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REPUBLIQUE DU BENIN

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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
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UNIVERSITE DE PARAKOU
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ECOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET


ADMINISTRATIVES

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MASTER DROIT PRIVE ET SCIENCES CRIMINELLES

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PROTOCOLE DE MEMOIRE DE FIN DE FORMATION

SUJET

Le contentieux de la détention provisoire en


droit positif béninois

Réalisé par : Sous la direction de :

ASSOGBA M. C. Julien Professeur Moktar ADAMOU,

Agrégé des Facultés de droit

Doyen de la Faculté de Droit et de Science


Politique de l’Université de Parakou

ANNEE ACADEMIQUE : 2021-2022


Sommaire
o PHRASE D’ACCROCHE ............................................................................................................... 3
o DEFINITION DES TERMES ......................................................................................................... 3
o Délimitation du sujet ....................................................................................................................... 6
o HISTORIQUE ................................................................................................................................. 7
o INTERET DU SUJET ................................................................................................................... 13
o OBJECTIF ..................................................................................................................................... 13
o ACTUALITE DU SUJET ............................................................................................................. 13
o PROBLEMATIQUE ..................................................................................................................... 16
o LA QUESTION PRINCIPALE ..................................................................................................... 19
o PLAN DE RECHERCHE.............................................................................................................. 20
o BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE ................................................................................................ 22
o L’ECHELONNEMENT DU TRAVAIL DANS LE TEMPS ....................................................... 25

2
o PHRASE D’ACCROCHE
« Tout individu a droit à la liberté… »1, c’est de la liberté individuelle dont-il
s’agit. Elle est l’état de l’homme qui n’est ni arrêté, ni détenu, qui jouit donc de la
possibilité d’aller et venir2 ; alors même qu’il n’y a donc point de liberté sans lois, ni
où quelqu’un est au-dessus des lois3. « Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour
des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi »4. On déduit
que seule la loi peut restreindre une liberté. Cette même loi qui prévoit de restreindre
une liberté doit veiller à ce que nul ne soit arrêté ou détenu arbitrairement 5. La mesure
la plus radicale pour la loi est de restreindre la liberté d’aller et de venir, cette
restriction n’est possible que pour les personnes condamnées pour avoir commis une
infraction6 ou des personnes soupçonnées de l’avoir commise : c’est de là que nait la
question de la détention provisoire et même de son contentieux.

o DEFINITION DES TERMES


Le mot « contentieux » est un adjectif qui, dérivé du latin « contentiosus » signifie
« qui donne lieu à une querelle », désigne « un ensemble de litiges ou conflits, non
résolus entre deux parties et susceptibles d’être portés devant le juge ». Pour Gérard
CORNU, dans le Vocabulaire juridique, le contentieux est un « ensemble des litiges
susceptibles d’être soumis aux tribunaux, soit globalement, soit dans un secteur
déterminé »7. A la lecture croisée de ces définitions, on note que le mot contentieux
renvoie à une contestation juridique susceptible d’être portée devant un tribunal en vue
d’une solution judiciaire.

En ce qui concerne le groupe de mot « détention provisoire » il sied de


souligner que, le code béninois de procédure pénale, à l’instar des codes de procédure

1
Article 6 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et Article 15 nouveau de la Constitution
Béninoise du 11 décembre 1990
2
COLLIARD C-A, Libertés publiques, Précis Dalloz 8ème éd. p. 218
3
ROUSSEAU J-J, Du contrat social, « De l’état civil » éd. Politique 1977, p 189.
4
Article 6 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
5
Op. cit
6
C’est une action ou une omission violant une norme de conduite strictement défini par un texte d’incrimination
entraînant la responsabilité pénale de son auteur. Elle peut être constitutive d’un crime, d’un délit ou d’une
contravention en fonction des peines prévues par le texte.
7
CORNU G., Vocabulaire juridique, PUF, 2016, p. 252.

3
pénale applicables en France et dans les pays voisins en Afrique, n’a pas défini la
notion de la détention provisoire. C’est à la doctrine qu’est revenu ce mérite.

Ainsi, la détention provisoire est l’« incarcération dans une maison d’arrêt d’un
individu inculpé de crime ou délit, avant le prononcé du jugement ; elle est réalisée en
vertu d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, ou d’une ordonnance émanant d’une autorité
judiciaire »8. Elle est également perçue comme une mesure provisoire ordonnée et
motivée par le juge des libertés et de la détention9 à la demande du juge d’instruction
à l’encontre des personnes mises en examen pour crime ou délit10. Pour le magistrat
français Christian Guéry, elle est une mesure ordonnée à titre exceptionnel, par un ou
plusieurs magistrats du siège permettant d’incarcérer une personne présumée
innocente jusqu’à sa condamnation définitive, dans le cas et selon les conditions
prévues par la loi11.

Il ressort des définitions ci-dessus énoncées, il convient de préciser que la


notion de détention provisoire doit répondre à trois critères. D’abord, la mesure de
détention provisoire doit provenir d’une décision juridictionnelle, ensuite, ladite
mesure ne peut être ordonnée qu’à l’égard des personnes contre lesquelles il existe des
indices graves pouvant porter de soupçon sur elles quant à la commission d’infraction.
Enfin, la détention provisoire est essentiellement une mesure provisoire et elle se doit
d’être levée à tout moment avant le jugement lorsqu’elle n’est plus justifiée.12

Cette notion de détention provisoire se doit d’être distinguée d’autres mesures


privatives de liberté telles que la rétention administrative (la rétention en état d’ivresse,
la rétention des demandeurs d’asile dans les zones internationales)13, l’hospitalisation
d’office14, l’internement psychiatrique15 et la garde-à-vue. La garde-à-vue, hautement

8
CORNU G., Vocabulaire Juridique, PUF 2013, p 338.
9
C’est le juge chargé de la gestion de la détention et du contrôle judiciaire des inculpés dont les procédures sont
en cours d’information dans un cabinet d’instruction.
10
PHI, T. L., thèse « La détention provisoire : étude de droit comparé doit français et droit vietnamien, 2012, p.
2.
11
GUERY C., Détention provisoire, Dalloz, coll, Répertoire de droit pénal et procédure pénale, 2013, p. 6
12
CORNU G., op cit, v provisoire
13
C’est une mesure administrative consistant à maintenir une personne dans des lieux contre sa volonté par
l’autorité administrative.
14
Il consiste à interner dans un établissement (hospitalier ou psychiatrique une personne sans qu’elle ne donne
son accord.
15
idem

4
différente de la détention provisoire, est décidée par l’officier de police judiciaire avec
l’accord du Procureur de la République compétent dans le cadre d’une enquête
policière pour rassembler les éléments de preuves relatifs à l’infraction16. Alors que la
garde-à-vue n’intervient que dans le cadre d’une enquête de police, on ne parle de la
détention provisoire qu’à l’ouverture d’une information17. Aussi, alors que la garde-à-
vue a lieu dans un commissariat de police, la détention provisoire se fait dans une
maison d’arrêt.

Quant au mot « droit », il est un concept polysémique à telle enseigne que Jean-
Louis BERGEL affirme qu’on ne saurait le définir « d’une manière homogène et
définitive ».18 Selon le Doyen Gérard CORNU, étymologiquement, le mot « droit »
vient de « direct » c’est-à-dire du latin « directum, ou dirigere » et signifie à la fois
« en ligne droite » (en suivant les règles) et, au figuré, « conforme à la règle ».19 Le
droit est alors une règle qui éloigne de la déviance. Mais en général, on retient que le
droit a deux sens. Dans un premier sens, le droit désigne le Droit objectif qui est
l’ensemble des règles qui régissent la bonne conduite de l’homme en société et dont
l’inobservation est sanctionnée par la puissance publique.20 Dans un second sens, le
droit renvoie aux prérogatives qui sont reconnues aux sujets de droit par le Droit
objectif et dont ils peuvent s’en prévaloir : on parle des droits subjectifs.21

C’est alors au côté du Droit objectif qu’il importe de se placer pour appréhender
la notion du droit positif. Le droit positif désigne « l’ensemble des règles de Droit
effectivement en vigueur par opposition à Droit idéal ou Droit naturel »22. Ainsi, le
droit positif renvoie à l’ordonnancement juridique en vigueur dans un Etat donné à un
moment donné. Il est particulier à chaque Etat en dépit de la tendance d’universalité du
droit.

16
Article 58 du code de procédure pénale en vigueur en République du Bénin.
17
Article 150 du code de procédure pénale en vigueur en République du Bénin.
18
BERGEL (J.- L.), Théorie générale du droit, 5e éd., Dalloz, Paris, 2012, p. 19, n°13.
19
SOSSA (D. C.) & DJOGBENOU (J.), Introduction à l’étude du droit perspectives africaines, op. cit. p.47,
n°34 citant CORNU (G.), Droit civil : introduction au droit, Montchrestien, 13 éd., Paris, 2008, p. 18.
20
GUINCHARD (S.) & DEBARD (Th.), Lexique des termes juridiques, op.cit , p. 415.
21
GUINCHARD (S.) & DEBARD (Th.), Lexique des termes juridiques ibid., p. 417.
22
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit. p. 312.

5
Le mot droit suivi de positif, « droit positif », provient du latin « positus » qui
signifie « posé », c’est « l’ensemble des règles de droit en vigueur dans un pays donné
à un moment donné... »23. Il s’agit ainsi d’un droit uniforme sur un territoire donné, qui
évolue en fonction des mutations de la société. L’adjectif « béninois » est rattaché au
groupe de mots « droit positif », pour préciser le cadre géographique de cette étude.

Le mot « contentieux » rattaché au groupe de mots « détention provisoire »


ainsi défini, renvoie aux différends, aux règlements des situations pouvant se poser
lors d’une détention provisoire impliquant ainsi l’inculpé, le juge d’instruction, le juge
des libertés et de la détention et le Procureur de la République.

o Délimitation du sujet
La détention provisoire notion distincte de la garde-à-vue et de la rétention
administrative, sera étudiée dans le cadre de l’ouverture d’une information en excluant
celle intervenant dans une procédure de flagrant délit24 ne sera pas prise en compte
dans le cadre de la présente étude. Bien que tant à l’ouverture d’une information que
d’une procédure de flagrant délit, on parle de détention provisoire, elles sont toutes
distinctes. Alors que la première émane du juge des libertés et de la détention, la
seconde relève du Procureur de la République. Mais toutes deux, n’ont pas les mêmes
finalités. La détention provisoire dans le cadre d’une procédure de flagrant délit est
limitée aux affaires simples. Elle vise à provisoirement placer la personne faisant objet
de soupçons dans une maison d’arrêt en attendant son jugement dans un délai très
bref25. La détention provisoire dans le cadre de l’ouverture d’une information ne
concerne que les affaires graves et complexes.26

23
CORNU G., op cit, p. 769.
24
Aux termes des dispositions de l’article 47 du code de procédure pénale béninois « est qualifié crime ou délit
flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit
flagrant lorsque, dans un temps voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur
publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a
participé au crime ou au délit ».
25
Article 402 du code de procédure pénale en vigueur en République du Bénin.
26
L’instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime ; sauf dispositions spéciales, elle est facultative
en matière de délit. Le juge d’instruction, sauf en cas de plainte avec constitution de partie civile, ne peut
informer qu’en vertu d’un réquisitoire du Procureur de la République. (Lecture combinée des articles 85 et 86 du
Code de procédure pénale en vigueur en République du Bénin).

6
o HISTORIQUE
Les atteintes à la loi pénale bien même autrefois étaient punissables. La détention
provisoire n’existait guère.

En droit français, toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction


était soumise à la justice du souverain qui devait juger ou non de la culpabilité de la
personne soupçonnée. Mais la protection de la liberté individuelle a pris une place
primordiale en France. Elle est le fondement de la justice occidentale. La défense de
cette liberté individuelle a été influencée par la pensée grecque, la philosophie des
Lumières, sans oublier le Droit naturel : elle repose sur un concept individualiste qui
considère l’homme comme valeur suprême27. C’est à l'avènement du siècle des
Lumières au XVIIIème siècle, puis la Révolution française de 1789 que la conception
monarchique et religieuse de la Justice de l'époque ont fait table rase.

En Afrique, la punition des auteurs des infractions dénote de la relation


constante entre le monde invisible28. Les réparations et les condamnations prononcées
intègres des sacrifices auprès des dieux : ce sont des cérémonies de purification d’un
côté le lavage des mains, l’eau donnée à boire aux parties pour pacifier et tant d’autres
pratiques29 qui relèvent par là de la famille des ordalies30. Le droit pénal africain était
basé sur la tradition. Seules les divinités sont appelées à trancher un conflit31. La
preuve en droit coutumier africain, lorsqu’elle était difficile, voire impossible à être
administrée, était confiée aux divinités32. C’est une manière qui fait obstacle aux

27
LEBEN C. « Y-a-t-il une approche des droits de l’homme ? », p. 75 L’union européenne et les Droits de
l’Homme, dir. Philip Alstol, éd. Bruxelles 2001.
28
GBAGO B., « La fabrication du droit coutumier africain », p. 6
29
Idem
30
Les ordalies étaient une forme de procès à caractère religieux qui consistait à soumettre un suspect à une
épreuve douloureuse voire potentiellement mortelle dont l’issue, théoriquement déterminée par une divinité ou
Dieu lui-même, permettait de conclure à la culpabilité ou à l’innocence dudit suspect.
31
Les divinités pouvaient rendre justice d’une justice naturelle. Mais le plus souvent c’étaient les hommes qui
rendaient eux même justice par le truchement des chefs de collectivités, du roi. Mais leur justice se basait sur les
doctrines des divinités en qui ils fondaient leur foi.

32
Au Niger par exemple, une pratique dite du « Baban Bila » en se référant au Prophète Bilal existe. Lorsque le
Chef traditionnel, dans ses habits de juge, n’arrive pas à dénouer le nœud d’un procès, il fait appel à « Biban
Bila » qui surgit avec un arsenal de torture. Il attise le feu à la vue de tout le monde. Il chauffe les pinces en acier
qui l’aideront à arracher la langue du présumé délinquant, s’il n’avoue pas sa faute. Pendant que ses tenailles
rougissent, « Baban Bila » récite des incantations à haute voix et esquisse des pas de danse. Cette mise en scène
suffit souvent à démasquer un suspect sans la foule qui se lève, crie, avoue ses forfaits ou s’enfuit à toute jambes.

7
garanties des droits des personnes soupçonnées surtout celui de la présomption
d’innocence. Aussi, les pratiques permettant de vite reconnaître un sorcier était de
mise. Le phénomène de la sorcellerie trouble surtout la tranquillité publique par les
représailles et les vengeances qu’elle provoque33. On note dans le droit coutumier
africain, un système de répression ne garantissant pas les droits de la défense et ne
respectant pas surtout le droit à la vie et la sacralité de la personne humaine. L’accès à
l’indépendance des pays africains a conduit à l’ascension de la procédure pénale. C’est
à ce moment que les droits de la défense ont connu un essor peu remarquable.

C’est ainsi qu’à l’instar des autres pays africains, le Bénin s’est doté d’un code
pénal et d’un code de procédure pénale mettant en exergue, d’une part, les modalités
de répression des infractions, et, d’autre part, l’architecture de la détention provisoire.

L’ordonnance n°25/PR/MJL du 07 août 1967 portant code de procédure pénale


est celle de référence en matière de détention provisoire au Bénin. Comportant six
cent cinquante-deux (652) articles, cette ordonnance est subdivisée en cinq (05)
différents livres. Le premier livre fait montre de l’exercice de l’action publique et de
l’instruction et comporte cent quatre-vingt-seize (196) articles. De la lecture du
premier livre on note que l’instruction émane d’un magistrat instructeur qui a le
pouvoir d’inculper toute personne ayant pris part, comme auteur34 ou complice35 aux

Cette pratique est quasiment la même au Mali avec la pratique du mortier des forgerons et la recherche des
meurtriers par le Tarkama.

33
A Bassila, une localité du Bénin, un avocat et homme politique meurt des suites d’un accident de circulation.
L’après-midi, une jeune fille de 13 ans entre en transes, cite des « coupables », indique des endroits précis où
seraient mis en terre des amulettes à l’origine de la mort. La population suit la fillette, y déterre effectivement
des « charmes ». Quelques jours après les funérailles du célèbre avocat fauché dans la fleur de l’âge, une autre
femme entre de nouveau en transes, prend la voix du défunt pour dénoncer les mêmes « coupables », dont un
certain K. On conduisit la dame auprès du roi de Bassila. Celui-ci ordonna aux populations de suivre les appels à
la vengeance de la femme en transes. Les forces de sécurité assistèrent impuissants au vandalisme de la foule en
furie. Au Cameroun, c’est le recours à l’amicus curiae qui était de mise. C’est une expression légale latine
signifiant « ami de la cour », et référant dans cette étude à quelqu'un qui, n'étant pas partie à une cause, se porte
volontaire pour aider la Cour à trancher une matière, ou pour assurer la défense d'une partie au procès,
généralement la personne poursuivie. Pendant les audiences, il est de coutumes pour les magistrats face à
certains problèmes de droit, de solliciter l'avis des avocats présents qui réagissent toujours spontanément. Parfois
aussi, voyant certains justiciables en difficultés, il arrive que certains avocats s'offrent spontanément de défendre
leur cause. Ce type d'offre de protection est rare, mais pas inexistant.

34
L’auteur d’une infraction est celui à qui peut être imputée la commission d’une infraction ou sa tentative, pour
en avoir réalisé les éléments constitutifs.
35
C’est la personne qui sciemment par aide ou assistance, fourniture de moyens, instructions données ou par
provocation a facilité à la préparation ou la commission d’une infraction.

8
faits qui lui sont déférés36. Cette ordonnance rend obligatoire l’instruction préparatoire
en matière de crime, facultative en matière de délit37. En effet, le juge d’instruction
était revêtu d’énormes prérogatives lors de l’ouverture d’une information. A cet effet,
il a le pouvoir de poursuivre et d’instruire. Il peut décerner mandat d’amener38, de
comparution39, de dépôt40 ou d’arrêt41. Le juge d’instruction pouvait donc dans sa
superpuissance ordonner le placement en détention provisoire de toute personne à lui
déférée, et de ce fait, prolonger la détention42 provisoire d’un inculpé. Il est dans sa
casquette de magistrat instructeur, juge de la liberté. Le deuxième livre met en
exergue les juridictions de jugement et comporte deux cent quatre-vingt-quinze (295)
articles. Les procédures devant la cour d’assises43, devant le tribunal correctionnel44
ont été mises en lumière. Le troisième livre intitulé les voies de recours
extraordinaires, comportant treize (13), met un accent particulier sur le pourvoi en
cassation45 saisissant ainsi la Cour Suprême46. Le quatrième livre porte sur quelques
procédures particulières et comporte quarante-trois (43) articles. Le dernier livre se
focalise sur les procédures d’exécution en matière pénale et comporte quatre-vingt-
onze (91) articles. Ce code de procédure pénale de 1967 vient mettre fin aux procès
sans formalismes. Bien que restauratrice des droits de la défense, cette ordonnance de
1967 portant code de procédure pénale a vécu pendant quarante six (46) ans. Jugée peu

36
Article 68 alinéa 3 de l’ordonnance n°25/PR/MJL du 07 août 1967 portant code de procédure pénale.
37
Article 67 de l’ordonnance n°25/PR/MJL du 07 août 1967 portant code de procédure pénale.
38
C’est l’ordre donné est l’ordre donné par le juge à la force publique de conduire immédiatement la personne
contre laquelle il est décerné devant lui.
39
Il consiste à mettre la personne contre laquelle il est décerné, en demeure de se présenter devant le juge à la
date et à l’heure indiquées par ce mandat.
40
Le mandat de dépôt est l’ordre donné par le juge ou le représentant du ministère public au surveillant-chef de
la maison d’arrêt de recevoir et de retenir l’inculpé ou le prévenu.
41
Le mandat d’arrêt est l’ordre donné à la force publique de rechercher l’inculpé et de le conduire à la maison
d’arrêt indiquée sur le mandat où il sera reçu et détenu.
42
Article 119 alinéa 2 de l’ordonnance n°25/PR/MJL du 07 août 1967 portant code de procédure pénale.
43
C’était la juridiction compétente pour juger les infractions les plus graves, c’est-à-dire les crimes, les tentatives
de crimes et les complicités de crimes, comme par exemple : les viols, les meurtres, les assassinats ou encore le
vol à main armée. Ces infractions sont passibles d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à la perpétué.
44
Juridiction de droit commun compétente pour juger les infractions simples, c’est-à-dire les délits comme le
vol, l’abus de confiance, l’escroquerie. Ces infractions sont passibles d’emprisonnement n’excédant cinq (05)
sauf dispositions spéciales.
45
C’est l’acte par lequel une partie saisit la Cour de cassation ou la Cour Suprême d'un recours dirigé contre une
décision de justice rendue en dernier ressort par une juridiction du premier degré ou par une Cour d'appel.
46
La Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en matière administrative et judiciaire. Elle est
également compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales. Les décisions de la Cour suprême
ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif ainsi qu’à toutes
les juridictions.

9
désuète et comportant de limites, un nouveau code de procédure pénale naquit en
2013. Il s’agit de la loi n°2012-15 du 08 mars 2013 portant code de procédure pénale
en République du Bénin. Ce nouveau code de procédure pénale vient rendre équitable
et impartiale la procédure pénale47. Il vient restaurer un ensemble de principes
généraux de la procédure pénale. Il offre l’équilibre des droits des parties, la garantie
de la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de
jugement, l’égalité des justiciables devant la loi, la présomption d’innocence48, le
principe de traitement des dossiers dans un délai raisonnable49. En dehors de son livre
préliminaire, il comporte comme l’ordonnance de 1967 cinq (05) livres et contient
huit cent quatre-vingt-seize (896) articles. Ce nouveau Code de procédure pénale de
2013 vient mettre fin à ce pourvoir qu’avait le juge d’instruction, de poursuivre.

En effet, avec ce code de procédure pénale, le juge des libertés et de la


détention naquit. Une innovation majeure de ce nouveau code de procédure pénale. A
travers l’article 46 de ce nouveau code, « le juge des libertés et de la détention est
chargé de la gestion de la détention et du contrôle judiciaire50 des inculpés dont les
procédures sont en cours d’information dans un cabinet d’instruction. A ce titre, il
ordonne ou prolonge la détention provisoire. Il statue sur les demandes de mise en
liberté provisoire ». Ainsi, le juge d’instruction est désormais déchargé de son pouvoir
de décerner un mandat de dépôt. Le juge des libertés et de la détention est saisi par
une ordonnance du juge d’instruction tendant au placement de l’inculpé51 qui procède
d’abord à sa première comparution52 devant lui. Le juge des libertés et de la détention,
statue après saisine, en audience de cabinet, après débat contradictoire au cours duquel
il entend le ministère public en ses réquisitions et les observations de l’inculpé, et le

47
Point I du livre préliminaire du Code de procédure pénale de 2013.
48
Principe de droit constitutionnel en vertu duquel, en matière pénale, toute personne poursuivie est considérée
comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction
compétente.
49
Point I du livre préliminaire du Code de procédure pénale de 2013.
50
Le contrôle judiciaire est une mesure de contrainte ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention ou
le Procureur de la République, dans l’attente d’un jugement. L’inculpé ou le prévenu placé sous contrôle
judiciaire reste libre, mais est soumis durant toute la durée du contrôle judiciaire à un certain nombre
d’obligations.
51
Article 150 alinéa 1 du code de procédure pénale de 2013.
52
C’est un formalisme de procédure pénale en matière d’instruction au cours duquel le juge d’instruction
constate l’identité de la personne mis en cause et porte à sa connaissance les faits qui lui sont imputés en
informant de son droit de choisir un conseil de con choix.

10
cas échéant, celles de l’avocat53. Il rend à l’issue de l’audience s’il l’estime nécessaire
une ordonnance de placement en détention prescrivant l’incarcération de l’inculpé
dans une maison d’arrêt. Outre le placement en détention, le juge des libertés et de la
détention, s’il l’estime nécessaire peut placer l’inculpé sous contrôle judiciaire54 et
toutes ordonnances de ce dernier sont susceptibles d’appel dans un délai de trois (03)
jours à compter du jour de la réception de l’avis par le procureur de la République 55 ou
à compter du jour de la notification de l’ordonnance à l’inculpé56. Contrairement à
l’ancien code de procédure pénale de 1967, le code de procédure pénale de 2013, offre
la possibilité à tout inculpé objet d’une détention provisoire d’interjeter appel contre
l’ordonnance faisant état de son placement en détention provisoire. Le juge des
libertés et de la détention vient décharger le juge d’instruction en s’occupant des
questions relatives à la détention.

Après cinq (05) années de règne du code de procédure pénale 2013, deux lois
dites « jumelles » viennent rendre plus attractive la procédure pénale en République
du Bénin d’une part, et plus complète la loi n°2012-15 du 18 mars 2013 portant code
de procédure pénale en la modifiant d’autre part. Il s’agit de la loi n°2018-13 du 02
juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant
organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de
Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) et de la loi
n°2018-14 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2012-15 du 18 mars
2013 portant code de procédure pénale.

La première loi qui institue la création de la Cour de Répression des Infractions


Economiques et du Terrorisme (CRIET), fait d’elle une juridiction spéciale à
compétence nationale57. Cette loi vient donner une pleine compétence à la Cour de
Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) en matière de
terrorisme, des délits ou crimes économiques ainsi que le trafic de stupéfiants et

53
Article 150 alinéa 2 du code de procédure pénale de 2013.
54
Article 144 du code de procédure pénale de 2013.
55
Article 200 alinéa 1 du code de procédure pénale de 2013
56
Article 201 alinéa 3 du code de procédure pénale de 2013
57
Article 5 alinéa 2 de la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août
2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de Répression des
Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET).

11
d’autres infractions connexes58. Cette juridiction vient à point nommé pour combler un
vide dans une organisation juridique béninoise59. Aussi la loi créant cette juridiction
spéciale, a prévu qu’une commission d’instruction est instituée pour l’ouverture d’une
information et procède ainsi qu’il est prescrit au code de procédure pénale et rend des
arrêts60. Quid de la question de la détention provisoire, cette loi a également prévu une
chambre des libertés et de la détention61 dont les attributions sont celles du juge des
libertés et de la détention.

La seconde loi vient mettre en place une chambre de l’instruction compétente


pour se prononcer sur les ordonnances du juge d’instruction sauf en matière de
contentieux de la détention. Ces dernières attributions restent conférées à la chambre
des libertés et de la détention de la Cour d’appel62. Aussi, le double degré de
juridiction en matière criminelle a été instauré. Ce qui a facilité la compétence des
tribunaux de première instance en matière criminelle63 d’une part, et, la suppression
des jurés d’autre part.

Enfin, une dernière loi, celle n°2020-23 du 29 septembre 2020 vient modifier à
nouveau le code de procédure pénale de 2013 en changeant les délais de prescriptions
des crimes, délits et contraventions64 octroyant au procureur de la République la
prérogative, outre celle de placer sous mandat de dépôt, de placer sous contrôle
judiciaire.

58
DOSSA E. C., « La Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) », paru à la
librairie africaine d’études juridiques 6, 2019, p.518.
59
idem
60
Article 11 de la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002
portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de Répression des
Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET).
61
Article 13 de la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002
portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de Répression des
Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET).
62
Point I-5 de l’exposé des motifs de la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-
37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de
Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET).
63
Article 249 nouveau du code de procédure pénale
64
En matière criminelle, la prescription est portée à 20 ans, 6 ans en matière délictuelle et 1 ans en matière de
contravention.

12
o INTERET DU SUJET
Cette étude sur « le contentieux de la détention provisoire » présente un intérêt
théorique et pratique.

D’un point de vue théorique, elle vise à procéder à une analyse de la législation et
de la doctrine en la matière. De cette analyse, il sera mis en exergue les solutions
apportées par le législateur béninois dans le cadre du contentieux de la détention
provisoire. Aussi, Il s’agira d’apprécier le degré de limitation des atteintes aux libertés
individuelles à la lumière des nécessités de l’information. A terme, ce sera le lieu de
relever et évaluer les choix théorique effectués par le législateur béninois à travers
l’organisation d’un contentieux des libertés individuelles avant le jugement.

D’un point de vue pratique, l’intérêt consiste à confronter les solutions prévues par
le législateur et à apprécier leur utilité. Cette confrontation permettra d’apprécier la
mise en œuvre des solutions proposées en la matière, de relever les failles contenues
dans la législation en vigueur et d’envisager également d’éventuelles solutions à l’aune
de la jurisprudence, la doctrine et à travers le droit comparé.

o OBJECTIF
Cette étude consistera à démontrer que le contentieux de la détention provisoire tel
que prévu par le législateur béninois est susceptible d’être perfectionné. Certaines
imperfections se font remarquer. Sûrement parce que le législateur a été trop ambigu
ou que ses dispositions ne répondent pas aux réalités de la pratique ou même que les
dispositions sont dépassées.

o ACTUALITE DU SUJET
Le contentieux de la détention provisoire est un sujet qui plane au cœur des
discussions que cela soit tant dans la doctrine que dans la jurisprudence. Ainsi, la
pandémie de la COVID-19 a mis en mal la procédure pénale. Cette situation de
pandémie a permis au Bénin par l’intermédiaire du Ministre de la Justice et de la
Législation de prendre d’importantes mesures pour éviter la paralysie de la justice
pénale. C’est alors qu’un certain nombre de circulaires a été pris.

13
Premièrement, la circulaire n°008/MJL/DC/SGM/DACS/DAP/SA portant plan
d’actions COVID 19/MJL du 18 mars 2020 a, en son point I intitulé les mesures
relatives à la justice pénale, fait des recommandations considérables dans les
procédures en instruction. Au nombre de celles-ci on note que :

 Les parquets sont instruits à l’effet de ne requérir des mesures de


placement en détention provisoire que dans les situations où aucune
alternative n’est envisageable dans le cadre de la loi ;
 La publicité des audiences du juge des libertés et de la détention doit être
limitée ;
 Sous la responsabilité des juges des libertés et de la détention et dans les
limites de ce qui est indispensables à garantir la représentation des
intéressés, des dispenses ponctuelles peuvent être accordées aux
personnes placées sous contrôle judiciaire ;
 Pendant la période à risque, les notifications liées aux mandats pourront
se faire directement au greffe des maisons d’arrêts ;
 Les effectifs de mineurs accueillis en milieu ouvert comme fermé
doivent être réduits afin de limiter les passages en lieux collectifs ;
 Les juges des mineurs doivent traiter avec diligence les dossiers des
mineurs en détention afin de limiter leur séjour en milieu carcéral.

Deuxièmement, la circulaire n°026/MJL/DC/SGM/DACS/DAPG/SA portant


actualisation du plan d’actions COVID 19/MJL a mis en exergue quelques précisions.
On peut retenir ce qui suit :

 Dans la mesure où la loi ne s’y oppose, les Parquets sont instruits à l’effet de
requérir les mesures de mise en liberté provisoire au profit des inculpés dont
la détention n’est plus nécessaire à la poursuite de l’instruction.

Enfin, la circulaire n°1936/MJL/DC/SGM/DACS/DAPG/SA du 30 juin 2020


portant actualisation plan d’actions COVID 19/MJL qui est la troisième circulaire. A
la lecture de cette circulaire on y comprend que le gouvernement fait un appel à la
vigilance. On peut retenir en ces termes : « les dernières semaines ont été marquées par
une flambée des cas de personnes contaminées par le COVID-19. Le personnel

14
judiciaire n’en est plus épargné et le mal emprunte désormais un mode de propagation
communautaire. En complément des précédentes circulaires relatives au sujet, je
voudrais par la présente, exhorter tout un chacun à d’avantage d’autodiscipline et de
rigueur dans la mise en œuvre des gestes-barrières ».

La pandémie de COVID-19 a permis aussi une réaction de la justice française.


L’ordonnance n°2020- 303 du 25 mars 2020 en son article 16 propose une
prolongation de plein droit des délais maximums de détention provisoire 65. Cette
mesure a fait objet de plusieurs interprétations à l’issue de laquelle des arrêts sont
rendus66. Le Conseil constitutionnel a également été saisi par une question prioritaire
de constitutionnalité car c’est une loi d’habilitation législative67 qui a permis au
gouvernement de prendre l’ordonnance dont l’article 16 fait objet de critique. Il s’agit
d’une prolongation de détention sans intervention du juge alors que l’autorité
judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. La France a également été
condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme saisie par plusieurs
personnes détenues en métropole et outre-mer en raison de leurs conditions indignes
de détention et de l’impossibilité à saisir un juge pour y mettre fin68.A travers l’arrêt de
chambre criminelle du 19 août 2020, pourvoi n° 20-82.171, la chambre a affirmé que
le maintien en détention en temps de covid-19 ne suffit pas pour dire que le juge
méconnait le droit à la vie tant que la personne détenue ne prouve pas les risques liés à
sa détention pouvant atteindre à ce droit69. La Cour de cassation à travers l’arrêt
n°1806 du 13 octobre 2020 (20-82.016), a rendu un arrêt de cassation sans renvoi en
mettant en liberté d’office l’inculpé, tout en le mettant sous contrôle judiciaire, en
précisant que l’afflux massif de demande de mise en liberté ne justifie pas le juge des
libertés et de la détention à rendre son ordonnance au-delà du délai fixé par la loi car le
dépôt des demandes constitue un droit pour toute personne incarcérée70.

65
Cour de Cassation (France), notes explicatives en ligne, consulté le 12/11/2021 in mémoire AZOMAHOU S.
G. « La garantie des droits de l’inculpé en République du Bénin », 2021, p.8.
66
Crim., 26 mai 2020, pourvoi n°20-81.971 / Crim. 26 mai 2020, pourvoi n°20-81.910. cité par AZOMAHOU S.
G. « La garantie des droits de l’inculpé en République du Bénin », 2021, p.8.
67
Article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 en France.
68
Lettre de la chambre criminelle n°2, septembre 2020, p.4.
69
AZOMAHOU S. G. « La garantie des droits de l’inculpé en République du Bénin », Mémoire Master 2021,
p.9.
70
AZOMAHOU S. G. op cit, p.8.

15
o PROBLEMATIQUE
 Ce qui doit être (le ou les principes)

La détention provisoire, régie principalement par le code de procédure pénale


en vigueur au Bénin, n’est possible qu’à l’encontre des personnes71 inculpées. Un
simple suspect ne peut faire l’objet de cette mesure. Le placement en détention
provisoire suppose qu’il existe d’indices suffisants déterminant que la personne mise
en causse a commis une infraction. Dans ce cas, la détention provisoire ne peut être
ordonnée que si elle constitue l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices
matériels ou d’empêcher, soit une pression ou une subornation de témoins ou de
victimes, soit une concertation frauduleuse entre le ou les inculpés ou leurs
complices72. La détention provisoire est aussi possible dans le but de protéger
l’inculpé, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à
l’infraction ou de prévenir son renouvellement73. Pour mettre fin à un trouble
exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les
circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé 74, une
détention provisoire peut être ordonnée contre l’inculpé.

En général, ce sont les principes qui devraient gouverner la détention


provisoire, voire même son contentieux. Malgré les réformes opérées dans le secteur
de la justice afin de le rendre plus astreignant, la pratique fait montre d’un certain
nombre de difficultés.

 Ce qui est (le constat)

Ces difficultés concernent beaucoup plus :

 Le placement en détention comme principe et non exception

La détention provisoire étant perçue comme une mesure exceptionnelle et


qu’elle doit être utile à la conduite de l’information et à la manifestation de la vérité75,

71
La personne entendue comme personne physique ou personne morale. La personne morale peut de nos jours
être objet d’une poursuite pénale.
72
Article 149 alinéa 1 du code de procédure pénale.
73
Article 149 alinéa 2 du code de procédure pénale.
74
Article 149 alinéa 3 du code de procédure pénale.
75
Article 146 alinéa 1 du code de procédure pénale.

16
est de nos jours utilisée comme un avant condamnation envers toute personne inculpée
pour des faits de nature criminelle. C’est-à-dire lorsque les faits réprimés sont de
nature criminelle, la personne suspectée est inculpée et directement placée en détention
provisoire76. Alors que l’article 145 alinéa 3 du code de procédure pénale pose comme
principe la présomption d’innocence et la détention provisoire l’exception. De même,
« toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que
sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel,
toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées »77. Ce
principe de principe de droit constitutionnel est souvent mis à mal dans la pratique par
le juge des libertés et de la détention. Ce dernier se fonde sur les garanties de
représentation de l’inculpé, sur la gravité de l’infraction, sur le trouble de l’ordre
public sans même rechercher les indices pouvant compromettre l’innocence de
l’inculpé. La placement en détention est ordonné mais il y a des fois qu’à la suite de
l’instruction, le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu pour insuffisance
de charges à l’égard de l’inculpé alors que ce denier a séjourné gratuitement dans une
maison d’arrêt alors que, conformément aux conditions légales, cela ne devrait pas
l’être.
 Le refus du juge des libertés et de la détention d’accorder une mise en liberté
provisoire

A toute étape de la procédure, l’inculpé peut demander une mise en liberté


provisoire78. Dans ce cas, après réquisitions du procureur de la République, le juge
d’instruction saisit le juge des libertés et de la détention avec son avis. Dans la
pratique, le juge d’instruction peut-être favorable à la mise en liberté sollicitée par un
inculpé mais en raison du fait que le procureur de la République dans ses réquisitions a
requis un rejet, le juge des libertés et de la détention procède à un rejet systématique de
la demande de mise en liberté sollicitée, en méconnaissance de l’avis du juge
instructeur, premier acteur a statué sur la culpabilité ou non de l’inculpé.

76
De la lecture des ordonnances de placement en détention provisoire, il ressort que les motivations du juge des
libertés et de la détention sont identiques. Cela porte à croire que les ordonnances du juge des libertés et de la
détention sont à l’avance établie sans débats avec les parties à l’audience.
77
Article 17 alinéa 1 de la Constitution béninoise.
78
Article 154 alinéa 1 du code de procédure pénale

17
 La mise en liberté d’un inculpé par le juge des libertés et de la détention
sans fondement juridique et l’impuissance du juge d’instruction à l’exercice
des voies de recours contre les ordonnances du juge des libertés et de la
détention

La pratique fait état du fait que le juge des libertés et de la détention accorde
une liberté provisoire alors que le juge d’instruction a émis son avis défavorable en
estimant que le placement en détention de l’inculpé est nécessaire pour la suite de
l’information. L’inculpé une fois en liberté est difficilement retrouvable. La liberté
provisoire obtenue est synonyme d’une fin de procédure soit du fait d’une
méconnaissance du sens de la mise en liberté provisoire de l’inculpé soit du fait de son
analphabétisme. Ce sont l’une des raisons pouvant peut-être justifiées la lenteur de
certaine procédure. Dans ce cas, le juge d’instruction reste impuissant et accepte
malgré lui la décision du juge des libertés et de la détention de mettre un inculpé en
liberté provisoire alors que sa détention est nécessaire pour lui. Le juge d’instruction
n’a droit à aucune voie de recours.

 L’impuissance du juge d’instruction à une saisine du juge des libertés et de


la détention pour une mise en liberté d’office

Il arrive des fois que le juge d’instruction au cours de l’interrogatoire au fond


d’un inculpé constate son innocence soit du fait que sa participation à l’infraction
n’est pas acquise, soit du fait que l’inculpé a été disculpé par ses autres coinculpés.
Dans ce cas, le juge d’instruction reste impuissant à la saisine du juge des libertés et de
la détention pour une liberté d’office après les réquisitions du procureur de la
République. Il attend que l’inculpé fasse lui-même une demande de mise en liberté
provisoire pour y mentionner son avis favorable. Il existe des cas où l’inculpé ne fasse
pas de demande de mise en liberté provisoire à cause de son ignorance et passe un
moment en détention jusqu’à ce que le juge d’instruction rende une ordonnance de
non-lieu pour insuffisance de charges à son égard.

 La complexité du législateur en matière de prolongation

18
Aucune prolongation ne peut être ordonnée pour une durée de plus de six (06)
mois, renouvelable une seule fois en matière correctionnelle et six (06) mois
renouvelable trois (03) fois en matière criminelle, hormis les cas de crimes de sang,
d’agression sexuelle et de crimes économiques79. Le législateur en, limitant le
renouvellement d’une prolongation, n’a pas pris le soin de préciser la conséquence à
tirer en cas de prolongation en deçà.

 La lenteur de la Chambre des libertés et de la détention

Seuls le procureur, l’inculpé et son conseil s’il y a lieu peuvent faire appel
contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention. Lorsqu’il y a appel par
l’une des parties citées plus haut, le juge d’instruction est fragilisé dans sa mission car
il attend le retour de la chambre des libertés et de la détention pour poursuivre son
instruction.

o LA QUESTION PRINCIPALE
En considération des différents constats faits, nous pouvons alors nous interroger de la
manière suivante : Comment se présente le contentieux de la détention provisoire en
République du Bénin ?

Cette interrogation nous amène à poser des questions spécifiques :

Comment ce contentieux est-il organisé ? Ne connait-il pas de difficultés ? N’y-a-t-il


pas d’amélioration à faire relativement au contentieux de la détention au Bénin ?

Pour répondre à ces différentes questions que pose notre étude, il sera judicieux de
faire usage de la logique, qui est une démarche substantielle susceptible de permettre
d’aller au-delà des textes édictés en la matière. C’est sur la base de la logique
scientifique que notre étude sera basée. Ce travail sera accentué par de raisonnement
fondé sur analyses descriptives, interprétatives, voire même critiques. Ces analyses
nous permettront de percevoir l’organisation du contentieux de la détention en
République du Bénin (première partie), de constater les problèmes qui se posent afin
de proposer d’éventuelles recommandations à cet effet (seconde partie).

79
Article 147 alinéa 6 du code de procédure pénale.

19
o PLAN DE RECHERCHE

PREMIERE PARTIE : Un contentieux organisé

Chapitre 1 : Le contentieux pour la détention provisoire

Section 1 : La phase indispensable du placement en détention provisoire

Paragraphe 1 : Les conditions objectives de la détention provisoire

A- L’existence d’indices graves ou concordants


B- La préservation de l’ordre public

Paragraphe 2 : La saisine des autorités judiciaires

A- La saisine du juge d’instruction


B- La saisine du juge des libertés et de la détention

Section 2 : L’issue de la procédure, nœud du contentieux

Paragraphe 1 : L’intervention du juge d’instruction

A- Les refus du Juge d’instruction


B- Les saisines opérées par les Juge d’instruction

Paragraphe 2 : L’intervention du Juge des libertés et de la détention

A- Le juge des libertés et de la détention en discordance avec le Procureur et le


Juge d’instruction
B- Le juge des libertés en conformité avec le Procureur et le Juge d’instruction

Chapitre 2 : Le contentieux sur la détention provisoire

Section 1 : La réglementation de la détention provisoire

Paragraphe 1 : Les droits de l’inculpé

A- Le droit de faire des demandes


B- Le droit d’exercer de recours

Paragraphe 2 : Les devoirs des autorités impliquées dans le contentieux

20
A- Les devoirs des autorités judiciaires
B- Les devoirs des autorités pénitentiaires

Section 2 : Le déclic du contentieux

Paragraphe 1 : La violation des obligations

A- Le juge d’instruction dans la violation de ses obligations


B- Le juge des libertés et de la détention dans la violation de ses obligations

Paragraphe 2 : La saisine d’autorité régulatrice

A- La saisine de la chambre des libertés et de la détention


B- La saisine du juge constitutionnel

SECONDE PARTIE : Un contentieux en difficulté

Chapitre 1 : L’existence de difficultés relatives au contentieux

Section 1 : Les difficultés propres au contentieux pour le placement

Paragraphe 1 : La difficulté d’appréciation par les autorités judiciaires

A- L’appréciation souveraine du juge d’instruction au placement en détention


B- L’appréciation standard du juge des libertés et de la détention quant au motif de
placement

Paragraphe 2 : Les difficultés de réglementation

A- La complexité du législateur
B- L’absence de voie de recours au profit du juge d’instruction

Section 2 : Les difficultés au cours de la détention provisoire Paragraphe 1 : L’issue du


contentieux

A- La transmission tardive des demandes des inculpés


B- La lenteur de l’autorité de contrôle en cas de recours

Paragraphe 2 : Les difficultés en cas de contentieux

A- L’inefficacité de sanctions pour détention abusive

21
B- La quasi-inexistence de la commission d’indemnisation

Chapitre 2 : La remédiation des difficultés

Section 1 : Au plan textuel

Paragraphe 1 : Les reformes relatives au contentieux pour la détention provisoire

A- L’exclusion du juge des libertés et de la détention du placement en


détention provisoire
B- La redéfinition des motifs de placement en détention provisoire

Paragraphe 2 : Les réformes relatives au contentieux sur la détention provisoire

A- La fixation de nouvelles attributions du Juge d’instruction


B- La réorganisation de la sanction en cas de détention abusive

Section 2 : Au plan structurel

Paragraphe 1 : La mise en place de nouvelles institutions judicaires

A- L’instauration du cabinet du juge des libertés et de la détention comme entité à


part entière
B- L’institutionnalisation des greffes pénitentiaires

Paragraphe 2 : La redéfinition structurelle de la commission d’indemnisation en cas


de détention abusive

A- La nouvelle organisation de la commission


B- Les nouvelles fonctions de la commission

o BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
 Les ouvrages
o Généraux
- BERGEL (J.- L.), Théorie générale du droit, 5e éd., Dalloz, Paris,
2012, p. 19, n°13 ;
- COLLIARD C-A, Libertés publiques, Précis Dalloz 8ème éd. p.
218 ;

22
- CORNU (G.), Droit civil : introduction au droit, Montchrestien,
13 éd., Paris, 2008, p. 18.
- CORNU, G., vocabulaire juridique, PUF, 11ème édition, 2013,
1079 p. ;
- GUINCHARD (S.) & DEBARD (Th.), Lexique des termes
juridiques, op.cit , p. 415.
- SOSSA (D. C.) & DJOGBENOU (J.), Introduction à l’étude du
droit perspectives africaines, op. cit. p.
- ROUSSEAU J-J, Du contrat social, « De l’état civil » éd.
Politique 1977, 256p.
o Spéciaux
- GUERY C., Détention provisoire, Dalloz, coll, Répertoire de droit
pénal et procédure pénale, 2013, 328 p. ;
- GUERY C. Droit et pratique de l’instruction préparatoire,
Dallorz, 11ème édition, 2022, 1400 p. ;
- BOULOC B., procédure pénale, Dalloz, 25 ème édition, 2015,
1266 p. ;
- PRADEL J., procédure pénale, CUJAS, 18eme édition, 2015, p
- VERGES E., procédure pénale, DALLOZ, 4ème, édition, 2014,
1130 p. ;
o Les codes et lois
- Loi n°2020-23 du 29 septembre 2020 modifiant et complétant la
loi n°2012- 15 du 18 mars 2013 portant code de procédure pénale
en République du Bénin ;
- Loi n°2018-14 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi
n°2012-15 du 18 mars 2013 portant code de procédure pénale en
République du Bénin ;
- Loi n°2012-15 du 18 mars 2013 portant code de procédure pénale
en République du Bénin ;
- Loi n°2001-37 du 27 aout 2002 portant organisation judiciaire en
République du Bénin ;

23
- La loi n°32-90 portant constitution en République du Bénin ;
- Ordonnance n°25 P.R/MJL du 07 août 1967 portant Code de
procédure pénale en République du Bénin 20 ;
- Décret n°73-293 du 15 septembre 1973 portant Régime
pénitentiaire en République du Bénin.
o Jurisprudences
 Internes (Cour d’appel de Parakou)
- Arrêt n°28/21-CLD du 29-11-21 ;
- Arrêt n°29/21-CLD du 29-11-21 ;
- Arrêt n°18/20 CLD du 04/05/2020 ;
- Arrêt n°011/19 CLD du 15/04/2019 ;
- Arrêt n°020/17 CLD du 17/07/2017 ;
- Arrêt ADD n°102/15 CLD du 08/06/2015 ;
- Arrêt ADD n°018/14 du 05/05/2014 ;
 Externes
- Crim., 27 janvier 2021, pourvoi n° 20-85.990 ;
- Crim., 15 décembre 2020, pourvoi n° 20-85.461 ;
- Crim., 16 décembre 2020, pourvoi n° 20-85.580 ;
- Crim., 25 novembre 2020, pourvoi n° 20-84.886 ;
- Crim., 14 octobre 2020, pourvoi n° 20-84.077 ;
- Crim., 14 octobre 2020, et QPC n°20-84.077 ;
- Crim., 14 octobre 2020, pourvoi n°20-82.961 ;
- Crim., 13 octobre 2020, pourvoi n° 20-82.016 ;
- Crim., 1er septembre 2020, pourvoi n° 20-82.146 ;
- Crim., 19 août 2020, pourvoi n° 20-82.171 ;
- Crim., 8 juillet 2020, pourvoi n° 20-81.739 ;
- Crim., 26 mai 2020, pourvoi n°20-81.971 ;
- Crim., 26 mai 2020, pourvoi n°20-81.910 ;
- Crim., 10 mars 2020, pourvoi n°19-87.757 ;
- Crim., 19 février 2020, pourvoi n°19-87.545 ;
- Crim., 7 janvier 2020, pourvoi n° 19-86.465.

24
 Les articles

- DOSSA E. C., « La Cour de Répression des Infractions


Economiques et du Terrorisme (CRIET) », paru à la librairie
africaine d’études juridiques 6, 2019, p.518.
- GBAGO B., « La fabrication du droit coutumier africain »,
33p.
- LEBEN C. « Y-a-t-il une approche des droits de l’homme ? »,
p. 75, l’union européenne et les Droits de l’Homme, dir. Philip
Alstol, éd. Bruxelles 2001.
 Circulaires et Notes de services
- Circulaire n°1936/MJL/DC/SGM/DACS/DAPG/SA du 30
juin 2020 portant actualisation du plan d’actions COVID
19/MJL ;
- Circulaire n°026/MJL/DC/SGM/DACS/DAPG/SA du 07 mai
2020 portant actualisation du plan d’actions COVID 19/MJL ;
- Note de service n°004/PCA-PAR/SA/2020 portant suspension
des audiences dans les juridictions ;
- Circulaire n°008/MJL/DC/SGM/DACS/DAPG/SA du 18 mars
2020 portant plan d’actions COVID 19/MJL.

o L’ECHELONNEMENT DU TRAVAIL DANS LE TEMPS

25
ACTIVITE
Mars Avril Mai

Rédaction de la 1ère Partie Quatre (04)


semaines
Rédaction de la 2ème Partie Quatre (04)
semaines
Rédaction l’introduction et Une (01) semaine
conclusion
Correction et relecture Deux (02)
semaines
Validation par le Directeur,
Mise en forme et Dépôt Une (01) semaine

26

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