depuis un arrêt du 8 juillet 2010, la CC° utilise cette expression de principes essentiels du droit
français.

On définit ces principes essentiels comme des règles sur lesquelles une société ne saurait transiger
sans se perdre. Ce sont les fondements politiques de la nation française.

Parmi ces principes, on trouve :


- La laïcité ;
- La dissolubilité du mariage ;
- Droit d’établir sa filiation ;
- Principe d’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale ;
- Principe de l’indisponibilité des personnes ;
- La monogamie : ce principe peut être considéré aussi comme un principe universel dans la
mesure où la polygamie porte atteinte à l’égalité des sexes.

CC° 19 octobre 2016 à propos de la bigamie : en l’espèce, un français épouse une française. Puis
quelques années plus tard, il épouse une algérienne et divorce de son épouse française. Cependant,
il a été considéré comme bigame durant 18 moins, le temps de divorcer. En 2014, le couple assigne le
ministère public car ils souhaitent que leur acte de mariage soit retranscrit sur les registres
consulaires français. La CA accueille leur demande puisque l’action en nullité absolue pour bigamie
était prescrite. La CC° casse l’arrêt d’appel parce qu’il est contraire à l’ordre public international :
cassation prononcée au visa de l’article 6 CC. Le mariage est valable mais n’a pas été annulé. On voit
bien que cette atteinte à l’ordre public international par la bigamie du français prime, pour la CC°, sur
l’extinction de la prescription trentenaire de la nullité du mariage.

 CC° 6 avril 2011, Menesson concernant la GPA :


En l’espèce, un couple français va aux USA pour avoir recours à la GPA, et naissent des jumelles. Est
dressé un acte d’acte civil américain et désigne les français comme les parents légaux des jumelles.
Le couple demande la retranscription de l’acte civil en France, ce qui leur est refusé parce que « La
GPA heurte le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ». L’acte d’état civil américain ne
produit aucun effet en France, et donc les enfants sont privés de toute filiation en France.

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En effet, on le comprenait à la lecture du second arrêt Labascee : la CC° décidait que le lien de
filiation entre le couple français et les enfants ne pouvait pas être reconnu et établit en application

du droit français.

A partir du moment où le couple français est parti à l’étranger car il ne voulait pas se voir appliquer la
prohibition de la GPA, il ne pouvait pas revendiquer l’application du droit français à leur bénéfice.

La doctrine a été partagée à la suite de ces deux arrêts de 2011, car certains auteurs disaient que les
enfants payaient pour les fautes commises par leur parent, ce qui est contraire aux commandements
bibliques. Cependant, d’autres auteurs ont fait valoir que, priver la GPA pratiquée à l’étranger de
tout effet en France était la seule manière d’assurer l’effectivité de la prohibition du droit interne :
Article 7 CC et 16-9 CC. Donc les décisions de la CC° étaient la condition sine qua none de l’effectivité
de la prohibition du droit interne.

Face à de telles décisions, la CC° a dû répondre à deux arguments :


- L’article 3 de la Convention de NY : intérêt supérieur de l’enfant
- L’article 8 de la CEDH : droit au respect de la vie privée et familiale.

CC° répond par la négative dans ces deux arrêts en disant que ces deux textes ne sont pas violés
parce que d’une part, l’enfant a une filiation, et d’autre part, que les époux Menesson mènent une
vie familiale en France.

La France a été condamnée par la Cour EDH au titre de ces deux arrêts, dans deux décisions du 26
juin 2014 : la Cour a reconnu la légitimité du but poursuivi par la France qui prohibe la GPA.
Toutefois, la Cour dit que la France poursuit deux buts : la protection de la santé et celle des droits et
libertés d’autrui. La Cour est vague parce qu’il y a toujours un élément qui manque dans sa décision :
jamais la Cour ne s’interroge sur la comptabilité de la GPA avec les valeurs portées par la
Convention. La GPA relève de la qualification de l’esclavage selon le Code pénal français : article 224-
1 A. Quoi qu’il en soi, elle considère que les arrêts de 2011 portent une atteinte disproportionnée au
respect de la vie privée de l’enfant. Pour justifier la manière dont elle s’affiche, la Cour met en avant
que ce qui importe est la réalité concrète et donc l’existence concrète d’une famille. Par ailleurs, la
Cour insiste sur la filiation biologique du père, et n’évoque plus la filiation sociologique avec la mère.
Or, ce n’est pas logique de sa part parce qu’il y a incohérence à vouloir faire produire des effets par la
GPA pour ensuite insister que la filiation biologique.

3/11/20
II. La relativité de l’ordre public international

1. La relativité temporelle

L’ordre public évolue avec la société. De ce fait, on peut citer plusieurs exemples :
- Divorce : jusqu’en 1884 le divorce était prohibé en France, donc toutes les lois étrangères qui
permettaient le divorce étaient considérées comme contraire à l’ordre public international.
de 1884 à 1975, seul le divorce pour faute était admis en droit français, donc les lois

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étrangères qui admettaient le divorce par consentement mutuel étaient contraire à l’ordre
public. aujourd’hui, ce sont les lois étrangères qui ne permettent pas le divorce qui sont
considérées comme contraire à l’ordre public international.
- Filiation : notamment la filiation paternelle naturelle pose problème. Jusqu’en 1912 en
France, il y a une interdiction de toute recherche de paternité naturelle donc les lois
étrangères qui le permettent sont contraires à l’ordre public international. Jusqu’en 1972, on
ne peut pas chercher une filiation adultérine. En 1993, on libéralise la possibilité d’établir la
filiation paternelle, qu’elle soit adultérine ou pas. Une fois encore, inversion de l’ordre public
international puisque ce sont les droits étrangers qui n’admettent pas cette possibilité sont
contraires à l’ordre public.

On a pu penser que c’était au nom de l’évolution de l’ordre public international que la CC° dans un
arrêt du 28 janvier 2015, a considéré que le droit marocain était contraire à l’ordre public
international en ce qu’il ne permet pas le mariage entre personne de même sexe . Ici, la Convention
franco-marocaine s’applique et donc on applique la loi française au français et la loi marocaine au
marocain. On considère que le mariage homosexuel est un principe essentiel du droit français. On
peut donc penser qu’il s’agit ici de prendre acte de l’évolution du droit français. La Cour déclare
contraire à l’ordre public international la loi marocaine puisqu’elle ne reconnait pas le mariage entre
deux personnes de même sexe.

Cet arrêt est assez critiquable parce qu’il est certain que l’adoption de la Loi Taubira (mariage pour
tous) ne pouvait pas ne pas avoir d’effet sur la jurisprudence en matière d’ordre public international.
à la suite de l’adoption de cette loi, les juges français étaient tenus de considérer comme applicable
le mariage homosexuel. La Cour va plus loin dans cet arrêt puisqu’elle dit que les lois étrangères qui
ne connaissent pas le mariage homosexuel sont contraires à l’ordre public international. Cet arrêt est
donc critiquable parce qu’en considérant que le mariage homosexuel est d’ordre public international,
la CC° dit que le mariage homosexuel est un fondement essentiel de la société française, alors
même que 18 mois auparavant, ce mariage était prohibé en France. En l’espace de 18 mois, le
mariage est passé du statut d’institution prohibée à celui d’institution essentielle à celui de la société
française.

De cette relativité temporelle, la CC° a tiré un principe d’actualité de l’ordre public international.
Autrement dit, la notion d’ordre public international que doivent retenir les juges est celle en vigueur
au moment où ils statuent.
 Arrêt ayant affirmé ce principe est l’arrêt Marret du 23 novembre 1976 : en l’espèce, un
français marié avait été reconnu père d’un enfant allemand dont cet enfant était adultérin.
Le lien de filiation paternelle est établi par un jugement allemand rendu en 1971. La mère
demande l’exéquatur du jugement allemand pour que le père soit condamné et forcé à
verser une pension alimentaire. Le père forme un pourvoi en disant qu’au moment où les
juges allemands ont statué, toutes lois qui permettaient l’établissement de la filiation
adultérine étaient considérées comme contraire à l’ordre public international français. Le
pourvoi du père est rejeté puisque la CC° dit que c’est à bon droit que les juges du fond ont
décidé que la compatibilité d’une constatation de paternité adultérine avec l’ordre public
international tel qu’il est conçu en France devait être appréciée au jour où statue le juge
français de l’exequatur et non au jour de la décision étrangère.

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2. La relativité matérielle

Elle comporte deux aspects :


- La différence qui existe entre l’ordre public interne et international : la notion d’ordre public
international ne recouvre pas la notion d’ordre public interne. En effet, on peut citer comme
exemple de ce décalage :
 Les lois concernant l’état des personnes : ces lois ne sont pas d'ordre public
international parce qu’en matière d’état des personnes, le critère de rattachement
est la loi nationale de l’intéressé.
 La loi du 5 juillet 1985 sur les indemnisations des victimes des accidents de la route :
cette loi était force car le législateur avait prévu son application rétroactive, c’est-à-
dire avant son entrée en vigueur. Malgré sa puissance en France, ce n’est pas une loi
d’ordre public international.
 CC° 27 septembre 2017 : une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire n’est pas
en soi une règle d’ordre public international alors qu’elle est d’ordre public interne.

- L’atteinte à l’ordre public international doit être apprécié in concreto : en d’autres termes, ce
n’est pas le contenu abstrait de la loi étrangère que l’on va prendre en considération, mais
parce que l’application concrète au cas d’espèce de la loi étrangère est contraire à l’ordre
public international. cette appréciation in concreto peut jouer dans les deux sens :
 On peut avoir une loi étrangère contraire à l’ordre public international lorsqu’on
l’apprécie in abstracto mais dont l’application concrète ne l’est pas. Exemple : à un
moment donné, la loi allemande prévoyait que la filiation paternelle était établie sur
serment de la mère. Elle était in abstracto contraire à l’ordre public international.
 Lorsque la loi étrangère in abstracto ne se heurte pas à l’ordre public international
mais que son application est contraire à l’ordre public international :
CC° 1er décembre 2010 : Cour dit qu’une loi qui prévoit des dommages et intérêts
punitifs n’est pas en soi contraire à l’ordre public international. En revanche, la CC°
approuve la CA d’avoir refusé l’exéquatur d’un jugement américain. En l’espèce, il
s’agissait d’une société française qui avait fabriqué des bateaux pour des américains.
Une tempête arrive et le bateau était défectueux. La société française ne dit rien de
cet incident, et est condamnée aux USA à verser plus de 3 millions de dollars aux
clients, dont la moitié à titre de dommages et intérêts punitifs. La cour d'appel a pu
en déduire que le montant des dommages-intérêts était manifestement
disproportionné au regard du préjudice subi et du manquement aux obligations
contractuelles de sorte que le jugement étranger ne pouvait être reconnu en
France.

CC° 27 septembre 2017 : une loi étrangère qui ne connait pas la réserve
héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international. En revanche son
application concrète au cas d’espèce peut conduire à une situation incompatible
avec les principes essentiels du droit français. Dans ces arrêts, la CC° précise que la
loi étrangère serait contraire à l’ordre public international si elle laissait les héritiers
dans une situation de précarité économique ou de besoin. La Cour retient une

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fonction alimentaire du droit des successions. Cela est bizarre parce qu’en droit
français des successions, jamais une fonction alimentaire n’était prévue. De plus, cet
arrêt nous dit que cette fonction alimentaire est d’ordre public international. Là
encore, c’est conforme à une approche de Common low du droit des successions.
Cet arrêt est également bizarre sur un autre plan : les juges insistent sur le fait que le
défunt vivait très longtemps en Californie et qu’il avait donc tous ses intérêts
patrimoniaux et personnels, alors qu’en principe pour savoir si l’ordre public doit
être déclenché, la CC° ne s’appuie pas sur le centre de vie du défunt puisqu’elle se
focalise sur la situation de la personne dont les droits sont en cause. En d’autres
termes, l’ordre public aurait du être déclenché si l’héritier était français.

CC° 18 mars 2020 en matière de mariage : en l’espèce, un français épouse une


marocaine au Maroc. L’épouse n’était pas présente lors de son mariage en
application du droit musulman qui veut que la femme ne donne jamais son
consentement lors de son propre mariage. Le couple vient vivre en France, et 3
enfants naissent de cette union. L’épouse demanda le divorce et le mari réplique en
arguant de la nullité du mariage parce qu’il a été célébré par procuration et que
l’épouse n’a pas donné elle-même son consentement. La loi marocaine s’applique
aux conditions du fond du mariage parce que l’épouse est marocaine, et la loi
marocaine rajoute que le mariage par procuration est valable. Le mari dit donc que la
loi est incompatible avec l’ordre public international parce que le principe qui veut
que les deux époux soient présents à leur mariage est universel. L’argument du mari
n’est pas accepté par la CC°. La Cour a cependant raison au début de son attendu de
principe : En l'absence de contestation touchant à l'intégrité du consentement, la
disposition du droit marocain qui autorise le recueil du consentement d'une épouse
par une procuration n'est pas manifestement incompatible avec l'ordre public, au
sens de l'article 4 précité, dès lors que le droit français n'impose la présence de
l'époux à son mariage qu'à l'égard de ses seuls ressortissants. Autrement dit, ce qui
importe pour la CC° est que chaque époux ait pu donner son consentement libre . La
Cour constate que le mariage par procuration peut être in abstracto contraire à
l’ordre public, mais qu’en l’espèce, personne ne contestait que l’épouse avait
souhaité se marier.

B. La mise en œuvre de l’exception d’ordre public international

1. La condition de proximité avec le for (Inlandsbeziehung)

Cette condition veut dire que pour que l’ordre public fasse obstacle à l’application du droit étranger il
faut que la situation juridique présente des liens suffisamment étroits avec le for. En effet, l’ordre
public international suppose que le for soit menacé dans ses valeurs.

a) La théorie de l’effet atténué de l’ordre public

 Les applications jurisprudentielles de la théorie

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Cette théorie est fondée sur une distinction cardinale entre la naissance du droit et la production de
ses effets. En d’autres termes, elle est fondée sur la distinction entre les droits à acquérir et les droits
déjà acquis. Plus précisément encore, l’idée de cette théorie est d’affirmer que lorsque des droits ont
été valablement acquis à l’étranger, la réaction de l’ordre public internationale doit être moins vive.

L’expression est assez maladroite parce que ce n’est pas l’effet de l’ordre public qui est atténué mais
son intensité.

 Pourquoi l’ordre public devrait-il être atténué lorsque les droits ont été acquis à
l’étranger ?

Deux justifications :
- On considère qu’à partir du moment où les droits ont été acquis à l’étranger, la situation
juridique présente des liens moins étroits avec le for et, de ce fait, la loi étrangère a un effet
perturbateur moins important que si le droit devait être acquis en France.
- La situation juridique est déjà constituée et a déjà produit certains effets, donc refuser de
reconnaitre la situation peut alors présenter plus d’inconvénients que de la reconnaitre.

Le type de situations juridiques à l’origine de cette théorie de l’ordre public était les divorces
prononcés à l’étranger à une époque où les lois admettant le divorce par consentement mutuel
étaient contraires à l’ordre public international. C’est justement en matière de divorce que cette
théorie a été appliquée pour la première fois.
 CC° 17 avril 1953, Rivière : en l’espèce, un couple de français émigre en Équateur et
divorcent là-bas par consentement mutuel. Chacun des deux époux se remarient,
notamment madame avec monsieur Rivière. Elle divorce une fois de plus, et monsieur veut
échapper à la pension alimentaire et plaide dès lors la nullité de son mariage pour bigamie
puisqu’elle n’aurait pas été valablement divorcé en France. C’est la première occasion que la
CC° applique la théorie de l’effet atténué de l’ordre public : L’atteinte à l’ordre public français
doit être appréciée de façon différente suivant que le divorce litigieux a été ou non acquis à
l’étranger par application de la loi compétente en vertu du règlement français des conflits ;
en effet, la réaction à l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre public n’est pas la
même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France ou suivant qu’il s’agit
de laisser se produire en France les effets d’un droit acquis sans fraude à l’étranger et en
conformité de la loi ayant compétence en vertu du DIP.

 CC° 1958 et 1963, Chemouni concernant le mariage polygamique : en l’espèce, un juif


tunisien s’est marié avec une française en Tunisie puis avec une juive-tunisienne (avant
indépendance Tunisie). Tout le monde vient s’installer en France et par la suite, monsieur
abandonne sa seconde épouse. Cette dernière intente une action en contribution aux
charges du mariage. Les juges du fond la déboutent au nom de l’ordre public international.
l’arrêt est cassé et la Cour reprend le même attendu de principe que dans l’arrêt Rivière. A
partir du moment où le mariage polygamique a été célébré à l’étranger, la réaction de l’ordre
public international doit être atténué.

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 CC° 3 novembre 1983, Rohbi concernant la répudiation (mode de dissolution du mariage
réservé au mari) : en l’espèce, des marocains se marient au Maroc et viennent vivre en
France. L’épouse retourne au Maroc et le conjoint reste et obtient la répudiation de sa
femme au Maroc. L’époux intente une action en divorce et se désiste par la suite de cette
action en invoquant la répudiation invoquée au Maroc. La CA ne veut pas reconnaitre cette
répudiation parce qu’elle est contraire à l’ordre public international français. La CC° censure
l’arrêt d’appel et reprend le même attendu de principe que dans l’arrêt Rivière. Cette
jurisprudence a été remise en cause parce qu’on s’est rendu compte que tout le monde
n’était pas aussi honnête que M. Rohbi.

 L’anachronisme de la théorie

La théorie de l’effet atténué est fondée sur une présomption irréfragable selon laquelle parce que la
situation juridique est née à l’étrange, elle a des liens plus étroits avec le droit étranger. C’est cette
présomption qui est aujourd’hui totalement obsolète parce que nous ne sommes plus à l’époque de
la jurisprudence Rivière. En effet, avec la démocratisation des moyens de transport, créer une
situation juridique à l’étranger est beaucoup plus simple et moins cher. Dès lors, on ne peut plus
présumer qu’une situation née à l’étranger à moins de liens avec la France qu’avec le pays étranger.

Petit à petit, l’idée était d’abandonner cette présomption au bénéfice de critères de proximité plus
réalistes, concrets. Néanmoins, la théorie de l’effet atténué de l’ordre public n’est pas totalement
abandonnée parce qu’il y a encore des situations juridiques qui, parce qu’elles ont été créées dans
un pays étranger, ont plus de liens avec le pays étranger. En revanche, est abandonnée la
présomption irréfragable.

b) L’ordre public de proximité

La jurisprudence a opté pour deux critères alternatifs :


- La nationalité française de la loi dont les droits sont en causes ;
- Si la personne réside habituellement en France.

 Appliqué aux lois prohibitives

Cette nouvelle manière de raisonner a été adoptée dans un arrêt du 10 février 1993, Latouz sur la
filiation naturelle paternelle : mère tunisienne, père algérien vivant en France. L’enfant est français.
Après la naissance de l’enfant, la mère avait acquis la nationalité française. Article 311-14 CC : loi
tunisienne applicable puisque c’est la loi nationale de la mère au jour de la naissance de l’enfant. Or,
la loi tunisienne prohibe l’établissement de la filiation naturelle. La mère intente une action en
recherche de paternité naturelle et invoque le droit français qui n’est normalement pas applicable. La
CA fait application de la loi française parce qu’elle considère que la loi tunisienne est contraire à
l’ordre public international. Le père forme un pourvoi en invoquant la jurisprudence applicable à ce
moment-là : les lois étrangères qui ne prohibaient l’établissement de la filiation naturelle n’étaient
pas contraire à l’ordre public international, on exigeait seulement d’elles, qu’elles permettent des
subsides à l’enfant. Cette jurisprudence se contentait d’un ordre public alimentaire.

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Ici, le pourvoi du père est rejeté selon un attendu qui dit bien que « Si les lois étrangères qui
prohibent l’établissement de la filiation naturelle ne sont en principe pas contraires à la conception
française de l’ordre public international, il en est autrement lorsque ces lois ont pour effet de priver
un enfant français ou résidant habituellement en France du droit d’établir sa filiation, l’ordre public
s’opposant alors à l’application de la loi étrangère normalement compétente ».

Cet arrêt démontre également qu’on peut écarter le critère de rattachement de l’article 311-14 CC.
au regard des faits d’espèce, on comprend les critiques doctrinales puisque plus personne n’était
tunisienne car la mère était devenue française.

Un débat existe en doctrine sur le fait de savoir si le droit de faire établir la filiation serait un
principe universel ? Il suffit qu’il y ait un lien juridictionnel avec la France pour que les juges français
imposent le respect de ce principe universel.

Dans un arrêt de 2006 : l’enfant était algérien et donc droit algérien applicable. Cependant, pas de
filiation applicable car critère de proximité pas rempli. On s’est alors demandé pourquoi cet enfant
est privé de filiation paternelle alors que dans l’arrêt LATOUZ c’était autorisé

Contre l’idée qu’il s’agirait d’un principe universel, une partie de la doctrine fait valoir qu’il serait
absurde de créer un statut personnel boiteux. Les autres membres de la doctrine considèrent que
l’argument du statut personnel boiteux est assez limite. C’est le Professeur Léna Gannagé qui plaide
pour ce que droit soit érigé en principe universel dans la mesure où cette condition de proximité
permet aux lois étrangères prohibitives de rayonner et donc de pouvoir exercer une espèce de
« tyrannie » en France et devant les juridictions françaises.

En 2011, la CC° semble avoir adhéré à l’idée qu’il s’agirait d’un principe universel : arrêt 26 octobre
2011. Dans cet arrêt, la loi applicable était la loi ivoirienne et l’enfant était adultérin. La loi étrangère
interdisait d‘établir une filiation paternelle adultérine. Cette loi est déclarée contraire à l’ordre public
international français. La CC° rend un attendu très général sans rappeler les conditions de proximité :
La cour d'appel a exactement décidé que ces dispositions étaient contraires à l'ordre public
international français dès lors qu'elles privaient l'enfant de son droit d'établir sa filiation
paternelle.

La CC° n’abandonne pas la condition de proximité pour l’établissement de la filiation.

 Appliqué aux institutions de droit musulman (polygamie, répudiation)

Arrêt 2ème civile CC° du 1er décembre 2011 sur la polygamie : mari bigame ayant épousé une
française en France, et une algérienne en Algérie. Premier mariage dissout, et mari décède. Première
épouse demande que lui soit verser son droit de pension de réversion. La seconde épouse fait la
même demande. Cette dernière sera cependant déboutée parce que justement son mariage était un
mariage polygamique. De ce fait, ce mariage était contraire à l’ordre public français. Ici, on voit bien
que le mariage polygamique a beau avoir été célébré à l’étranger où il était valable, ne produit aucun
effet en France car il en aurait produit contre l’épouse française.

53
Depuis 5 arrêts du 17 février 2004 sur la répudiation, on ne fait produire aucun effet aux
répudiations prononcées dans le pays originaire à partir du moment où l’épouse est domiciliée en
France. On ne tient compte au demeurant que du seul domicile de l’épouse comme on ne tient
compte que du domicile de l’enfant. La Cour se fonde sur l’article 5 du Protocole additionnel n°7 à la
CEDH qui proclament l’égalité des droits et obligations des époux pendant le mariage et lors de sa
dissolution. L’appréciation faite est in abstracto. Les conséquences financières de la répudiation sont
minables pour l’épouse et ce, même en droit marocain. Ce qui est dû à l’épouse répudié : mout’â =
don de consolation. En droit marocain = un mois de pension alimentaire même si le mariage a duré
très longtemps. Or ces femmes vivent en France, donc si on reconnait la répudiation elles seraient à
la charge de la société française, donc de financer une institution contraire à ses valeurs.

2. Les effets de l’exception d’ordre public international

La loi étrangère dont l’application a été jugée contraire à l’ordre public internationale est écartée et
est remplacé par la loi du for. La loi du for est tout à fait légitime à s’appliquer dans la mesure où
l’exception d’ordre public, qui est la condition de proximité est remplie : cette condition est le
fondement qui justifie l’application subsidiaire de la loi du for.

Cette exception ne doit jouer que dans la mesure strictement nécessaire.

CC° 17 novembre 1964 : on était confronté à une règle successorale musulmane selon laquelle un
non-musulman ne peut pas hériter d’un musulman. En l’espèce, il s’agissait de la fille d’une
musulmane et en application de la loi étrangère, elle était écartée de la succession au profit du petit-
fils. Cela a été considéré comme contraire à la liberté de conscience. Le droit français a réintégré la
fille de la défunte dans la succession. Par la suite, l’application des autres dispositions du droit
étranger n’aboutissait pas à être contraire à l’ordre public international.

CC° Patiño15 mai 1963 : époux boliviens qui s’étaient mariés en Espagne car l’épouse était princesse
espagnole. Ils souhaitaient être séparés de corps seulement la loi bolivienne ne connaissait pas la
séparation de corps alors que cette loi était applicable. Cette loi soumettait le divorce à la condition
qu’il soit admis par la loi du lieu de célébration de mariage, donc la loi espagnole. Or, à l’époque, le
divorce était prohibé en Espagne. donc, la combinaison des deux lois empêchait tout relâchement du
lien conjugal. La loi bolivienne a été écartée car contraire à l’ordre public international sur la question
de la séparation de corps. La séparation de corps a été appliquée sur le fondement du droit français.
10/11/20
II. La fraude à la loi

La fraude à la loi est un PGD, et consiste en une utilisation d’une règle de droit pour en contourner
une autre, ce qui la distingue de la violation de la loi.

En DIP, il y aura fraude à la loi en cas d’instrumentalisation de la règle de conflit afin d’échapper à la
règle applicable.

L’arrêt de principe qui a admis la fraude à la loi est un arrêt princesse de Bauffremont du 18 mars
1878 : en l’espèce, la princesse était séparée de corps avec son mari mais ne pouvait pas divorcer.

54
Or, la princesse voulait se remarier. De ce fait, elle va changer de nationalité car sa nationalité
française l’empêchait de se remarier. Elle va prendre la nationalité d’un duché allemand dont le
droit considérait les catholiques séparés de corps comme divorcés. Le prince de Bauffremont
intente une action devant les tribunaux français qui vont déclarer le second mariage inopposable au
motif que « la demanderesse [ayant] sollicité et obtenu cette nationalité nouvelle, non pas pour
exercer les droits et accomplir les devoirs qui en découlent, en établissant son domicile dans l’Etat
de Saxe-Altenbourg, mais dans le seul but d’échapper aux prohibitions de la loi française ».

A. Les conditions de la fraude à la loi

1. Les éléments constitutifs de la fraude à la loi

a. Les éléments matériels et intentionnel

 Élément matériel

En droit des conflits de loi, la fraude consiste à jouer sur l’un des deux éléments : qualification ou
critère de rattachement. En changeant l’un ou l’autre, on modifie la loi applicable.

 Modification du critère de rattachement afin de modifier la loi applicable

Il s’agit ici de créer un faux conflit mobile (critère de rattachement évolue dans le temps) en
modifiant le critère de rattachement. Cela suppose que la volonté ait prise sur le critère de
rattachement pour qu’il y ait possibilité de fraude.

 Peut-on admettre une fraude à la loi lorsque le critère de rattachement est le critère de
volonté des intéressés ?

Dans certaines domaines (droit des contrats et responsabilité civile), les intéressés peuvent choisir
une loi pour règlementer leur contrat qui n’a aucun lien géographique avec leur contrat ou avec le
délit. Cela permet aux personnes concernées, de choisir une loi qui servira au mieux leurs intérêts, et
donc la choisissent pour échapper à la loi normalement applicable.
La convention de Rome ne réservait pas la fraude donc la doctrine se demandait si cela signifiait
qu’elle était écartée ou sous-entendue. Évidemment, on ne peut pas admettre l’exception de fraude
lorsqu’elle est applicable à la loi d’autonomie car on ne peut pas reprocher aux contractants d’avoir
fait usage d’une liberté que le droit objectif leur donne.

Ce raisonnement est juste lorsque la loi d’autonomie est totale. En revanche, d’autres règlements
ont introduit la loi d’autonomie alors que le DIP français ne l’autorise pas. L’incompatibilité entre la
fraude et la loi d’autonomie est seulement à la condition que la loi d’autonomie est totale, illimitée.
 La qualification

Cela a été admis dans un seul arrêt, Caron du 20 mars 1985 : en l’espèce, le futur défunt souhait
déshériter ses enfants. Il vivait aux USA mais était propriétaire d’un enfant situé en France. D’après le
DIP français, on doit appliquer la loi du lieu de l’immeuble aux successions immobilières dont la loi

55
française ne permet pas de totalement déshériter ses enfants. M. Caron cherche à échapper au droit
français applicable, et de ce fait, il va modifier la qualification de son immeuble en meuble. Pour ce
faire, il a constitué une société à qui il a vendu l’immeuble pour son propre patrimoine, et de ce fait
cet immeuble s’est transformé en actions. En tant que meubles, les actions sont soumises à la loi du
dernier domicile du défunt donc la loi américaine. Le montage de M. Caron a été déclaré
inopposable sur le fondement de la fraude car était démontré que ce dernier avait transformé son
immeuble en meuble dans le seul but de déshériter ses héritiers. Donc, loi français appliquée à la
succession.

Aujourd’hui, cet arrêt est dépassé du fait des deux arrêts du 27 septembre 2017, qui permettent de
déshériter ses enfants français habitant en France.

 Élément intentionnel

Cet élément intentionnel est indispensable car l’acte juridique ou le fait qui est à l’origine de la
fraude est en soi légal. Donc, il y a fraude lorsque la volonté de se soustraire à la loi applicable est le
seul motif de l’acte ou du fait.

Les arrêts témoignent de ce que la fraude est établie sur le comportement du fraudeur après la
modification du critère de rattachement ou de la qualification.

b. Le cas particulier de la gestation par autrui

 La condamnation initiale de la fraude à la loi

L’arrêt fondateur est l’arrêt du 13 septembre 2013 dans lequel la Cour invoque la fraude à la loi pour
refuser de retranscrire l’acte de naissance établi à l’étranger sur des registres français : en l’espèce,
un couple français d’hommes va à l’étranger que pour contourner la prohibition du droit français
pour avoir recours à la GPA. La fraude prend la forme d’une internationalisation artificielle. En
l’espèce, l’acte d’état civil n’était pas mensonger car il était marqué que le français dont les gamètes
ont été utilisées était le père et que la mère porteuse était la mère. De ce fait, on ne pouvait plaider
l’indisponibilité de l’état des personnes. La Cour a invoqué la fraude à la loi : « Attendu qu'en l'état du
droit positif, est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé
dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l'aboutissement, en fraude à la loi
française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte
d'autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public selon les
termes des deux premiers textes susvisés ». La Cour en tire la conséquence logique qui est de priver le
fraudeur de l’effet juridique recherché.

Cet arrêt s’aligne sur l’arrêt de 2011 en disant qu’aucun lien de filiation ne sera établit, y compris par
l’adoption. Cependant, cet arrêt s’écarte de l’arrêt de 2011 concernant l’article 3 Convention de NY
et 8 CEDH et affirme que ces articles ne sauraient être utilement invoqués, c’est-à-dire que la Cour
dénie au couple le droit d’invoquer ces arrêts.

 L’institutionnalisation de la fraude à la loi

56
 La question de la filiation biologique

La France a été condamnée par la Cour EDH dans ses arrêts du 26 juin 2014. Dans ces arrêts, la Cour
insiste sur la nécessité, l’obligation de transcrire l’acte d’état civil ou de faire établir la filiation
paternelle car elle correspond à la vérité biologique.

La CC° va opérer un revirement de jurisprudence dans deux arrêts d’Assemblée plénière du 3 juillet
2015 : CA applique la jurisprudence 2013 et va être cassé au visa de l’article 47 CC qui dispose que «
Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes
usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des
éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet
acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». En
l’espèce, les actes correspondent à la réalité car déclarent le français père biologique et la mère
porteuse, de mère biologique. Dès lors, la CC° fait preuve d’une malhonnêteté intellectuelle car un
acte frauduleux est par hypothèse, intrinsèquement légal. En d’autres termes, la Cour paralyse
l’exception de fraude à la loi.

Malgré le revirement, la France a été condamnée par deux arrêts du 21 juillet 2016 au titre des
arrêts de 2013 et de 2014.

Par la suite, ce raisonnement adopté en 2015 a été adopté aux couples hétérosexuels, notamment
dans deux arrêts du 5 juillet 2017. Il s’agit de couples hétérosexuels donc l’acte d’état civil est
mensonger pour la filiation maternelle. Dès lors, la CC° ordonne la transcription partielle de l‘acte
civil étrangère concernant la filiation paternelle.

Quand l’article 47 exige que l’acte civil étranger correspond à la réalité, la CC° évoque la réalité de
l’accouchement.

Donc, la filiation biologique paternelle devait être reconnue en France par la transcription d’acte civil
étranger.

 La question de la filiation sociologique

Concernant cette question, la Cour EDH n’avait pas statué dans ses arrêts du 26 juin 2014, se
contentant d’insister sur la filiation biologique.

Deux voix vont être adoptées tour à tour par la CC° :

o L’adoption par le « parent » d’intention

Cette solution de l’adoption par le parent d’intention a été adoptée par la CC° en matière de PMA à
laquelle avait recouru une femme mariée à une autre femme. Une femme s’est faite inséminer en
Belgique et son épouse voulait adopter l’enfant. Il s’agit ici d’un recours politique parce que rien
n’oblige à préciser les conditions de la conception de l’enfant. On savait que la mère avait recours à
une PMA à l’étranger. Les femmes ont obtenu gain de cause dans deux avis de la CC° du 22
septembre 2014 « Le recours à une insémination artificielle ne fait pas obstacle pour prononcer

57
l’adoption par l’épouse de la mère de l’enfant dès lors que les conditions légales de l’adoption sont
réunies et qu’elle est conforme aux droits de l’enfant ».

Ces avis disaient que la fraude à la loi n’était pas un obstacle à la mise en œuvre du droit français
de filiation, ici l’adoption, lorsque l’intérêt de l’enfant existe.

Au regard de ces avis, on pouvait deviner la manière dont les choses allaient évoluer en matière de
GPA. La CC° veut aligner le régime de DIP de la GPA sur celui de la PMA, alors même que ce sont deux
modes scientifiques ne soulevant pas les mêmes problèmes éthiques : PMA autorisée en France alors
que la GPA est interdite.

Cette solution adoptée par ces avis a été transposée en matière de GPA notamment dans plusieurs
arrêts du 5 juillet 2017 : il s’agissait d’un couple d’hommes. L’attendu est le même que celui des avis
de 2014. Ici, permettre au conjoint du père biologique d’adopter l’enfant revient à abroger la
jurisprudence de droit interne décidant que la GPA constituait un détournement de l’institution de
l’adoption. Donc, le conjoint du père peut adopter l’enfant né de GPA. Cette décision fragilise la
prohibition de la GPA en droit interne.

La Cour EDH avait soulevé une question qui la dérangeait dans ses deux arrêts du 21 juillet 2016 : en
effet, la Cour dit que le revirement opéré la CC° ne résout pas le problème pour les familles pour
lesquelles une décision est déjà passée en force de chose jugée. Donc, il faut que le gouvernement
français agisse pur que la situation soit débloquée pour les familles Menesson et les autres.
C’est ce qui a conduit le législateur dans la loi justice 21 du 18 novembre 2016, à adopter
l’amendement « Menesson » qui permet le réexamen des décisions passées en force de chose jugée
lorsque la France a été condamnée au titre de ces décisions. Le réexamen a été décidé par la CC°
concernant l’affaire Menesson et celle ayant conduit à l’affaire de 2013.

La CC° rend deux arrêts en Assemblée Plénière le 5 octobre 2018 dans le cadre des procédures de
réexamen :
- L’un des deux arrêts annule et remplace l’arrêt du 13 septembre 2013 et ordonne la
transcription de l’acte d’état civil étranger.
- Le second arrêt a été rendu dans l’affaire Menesson, et la Cour suspend sa décision car elle
décide de transmettre à la Cour EDH une demande d’avis fondée sur le protocole 16 à la
CEDH (permet aux hautes juridictions de demander son avis à la Cour EDH sur la
conventionnalité d’une jurisprudence). Dans sa demande, la CC° interroge la Cour EDH sur la
conventionnalité de sa jurisprudence qui refuse la transcription de l’acte d’état civil étranger.
La CC° devait-elle être contrainte de substituer à la réalité de l’accouchement, la réalité
génétique ?
La Cour EDH a rendu son avis le 10 avril 2019 et c’est un brevet de conventionnalité qui est
accordé à la CC° : sa jurisprudence est parfaitement conforme à la CEDH puisque certes, elle
ne transcrit pas l’acte d’état civil étranger mais cette filiation peut être établie par d’autres
voix, notamment par l’adoption. Elle a réitéré sa position dans deux décisions du 19
novembre 2019.
La Cour EDH ne va pas répondre à la question concernant l’hypothèse où l’enfant a été conçu
avec un ovocyte de la mère d’intention. Elle va finir par y répondre dans un arrêt du 16 juillet

58
2020 : la Cour décide qu’il n’y a pas lieu de traiter cette hypothèse différemment de celle
dans laquelle ce sont les ovocytes d’un tiers donneuse.

o La transcription intégrale de l’acte d’état civil étranger

La CC° a admis que l’acte d’état civil étranger fut transcrit intégralement dans l’affaire Menesson,
dans un arrêt d’Assemblée plénière du 4 octobre 2019. Dans cet arrêt, elle demande un avis à la
Cour EDH qu’elle ne va pas suivre parce que dans sa décision du 4 octobre 2019, la CC° va décider de
retranscrire l’acte d’état civil américain. Elle insiste que cette solution est justifiée par les
circonstances très particulières de l’affaire Menesson.

Pourtant, elle va généraliser cette solution dans deux arrêts du 18 décembre 2019 où la Cour va
considérer qu’il faut transcrire intégralement l’acte d’état civil étranger. Cette transcription intégrale
de l’acte devient la norme de la GPA passée à l’étranger. Concernant les motifs de la CC° :
- Elle dit que c’est nécessaire de ne plus passer par l’adoption pour reconnaitre la filiation
sociologique car cela risquerait d’entrainer des solutions différentes. C’est un argument
irrecevable puisque par hypothèse, et le droit français le prévoit, la procédure d’adoption
suppose l’appréciation in concreto de l’intérêt supérieur de l’enfant, donc s’il y a des
décisions différentes c’est parce que les situations à juger sont différentes.
- Elle renonce à toute exigence de réalité, exigée par l’article 47 CC, car la procédure
d’adoption permet de vérifier si c’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
- Elle dit qu’il ne s’agit pas d’une action en reconnaissance en établissement de filiation, mais
d’une action en reconnaissance d’acte civil étranger.
- Elle dit que les aides d’états civils étrangers sont ex ante de fraude.

Le même jour, la CC° a retenu la même solution en matière de PMA.

2- L’objet de la fraude

Pendant longtemps, la jurisprudence ne sanctionnait que la fraude à la loi française et non


étrangère, notamment dans un arrêt du 5 février 1929, Mancini : couple italien voulant divorcer
alors que la loi italienne prohibait le divorce. Le mari se naturalise français pour pouvoir divorcer.
Fraude manifeste à la loi italienne qui n’a pas été sanctionnée par la CC° car les tribunaux français ne
pouvaient pas critiquer un acte administratif de naturalisation en raison de la séparation des
pouvoirs. Ici, il s’agit de la question de l’autorité de la règle de conflit : on n’a pas sanctionné la
fraude à la loi étrangère car le juge n’est pas garant de l’autorité de la loi étrangère or, frauder la loi
étrangère désignée par la règle de conflit française revient à frauder à la loi française.

La CC° revoit sa position dans le cadre des divorces migratoires, notamment dans un arrêt Giroux du
11 juillet 1977 : fraude à la loi québécoise. Le mari part au Nevada pour divorcer et s’est remarié et
s’est installé en France. La première femme assigne son mari en France. La CC° approuve les juges du
fond d’avoir refusé de considérer le divorce opposable dans la mesure où il s’agissait d’une fraude à
la loi québécoise. Elle admet donc la fraude à la loi étrangère.

B. La sanction de la fraude à la loi

59
 Pouvait-on transposer en DIP les décisions de droit interne ?

En droit interne, un acte frauduleux est nul alors qu’en DIP l’acte est inopposable. L’inopposabilité
est choisie pour deux raisons :
- Il faut que la fraude ait été commise par le biais d’un acte juridique car on ne peut pas
annuler un fait, donc la nullité est une sanction propre aux actes juridiques or la fraude peut
résulter d’un simple fait.
- Même si la fraude est commise par le truchement d’un acte juridique, la nullité ne peut pas
être prononcée par les juges français car c’est souvent un acte de naturalisation.

Arrêt du CE du 10 juin 2013 : en l’espèce, il s’agissait d’une reconnaissance de paternité naturelle


frauduleuse. Une mère camerounaise est en situation irrégulière et donc, pour obtenir une carte de
séjour il fallait qu’elle soit la mère d’un enfant français. Elle demande à un français de reconnaitre
l’enfant comme étant le sien pour pouvoir rester sur le territoire français et obtenir une carte de
séjour. Le français ne le fait pas. Le CE a décidé que la fraude permettait d’écarter les faits de droit
public qui étaient recherchés et parce que la reconnaissance de paternité était frauduleuse, le refus
de donner à la mère une carte de séjour était justifiée.

CHAPITRE 2. LES METHODES CONCURRENTES

SECTION 1 : Les infléchissements de la règle de conflit savignienne

La règle de conflit savignienne et abstraite et neutre. Ce sont ces caractères qui ont fait l’objet
d’infléchissement.

I. La remise en cause du caractère abstrait de la règle de conflit

60
Ce qui a été reproché à la règle de conflit savignienne est la présomption irréfragable sur laquelle elle
repose. Or, cette présomption peut se trouver démentie par les circonstances d’espèces. C’est cette
présomption irréfragable qui a fait l’objet de plusieurs contestations.

17/11/20
A. Les doctrines américaines

Les doctrines américaines ont proposé de passer d’une appréciation in abstracto à une appréciation
in concreto, donc de passer d’une présomption irréfragable à une présomption simple. Cela a été
développé à travers deux principales doctrines :
- La méthode du groupement des points de contact : elle a été développée en matière de
responsabilité civile. Cette doctrine critique le caractère fortuit de la lex loci delicti (loi du
lieu du délit).
- La théorie de l’analyse des intérêts gouvernementaux : chaque loi est édictée afin d’obtenir
un objectif précis, donc de protéger un intérêt particulier. Elle préconise de déterminer selon
les circonstances d’espèces, les intérêts particuliers qu’il convient de défendre. Il faut
rechercher quelle serait la loi la plus méconnue si elle n’était pas appliquée.

Ces deux doctrines ont été appliquées dans une décision du 9 mai 1963, « Babcock vs Jackson » de
la Cour Suprême de NY : en l’espèce, accident de voiture au Canada mais passager et conducteur
étaient new-yorkais. La loi canadienne et la loi NY étaient opposées concernant l’indemnisation du
passager. La loi canadienne prévoyait que la victime n’avait droit à aucune indemnisation sauf faute
grave du conducteur. la loi de NY ne connaissait aucune restriction au droit d’indemnisation de la
victime. En principe, c’est la loi canadienne qui était applicable mais les juges de NY vont appliquer la
loi NY, et ce pour deux motifs :
- Tient à la « propoer law of the tort » : les juges insistent sur le caractère fortuit du lieu de
l’accident alors que les autres éléments de l’affaire rattachaient la situation à la loi de NY.
C’est sur le fondement de cette méthode du point de contact que les juges américains ne
vont pas appliquer la loi canadienne.
- Théorie de l’analyse des intérêts gouvernementaux : les juges américains recherchent
l’objectif poursuivi par chacune des lois en présence.

Or en l’espèce, les juges américains constatent qu’il n’y avait pas de fraude et que même s’il y avait
eu fraude, elle aurait été réalisée aux dépens d’une compagnie d’assurance new-yorkaise et non pas
canadienne. Donc, la loi canadienne n’avait aucun intérêt à être appliquée.

Une telle décision était critiquable, et ces doctrines sont critiquables en ce qu’elles sont pro-
radicales. D’ailleurs dans cet arrêt, un juge avait émis une opinion dissidente faisant valoir qu’en
définitive, la référence à de telles doctrines permettait d’appliquer la loi du for dès que les intérêts
de concitoyens étaient en cause, sans avoir à passer par l’exception d’OPI. En définitive, faire
référence à l’analyse des intérêts gouvernementaux risquait de donner un instrument très facile au
juge pour appliquer leur propre loi.

B. Les applications en France

61
La doctrine de l’analyse d’intérêts gouvernementaux n’a eu aucune incidence en France. En
revanche, la proper law a eu plus d’écho en Europe. Mais le DIP de l’UE n’a pas érigé cette dernière
doctrine en règle de principe mais l’a adopté en tant que correctif au rattachement abstrait
préconisé par les règles de conflits savignienne. L’adoption en tant que correctif a pris la forme dans
tous les règlements de DIP, de clauses d’exceptions.

Exemple tiré du droit des contrats : l’article 4 de la Convention de Rome avait trait à la loi
objectivement applicable au droit des contrats. Cet article comporte 5 alinéas mais 3 sont très
importants :
- A1 : La loi applicable est celle qui possède le plus de lien avec le contrat = principe de
proximité.
- A2 : On présume que la loi qui présente le plus de liens avec le contrat est celle de la
résidence du débiteur = présomption générale permettant de préciser ce principe ;
- A5 : La loi de l’alinéa 2 devait être écartée lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances
que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays = clause d’exception.

Cette structure était très mal faite parce que :


- Le principe de proximité était énoncé à l’alinéa 1 et 5. Donc, la présomption de l’alinéa 2
était insérée entre l’affirmation du principe de proximité.
- L’alinéa 2 : la loi de la résidence habituelle ne présente que des liens très peu étroit avec le
contrat. Cette loi a été choisie car elle est prévisible et unique. Autrement dit, on a une
présomption qui ne concrétise pas le principe de proximité. Cette présomption étant insérée
par deux alinéas qui affirment le principe de proximité, risquait d’être balayée au profit du
principe de proximité. Pour que cette présomption tienne, il fallait que l’alinéa 5 soit
considéré comme une vraie clause d’exception.

La doctrine française insistait sur le fait que l’alinéa 5 devait être interprété strictement, à défaut on
pourrait encourir plusieurs risques :
- La totale imprévisibilité de la loi applicable.
- Si l’alinéa 5 est appliqué comme une règle de principe, l’objectif d’unification ne serait que
ruiné.

La CC° a affirmé que les alinéas 2 et 5 étaient sur un pied d’égalité permettant d’adopter des
solutions antérieures à la Convention de Rome.
 C’est flagrant dans un arrêt du 19 décembre 2006 : en l’espèce, un commissionnaire de
transport est allemand, l’expéditeur est finlandais. Les marchandises disparaissent après
l’arrivée en France. Le commissionnaire allemand est recherché pour une action en
responsabilité, donc en application de l’alinéa 2, la loi applicable est allemande. Les juges
français appliquent la loi française en application de l’article 4 alinéa 5. Leur décision est
cassée mais c’est dans cet arrêt que la CC° met sur un pied d’égalité ces deux alinéas : « En
application de l’article 4 § 1 de la Conv° de Rome, le contrat est régi par la loi du pays avec
lequel il présente les liens les plus étroits ; il résulte de la combinaison des § 2 et 5 que, pour
déterminer la loi la plus appropriée, le juge saisi doit procéder à une comparaison des liens
existants entre le contrat et, d’une part le pays où la partie qui doit fournir la prestation

62
caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle et, d’autre
part, l’autre pays en cause, et rechercher celui avec lequel il présente les liens les plus
étroits ». On voit bien ici que la CC° met sur un pied de strict égalité les deux alinéas.

De plus, c’est aussi flagrant dans le domaine du cautionnement. Avant la convention de Rome, les
juges présumaient le contrat de cautionnement était soumis à la même loi que le contrat principal.
La Convention a cependant rompu avec cette solution, y compris l’alinéa 2 qui suppose d’appliquer la
loi de la résidence habituelle de la caution.
 Arrêt 16 septembre 2015, 1ère chambre civile : la Cour a reproché aux juges du fond d’avoir
appliqué l’alinéa 2 de la Convention car il fallait appliquer la loi italienne car c’était celle qui
était la loi du contrat de prêt. Dans son attendu, la Cour dit que « En statuant ainsi, alors
qu'elle avait constaté que le contrat de cautionnement litigieux, rédigé en italien, avait été
conclu en Italie, que le prêteur avait son siège dans ce pays, que l'emprunteur y avait sa
résidence habituelle et que le contrat de prêt dont l'acte de cautionnement constituait la
garantie était régi par la loi italienne, ce dont il résultait que le contrat de cautionnement en
cause présentait des liens plus étroits avec l'Italie qu'avec la France, la cour d'appel a violé le
texte précité ».

Lorsque la CJUE a été interrogée sur la manière dont il fallait combiner ces deux alinéas, elle a retenu
cette interprétation mettant sur un pied d’égalité ces deux alinéas : CJUE du 6 octobre 2009,
Intercontainer Interfrigo.
Elle a confirmé sa position dans un arrêt postérieur du 23 octobre 2014, Haeger et Schmidt GmbH :
dans cet arrêt, la cour reprend mot pour mot l’attendu retenu par la CC° dans son arrêt de 2006.

Les jurisprudences de la CC° et de la CJUE ont été désavouées par l’article 4 du Règlement Rome 1.
L’alinéa 1 disparait. L’alinéa 5 est remplacé par l’alinéa 3 qui dispose que « Lorsqu'il résulte de
l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits
avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique ». Dès lors,
on voit bien que c’est une clause d’exception.

Ces doctrines demeurent néanmoins fidèles à l’objectif poursuivi par la règle de conflit savignienne :
désigner la loi qui présente les liens les plus étroits.

II. La remise en cause de la neutralité́ de la règle de conflit

La règle de conflit savignienne est en principe neutre, et en cas de remise en cause de cette
neutralité, on va désigner la loi en fonction de son contenu. Ce sont des règles de conflits qui
demeurent conflictuelles dans la mesure où on a un critère de rattachement, mais sont aussi
substantielles pour choisir la loi applicable. On appelle ces règles, des règles de conflits de coloration
ou à finalité matérielle.

A. La pluralité́ de rattachements

Si on multiplie les critères de rattachement, on multiplie les lois possiblement applicables et choisir
celle qui va permettre d’atteindre l’objectif politique poursuivi par le législateur du for. Des
exemples :
63
- Rattachement hiérarchisé : la règle de conflit désigne la loi numéro 1, si elle ne permet pas
d’atteindre l’objectif souhaite, le critère de rattachement permet de désigner la loi numéro 2.
C’est le cas d’une règle de conflit de l’article 5 de la Convention de la Haye du 2 octobre
1973 relative aux obligations alimentaires. La loi normalement applicable est la loi de la
résidence habituelle du créancier d’aliments. Si celle-ci ne permet pas au créancier d’accéder
aux aliments, on applique la loi nationale commune du débiteur et du créancier. Si cela ne
fonctionne toujours pas, on applique la loi du for.

- Les rattachements alternatifs : cas de l’article 311-17 CC « La reconnaissance volontaire de


paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi
personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant ».

Article 202-1 alinéa 2 CC sur la loi applicable au mariage homosexuel : « Deux personnes de
même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi
personnelle, soit la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le
permet ».

- Les rattachements cumulatifs : pour qu’une situation juridique soit valable, elle doit être
validée par deux lois cumulatives. Autrement dit, on soumet la validité d’un acte à un
plusieurs lois. C’est donnée la primauté à la loi la plus stricte. C’est le cas du mariage
hétérosexuel, article 202-1 alinéa 1er CC : « Les qualités et conditions requises pour pouvoir
contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Quelle que soit
la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de
l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180 ».
Exemple récent : Arrêt du 15 mai 2019 : à propos de l’article 311-17 CC sur la loi applicable
de la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité. Dans cet arrêt, il s’agissait
d’une action en contestation d’une reconnaissance de paternité, c’est-à-dire qu’on affirmait
que la reconnaissance de paternité était mensongère. La solution de la CC° est importante
car c’est la première fois qu’elle tranche la question : elle applique cet article à l’action en
contestation de paternité. Elle dit que pour être valable, la reconnaissance doit l’être soit
selon la loi personnelle de l’auteur, soit celle l’enfant et que pour l’action en contestation
soit valable, il faut qu’elle le soit selon la loi personnelle de l’auteur ET selon la loi
personnelle de l’enfant.

Ces rattachements alternatifs deviennent ici cumulatifs. Cela peut paraitre conforme à
l’objectif poursuivi par 311-17.

B. Le développement de la loi d’autonomie

La loi d’autonomie est celle librement choisie par les intéressés. En DIP français elle a été admise en
droit des contrats et en droit des régimes matrimoniaux. En DIP de l’UE, elle a été admise dans les
domaines où elle était proscrite par le DIP français :
- La responsabilité civile (Article 14 Règlement Rome 2) permettant au particulier de choisir
n’importe quelle loi ;
- Droit de la famille : article 5 Règlement Rome 3

64
- Droit des successions : c’est une véritable rupture avec le DIP français qui refusait toute loi
d’autonomie en la matière. Ce refus s’explique par plusieurs raisons :
 Lorsque les époux choisissent une loi applicable à leur relation pécuniaire, ils
n’engagent que leur intérêt.
 Par l’usage de la loi d’autonomie, on craignait que le testateur fraude au droit des
tiers.
 En testant, le futur défunt dispose des intérêts d’autrui donc on ne peut pas lui
laisser la disposition des droits d’autrui. Cependant, permettre au défunt de choisir la
loi applicable à sa succession permettait de lui assurer une certaine unité. De plus, la
loi d’autonomie permettrait d’assurer la prévisibilité de la loi applicable. Le choix de
la loi choisie par le testateur s’appliquera à l’ensemble de la succession.

Le fait que la loi d’autonomie irradie dans des domaines où elle n’était pas admise est un fait
révélateur pour le législateur. Dans des domaines traditionnellement d’ordre public, désormais on
permet aux parties de disposer de leurs droits. Cela signifie que le législateur européen se considère
illégitime à imposer des modèles aux particuliers. On assiste par le développement de la loi
d’autonomie à l’affirmation de l’illégitimité de la loi.

SECTION 2 : Les exceptions à la règle de conflit savignienne

Ces exceptions ont un caractère politique extrêmement marqué et ont toute en commun de revêtir
un caractère unilatéral.

Propos liminaire sur l’unilatéralisme :

L’unilatéralisme est une théorie conflictualiste systématisée au XIXème siècle. En France, la


démarche unilatéraliste a été défendue par Niboyet. Cette théorie a d’abord été justifiée par l’idée
de respect de la souveraineté des Etats : avec une règle de conflit bilatérale, on est amené à
appliquer une loi étrangère qui ne devait pas s’appliquer. C’est la loi du for qui détermine le champ
d’application des lois étrangères au niveau international. On applique parfois la loi étrangère alors
même que le législateur étranger ne comptait pas l’appliquer. En d’autres termes, on porte atteinte à
la souveraineté de l’Etat.

De ce constat, la théorie unilatéraliste déduit 2 principes :


- Il faut que la règle de conflit du for ait pour seul objet de déterminer le champ
d’application international de la loi du for : elle doit déterminer la situation internationale
que la loi du for sera amenée à régir.
- Seul le DIP étranger va déterminer de son côté, les situations dans lesquelles la loi
étrangère s’applique. D’une part, le juge va vérifier si la loi du for s’applique, et si elle ne
s’applique pas, il va interroger la règle de conflit étrangère pour savoir si cette dernière
s’applique. Donc, chaque ordre juridique détermine le champ d’application international de
ses lois.

65
Par ailleurs, l’unilatéralisme permettrait d’assurer ne véritable harmonie entre les différents
systèmes de conflits de lois puisqu’on tient compte des règles de conflit étrangères. Ce second
fondement est une vue de l’esprit.

Avec cette théorie unilatéraliste, on peut aboutir à deux situations :


- Conflits négatifs : aucune loi ne se déclare compétente et on applique donc la loi du for sur le
fondement de son application subsidiaire générale.
- Conflits positifs : les deux systèmes se déclarent compétents.

Dans le système français, on avait de fausses règles unilatérales, certes rédigées de manière
unilatérale, mais bilatéralisée par la jurisprudence. Par exemple, l’article L210-3 alinéa 1er CCom : on
applique la loi du siège social mais l’article est écrit que les sociétés qui ont un siège social en France
sont soumises à la loi Française. La jurisprudence dit qu’on applique la loi du siège social
(bilatéralisation).

Les vraies règles de conflit unilatérales sont celles qu’on ne peut pas bilatéraliser et qui ont pour but
d’appliquer au maximum de situation le droit du for. C’est l’ancien article 309 CC qui dispose que
« Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française
- Lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française ;
- Lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français ;
- Lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence, alors que les tribunaux français sont
compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps ».

I. Les lois de police

Les lois de police sont prévues à l’article 3 alinéa 1er du CC : « Les lois de police et de sûreté obligent
tous ceux qui habitent le territoire ».

Les termes de cet article soulignent bien que ces lois ont un caractère contraignant, ainsi que leur
application territoriale. Il s’agit donc bien d’une règle unilatérale car l’article ne se préoccupe que de
l’application territoriale. Dans le CC, on n’a rien de plus en matière de lois de police.

A. La notion de loi de police

Ce sont des lois qui s’imposent à tous ceux qui habitent la France. C’est donc une notion qui doit
être interprétée strictement car elle bénéficie d’un régime de faveur. Pendant des dizaines d’années,
on ne parlait pas de l’application de l’article 3 du Code civil car on le droit de police relevait surtout
du droit pénal et du droit public. Ce qui a permis à l’article 3 d’avoir « une seconde jeunesse » est
l’intervention de l’Etat en matière sociale et économique. C’est cette intervention qui a fait
apparaitre les lois de droits privés qui étaient susceptibles d’être des lois de police.

C’est à compter des années 1960 que l’on a commencé à admettre l’existence de lois de police en
droit privé.

1. Définition général

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a) En DIP français

L’arrêt fondateur prenant acte de la possibilité qu’une loi privée soit une loi de police est un arrêt du
CE du 29 juin 1973, Compagnie internationale des Wagon-lits : une entreprise belge emploie en
France plus de 50 salariés. Les syndicats réclament que soit constitué un comité central d’entreprise
sur le fondement du droit français, or la loi applicable était la loi belge. Le CE va faire application de la
loi française, écartant la loi belge et exigeant que l’entreprise belge respecte le droit français. Le CE
va dire que « les dispositions de l’ordonnance du 22 février 1945 doivent être appliquées par toute
personne physique ou morale exerçant en France les responsabilités de l’employeur ; il suit de là que
la circonstance qu’une entreprise employant en France plus de 50 salariés a son siège social à
l’étranger ne saurait la faire échapper à l’application de la législation sur les comités d’entreprise ».
Le CE applique le droit français comme étant une loi de police car « Tout travailleur participe, par
l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la
gestion des entreprises ». L’ordonnance du 2 février 1945 n’est que la traduction d’une règle
énoncée dans le Bloc de constitutionnalité.

L’avocate générale écrit que « Tout se passe comme si, dans le domaine du droit du travail, il existait
tout un corps d’obligations très proches du droit public, obligations impératives pour toute personne
qui se présente en qualité d’employeur parce qu’elles sont protectrices du salarié ».

On comprend ici qu’une loi de police va être décelée du fait de l’importance des intérêts qu’elle
défend : sera considérée comme loi de police, une loi qui défend des intérêts primordiaux.
L’importance de ces intérêts n’est pas moindre au motif que ce sont des lois de droit privé.

Il est difficile de trouver un critère de définition à cause du critère hybride de ces lois : sont de droit
privé mais ont une incidence directe sur la protection de l’intérêt public. C’est ce qui a permis à
Francescakis de donner une définition des lois de police : lois « dont l’observation est nécessaire pour
la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays ; leur caractère distinctif
réside dans cette idée d’organisation ».

24/11/20

b) En DIP UE

Définition donnée par la CJUE dans un arrêt Arblade le 23 novembre 1999 : « Dispositions nationales
dont l’observation a été jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou
économique de l’Etat membre concerné au point d’en imposer le respect à toute personne se
trouvant sur le territoire national de cet Etat membre ou à tout rapport juridique localisé dans celui-
ci ».

Cette définition a été repris dans le Règlement Rome 1 à l’article 9 alinéa 1er : « Une loi de police est
une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses
intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger
l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi

67
applicable au contrat d'après le présent règlement ». Cet ajout s’inscrit dans une opposition entre la
CC° et la Haute juridiction civile allemande :

- CC° a une notion plus large de lois de police et admet qu’une loi d’ordre public de protection
puisse être une loi de police.
- La juridiction allemande admet comme lois de police seulement les lois publiques de
direction.

Que ce soit la définition française ou européenne, la notion de police doit être interprétée de
manière stricte car elle écarte la règle de conflit. Les lois de police sont découvertes par les juges car
le législateur français se préoccupe très rarement de l’application de ces lois.

1. Applications pratiques
a) En DIP français

Tout d’abord, un arrêt de la CC° du 13 juillet 2010 a rejeté la qualification de lois de police pour
l’article L132-8 CCom qui instaure une garantie de paiement au bénéfice du transporteur. Ce rejet
est intéressant sous 2 aspects :
- Il ressort non pas de l’arrêt mais du rapport établi par le rapporteur qui étudie de manière
précise les travaux préparatoires pour savoir s’il s’agit ou pas d’une loi de police. Donc, pour
savoir si c’est une loi de police, il faut rechercher les objectifs poursuivis par la loi. Après
avoir étudié tous ces aspects, le rapporteur conclu qu’on ne peut pas qualifier l’article de loi
de police car il n’est pas certain qu’il en soit une. De ce fait, on rejette la qualification de lois
de police.
- La Cour a donc rejeté la qualification de lois de police pour une garantie de paiement
accordée au transporteur. En revanche, celle adressée au sous-traitant est une loi de police.

Les autres exemples de la jurisprudence ont retenu la qualification de lois de police :


 CC° 10 octobre 2012 : Cour qualifie de lois de police les articles du Code civil relatifs aux
attributions préférentielles. En matière des successions, parfois un bien est attribué de
manière préférentielle à un héritier : c’est le cas souvent en matière agricole. Dans cet arrêt,
la CC° a considéré que ces règles françaises étaient des lois de police. Ces lois de police
s’appliquent car les biens étaient en France même si tout se passait en Belgique. C’est une
décision justifiée dans la mesure où ces attributions préférentielles se justifient pour des
raisons d’ordre économique. Cette qualification est d’autant plus significative qu’elle n’était
pas nécessaire pour appliquer le droit français. Cette qualification a été retenue alors même
que les attributions préférentielles ne sont pas d’ordre public en droit interne. De plus, la
qualification a été admise alors même qu’elle aboutit à la scission de la succession. La Cour
dit que, malgré le résultat, la qualification sera maintenue sous l’empire du règlement
succession et ce, notamment à cause de l’article 30 dudit règlement. Cet article a été rédigé
pour les attributions préférentielles.

 CC° 19 septembre 2018 concernant la liberté des funérailles : un marocain décède en France
où il vivait avec sa compagne et leur fille. Ses obsèques sont célébrées selon le rite catholique
suivi de l’incinération. La famille marocaine du défunt tend à s’opposer à la crémation qui est

68
interdite en islam. Les juges du fond déboutent la famille. Le pourvoi en cassation est
également rejeté. Le pourvoi s’était placé sur le terrain de la règle de conflit savignienne en
disant que tout ce qui concerne les funérailles relèvent du statut personnel, qui lui relève de
la loi nationale donc loi marocaine applicable. C’est justement cette manière de raisonner
que la CC° rejette ce pourvoi en disant que « La liberté des funérailles ne relève pas de l’état
des personnes mais des libertés individuelles et que la loi du 15 novembre 1887, qui en
garantit l’exercice, est une loi de police applicable aux funérailles de toute personne qui
décède sur le territoire français ». On comprend que la CC° ne raisonne pas selon une règle
de conflit savignienne qu’elle estime qu’elle n’existe pas.

 CC° 30 novembre 2007 en matière de sous-traitance : la loi du 31 décembre 1975 est


qualifiée de lois de police. Cette qualification est critiquée par la doctrine. Ce qui peut
justifier cette qualification est que la loi a été adoptée du fait de l‘incidence sur l’organisation
économique du pays. Il s’agit donc d’un objectif allant au-delà de protéger les sous-traitants
puisqu’il s’agit d’éviter les faillites des entrepreneurs, donc protéger l’économie.

La CC° a confirmé cette décision dans un arrêt du 27 avril 2011 en matière de sous-traitante
industrielle. Cet arrêt est important puisque la solution est généralisée à tous les cas de sous-
traitance. Cependant, il pose problème quant à la motivation qu’il retient pour justifier la
qualification des lois de police. Les juges du fond avaient justifié la qualification en disant que
c’était une loi de protection des sous-traitant et de sauvegarde de l’organisation économique
du pays. Or, la CC° casse l’arrêt d’appel et considère que ce qui justifie la loi de police est la
protection des sous-traitant poursuivi par la loi de 1975. Cela est ennuyeux au regard de la
définition de loi de police retenue dans le Règlement Rome 1.

b) En DIP UE

Le premier arrêt à avoir statué sur une loi de police communautaire est l’arrêt Ingmar du 9
novembre 2000 à propos d’un contrat de distribution. En l’espèce, l’agent commercial était anglais,
et le fournisseur américain. Le contrat est soumis à la loi californienne. Le fournisseur rompt le
contrat aux conditions de la loi californienne qui ne prévoit aucune indemnité de rupture à son agent
commercial. l’agent commercial réclame des indemnités de rupture sur le fondement du droit
européen, y compris la directive 86. La CJUE qualifie les dispositions de la directive de lois de police.
Ce qui est critiquable est la motivation de la Cour :
- Elle dit que les articles de la directive sont impératifs
- Elle va qualifier ici les articles de la directive de lois de police car ils ont pour objectif de
protéger la liberté d’établissement et le jeu d’une concurrence non-faussée dans le marché
intérieur.

Le problème est que l’ensemble du droit de UE a pour objectif de protéger les libertés économiques
et le jeu d’une concurrence non-faussée dans le marché intérieur. Avec une telle motivation, on a
l’impression que tout le droit UE peut être qualifié de lois de police.

Peu de temps après cet arrêt, la chambre commerciale dans un arrêt du 29 novembre 2000 va
décider l’inverse. Les faits étaient identiques sauf que le distributeur était français. La CC° dit que la

69
loi française de transposition de la directive n’est pas une loi de police applicable dans l’ordre
public international, et refuse d’appliquer la loi française. Dans un arrêt de 2016, la CC° a à nouveau
rejeter la qualification de lois de police.

B. Le régime des lois de police

C’est un régime de faveur dont bénéficient les lois de police puisqu’elles s’appliquent sans
concurrence sur le territoire du for.

1. Le régime de principe

Pour comprendre ce régime, il faut rappeler l’arrêt fondateur du CE du 29 juin 1973 qui considérait
que l’employeur belge devait constituer un comité central d’entreprise sur le fondement du droit
français, alors non-applicable selon la règle de conflit savignienne. Ici, le CE écarte la règle de conflit
savignienne et fait une application directe de la loi française. Si la loi de police est applicable c’est
parce qu’on écarte la loi savignienne.

On parle aussi de loi d’application territoriale, ce qui exprime le fait qu’on est bien dans une
démarche unilatéraliste, c’est-à-dire qu’on détermine le champ d’application territorial de la loi de
police du for. Pour que la loi de police du for s’impose sur le territoire du for, il faut qu’existe un lien
de proximité.

La condition de proximité n’est pas toujours facile à déterminer puisqu’elle varie en fonction de la loi
de police et de l’objectif poursuivi par cette loi. Dans l’arrêt sur la liberté des funérailles, la CC° a
choisi comme condition de proximité le décès de la personne en France or ce n’est pas forcément la
meilleure des conditions de proximité. La Cour aurait dû retenir la localisation des funérailles.

Concernant la sous-traitance et le critère de proximité, il faut distinguer entre la sous-traitance :


- Immobilière : CC° considère que la loi de 1975 est applicable à partir du moment où
l’immeuble est en France. Choix opportun même s’il aboutit à faire bénéficier à la loi de 1975
des sous-traitances italiennes ou allemandes.
- Industrielle : arrêt de 2011 précité ne tranchait pas la question, c’est donc un arrêt du 20
avril 2017 qui a précisé la condition de proximité. Dans cet arrêt, la CC° laisse une très grande
marge d’appréciation aux juges du fond puisqu’elle dit que le critère de proximité peut être
soit le lieu d’établissement du sous-traitant, soit le lieu d’exécution de la prestation soit la
destination finale des produits sous-traités.

Par ailleurs, la CJUE a précisé dans un arrêt du 16 février 2017 les conditions de proximité pour que
les dispositions de la directive sur les agents commerciaux soient qualifiées de loi de police : il faut
que l’agent commerciale exerce ses activités dans un Etat membre. C’est parfaitement logique parce
que pour la CJUE, la directive avait pour objectif d’assurer une concurrence non-faussée du marché
intérieur.

Enfin, l’arrêt sur les attributions préférentielles aurait dû décider que la loi française était applicable
car l’immeuble était en France = condition de proximité. Cependant dans cet arrêt, la Cour nous dit
que les règles qui ont vocation à s’appliquer sont celles que fixent la loi du lieu de situation de

70
l’immeuble. On assiste à une sorte d’hybridation des méthodes. En d’autres termes, la CC° n’a pas
posé de condition de proximité et a retenu un véritable critère de rattachement.

2. Les régimes d’exception

a) Les lois de police étrangères

La question qui se pose est de savoir si ces lois peuvent bénéficier du même régime de faveur que
les lois de police du for ?

La réponse a longtemps été négative car ces lois étaient constituées exclusivement des règles de
droit public et de droit pénal. Il est évident que cette question est renouvelée puisque ce sont des
lois de police de droit privé qui ont été admises.

Ces lois ne peuvent pas bénéficier de la même primauté que les lois de police de for. C’est pour cette
raison qu’en DIP français, on admettait qu’une loi de police étrangère puisse l’emporter sur une loi
normalement applicable à condition qu’elle poursuive le même objectif politique que le législateur
français.
 C’est ce qu’illustre l’arrêt de la chambre sociale du 30 mai 1972 : contrat de travail entre une
entreprise sénégalaise et salariée française. Contrat exécuté au Sénégal mais soumis à la loi
française. Il était prévu conformément à la loi française que le contrat soit renouvelable tous
les 15 mois et ce, indéfiniment. A l’inverse, le droit sénégalais prévoyait que de telles
reconductions indéfinies du contrat étaient illégales et que le contrat devenait un CDI dès la
première reconduction : choix politique différent exercé par le législateur sénégalais. Quelle
loi est applicable ? La CC° a dit qu’une loi de police étrangère ne pouvait pas restreindre les
droits de la salariée : donc loi de police sénégalaise écartée car moins favorable à la
salariée que la loi française.

La Convention de Rome a tenté de régir les lois de police étrangères, article 7 alinéa 1. Cet article
soumet l’applicabilité de la loi de police étrangère à des conditions nombreuses, ce qui témoigne de
l’hostilité de certains Etats :
- Condition de proximité : situation présente un lien étroit avec le pays dont la loi de police est
en cause
- Il faut que le législateur ait prévu expressément qu’il s’agit d’une loi de police étrangère, ce
qui est très rare.

Même si ces conditions sont réunies, l’application de la loi de police étrangère pour le juge est
facultative pour le juge (Cf. Doctrine des intérêts gouvernementaux). Même si le juge décide de faire
application de la loi de police étrangère, il a une marge de manœuvre importante car il l’applique
comme il le souhaite : article 7 §1 dit que le juge peut donner effet à la loi de police étrangère.

Cet article a fait l’objet d’une application en droit français par un arrêt du 16 mars 2010 : loi de police
ghanéenne, loi d’embargo. Pleine crise de la vache folle donc Ghana adopte cette loi d’embargo. Les
autorités refusent la marchandise et le transporteur renvoie la marchandise. Don, le chargeur agit en
responsabilité contractuelle contre le transporteur : loi français applicable. Quelle loi

71
applicable française ou ghanéenne ? L’arrêt d’appel est cassé parce que la CC° reproche à la CA de
ne pas avoir appliqué l’article 7 §1 : CA aurait dû rechercher l’effet de la loi ghanéenne.

La solution aurait été la même en application de l’article 9 §3 Rome 1 : cet article a encore diminué
les possibilités d’applications des lois de police étrangère et prévoit que ces lois peuvent primer
seulement si :
- Il s’agit de la loi du pays du lieu d’exécution du contrat ;
ET
- Dans la mesure où la loi rend l’exécution du contrat illégale.

Le Royaume-Uni ne voulait pas admettre l’application des lois de police étrangère en dehors de ces
conditions car cet article provient de jurisprudence anglaise.

Cet article 9 a fait l’objet d’une application par la CA de Paris du 25 février 2015 : loi d’embargo
américaine sur les exportations à destination de l’Iran. Là encore, contrat de distribution entre
fournisseur français et distributeur iranien : fournisseur est une société filiale d’une société
américaine et doit donc se conformer à la loi d’embargo américaine. Société française rompt le
contrat avec l’Iran : ce dernier recherche le fournisseur en responsabilité contractuelle. CA condamne
la société française à titre de rupture brutale du contrat considérant que la loi d’embargo américaine
n’a aucune raison de s’appliquer car les conditions de l’article 9 ne sont pas réunies. Une telle
décision peut paraitre ridicule face à la force de frappe des autorités américaines lorsqu’une société
étrangère ne respecte pas ses lois d’embargo.

b) Les lois de police du for face à la loi d’un Etat membre

Le point de départ du raisonnement est très classique et veut que le droit de l’UE l’emporte sur les
lois nationales. Les lois de polices du for sont aussi soumises à la primauté du droit de l’UE, leur
caractère de police n’y change rien. Or, cela pose problème parce qu’une loi de police est considérée
comme une entrave à la liberté de circulation des marchandises et des services. Une loi de police, du
fait de son application territoriale, va imposer au prestataire de respecter des obligations
supplémentaires, qui s’ajoutent aux règles de ledit prestataire a déjà respecté dans son pays
d’origine. Avec les lois de police, il va devoir se conformer avec d’autres règles telles que traduire le
contrat, obtenir une autorisation administrative… C’est pour cette raison que les lois de police sont
forcément des entraves à la liberté de circulation des marchandises et de services.

La CJUE en a tiré les conséquences en infléchissant le régime des lois de police du for lorsqu’elles font
obstacles à la loi d’un Etat membre : arrêt Arblade 23 novembre 1999 (arrêt a repris à son compte la
définition française des lois de police). En l’espèce, employeur français détache certains de ses
salariés en Belgique. Administration belge le traduit devant le Tribunal correctionnel pour ne pas
avoir respecté un certain nombre de règles sociales belges, considérées comme des lois de police.
L’avocat soulève l’argument selon lequel lui imposer de respecter la législation sociale belge alors
même qu’il avait déjà respecté celle française, constituait une entrave à sa liberté de circulation. La
CJUE va dire comment elle infléchit le régime juridique des lois du for. En effet, elle va soumettre
l’applicabilité de la loi du for (belge) à trois conditions nécessaires pour que l’entrave constituée par
la loi de police soit considérée comme justifiée :

72
- Vérifier que la loi de police du for poursuit un intérêt général reconnu par les lois de l’UE.
- Condition d’équivalence : pour la CJUE, la loi de police du for ne peut s’appliquer que si la loi
normalement applicable ne permet pas d’arriver au même résultat que la loi de police du for.
La loi belge ne passait pas le contrôle d’équivalence. Cette condition d’équivalence a posé un
problème dans sa mise en œuvre : comment l’apprécier ? Doit-on faire une application
globale de l’équivalence ou doit-on faire une appréciation ponctuelle ? CJUE opte pour
l’application globale dans un arrêt Mazzoleni du 15 mars 2001. L’avocat général avait conclu
en faveur d’une application ponctuelle. La CJUE a opté pour une telle appréciation parce
qu’elle a une seule préoccupation dans le cadre de la JP Arblade : se conformer aux exigences
du marché intérieur et d’assurer autant que faire se peut, la liberté de circulation des
marchandises et des produits. Cela conduit à une application rare de la loi de police du for.
Cette méthode globale est conforme à l’ADN libérale de la jurisprudence de la CJUE.
- Condition de proportionnalité : même si la loi de police passe les deux premières conditions,
il faut que la loi de police à adopter soit proportionné à l’objectif poursuivi.

Depuis 1999, la CJUE rappelle que la loi de police du for doit passer le test de comptabilité
communautaire pour s’imposer. La CC° n’applique jamais ce contrôle de comptabilité
communautaire : JP sur la loi de 1975. A la suite de tout cela, la primauté reconnue aux lois de police
du for est très relative. Cette primauté n’est relative que lorsque la loi de police du for fait face à la
loi d’un état tiers.

A la suite de la JP Arblade, il avait été conclu que les lois de police, dans un contexte
communautaire, ne pourraient plus s’imposer dans les domaines harmonisés puisque les lois de
police du for ne passeraient plus le test d’équivalence. A partir du moment où dans un domaine
l’ensemble des droits des Etats membres sont similaires, la loi de police du for ne pourra plus
s’appliquer face à la loi d’un état membre. Ce raisonnement semble très convaincant. Pourtant, la
CJUE a démenti ce raisonnement dans l’arrêt Unamar du 17 octobre 2013 : agent commercial belge
et fournisseur bulgare. Droit bulgare gouverne le contrat. Le droit bulgare applicable avait transposé
la directive sur les agents commerciaux. Le droit belge avait aussi transposé la directive mais était
aller plus loin dans la protection des agents commerciaux. A partir du moment où la loi bulgare avait
parfaitement transposé la directive, ce droit ne pouvait alors pas être évincé par la loi belge dans la
mesure où c’est une loi choisie par les parties mais surtout conforme au droit de l’UE. CJUE retient la
solution contraire et a décidé que la loi de police belge pouvait écarter la loi bulgare . C’est une
solution étonnante parce que l’équivalence commandée par le contrôle de comptabilité
communautaire ne dit pas similitude, on demande seulement d’être équivalente dans l’objectif
poursuivi, à savoir la protection des agents commerciaux. La CJUE ne cesse de répéter que
l’autonomie de la volonté est la pierre angulaire du DIP contractuel de l’UE. Arrêt surprenant en tous
points. En plus, la Cour précise que la décision aurait été la même si le Règlement Rome 1 était
applicable.

II. La méthode de la reconnaissance des situations juridiques

Ici, on se demande si à terme, cette méthode de la reconnaissance des situations juridiques ne pas
aboutir à une remise en cause de la méthode savignienne ?

73
C’est une méthode apparue en doctrine allemande au début des années 2000.

A. Le principe : la favor validitatis

En principe, la méthode en matière de conflit de loi et en matière de conflit de juridiction est


profondément différente :
- Conflits de loi : ce qui domine est la neutralité, c’est-à-dire que l’on va choisir telle loi
applicable selon un critère de rattachement sans se préoccuper du résultat auquel on va
aboutir.
- Conflits de juridiction : la philosophie est différente car véritable faveur à la reconnaissance
des jugements étrangers. On préfère reconnaitre le jugement étranger plutôt que de ne pas
le reconnaitre : donc on préfère valider la situation juridique constatée par le juge étranger
plutôt que de ne pas la valider. Cela aboutit à un très grand libéralisme dans les conditions de
la reconnaissance des jugements étrangers. La situation juridique constatée par le jugement
étranger a donc été contrôlée par le juge étranger donc ce contrôle laisse tout de même à
penser qu’il y a plus de chance que la situation soit valable plutôt qu’elle ne le soit pas. Par
ailleurs, sur ce jugement, les intéressés ont fondé des prévisions légitimes. En conflits de loi,
cette faveur n’existe pas.

De cela, l’expression « méthode de la reconnaissance des situations juridiques » est un terme de


conflits de juridiction et non un terme de conflits de lois. On comprend que si l’on transpose la notion
même de reconnaissance de conflits de juridiction aux conflits de loi, on va transposer l’idée de
faveur aux conflits de lois et donc que la méthode de reconnaissance juridique est fondée sur la
faveur faites à la validité des situations juridiques étrangères, alors même que ce ne sont pas des
situations juridiques contrôlées par un juge.

1. Comment ?

La situation juridique a été créée à l’étranger en dehors de toute intervention judiciaire : si on veut
favoriser sa validité en termes de conflits de lois, cela va aboutir à l’application systématique du
droit local, c’est-à-dire du droit du lieu de création de la situation juridique.

Afin d’éviter les écueils d’un trop large accueil des situations juridiques créées à l’étranger, il faut à
minima appliquer les conditions de reconnaissance des jugements, notamment l’exception d’OPI et
la prohibition de la fraude. Ces conditions permettent de vérifier que les prévisions des particuliers
sont légitimes.

2. Pourquoi une telle faveur ?

On ne peut pas fonder la transposition de cette méthode au conflit de loi sur les justifications
traditionnelles en matière de jugement (contrôle judiciaire, prévision des parties).

La justification propre à la reconnaissance des situations juridiques privées tient en un mantra : il faut
assurer la continuité des situations juridiques au-delà des frontières. Derrière ce mantra, il y a une

74
idéologie individualiste des sociétés occidentales : la volonté individuelle prime la prétention des
Etats à appliquer leurs lois pour poursuivre un intérêt général.

Cela conduit à un détournement des droits de l’Homme parce qu’aujourd’hui, ils sont en passe de
devenir une règle matérielle de droit international qui exige de reconnaitre les situations
personnelles créées à l’étranger (Exemple : GPA).

1/12/20

B. Les applications

1. En DIP français

C’est cette méthode de reconnaissance des actes juridiques qui est appliqué aux actes publics
étrangers. En effet on l’a beaucoup vu à travers l’article 47 du code civil.
Lorsqu’un acte public étranger est établi, il peut l’être que sous l’empire de la loi étrangère, c’est à
dire que pour appliquer la validité d’un acte public étrange on ne peut le faire qu’au regard de la loi
étrangère, c’est-à-dire la lex auctoris : c’est la loi de l’autorité qui a élaboré l’acte public. Un acte
public est dressé par un officier public (notaire, officier d’état civil…). Or ces officiers ne peuvent
appliquer que leurs lois.
Evidemment et afin que la méthode de reconnaissance des situations juridiques ne mènent à des
résultats peu critiquables, les conditions de reconnaissance de ces actes publics étrangers sont celles
à laquelle on soumets la reconnaissance des juges étrangers : on vérifier si le juge étranger est
compétent et on vérifie s’il y a conformité à l’ordre public international ; et on vérifie s’il n’y a pas eu
fraude (sauf en matière de GPA où les actes de naissances dressés à l’étrangers sont reconnus en
France sans que la CC° n’admette de sanctionner la fraude ou l’atteinte à l’ordre public international,
alors que l’article 47 ne fait pas obstacle à ses limites de l’acte public étranger).

Autre exemple d’application de la méthode : le PACS prévu à l’article 715-7-1 cc : règle de conflit de
loi en matière de PACS adopté par le législateur en 2009 donc 10 ans après l’instauration du PACS en
France.
L‘ensemble des aspects juridiques des partenariats est soumise à la loi du lieu de l’enregistrement.
C’est une règle dérogatoire par rapport au mariage hétérosexuels car les conditions de fond du
mariage sont soumises cumulativement à la loi nationale de mari et à la loi nationale de l’épouse. En
effet, le mariage est universel alors que le PACS non (il n’est pas connu dans tous les pays ; comme
pour le mariage homosexuel).
Cet article 715-7-1 est critiquable car ile st dit que le PACS est valable à partir du moment où il est
conforme à ce qu’il commande la loi du lieu de l’enregistrement : c’est très libéral car aucune autre
condition n’st posé pour que la loi du lieu d’enregistrement du PACS soit applicable. On aura pu
soumettre à ce que le lieu corresponde à la résidence habituelle de partenaire par exemple, ou un
peu plus de précision du mois, car en ne prévoyant aucune condition de ce style, c’est la porte
ouverte aux fraudes il suffit de faire un aller-retour dans un pays où le PACS est autorisé pour faire
reconnaitre le PACS. On est donc en face de la méthode de reconnaissance pure qui va permettre de
reconnaitre la validité de partenariat juste par ce que la loi du lieu de l’enregistrement nous l’a
permis.

2. En DIP de l’UE

Cette méthode est très favorisée dans le contexte de l’union du fait de la liberté de circulation.

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Est-ce que le droit primaire du droit de l’UE peut-être une source du droit des conflit des lois ? La
doctrine unilatérale dit que les règles de circulation sont des règles de conflit cachés qui renvoie à
des lois de pays d’origine (favorable au dumping juridique).
De nbs règles de conflit adoptées par le DIP de l’UE contredise ce raisonnement car ils désignent une
loi autre que le pays d’origine (comme la loi du dommage par ex).
Mais QUID lorsqu’il n’y a pas de règlement en DIP, alors on va appliquer les DIP nationaux. Par
exemple, l’article 311-14 du cc sur l’établissement du lien de filiation qui s’applique car pas de loi
européenne en la matière.
Le problème c’est que dans ces domaines sans textes européens du droit dérivé de conflit de loi, la
CJUE applique directement les libertés du traité afin de favoriser de manière libérale, l’application e
la loi du pays d’origine au détriment des DIP nationaux. C’est ce qui permets dans ces domaines
juridiquement, il n’y a pas de DIP de l’UE que la CJUE va pouvoir adopter sans aucune limite, la
méthode de reconnaissance des statuts juridique institutionnalisant la fraude comme la CJUE a pu le
faire en matière de GPA.

a. En matière de sociétés

En matière de droit des sociétés, la CJUE en appliquant directement le traité sur la liberté
d’établissement (article 49 et 54 TFUE) afin e résoudre des conflits de lois, aboutit au règne absolu la
règle du conflit juridique par cette méthode de reconnaissance juridique.
La loi applicable au droit des sociétés peut être la loi du siège réel, statutaire ou alors la loi du lieu de
l’immatriculation du lieu de la société (common law). Comme il n’y a pas de règle de DIP en matière
de DSS, on appliquait le droit national. Mais la CJUE, lorsqu’il s’est agi de savoir cmnt résoudre un
conflit de lois en DSS, a appliquer directement le principe de la liberté d’établissement. Elle a
inauguré cette JP constante lors de l’arrêt CENTROS du 9 Mars 1999. Dans cette affaire, il s‘agissait
d’un couple de danois immatriculant leur société au RU. Puis ensuite demandent aux autorités
danoises d’immatriculer une succursale danoise de leur société anglaise. Les autorités danoises
refusent car il y a fraude au droit danois des sociétés, qui était d’ailleurs une fraude manifeste car
toute la situation juridique était exclusivement danoise (couple danois, société exerce toute son acti
éco au Danemark mais aucune acti éco au RU bien qu’elle était immatriculé la bas). Donc ils ont
artificiellement communautarisation leur situation juridique. Ils l’on immatriculés au RU car le DSS
Anglais est très libéral, et que pour créer une SARL là-bas, il fallait que 2§(livre).
La CJUE considère pourtant que le refus d’immatriculer cette société est une entrave injustifiée à la
liberté d’établissement. Donc on écarte le DIP des sociétés Danois au bénéfice du lieu
d’immatriculation de la société ; lieu de création de la situation juridique. La CJUE affirme que la
liberté d’établissement suppose la liberté de frauder aux droits locaux.
Donc ce comportement frauduleux est co-substantielle à la liberté d’établissement.
Par cette décision, la CJUE s’interdit de sanctionner les fraudes en DSS.
La fraude étant purement et simplement évincé, la CJUE a une position purement libérale qui
favorise le dumping juridique.

Une autre affaire a été trancher : Polbud 25 Octobre 2017. En l’espèce, il s’agissait d’une société
Polonaise qui souhaite transférer son siège social au Luxembourg (pour des raisons fiscales car le
Luxembourg st un état pratiquement considéré comme un paradis fiscal). Le droit polonais étant
applicable en principe, leur dit ok si vous voulez la transférer, mais il faut la liquider et la radier des
registres afin de la transférer ailleurs. Ici, la CJUE dit que le droit polonais n’est pas applicable car
c’est une entrave à la liberté d’établissement. Donc ils ont pu transférer leur siège social, mais
continuait à avoir toutes ses acti exclusivement en Pologne.
Dans cette affaire, l’avocate générale était pourtant contre la décision de la CJUE, et avait mis en
valeur e que veut dire la liberté d’établissement : cela veut dire qu’une société peut déployer son acti
éco librement dans tus les Etats membres, donc c’est le libre choix du lieu d’exercice de son acti
économique, donc c’est une notion économique. Pourtant dans cet arrêt (autant que dans l’arrêt
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précédent), il ne s’agit pas de déployer librement l’acti éco dans un autre état membre, mais de
choisir le droit applicable à la société donc d’une liberté juridique : loi d’autonomie.

En fait par ces JP, la CJUE transforme la liberté d’établissement qui avait une dimension éco, en
dimension de choix des sociétés.

b. En matière personnelle et familiale

Il n’y a pas de règle de DIP de l’UE concernant le statut personnel ni concernant le mariage, du coup
la CJUE se permets d’appliquer directement les libertés de circulation auxquelles elles font jouer un
rôle conflictualise qu’elles n’ont pas.

Cela a commencé par un arrêt du nom patronymique mai qui n’est pas l’arrêt le plus choquant :
l’arrêt 14 OCT 2008 , Grunkin-Paul. C’est un couple d’allemands ayant un enfant qui vit au Danemark.
Ils choisies conforment à la loi Danoise d’attribuer les deux noms à leur enfant. Mais les autorités
allemandes refusent raisonnant de manière conflictualiste classique en disant que l’enfant est
allemand donc on doit lui appliquer la loi allemande et à l’époque, l’enfant ne pouvait pas porter le
nom de ses deux parents selon le droit allemand (la loi a changé depuis).
La CJUE a considérer que cette décision est contraire à la libre circulation des personnes (article 21
TFUE). La CJUE a décidé que ne pas reconnaitre le nom de l’enfant allemande ne pouvait qu’entraver
sa circulation au sein de l’UE. La règle du conflit du for est donc écartée.
Pour décider que c’était al loi danoise qui devait s’appliquer la CJUE insiste sur le fait que le
Danemark est la résidence habituelle de la famille, donc il n’y a pas de fraude ici (contrairement aux
arrêts du DSS).
En posant cette condition du lien significatif, on se pose la question des conditions auxquels il faut
soumettre la méthode de reconnaissance des situations juridique, pour qu’elle puisse légitimement
écartée la règle de conflit du for.

On retrouve cette condition du lien significatif dans l’arrêt FRAYPAK 8 Juin 2017 : en l’espèce, une
personne avait la double nationalité allemande et Roumanie qui vit en Allemagne mais qui va faire un
séjour en Roumanie pour y changer de nom. En revenant en Allemagne, elle demande aux autorités
allemandes de reconnaitre ce changement de nom, en vain car le requérant a la double nationalité
donc les autorités nationales appliquent le droit allemand c’est à dire : pour changer de nom, il faut
séjourner habituellement dans le pays où le changement de nom est enregistrée.
La CJUE considère que les autorités allemandes auraient dû changer le changement de nom. Le droit
allemand désigné à la règle des conflits est écarté au nom de la liberté de circulation des personnes.
Le lien significatif est d’autant plus légitime car c’est la nationalité : les fraudes sont ainsi évitées
puisqu’il n’est pas aller dans n’importe qu’el pays mais dans son pays d’origine dont il a aussi
nationalité.

Un 3ème arrêt a admis une seconde limite (la première étant le lien significatif) : CJUE 2 JUIN 2016 
il faut que la primauté de la liberté de circulation des personnes n’aboutisse pas à heurter l’ordre
public international du pays dont on demande qu’il reconnaisse la situation juridique.
En l’espèce c’était un allemand va vivre en Angleterre 2-3 ans, il y obtient la nationalité anglaise donc
il a la double nationalité. Lors de ce séjour en Angleterre, il déclare changer de nom aux services
anglais d’état civil. Alors qu’il s’appelais « BAGDADI » à l’origine, il veut s’appeler en un nom super
dur à écrire et prononcer désolée mais en gros c’est un nom de baron et de compte (le mec ne
manque pas d’air au passage, aller bisous je continue d’écouter). Il revient en Allemagne et sa fille
nait ayant la doble nationalité normalement, mais le pb c’est qu’il déclare sa file auprès du consulat
général du RU et non pas aux autorités allemandes. Et il déclare sa fille sous ce nom de pète-cul.
Il a fallu demander aux autorités allemandes de transcrire cet acte de naissance sur les actes
d’autorités allemandes. L’autorité Allemande dit non aux motifs de l’incompatibilité de ce
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changement de nom avec l’ordre public du droit allemand, notamment le fait de s’octroyer des titres
de noblesse. Depuis la république de Weimer, les titres de noblesses n’existent plus en Allemagne,
donc interdiction de porter des titres de noblesse.
La CJUE admets cette exception : cela heurte le principe d’ordre public allemand.
Mais dan sa motivation, al CJUE fait référence à l’arrêt CENTROS. Il faut souligner parfois l’immense
malhonnête intellectuel dont fait preuve la CJUE lorsqu’elle fait référence à ses précédents. En effet,
la CJUE fait référence à ses précédents pour faire dire l’inverse de ce qu’ils disent : elle n’admet
jamais qu’elle a tort ou un revirement de JP. L’arrêt CENTROS interdit de lutter contre les fraudes aux
libertés d’établissement. Mais ici en y faisant référence, elle souligne certes que le changement de
nom était de pure convenance personnelle et justifier par rien d’autre, mais en même temps cette
pure convenance personnelle n’est pas un élément à lui seul un élément permettant de ne pas
reconnaitre le nom au RU, c’est à dire qu’elle n’admettrait pas forcément la fraude au droit allemand.
Donc en fait les autorités allemandes auraient du reconnaitre ce changement de nom.
Donc certes l’exception à l’ordre public international est admise, mais en revanche il y a une
réitération de ce que la CJUE n’est pas prêt à sanctionner la fraude.

L’arrêt KOMAN du 5 JUIN 2018 a étendu toute cette JP rendu en matière de nom à la matière
matrimoniale. En l’espèce, il s‘agissait d’un mariage entre deux hommes : monsieur KOMAN,
roumain, a vécu pendant 2 ans en Belgique et a épousé un américain en Belgique. Ensuite ils vont
tous els dex en roumaine et là-bas les autorités roumaines refusent d’octroyer un titre de séjour au
conjoint américain car le droit roumain ne connait pas le mariage homosexuel donc cet homme ne
peut pas être l’époux du roumain.
La CJUE s’appuie sur l’article 21 TFUE en disant qu’ils doivent octroyer un titre de séjour pour ce
citoyen américain.
Mais cette décision qui accorde une primauté au doit belge, donc primauté du lieu de célébration du
mariage homosexuel, normalement on applique cumulativement le droit des deux époux, donc
normalement selon le droit roumain, ils ne sont pas censés être marié.
Ici dans cet arrêt, les deux conditions précédemment citées, ne sont pas reprises :

- S’agissant du lien significatif : la cour évoque le « séjour effectif en Belgique ». Mais qu’est-
ce qu’un séjour effectif ? Apparemment ce n’est pas la résidence habituelle car certes le
citoyen roumain avait séjourné en Belgique 2 ans mais son mari américain non, il est venu en
Belgique que pour le mariage.

- S’agissant de l’OPI : cet arrêt tue dans l’œuf l’exception d’OPI en disant « je ne demande pas
à la Roumanie de légaliser le mariage homosexuel chez elle, mais juste de demander de
reconnaitre le mariage homosexuel célébré dans un autre Etat membre ».
Remarque : un peu comme a GPA en France puisque la CJUE a dit « on nous demande pas de
reconnaitre la GPA en France mais vous devez reconnaitre la retranscription de la GPA
effectué dans un autre état membre ». C’est une affirmation très hypocrite ici.
Par ce fait, elle considère que l’OPI n’est pas touché, donc on ne peut plus invoquer
l’exception de l’OPI, d’où le fait qu’elle est tuée dans l’œuf.

On a souvent associé démocratie et droit de l’Homme ; mais on n’a jamais anticipé que les droits de
l’Homme se retournent contre la démocratie : par ces raisonnements, on voit la démocratie
complètement remise en question.
Les DLH ont évolués comme des droits de créances : l’Homme est devenu le créancier, et l’Etat est
devenu le débiteur.

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