Vous êtes sur la page 1sur 28

Ohadata D-24-02

LE TIERS SAISI DANS LES PROCÉDURES


D’EXÉCUTION EN DROIT OHADA
Par

Souleymane TOE
Agrégé des facultés de droit, Université Thomas SANKARA

Abdoul Samad KABORE


Juriste-chercheur en droit privé

Alain G. ZERBO
Magistrat

Article sélectionné par le Conseil scientifique - Association Henri Capitant


https://www.henricapitant.org
Résumé

La situation du tiers saisi est des plus emblématiques dans les procédures d’exécution. Ni
véritable tiers, ni véritable partie, il se trouve forcément impliquer dans la procédure
d’exécution en étant tenu de rester neutre vis-à-vis du créancier et du débiteur. Incontournable
dans la saisie des avoirs bancaires notamment, le législateur de l’OHADA a fait de lui un acteur
important en lui imposant de multiples obligations, assorties de sanctions souvent sévères, toute
chose qui alimente de façon permanente un fort contentieux aussi bien devant les juridictions
nationales des États-parties au traité de l’OHADA que devant la CCJA, avec des solutions qui
sont encore loin d’être véritablement stabilisées. La présente étude vise ainsi à mieux clarifier
le régime juridique que le droit de la procédure d’exécution réserve au tiers saisi qui, tout en
étant obligé d’apporter son concours à la procédure d’exécution sous la menace de sanctions
sévères, dispose tout de même de moyens de défense qui peuvent se révéler salvateurs à son
égard.
Mots clefs : Tiers saisi-voies d’exécution-droit OHADA.
Abstract
The position of the garnishee is one of the most emblematic in enforcement proceedings.
Neither a real third party nor a real party, they are inevitably involved in enforcement
proceedings, although they are required to remain neutral vis-à-vis the creditor and the debtor.
The OHADA legislator has made the enforcement agent a key player in the seizure of bank
assets in particular by imposing a number of obligations on him, often accompanied by severe
penalties. This is a constant source of litigation, both before the national courts of States party
to the OHADA Treaty and before the CCJA, with solutions that are still far from being fully
stabilised. The purpose of this study is therefore to clarify the legal regime that the law of
enforcement proceedings reserves for garnishees who, while obliged to assist in enforcement
proceedings under threat of severe sanctions, nevertheless have means of defence that may
prove beneficial to them.
Key words : garnishee-enforcement procedures-OHADA law.

2
Introduction
1. Dans un contexte de plus en plus marqué par des crises économiques et financières, la
nécessité de se protéger contre la perte d’une créance s’avère impérieuse. Les personnes
physiques ou morales dans le cadre de leur activité « sont amenées à contracter des dettes
nécessaires à leur financement et à l’expansion de leur activité. Les créanciers de leur
côté, s’ils n’entendent pas toujours réaliser un profit, s’attendent au moins à obtenir
remboursement de leur créance »1. Le rapport ordinairement cordial de débiteur à créancier
peut facilement se transformer en un lien conflictuel lorsqu’à l’échéance convenue, le
débiteur ne s’acquitte pas de son obligation2. Dès lors, le créancier se voit offrir divers
moyens légaux pour recouvrer sa créance3. Ces moyens font référence notamment aux
voies d’exécution. Elles sont définies comme étant « l’ensemble des moyens de droit
permettant aux créanciers non payés amiablement par leurs débiteurs de contraindre ceux-
ci à s’exécuter, au besoin en ayant recours à la force publique, et de répartir entre eux les
sommes ainsi obtenues »4.

2. Dans les pays de la zone franc5, les voies d’exécution héritées du législateur colonial,
étaient devenues de plus en plus mal adaptées aux conditions économiques et sociales
nouvelles, engendrant de ce fait, une sorte d’insécurité marquée par l’ineffectivité des
décisions de justice6. Une réforme en profondeur des voies d’exécution était donc très
attendue, en ce qu’elle devait relever le défi de l’insécurité juridique et judiciaire. Ainsi,
pour mettre fin à ce contexte défavorable à la sécurité des paiements et au développement
des activités économiques, seize États7 de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale
regroupés au sein de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA)8, et rejoint depuis 2012 par la République Démocratique du Congo9, ont adopté
le 10 avril 1998 l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de
Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE)10. Cet Acte Uniforme a apporté
d’importantes innovations. L’introduction du tiers dans les voies d’exécution constitue au
moins une nouveauté dans sa présentation actuelle que n’avaient guère connue les pays

1
Y. N. GNAGNE, La saisie-attribution à l’épreuve de la procédure collective, Mémoire, Master 2 professionnel,
Droit des affaires et fiscalité, Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne, juin 2012, p. 2.
2
Formation sur le tiers saisi dans la saisie-attribution de créances OHADA, salle d’audience du Tribunal de Paix
d’UVIRA, République Démocratique du Congo, Sud-Kivu, tenue le 15 mai 2021.
3
Ibidem.
4
M. Donnier, J. B Donnier, Voies d’exécution et procédures de distribution, Paris, Litec, 8e éd., 2008, n° 1.
5
L’histoire du droit des saisies et des voies d’exécution enseigne que lorsque les pays de la zone franc, anciennes
colonies françaises, accédaient aux indépendances politiques à partir de 1958, leur droit privé était fondé sur les
principes et règles de droit notamment français hérités de la colonisation. Voy. sur ce point, J. C BONZI., Théorie
et pratique des saisies, les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les saisies mobilières, Tome I,
UFR de sciences juridiques et politiques, Université de Ouagadougou, Collection Précis de droit burkinabè, Tome
1, p. 4.
6
F.O. ETOUNDI, « La réforme des procédures de recouvrement et voies d’exécution en droit OHADA : Étude
pratique de législation et de jurisprudence », Revue juridique de droit uniforme africain, p.29, Ohadata D-11-12.
7
Ces États sont le Bénin, le Sénégal, le Burkina Faso, les Comores, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Gabon, le Mali,
le Niger, la Guinée-Bissau, le Cameroun, le Togo, la Centrafrique, la Guinée Équatoriale, le Tchad et la Guinée
Conakry.
8
Elle vit le jour suite à un Traité signé à Port-Louis (Îles Maurice), le 17 octobre 1993. Ce traité a été modifié le
17 octobre 2008 au Québec.
9
La République Démocratique du Congo (RDC) est le dernier pays qui a adhéré au Traité de l’OHADA le
13 juillet 2012.Voy. aussi sur ce point, P. DE WOLF, I. VEROUGSTRAETE (dir.), Le droit de l’OHADA : son
insertion en République Démocratique du Congo, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 297 et s.
10
Cet Acte Uniforme est entré en vigueur dans tous les États de l’OHADA depuis le 10 juillet 1998. Il est une
réponse à la promesse des États de l’OHADA d’adopter des Actes uniformes « simples, modernes et adaptés, afin
de faciliter l’activité des entreprises ».

3
membres de l’OHADA avant l’avènement de l’AUPSRVE11. Cette innovation poursuit une
finalité. Il s’agit de la quête d’efficacité du recouvrement des créances dans l’espace
OHADA. Toutefois, cette quête d’efficacité se heurte à des obstacles. En effet,
l’application de l’AUPSRVE dans sa version initiale du 10 avril 1998 a suscité de
nombreuses difficultés et généré un abondant contentieux, y compris à la Cour Commune
de Justice et d’Arbitrage (CCJA)12 où l’interprétation et l’application de l’AUPSRVE sont
en cause dans plus de la moitié des affaires soumises à la Cour13. Les difficultés et
controverses se rapportent notamment à certaines questions telles que la clarification de la
qualité de tiers saisi et le régime clair d’engagement de sa responsabilité. C’est ainsi que
lors de sa 56ème session tenue à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, le
Conseil des ministres de l’OHADA a adopté la révision de l'Acte Uniforme portant
Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution, le 17
octobre 202314.

3. La réalisation de certaines procédures d’exécution triangulaires15 dépend de la participation


active d’un tiers. L’archétype de ces mesures réside dans les saisies exécutoires ou
conservatoires de biens incorporels, comme les créances ou encore les valeurs mobilières
et parts sociales. De manière plus marginale, en matière de meubles corporels, la
collaboration d’un tiers sera nécessaire à la réussite de l’opération. C’est le cas de la saisie-
vente ou de la saisie conservatoire d’un meuble corporel appartenant au débiteur et qui
serait détenu par un tiers, dont le bon déroulement semble difficilement envisageable sans
la contribution de ce dernier16.

4. La notion de tiers, d’usage répandu non seulement dans le droit des contrats, mais aussi en
procédure civile, évoque, l’idée d’une personne étrangère, extérieure à un rapport de droit
noué entre d’autres personnes, soit sur la base d’une volonté, soit de manière plus
contraignante (instance dans le cadre d’un procès)17. Classiquement, le tiers désigne de
manière générale, « toute personne étrangère à une situation juridique »18. Plus
précisément en matière contractuelle, la notion de tiers correspond à la « personne n’ayant

11
B. F. BIBOUM, Les tiers dans le droit des voies d’exécution de l’OHADA, Thèse de doctorat en droit des
affaires, Université de Douala, 2009 - 2010, p. 4.
12
Elle est l’institution juridictionnelle de l’OHADA. Installée depuis 1998, elle a le monopole de l’interprétation
et de l’application du droit OHADA, en lieu et place des Cours suprêmes nationales. Ses premières décisions ont
été rendues en 2001.
13
Les données de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage indiquent qu’un pourcentage de près de 75 % des
litiges soumis à la haute juridiction implique l’AUPSRVE, ce qui dénote des problèmes posés aux acteurs
économiques par l’application de ce texte.
14
L’Acte uniforme révisé a été publié au Journal Officiel de l'OHADA le 15 novembre 2023. Conformément à
l'article 9 du Traité OHADA et à ses dispositions transitoires et finales, cet Acte entrera en vigueur quatre-vingt-
dix (90) jours après sa publication au J.O. OHADA, soit le 16 février 2024. Il vise à renforcer la sécurité juridique
et à faciliter les procédures de recouvrement des créances commerciales dans les Etats membres de l'OHADA et à
offrir un cadre clair et simplifié pour les créanciers, leur permettant de recouvrer leurs dettes de manière plus
efficace et rapide. Il faut le reconnaitre, sur papier au moins, cette révision est une étape importante dans
l'amélioration du cadre juridique régissant le recouvrement des créances et l'exécution forcée au sein de l'espace
OHADA. Il reste maintenant à voir si la pratique va suivre comme disent les Anglais, « the proof of the pudding
is in the eating » quand cet acte de l’AUPSRVE révisé sera applicable quatre-vingt-dix jours après sa publication
au journal officiel de l'OHADA.
15
Il s’agit notamment de la saisie-attribution, saisie de droits d'associés, saisie conservatoire de créances.
16
L. LAUVERGNAT, Concours du tiers saisi : régime de l'obligation pesant sur le tiers saisi, Gaz. Pal. 27 avril
2021, n° 420w5.
17
C. LEFORT, Saisie-attribution, Rép. Pr. civ. Dalloz, 2016, p. 32.
18
G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, PUF, Quadrige dicos poche, 8e éd.,
2007, p. 921.

4
été ni partie ni représentée à un contrat qui n’est pas touchée par son effet obligatoire et
peut tout au plus se le voir opposer »19. Le tiers est donc celui qui se définit par la négative :
la personne qui n’est pas partie au contrat serait un tiers20. Ainsi, le tiers est perçu comme
un individu en dehors de tout rapport débiteur-créancier. Vu comme tel, il ne devrait pas
en réalité s’ingérer dans la relation débiteur-créancier21. Il ne devrait donc pas être
importuné par ladite relation. Cependant, cette conception classique qu’on a toujours eue
du tiers a changé avec l’avènement de l’AUPSRVE. En effet, exclure le tiers dans le droit
de recouvrement des créances serait tout à fait injuste parce que ce dernier est généralement
détenteur des biens appartenant au débiteur22 ou d’informations utiles voire indispensables
à l’huissier de justice23, et sans lesquelles la procédure de saisie serait inefficace. Il est donc
impliqué dans le combat judiciaire qui oppose le créancier à son débiteur qu’il le veuille
ou non24.

5. Avant la révision de l’AUPSRVE, le législateur OHADA n’avait pas défini la notion de


tiers saisi. La définition du tiers saisi était donc donnée par la jurisprudence et la doctrine
OHADA. Suivant la jurisprudence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage25, le tiers
saisi « désigne la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur en vertu d’un
pouvoir propre et indépendant, même si elle les détient pour le compte d’autrui »26. Une
définition de la notion est aussi donnée en droit français par la Cour de cassation française,
dans un avis en date du 24 janvier 1994. La notion de tiers saisi y est entendue comme
« une personne qui se trouve dans un rapport de droit avec le débiteur et à qui la mesure
[…] pratiquée impose des obligations »27. Du point de vue de la doctrine, le tiers saisi est
« la personne physique ou morale, de droit privé ou public qui, au moment de la saisie
pratiquée entre ses mains, a la qualité de tiers saisi, c’est-à-dire détient effectivement des
biens pour le compte du débiteur »28. Pour le législateur OHADA, « en matière de saisie
sur une créance : le tiers saisi est une personne tenue, au jour de la saisie d’une obligation
portant sur une créance de somme d’argent née d’un rapport de droit qui implique un
pouvoir propre et indépendant à l’égard du débiteur. En matière de saisie sur un bien autre
qu’une créance : le tiers saisi est une personne détenant au jour de la saisie, pour le compte
du débiteur, un bien sur lequel porte la saisie »29.

19
Ibidem.
20
A. GOUGEON, L’intervention du tiers à la formation du contrat, Thèse de doctorat, Université Lille 2, 2016,
p. 16.
21
B. F. BIBOUM, Les tiers dans le droit des voies d’exécution de l’OHADA, op. cit., p. 5 ; A. MENSAH, « Le
rôle du tiers-saisi dans les voies d’exécution de l’OHADA », disponible en ligne à l’adresse : https://lex4.com/le-
role-du-tiers-saisi-dans-les-voies-dexecution-de-lohada/, consulté le 01 mai 2023.
22
C’est le cas notamment de la saisie-vente.
23
C’est le cas notamment de la saisie-attribution de créances, de la saisie des rémunérations ou de la saisie des
valeurs mobilières.
24
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », disponible en ligne à l’adresse : https://www.ccbc-rdc.be/index.php/activite-2/activites/97-les-limites-
a-la-condamnation-du-tiers-saisi-au-paiement-des-causes-de-la-saisie-en-droit-ohada-par-me-abaya-koy-pepe,
publié le 10 mars 2021, consulté le 01 mai 2023.
25
La CCJA est l’institution juridictionnelle de l’OHADA. Installée depuis 1998, elle veille à la cohérence dans
l’interprétation et l’application des actes uniformes. Ses premières décisions ont été rendues en 2001.
26
CCJA, Arrêt n° 09/2005 du 27 janvier 2005, Société AFROCOM-CI c/CITIBANK, le Juris Ohada, n° 1/2005,
janvier-mars 2005, p. 28 ; CCJA, arrêt 025 du 13 mars 2014, inédit.
27
Cass., Avis, 24 janvier 1994, n° 09-30.020, Bull., avis, n° 4.
28
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 01 mai 2023.
29
L’article 1-1 alinéa 20 de l’AUPSRVE révisé.

5
6. Ainsi défini, le champ d’application de la notion de tiers saisi est élargi30. Le tiers saisi peut
être une personne entre les mains de laquelle est pratiquée une saisie attribution31, une
saisie-vente32, une saisie-appréhension33, une saisie-revendication34, une saisie
conservatoire35, une saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières36, une saisie de
rémunérations37 . Par ailleurs, la définition du tiers saisi permet de distinguer au sein de la
catégorie des tiers, entre les tiers saisis et les autres tiers qui peuvent, à divers titres,
participer plus ou moins directement à la mesure d’exécution38. Ainsi, le tiers saisi se
distingue d’une part des tiers qui sont juridiquement étrangers à l’acte de saisie39. C’est à
dire les tiers absolus40. Ces derniers sont des personnes morales ou physiques qui ne se
trouvent dans aucun lien de droit direct ou indirect avec le créancier ou le débiteur, mais
qui sont appelés à apporter leur concours, à un moment ou un autre, à l’acte d’exécution
sur le fondement de l’article 38 de l’AUPSRVE révisé41. C’est le cas par exemple des
serruriers, des déménageurs, des garagistes et des photographes. D’autre part, le tiers saisi
se distingue du tiers qui détient le bien en raison du droit de suite, même si la saisie est
pratiquée entre ses mains. Ce tiers est appelé tiers-détenteur42. Par ailleurs, il existe
plusieurs catégories de tiers saisi. Il s’agit d’une part des tiers saisis étrangers au cercle
contractuel que sont le tiers saisi principal43 et le tiers saisi incident44. D’autre part, il existe
des tiers saisis hybrides45 que sont le tiers saisi-saisissant46 et le tiers saisi-saisi47.

30
S. GUINCHARD, T. MOUSSA (dir.), Droit et pratique des voies d’exécution, Paris, Dalloz,8e éd., 2015, p. 227.
31
Voy., l’article 153 de l’AUPSRVE révisé.
32
Voy., l’article 105 de l’AUPSRVE révisé.
33
Voy., l’article 224 de l’AUPSRVE révisé.
34
Voy., l’article 230 de l’AUPSRVE révisé.
35
Voy., l’article 67 de l’AUPSRVE révisé.
36
Voy., l’article 236 de l’AUPSRVE révisé.
37
Voy., l’article 173 de l’AUPSRVE révisé.
38
S. GUINCHARD, T. MOUSSA (dir.), Droit et pratique des voies d’exécution, op. cit., p. 227.
39
Ibidem.
40
P. JULIEN et G. TAORMINA, Voies d’exécution et procédures de distribution, Paris, L.G.D.G, 2e éd., 2010, p.
21.
41
L’article 38 alinéa 1 de l’AUPSRVE révisé dispose que : « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en
vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu'ils en sont
légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des
dommages-intérêts ».
42
S. GUINCHARD, T. MOUSSA (dir.), Droit et pratique des voies d’exécution, op. cit., p. 227.
43
Les tiers saisis principaux sont ceux entre les mains desquels une mesure d’exécution ou conservatoire est
susceptible d’être exécutée par le créancier. Plus précisément dans la saisie attribution de créances, il s’agit de
toute personne, physique ou morale qui, au moment où la saisie sera pratiquée, sera débitrice du débiteur principal
d’une dette de somme d’argent.
44
Le tiers saisi incident est une personne qui se retrouve impliquée dans la saisie de manière incidente. C’est à
dire qu’il n’est pas débiteur du débiteur saisi, ni détenteur de ses biens à quelque titre que ce soit. En effet, il peut
y arriver que les biens d’un tiers soient accidentellement comptabilisés parmi les biens saisis à l’occasion d’une
saisie attribution pratiquée entre les mains d’un tiers saisi. C’est le cas notamment de la saisie-attribution d’un
compte joint entre les mains d’un établissement bancaire ou même lors d’une saisie vente.
45
Par tiers saisi hybrides, il faut entendre par là, les hypothèses ou le tiers saisi cumule deux qualités.
46
C’est une personne qui cumule en même temps les qualités de créancier saisissant et de tiers saisi. C’est
l’hypothèse de la saisie-attribution sur soi-même.
47
L’hypothèse d’un tiers saisi-saisi peut être recherchée dans le droit des personnes et des incapacités à travers
l’application du régime de protection des majeurs incapables, notamment le majeur placé sous tutelle. En effet,
tous les majeurs sont en principe juridiquement capables. Cependant, une altération des facultés personnelles peut
mettre le majeur dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts. Par conséquent, celui-ci privé de capacité
d’exercice a besoin d’être représenté dans tous les actes de la vie civile. De ce fait, lorsqu’une saisie-attribution
est dirigée contre le majeur sous tutelle, elle est faite entre les mains de son représentant, qui reçoit signification
de l’acte de saisie en sa qualité de tiers saisi. Mais dans le même temps, il reçoit notification de l’acte de saisie en
sa qualité de débiteur saisi pour le compte de l’incapable.

6
7. Le tiers saisi est présent dans de nombreuses voies d’exécution que sont : la saisie-vente,
la saisie-appréhension, la saisie-revendication des biens meubles corporels, la saisie des
droits d’associé des valeurs mobilières, la saisie conservatoire, la saisie des rémunérations
et surtout la saisie-attribution de créances sous ses multiples aspects, à savoir notamment
la saisie-attribution de droit commun48 et la saisie-attribution des avoirs en compte bancaire
49
. Dans la saisie-attribution de créances ou dans la saisie-conservatoire de créances, le tiers
saisi peut être un établissement bancaire ou financier ou un établissement émetteur de la
monnaie électronique. Dans la saisie des rémunérations de travail, le tiers saisi est
l’employeur relevant du droit privé ou du droit public. Dans le cadre de la saisie des droits
d’associés et des valeurs mobilières, le tiers saisi est la société, la personne morale
émettrice ou du mandataire chargé de conserver ou de gérer lesdits titres.

8. Toutefois, dans le cadre du présent travail, il sera difficile d’étudier au cas par cas chaque
type de voie d’exécution, et passer en revue de manière exhaustive, pour chaque saisie, les
dispositions qui régissent le tiers saisi. En conséquence, la réflexion sera principalement
axée sur le tiers saisi dans la saisie-attribution des avoirs en compte bancaire prévue aux
articles 161 à 163 de l’AUPSRVE révisé et accessoirement sur la saisie-attribution de droit
commun. Ce choix s’explique pour plusieurs raisons. D’abord, c’est le fait qu’il y’a tout
un éventail de responsabilités qui sont mises à la charge du banquier tiers saisi alors que ce
dernier est par définition étranger à la procédure. Ensuite, c’est le fait que les biens visés
par la procédure de saisie-attribution des avoirs en compte bancaire sont des créances de
somme d’argent et sont donc matérialisés par un simple jeu d’écriture chez le banquier tiers
saisi. Par ailleurs, les comptes bancaires sont devenus les cibles privilégiées de la saisie-
attribution50. Enfin, ce choix s’explique aussi par le fait que certains comportements du
banquier tiers saisi sont à l’origine d’un contentieux affectant même de ce fait l’efficacité
de la saisie-attribution dans certaines situations.

9. Aux termes de l’article 153 de l’AUPSRVE révisé « tout créancier muni d’un titre
exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement,
saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme
d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations ». Il
résulte de cet article que la saisie-attribution des créances est « une voie d’exécution par
laquelle un créancier, le saisissant, muni d’un titre exécutoire, bloque entre les mains d’un
tiers (le tiers saisi) les sommes d’argent qui sont dues par celui-ci à son débiteur (le
débiteur saisi) en vue de [se]les faire attribuer »51. De ce fait, la mise en œuvre de la saisie-
attribution de créances suppose fondamentalement l’existence de deux créances : la
créance détenue par le créancier saisissant sur le débiteur saisi52 et la créance détenue par
le débiteur saisi sur le tiers saisi53. Par ailleurs, la particularité de la saisie-attribution de
créances réside dans l’effet attributif immédiat qu’elle opère. Cet effet est l’un des points
qui distinguent la saisie-attribution de l’ancienne saisie-arrêt dans la mesure où il la rend

48
C’est une procédure qui en principe permet à tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance
liquide et exigible de saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
49
C’est une saisie qui permet au créancier d’un titre exécutoire de saisir et de se faire attribuer à concurrence de
sa créance, le solde du compte bancaire de son débiteur directement chez son banquier et se la faire attribuer. Voy.
aussi, H. A. BITSAMANA, Dictionnaire de droit OHADA, Harmattan, 3e éd., 2015, p. 190.
50
E. KONDO, Le montant de la saisie-attribution en droit OHADA, Gagnant services éditions, mars 2013, p. 5.
51
M. DONNIER et J. B. DONNIER, Voies d’exécution et procédures de distribution, Paris, LexisNexis, 9e éd.,
2017, p. 323, cité par V. J. P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA,
Ouagadougou, éd. C.G.F, 2021, p. 18.
52
C’est la créance cause de la saisie.
53
C’est la créance objet de la saisie.

7
plus efficace54. Le banquier tiers saisi joue un rôle très important dans la saisie-attribution
des avoirs en compte bancaire. Le législateur OHADA a fait de lui un acteur important en
lui imposant de multiples obligations, susceptibles de l’exposer à des sanctions sévères55
en cas de défaillance de sa part. Toutefois, la pratique de la saisie-attribution de créances
alimente de façon permanente un fort contentieux aussi bien devant les juridictions
nationales des États-parties au traité OHADA que devant la CCJA56. Ce contentieux est
relatif notamment à la qualité du tiers saisi, son rôle, ainsi que son régime de responsabilité.
Dès lors, se trouvant au cœur du mécanisme de recouvrement de la créance tout en étant
étranger au rapport de droit57, il semble légitime de s’interroger sur le traitement juridique
réservé au tiers saisi par la procédure d’exécution en droit de l’OHADA.

10. Cette préoccupation ne manque pas d’intérêts, au double plan théorique et pratique. D’un
point de vue théorique, l’étude des différentes questions concernant le tiers saisi dans la
saisie-attribution de créances en général et dans la saisie-attribution de comptes bancaires
en particulier permettra de cerner les forces et les faiblesses de l’AUPSRVE révisé sur la
qualité, les obligations ainsi que sur la responsabilité du banquier tiers saisi58.

11. D’un point de vue pratique, force est de constater que la saisie-attribution de créances, qui
était censée faciliter le recouvrement des créances, se révèle, à l’épreuve de la pratique,
être l’objet d’un contentieux important devant le juge. La saisie-attribution des avoirs en
compte bancaire suscite encore beaucoup d’interrogations de la part des acteurs de la vie
judiciaire pour ce qui est du contentieux mettant en cause le banquier tiers saisi59. Dans
99,9 % des cas60, la saisie-attribution de comptes bancaires soulève des contestations les
plus variées à l’origine de nombreux contentieux, auxquels doivent faire face les
protagonistes, et qui interpellent les juristes, les professionnels du droit et les praticiens de
la saisie-attribution61. Ce qui explique en la matière l’existence d’une jurisprudence
abondante, riche et actuelle de la CCJA62. Par ailleurs, il se développe de plus en plus dans
le chef des créanciers saisissants un certain acharnement à l’endroit du banquier tiers

54
Y. N. GNAGNE, La saisie-attribution à l’épreuve de la procédure collective, Mémoire, Master 2 professionnel,
Droit des affaires et fiscalité, Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne, juin 2012, p. 3.
55
Il s’agit de la condamnation au paiement des causes de la saisie, des dommages-intérêts ou même de l’astreinte.
56
V. J. P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 21.
57
La créance dont paiement est recherché ne résulte pas toujours d’un rapport contractuel.
58
On se souviendra notamment que le droit de recouvrement de créances en droit OHADA tel qu’organisé
actuellement remet en cause certaines dans une certaine mesure les règles du droit bancaire dont notamment du
secret professionnel du banquier.
59
H. P. ZOUATCHAM, La saisie des sommes d’argent entre les mains des banques, Mémoire, DEA, Option,
Droit privé fondamental, Université de Yaoundé II - SOA, 2004-2005, p.7.
60
DJP OHADA, séminaire de formation et de perfectionnement : « la banque comme tiers saisi : obligations et
responsabilités dans le contentieux de l’exécution des saisies-attributions sur les avoirs en comptes du débiteur
saisi – tout savoir sur l’évolution et l’actualité au regard de la jurisprudence récente de la CCJA », Salle de
conférence du CEPAS (Centre d’Etudes pour l’Action Sociale) – Kinshasa/ Gombe, Les 27 et 28 juillet 2016.
61
Actes du séminaire de formation et perfectionnement pratique sur les procédures de recouvrement des créances
et la saisie-attribution des créances dans l’espace OHADA « maîtriser les bonnes pratiques de recouvrement, de
saisie-attribution des créances, et régime de responsabilité de la banque comme tiers saisi », tenu les 28 et
29 juillet 2017 à Douala - Hôtel Vallée des Princes.
62
Voy. notamment, CCJA, 2e ch., arrêt n° 023/2008 du 30 avril 2008, Société Loteny Telecom SA c/Société
Insurances Broker Association dite IBAS SARL ; CCJA, 1re ch., arrêt n° 023/2009 du 16 avril 2009, État de Côte
d’Ivoire c/Ayants droit de Bamba Fetigue et Akouany Paul ; CCJA, 2e ch., arrêt n° 006/2006 du 9 mars 2006,
Société Indus-Chimie c/Madame MRP et autres ; CCJA, 3e ch., arrêt n° 168/2016, du 1er décembre 2016, Affaire
Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire BICICI c/Monsieur Ake N’Guéssan
Victor ; CCJA, 1re ch., arrêt n° 111/2016 du 9 juin 2016, Société Oikocrédit c/Orabank Côte d’Ivoire.

8
saisi63. Cette attitude se justifie d’une part par le désarroi des créanciers qui, après plusieurs
tentatives, éprouvent encore de sérieuses difficultés à recouvrer leurs créances auprès des
débiteurs, et d’autre part par l’idée d’une certaine facilité à obtenir le recouvrement, même
au préjudice du banquier tiers saisi64. De plus, il est démontré que les juges ne se
préoccupent pas toujours de vérifier si la personne auprès de qui la saisie est pratiquée a
bien la qualité de tiers saisi avant de la condamner au paiement des causes de la saisie65.

12. L’observation attentive des dispositions relatives aux voies d’exécution et de la


jurisprudence OHADA, permet de constater que le tiers saisi est impliqué malgré lui dans
les procédures d’exécution en droit OHADA. De même, le régime de sa responsabilité n’est
pas à l’abri de critiques nonobstant l’existence de moyens de défense salvateurs. Ainsi, il
sera question de mettre en évidence dans une première partie l’implication forcée du tiers
saisi dans la procédure d’exécution (I) et dans une seconde partie la sévérité atténuable de
la sanction du tiers saisi (II).

I-L ’IMPLICATION FORCEE DU TIERS SAISI DANS LA PROCEDURE


D’EXECUTION
12. La saisie-attribution de créances est l’une des voies d’exécution forcée redoutable pour le
débiteur saisi et dans laquelle, le tiers saisi se trouve être une des personnages clé et
incontournable pour la facilitation de son issue. L’une des spécificités de cette saisie reste bien
l'implication forcée du tiers saisi. Ce dernier qui au départ se présente comme une personne
étrangère au rapport d’obligation entre le créancier saisissant et le débiteur saisi devient un
acteur déterminant au recouvrement de la créance du créancier saisissant et donc une partie à la
procédure d’exécution. De ce fait, sa qualité étrangère au rapport de droit substantiel est
indifférente (A). De même plusieurs éléments le caractérisent en tant que partie à la procédure
d’exécution (B).
A) L’INDIFFERENCE DE LA QUALITE ETRANGERE DU TIERS SAISI AU
RAPPORT DE DROIT SUBSTANTIEL
13. Le rapport de droit substantiel est le rapport d’obligation qui lie le créancier saisissant au
débiteur saisi. Le tiers saisi est étranger à ce rapport de droit. A côté de ce rapport de droit
substantiel, il y’a un autre rapport de droit entre le tiers saisi et le débiteur saisi en ce sens qu’il
se retrouve lui-même être débiteur du débiteur saisi. Ce qui explique le fait que la saisie-
attribution soit pratiquée entre ses mains. Mais toute personne auprès de qui la saisie-attribution
est pratiquée n’est pas forcément tiers saisi. En conséquence, l’indifférence de la qualité
étrangère du tiers saisi au rapport de droit substantiel se remarque dans l’identification des
critères d’attribution de la qualité du tiers saisi. Ces critères renvoient d’une part à l’existence
d’un rapport de droit unissant le créancier saisissant et le débiteur saisi (1) et d’autre part
l’existence d’un pouvoir propre et indépendant (2).

1) Le rapport d’obligation unissant le créancier saisissant au débiteur saisi

63
A. S. KABORE, Le tiers saisi dans la saisie attribution de créances en droit OHADA de recouvrement des
créances, Mémoire, Master II Recherche, Droit Privé Fondamental, Université Thomas SANKARA, juillet 2022,
p.7.
64
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 1er mai 2023.
65
Ibidem.

9
14. Avant la révision de l’AUPSRVE, le tiers saisi était défini comme la personne physique
ou morale, qui au moment de la saisie pratiquée entre ses mains, détient effectivement des biens
pour le compte du débiteur66. La détention effective ici signifiait une détention qui n’est pas
supposée ou assimilée67, ni aléatoire, ni même révolue ou future68. Par ailleurs cette détention
devrait s’apprécier au moment de la saisie69. Pour la CCJA, le tiers saisi en matière de saisie-
attribution de créance, est « la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur »70.
En effet, le substantif « dues » utilisé par la CCJA signifie que le tiers saisi doit effectivement
détenir l’argent ou des biens en actif à devoir au débiteur saisi et non le contraire71. En
conséquence « le défaut de déclaration ou la déclaration tardive, ou même une déclaration
donnée dans les délais légaux, n’auraient aucun impact sur la saisie attribution dès lors que la
personne qui a fait la déclaration ou n’a pas fait la déclaration, ou l’a faite tardivement ne
détient aucune obligation de sommes d’argent à l’égard du débiteur saisi »72. Le tiers entre les
mains de qui est effectuée une saisie attribution de créances et qui ne détient aucune somme
pour le compte du débiteur saisi ne saurait être tiers saisi73.
15. De même, en ce qui concerne la saisie-attribution de compte bancaire, la qualité de tiers
saisi est subordonnée à la détention effective pour le compte du débiteur saisi de l’actif et non
du passif74. Dans son arrêt n°006/2018 du 11 janvier 2018, la CCJA a explicité la notion du
tiers saisi en ces termes « le tiers saisi est celui qui, au moment de la saisie, détient effectivement
des fonds appartenant au débiteur. Ainsi, lorsque le solde de compte d’une société dans une
banque est négatif à la date de la saisie, l’on ne peut considérer cette dernière comme tierce-
saisie ». En effet, dans cet arrêt, deux sociétés étaient en conflit : la société Axe Communication
et la société Prestige Diamant. Cette dernière étant débitrice de la société Axe Communication,
elle lui avait remis un chèque tiré sur son compte ouvert dans les livres de la banque UBA. Ce
chèque était revenu impayé. La société Axe Communication avait alors fait pratiquer une saisie

66
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA», disponible en ligne à l’adresse : https://www.ccbc-rdc.be/index.php/activite-2/activites/97-les-limites-
a-la-condamnation-du-tiers-saisi-au-paiement-des-causes-de-la-saisie-en-droit-ohada-par-me-abaya-koy-pepe,
publié le 10 mars 2021, consulté le 01 mai 2023.
67
CCJA, arrêt N°045/2017 du 23 mars 2017, Société Cameroon Oil Transportation Company dite COTCO c/
MBOUWE Jacques, disponible en ligne à l’adresse https://guilaw.com/cour-commune-de-justice-et-darbitrage-
chambre-2-arret-n-045-2017-du-23-mars-2017/, consulté le 02 juin 2023.Dans cet arrêt la CCJA a dit que le tiers
saisi n’est pas la personne supposée détenir mais qui détient effectivement des sommes d’argent dues au débiteur
saisi au moment de la saisie. Voy., aussi, CCJA, arrêt n° 006/2018 du 11 janvier 2018, Société United Bank For
Africa c/ Société AXE Communication SARL, disponible en ligne à l’adresse https://legalrdc.com/2018/01/11/ccja-
arret-n-006-2018-du-11-janvier-2018-la-societe-united-bank-for-africa-c-la-societe-axe-communication/,
consulté le 02 juin 2023.
68
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 1er mai 2023.
69
CCJA, arrêt N°045/2017 du 23 mars 2017, Société Cameroon Oil Transportation Company dite COTCO c/
MBOUWE Jacques, précité ; CCJA, arrêt n° 006/2018 du 11 janvier 2018, Société United Bank For Africa contre
Société AXE Communication SARL, précité ; CCJA, arrêt n° 040/2011, du 21 mars 2008, Banque Islamique du
Niger pour le Commerce et l'Investissement dite BINCI SA c/ Etat du Niger, Ohadata J-13-158.
70
CCJA, arrêt n°062/2014 du 25 avril 2014, Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce
(BSIC-SA) et Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central c/ AIT International LTD,
https://legalrdc.com/wp-content/uploads/2019/11/CCJA_0622014_LegalRDC.pdf, consulté le 02 juin 2023.
71
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA», op. cit., consulté le 1er mai 2023.
72
CCJA, arrêt n°062/2014 du 25 avril 2014, Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce
(BSIC-SA) et Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central contre AIT International LTD, précité.
73
CCJA, arrêt n° 040/2011, du 21 mars 2008, Banque Islamique du Niger pour le Commerce et l'Investissement
dite BINCI SA c/ Etat du Niger, précité.
74
CCJA, arrêt n° 006/2018 du 11 janvier 2018, Société United Bank For Africa contre Société AXE
Communication SARL, précité.

10
conservatoire de créances entre les mains de l’UBA sur le compte de la société Prestige
Diamant. À la signification de l’acte de saisie, l’UBA avait déclaré : « pas de compte sauf
erreur ou omission de notre part ». C’est cette réponse de l’UBA qui a amené la Cour d’appel
d’Abidjan, dans son arrêt n° 146 à condamner la banque au paiement des causes de la saisie.
De l’analyse de cet arrêt de la CCJA, il y ressort qu’au sens de l’acte uniforme, la banque UBA
n’était pas un tiers saisi car elle ne détenait pas des sommes d’argent de la débitrice principale.
Aussi, une personne qui détient des fonds pour le compte des créanciers super privilégiés et non
pour le compte du débiteur saisi ne peut avoir la qualité de tiers saisi75.
16. Toutefois, le critère de la détention effective ne fait pas l’unanimité au sein de la doctrine.
En effet, pour une partie de la doctrine, la détention prise comme le fait de posséder
matériellement un objet n’est plus un critère pertinent pour définir le tiers saisi76. Pour eux, il
n’est pas certain que le critère tiré de la détention soit toujours approprié. Plusieurs arguments
ont été avancés pour appuyer cette idée.
17. Premièrement, pour les professeurs PERROT et THERY, la détention effective comme
critère d’identification du tiers saisi procède d’une confusion entre la créance saisie et la somme
d’argent qui en est l’objet77. L’objet de la saisie attribution disent-ils, n’est pas une somme
d’argent mais une créance de somme d’argent78. De ce fait, le tiers saisi n’est pas à proprement
parler celui qui détient une somme d’argent, mais celui qui doit une somme d’argent au débiteur
saisi79. Deuxièmement, l’existence d’une créance n’implique pas nécessairement un fait de
détention. C’est l’exemple d’un contrat de prêt qui lorsqu’il porte sur des sommes d’argent, en
transfère la propriété à l’emprunteur et accorde au prêteur un droit de créance. Également on
peut détenir des fonds et n’avoir aucune vocation à être tiers saisi80. C’est le cas d’un employé
ou d’un préposé81.
18. Le législateur OHADA n’est pas resté indifférent face à ces critiques de la doctrine. En
effet, l’article 1-1 alinéa 20 du nouvel AUPSRVE dispose que « le tiers saisi en matière de
saisie sur une créance est une personne tenue, au jour de la saisie, d'une obligation portant sur
une créance de somme d'argent née d'un rapport de droit qui implique un propre et indépendant
à l'égard du débiteur ». Il ressort de cet article que désormais le tiers saisi est celui qui, au jour
où la saisie est pratiquée, est tenu en sa qualité de débiteur de payer à son créancier (le saisi)
une somme d’argent en raison d’une obligation. Il désigne alors toute personne débitrice tenue
au paiement d’une créance de somme d’argent envers le débiteur principal saisi à raison du
rapport d’obligation qui l’unit à celui-ci82. C’est donc le lien de droit c’est-à-dire le rapport
d’obligation unissant le créancier au débiteur qui contribue maintenant en droit OHADA à
l’identification du tiers saisi. Ce rapport de droit peut tirer sa source soit d’un contrat83 ou soit
d’une loi84.

75
CCJA, arrêt n°153/2015 du 26 novembre 2015, BOA et Olivier Thierry c/ Port Autonome de San-Pedro, Ohadata
J-16-146.
76
Perrot R. PERROT et P. THERY, Procédures civiles d’exécution, Paris, Dalloz, 3e éd., refondue, 2013, p. 387
et s., cité par V.J.P. SILGA, la pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 197.
77
R. PERROT et P. THERY, Procédures civiles d’exécution, op. cit., p. 380 et s.
78
S. GUINCHARD, T. MOUSSA (dir.), Droit et pratique des voies d'exécution, op. cit., p. 829.
79
Ibidem.
80
R. PERROT et P. THERY, Procédures civiles d’exécution, op. cit., p.380 et s.
81
Ibidem.
82
Civ.2e, 10 février 2011, n°10-30-008, Bull.Civ.II, n°38.
83
Par exemple un contrat de mandat ou de dépôt.
84
Par exemple la représentation légale d’un incapable.

11
19. Relativement à la preuve de la détention, il faut noter que cette dernière ne se présume
pas85. Elle doit être prouvée et la charge de la preuve incombe au créancier saisissant. Ce dernier
doit être débouté s’il ne rapporte pas ladite preuve86.Toutefois, dans la pratique cette preuve est
souvent difficile à rapporter par le créancier saisissant. En effet, le créancier saisissant dispose
souvent de très peu d’informations sur les créances de son débiteur. Ce qui fait que le créancier
saisissant dans le but d’augmenter la probabilité de réussite de ses opérations de saisie, est
obligé parfois de les multiplier et de les orienter vers toute personne susceptible d’être redevable
à son égard87. Pour avoir la qualité de tiers saisi, il ne suffit pas que le tiers saisi détienne des
fonds appartenant au débiteur saisi, il doit aussi les détenir en vertu d’un pouvoir indépendant.
2) Le pouvoir indépendant du tiers saisi
20. Pour la CCJA, au sens de l’article 156 de l’AUPSRVE, le terme tiers saisi désigne « la
personne qui détient des sommes d’argent appartenant au débiteur saisi en vertu d’un pouvoir
propre et indépendant, même si elle les détient pour le compte d’autrui »88.
21. La notion de « pouvoir propre et indépendant » que la CCJA utilise de façon constante
dans ces décisions89 semble être une tautologie juridique. En effet, la notion de « pouvoir
propre » caractérise le fait que le tiers saisi n’est pas un préposé du débiteur90. Or le « pouvoir
indépendant » souligne aussi la nécessité de l’absence de tout lien de subordination qu’il devait
y avoir entre le tiers saisi et le débiteur saisi. En conséquence, un lien de subordination entraine
ipso facto l’absence d’un pouvoir propre91. De ce fait, l’expression de « pouvoir indépendant »
du tiers saisi semble être mieux adaptée que celle de « pouvoir propre et indépendant ».
22. Le pouvoir indépendant du tiers saisi permet à titre d’exemple de retenir, que n’est pas
un tiers saisi un préposé du débiteur saisi, en raison de l’existence d’un lien de subordination
résultant du contrat de travail. Elle permet aussi de retenir que n’est pas tiers saisi également,
une société gestionnaire ne pouvant faire fonctionner un compte bancaire qu’en vue d’exécuter
les directives du titulaire de compte92. De même un banquier louant un coffre-fort à un client
ne peut être tiers saisi dans une saisie attribution contre celui-ci parce qu’il n’est pas son
débiteur mais son bailleur93. En plus, une saisie attribution pratiquée entre les mains d’un gérant
salarié ou entre celles d’un caissier ne peut prospérer dans la mesure où l’existence d’un lien de
subordination, fait obstacle à l’indépendance et à l’autonomie de son pouvoir94.

85
J. WAMBO, La mise en œuvre de la saisie attribution de créances du droit OHADA, éditions jerberas, 1ère éd.,
2016, p. 145.
86
CCJA, arrêt n°153/2015 du 26 novembre 2015, BOA et Olivier Thierry c/ Port Autonome de San-Pedro, précité.
87
J. WAMBO, La mise en œuvre de la saisie attribution de créances du droit OHADA, op. cit., p.146.
88
CCJA, 3e ch., arrêt n° 025/2014 du 13 mars 2014, Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le
Crédit dite BICEC c/M. Deffo, disponible en ligne à l’adresse https://guilaw.com/cour-commune-de-justice-et-
darbitrage-chambre-3-arret-n-025-2014-du-13-mars-2014/, consulté le 05 juin 2023 ;Voy., aussi, CCJA, arrêt
n°09/2005 du 27 janvier 2005, société AFROCOM-CI c/ CITIBANK, Ohadata J-05-191.
89
Voy., notamment, CCJA, arrêt n°062/2014 du 25 avril 2014, Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement
et le Commerce (BSIC-SA) et Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central contre AIT
International LTD, précité ; CCJA, arrêt n° 040/2011, du 21 mars 2008, Banque Islamique du Niger pour le
Commerce et l'Investissement dite BINCI SA c/ Etat du Niger, précité ; CCJA, arrêt n° 006/2018 du 11 janvier
2018, Société United Bank For Africa contre Société AXE Communication SARL, précité.
90
V.J.P. SILGA, la pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 197.
91
V.J.P. SILGA, la pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 198 ; Voy., aussi J.
VINCENT et J. PREVAULT, Voies d’exécution et procédures de distribution, Paris, Dalloz, 18e éd., 1995, p. 100.
92
Aix-en-Provence, 13 sept.2013, RG n°12/09456.
93
M. Donnier et J.B Donnier, Voies d’exécution et procédures de distribution, Paris, Litec, 2001, 6e éd., p. 196.
Cité par J. WAMBO, La mise en œuvre de la saisie attribution de créances du droit OHADA, op. cit., p.143.
94
C. LEFORT, Saisie-attribution, op. cit., p.33.

12
23. Cependant, la notion de pouvoir indépendant comme critère d’identification du tiers
saisi pose parfois des difficultés. D’une part, ces difficultés concernent les hypothèses de la
représentation du débiteur95. En effet, la saisie d’une créance d’un majeur sous tutelle doit être
dénoncée à son tuteur et non au majeur lui-même96. Mais dans certaines situations il se peut
que le représentant détienne des fonds personnellement pour le compte du représenté. Dans
cette hypothèse, une question se pose : le représentant peut-il être qualifié de tiers saisi ?
Détient-il les fonds du majeur sous tutelle en vertu d’un pouvoir indépendant ? En droit
OHADA, la jurisprudence est silencieuse sur cette question. Pour un auteur, il n’est pas aisé
d’affirmer que le représentant détienne toujours les fonds reçus dans ce cadre juridique en vertu
d’un pouvoir propre et indépendant97. En droit comparé français, sous l'empire des précédentes
législations, il est admis qu’une saisie attribution peut être pratiquée entre les mains d'un tuteur
ou d'un administrateur légal, considéré comme tiers saisi, à condition que ce dernier détienne
des fonds du débiteur saisi en vertu d'un pouvoir propre et indépendant98.
24. Dans ce cas, il revient au juge d’apprécier au cas par cas le pouvoir indépendant du
représentant en tant que tiers saisi. D’autre part, ces difficultés sont relatives aussi aux
hypothèses de la représentation dans les procédures collectives. En effet, la possibilité
d'impliquer un représentant en tant que tiers saisi dans une procédure de saisie attribution de
créances a pu susciter des hésitations en droit des procédures collectives, à raison d'incertitudes
sur l'exacte nature du dessaisissement qui frappe le débiteur. La Cour de cassation française a
reconnu la possibilité de signifier une saisie-attribution à un liquidateur qui détient des fonds
pour le compte du débiteur dessaisi, sous réserve que le créancier échappe à la suspension des
poursuites individuelles. Dans ce cas, le liquidateur devient tiers saisi dans le cadre d'une
procédure civile d'exécution exercée contre son administré99. Le débiteur dessaisi étant en outre
représenté par le liquidateur, l'acte de saisie doit parallèlement être dénoncé à cet organe100. Par
ailleurs, des règles identiques ont été dégagées à l'égard de l'administrateur judiciaire101.

B) LA CARACTERISATION DU TIERS SAISI EN SA QUALITE DE PARTIE A LA


PROCEDURE D’EXECUTION
25. Le tiers saisi est une véritable partie à la procédure d’exécution en droit OHADA. Cette
réalité se manifeste d’une part en ce qui concerne notamment la saisie-attribution de créances
par l’implication flagrante du tiers saisi aux opérations de saisie (1) et d’autres part par
l’exécution par ce dernier des opérations de la saisie-attribution de créances (2).
1) L’implication du tiers saisi aux opérations de saisie
26. Le tiers saisi est directement impliqué aux opérations de la saisie-attribution de créances de
deux manières. Premièrement, il est le destinataire direct de l’acte de saisie à travers le

95
C. BRENNER et alli(Dir), Le Lamy Droit de l’exécution forcée, Wolters Kluwer, disponible en ligne à
l’adresse : https://www.wkf.fr/ab-499-le-lamy-droit-de-lexecution-forcee.html, consulté le 06 juin 2023.
96
CA, Rouen, 25 fév. 2003, n° 01/04184, RD banc., 2004, p. 32.
97
V.J.P. SILGA, la pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 198.
98
R. PERROT et P. THERY, Procédures civiles d’exécution, op. cit., p.380 et s.
99
Cass. com., 20 juin 1989, no 87-19.594, Bull. civ. IV, no 196 ; Cass. com., 8 février. 1994, no 91-22.168, Bull.
civ. IV, no 58.
100
Cass. com., 2e civ., 5 avril. 2001, no 98-14.107, Bull. civ. II, no 73 ; Cass. com., 13 mai 2003, no 98-22.741,
Bull. civ. IV, no 72, D. 2003, p. 1624.
101
Cass. com., 1er Avril 2003, no 99-18.063, Bull. civ. IV, no 53, D. 2003, p. 1624.

13
mécanisme de la signification. En effet, Il résulte de l’article 157 de l’AUPSRVE102 révisé que
le tiers saisi est personnellement destinataire du procès-verbal103 de la saisie par le mécanisme
de la signification104. Selon les professionnels de la signification, cette dernière désigne la
formalité par laquelle un acte de procédure est porté à la connaissance de la personne qu’il
concerne105. Par ailleurs l’acte de saisie crée un lien de droit entre le créancier saisissant et le
tiers saisi. L’AUPSRVE révisé attache un prix sérieux à cette signification de l’acte de saisie
au tiers saisi. Mais à ce niveau, une question fondamentale se pose : La signification de l’acte
de saisie relève-t-elle exclusivement de la compétence de l’huissier de justice ou de l’agent
d’exécution ? En droit OHADA, il semble que la signification de l’acte de saisie ne relève pas
exclusivement de la compétence de l’huissier de justice sur le fondement de l’article 25 de loi
n° 054-2017/AN portant règlementation de la profession d’huissier de justice106 et de l’article
18 du décret d’application de cette dernière107. En droit français, la signification de l’acte de
saisie relève sans exception de la compétence exclusive de l’huissier de justice. En
conséquence, ce dernier ne peut pas confier la signification de l’acte de saisie à un clerc
assermenté ou non108.
27. Deuxièmement, l’acte de saisie doit contenir obligatoirement certaines mentions à peine de
nullité109. A compter de la signification de l’acte de saisie au banquier tiers saisi, ce dernier est
assujetti à des obligations multiples110. Ce qui fait de lui incontestablement une partie à la
procédure d’exécution. En tout état de cause, il faut retenir que le législateur OHADA ait voulu
par la formule de la signification de l’acte de saisie, interpeller le tiers saisi sur son nouveau
statut juridique à l’occasion de la procédure de saisie-attribution de créances111. Ainsi, pour

102
Cet article dispose à son alinéa 1er que « le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’autorité
chargée de l’exécution. Lorsque la saisie porte sur un avoir en monnaie électronique, l’acte est signifié à
l’établissement émetteur ».
103
En d’autres termes il s’agit de l’acte de saisie.
104
A titre de droit comparé, il faut noter que la signification de l’acte de saisie peut se faire par voie électronique
en droit français sur le fondement de l’article R.211-4 du Code des procédures civiles d’exécution.
105
Ecole Nationale de Procédure, Les professionnels de la signification et de l’exécution en Europe, coll.
Passerelle, EJT, 2006, p. 118, cité par B.F. BIBOUM, Les tiers dans le droit des voies d'exécution de l'OHADA,
op.cit., p. 159.
106
Cet article dispose que : « L’huissier de justice peut employer sous sa responsabilité un ou plusieurs clercs
assermentés pour le suppléer dans la signification de tous les actes ou exploits d’huissier de justice. Les conditions
et modalités d’application du présent article sont déterminées par voie règlementaire ».
107
Cet article dispose que : « le principal clerc peut suppléer l’huissier dans tous les actes de son ministère. Le
clerc de deuxième catégorie supplée l’huissier dans la signification et la notification de tous les actes ».
108
TGI de Ouagadougou, ordonnance de référé, n° 005-3 du 09 janvier 2020, la Société Burkina Mining Company
contre TAGO M. Deslum Aldo, inédit, Cité V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit
OHADA, op. cit., p. 106 ; Voy., aussi, S. GUINCHARD, T. MOUSSA (dir.), Droit et pratique des voies
d'exécution, op. cit., p. 835 ; M. DONNIER et J.B.DONNIER, Voies d’exécution et procédures de distribution,
op. cit., p. 642, cité aussi par V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op.
cit., p. 106.
109
L’article 157 alinéa 2 de l’AUPSRVE révisé dispose que « l’acte de signification contient, à peine de nullité :
1) l’indication des noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s’il s’agit de personnes morales, de
leurs forme, dénomination et siège social ; 2) l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée
; 3) le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour
les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ; 4) l’indication que le tiers saisi
est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes saisies
dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ; 5) la reproduction littérale des articles 38 et 156 ci-dessus et 169 à 172
ci-dessous ».
110
Il s’agit notamment de l’obligation de déclaration, de renseignement, de paiement, etc…
111
B.F. BIBOUM, Les tiers dans le droit des voies d'exécution de l'OHADA, op.cit., p. 159.

14
BIBOUM BIKAY François, le tiers saisi n’a aucune raison de se comporter comme un tiers à
la procédure d’exécution car il ne l’est plus112.
28. D’autre part, le tiers saisi est impliqué aux opérations de saisie en ce sens que dans certaines
hypothèses, un titre exécutoire sera délivré contre lui. En effet, l’article 168 de l’AUPSRVE
révisé dispose que « en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnu
devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente
qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi ». Cet article a pour objet de permettre
au créancier saisissant d’obtenir une décision permettant l’exécution forcée contre le tiers saisi,
lorsque celui-ci refuse le paiement. Par l’effet du titre exécutoire, le tiers saisi devient ainsi
directement le débiteur du créancier saisissant113, et de ce fait une partie à la procédure
d’exécution. Ainsi ; en cas de refus de paiement, le créancier saisissant va donc saisir la
juridiction compétente, c’est-à-dire la juridiction du lieu où l’exécution est poursuivie114. Dans
ce cas, le tiers saisi est normalement cité en tant que partie au procès à l’issue duquel le juge
peut rendre une décision exécutoire contre lui115. Cependant, le refus du tiers saisi de payer au
créancier saisissant peut être fondé sur des motifs légitimes116. Dans ce cas, il semble impossible
de lui délivrer un titre exécutoire.
29. En tout état de cause, la délivrance d’un titre exécutoire contre le tiers saisi, fait de ce dernier
une partie à la procédure d’exécution. Il s’opère donc une substitution de sa personne à celle du
débiteur, une confusion entre sa personne et celle du débiteur, de sorte que celui-ci disparaît117.
Mais le tiers saisi est aussi une partie à la, procédure d’exécution en ce sens qu’il peut intervenir
dans le contentieux de la saisie-attribution de créances.
2) L’intervention du tiers saisi dans le contentieux de la saisie
30. Le tiers saisi peut intervenir dans le contentieux de la saisie-attribution de créances, soit de
façon volontaire pour défendre ses droits en saisissant la juridiction compétente ou soit de façon
involontaire lorsqu’il est mis en cause par le créancier saisissant.
31. En ce qui concerne la saisine de la juridiction compétente, il faut noter que l’article 49 de
l’AUPSRVE révisé dispose que « en matière mobilière, le président de la juridiction
compétente dans chaque État partie ou le juge délégué par lui connaît de tout litige ou toute
demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire ».
L’identification du juge de l’exécution peut être faite en recourant aux règles prescrites par le
législateur de chaque Etat-membre de l’OHADA118. Ainsi, au Burkina Faso, le juge de
l’exécution est le président du Tribunal de Grande Instance sur le fondement de l’article 61 de
la loi n° 15-2019 du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire au Burkina Faso119.

112
Ibidem.
113
L.SENE, « La responsabilité du tiers saisi », op. cit., Ohadata D-10-68.
114
B.F. BIBOUM, Les tiers dans le droit des voies d'exécution de l'OHADA, op.cit., p.155.
115
Ibidem.
116
C’est le cas notamment d’une main levée de la saisie qui aurait été donnée.
117
B.F. BIBOUM, Les tiers dans le droit des voies d'exécution de l'OHADA, op.cit., p.155.
118
CCJA, 2ème Ch., arrêt n°087/2015 du 8 juillet 2015, Société Crédit et Epargne pour le financement du Commerce
et de l’Industrie du Cameroun c/ Société AES Sonel, Société Chelcom Cameroun, Ohadata J-16-86.
119
cet article dispose que « le juge de l’exécution a compétence exclusive pour : connaître en premier ressort des
difficultés, relatives aux titres exécutoires et des contestations, qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée,
même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre
judiciaire ; connaître des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des
mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires ; autoriser les mesures conservatoires ou connaître du
contentieux de leur mise en œuvre ; exercer des compétences particulières qui lui sont dévolues par des textes
spécifiques ».

15
32. Lorsque le tiers saisi conteste la saisie-attribution dirigée contre lui, ce dernier peut saisir la
juridiction compétente par voie d’exception pour faire valoir ses droits. S’il est vrai que le tiers
saisi ne peut pas selon la jurisprudence de la CCJA élever une contestation de la saisie-
attribution de créances par « une action personnelle directe principale »120, il a néanmoins un
intérêt à agir en matière de contestation de la saisie lorsqu’il s’agit de la protection d’un intérêt
légitime juridiquement protégé121. En effet, le tiers saisi par voie d’exception, a un intérêt à
faire valoir des moyens de défense qui lui sont propres lorsqu’il existe un risque que son
paiement au profit du créancier saisissant ne sera pas libératoire122. C’est le cas notamment de
l’hypothèse d’une pluralité de saisie qui lui ont été signifiées ou d’une cession de créance faite
par le débiteur saisi123. Cependant, il semble que la CCJA, à la différence de la jurisprudence
française ne reconnait pas ce droit d’agir par voie d’exception124 encore moins par voie d’action
principale125. Ce qui est regrettable. Par ailleurs, quand la créance objet de la saisie est née d’un
contrat synallagmatique entre le tiers saisi et le débiteur saisi, le tiers saisi peut se prévaloir de
l’inexécution ou de la mauvaise exécution de la part du débiteur saisi126. Ainsi, le tiers saisi est
ce fait une partie à la procédure d’exécution.
33. En revanche, le tiers saisi « n’a pas à se faire défenseur des intérêts du débiteur saisi »127.
Par conséquent, le tiers saisi ne peut pas demander au nom du débiteur saisi, la nullité de la
saisie-attribution de créances qui lui est signifiée128. Il ne peut pas aussi élever une opposition
contre une saisie-attribution de créances pour en demander la mainlevée129. De même, pour la
CCJA, il ne peut intenter une action en nullité de la dénonciation de la saisie-attribution de
créances130. En tout état de cause, la possibilité pour le tiers saisi de saisir par voie d’exception
le juge de l’exécution fait de lui une partie à la procédure d’exécution.
34. Il en est de même lorsqu’il est mis en cause aussi par le créancier saisissant lors du
contentieux de la saisie. En effet, l’article 170 alinéa 1 de l’AUPSRVE révisé dispose que « à
peine d’irrecevabilité, les contestations131 sont portées, devant la juridiction compétente, par
voie d’assignation, dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au
débiteur ». L’alinéa 2 du même article dispose que dans ce cas « le tiers saisi est appelé à
l’instance de contestation ». Il résulte de cet article que le créancier saisissant peut aussi
contester la saisie en invoquant un intérêt propre à lui. C’est ainsi qu’il peut contester la

120
CCJA, arrêt n°54/2005 du 15 décembre 2005, Société SODICARO SARL c/ Standard Chartered Bank Côte
d’Ivoire, Ohadata J-06-43 ; CCJA, arrêt n° 118/2015 du 22 octobre 2015, Banque Internationale pour le
Commerce et de l’Industrie de la Côte d’Ivoire dite BICICI S.A c/ Josiane KOFFI BREDOU, Ohadata J-16-111.
121
V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 283.
122
Cass., 1ère civ. 28 mars 2013, n° 10-25.938, Bull. civ I, n° 62.
123
V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 282.
124
CCJA, arrêt n° 001/2019 du 24 janvier 2019, Koutou Daouda c/ ECOBANK Burkina ; CCJA, arrêt 275/2020
du 30 juillet 2020.
125
CCJA, arrêt n° 074/2018 du 29 mars 2018 ; CCJA arrêt n° 080/2018 du 29 mars 2018.
126
O. KAHIL, L’égalité entre les créanciers dans le cadre de la saisie attribution, op. cit., p. 240.
127
R. PERROT, P. THERY, « Saisie attribution : la situation du tiers saisi (les arrêts du 5 juillet 2000) », Dalloz,
2001, p. 720.
128
CCJA, arrêt n° 118 du 22 octobre 2015, Banque Internationale pour le Commerce et de l’Industrie de la Côte
d’Ivoire dite BICICI S.A contre Josiane KOFFI BREDOU, Ohadata J-16-111.
129
CCJA, 1ère ch., arrêt n° 074-2018 du 29 mars 2018, Kalonda NGOYI c/ Compagnie des Grands Hotels Africains
S.A et Banque Commerciale du Congo, https://juricaf.org/arret/OHADA, consulté le 10 mai 2023.
130
CCJA, arrêt n° 001/2019 du 24 janvier 2019, Koutou Somlawindé Daouda c/ Société Ecobank-Burkina Faso,
https://legalrdc.com/2019/01/24/ccja-arret-n-001-2019-du-24-janvier-2019-monsieur-koutou-somlawinde-
daouda-c-ecobank-burkina-faso/, consulté le 10 mai 2022.
131
Pour la CCJA, la contestation est « l’action par laquelle un incident de saisie est soumis au juge compétent et
est appréhendé tant sur la forme que sur le fond ». Pour plus d’informations. Sur ce point, Voy., CCJA, arrêt n°
011/2016 du 11 février 2016, Monsieur KHOCHMAN Salim contre Monsieur BAH Mamadou Cellou et autres,
https://www.juriafrica.com/lex/arret-011-2016-11-fevrier-2016-11983.htm, consulté le 15 mai 2023.

16
déclaration du tiers saisi pour faire élargir l’assiette de la saisie. Cependant, il ne peut le faire
sans que le tiers saisi ne soit « appelé à l’instance de contestation ». Dès lors, une question
cruciale se pose. En vertu de quelle qualité le tiers saisi est appelé à l’instance de
condamnation ? Est-ce en qualité d’un « penitus extranei » ou d’une partie à la procédure
d’exécution ?
35. En réponse à cette question, il faut noter que pour la CCJA, toute personne appelée à
l’instance en tant que tiers saisi n’est pas une partie à l’instance132. D’ailleurs, la CCJA illustre
bien cette position dans un autre arrêt133. Ainsi, le refus de la qualité de partie à l’instance par
la CCJA semble se justifier, lorsque durant la procédure de la saisie-attribution de créances, il
reste un personnage neutre à qui la saisie ne peut pas nuire134. Toutefois, cette jurisprudence de
la CCJA est critiquable. En effet, il faut reconnaitre avec monsieur Valery Jean Prosper SILGA,
que le tiers saisi n’est pas un tiers à la procédure d’exécution, car le fait que l’acte de saisie doit
lui être signifié produit des conséquences juridiques à son égard. Aussi, le tiers saisi dans
certaines situations peut se prévaloir des moyens tirés de sa qualité de débiteur de la créance
objet de la saisie pour faire jouer la règle de l’opposabilité des exceptions135 lorsque la créance
objet de la saisie résulte de l’exécution d’un contrat synallagmatique136 qui le lie au débiteur
saisi137.
36. L’AUPSRVE révisé fait peser sur le tiers saisi un véritable devoir de collaboration à
l’exécution. Cette obligation est sous-tendue par un souci d’effectivité et d’efficacité du droit à
l’exécution du créancier, ce qui implique que des sanctions énergiques puissent être prises en
cas de non-respect.

II- LA SEVERITE ATTENUABLE DE LA SANCTION DU TIERS SAISI DANS


PROCEDURE D’EXECUTION
37. Le tiers saisi est au carrefour des opérations de la saisie-attribution de créances. Personnage
neutre qui a simplement la malchance d’avoir un créancier qui ne paie pas ses propres dettes138,
le tiers saisi est invité malgré lui à la procédure de saisie-attribution de créances. Plus encore,
le législateur OHADA lui a accablé de multiples obligations assorties de sanctions sévères en
cas de négligence de sa part (A). Toutefois, le tiers saisi ne reste pas sans arme face à ces
sanctions. Il existe des limites à l’engagement de sa responsabilité. Ces limites font référence
notamment à l’existence de moyens de défense que ce dernier peut invoquer (B).

132
CCJA, 2ème ch., arrêt n° 40/2019 du 07 mars 2019, Société RAWBANK SA c/ Societe Bluesky Airlines SAS,
disponible en ligne à l’adresse https://www.juriafrica.com/lex/arret-040-2019-07-mars-2019-27056.htm, consulté
le 14 mai 2023.
133
CCJA, arrêt n°54/2005 du 15 décembre 2005, Société SODICARO SARL contre Standard Chartered Bank Côte
d’Ivoire, précité. Dans cet arrêt, la CCJA a retenu que la contestation concerne les seuls incidents relatifs à la saisie
et non point de tous les incidents indifféremment dont la saisie pourrait être l’occasion. C’est ce qui explique donc
le fait que le tiers saisi ne soit qu’« appelé » à l’instance en contestation.
134
V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 324.
135
A ce titre, le tiers saisi peut invoquer la mauvaise exécution du contrat ou de l’exception d’inexécution ou se
prévaloir d’une modalité particulière caractérisant objet de la saisie tel qu’une condition ou un terme.
136
Le contrat est synallagmatique lorsque les cocontractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres.
137
V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 326.
138
R. PERROT, P.THERY, « Saisie attribution : la situation du tiers saisi(les arrêts du 5 juillet 2000) », op. cit., p.
714.

17
A- L’AMPLEUR DE LA SANCTION DU TIERS SAISI NEGLIGENT
38. Le tiers saisi est soumis à des sanctions sévères en cas de violation de ses obligations. Ces
sanctions sont d’une part le paiement des causes de la saisie (1), et d’autre part, le paiement des
dommages-intérêts (2).
1) La condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie
39. L’article 156 de l’AUPSRVE révisé dispose que « le tiers saisi est tenu de déclarer au
créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui
pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies
antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives. Ces déclaration et
communication doivent être faites dans les deux jours à l’huissier de justice ou l’autorité
chargée de l’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours
si l’acte n’est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose
le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une
condamnation au paiement de dommages-intérêts ». Cet article en disant que toute déclaration
inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de
la saisie n’implique pas une condamnation automatique. En conséquence, la sanction du tiers
saisi au paiement des causes de la saisie obéit à certaines conditions et a un domaine
d’application précis.
40. Pour condamner le banquier tiers saisi au paiement des causes de la saisie, deux conditions
indispensables et cumulatives doivent être réunies. Il s’agit en l’occurrence d’une part de la
validité de la saisie-attribution de créance. En effet, si l'on veut faire condamner le tiers saisi à
l'une quelconque des sanctions prévues à l'article 156 al.2 de l’AUPSRVE révisé, il faut que la
saisie pratiquée soit valable. Ce qui est logique puisque si la saisie-attribution est entachée de
nullité, tout doit se passer comme s’il n’y avait jamais eu de saisie et comme, si par conséquent,
le tiers saisi n’avait jamais été tenu d’une quelconque obligation de renseignement139.Les
sanctions légales140 contre le tiers saisi ne sont applicables que si la saisie-attribution demeure
dans l’ordonnancement juridique141. Ainsi, pour que le banquier tiers saisi soit éventuellement
tenu au paiement des causes de la saisie, il faut que la procédure de saisie-attribution ait été
régulièrement menée142. Autrement dit, il faut qu’elle soit valide143. En effet, bien que l’article
156 al. 2 de l’AUPSRVE ne fait pas expressément de la validité de la saisie-attribution une
condition pour sanctionner le banquier tiers saisi qui se soustrait à ses obligations, la CCJA a
fixé sa jurisprudence dans ce sens. Pour cette dernière, « le tiers saisi est fondé à se prévaloir
pour sa défense de tous les vices affectant la saisie qu’on lui oppose et n’engage sa
responsabilité qu’à raison d’une mesure d’exécution forcée régulière »144. Pour que la saisie-
attribution de créance soit valide, le créancier saisissant doit d’une part détenir un titre

139
R. PERROT, P. THERY, « Saisie attribution : la situation du tiers saisi (les arrêts du 5 juillet 2000) », op. cit.,
p. 717.
140
Il s’agit notamment du paiement des causes de la saisie et/ou le paiement des dommages intérêts, et de
l’astreinte.
141
R. LAUBA, Le contentieux de l’exécution, Paris, LexisNexis, 3e éd., 2017, p. 311, cité par V.J.P. SILGA, La
pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 326.
142
A. LEBORGNE, Droit de l’exécution, Voies d’exécution et procédures de distribution, op. cit., p. 473.
143
J. WAMBO, La mise en œuvre de la saisie attribution de créances du droit OHADA, op. cit., p.168.
144
CCJA, arrêt, n° 111/2016 du 09 juin 2016, affaire Société OIKOCREDIT c/ ORABANK-CI,
https://www.juriafrica.com/lex/arret-111-2016-09-juin-2016-12073.htm, consulté le 09 mai 2023.

18
exécutoire145 portant sur une créance146présentant certaines caractéristiques147. D’autre part, la
créance-objet de la saisie doit être une créance de somme d’argent saisissable appartenant au
débiteur saisi. Par ailleurs, les formalités prescrites par l’article 157 de l’AUPSRVE révisé148
doivent être scrupuleusement respectées. S’agissant plus particulièrement de la signification de
l’acte de saisie, il est important de préciser qu’il doit être signifié au banquier tiers saisi par
l’huissier de justice lui-même et non par un clerc assermenté149. Á défaut, il sera invalide. Cela
s’explique en effet, par le fait que la saisie-attribution est un acte d’exécution, et de ce fait il
relève de la compétence exclusive de l’huissier de justice150.
41. D’autre part, il s’agit de l’existence d’une dette du débiteur saisi à l’égard du banquier tiers
saisi. En effet, le tiers saisi ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie pour
manquement à son obligation légale de renseignement que si, au jour de la saisie, il est
redevable d’une obligation envers le débiteur saisi151. Il semble illogique de sanctionner le
banquier tiers saisi pour le paiement des causes de la saisie alors que ce dernier n’est redevable
de rien152. La CCJA a adopté de façon constante cette position. Ainsi, pour elle, les dispositions
de l’article 156 al.2 de l’AUPSRVE ne peuvent pas s’appliquer « […] si la personne qui a fait
la déclaration n’a pas la qualité de tiers, et ce, même si l’inexactitude de la déclaration est
établie »153. Par ailleurs, pour la CCJA, « au sens de l'article 156 de l'Acte uniforme sus
indiqué, le tiers saisi est celui qui détient des fonds appartenant au débiteur du saisissant, et
l'absence de déclaration ou l'inexactitude des déclarations sur l'étendue de ses obligations à
l'égard du débiteur l'expose au paiement des causes de la saisie ;qu’ en retenant que « la
déclaration tardive du Trésorier général qui est assimilée à une absence de déclaration, ne
peut exposer l'Etat du Niger au paiement des causes de la saisie, dès lors qu'il est rapporté que
ce dernier ne détient dans ses livres aucune somme de HAMADI Mohamed au moment de la

145
Cette exigence trouve son fondement à l’article 153 de l’AUPSRVE. Cet article dispose que « tout créancier
muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre
les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions
particulières à la saisie des rémunérations ».
146
Cette créance est appelée créance-cause de la saisie.
147
La créance-cause de la saisie doit être certaine, liquide et exigible.
148
Cet article dispose que : « le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou l’agent
d’exécution. Cet acte contient à peine de nullité :
1° l’indication des noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s’il s’agit de personnes morales, de
leurs forme, dénomination et siège social ;
2° l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour
les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ;
4° l’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense
de disposer des sommes saisies dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;
5° la reproduction littérale des articles 38 et 156 ci-dessus et 169 à 172 ci-dessous ».
149
Art. 14 de la loi n°054-2017/an portant règlementation de la profession d’huissier de justice au Burkina Faso.
Cet article dispose que : « l’huissier de justice est un officier ministériel et public. Il a seule qualité pour :
- signifier les actes et les exploits ;
- faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n’a pas été précisé ;
- procéder à l’exécution des décisions de justice ainsi que des actes ou titres en forme exécutoire ».
150
A. LEBORGNE, Droit de l’exécution, Voies d’exécution et procédures de distribution, op. cit., p. 465.
151
R. PERROT, P. THERY, « Saisie attribution : la situation du tiers saisi (les arrêts du 5 juillet 2000) », op. cit.,p.
716.
152
La saisie-attribution est une mesure d’exécution forcée contre le débiteur saisi et non une mesure de garantie.
153
CCJA, arrêt n°062/2014 du 25 avril 2014, Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce
(BSIC-SA) et Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central c/ AIT International LTD, précité,
consulté le 10 mai 2023.

19
saisie […] », la Cour d'Appel a légalement justifié sa décision ; il s'ensuit que le moyen n'est
pas fondé »154.
41. Relativement au domaine d’application de la condamnation du tiers saisi au paiement des
causes de la saisie, il faut noter qu’en droit OHADA, les attitudes du banquier tiers saisi qui
peuvent donner lieu à sa condamnation au paiement des causes de la saisie sont prévues par
l’article 156 al.2 de l’AUPSRVE révisé. Selon cet article, le banquier tiers saisi engage sa
responsabilité au paiement des causes de la saisie lorsqu’il fait « une déclaration inexacte,
complète ou tardive ».
42. En ce qui concerne la déclaration inexacte, il faut préciser que le législateur OHADA ne
donne pas une définition de la déclaration inexacte155. Pour la doctrine, elle est définie comme
une déclaration qui ne suit pas rigoureusement la vérité de la situation des avoirs du débiteur
saisi156. En d’autres termes, une déclaration inexacte est celle par laquelle le tiers saisi ne dit
pas clairement ce qu’il détient à l’égard du débiteur saisi157. Ainsi, pour la CCJA, « constitue
une déclaration inexacte qui justifie la condamnation au paiement des causes de la saisie et
non au paiement des sommes reconnues par le tiers saisi, la déclaration par le tiers saisi, de
l’existence d’un seul compte appartenant au débiteur alors que lors d’une précédente saisie
conservatoire pratiquée par le même créancier, le même tiers avait déclaré l’existence de trois
comptes appartenant au débiteur »158.De même pour la CCJA , « les tiers saisis doivent être
condamnés à payer les causes de la saisie et le paiement solidaire de dommages-intérêts, dès
lors que d’une part, ils ont refusé de payer les causes de la saisie, violant ainsi les dispositions
de l’article 164 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution, et d’autre part, ont fait des
déclarations inexactes et incomplètes »159.
43. En ce qui concerne la déclaration incomplète, celle-ci peut se définir comme celle par
laquelle le tiers saisi met à la disposition de l’huissier de justice ou de l’agent d’exécution des
informations insuffisantes en occultant ou en taisant certains éléments relatifs soit à l’étendue
de ses obligations à l’égard du débiteur, soit aux modalités qui les affectent160. Constitue donc
une déclaration incomplète, le banquier tiers saisi qui « se contente simplement de déclarer le
solde négatif du compte saisi, vingt-quatre heures après la signification de l’acte de saisie, sans
mentionner les modalités pouvant affecter ses obligations vis-à-vis du débiteur, ni les
éventuelles cessions de créances, délégations ou saisies antérieures, en l’occurrence l’ATD
(avis à tiers détenteur qui est une saisie fiscale) pratiquée par l’Etat du Niger, et sans
communiquer les pièces justificatives de sa déclaration »161.Constitue par ailleurs une
déclaration incomplète, le tiers saisi qui « déclare que le débiteur saisi n’est pas un salarié,

154
CCJA, arrêt n° 040/2011, du 21/03/2008, Banque Islamique du Niger pour le Commerce et l'Investissement
dite BINCI SA c/ Etat du Niger, précité.
155
Il en est de même pour la déclaration incomplète et tardive.
156
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 01 mai 2023.
157
Ibidem.
158
CCJA, arrêt n°006/2015 du 26 février 2015, Société Ivoire Coton SA contre Société ECOBANK SA,
https://legalrdc.com/2015/02/26/ccja-arret-n-006-2015-du-26-fevrier-2015-%e2%80%a2-societe-ivoire-coton-
sa-c-societe-ecobank-sa/, consulté le 16 mai 2023.
159
CA Abidjan, arrêt n° 435 du 28 juillet 2011, K c/ BFA, ECOBANK, BACI, BNI, Juris Ohada, 2011, n° 4,
Octobre-décembre, p. 32 ; Ohadata J-13-13, https://www.ohada.com/documentation/jurisprudence, consulté le 16
mai 2022.
160
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 01 mai 2023.
161
CCJA, arrêt n° 071/2014 du 25 avril 2014, Banque Sahélo Saharienne pour l’Investissement et le Commerce c/
Assoumane Mamane, https://guilaw.com/cour-commune-de-justice-et-darbitrage-assemblee-pleniere-arret-n-
071-2014-du-25-avril-2014/, consulté le 17 mai 2022.

20
mais, perçoit plutôt les commissions sans en préciser le montant, ne satisfait pas à son
obligation de déclarer l’étendue de la créance ainsi que les modalités pouvant l’affecter et
s’expose en conséquence au paiement des causes de la saisie »162. Est également considérée
comme une déclaration incomplète, « la déclaration du gage au profit du tiers saisi, modalité
affectant l’étendue de l’obligation, sans production du contrat de gage en cause »163.
44. Quant à la déclaration tardive, elle signifie plus précisément une déclaration qui est faite
hors délai par le tiers saisi164. C’est-à-dire à l’expiration du délai de deux jours lorsque la
signification est faite à personne ou à l’expiration du délai de cinq jours si l’acte n’est pas
signifié à personne165. Ainsi, il résulte de l’article 156 de l’AUPSRVE révisé, que le tiers saisi
doit obligatoirement porter à la connaissance du saisissant, la signification de l’acte dans un
délai de deux jours, l’état de la situation des comptes du débiteur, la seule exception prévue par
l’acte uniforme étant celle du tiers saisi qui n’a pas personnellement reçu ledit acte et qui
dispose de cinq jours pour y répondre166. Par ailleurs, la déclaration tardive est assimilée à
l’absence de déclaration en droit OHADA167.
45. Pour la CCJA, le tiers saisi peut faire l’objet également de condamnation au paiement des
causes de la saisie, en dehors des cas prévus par l’article 156 al.2 de l’AUPSRVE. Il s’agit
notamment en premier lieu de l’obstruction à l’exécution forcée par le tiers saisi sur le
fondement de l’article 38 de l’AUPSRVE révisé168. Sur ce point, la CCJA a jugé que « le fait
pour un huissier de justice d’avoir vainement tenté de délivrer le procès-verbal de saisie-
attribution au siège d’une société durant la période indiquée dans le procès-verbal de
difficultés d’exécution et qu’il ait été contraint de dresser et s’être résolu, face aux difficultés
rencontrées, à délivrer le procès-verbal de saisie à mairie, caractérise suffisamment l’obstacle
à une procédure d’exécution forcée, et que c’est à bon droit que le tiers saisi a été condamné
au paiement des causes de la saisie »169. En second lieu, il y’a lieu de noter également l’absence
de communication des pièces justificatives par le tiers saisi170.
46. En plus de la sanction du tiers saisi au paiement des causes de la saisie, ce dernier peut être
aussi condamné au paiement des dommages-intérêts.

162
CA Abidjan, arrêt n° 1250, 13 décembre 2002, Nationale d’Assurance contre Kouakou Kpan Thérèse, Ohadata
J-03-306.
163
CCJA, arrêt n° 017/2015 du 02 avril 2015, Société Shell Cote d’Ivoire contre Société Générale de Banques en
Côte d’Ivoire, https://legalrdc.com/2015/04/02/ccja-arret-n-017-2015-du-02-avril-2015-%e2%80%a2-societe-
shell-cote-divoire-c-societe-generale-de-banques-en-cote-divoire/, consulté le 17 mai 2023.
164
Selon que la signification de l’acte de saisie est faite à personne ou non, au tiers saisi.
165
Pour Me Jérémie WAMBO, cette disposition est « compréhensible et logique, dans la mesure où une personne
autre que le destinataire de l’acte ne peut disposer ni de renseignements, ni de documents à fournir au saisissant
en lieu et place dudit destinataire »
166
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 01 mai 2023.
167
CCJA, arrêt n° 040/2011, du 21/03/2008, Banque Islamique du Niger pour le Commerce et l'Investissement
dite BINCI SA contre Etat du Niger, précité.
168
Cet article dispose que « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la
conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout
manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages-intérêts. Le tiers
entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au
paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur ».
169
CCJA, arrêt n° 06/2006 du 30 mars 2006, Société Indus-Chimie c/ Madame MERMOZ Roche Pauline et autres,
in Recueil de jurisprudence de la CCJA de l’OHADA, n°7, janvier-juin 2006, p. 28-31.
170
TPI Daoula, ordonnance de référé n°225 du 29 décembre 2000, Société des Hospices du Cameroun contre
Standard Chartered Bank, cité par H.P. ZOUATCHAM, La saisie des sommes d'argent entre les mains des
banques, p. cit., p.90. ; CCJA, arrêt n° 017/2015 du 02 avril 2015, Société Shell Cote d’Ivoire contre Société
Générale de Banques en Côte d’Ivoire, précité.

21
2) La condamnation du tiers saisi au paiement des dommages et intérêts
47. Tout manquement par le tiers saisi à ses obligations légales peut entraîner sa condamnation
à verser des dommages-intérêts au créancier saisissant. Les article 38, 81 et 156 alinéa 2 de
l’AUPSRVE révisé prévoient cette sanction qui peut être prononcée indépendamment ou
cumulativement avec celle du paiement des causes de la saisie.
48. La nature de la responsabilité civile du tiers saisi est une responsabilité civile délictuelle.
Dès lors, la mise en œuvre de cette responsabilité obéit à des conditions de responsabilité de
droit commun. En conséquence, le créancier saisissant qui demande la condamnation du tiers
saisi au paiement des dommages-intérêts doit prouver premièrement la faute du tiers saisi. En
effet, sur le fondement de l’article 1382 du code civil burkinabé171, la responsabilité civile
délictuelle du tiers saisi a pour base une faute de ce dernier. Dans le cadre de la saisie-attribution
de créances en droit OHADA, le tiers saisi peut-être condamné au paiement des dommages-
intérêts pour toute faute sanctionnée par la condamnation aux paiements des causes de la saisie.
Il en est ainsi en cas de déclaration inexacte, incomplète ou tardive.
49. Toutefois, selon une construction jurisprudentielle dans l’espace OHADA, les dommages-
intérêts ont un domaine spécifique qui est celui des fautes non sanctionnées expressément par
les causes de la saisie172. D’abord, c’est le cas lorsque le banquier tiers saisi procède de façon
négligente à la mainlevée irrégulière d’une saisie-attribution. En effet, pour la Cour d’appel
d’Abidjan « Considérant que la déclaration, inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers
saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie sans préjudice d’une condamnation
au paiement des dommages-intérêts, la banque qui, par négligence a procédé irrégulièrement
à la mainlevée d’une saisie attribution ne peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement
de ce texte ; Que cette négligence fautive qui ne rentre pas dans les prévisions de l’article 156
susvisé, ne peut exposer la SGBCI qu’à des dommages-intérêts ; qu’il s’ensuit que c’est à tort
que le premier juge a condamné la SGBC aux causes de la saisie ; qu’il y a lieu d’infirmer
l’ordonnance en toutes ses dispositions »173.
50. Ensuite, commet également une faute, le banquier tiers saisi qui fait perdre une chance au
créancier saisissant d’avoir paiement de sa créance. En effet, dans l’affaire Société Générale de
Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI contre Société Ivoirienne de Ciment et Matériaux dite
SOCIMAT, la CCJA a admis clairement la nécessité d’un préjudice déduit de la perte, du fait
du tiers saisi, d’une chance du créancier saisissant d’avoir paiement de sa créance174. En
l’espèce, il ressort de cet arrêt que, la SOCIMAT, créancière de la Société Constructions
Métalliques Ivoiriennes (CMI) a, par exploit en date du 30 avril 2008, fait pratiquer une saisie-
attribution de créances au préjudice de la CMI, entre les mains de la SGBCI qui a déclaré
n’avoir dans ses livres aucun compte ouvert au nom de la CMI. Toutefois, à l’occasion d’une
autre saisie le 16 octobre 2008, la SGBCI a déclaré détenir en ses livres un compte débiteur175.
Dans cet arrêt, la CCJA a approuvé la décision de la cour d’appel qui, pour condamner la
SGBCI, tierce-saisie au paiement des dommages-intérêts, a énoncé « qu’il est également établi
que du fait de la déclaration inexacte faite par la tierce saisie, la créancière a perdu toute
chance d’avoir paiement de sa créance au moment de la saisie du 30 avril 2008, dans la mesure

171
Cet article dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui causes à autrui un dommage, oblige celui par la
faute duquel il est arrivé de le réparer ».
172
B.F. BIBOUM, Les tiers dans le droit des voies d'exécution de l'OHADA, op.cit., p.213.
173
CA Abidjan, n° 138, 7 février 2003, Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI c/ YAO Germain
et AGCI, Ohadata J-03-235.
174
V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 226.
175
Ibidem.

22
où à cette date, la déclaration inexacte n’a pas permis de connaitre d’une part l’existence du
compte mais surtout si le compte était créditeur ; qu’ainsi la tierce saisie a fait perdre au
créancier saisissant de faire valoir ses droits avant la date de la dernière saisie qui a fait
ressortir le solde débiteur ; que le comportement fautif de la tierce saisie a donc eu pour
conséquence de nuire à la société saisissante ,de sorte que cette dernière est fondée à obtenir
réparation »176.
51. Enfin, une déclaration mensongère du tiers saisi est aussi constitutive de faute susceptible
d’engager sa responsabilité civile délictuelle. En effet, le comportement du tiers saisi doit être
empreint de neutralité et de bonne foi lorsqu’il est légalement requis. A défaut sa responsabilité
civile sera engagée. Ainsi, pour la Cour d’appel d’Abidjan, est mensongère, la déclaration
trompeuse du tiers saisi sur l’étendue de ses obligations vis-à-vis du débiteur saisi avec refus
volontaire de communiquer au créancier saisissant les pièces justificatives177.
52. Deuxièmement, il faut l’existence d’un préjudice causé au créancier saisissant. En effet, la
mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle du tiers saisi est conditionnée par
l’existence d’un préjudice résultant de la faute de ce dernier à la différence de la condamnation
au paiement des causes de la saisie178. De ce fait, dans l’affaire Financial Bank Gabon devenue
ORABANK contre PAMIKO Maritime Company et Monsieur PANOURGIAS NARKELIS,
la CCJA a affirmé que la responsabilité d’un tiers saisi ne peut être mise en œuvre dès lors que
le créancier saisissant ne rapporte pas la preuve d’un quelconque préjudice à être réparé par
l’allocation des dommages-intérêts. Ainsi, pour elle, « selon les articles 38 et 156 de
l'AUPSRVE, tout manquement par un tiers saisi à l'obligation de déclaration et de
communication lors de la saisie entre ses mains peut entrainer sa condamnation au paiement
des causes de la saisie et de dommages-intérêts. Ces sanctions, prévues pour garantir les saisies
régulières, ne peuvent s'appliquer contre un tiers-saisi si la saisie a cessé d'exister. Qu’en
prononçant la condamnation d'un tiers-saisi au paiement de dommages-intérêts pour
manquement à ses obligations de déclaration lors de la saisie alors que, d'une part, la
mainlevée de ladite saisie a été ordonnée bien avant l'introduction de l'instance en
responsabilité du tiers-saisi et que, d'autre part, le créancier saisissant n'a pas rapporté la
preuve d'un quelconque préjudice à réparer par l'allocation de dommages-intérêts, la Cour
d'appel a, par mauvaise interprétation, violé les dispositions des articles sus indiquées et
exposé son arrêt à la cassation »179.
53. Par ailleurs, dans un autre arrêt, la CCJA a jugé que le fait pour le tiers saisi de ne pas faire
sa déclaration dans le délai qui avait empêché au créancier saisissant de poursuivre en
connaissance de cause la saisie lui a causé « un préjudice certain » qui justifie la demande de

176
CCJA, arrêt n° 163/2015 du 17 décembre 2015, Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI c/
Société Ivoirienne de Ciment et Matériaux dite SOCIMAT, Ohadata J-16-156.
177
CA Abidjan, arrêt n°937 du 11 juillet 2003, AHOU N’GUESSAN c/ Caisse Autonome d’Amortissement,
Ohadata J-03-340.
178
En effet, la CCJA a affirmé dans certains de ses arrêts que dans l’application de l’article 156 al.2 de
l’AUPSRVE, aucune condition liée au préjudice n’est posée en ce qui concerne particulièrement la sanction du
tiers saisi au paiement des causes de la saisie. Sur ce point, Voy., CCJA, arrêt n° 86/2013 du 20 novembre 2013,
Union Gabonaise de Banque contre PANOURGIAS Narkelis, https://juricaf.org/arret/OHADA-
COURCOMMUNEDEJUSTICEETDARBITRAGE-20131120-0862013, consulté le 20 mai 2023 ; CCJA, arrêt
n° 163/2015 du 17 décembre 2015, Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI contre Société
Ivoirienne de Ciment et Matériaux dite SOCIMAT, précité.
179
CCJA, arrêt n° 144/2015, du 08/07/2013 et 096/2013/PC du 29/07/2013 : Financial Bank Gabon devenue
ORABANK c/ Société PAMIKO MARITIME COMPANY, Monsieur PANOURGIAS NARKELIS, Ohadata J-
16-137.

23
dommages-intérêts180. Toutefois, la tendance jurisprudentielle dans l’espace OHADA tend à ne
pas caractériser forcément un préjudice et à condamner le tiers saisi à des dommages-intérêts181.
C’est ainsi que la CCJA, dans l’affaire SGBCI contre Etablissements SYLLA et FRERES dits
ESF S.A, a jugé que le tiers saisi a fait des déclarations mensongères l’exposant de ce fait au
paiement des dommages-intérêts sans démontrer la preuve de l’existence d’un préjudice subi
par le créancier saisissant. Cet arrêt paraît critiquable dans la mesure où la déclaration
mensongère ne figure nulle part à l’article 156 al.2 de l’AUPSRVE, et de ce fait la CCJA ne
peut pas l’ériger en une sanction autonome ne nécessitant pas la preuve d’un préjudice subi par
le créancier saisissant. Aussi, même si les articles 38, et 165 de l’AUPSRVE créent une
présomption de responsabilité du tiers saisi facilitant de ce fait l’existence du préjudice, il est
important de préciser que cette présomption de responsabilité n’est pas irréfragable. C’est ce
qui a fait dire d’ailleurs, selon un auteur, que « cette tendance jurisprudentielle ne peut que
susciter la désapprobation sur le plan doctrinal dans la mesure où la mise en œuvre d’une
responsabilité civile délictuelle exige nécessairement la preuve d’un préjudice »182.
54. En plus de l’existence d’un préjudice, la mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle
du tiers saisi est subordonnée aussi à la démonstration d’un lien de causalité entre la faute du
tiers saisi et le préjudice subi par le créancier saisissant. Mais au-delà de ces conditions, le
créancier saisissant doit démontrer que la saisie elle-même est encore valable. En effet, le tiers
saisi ne peut aucunement voir sa responsabilité engagée, que ça soit en paiement des causes de
la saisie ou en paiement des dommages-intérêts, si la saisie-attribution n’existe plus au jour où
l’action est intentée par le créancier saisissant183.
55. Nonobstant les condamnations encourues par le tiers saisi, la jurisprudence a au fil du temps
admis au profit du tiers saisi des moyens de défense salvateurs.

B- L’ADMISSION AU PROFIT DU TIERS SAISI DE MOYENS DE DEFENSE


SALVATEURS
56. Le tiers saisi peut invoquer des moyens de défense pour échapper au paiement des causes
de la saisie. Certains moyens de défense font obstacle à l’acquisition même de la qualité de tiers
saisi (1). D’autres par contre, font obstacle au maintien de la qualité de tiers saisi (2).
1) Les moyens de défense faisant obstacle á l’acquisition de la qualité de tiers saisi
57. Les moyens de défense faisant obstacle à l’acquisition de la qualité de tiers sont
premièrement la nullité de l’acte de saisie. En effet, le tiers saisi ne peut être condamné au
paiement des causes de la saisie en cas de nullité de l’acte de saisie même s’il a fait une
déclaration fautive184. De ce fait, il a été jugé que l’action en paiement des causes de la saisie
contre le tiers saisi ne saurait être mise en œuvre que si la saisie est valable. En conséquence,
le tiers saisi ne saurait être condamné au paiement des causes de la saisie en cas de nullité de la

180
V.CCJA, arrêt n° 013/ du 29 juin 2006, Agence d'Exécution de Travaux d'Intérêt Public pour l'Emploi dite
AGETIPE-MALI c/ Société Smeets et Zonen, précité.
181
V.J.P. SILGA, La pratique de la saisie-attribution de créances en droit OHADA, op. cit., p. 227.
182
Ibidem.
183
Barak MOMA MUBENGU, la mise en œuvre de la responsabilité du tiers saisi dans la procédure de saisie-
attribution de créances, Ohadata D-19-18, p.27.
184
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 1er mai 2023.

24
saisie185. De même, la CCJA dans l’affaire UBA Cameroun contre Maitre Ndongmo Tapet
Thérèse, a jugé que « l’action en paiement des causes de la saisie contre le tiers saisi pour
déclaration tardive ne peut prospérer dès lors que le procès-verbal de saisie, fondement de
l’action, est nul pour défaut de mention à peine de nullité »186.
58. Par ailleurs, il peut arriver qu’entre le moment où la saisie est pratiquée et le moment où la
juridiction compétente est saisie d’un contentieux d’exécution, que l’acte de saisie soit annulé
à la suite d’une action intentée par le débiteur pour inobservation de l’une ou l’autre mention
prescrite à peine de nullité187. En effet, la CCJA dans l’un de ses arrêts, a jugé que « la demande
de condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie pour déclaration
contradictoire lors des opérations de saisie ne saurait aboutir dès lors que les saisies litigieuses
ont été annulées »188. En outre, dans l’affaire Cisse Abdoulaye c/ Bank of Africa dite BOA SA,
la CCJA a jugé que « le tiers saisi ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie du
fait de ses déclarations sur la base d’une saisie-attribution ayant fait l’objet d’annulation »189.
Ainsi, les sanctions du tiers saisi au paiement des causes de la saisie ainsi qu’aux dommages-
intérêts, doivent être écartées en cas d’annulation de la saisie-attribution de créances, en raison
du fait que cette annulation produit un effet rétroactif. C’est à dire que la saisie-attribution est
censée n’avoir jamais existée.
59. En deuxième lieu, il y a notamment l’absence de détention par le banquier tiers saisi d’un
compte du débiteur saisi. En effet, La personne qui ne détient rien pour le compte du débiteur
saisi ou ne détient que des dettes, ou que l’ensemble des comptes dégage un solde débiteur, ou
encore un compte déjà clôturé au moment de la saisie, n’a pas la qualité de tiers saisi190. Par
conséquent, elle ne peut être condamnée au paiement des causes de la saisie, même si elle aurait
fait une déclaration fautive191. Cette affirmation tire sa source dans la jurisprudence de la CCJA
notamment dans l’affaire Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce
(BSIC-SA) et Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central contre AIT
International LTD. Dans cet arrêt, la CCJA a clairement affirmé que « il ressort de l’esprit de
l’article 156 de l’AUPSRVE que ses dispositions s’appliquent exclusivement au tiers saisi,
c’est-à-dire la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur saisi en vertu d’un
pouvoir propre et indépendant. En conséquence, il y a lieu de relever que le défaut de
déclaration ou la déclaration tardive, et même si cette déclaration était donnée dans les délais
légaux, n’aurait eu aucun impact sur la saisie-attribution dès lors que la personne qui a fait ou
n’a pas fait la déclaration, ou l’a faite tardivement, n’a pas la qualité de tiers au sens de
l’article 156 susvisé »192.
60. De même, dans un autre arrêt, elle a jugé que « la banque saisie ne peut être considérée
comme un tiers saisi et condamné au paiement des causes de la saisie dès lors que celle-ci ne

185
CCJA, arrêt n° 066/2013 du 31 octobre 2013, Etat de Côte d’Ivoire c/ Akobe Georges Armand,
https://legalrdc.com/2013/10/31/ccja-arret-n-066-2013-du-31-octobre-2013-%e2%80%a2-etat-de-cote-divoire-c-
akobe-georges-armand/, consulté le 25 mai 2023.
186
CCJA, arrêt n°091/2013 du 20 novembre 2013, United Bank for Africa dite UBA Cameroun contre Maître
Ndongmo Tapet Thérèse, Ohadata J-15-45.
187
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 1er mai 2023.
188
CCJA, arrêt n° 086/2012 du 04 décembre 2012, Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI
contre Kadjane Abo Théodore, précité.
189
CCJA, arrêt n° 120/2016 du 23 juin 2016, Cisse Abdoulaye c/ Bank of Africa dite BOA SA, précité.
190
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 1er mai 2023.
191
Ibidem.
192
CCJA, arrêt n°062/2014 du 25 avril 2014, Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce
(BSIC-SA) et Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central contre AIT International LTD, précité.

25
détient pas de sommes d’argent pour le compte de la débitrice saisie qui ne justifie pas sa
qualité de titulaire d’un compte bancaire en ses livres, les sommes d’argent, initialement saisies
par ladite débitrice et libérées à la faveur d’une mainlevée judiciaire, appartenant à une tierce
personne avec laquelle le créancier ne se prévaut d’aucun lien juridique »193. Par ailleurs, le
tiers saisi, établissement de crédit, ne peut être condamné aux causes de la saisie lorsqu’il
invoque l’application de l’unicité des comptes découlant de la convention entre lui et son client,
dégageant un solde global débiteur194. Ainsi, pour la CCJA, « ne viole pas les dispositions de
l’article 164 de l’AUPSRVE, l’arrêt d’appel qui, pour relever que le tiers saisi n’a pas failli à
ses obligations, affirme que les différents comptes relatifs à une convention d’ouverture des
comptes constituent les sections d’un compte unique dont la position globale est opposable aux
tiers ; que par l’effet de ce principe d’unicité, ne commet aucune faute, le tiers saisi qui, pour
s’opposer au paiement réclamé par le créancier saisissant, invoque le solde global débiteur
des divers comptes fusionnés »195.
61. A côté de ces moyens de défense faisant obstacle à l’acquisition de la qualité de tiers saisi,
il existe d’autres moyens de défense faisant obstacle au maintien de la qualité de tiers saisi.

2) Les moyens de défense faisant obstacle au maintien de la qualité de tiers saisi


62. Les moyens de défense faisant obstacle au maintien de la qualité de tiers saisi sont
notamment la caducité et la mainlevée de la saisie. Concernant la caducité, il faut noter que le
défaut d’accomplissement de certaines formalités à la suite d’une saisie-attribution des créances
entraîne la caducité de l’acte de saisie. En effet, l’article 160 al.1 de l’AUPSRVE dispose
que « dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par
acte d’huissier ou d’agent d’exécution ». Si l’acte de saisie est caduc, il semble qu’il ne peut
plus produire ses effets à l’égard des intervenants, en particulier le tiers saisi et ne peut donc
donner lieu à sa condamnation aux paiements des causes de la saisie, même en cas d’une
déclaration fautive196. Ainsi, la CCJA a jugé dans l’un de ses arrêts que « l’acte notarié d’un
Etat étranger, titre exécutoire ayant fondé la conversion de la saisie conservatoire en saisie-
attribution des créances, étant déclaré irrégulier à défaut des formalités d’exéquatur, le tiers
saisi ne peut faire l’objet d’une condamnation au paiement des causes de la saisie-attribution
des créances et des dommages-intérêts dès lors que la saisie conservatoire ainsi convertie est
frappée de caducité, faute de formalités pour obtenir un titre exécutoire dans le mois de la
saisie »197.
63. Toutefois, dans le cas de la caducité de la saisie à la différence de la nullité, le tiers saisi
peut être exposé au paiement des dommages-intérêts. En effet, dans la pratique, le créancier
pourrait abandonner sa saisie et ne pas dénoncer l’acte de saisie au débiteur à cause d’une
réponse inexacte ou mensongère du tiers saisi, ce qui rend la saisie caduque. De ce fait, la
sanction au paiement des causes de la saisie ne pourra pas être appliquée au tiers saisi. En

193
CCJA, arrêt n° 165/2017 du 27 juillet 2017, Banque Atlantique Côte d’Ivoire dite BACI contre Maître
Diarrassouba Mamadou Lamine, précité.
194
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 01 mai 2023.
195
CCJA, arrêt n° 268/2019 du 28 novembre 2019, monsieur Jean-Delphin LOKONDE MVULUKUNDA c/
Banque Commerciale du Congo SA, https://legalrdc.com/2019/11/28/ccja-arret-n-268-2019-du-28-novembre-
2019-%E2%80%A2-monsieur-jean-delphin-lokonde-mvulukunda-c-banque-commerciale-du-congo-sa/, consulté
le 25 mai 2023.
196
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 1er mai 2023.
197
CCJA, arrêt, n° 111/2016 du 09 juin 2016, Société OIKOCREDIT contre ORABANK-CI, précité.

26
revanche, une action en paiement des dommages-intérêts dans les conditions de droit commun
pourrait être intentée contre ce dernier s’il a fait une déclaration inexacte ou mensongère198. En
conséquence, dès lors que le tiers saisi commet une négligence fautive, ou fait une déclaration
inexacte ou mensongère, il en doit réparation à hauteur du préjudice qui en découle, même si la
saisie‐attribution est dépourvue de toute efficacité199.
64. Quant à la mainlevée de la saisie, elle peut être judiciaire ou unilatérale. Elle est judiciaire
lorsqu’elle est prononcée par la juridiction compétente à la suite d’une action intentée par le
débiteur200 ou un tiers. Elle est unilatérale lorsqu’elle est donnée par le créancier, notamment,
après avoir été désintéressé par le débiteur201. Lorsqu’il y a une mainlevée de la saisie-
attribution de créance, le tiers saisi ne peut pas être condamné au paiement des causes de la
saisie. Pour la CCJA, c’est en violation de l'article 164 de l'AUPSRVE qu'une cour d'appel a
condamné une banque tierce saisie au paiement d'une somme déclarée par elle lors de la saisie,
dès lors que ladite saisie a fait l'objet d'une mainlevée volontaire de la part du créancier
saisissant, annihilant ainsi ses effets, car cette saisie n'existe plus du fait de la volonté du
créancier saisissant.
65. Du reste, la CCJA a déjà tranché dans son arrêt n° 13 du 29 juin 2006 que s'il a été procédé,
sur requête du saisissant, à la mainlevée de la saisie-attribution sur la base de laquelle l'action
en paiement des causes de la saisie est exercée contre le tiers, celle-ci devient sans fondement.
En conséquence, il y a lieu de casser l'arrêt attaqué, d’évoquer et de statuer sur le fond202. Par
ailleurs, « l’action en paiement des causes de la saisie et des dommages-intérêts contre le tiers
saisi ne peut prospérer dès lors que le procès-verbal de saisie-attribution sur lequel se fonde
ladite action est privé d’effet en raison de la mainlevée unilatérale donnée par les saisissants,
alors même que la déclaration faite par ledit tiers était de nature à permettre à ces derniers de
poursuivre en toute connaissance de cause, la saisie-attribution engagée »203.
66. De même, pour la CCJA, le tiers qui restitue les sommes saisies au débiteur lorsque celui-
ci se prévaut d’une décision exécutoire n’engage pas sa responsabilité204. Cette position de la
CCJA est conforme au droit positif et s’inscrit dans la tendance de sa jurisprudence en la
matière205. En dehors des moyens de défense ci-dessus évoqués, le tiers saisi peut également se
prévaloir d’autres moyens de défense. En effet, il peut aussi se prévaloir des exceptions qui lui
sont personnelles que sont la compensation, la remise de dette, ainsi que l’inexécution des
obligations contractuelles du débiteur saisi à son égard.
67. En somme, au détour de l’analyse de l’article 156 de l’AUPSRVE, il y a lieu d’insister
particulièrement sur la bonne compréhension des obligations qui incombent au tiers saisi que
sont l’obligation de déclaration au créancier de l’étendue de ses obligations vis-à-vis du débiteur
ainsi que les modalités qui pourraient l’affecter, la communication des pièces justificatives, le
caractère immédiat des déclarations et communications, la condamnation au paiement des

198
Cass. 2e civ., 19 mars 2009, no 08‐11.303, Bull. civ. II, no 78.
199
C. BRENNER et alii (Dir), Le Lamy Droit de l’exécution forcée, op. cit., consulté le 06 juin 2021.
200
Il peut s’agir d’une action en contestation de la saisie ou d’une action en insaisissabilité.
201
P. ABAYA KOY, « Les limites à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie en droit
OHADA », op. cit., consulté le 1er mai 2023.
202
CCJA, arrêt n° 033/2013 du 07 octobre 2008 : Société Générale de Banque en Côte d'Ivoire dite SGBCI c/
Monsieur CHERIF Souleymane, Ohadata J-15-33.
203
CCJA, arrêt n° 057/2016 du 21 avril 2016, Kaunan Kouassi Antoine, Billes Elaine Héloïse épouse Kaunan
contre Sociéte Ivoirienne de Banques dite SIB, https://guilaw.com/cour-commune-de-justice-et-darbitrage-
chambre-1-arret-n-057-2016-du-21-avril-2016/, consulté le 26 mai 2023.
204
CCJA, 3e ch., 8 avr. 2021, no 048/2021.
205
CCJA, 19 nov. 2015, n° 144/2015 ; CCJA, 16 avr. 2009, n° 023/2009.

27
causes de la saisie et/ou aux dommages-intérêts en cas de déclaration inexacte, incomplète ou
tardive.
68. Ce fondement est topique au plan pratique à plusieurs niveaux. D’abord, sur la qualité du
tiers saisi, il faut observer que l’existence d’un solde créditeur suffit à conférer la qualité de
tiers saisi. Mais, selon une jurisprudence isolée de la CCJA, la seule existence du compte suffit
à conférer la qualité de tiers saisi206. Toutefois, selon une position minoritaire, le compte même
débiteur confère la qualité de tiers saisi. En illustration, on relève cette décision de la CCJA
qui affirme « Qu’au contraire, la banque doit impérativement déclarer à l’huissier, dans les
délais susdits, l’étendue de ses obligations envers le débiteur et les modalités qui les affectent,
notamment par l’indication du montant précis du solde du compte au jour de la saisie
accompagnée des copies des pièces justificatives de sa déclaration, peu importe que le compte
soit créditeur ou débiteur »207. Ensuite, sur les pièces justificatives, la banque doit
communiquer les pièces justificatives, mêmes celles relatives au solde lui-même, comme par
exemple le relevé du compte (avec alors l’historique) ou de la « capture d’écran de
l’ordinateur ». Dans tous les cas, selon l’opinion du tribunal de commerce de Ouagadougou,
« en déclarant que la débitrice saisie est titulaire d’un compte dans ses livres dont le solde est
créditeur d’un millions vingt-sept mille (1 027 000) F CFA sauf erreur ou omission et sous
réserve des agios et frais éventuels non encore comptabilisés, sans que cette déclaration ne soit
suivie de pièces justificatives, la [banque] manque à son obligation »208. Enfin, sur
l’immédiateté de la déclaration, il était nécessaire que la déclaration soit faite sur le champ,
même si la saisie n’est pas signifiée au représentant légal, par application de la théorie du
préposé représentatif. Il faut saluer l’atténuation salvatrice qui a été apportée à cette injonction
par la récente réforme de l’AUPSRVE qui donne un délai de deux jours au tiers saisi pour faire
la déclaration si l’acte de saisie est signifié à personne.

206
(CCJA, arrêt n° 088/ 2015 du 08 juill. 2015, Etat du Burkina Faso c/ SGBB).
207
CCJA, 3è Ch. Arrêt n°111/2020, 09 Avril 2020, aussi CCJA, 3è Ch. Arrêt n°74/2019, 14 Mars 2019
208
TC Ouagadougou, ord. 14-3 du 30 janvier 2019 ; TC Ouaga, ord 14-3 du 30 janvier 2019 confirmée par la
CCJA, arrêt n° 021/2021 du 18 février 2021.

28

Vous aimerez peut-être aussi