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Ohadata D-05-30

LE DROIT PENAL DES SOCIETES COMMERCIALES


DROIT PENAL DES AFFAIRES DU NIGER : UNE CONSTRUCTION DUALE
ENTRE DROIT UNIFORME ET LEGISLATION NATIONALE

PAR ADAMOU RABANI


araban20@yahoo.fr

Introduction Générale

Le 17 octobre 1993, « un rêve fait au lendemain des indépendances par de


grands auteurs africains »1 venait d’être réalisé. En effet, seize pays africains
ont adopté le traité relatif à l’organisation pour l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique (Ohada). Les actes uniformes2 issus de l’ohada ont
concerné divers domaines du droit des affaires : le droit commercial général,
le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique,
les sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution,
les procédures collectives, le droit de l’arbitrage, la comptabilité, et les
contrats de transport par route.
Mais pourquoi fallait-il adopter ce nouveau droit dans cet espace ?
La réponse diverge selon les auteurs ; cependant elle est d’ordre historique.
En effet, beaucoup de pays africains, notamment en Afrique de l’ouest furent
colonisée par la France, d’où les règles juridiques applicables en matière de
droit des affaires portent la marque de l’héritage de la puissance coloniale.
Ainsi par exemple, la législation introduite au Sénégal en 1850 (code de
commerce français) s’appliquait dans les pays de l’Afrique Occidentale
française (AOF). Cependant, il faut le souligner, les droits européens qui
s’appliquaient pendant la période coloniale comportaient une notion d’ordre
public dans lequel l’élément économique était prioritaire car « annoncé au
départ comme un ensemble de principes garantissant le respect de la dignité
humaine, l’ordre public colonial fut très vite confondu avec la mise en œuvre

1
Jacque David, directeur de Juriscope, dans l’avant-propos de l’ouvrage : collection droit uniforme africain
publié à Bruyllant en 2002
2
L’ohada a procédé par la formule d’acte uniforme et se démarque complètement des notions classiques de
législations telles les décrets, loi, ordonnances…

1
d’une politique de développement justifiant la répression de tout
comportement destiné à ralentir ou à compromettre ce développement »3.
Après les indépendances, beaucoup de ces pays se rendent à l’évidence que
le droit colonial n’est pas applicable et ne favorisait pas le démarrage. On
assiste dès lors à une « ruée » de législations très complexes, s’emparant des
Etats, qui retombent dans un état législatif disparate, vétuste et inadapté,
que certains auteurs n’ont hésité à qualifier de véritable « maquis
législatifs »4. Tel fut le contexte dans lequel étaient les législations africaines
avant l’avènement de l’ohada. Le nouveau droit s’est donné des objectifs à
savoir un droit unique pour tout l’espace ohada, un droit adapté au
particularisme des économies africaines, un droit adapté aux besoins réels
des entreprises, et surtout un droit qui assure la sécurité des créanciers, des
tiers, et des investisseurs. Nous avons accordé une importance particulière à
cet objectif de l’Ohada, car aucun progrès économique ne peut être amorcé
sans assurer la sécurisation des acteurs. D’où la naissance d’un droit pénal
des affaires Ohada. En effet, aux termes de l’art 5 du traité Ohada, « les
actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale… ».
Dès lors, le législateur ohada aura à édicter des normes d’incrimination dans
toutes les matières ayant fait l’objet d’acte uniforme. L’importance donc de la
reforme nous a conduit à choisir dans le cadre de ce mémoire comme
thème : « Le droit pénal des affaires au Niger : une construction duale
entre droit communautaire et législations nationales »
Le choix du n’est pas du hasard. En effet, l’un des objectifs principaux du
regroupement est la sécurisation des affaires dans l’espace. Il faut donc à la
différence des autres organisations internationales, que l’ohada se dote d’un
arsenal répressif afin de répondre aux impératifs de développements dont
elle s’est fixés. En outre,la nécessité de cette étude pensons-nous, vient du
fait qu’il s’agit d’un transfert de souveraineté occasionné par la réforme. Le
champ du droit pénal des affaires ohada n’est pas des moindres, car allant
des incriminations couvrant tous les actes uniformes issus de l’ohada. C’est
pourquoi, l’abondance de la matière ne nous permet pas de faire une étude

3
Jacqueline Costa Lascoux : in « les infractions à la legislation économique »,édition africaine, 1990.
4
Djibril Abarchi, maître de conférence à l’université de Niamey in :revue burkinabé de droit, n°39, p78

2
globale du droit pénal des affaires au Niger. Cependant, nous avons choisi de
traiter d’un domaine plus complexe et où la pratique fait place des fois aux
fraudes et aux manœuvres délictueuses. Il s’agit du droit pénal des sociétés
commerciales. L’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et
groupement d’intérêt économique est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Il
faut noter que cet acte uniforme a profondément modifié le droit positif des
Etats-parties5. La partie III de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales
intitulées « disposition pénale » qui sera l’objet de notre étude est l’arsenal de
protection des acteurs économiques. La formule utilisée par l’ohada est
cependant fascinante car, elle a prévu des incriminations presque partout où
il le fallait, ce qui ôte les Etats de certaine parcelle de souveraineté, mais elle
renvoie aux Etats en retour la sanction. Dès lors, pour mieux cerner le
nouveau droit pénal des affaires au Niger, nous avons envisagé de suivre le
schéma classique en droit pénal. Ainsi, dans une Première Partie, nous
traiterons des incriminations prévues par le législateur communautaire en
matière commerciale(Première Partie) et dans une Deuxième Partie la
répression des incriminations par les juridictions nigériennes(Deuxième
Partie) avec bien entendu une perspective comparatiste avec le droit pénal
des affaires en France.

5
Les modifications ont surtout concerné la forme sociale en consacrant de nouvelles forme et supprimant
d’autres.

3
Première Partie : La détermination des incriminations par la
norme communautaire

Les sociétés, moyens privilégiés de drainage et d’utilisation des capitaux


indispensables à la vie économique, constituent le domaine d’expression par
excellence de ce qu’il est convenu d’appeler la « criminalité d’affaires » ou « en
col blanc ».
En effet, le code civil, en son Art 1832 donne la définition suivante de la
société : « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de se partager
le bénéfice qui pourra en résulter ».
Cette définition sobre connaît aujourd’hui, avec l’avènement de l’Acte
Uniforme de l’OHADA sur le droit des sociétés commerciales une
modification notable. En effet, l’acte uniforme donne la définition
suivante : « la société commerciale est crée par deux ou plusieurs personnes
qui conviennent,par un contrat d’affecter à une activité des biens en
numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de
l’économie qui pourra en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux
pertes dans les conditions prévues par le présent acte uniforme. ». De cette
définition, on se rend compte qu’une réaction publique est nécessaire pour
protéger les intérêts du public ou des associés, la morale commune ou tout
simplement la société elle-même. Pour l’histoire, rappelons ces affaires très
médiatisées,reprochant des abus à des dirigeants de sociétés en France, qui
ont défrayé la chronique : l’affaire dite du « phocéa » de Bernard Tapie ;
l’appauvrissement des sociétés de M.Botton ; du financement d’un journal

4
de M.Alain Carignon, ou de la mise en examen du PDG de la SNCF,M.Loik le
Floch-Prigent pour son ancienne action à la tête de Elf-Aquitaine…
En Afrique, nous pouvons citer entre autres l’Affaire Air Afrique, l’Affaire de
la BDRN (banque de développement de la République du Niger) ;la société de
cimenterie au Niger ; Des malversations à la tête du CNOU, affaire dite Tawai
(centre des œuvres universitaires) etc..
Cependant la particularité, ce que en Afrique,ces infractions aux sociétés
sont pour la plupart restées impunies à cause de l’interventionnisme du
politique dans les affaires. C’est pourquoi, la nécessité d’un droit
communautaire uniforme a été senti par les Etats, et ont conclu à la création
et à l’harmonisation du droit pénal des affaires dans l’espace ohada. C’est le
domaine de notre étude. Le droit uniforme a procédé à l’harmonisation des
infractions aux sociétés commerciales ;dès lors, l’étude du droit pénal des
sociétés selon Jean-Bernard Bosquet Denis correspond à trois approches ( cf
note bibliographique n°4) :
soit on recherche le but fondamental poursuivi par le législateur,et l’on
trouvera une cohérence entre les règles qui visent à protéger des associés
,porteurs de parts ou actionnaires, des obligataires, les contractants, ou
encore l’épargne.
-soit on s’attache à l’examen de chacune des sociétés (sa,snc,sarl,parmi les
sociétés commerciales ou civiles) ;
-soit enfin, on s’efforce de suivre la vie de la société, distinguant ce qui
concerne la création, la vie sociale, la fin de l’entreprise, des règles étant
nécessaires, parfois communes à toutes les sociétés, parfois spécifiques à tel
type de société. Pour notre part, nous nous rangerons à cette dernière
démarche,à travers trois chapitres :Les incriminations lors de la constitution
des sociétés commerciales (chapitre1) ;les incriminations pendant la vie des
sociétés commerciales (chapitre2) ;et enfin les incriminations en fin de vie
des sociétés commerciales (chapitre3).

5
ChapitreI : Les incriminations lors de la constitution des
sociétés

Toute création de société suppose l’initiative des fondateurs. Or, leurs


démarches dépendent du choix quant au but poursuivi, au capital
disponible, et à la forme sociale la mieux adaptée6.C’est donc un moment
très crucial dans le processus de regroupement des personnes appelées à
être membres de la future société. Il est dès lors nécessaire d’amener les
fondateurs décidés à mettre sur pieds une société à respecter la
réglementation. C’est pourquoi le législateur de l’ohada a prévu un certain
nombre de conditions de fond à respecter et de formalités à accomplir pour
la validité de la constitution de la société. Ces conditions de fond et de forme
sont encadrées par un contrôle préventif de l’autorité administrative. Mais la
société n’est constituée qu’à compter de la signature de ses statuts7.A ce
stade de la vie de la société, le droit pénal intervient pour garantir la
régularité de la constitution de la société. Ainsi, le législateur ohada
incrimine les actes déloyaux principalement lors de la formation du capital
social (section1), mais également certaines opérations bien que licites,
lorsque la société est irrégulièrement constituée (section2).

Section1 : Les infractions relatives à la formation du capital social

6
Yves Guyon :Droit des affaires,tome2, economica,2001
7
. voir art 101 de l’ausc

6
Aux termes de l’ Art 61 de l’ausc « toute société doit avoir un capital
social qui est indiqué dans ses statuts, conformément au présent acte
uniforme »
Que faut-il entendre par capital social ?
Selon Guillaume Serra8, le capital social n’est pas une notion définie par la
loi et la jurisprudence ; C’est donc par défaut et aux travers de ses fonctions
que sa signification peut être appréhendée, se distinguant des apports en
industrie, des quasi-fonds propres, des comptes courants d’associés, et du
patrimoine social . Le capital social apparaît comme la somme des valeurs
apportées en propriété par les associée. sous l’angle économique, il est une
source de financement non seulement pour démarrer, mais aussi tout au
long de la vie sociale. Sous l’angle juridique, c’est une garantie tant pour la
société que pour ses créanciers. L’existence du capital social exigée par la loi
est garantie indispensable pour l’économie , ou les personnes ayant des
rapports avec la société. C’est pourquoi le capital social fait l’objet d’une
protection tout au long de sa constitution .Ainsi le législateur ,à travers
l’ausc incrimine des actes mensongers particulièrement dangereux pour les
tiers ,les associés, et la société elle-même. les incriminations visent non
seulement la recherche du capital (paragraphe1),mais aussi sa déclaration
(pargraphe2)
.
Paragraphe1 : La recherche du capital

Dès le stade de la recherche du capital social, les fondateurs peuvent se


rendre coupables d’un certain nombre d’infractions. En effet, l’ausc
,reprenant la formulation de l’Art 433 ,Al 2 de la loi française du 24juillet
1966, a prévu en son Art 887,Al 3,deux types d’infractions qui ,bien que
différentes, sont identiques en pratique .Elles supposent l’une et l’autre un
mensonge suivi soit d’un résultat, soit d’un certain but. Deux infractions
sont visées, la simulation de souscription ou de versement (A) et la
publication des faits faux(B).

8
.bulletin joly, sociétés,no 7, juillet 2004, partie chronologique.

7
A. La simulation de souscription ou de versement

L’Art 887, Al 3 de l’ausc dispose « ceux qui ,sciemment, par simulation de


souscription ou de versement…qui n’existent pas….auront obtenu ou tenté
d’obtenir des souscriptions ou des versements… » . Le législateur ohada
incrimine à travers cet article, les mensonges consistant à présenter pour
vrais des souscriptions ou des versements qui en réalité n’existent pas. Des
auteurs ont qualifié ce délit d’escroquerie, mais en réalité ces mensonges
sont redoutables car il faut selon Jean Larguier, craindre en ces matières «
le procédé qui coûta la vie aux moutons de panurge… » (cf note biblio n°8).la
simulation de souscription peut porter soit sur la souscription, soit sur le les
versements. Une jurisprudence française a d’ailleurs rendu la tentative de la
simulation punissable9. Cependant, pour mieux appréhender le délit, il
convient de voir ses éléments constitutifs (1) et les personnes punissables
(2).

1.Les éléments constitutifs du délit de simulation

Comme la plupart des infractions aux sociétés, le délit de simulation est un


délit intentionnel. Dès lors, il nécessite la réunion d’élément matériel (a) et
d’élément moral(b).
a. L’élément matériel du délit
Le délit de simulation incriminé par le législateur présente une double
casquette. En effet, il consiste en des agissements de simulation, et en une
recherche des souscription ou de versements. s’agissant de la simulation de
souscription ou de versement, elle suppose l’établissement du caractère fictif
des souscriptions ou des versements d’une part et la preuve qu’ils étaient
affirmés sincères et veritables10.En pratique, le caractère fictif des
souscriptions est l’élément qui se rencontre le plus souvent. Il est en effet
selon M.B.Mercadal, difficile « d’échapper au versement de fonds car les
fondateurs qui les ont accueilli ont l’obligation de les déposer chez un

9
.Jean Larguier : droit pénal des affaires ,9è édition, A Colin, 1997, p 313
10
.Paris, 10 juillet 1987, gazette du palais, 1988, , j.259

8
notaire ou une banque »11.L’existence des versements implique donc que le
dépositaire accepte de reconnaître qu’il a reçu des fonds, qui en réalité ne lui
ont pas été remis. la doctrine considère qu’une pareille complicité paraît
invraisemblable compte tenu de la qualité des dépositaires que sont les
notaires et les banques .cependant, il faut distinguer la simulation de
souscription de versement même .En effet l’une peut exister sans l’autre,
c’est là que Jean Larguier distingue la souscription réelle n’ayant été suivi
d’aucune libération effective à travers un arrêt de la chambre criminelle de la
cour de cassation ,estime qu’un tel scénario est possible12 ,et un versement
réel n’ayant fait suite qu’à une souscription fictive. Ainsi, les souscriptions
sont fictives si tous les éléments requis pour la validité de l’engagement
d’entrée en société ne sont pas réunis. quant aux versements ,ils sont fictifs
lorsqu’il est affirmé qu’ils ont été définitivement mis à la disposition de la
société, alors qu’en réalité il n’en a pas été ainsi.
En définitive, la doctrine retient trois critères de versement fictif :en
l’absence de tout versement malgré l’affirmation contraire, en cas de
simulacre de versement ou de versement apparent ;en cas enfin de paiement
par compensation. les moyens employés pour réaliser des souscriptions ou
des versements sont des actes mensongers qui tendent à faire croire que les
souscriptions ou les versements prétendus ont été effectivement obtenus.
Selon Mercadal, « tous les procédés susceptibles d’accréditer ,dans l’esprit
des tiers cette idée sont répréhensibles ».Peu importe donc les moyens
utilisés pour matérialiser la simulation ,qu’elle soit antérieure ou
postérieure à la constitution de la société13.la jurisprudence française a
retenu à travers une série de décisions, les manœuvres
suivantes :l’établissement du certificat du dépositaire affirmant
inexactement la souscription intégrale du capital ou le versement du premier
quart14 ;les fausses affirmations appuyés ou non de la production de

11
.Pr Abdoullah Cissé,Université Gaston Berger du Sénégal dans : Collection droit uniforme africain relatif aux
sociétés commerciales et gie, ,titre3 de la 1ère partie,p241.
12
.Infractions aux regles de contitution et d’augmentation du fonds social, traité des sociétés, fasc.125.3, no7.
13
.cass.crim.,3 avril 1939,revue trimestrielle de droit des sociétés ,no39,p195.
14
.F. P. Blanc :cours de droit pénal des affaires, Master recherche droit privé et sciences criminelles, université
de perpignan, 2004-2005.

9
documents fallacieux15 ; ainsi que l’utilisation de jeux d’écritures ou
d’artifices de comptabilité16.D’autre part, la jurisprudence entend par
souscription ,tout engagement pris en faveur d’une société et rémunéré par
la délivrance d’un titre quelconque ;et le versement non seulement constitué
du premier versement effectué au moment de la constitution de la société,
mais encore des versements réalisés à la suite des appels des quarts
subséquents. le législateur a aussi tenu compte de l’élément moral du délit.
b.L’element moral du délit de simulation
l’infraction suppose l’action qui est commise <<sciemment>>,c’est à dire
selon l’expression de Jean Larguier,<<la conscience du but poursuivi et en
connaissance de la fausseté des faits prétendus>>.En effet, il y a dans la
société ,qui ne peuvent pas ignorer la connaissance de cette fausseté à cause
des fonctions qu’ils occupent. l’élément intentionnel tient donc à la seule
conscience qu’a l’agent de réaliser une simulation entraînant la souscription
ou le versement. une jurisprudence de la cour de cassation estime même que
l’intention délictueuse résulte suffisamment du fait que certaine personnes
en raison de leur fonction ne peuvent ignorer la fausseté des faits
publiés19.Dès lors, la mauvaise foi se présume dès l’instant ou l’auteur de la
simulation a agi en connaissance de cause. la simple provocation des
souscriptions ou des versements suffit pour démontrer le délit de simulation.
Cependant, il y eut des cas très rares dans lesquels des dirigeants furent
relaxés. C’est le cas par exemple d’un administrateur qui a joué un rôle
effacé dans la direction de l’affaire mais relaxé ,faute de démonstration de sa
mauvaise foi20. ;De l’administrateur qui ,bien qu’ayant envoyé son pouvoir,
n’a pas assisté à la réunion du conseil d’administration ou l’emprunt a été
decidé21 ;D’un administrateur ,apporteur en nature qui ,aveugle, avait établi
que les opérations de la société lui avaient coûté des sommes importantes
sans aucun profit en contreparties22.

15
.cass.crim.,27 janvier 1928,revue des sociétés, 1928, p.109
16
.C A Paris, 16 juillet 1902, journal des sociétés,
19
cass.crim., 14 janvier 1980, jcp 1980,p125
20
CA Douai, 18 Avril 1929, revue des sociétés, 1932,p596
21
tribunal correctionnel de Belfort, 4 novembre 1932,journal des sociétés, 1932,p596
22
CA Orléans,28 Avril 1887,journal des sociétés, 1888,p34

10
2. Les personnes punissables

Aux termes de l’ Art 887,al 3 de l’ausc, les auteurs et les complices sont
sanctionnés pénalement. S’agissant des auteurs, ce sont tous ceux qui ont
recours à la simulation pour obtenir des souscriptions ou de versements.
Encore faut-il déterminer le moment de la commission de l’infraction. En
effet, si l’infraction est commise à la constitution de la société, ce sont
inévitablement les fondateurs qui sont auteurs, ce qui exclut les premiers
administrateurs de la société car le délit est consommé avant leur
nomination.
Toutefois, les premiers administrateurs et même les administrateurs
suivants ou les gérants selon le cas ,sont responsables du délit avec les
fondateurs qui ont eu recours à la simulation pour obtenir des souscriptions
si,en connaissance de cause, ils procèdent à l’appel des quarts subséquents
ou premiers versement23.S’agissant des complices, ce sont ceux qui, en
connaissance de cause préparent ou facilitent le délit par des faits
antérieurs ou concomitants à son execution24.Cest ainsi que la
jurisprudence française a étendu la notion de complicité à un commissaire
au comptes qui a affirmé devant l’assemblée générale des actionnaires un
bénéfice inexistant et qui a certifié sincère un bilan fallacieux25 ;un chef
comptable qui falsifie les documents comptables et les procès verbaux du
conseil d’administration et des banquiers qui délivrent des reçus de
complaisance26.Mais la jurisprudence a écarté dans certains cas la
complicité. Il en est ainsi du directeur d’une société qui, malgré la
connaissance du défaut de libération des souscriptions n’a permis
qu’ultérieurement au souscripteur fictif d’opérer un encaissement au
préjudice de la société27 ;mais aussi du banquier qui a délivré des certificats
relatant faussement qu’il détenait ,immobilisés dans ses caisses ,des fonds
représentant le premier quart, s’il n’est pas établi que lesdits certificats ont

23
cass.crim.,5juin 1940,Dc 1941, Dh 1941.
24
Abdoullah Cissé, op cit,n°11.
25
cass.crim.,31mars 1933, journal des sociétés,1933, p529
26
cass.crim ;,26 fevrier 1904,Dp 1905,1,p17
27
cass.crim.,3 Avril 1939, revue trimestrielle de droit des sociététs,1939,p195

11
été produits lors de la déclaration notariée28.Qu’il soit auteur ou complice, le
législateur ohada a quand même tenu à incriminer la simulation .Cependant
il n’est pas à la fin des incriminations pendant cette recherche de capital ;Il
moralise la recherche également par l’incrimination de la publication de faits
faux

B. La publication de faits faux

De nombreux auteurs avaient estimé que la simulation et la publication de


faits faux constituent le même délit. Certes, ils concourent tous à obtenir des
souscriptions et versements, mais les deux délits présentent en réalité des
particularités. En effet, l’Art 887,dans sa rédaction a repris dans les mêmes
termes que ceux de la loi française du 24 juillet 1966, notamment l’Art
433,al2.Deux éléments sont donc retenus et constituent le délit : « la
publication » de souscription ou de versement inexistants, ou de « tous
autres faits faux ».
S’agissant de la publication ,peu importe le moyen utilisé. Ainsi une simple
communication personnelle ne suffit pas, par exemple un démarcheur. il y a
publication dans le cas d’un avis diffusé à la presse ou dans le journal
officiel, de déclaration à la télévision ou à la radio, prospectus ou lettres
circulaires29.Quant aux faits faux, l’Art 887, Al 3et4 vise tout fait faux et
donc sont considérés comme fait faux ,la publication de souscription ou de
versement qui n’existent pas et la publication des noms de personnes
faussement désignés comme attachés à la société. Mais la jurisprudence a
retenu deux critères de faits faux : les faits faux d’ordre juridique qui
constituent dans l’affirmation inexacte de la constitution régulière de la
société, ou la souscription intégrale du capital social ;et les faits faux d’ordre
économique qui peuvent concerner la publication de circulaire ou articles de
journaux annonçant une hausse considérable des actions, les affirmations
inexactes sur le droit de propriété ,la publication dans un code de cours

28
cass.crim.,3avril 1939 précité
29
cass.crim.,26juin 1978, B.212

12
fictifs30.En tout état de cause, le fait faux est répréhensible dès lors qu’il
implique une allégation de l’existence de certains faits, en réalité inexistant.
Tout comme le délit de simulation ,la publication de faits faux doit être
commise sciemment par son auteur ou son complice. Dans ce cas, la
complicité s’étend non seule ment aux démarcheurs qui après avoir réuni les
éléments mensongers les ont portés à la connaissance du public sous forme
de compte rendu inexact et trop élogieux31,mais également aux journalistes
qui publient en connaissance de cause ,les articles mensongers
conformément à la demande des fondateurs ou administrateurs32 ;Au
commissaire aux comptes certifiant sincère un bilan manifestement
frauduleux ou le conseil juridique qui prépare les actes frauduleux destinés
à etrepubliées33.Le législateur africain ne s’est pas contenté seulement
d’incriminer les atteintes à la recherche du capital social, il est également
intervenu au niveau de l’affirmation du capital social.
Paragraphe 2 :L’affirmation du capital social

Toute constitution de société suppose un capital social, même si des auteurs


le qualifient « d’institution qui paraît vieillotte et dépassée »34.Pour notre
part, signalons que l’Art 61 de l’acte uniforme sur les sociétés
dispose : « toute société doit avoir un capital social qui est indiqué dans ses
statuts, conformément aux dispositions du présent acte uniforme ».
Dès lors, le législateur africain ,conscient de l’enjeu du capital social
,réprime un certain nombre de comportements afin de le rendre plus réel.
Ainsi, deux séries d’actes mensongers sont visés par le législateur :
l’établissement du certificat du dépositaire (A) et la surévaluation des
apports en nature (B).

A. L’établissement du certificat du dépositaire

30
cass.crim.,10avril 1884,revue des sociétés,1885,p6
31
cass.crim.,16novembre 1889,D..1889,p436
32
CA Paris,17fevrier 1912,journal des sociétés,1913,p424
33
cass.crim ;,30mai 1930,juornal des sociétés,1931,p552
34
Yves Guyon :la mise en harmonie du droit français des sociétés avec la directive des communautés européenne
sur le capital social, jcp 1982,I,n°3067

13
Il s’agit encore du mensonge ,du mensonge grave que le législateur entend
réprimer car ce mensonge est destiné tantôt à rechercher le capital en
attirant frauduleusement les souscripteurs, hypothèse que nous avons vu ci-
dessus, tantôt à affirmer de façon inexacte la réalité du capital souscrit. En
France par exemple, l’Art 242,al 2 du code de commerce qui concerne le délit
a été abrogé par la loi du 15 mai 2001 ;on a procédé donc à sa
dépénalisation. Mais ces délits reçoivent désormais des qualifications du
droit pénal commun. A titre d’exemple, la simulation est assimilée à
l’escroquerie par abus de qualité vrai, alors que le délit sur le certificat du
dépositaire est qualifié de faux destiné à faciliter une escroquerie ou un abus
de biens sociaux. Quant au législateur ohada, ces infractions sont d’actualité
et sont visées par l’art 887 de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales
et G.I.E.
S’agissant de l’établissement du certificat du dépositaire, il faut préciser que
l’acte de société est un acte sous seing privé qui ne fait que l’objet d’une
immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier. Il ne fait
donc pas l’objet d’une authentification par le notaire. C’est pourquoi le
législateur a exigé des fondateurs pour l’affirmation de l’existence et
l’authentification du capital d’une société nouvellement crées, une
déclaration chez le notaire ou le dépositaire proclamant la sincérité des
souscriptions et la réalité des versements correspondants. Au cours de cette
opération ,s’il se trouve que le certificat de dépôt contient des allégations
fausses, les auteurs de ces mensonges sont punissables. En effet, selon l’Art
887,al1et 2,de l’Ausc, ayant repris l’art 433,al1 de la loi française de
1966, « encourent une sanction pénale, ceux qui ,sciemment, par
l’établissement du certificat du dépositaire constant les souscriptions et les
versements, auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu’ils
savaient fictives ,ou auront déclaré que des fonds qui n’ont pas été remis
définitivement à la disposition de la société ont été définitivement versés
,…ou auront remis au dépositaire une liste des actionnaires mentionnant
des souscriptions fictives ou le versement de fonds qui n’ont pas été mis
définitivement à la disposition de la société ».

14
Dès lors, pour être punissable, d’après l’article précité, il faut un élément
matériel caractérisé par des faits faux, et un élément intentionnel, la
mauvaise foi de l’auteur. S’agissant des faits faux, ils concernent le caractère
fictif des souscriptions et le défaut de réalité des versements . la doctrine
tient beaucoup compte de l’affectio societatis pour apprécier l’existence ou
non de la réalité. C’est pourquoi, il a même été jugé ,lorsque le désir de
s’associer fait défaut, le souscripteur n’est qu’ « un prête-nom » et la
souscription est fictive35.Le délit d’établissement frauduleux du certificat est
supposé commis le jour ou le certificat a été établi, ce qui permet de dire que
la prescription court à partir de ce moment, tout comme certaines
infractions d’affaires. c’est pourquoi, certains auteurs ont osé parler
d’infractions aux affaires imprescriptibles36. Il existe à coté du délit
d’établissement frauduleux de certificat dans l’affirmation du capital social,
un autre ,celui de la surévaluation des apports en nature.

B. La surévaluation des apports en nature :

L’art40 de l’ausc a prévu trois sortes d’apports pour participer à la société : il


s’agit de l’apport en numéraire(qui est généralement en argent), l’apport en
industrie(par la main d’œuvre), et l’apport en nature caractérisé par des
biens en nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels ; De
chaque catégorie d’apport les associés reçoivent des actions ou parts sociales
correspondantes à leur valeur. Si les deux premières catégories d’apport ne
causent pas de difficulté, leur valeur étant estimée connue, la troisième
catégorie pose des problèmes car il s ‘agit de biens contre des devises. En
effet, le principe de l’égalité des associés voudrait que l’apport en nature soit
évalué à sa juste valeur. Certes, comme l’a fait observé à juste titre Jean-
Marie Robert, « qu’en économie libérale des affaires, celui qui apporte n’est
pas un philanthrope, et qu’il a le droit (et même le devoir s’il est

35
cass.crim.,16mars 1981,bull crim.,n°94
36
Charles Freyria :imprescriptibilité du delit en droit pénal des affaires,jcp 1996,I,563

15
administrateur d’une société) d’obtenir, sauf fraude bien entendu , le prix
maximum de son apport ».
Mais il faut tout de même ajouter à la suite de Mireille-Delmas Marty, que
« beaucoup de sociétés ont une situation difficile parce que la valeur des
apporteur en nature a été exagérée »37. Il a donc paru plus efficace pour le
législateur ohada d’incriminer directement la majoration frauduleuse
d’apport en nature. Cependant, toute la difficulté est de déterminer la valeur
réelle de l’apport en nature. La loi ne spécifie pas ce qu’on entend par valeur
réelle et les commissaires aux apports adoptent la méthode qu’ils jugent la
plus convenable. Cette pratique ne met pas à l’abri la société qui risque de
supporter plus qu’elle ne peut. La pratique a consacré l’expression de valeur
vénale. Cependant, devant l’incertitude de la notion, la jurisprudence a eu à
l’occasion à travers l’affaire Willot, de préciser sa position. En effet, dans
cette affaire, les prévenus soutenaient que les apports(valeurs mobilières)
ayant été effectués à l’occasion d’une opération déterminée réalisée dans la
perspective d’un rendement et d’une rentabilité accrue, il était légitime de
valoriser sensiblement ces apports par rapport à leur valeur vénale. Le
tribunal en l’espèce, ayant retenu le délit de majoration frauduleuse, compte
tenu d’une surévaluation manifeste, les juges admettent cependant le
principe de la valeur vénale corrigée par la nature même de l’opération de
prise de contrôle en ces termes : « si les dirigeants de la société apporteuse et
de la société réceptrice ont débattu contradictoirement et librement de la
valeur de ces apports et de leur rémunération, on ne saurait leur faire grief
de les avoirs valorisés en considération de l’intérêt économique né du
rapprochement des deux entreprises, surtout s’agissant d’entreprises
industrielles »(trib.correct. Paris 16mai 1974).
En outre, il faut préciser les personnes punissables en cas de commission
du délit. En effet, il ne s’agit pas d’un délit de fonction, car l’acte
uniforme(art887) ne précise pas la qualité de la personne, auteur de
l’infraction. Cependant en général, les auteurs sont les apporteurs ou les
commissaires aux apports. Le législateur africain(ohada) s’est intéressé à la

37
M. Delmas Marty : Droit pénal des affaires, tome2,puf,p19

16
situation d’une société par action irrégulièrement constituée, mais qui exerce
certaines activités.

Section 2 :L’activité de la société irrégulièrement constituée :

La régularité d’une société tient à deux choses :d’une part il y a les


formalités de constitution qui doivent être accomplies ,et d’autre part
l’immatriculation. En ce qui concerne les formalités ,elles sont des formalités
de fonds(montant du capital social en fonction du type de société, la
souscription réelle ,définitive et intégrale du capital, le nombre d’associés et
la capacité des associés et administrateurs) et de forme (la souscription ,le
dépôt des fonds, la convocation de l’assemblée générale constitutive ,la
procédure concernant les apports en nature, etc..).L’immatriculation est
quant à elle effectuée au registre du commerce et du crédit mobilier.
L’absence de ces formalités rend la société irrégulière. Dès lors, l’acte
uniforme interdit deux activités d’une telle société : l’émission d’actions
(paragraphe1) et la négociation d’actions(paragraphe2).Nous ferons cas des
sociétés faisant appel public à l’épargne (paragraphe3).

Paragraphe1 :L’émission d’actions

Dans le souci d’éviter une dénaturation des autres formes de société dont
l’accès aux tiers est strictement contrôlé, l’acte uniforme leur a interdit
d’émettre des titres négociables .En effet, l’Art 58 de l’ausc dit expressément
que « les sociétés anonymes émettent des titres négociables… » et l’Art 886
du même acte dispose « est constitutif d’une infraction pénale ,le fait pour
les fondateurs ou administrateurs d’émettre des actions avant
l’immatriculation ,à n’importe quelle époque lorsque l’immatriculation est
obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement constituée ».la
lecture de ces deux articles ci-dessus énoncés permet de mettre en évidence
deux choses :d’une part les actions ne peuvent être émises que par les

17
sociétés par actions37 (A), et d’autre part l’étendue de l’interdiction de
l’émission par le législateur(B).

A .le domaine des actions

Seules les sociétés par actions sont autorisées à émettre des actions. L’acte
uniforme relatif aux sociétés commerciales n’a pas donné la définition de
l’action. Cependant, nous pouvons tenter une définition approximative selon
laquelle les actions sont des parts d’associés dabs les sociétés dites de
capitaux et sont caractérisées par leur libre cessibilité de principe ,se
présentant comme des fractions du capital social servant d’unité aux droits
et obligations des sociétés50.Le législateur est intervenu donc pour interdire
l’émission d’actions à ces sociétés qui ne sont pas de la forme des sociétés de
capitaux, ce qui est tout à fait naturel pour des personnes morales qui ne
peuvent pas être de cette forme.
Cependant l’incrimination dont il s’agit concerne les capitaux mêmes. En
effet, l’Art 886 de l’ausc interdit à la société anonyme d’émettre des actions à
certaines époques de la vie de la société.

B.L’étendue de l’interdiction de l’émission d’actions

L’Art 886 de l’ausc distingue trois périodes ou situations pendant lesquelles


les fondateurs et administrateurs ne peuvent émettre des actions. Ainsi, le
législateur interdit l’émission d’actions en cas de défaut d’immatriculation
régulière de la société, et en cas d’irrégularité des formalités de constitution.
Selon Mireille-Delmas Marty, la sanction de l’émission d’actions sans que
les formalités de constitution aient été régulièrement accomplies « fait partie
de l’ensemble des mesures imaginées par le législateur pour garantir la
régularité de la constitution malgré l’absence de contrôle
préalable »51.Cependant,il faut noter que malgré la formulation de l’article
précité qui laisse croire que les irrégularités constituent un élément

37
Mireille Delmas Marty : droit pénal des affaires,tome2, partie spéciale :infraction,puf,1990
50
rappelons que la société anonyme est la seule société par action prévue par l’acte uniforme de l’ohada
51
Abdoullah Cissé in :Collection droit uniforme africain, Bruyllant,2002,p256.

18
constitutif de cette infraction, la doctrine elle ,les considère comme une
condition préalable à l’infraction. Ainsi pour que l’infraction soit commise, il
faut un élément matériel et un élément moral ,en plus de l’irrégularité.
L’élément matériel s’analyse à l’émission du titre. l’émission peut être
employé comme « synonyme d’introduction de titre en bourse ou d’appel à
une souscription publique »52.Une jurisprudence ancienne de la cour de
cassation française a défini l’émission comme la création matérielle des titres
et leur remise aux souscriptions ,ou leur mise à disposition ,par exemple en
les plaçant dans leurs dossiers53.Mais depuis la loi du 30 décembre 1981 qui
a supprimé en France la création matérielle des actions, la cour de cassation
a adopté cette définition54.Désormais, les titres ne sont matérialisés que par
une inscription au compte de leur propriétaire. Ainsi, le délit existe dès que
les actions sont émises avant l’immatriculation, si l’immatriculation est
obtenue par fraude ,ou sans que les formalités de constitution aient été
accomplies. Certains auteurs considèrent que cette dernière hypothèse
cause quelques difficultés du aux différences de formalités de constitution
des sociétés55.
Pour ce qui est de l’élément moral, la loi ne requiert pas l’intention
frauduleuse, le seul fait d’émission dès lors qu’est établie l’existence de l’une
des irrégularités exigées suffit. Toutefois ,une faute matérielle est nécessaire.
l’infraction est un délit de fonction car « on ne peut punir que ceux qui
étaient en fonction au moment de l’émission… »45.l’Art 886 vise notamment
le président directeur général, le directeur général, l’administrateur général
ou son adjoint d’une société anonyme. Outre l’émission d’actions, le
législateur incrimine également la négociation d’actions.

Paragraphe 2 : La négociation d’actions

Pour protéger les acquéreurs qui ont des difficultés à vérifier la régularité
de certains titres ,le législateur a interdit purement et simplement la
52
M.Delmas-Marty,droit pénal des affaires,tome2,puf,1990,p253
53
Abdoullah Cissé, op cit ci-dessus
54
cass.crim.,10juillet 1926, Dh 1926.534
55
cass .crim.,30 mai 1996,bull.crim n°224

19
négociation d’actions sous peine de sanction pénale. Que faut-il entendre
par négociation ? Selon Michel Veron , « il faut entendre par négociation,
toute transmission interdite par l’un des modes du droit commercial réalisé
soit par le moyen d’un intermédiaire ,soit de gré à gré »56. L’Art 888 de l’ausc
ne définit pas la négociation d’actions, mais donne une catégorie d’actions
qui ne peuvent pas faire l’objet de négociation. la loi vise notamment :
-les actions nominatives qui ne sont pas demeurées sous la forme
nominative jusqu’à entière libération ;
-des actions d’apport avant l’expiration du délai pendant lequel elles ne sont
négociables ;
-des actions de numéraires pour lesquelles le versement du quart du
nominal n’a pas été effectué. A la différence de l’Art 886 qui incrimine
l’émission d’actions irrégulières, l’Art 888 ne réprime pas l’inobservation des
formalités de constitution ,mais sanctionne la négociation irrégulière
d’actions qui peuvent faire l’objet de transaction sur le marché financier. Il
convient dès lors de voir les dites irrégularités (A) et les éléments constitutifs
de l’infraction (B).

56
Michel Veron : Droit pénale des affaires 5è édition, 2004,p114

20
A. Les irrégularités rendant la négociation illicite :

La négociation est illicite dans trois hypothèses prévues par l’acte uniforme.
Il s’agit d’une part des irrégularités qui se rapportent à la forme des actions.
Il s’agit de la mise au porteur d’actions non encore libérées alors que l’action
de numéraire est nominative jusqu’à son entière libération. Donc la forme au
porteur de telles actions est irrégulière .D’autre part, il y a l’irrégularité
relative au délai de négociabilité. Ce délai est celui avant l’expiration duquel
les actions ne peuvent pas être négociables. En France ,un tel délai n’existe
plus depuis la loi du 5 janvier 1988. Enfin, les irrégularités relatives au
défaut de libération du quart . Aux termes de l’art 888 ausc, « ne peuvent
être négociées ,les actions de numéraires pour lesquelles le versement du
quart n’a pas été effectué ».Une telle disposition permet de déterminer la date
à partir de laquelle la négociation d’action peut intervenir, il s ‘agit de la date
du versement du quart. A ces trois irrégularités ,le droit français a ajouté
une autre. c’est le cas de promesses d’actions sauf en ce qui concerne les
promesses d’actions à créer à l’occasion d’augmentation de capital dans une
société dont les actions anciennes sont déjà inscrites à la cote officielle d’une
bourse de valeurs. Outre les conditions préalables, il y a des éléments
constitutifs du délit à déterminer.

B.les éléments constitutifs du délit :

Tout comme la formule traditionnelle en droit pénal, dans la détermination


des infractions, il faut pour que ce délit soit constitué, un élément matériel
et un élément moral. L’élément matériel se caractérise par la négociation .
En effet, « la négociation peut signifier la vente de titres sur un marché
public ,en banque, ou à la bourse, nécessitent la participation d’un
intermédiaire »57. Dans cette acception large, la négociation peut s’entendre
de tout mode commercial de transmission de titres ,ce qui exclut les modes
du droit civil de transmission (donation, libéralités etc..). Finalement, l’ Art
888 ne s’applique qu’aux contrats relatifs aux actes à titres onéreux dès lors

57
J. Larguier et Philipe Conte ,Droit pénale des affaires, 9è édition, A. Colin, p305

21
qu’ils réalisent un transfert de propriété. Il en est ainsi de la vente ,dation en
paiement, report en bourse….
Quant à l’élément moral, l’Art 888 dispose qu’il doit avoir été commis
« sciemment ». Dès lors, la mauvaise foi est requise. Mais la doctrine est
partagée à ce point car il peut s’agir d’une personne étrangère à l’irrégularité
qui rend la négociation coupable car « la négociation d’actions n’est pas
nécessairement commise par le personnel dirigeant de la société »58.Cette
distinction a permis à certains de considère qu’il y a deux délits distincts :le
premier sur la négociation, le second sur la participation à la
négociation59.Cette position permet tout de même de faire la distinction des
auteurs qui à n’en point douter peuvent être les fondateurs et les
administrateurs ,et les complices qui ont participer à la négociation.
Cependant, l’activité de la société irrégulièrement constituée présente un
aspect du délit quand il s’agit d’une société par action faisant appel public à
l’épargne.

Paragraphe 3 :le délit d’émission d’actions en cas d’appel public à


l’épargne.

L’art 905 de l’ausc dans sa rédaction est long. Néanmoins la précision de


certaines de ses dispositions est nécessaire. En effet, cet article
dispose : « Encourent une sanction pénale, les présidents les
administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés qui auront émis des
valeurs mobilières offertes au public… »
La disposition de l’article donne tout d’abord l’occasion de définir la société
faisant appel public à l’épargne. En effet, « sont réputées faire publiquement
appel à l’épargne, les sociétés dont les titres sont inscrits à la cote officielle à
compter de cette inscription, ou qui ,pour le placement des titres ont recours
à des établissements de crédit. »60. L’infraction d’émission est donc
imputable à certaines personnes (A) et concerne certains actes d’omission
(B).

58
Michel Veron :Droit pénale des affaires, A. Colin,2004,p117
59
Abdoulah Cissé op cit,n°11
60
M. Delmas Marty, op cit n°37

22
A. Les personnes visées

Aux termes de l’art 905 ,les personnes dirigeantes de la société sont visées. Il
s’agit non seulement du président, mais aussi des administrateurs, des
directeurs généraux. Le délit est donc un délit de fonction.

B. Les irrégularités coupables

L’art 905 sanctionne l’inobservation de certaines formalités dans le cadre de


sociétés faisant appel public à l’épargne et qui émet des valeurs mobilières.
En effet, le délit d’émission d’actions est réalisé dès lors que : la notice n’a
pas été insérée dans un journal habilité à recevoir des annonces légales ; si
les prospectus et circulaires ne reproduisent pas les énonciations de la
notice ; ou que les affiches et les annonces dans les journaux reproduisent
les mêmes énonciations ; enfin si les affiches ,prospectus et circulaires ne
mentionnent pas la signature de la personne ou du représentant de la
société dont l’offre émane et précisant si les valeurs offertes sont cotées ou
non et à l’affirmative à quelle bourse.
Aux termes de cette étude des infractions relatives à la constitution des
sociétés, il est regrettable que l’ohada ait procédé à une dépénalisation de la
publicité car n’en faisant aucune référence. Toutes ces infractions
permettent tout de même de prévenir non seulement l’irrégularité dans la
formation des sociétés ,mais aussi de sanctionner les malins créateurs
d’entreprises au détriment du public. C’est pourquoi l’œuvre du législateur
sera plus salutaire en incriminant des comportements au cours de la vie des
sociétés commerciales.

23
CHAPITRE II :Les incriminations en cours de vie des sociétés
commerciales

Une fois constituée, la société doit entretenir une activité pour réaliser son
objet social. Il est alors « essentiel d’assurer son fonctionnement normal ; et
les règles pénales vont avoir pour objet de protéger tous ceux qu’une gestion
frauduleuse ,voire simplement imprudente mettrait en péril »49. Aussi, la
société créée reste un instrument de tentation pour ses dirigeants , de
poursuivre des buts personnels, non conformes à l’objet social et à l’intérêt
collectif. Cependant la réussite de l’entreprise se mesure à la capacité
d’initiative de ses dirigeants, d’où « une vision trop juridique faisant planer la
menace constante de sanction aurait pour résultat l’inertie et l’incapacité
d’adaptation économique de l’entreprise 50. la société est à ce stade supposée
être régulièrement constituée,52 « gouvernée »53 selon l’expression de
Bissara, par ses dirigeants et contrôlée par des commissaires aux comptes.
Ces dirigeants sociaux qui ont tout pouvoir pour engager la société sans
avoir à justifier d’un mandat 54spécial, sont chargés d’assurer la gérance ,
l’administration, la direction de la société selon les cas. Devant cette position
de laisser pour compte des épargnants, le législateur ohada a procédé à
l’incrimination des comportements des intervenants dans la vie de la société.
Il a, dans son œuvre de légifère, voulu réduire quant à la forme au moins, le
nombre d’incriminations. C’est le cas par exemple de l’absence
d’incrimination de l’abus de pouvoir et des voix, prévu par le droit français.
Mais en réduisant ,le législateur aura parfois contribué à compliquer la
tache du juge. Il a tout de même voulu incriminer des comportements liés à

49
Wilfried Jandidier : Droit pénal des affaires, 2è édition, dalloz 1996.
50
J. Lacoste :responsabilité pénale :infraction aux regles d’émission et de négotiation d’actions,jcp1994,n°43
52
Jean- Bernard Bosquet-Denis,droit pénal des affaires,économica,1997,p31
53
.PH. Bissara, « les enjeux du debat sur le gouvernement d’entreprise » revue des sociétés, no 2, 1998
54
.voir l’art 121 de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et Gie

24
la gestion de la société( section 1), aux assemblées générales ( section 2) et à
la comptabilité ( section3).

Section 1 : Les infractions liées à la gestion de la société.

Divers détournement de fonction et abus se retrouvent sous des formes


diverses, dans la gestion des sociétés commerciales. En effet, pour mener à
bien la mission qui leur est confiée, les organes légaux de la société sont
dotés de pouvoirs plus ou moins étendus. Il faut alors éviter qu’ils n’en
abusent ou entravent l’exercice des droits légaux, car un auteur ne disait -il
pas qu tout homme qui exerce le pouvoir est porté à en abuser ?
Il ne pouvait être autrement pour les organes de la société qui , du fait de
leur position , font confiance aux détenteurs de ces pouvoirs, lesquels
trouvent dans leur situation même les moyens d’abuser de leurs droits, et il
est même un « savoir qui confère à ceux qui le détiennent un pouvoir de fait
,dont certains se laissent aller à trop bien user »55 . c’est pourquoi, à ce stade
de la gestion le législateur africain a relevé deux comportements
répréhensibles :l’abus des biens et du crédit de la société (paragraphe 1) ,
ainsi que dans le cadre du contrôle de la gestion(paragraphe 2).

Paragraphe1 :l’abus des biens et du crédit de la société

Aux termes de l’art 891 de l’ausc, « encourent une sanction pénale, le


gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs , le
président directeur général, le directeur général, l’administrateur général ou
l’administrateur général adjoint qui , de mauvaise foi, font des biens ou du
crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à
des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre
personne morale dans laquelle ils étaient intéressés directement ou
indirectement ». A travers cet article, le législateur incrimine des abus
portant sur des valeurs patrimoniales que représentent les biens sociaux ou
le crédit de la société. Sur ce point ,la loi française notamment l’art 425 de la

55
.j. larguier,op cit,p.329,no 370

25
loi du 24 juillet 1966 est plus sévère. En effet ,cet article incrimine en plus
les abus relatifs aux prérogatives exercées par les dirigeants sociaux dans le
cadre de leur mission, à savoir les pouvoirs et les voix dont ils disposent.
Cette incrimination n’a pas été visée par le législateur. Certains auteurs ont
cru penser que le législateur avait fait une économie de la rédaction.
Cependant pour notre part, nous pensons qu’il s’agit d’une incrimination, et
que en vertu du principe de la légalité des délits et des peines, et surtout du
principe l’interprétation stricte de la loi pénale, l’abus de pouvoir et des voix
doit être considérée comme inexistant dans le système pénal ohada.
S’agissant du délit d’abus des biens et du crédit de la société, il convient de
le définir(A) vue la complexité de la notion, avant de déterminer les
agissements qui sont délictueux(B).

A.Définition des incriminations

Parlant du délit d’abus de biens sociaux, peut être on peut s’étonner par le
fait que certains auteurs posent la question de savoir « pourquoi le
législateur a crée un délit spécial pour les dirigeants des
sociétés ? »56.Pourtant la question de cet auteur a bien un sens. En effet,
avant la loi du 8juin 1935 en France, toutes les infractions commises aux
sociétés étaient qualifiées d’abus de confiance et réprimées comme telle.
C’est l’art 408 de l’ancien code pénal français qui visait le délit d’abus de
confiance. Ce détachement avait la faveur de deux faits : d’une part , les
limites de l’abus de confiance auxquelles s’est confrontée la jurisprudence,
c’est ce qu’exprimait Louis Hugueney quand il écrivait « sous l’afflux des
fraudes commises en matière des société, l’art 408 avait débordé. Les eaux
qui l’enflaient ont pris maintenant un autre cours. Le moment est venu pour
lui de rentrer sagement dans son lit » ; d’autre part, il y avait un contexte
économique et politique particulier. Ainsi le contexte appelait aux reformes ,
par la loi du 8 juin 1935, pour assurer la sécurité des épargnants et le
développement des sociétés commerciales. Le Président de la République
Française de l’époque l’exprimait en ces termes : « la lutte entreprise par le

56
.Annie Médina, abus des biens sociaux, dalloz, Paris,2001

26
gouvernement contre la spéculation et pour la défense du franc appelle
certaines mesures qui apporteront aux placements faits par l’épargne une
plus grande sécurité en même temps qu’elles sanctionneront plus
efficacement les obligations qui s’imposent à tous ceux que les épargnants
ont investi de leur confiance pour la gestion et la surveillance de leurs
capitaux »57. Dès lors , le délit devient un délit autonome en France, alors
qu’ailleurs on s’appuie encore sur une infraction qui s’apparente à l’abus de
confiance. En Belgique par exemple, on se fonde sur l ‘abus de confiance
pour réprimer le même délit , mais plus sévèrement que l’abus de confiance ;
en Allemagne, on se fonde sur deux qualificatifs possibles : le détournement
visé à l’art 246 du code pénal allemand ,l’unterschlagung, et l’acte
d’infidélité, l’untreue à l’art 266 du même code. S’agissant du délit d’abus de
biens sociaux, on peut le définir comme « l’usage des biens ou du crédit de la
société par le dirigeant dans un intérêt contraire à celui de la personne
morale pour satisfaire un intérêt personnel direct ou indirect »58.Certes le
champ d’application du délit est vaste, mais son cadre légal est en réalité
étroit puisque le délit ne concerne que certaines sociétés seulement et ne
vise que certaines personnes. Ainsi le délit n’existe qu’en droit des sociétés et
ne concerne que l’administration des sociétés, ce qui exclut les autres
groupements comme les associations, les groupements d’intérêt
économiques et les établissements publics. Dans de tel cas et en l’absence
de textes spécifiques, les tribunaux appliquent l’abus de confiance aux
dirigeants de ces groupements. Cependant, que faut-il entendre par biens ou
crédit de la société ?
Les biens de la société correspondent à l’ensemble de l’actif mobilier et
immobilier de la société destiné à l’intérêt social. Quant au crédit ,il
s’analyse en la confiance qui s’attache à la société en raison de son capital,
la nature des affaires, et sa bonne marche. Une certaine doctrine étend la
définition de biens sociaux aux livres comptables, les correspondances, ou
les papiers d’affaires de toutes sortes59.Quant au crédit social, qui vient du

57
.voir dalloz periodique, 1935, 4,p 219
58
.definition donnée par Annie Médina « abus des biens sociaux »,dalloz 2001.
59
.J. m. Verdier, « les delits relatifs à la gestion des sociétés anonymes dans le droit pénal spécial des S.A, »
dalloz 1955, p.204

27
latin creditum(croire), la doctrine retient unanimement la définition proposée
par Rousselet et Patin selon laquelle « le crédit social est celui qui s’affiche à
l’établissement en raison de son capital, de la nature de ses affaires, de la
bonne marche de l’entreprise (…),en faire usage c’est engager la signature
sociale, exposer la personne morale à des paiements ou à des décaissements
éventuels ,lui faire courir des risques qui, normalement ne lui incombent
pas »60. Pour être pris en compte, certains agissements délictueux doivent
être accomplis.

B . Les agissements délictueux

L’art 891 de l ‘ausc dans l’incrimination de l’abus de biens et du crédit de la


société a visé deux agissements qui constituent les éléments matériels du
délit. Il s’agit non seulement de l’usage des biens et du crédit de la société (1)
mais cet usage doit être contraire à l’intérêt social(2)

1.l’usage des biens et du crédit de la société

l’acte uniforme s’est contenté de dire « un usage qu’ils savaient contraire à


l’intérêt social (…) », mais ne donne pas ce que consiste cet usage.
Cependant, la doctrine définit l’usage comme l’accomplissement d’un acte
positif et des actes de dispositions des biens sociaux. Pour les actes positifs,
il s’agit notamment d’acte positif sur les biens. Mais une jurisprudence
extensive considère que l’abstention peut être considérée comme l’acte
d’usage61.il s’agit dans cette affaire d’un gérant qui s’était abstenu de
réclamer à une société anonyme dont il est par ailleurs un administrateur, le
paiement de livraison faites à celle-ci. S’agissant des actes de disposition des
biens, il s’agit le plus souvent l’acte commis en permanence par les
dirigeants sociaux. L’acte de disposition peut s’analyse en des prélèvements
par le dirigeant pour couvrir des dépenses personnelles. La jurisprudence a
retenu plusieurs cas de prélèvements injustifiés. Il en est ainsi ,du virement

60
.Rousselet et Patin, delits et sanctions dans les sociétés par actions, sirey 1938,no 291,p220
61
.cass.crim.,15 mars 1972, revue des sociétés, 1973,p.357

28
fait par une société à son président sans que la société n’ait aucune dette
envers celui-ci62 ; le prélèvement sans imputation correspondante au dépit
du compte courant63 ; du transfert de fonds sociaux du compte de la société
au compte personnel du gérant64 ;du gérant accordant des délais de
paiement à deux sociétés dans lesquelles il était également intéressé, ayant
gravement compromis la trésorerie de la société créancièere65. l’acte de
disposition peut aussi consister en un détournement des biens appartenant
à la société. Il en est ainsi de l’appropriation par le gérant des fonds
provenant de la vente d’une machine appartenant à la société66 ; du transfert
du matériel, propriété d’une société dans laquelle le prévenu était dirigeant
au profit d’une autre entreprise dans laquelle il avait des interets67 ; du
détournement opéré au profit de tiers qui s’analyse en un établissement de
fausses factures68, ainsi que la confusion de patrimoine entre plusieurs
sociétés et associations créées par le prevenu69. néanmoins, il peut y avoir
usage sans appropriation au profit d’un tiers. La cour de cassation française
rappelle à ce propos que la simple utilisation abusive des biens dans un
intérêt personnel suffit à caractériser l’infraction en dehors de toute volonté
d’appropriation définitive. Dans l’affaire à l’occasion de laquelle la cour de
cassation a rappelé le principe précité, un gérant de société à responsabilité
limitée avait opéré des prélèvements sur les fonds sociaux avec l’assentiment
des associés, prélèvements inscrits dans la comptabilité sous la
rubrique « avances à régulariser » ou « avances au personnel »

2. L’usage contraire à l’intérêt social

Cet élément est le plus difficile à cerner selon les auteurs, c’est pourquoi il
est considéré comme une « notion vague , mal définie, caractère peu
compatible avec des dispositions répressives, mais qui justifie pourtant la

62
.C. A Paris,13 mars1992,juris-data no028027
63
.cass. crim.,28 octobre 1985,pourvoi no 85-90605
64
.C A Paris,10 janvier 1990,juris-data no 021267
65
.C A Paris, 14 fevrier 1990, juris-data no 025958
66
.cass.crim.,5 juin 1997,pourvoi no 96-84-883,lexis
67
.cass.crim., 28 novembre 1977,, jcp 1977,cl 1978, p33
68
.cass.crim.,29septembre 1999, pourvoi no 98-82-835
69
.C A Metz, 17 fevrier 1993,juris-data no 045225

29
présence du délit d’abus des biens sociaux »70. Devant le silence du texte
d’incrimination, la doctrine et la jurisprudence se sont efforcées de dégager
un critère. Cependant ni l’une, ni l’autre ne sont parvenues à donner une
définition générale de l’acte contraire à l’intérêt social car cette qualification
est une question de fait appréciée par les juridictions de fond. Pour dégager
un critère il faut se reporter à la définition de l’intérêt social, notion que des
auteurs qualifient d’indefinissable71. A propos de l’intérêt social, Jean
Paillusseau écrivait : « en dépit de la place restreinte qui lui a été réservée
dans les études relatives aux sociétés, il (l’intérêt social) apparaissait comme
l’une des notions fondamentales du droit des sociétés »72. certains auteurs
encore le considère comme un instrument pour contrôler la régularité des
actes sociaux, alors que pour d’autres c’est la « police des sociétés » à la
disposition des juges73. selon sousi, « l’intérêt social appartient à un groupe
de notion dont l’abus de droit et l’enrichissement sans cause font partie, qui
est destiné à faire respecter l’équité ». La doctrine en définitive , par excès de
résignation, estime que le texte de l’abus des biens sociaux aurait du viser
les actes du dirigeant étranger à l’objet social pour permettre une
application plus précise et stricte de l’infraction. La jurisprudence emboîte le
pas à la doctrine à ce propos74. cependant, dans certains cas, l’acte accompli
par le dirigeant, bien qu’entrant dans l’objet social, n’en est pas moins
contraire à l’intérêt social. La jurisprudence retient par exemple le cas de la
création de stocks occultes au sein de la société, le prix de vente de ces
stocks étant perçus directement par le dirigeant75. Dans d’autres cas encore
, l’acte accompli par le dirigeant, étranger à l’objet social constitue le délit
d’abus de biens sociaux. Ainsi en est-il du paiement par la société d’une
cuisine à une société dont le dirigeant était également gérant. La cour de
cassation française dans cette affaire relève expressément le caractère

70
.Annie Medina, « abus des biens sociaux » dalloz, Paris 2001, p79
71
.Francis lejeune, « cautionnement des sci : le faux critere de l’interet social », droit et patrimoine, juin 1996,
p.60
72
.J. Paillusseau : la société anonyme, technique juridique d’organisation de l’entreprise, thèse Paris, sirey 1967,
p173
73
.G. Sousi, « interet du groupe et interet social » reflexion à propos d’un jugement rendu par le TGI de Paris le
16 mai 1974 dans l’affaire willot-saint-frère, jcp 1975, no 11816, p 10
74
.cass.crim.,10 mai 1955,bull.crim, no 234
75
.cass.crim., 13 juin 1988,bull joly 1988,661

30
étranger à l’objet social de la depense76. Le délit d’abus des biens sociaux est
un délit spécial. En effet, il vise non seulement des personnes distinctes ,
c’est à dire en tenant compte de la fonction du dirigeant, mais aussi la
prescription du délit présent un caractère particulier, caractère que nous
étudierons au niveau de la répression. Ainsi, l’art 891 de l’ausc vise
notamment le président, le directeur général ou son adjoint, l’administrateur
général…
Il s’agit d’un délit qui atteint les personnes exerçant la direction de la
société. C’est le cas du gérant d’une société à responsabilité limitée ou de la
société en commandite simple, encore que ce gérant peut être associé ou
non. Il en est ainsi des mandataires sociaux de la société anonyme ,comme
le président, les administrateurs, les directeurs généraux. Cependant, dans
certains cas, le gérant d’une société peut être une personne morale. Or,
l’ohada n’a pas prévu la responsabilité pénale des personnes morales. Il
semble que dans une situation pareille,il serait possible de tirer profit de la
loi française du 24 juillet 1966 , notamment son art 221,al 3 qui
dispose : « si une personne morale est gérante ses dirigeants sont soumis
aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités
civiles et pénales que s’ils étaient gérants en leur nom propre, sans préjudice
de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’ils dirigent ». La
notion d’usage contraire à l’intérêt social dans le délit d’abus des biens
sociaux a fait l’objet de vives critiques de la part des auteurs comme Annie
Medina. En effet, cet auteur rappelle que le principe de la légalité des délits
et des peines s’impose aux juges qui n’ont pas le droit de créer des
incriminations, ni de déterminer des sanctions. Ils doivent impérativement
se limiter à appliquer les textes et sont même contraints de les interpréter
strictement. Le même principe s’impose au législateur à qui des auteurs
reprochent de ne pas incriminer le délit en des « termes clairs et précis ». Le
conseil constitutionnel français l’a confirmé en se basant sur la déclaration
universelle des droits de l’homme et du citoyen en ce que le principe
s’impose au législateur qui doit « fixer les règles concernant la détermination
des infractions et d’en définir les éléments constitutifs en des termes clairs et

76
.cass.crim., 27 fevrier 1997, pourvoi no 96-81-218

31
précis »77. Des infractions peuvent également être commises dans le cadre du
contrôle de la gestion des sociétés commerciales.

Paragraphe 2 :Le contrôle de la gestion

Si les dirigeants sociaux ou certains d’entre eux sont résolus à commettre tel
ou tel abus, ils s’efforceront sans doute d’éviter que ne soient découverts
leurs agissements, quid à ce que du coup, soit retardé le point de départ de
la prescription, notamment en matière d’abus de biens sociaux. Ils
souhaitent en tout cas se mettre à l’abri d’un contrôle que certains
dirigeants trouvent trop pesant. Pour éviter donc que ces dirigeants ne se
livrent pas facilement à des actes qui portent atteinte au patrimoine social,
le législateur ohada a prévu tout un système de contrôle de la gestion des
sociétés commerciales. En effet, l’art 694 de l’ausc précise que « le contrôle
est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs commissaires
aux comptes ». Toutefois, tout en permettant ce contrôle par les
commissaires aux comptes, l’acte uniforme a tout de même empêché à
certaines personnes de jouer ce rôle, consacrant ainsi un système
d’incompatibilité. Du coup, le législateur exclut les apporteurs en nature, les
administrateurs, certains parents ou alliés de ces personnes etc.…
L’acte uniforme sanctionne l’exercice de la profession au mépris des
incompatibilités78. En dehors de ces infractions relatives aux
incompatibilités, le législateur ohada a abordé la question du contrôle de la
société sous des aspects correspondants à des infractions : il a tout d’abord
incriminé les infractions au contrôle qui consiste en un obstacle à ce
contrôle de la part des dirigeants de la société(A) ; Ensuite, il incrimine les
infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes dans
l’exercice de leur fonction qui s’analyse en un refus de contrôle(B).

77
.conseil constitutionnel, 18janvier 1985, D 1986, 425
78
.voir 898 de l’ausc.

32
A.L’obstacle au contrôle :

Désireux d’écarter un contrôle seulement gênant ou dangereux pour eux s’ils


ont commis des actes délictueux, les dirigeants sociaux peuvent y mettre
obstacle de manière plus ou moins directe. Ces obstacles peuvent être non
seulement l’absence de désignation des commissaires aux comptes, mais
,même une fois désignés, ne pas les convoquer aux assemblées
d’actionnaires. Ils peuvent également faire obstacle à leur vérifications, ou
leur refuser la communication de documents. En définitive, deux actes
peuvent caractériser le comportement punissable : l’obstacle aux
vérifications ou à la convocation (1) et l’obstacle aux vérification ou le refus
de communiquer(2).

1.L’obstacle à la désignation ou à la convocation

En principe, les commissaires aux comptes sont désignés dans les statuts
de la société ou lors de la constitution de celle-ci, par l’assemblée
constitutive, ou par l’assemblée générale ordinaire lors de la vie sociale.
L’acte uniforme de l’ohada a permis à certains de designer un ou plusieurs
commissaires aux comptes. Il en est ainsi de la société anonyme par
exemple. Ainsi, il est fait obligation à tout dirigeant d’une personne morale
tenue d’avoir un commissaire aux comptes d’en designer ou remplacer en
cas de décès ou de démission. La même obligation est valable pour la
convocation du commissaire aux comptes aux assemblées d’actionnaires.
Cependant, il faut signaler qu’à l’origine et comme le droit français, le droit
ohada n’a pas prévu de commissaires aux comptes pour certaines sociétés
telles que la société à responsabilité limitée. Mais, aujourd’hui, l’acte
uniforme institue purement et simplement un contrôle éventuel par des
commissaires aux comptes. Cependant, la nomination d’un commissaire aux
comptes dans la société à responsabilité limitée obéit à des conditions
précises. D’après l’art 376 de l’ausc, sont tenues de designer au moins un
commissaire aux comptes les sociétés à responsabilité limitée dont le capital

33
social est supérieur à dix millions (10.000.000 de franc CFA) ou qui
remplissent l’une des conditions suivantes :
-un chiffre d’affaire annuel supérieur à deux cent cinquante millions
(250.000.000 de franc) ;
-un effectif permanent supérieur à cinquante (50) personnes.
Dès lors, pour les autres sociétés à responsabilité limitée qui ne remplissent
pas les conditions, la nomination d’un commissaire aux comptes est
facultative79. L’obstacle à la désignation peut résulter soit de la pure volonté
des dirigeants, soit de sa négligence, en ne la provoquant pas . C’est pour
cette raison que l’art 897 de l’ausc menace d’une sanction pénale « les
dirigeants sociaux qui n’auront pas provoqué la désignation des
commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqué aux
assemblées générales ».

2- L’obstacle aux vérifications ou le refus de communiquer

Ce délit est plus grave que le précédent. Il est prévu par l’art 900 de l’ausc.
En effet, le délit ne concerne pas seulement les dirigeants sociaux, mais
également tous ceux qui sont au service de la société, notamment les
salariés, experts comptables, c’est en tout cas ce qui ressort de l’art 900 qui
dispose : « Encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux ou toute
personne au service de la société qui, sciemment, auront mis obstacle aux
vérifications ou au contrôle des commissaires aux compte ou qui auront
refusé la communication, sur place , de toutes pièces utiles à l’exercice de
leur mission et notamment de tous contrats, livres, documents comptables
et registres de procès verbaux ». Dès lors on remarque que l’action en
connaissance de cause est nécessaire à l’existence de l’infraction, vu
l’adverbe « sciemment » , mais la mauvaise foi résulte des actes eux-
mêmes :exemple des réticences ou la fourniture de document incomplet ou
du refus de communiquer sur place. Mais le dirigeant ne commet pas
l’infraction selon une certaine jurisprudence, s’il refuse d’envoyer au

79
.cependant, elle peut être demandée en justice par un ou plusieurs associés détenant au moins le dixième du
capital social.

34
commissaire aux comptes des documents qu’il lui réclame ou s’il s’oppose à
ce qu’il les emporte avec lui. A vrai dire, les termes légaux contiennent le
refus et autorisent même selon les termes de la loi, à considérer que
l’infraction est constituée par l’attitude mettant obstacle au contrôle, même
si ce contrôle , en définitive a pu s’opérer. Cependant, selon la
jurisprudence, elle ne le serait pas si le commissaire aux comptes ne s’est
pas présenté effectivement dans l’entreprise80.
Cependant, s’il y a des dirigeants coupables, designer d’éviter ce contrôle, il
peut y avoir aussi des commissaires aux comptes malhonnêtes, n’assurant
pas le contrôle dont ils sont chargés. Alors il faut protéger aussi les
dirigeants, la société, les actionnaires, le public même, contre un contrôle
insuffisant mettant en péril de nombreux intérêts.

B. le refus de contrôle

Il faut tout d’abord signaler que la première sanction prévue à l’égard des
commissaires aux comptes fut celle qui frappe les incompatibilités.
Cependant, ici il s’agit de commissaire aux comptes non frappés
d’incompatibilités, désigné légalement et normalement mis en mesure
d’exercer sa fonction. A ce stade , le législateur rappelle sa mission, celle
prévue à l’art 716 de l’ausc « le commissaire aux comptes signale les
irrégularités et les inexactitudes relevées par lui au cours de
l’accomplissement de sa mission, à la plus proche assemblée générale. En
outre il révèle au ministère public les faits délictueux dont il a eu
connaissance dans l’exercice de sa mission, sans que sa responsabilité
puisse être engagée par cette révélation ».
Malgré cette mission dont il est investi, le commissaire aux comptes peut
violer ses obligations et tomber sous le coup des incriminations prévues à
l’art 899 de l’ausc. Il peut commettre l’infraction soit par action en donnant
ou confirmant des informations mensongères (1) ; soit par omission en ne
revelant pas au ministère public les faits (2).

80
.Paris, 1èr fevrier 1991, droit pénal 1991, 239

35
1.Les informations mensongères

Il s’agit là de ce que certains auteurs appellent « le devoir de vérité »81 du


commissaire aux comptes. C’est le fait de donner ou confirmer des
informations mensongères sur la situation de la société, qu’il soit en son
nom personnel ou à titre d’associé d’une société de commissaire aux
comptes. Il peut aussi s’agir de communication écrite ou orale, publique ou
privée. Cependant il doit s’agir d’informations dont le commissaire aux
comptes a connaissance pour que l’infraction existe.
L’art 710 de l’ausc précise que « le commissaire aux comptes certifie que les
états financiers de synthèses sont réguliers et sincères et donnent une image
fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que la situation
financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ». C’est donc
pour éviter que ce rôle du commissaire aux comptes ne soit un vain mot que
le législateur l’a assorti de sanction pénale à l’art 899, en cas
d’inobservation.

2.La non-revelation des faits délictueux

Malgré le principe du secret professionnel, la loi impose au commissaire aux


comptes l’obligation de reveler au procureur de la république les faits
délictueux. Mais la non révélation des faits délictueux n’est punissable que
si certaines conditions sont réunies. Ces conditions tiennent aux faits
délictueux, à la non révélation, à la connaissance des faits délictueux, et à la
mauvaise foi. S’agissant des faits délictueux, si le commissaire aux comptes
constate l’existence de faits délictueux dans la constitution ou la gestion de
la société qu’il contrôle , il doit les révéler selon une jurisprudence
constante61, faisant ainsi du commissaire aux comptes en collaboration du
parquet .Cependant des objections de deux ordres ont été faites contre cette
conception. La première est d’ordre juridique. En effet il peut arriver que les
faits ne soient pas punissables en raison par exemple de la bonne foi de

81
.J.larguier et PH. Conte :droit pénal des affaires, 11è édition, A. clin, 2004, p 149
82 Cass,crim, 12 janvier 1981,jcp 1981,2, 19660/

36
l’auteur, matériel qui a bénéficié d’un non-lieu ou relaxé. Dès lors, le
commissaire aux comptes peut craindre que sa propre bonne foi ne lui
épargne pas toute responsabilité .Mais la cour de cassation française a
estimé que l’obligation de dénonciation exclut en toutes circonstances
l’infraction de dénonciation calomnieuse83. La deuxième objective est d’ordre
psychologique .Dans une telle situation, le commissaire aux comptes, dans
des cas douteux, sera dans une position difficile. En définitive, la chambre
criminelle de la cour de cassation française impose de révéler au procureur
de la république « les irrégularités susceptibles de recevoir une qualification
pénale, même si celle-ci ne peut en l’état être définie avec précision »84. Mais
que faut-il entendre par faits délictueux ? IL s’agit des infractions
concernant la constitution ou la gestion de la société contrôlée ou des
entreprises comprises dans la consolidation des comptes. La jurisprudence a
par la suite consacré des solutions extensives en retenant la responsabilité
du commissaire aux comptes qui n’a pas revelé des infractions fort diverses,
allant de l’exercice illégal de la profession de banquier faux, au non-
reversement de précomptes à une caisse de retraite etc…85, même s’il les
avait apprises à la suite de circonstances fortuites étrangères à ses
contrôles. La deuxième condition tient à la non-revelation des faits. La non-
revelation n’est pas sanctionnée si l’information est déjà parvenue au
procureur de la république .Aussi, la loi n’impose pas de délai pour porter à
la justice la connaissance des faits délictueux. Toutefois, la détermination de
l’instant où le commissaire aux comptes aura acquis la connaissance est
importante, car de l’instant dépend le point de départ du délai de la
prescription de l’action publique. Une jurisprudence récente situe ce délai à
la date de la certification des comptes86.
La connaissance des faits délictueux est une condition du délit. En effet,le
principe « nul n’est censé ignoré la loi » s’impose au commissaire aux
comptes, car il ne saurait ignorer le droit des sociétés puisqu’il doit,
contribuer à la faire appliquer. Il ne peut donc arguer de son ignorance du

83
cass.crim.,3fevrier 1998, D1998,. 443
84
cass.crim., 15 septembre 1999,bull joly 2000,25
85
tribunal correctionnel le havre, 23juin 1975,gaz pal 1975.2784.
86
cass.crim.,24 mars 1999, B53

37
fait délictueux pour se disculper. Enfin, la mauvaise foi du commissaire aux
comptes doit exister. L’art 899 de l’ausc emploi le terme « sciemment », mais
exige quand même la connaissance du fait délictueux de la part du
commissaire aux comptes. En vue toujours de protéger les animateurs de la
société, notamment les actionnaires et associés, le législateur africain a créé
un nouveau délit qui est celui relative aux assemblées.

Paragraphe 3 : les infractions liées à la comptabilité des sociétés

Nous avons vu en début du premier chapitre que la société se définit comme


étant « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes qui conviennent
d’affecter à une une activité , des biens en numéraire ou en nature, dans le
but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en
résulter ».
Dès lors, le but principal de la société est la réalisation de bénéfices , qui
sera la contrepartie pour chaque détenteur de titres car il doit être reparti
entre ceux-ci. Cette répartition se fait par le moyen de la comptabilité . la
comptabilité concerne tous les éléments du bilan des exercices de la société,
du capital social jusqu’au résultat de l’exploitation. La comptabilité joue un
rôle très important dans la vie des affaires. C’est pourquoi , dans l’espace
ohada un plan comptable (syscoa) a été adopté par les pays membres de
l’UEMOA en vue d’harmoniser le système de contrôle des entreprises et
sociétés.
La notion de comptabilité recouvre deux conceptions, dont l’une étroite qui
fait apparaître la comptabilité comme une simple « technique
d ‘enregistrement des valeurs »93, et l’autre , plus large qui correspond à une
« technique d’appréciation , d’interprétation et d’orientation de la vie
financière de la société ».
Ainsi, afin de mieux protéger les associés, et la société elle-même, le
législateur a rassemblé les deux conceptions étroite et large pour dégager
deux catégories d’infractions à la comptabilité des sociétés. Ainsi, il

93
M. Delmas Marty, op cit n°37

38
incrimine les irrégularités comptables(paragraphe1) et les modifications de
capital(paragraphe2).

A: les irrégularités comptables

La loi vise à sanctionner à travers ces irrégularités comptables, le défaut de


sincérité comptable. En effet, certaines législations ont même sanctionné les
irrégularités dans l’établissement de la comptabilité. C’est le cas de la loi
française du 24 juillet 1966, en son art 439. Par contre, l’ohada à travers
l’acte uniforme sur les sociétés commerciales a plutôt visé la sincérité et la
transparence de la comptabilité. Ce qui se traduit par plusieurs
incriminations prévues par les articles 889 et 890 de l’ausc. Mais
globalement, les irrégularités sanctionnées pénalement sont d’une part la
distribution de dividendes fictifs entre les associés(A) et la communication
d’états financiers infidèles(B).

1.La distribution de dividendes fictifs

L’art 889 de l’ausc dispose : « encourent une sanction pénale, les


dirigeants sociaux qui, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaire
frauduleux, auront sciemment opéré entre les actionnaires ou les associés la
répartition de dividendes fictifs ».
Une telle distribution serait préjudiciable aux associés de même qu’à la
société car c’est le capital lui même qui sera entamé puisqu’en réalité il n’y a
pas de bénéfices à partager. C’est pourquoi selon Jean Larguier, le
législateur doit intervenir pour éviter une « double faute et un double
danger » : péril pour la société et pour ses créanciers car le capital social se
trouverait dilapider ; danger pour les tiers pour qui on fait semblant que tout
va mieux car la distribution de dividende est signe de prospérité.

39
D’autre part, la répartition de bénéfices est un acte préparant d’autres
escroqueries : dilapidation du capital comme nous l’avons vu, pour le
présent, duperie concernant le présent et l’avenir94.
Le législateur incrimine donc la distribution de dividendes fictifs lorsque ses
éléments matériel et moral sont réunis. Il faut donc un inventaire fictif ou
frauduleux (1) une répartition de dividendes fictifs(2) et une mauvaise foi(3)
pour que le délit soit punissable.

a.inventaire absent ou frauduleux

L’absence d’inventaire ou le caractère frauduleux de celui-ci est une


condition essentielle pour l’infraction. L’inventaire apparaît comme un relevé
descriptif et estimatif des créances, des dettes et des biens de la société.
C’est donc du bilan qu’il s’agit ou tout compte rendu permettant d’apprécier
l’état du patrimoine social. L’infraction disparaît si l’inventaire est exact, car
les dividendes peuvent être fictifs en cas d’inventaire exact. C’est le cas par
exemple de dividendes distribués avant approbation des comptes ou
constatation de l’existence des sommes distribuables ou avant détermination
par l’assemblée générale de la part attribuée aux associés. Donc pour que
l’infraction puisse exister, il faut que l’inventaire soit absent(a) ou
frauduleux(b).
- l’absence d’inventaire
L’inventaire était considéré dans son sens large comme toute situation
permettant de connaître l’état du patrimoine de la société. Son défaut à
l ‘occasion de distribution de dividendes fictifs se rencontre rarement,
contrairement à l’inventaire frauduleux.
- l’inventaire frauduleux
C’est le fait le plus fréquent, indépendamment de ce qui a été dit sur
l’inexactitude de tout bilan. L’art 889 de l’ausc fait de ce élément, un élément
aussi essentiel que l’absence d’inventaire. Dans le cadre de l’inventaire
frauduleux, l’inexactitude de l’inventaire s’accompagne de la mauvaise foi de
son auteur puisque le texte renvoie à la fraude. Cette fraude peut se

94
J. Larguier et Philipe Conte,op cit n°104

40
manifester par une majoration de l’actif ou la minoration du passif. La
majoration d’actif peut soit résulter d’une surestimation, soit d’une
simulation. Par rapport à la surestimation, il peut s’agir de surévaluation
d’éléments réels d’actifs, par exemple la surévaluation de stocks ou de
valeurs des titres ou encore l’inscription des frais généraux comme frais et
travaux de premier établissement. S’agissant de la simulation, il peut
également s’agir de la simulation de l’existence d’éléments d’actifs, en réalité
inexistants, par exemple l’inscription à l’actif de créances en réalité
irrécouvrables ou la simulation de stocks inexistants. Parfois la simulation
peut consister à faire figurer à l’actif des créances appartenant à l’exercice
suivant. La fraude peut se manifester aussi par une minoration du passif.
Cette minoration peut consister à sous-évaluer une dette. Par ce mécanisme,
on fait passer sous silence un risque de perte, en taisant par exemple le
montant d’une condamnation de première instance ; ou encore une garantie
donnée à un tiers alors que la solvabilité du débiteur principal est
douteuse95. Il peut aussi s’agir par exemple d’une omission d’inscription
d’une charge en reportant une partie des frais généraux sur le compte de
l’exercice suivant. Le second élément de l’infraction tient à la distribution de
dividende fictif.

b.la répartition de dividendes fictifs

La rédaction de l’art 889 de l’ausc vise expressément la répartition de


dividendes. Cependant, l’élément infractionnel tient à l’acte de distribution(a)
et au caractère fictif(b).

a. l’acte de distribution

pour retenir l’existence d’un acte de distribution, il n’est pas nécessaire que
les dividendes aient été perçus effectivement par les associés et actionnaires,
après leur mise à disposition ; l’essentiel est qu’un droit privatif soit créé au
profit des actionnaires. C’est un délit qui peut même se réaliser par

95
v oir tribunal correctionnel Paris 10 janvier 1981 revue sociale 1981 .142

41
compensation. Cependant, même à ce stade, le droit privatif n’est pas
suffisant pour caractériser l’infraction. Elle ne peut se réaliser que par la
décision des gérants ou du conseil d’administration, ordonnant le paiement
du dividende, même en cas de vote par l’assemblée générale d’un quitus ou
d’un décision approuvant cette répartition. Mais il n’y a pas d’infraction
lorsque les dirigeants ne procèdent pas à la répartition , même si
l’autorisation de répartition a été votée. La tentative du délit n’est pas
punissable , et le point de départ de la prescription de l’action publique
commence le jour de la mise à la disposition des associés des dividendes.
Cependant, nous constatons une inadéquation à ce niveau. En effet, la
doctrine et la jurisprudence considèrent que la mise à la disposition des
dividendes ne suffit pas à caractériser l’infraction d’une part ; d’autre part la
tentative du délit étant non punissable, alors que celle-ci peut résulter de la
simple mise à disposition, nous estimons que le point de départ de la
prescription est mal indiqué car devant être conforme à la réalisation de
l’infraction qui nécessite un caractère fictif des dividendes.
- le caractère fictif des dividendes
Par dividendes, il faut entendre la part du bénéfice social que l’on attribue à
chaque actionnaire ou associé. L’art 144 de l’ausc a fixé les conditions dans
lesquelles la répartition doit se faire. En effet, c’est « après approbation des
états financiers de synthèse et constatation de l’existence de sommes
distribuables que l’assemblée générale détermine…la part de bénéfice à
distribuer, selon le cas aux actions ou aux parts sociales » et l’article ouvre
la conclusion selon laquelle « tout dividende distribué en violation de ces
règles est un dividende fictif ».
De cet article, des remarques s’imposent. En effet on se rend compte du
caractère intangible du capital social. Ainsi, à concurrence du capital social,
aucun prélèvement ne peut être fait au profit des associés, ce que l’art 143
de l’ausc confirme notamment en son alinea3 «sauf en cas de réduction de
capital, aucune distribution ne peut être faite aux associés lorsque les
capitaux propres sont ou deviennent à la suite de cette distribution, inférieur
au montant du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne
permettent pas de distribuer ». Les violations des dépositions de l’alinea3

42
constituent selon le législateur africain , sur le plan pénal l’incrimination de
distribution de dividendes fictifs de l’art 889 de l’ausc. D’autre part toujours
selon l’art 144 de l’ausc, on ne peut distribuer que des bénéfices réalisée et
disponibles ; si ceux de l’exercice sont insuffisants, on peut prélevés sur les
réserves constituées au cours des exercices précédents ; à défaut de bénéfice
ou de réserves, toute distribution rendrait les dirigeants coupables de
répartition de dividendes fictifs.
Néanmoins, l’art 144 de l’ausc prévoit deux conditions pour que les
dividendes soient considérés comme fictifs : il y a une condition de forme et
une condition de fond. La violation de la condition de forme peut provenir de
la ^procédure à suivre pour attribuer la part de chaque associé ou
actionnaire dans le bénéfice. Il faut donc selon l’art 144 de l’ausc, une
approbation des états financiers set une constations de l’existence des
sommes distribuables par l’assemblée générale. Et lorsque ces règles sont
violées, tout dividendes distribué est fictif. Quant à la condition de fond, elle
résulte des irrégularités de fond liées au bénéfice. Ainsi la doctrine considère
comme fictif tout dividende distribué lorsque le bénéfice lui-même est fictif
ou qu’il n’est pas encore réalisé. Le bénéfice est considéré comme fictif
lorsque, celui-ci fait défaut et qu’à cette occasion, on prélèvera le dividende
sur le capital ou les réserves légales de la société ; mais il s’agit là des
réserves définies comme des bénéfices non distribués.
Toutefois, selon le Pr Abdoullah Cissé, « les tantièmes qui constituent une
partie de la rémunération des administrateurs et qui sont tirés du bénéfice
distribuables, ne constituent pas des dividendes fictifs ». En outre le bénéfice
non réalisé constitue également le délit. En effet la réalisation du bénéfice
est une condition de régularité de la distribution. La conséquence c’est que
la constatation de l ‘existence du bénéfice est annuelle et exclut donc la
distribution d’acomptes ou dividendes intercalaires, car contraire au
principe d’annualité. En plus, les dividendes doivent exister actuellement,
d’ou la distribution de bénéfice futurs est irrégulière. Mais le délit de
distribution de dividendes fictifs doit provenir de l’intention coupable de
l’auteur.

43
-l’élément intentionnel du délit
La rédaction de l’art 889 de l’ausc fait apparaître des termes comme « fictif ,
frauduleux, et sciemment ». L’utilisation de ces termes fait apparaître la
nécessité d’une intention délictueuse de l’auteur. Ainsi, la mauvaise foi
consiste donc dans la connaissance , par l’auteur tant du caractère fictif des
dividendes que de l’inexactitudes de l’inventaire ou du bilan, ou des
conditions dans lesquelles la distribution des dividendes a été décidée. La
mauvaise foi de l’administrateur doit se situer à la date de la confection du
bilan96, selon la jurisprudence, car l’irrégularité n’ apparaît que plus tard.
En outre, les administrateurs ou certains d’entre eux, ne sauraient se
maintenir dans les liens de prévention, dès lors que, du fait de leur
négligence, n’ont pas vérifier convenablement les écritures comptables97.
Mais le plus souvent, la jurisprudence retient la mauvaise foi des auteurs de
leur fonction de gérant ou d’administrateur98 au jour de la décision du
conseil créant un droit privatif au profit des actionnaires, de l’omission
d’établir un inventaire99, ou de la nature et du nombre de fraudes portées
sur les inventaires100. Cette intention frauduleuse chez les auteurs a conduit
le législateur à incriminer certains comportements à la communication de la
comptabilité.

2.La communication de la comptabilité

Aux termes de l’art 890 de l’ausc, « encourent une sanction pénale, les
dirigeants sociaux qui auront sciemment , même en l’absence de toute
distribution de dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou associés
en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états financiers
de synthèse ne donnant pas pour chaque exercice une image fidèle des
opérations de l’exercice , de la situation financière et de celle du patrimoine
de la société, à l’expiration de cette période ».

96
cass.crim.,25 juin 1927 , gaz pal,1927, 2,726.
97
caa.crim.,27 avril 1891, Dp 93,1,49
98
cass.crim., 30 mai 1930,revue des sociétés, 1930, 325
99
Paris, 1 3 juillet 1938, 2, gaz pal,1938,2 ?194
100
cass.crim., 31mai1933 ,gaz pal, 1933,1,973

44
Ainsi, le droit pénal intervient après l’établissement de la comptabilité, pour
réprimer l’information infidèle. Cet article, à l’image de l’art 437, al2 de la loi
française du 24 juillet 1966, punit le délit de présentation ou de publication
des états financiers infidèles. Le délit laisse visiblement apparaître un
élément matériel(1) et un élément moral(2).

a. l’élément matériel du délit de communication infidèle

Le législateur africain a un peu modifié l’énoncé du délit par rapport à la


législation ancienne. Ainsi, le délit de communication d’états financiers de
synthèse infidèles suppose l’acte même de communication, et une infidélité
de l’objet de la communication, notamment les états financiers de synthèse.
S’agissant de l’acte de communication, les états financiers de synthèse
peuvent soit faire l’objet de présentation, soit de publication. La
présentation correspond à la mise à la connaissance des documents
comptables à l’assemblée générale des actionnaires , ou leur mise à
disposition au siège social ou encore leur envoi aux actionnaires dans les
quinze jours avant l’assemblée générale d’approbation des comptes. Tout ce
rituel constitue le préalable à respecter par les dirigeants sociaux à peine de
violer la procédure. Cependant, ce n’est pas l’absence du rituel qui est
incriminé par le législateur, mais plutôt la fraude qui accompagne la
présentation de ces documents à l’assemblée générale approbative, ou aux
actionnaires et associés. Selon la jurisprudence, « il faut entendre par
présentation, non la connaissance donnée du bilan à l’assemblée générale,
mais la mise à disposition des actionnaires qui en est faite dans les quinze
jours précédant l’assemblée générale annuelle101 ». selon cette position, le
législateur a donc entendu largement protéger les actionnaires.
Quant à la publication, il s’agit de tout procédé permettant de porter à la
connaissance du public. Cette publication peut être faite par écrit ou par
voie orale. Mais la publication doit être collective, bien que certains
considèrent que la multiplication de communication individuelle n’est pas
nécessairement une communication collective. Le second élément matériel

101
cass.crim.,11mai 1995 ,Dr pen,1995,1995

45
concerne l’infidélité des états financiers de synthèse. L’art890 de l’ausc vise
« les états financiers de synthèse ne donnant pas pour chaque exercice une
image fidèle des opérations de l’exercice ,de la situation financière et de celle
du patrimoine », contrairement à l’art 437, al2 de la loi française de 1966 qui
ne vise que les comptes annuels englobant le bilan et le compte de résultat
et une annexe. Cependant l’infidélité visée à l’art 890 de l ‘ausc peut résulter
soit d’une inexactitude matérielle. Il s’agit là des omissions ou des erreurs
dans les écritures ou alors de surcharges. C’est le cas par exemple lorsque le
bilan d’une société ne mentionne pas une dette officiellement contractée et
laisse figurer un portefeuille d’actions en réalité vendues au cours de
l’exercice, ou le cas d’un bilan faisant apparaître un bénéfice alors qu’en
vérité il y avait des pertes102. l’infidélité peut résulter aussi d’inexactitude
formelles. Cette inexactitude consiste à présenter des chiffres exacts de sorte
qu’elle donne une fausse idée de la véritable situation de la société. Il en est
ainsi lorsqu’on inscrit une créance de recouvrement douteux à la
rubrique « effet de commerce » ou lorsqu’on fait figurer sous la
rubrique « frais de premier établissement » d’importantes dépenses de
publicité qui ne constituent en réalité que des charges d’exploitation propres
à cet exercice103. Enfin, l’inexactitude peut aussi être une inexactitude
d’évaluation. Elles sont les plus faciles à commettre, mais parfois les moins
coupables, car même des spécialistes peuvent les commettre, même étant de
bonne foi en raison des difficultés que pressentent de nombreuses
évaluations. Sans doute, dans la majoration d’actions et les minorations de
passif, sous-évaluation des stocks, ou d’erreurs d’estimation, sont en
principe autant d’inexactitudes, mais pour de nombreuses valeurs, plusieurs
méthodes d’évaluation sont concevables. Dès lors la méthode doit varier
selon la nature du bien à évaluer : immobilisations, constructions, terrains,
biens apportés en nature, fonds de commerce, brevet et marque de fabrique,
avec notamment le problème de dépréciation monétaire.

102
cass. crim.,14 decembre 1966,B,291
103
Paris, 19 novembre1982,gaz pal 1982,1,79

46
b.l’element intentionnel du délit

La faute ici suppose à la fois l’intention coupable et un mobile déterminé ;


exemple, avoir agi en vue de dissimuler la véritable situation de la société.
L’intention coupable est l’action en connaissance de cause c’est à dire la
présentation ou publication d’un compte dont on connaît le caractère
inexact. Il s’agit selon l’expression consacrée, « de mauvaise foi-
connaissance »104. En cas d’hésitation, il n’y a pas de mauvaise foi. Mais
pour qu’il y ait intention, il suffit que les prévenus aient su « de par leur
fonction que l’apparence recherchée et donnée aux comptes et bilan, étaient
contraire à la réalité ». Cependant, la jurisprudence estime que l’infraction
ne peut disparaître même au cas ou les associés auraient en connaissance
de la situation véritable de la société, car la loi vise aussi à protéger les
tiers105. Il s’agit en l’espèce de bilan communiqué à une banque pour obtenir
des crédits. Le délit suppose non seulement un dol général, c’est à dire
l’intention caractérisée par l’adverbe « sciemment », il faut un dol spécial, un
mobile , un but poursuivi. Le mobile exigé par la loi est le dessin de
dissimuler la véritable situation de la société. La dissimulation est faite
généralement en mieux, par exemple pour obtenir du crédit ; mais parfois
elle est faite en pire, lorsqu’il s’agit de provoquer une baisse des cours et
racheter ainsi les titres à bas prix. La jurisprudence la considère comme
condition nécessaire pour la répression, mais suffisante. Il s’agit d’une
affaire dans laquelle le prévenu objectait que ce dessin n’avait pas été établi.
La cour de cassation en réponse dans un arrêt de la chambre criminelle,
décidait qu’ « est suffisante, la seule connaissance du caractère irrégulier des
comptes ». Peu importe que le but n’ait pas été atteint. Certains criminalistes
et certains arrêts déclarent ou décident que le dessin visé par la loi fait
partie de la mauvaise foi, ou que la loi s’applique « quel que soit le mobile qui
a guidé les auteurs » du comptes inexact. Mais leurs comportements seront
incriminés même au cours de la modification du capital social.

104
J. Larguier et Philipe Conte,op cit n°45
105
cass.crim.,25 avril 1995

47
B : les modifications du capital social

Les variations de capital ne faisaient pas l’objet dans la plupart des états
parties, d’une réglementation particulière, à l’exception de l’augmentation de
capital. L’acte uniforme est venu combler cette lacune.
Le capital de la société est fixé dans les statuts, il est intangible en principe.
Cependant, l’acte uniforme a prévu les modifications du capital social à
travers deux articles. L’art 67 précise tout d’abord que le capital peut être
augmenté ou réduit pour chaque forme de société. Mais le législateur n’a
envisagé les possibilités qu’à travers les articles 68 et 69 de l’ausc. L’art 68
dispose : « le capital social peut être augmenté à l’occasion de nouveaux
apports faits à la société ou par l’incorporation de réserves, bénéfices ou de
primes d’émissions ». Quant à l’art 69, il dispose que « le capital social peut
être réduit dans les conditions prévues par le présent acte uniforme, par
remboursement aux associés d’une partie de leur apports ou par imputation
des pertes de la société ». On constate aisément que la loi détermine les
conditions dans lesquelles les modifications de capital peuvent être décidées.
Nous avons dit que le capital social est en principe intangible car il constitue
la raison d’existence de la société, par conséquent son déséquilibre peut
constituer une situation chaotique pour la société et pour les associés.
Cependant, la nécessité des affaires conduit souvent à le modifier. Toutefois,
les créanciers et les tiers doivent être protéger en premier lieu dans la
mesure ou de telle modification risque de léser ces derniers. C’est pourquoi
le droit pénal intervient pour sanctionner pénalement le mécanisme
juridique qu’il organise. A cette fin et tout comme le droit commercial, le
droit pénal ohada a distingué les cas d’augmentation de capital(A) et de
réduction de capital(B). Il faut tout de même noter que le droit commercial
ohada des sociétés a prévu les cas d’amortissement de capital tout comme le
code de commerce français, notamment en ses articles 225-198 à 225-203.

48
1. l’augmentation de capital

L’art 68 de l’ausc a posé les conditions dans lesquelles l’augmentation du


capital est possible. Il s’agit principalement en cas de nouveaux apports en
nature, de l’incorporation de réserves, de souscription nouvelles, ou de
conversion d’obligations en actions. Cependant, quel que soit le procédé
d’augmentation de capital, le but implique une émission d’actions nouvelles
qui conséquemment peut nuire aux anciens actionnaires. Dès lors, tous les
intéressés doivent être protégés. Pendant l’augmentation de capital, le
législateur a procédé à des incriminations spéciales attachées à l’émission
d’actions ou de coupures d’actions(1), tout en protégeant le droit préférentiel
de souscription(2).

a.les incriminations relatives à l’émission d’actions nouvelles

L’émission d’action est soumise aux mêmes conditions que la constitution


du capital social et leur transgression expose les dirigeants sociaux aux
mêmes sanctions pénales. Le législateur ohada a incriminé certains faits
pendant l’émission d’actions ou de coupures d’actions. Ainsi, l’art 893 de
l’ausc sanctionne les administrateurs, le Président du conseil
d’administration, le président-directeur général, le directeur général,
l’administrateur général ou son adjoint d’une société anonyme, qui auront
émis des actions ou des coupures d’actions dans les conditions ci-après :
-avant que le certificat du dépositaire ait été établi ;
-sans que les formalités préalables à l’augmentation de capital ait été
régulièrement accomplies ;
-sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été
intégralement libéré ;
-sans que les nouvelles actions aient été intégralement libérées avant
l’inscription modificative au registre du commerce et du crédit mobilier106 ;

106
Le registre du commerce et du crédit mobilier est chargée de recevoir les inscriptions des sociétés dans
l’espace ohada ; il y a le registre de commerce au plan régional qui centralise lies informations recues des
registres locaux basés dans chaque Etat membre.

49
-sans que les actions nouvelles aient été libérées d’un quart au moins de
leur valeur nominale au moment de la souscription ;
-Et le cas échéant, sans que l’intégralité de la prime d’émission ait été libérée
au moment de la souscription.
En outre, sont sanctionnées pénalement sur la même base, les dirigeants qui
n’auront pas maintenu les actions de numéraire sous forme nominative
jusqu’à leur entière libération. Par contre, des exceptions sont prévues dans
le cas ou les actions sont régulièrement émises par conversion d’obligations
convertibles à tout moment ou par utilisation de bons de souscription ou si
les actions sont remises en paiement de dividendes. L’infraction suppose
donc un élément matériel, l’émission d’action ou de coupures d’actions, et
un élément moral, une simple faute d’imprudence. Le texte requiert en plus
l’existence d’irrégularité qui apparaissent comme des conditions préalables.
L’acte uniforme organise la protection du droit préférentiel de souscription
reconnu aux actionnaires et obligataires.

b.la protection du droit préférentiel de souscription

Les arts 894 et 895 de l’ausc organisent la protection du droit préférentiel de


souscription soit des actionnaires, soit des obligataires. S’agissant du droit
préférentiel de souscription des actionnaires, il faut d’abord se reporter à
l’art 573 de l’ausc qui dispose : « les actions comportent un droit préférentiel
de souscription aux augmentations de capital .Les actionnaires ont,
proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la
souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une
augmentation de capital. Ce droit est irréductible et toute clause contraire
est réputée non écrite ».
En outre, selon l’art 586 de l’ausc, la possibilité est prévue par « l’assemblée
générale de supprimer le droit préférentiel de souscription ». Ces deux
positions antinomiques sont néanmoins contrôlées pénalement. Ainsi, les art
894 et 895 apportent la solution. En effet, l’art 894 sanctionne les dirigeants
qui n’auront pas fait bénéficier les actionnaires, proportionnellement au
montant de leurs actions, d’un droit préférentiel de souscription lorsque ce

50
droit n’a pas été supprimé par l’assemblée générale et que les actionnaires
n’y ont pas renoncé ; ou qui n’auront pas réserver aux actionnaires le délai
de vingt jours au moins à partir de l’ouverture de la souscription ; ou encore
les droits des titulaires des bons de souscription.
Quant à l’art 895, il apporte un apaisement à la possibilité de supprimer le
droit préférentiel de souscription. En effet, l’art 895 de l’ausc punit les
dirigeants sociaux qui auront donné ou confirmé des indications inexactes
dans les rapports présentés à l’assemblée générale appelée à décider de la
suppression du droit préférentiel, car l’acte uniforme prévoit l’exigence d’un
rapport. Mais, l’infraction suppose la mauvaise foi, car devant être commise
« sciemment ». Cependant, et il peut s’agir d’une omission de la part du
législateur, l’art 895 n’a pas visé les commissaires aux comptes, alors que
l’art 588 de l’ausc prévoit la possibilité pour ceux-ci, tout comme le conseil
d’administration ou l’administrateur général, à faire un rapport, mais le
législateur français quant à lui n’a pas omis de les mettre sous la menace
d’une sanction. S’agissant du droit préférentiel de souscription des
obligataires, il y a une interdiction faite à l’assemblée des obligataires de
convertir des obligations en actions. Cependant, il est possible de prévoir dès
l’emprunt, la transformation ultérieure des obligations en actions sous
certaines conditions. Le droit pénal ohada a voulu prendre en compte ces
obligations convertibles en actions ; ce qui exclut les obligations
échangeables. La législation française, notamment la loi de 1966, en son art
450, a pris en considération ces obligations exclues par l’ohada. Le
législateur prend en compte par contre la réduction du capital.

2. La réduction du capital social

C’est la diminution du montant nominal ou du nombre des actions en vue de


réduire le capital. Sa validité est conditionnée par le respect des conditions
de formes et de fonds prévues à l’art 629 de l’ausc qui dispose : « le projet de
réduction du capital est communiqué au commissaire aux comptes quarante
cinq jours au moins avant la réunion de l’assemblée générale extraordinaire
qui décide ou autorise la réduction de capital ». C’est donc l’inobservation de

51
ces conditions que l’art 896 sanctionne. Il vise notamment les
administrateurs et le président-directeur général de mauvaise foi.
Manifestement, l’art 896 de l’ausc vise d’abord une condition de fond, qu’est
le non respect de l’égalité des actionnaires, et ensuite une condition de forme
notamment celle concernant l’omission de communiquer le projet de
réduction du capital social aux commissaires aux comptes quarante-cinq
jours au moins avant la réunion de l’assemblée appelée à statuer. Il faut
noter que l’acte uniforme, contrairement à l’art 454 de la loi française de
1966, ne vise pas l’omission d’assurer la publicité de la décision de réduction
du capital au registre du commerce et dans un journal d’annonce légale. Il
faut aussi faire la distinction entre la réduction du capital et l’amortissement
du capital, définit par l’art 651 de l’ausc comme l’opération par laquelle la
société rembourse aux actionnaires tout produit de la liquidation future de
la société. Mais, nous rappelons que l’amortissement n’a pas fait l’objet
d’une protection pénale dans le cadre de la loi uniforme. Mais les infractions
pouvant être commises de la constitution de la société jusqu’à son
fonctionnement, le législateur africain n’a pas manqué de redoubler la
vigilance quant à la disparition des sociétés. Ces infractions feront l’objet de
notre troisième chapitre.

Section 2 : les infractions liées aux assemblées générales

L’assemblée générale est l’organe supérieur de la société. C’est elle qui


prend les décisions dépassant la gestion quotidienne ; désigne la plupart des
autres organes et met fin à leur fonction ; elle a seule compétence pour
modifier les statuts. Le législateur français de 1867 l’a même qualifié d’âme
même de la personne morale87.La prééminence de l’assemblée est parfois
plus théorique qu’effective. Le Pr Yves Guyon décrit ce phénomène comme
dans les démocraties ou le pouvoir effectif tend à se passer de l’assemblée

87
voir conceptia Denis-ouinsou : « les sociétés commerciales en droit positif Beninois », in common law et droit
des sociétés d’afrique et d’haiti, rencontre de ciclef, moncton , Canada, 1998,p38

52
(organe délibérant) aux organes de gestion et d’exécution88. C’est pourquoi le
législateur ohada a ressenti la nécessité de poser les bases d’une nouvelle
incrimination jusque là méconnu des droits des pays concernés, notamment
en son art 892, le seul article contenu dans le titre troisième relatif aux
dispositions pénales. Cet article dispose : « Encourent une sanction pénale ,
ceux qui, sciemment, auront empêché un actionnaire ou un associé de
participer à une assemblée générale »
Ces droits extra pécuniaires découlent en effet de l’affectio societatis. Chaque
associé titulaire de parts ou d’actions dans une société compte pour un
associé, quelle que soit sa qualité ou sa fonction dans la société. C’est la
manifestation du principe d’égalité entre les associés, une égalité de droit.
Mais cette égalité est plutôt relative, les associés n’ayant pas les mêmes
nombres de parts ou d’actions. Cependant l’acte uniforme décriminalise
nombres d’actes concernant les assemblées générales. Au total, les associés
ou actionnaires ont le droit de participer à la vie sociale, à la prise des
décisions collectives, à la convocation de l’assemblée, à la tenue de
l’assemblée, l’exercice du droit de vote, et l’accès à l’assemblée. L’acte
uniforme a tout de même visé certaines catégories d’assemblées
(paragraphe1) et leur accès (paragraphe2)

Paragraphe 1 : les assemblées visées par le législateur

Par l’art 892, le législateur ohada a procédé à une incrimination très ouverte.
Cependant, dans cette incrimination, le législateur n’a pas voulu protéger
tous les intervenants dans la vie de la société. En effet, à la lecture de l’art
892 qui pose les bases de l’incrimination relative aux assemblées, certains
détenteurs de titres n’ont pas été visés. On est en droit de se demander si
cela constitue un oubli de la part du législateur, ou au cas échéant une
négligence car, nul n’accepte d’investir dans une société dans laquelle le
principe d’égalité n’est pas respecté. Indiscutablement, l’art 892 exclut
certaines assemblées notamment les assemblées générales d’obligataires,
ainsi que les assemblées générales de porteurs de parts bénéficiaires ou de

88
voir Yves Guyon, : « droit des affaires », tome1, 10è édition,economica, 1998.

53
fondateurs. En revanche l’art 892 vise nommément les assemblées générales
d’actionnaires(A) et les assemblées générales d’associés(B).

A. les assemblées générales d’actionnaires :

Hormis les règles communes à toutes les assemblées notamment en ce qui


concerne la convocation et la tenue des assemblées, les assemblées
générales d’actionnaires présentent leur particularité . En effet, les
assemblées d’actionnaires sont au nombre de trois : l’assemblée générale
ordinaire, l’assemblée générale extraordinaire, et l’assemblée spéciale .
Chacune de ces assemblée générales disposent d’une particularité propre qui
mérite l’intervention du législateur pour qu’elle soit effective . Mais
globalement, quand on parle d’assemblée d’actionnaire, il s’agit bien de
l’assemblée générale ordinaire qui est le droit commun des assemblées
générales. toutes les autres assemblées ne sont que conjoncturelles, c'est-à-
dire que soit l’urgence a nécessité une assemblée générale, soit une
assemblée spéciale ne concernant qu’une catégorie de détenteurs d’actions.
Le droit de participer à cette « messe » annuelle est en principe libre à tout
actionnaire. Il est certes permis dans les statuts, de fixer un nombre
minimum d’actions qui ne peut être supérieur à dix, pour bénéficier de ce
droit . Mais cette dérogation est anéantie par la possibilité laissée aux
actionnaires qui peuvent se réunir pour atteindre ce minimum et
conséquemment se faire représenter par l’un d’eux. aux termes de l’art 546
de l’ausc, l’assemblée générale ordinaire a compétence à :
-statuer sur les états financiers de synthèse de l’exercice ;
-décider de l’affectation du résultat ;
-nommer les membres du conseil d’administration ou de l’administrateur
général ou son adjoint ;
-approuver ou désapprouver les conventions conclus entre les dirigeants
sociaux et la société ;
-Emettre des obligations ou approuver le rapport du commissaire aux
comptes .
Quant à l’assemblée générale extraordinaire, elle est habilitée à :

54
-modifier les statuts ;
-autoriser les fusions scissions, transformations et apport partiel d’actif ;
-transfert du siège social ;
-dissoudre par anticipation ou proroger la durée.
les assemblées spéciales quant à elles, n’ont pas connu d’innovation de la
part du législateur . Comme par le passé, elles sont assimilées aux
assemblées générales extraordinaires pour les règles de quorum (1 / 3 sur
1èr convocation, 2è,ou 3è convocation) et de majorité (2/3 des voix
exprimées). ces assemblées réunissent des titulaires d’actions d’une
catégorie déterminées. Exemple les actions de capital, actions de jouissance,
actions de priorité etc…
Elles sont chargées d’approuver ou désapprouver les décisions des
assemblées générales modifiant les droits de leurs membres. Dès lors,
l’importance des assemblées dans la vie de la société anonyme n’est plus à
démontrer et rend nécessaire la présence des actionnaires aux assemblées.

B. les assemblées des associés

Le terme d’associé est employé ici comme les détenteurs de parts dans les
sociétés autres que les sociétés anonyme. Il s’agit notamment des associés
de la société à responsabilité limitée, la société en nom collectif, et la société
en commandite simple ; rappelons que l’ohada n’a pas prévu la société en
commandite par action.
-les associés de la société à responsabilité limitée participent aux décisions
collectives à travers les assemblées générales qui peuvent être ordinaires ou
extraordinaires.
les assemblées générales ordinaires sont celles ayant pour but de statuer sur
les états financiers de synthèse de l’exercice écoulé, d’autoriser la gérance à
effectuer des opérations subordonnées dans les statuts à l’accord préalable
des associés, de procéder à la nomination et au remplacement des gérants,
l’approbation des conventions . cette assemblée se réunit dans les six mois
de la clôture de l’exercice . Quant aux assemblées générales extraordinaires
des associés, de sarl, elles sont compétentes pour les décisions collectives

55
dites extraordinaires . Aux termes de l’art 357 de l’ausc, les décisions
collectives extraordinaires ont pour but de statuer sur les modifications des
statuts. A ce niveau, l’acte uniforme fait la distinction des règles générales
relatives au vote des associés dans les assemblées générales extraordinaires
et les decisions concernant les modifications de capital.
Quant aux associés de la société en nom collectif, leur participation aux
assemblées est beaucoup plus louable que cela a suscité d’intérêt aux yeux
du législateur . En effet, le principe gouvernant les sociétés en nom collectif,
qui est celui de la responsabilité indéfinie et solidaire des associés, mérite
une intervention du législateur .
Et comme toutes les autres formes de société se situant dans le même
ensemble, les associés participent également par l’intermédiaire des
assemblées générales. Cependant, vue la particularité de ce type de société,
le législateur sanctionne sévèrement l’irrégularité de la convocation afin
d’éviter l’adoption des décisions à l’insu de certains associés. le législateur
frappe même l’assemblée d’une nullité toutes les fois que les règles de
convocation auront été violées. Dans le cadre d’une telle société , la liberté
est donnée aux associés de prendre les décisions soit en assemblée ou par
consultation écrite. Mais cette liberté est limitée par le caractère obligatoire
d’une assemblée toutes les fois qu’un associé fait la demande d’une part, et
d’autre part l’examen des comptes annuels doit être fait au cours d’une
assemblée ; c’est ce qui ressort de l’art 288 de l’ausc « il est tenu chaque
année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice , une assemblée
générale annuelle au cours de laquelle le rapport de gestion , l’inventaire et
les états financiers de synthèse établis par les gérants sont soumis à
l’approbation de l’assemblée des associés ».
Enfin dans les sociétés en commandites simple, les statuts fixent les
modalités de consultation des associés soit par l’assemblée générale , soit
par la consultation par correspondance(art 302, al2 ausc). Dans cette
société, il y a deux catégories d’associés : les commandités qui sont à l’image
de la société en nom collectif, indéfiniment et solidairement responsables du
passif ; et les commanditaires qui, eux sont interdits de s’immixer dans la
gestion de la société. En définitive, les assemblées générales sont l’organes

56
central de la société. C’est pourquoi le législateur ohada a prévu une
sanction en créant un délit nouveau contre l’entrave à la participation des
actionnaires et associés aux assemblées.

Paragraphe 2 : l’accès aux assemblées générales

La loi reconnaît un certain nombre de droits aux associés qui représentent


les porteurs de parts ou d’actions . Il s’agit notamment des droits des
actionnaires dans les sociétés anonymes et ceux des associés dans les
autres formes de sociétés, en l’occurrence la société à responsabilité limitée ,
la société en nom collectif , ou la société en commandite simple.
Mais généralement les associés ou actionnaires ne peuvent intervenir dans
la vie sociale qu’en leur qualité de membre de l’assemblée générale. Ce sont
alors leurs droits au sein de celle-ci qui doivent être pénalement garantis.
Nous avons indiqué que ces droits varient. Ils vont de la convocation de
l’assemblée à la tenue de celle-ci en passant par l’exercice du droit de vote,
et l’accès à l’assemblée. Toutefois, l’acte uniforme n’a incriminé que l’entrave
à la participation à cette assemblée(A) , mais exige un élément
intentionnel(B) pour constituer l’infraction.

A. L’entrave à la participation aux assemblées

Tout actionnaire , quelle que soit la nature de son action (action de capital,
action d’apport, de jouissance ou de priorité ) et tout associé d’une société à
responsabilité limitée , en nom collectif ou d’une société en commandite
simple , fait partie de l’assemblée générale de la société. Il s’agit d’un droit
fondamental des actionnaires et associés qui se trouve pénalement protégés.
Ainsi, le législateur à travers l’art 892 de l’ausc réprime l’entrave à la
participation aux assemblées. Il s’agit d’un délit nouveau , méconnu par les
législations des Etats membres de l’ohada avant l’avènement de ce droit
communautaire. Le législateur n’a consacré qu’un article à ce domaine. Cela
n’implique pas un tarissement de sa volonté de réprimer les comportements
répréhensibles. En effet, le texte d’incrimination est très ouvert. Ainsi le

57
législateur a procédé à une incrimination de principe et laisser la possibilité
aux législateurs nationaux d’énoncer les differents comportements
blâmables et de prévoir les peines en conséquence. Cependant, la lecture de
l’art 892 laisse indiscutablement à dire qu’il s’applique aux assemblées
générales d’actionnaires et d’associés, car le texte d’incrimination les vise
nomement ; ce qui implique que les assemblées générales d’obligataires ou
de porteurs de parts bénéficiaires ou de fondateurs ne sont pas concernées.
Il faut signaler aussi que l’acte uniforme n’a pas seulement visé les
dirigeants de la société. En effet, l’art 892 laisse entendre «encourent une
sanction pénale, tous ceux qui ,sciemment, auront empêché… ».
Cela veut dire que la vise également toute autre personne , mais sans
préciser la qualité de la personne dans la structure sociale. Ainsi la doctrine
estime que la sanction frappe tous ceux qui ont empêché sciemment un
actionnaire ou un associé de participer à une assemblée générale, soit-il un
mandataire, selon la jurisprudence, le délit est constitué. Selon Jean
Larguier, l’infraction est réalisée même si aucune décision n’a été prise par
l’assemblée car « il est en effet possible que les faits d’entrave aient pour but
de faire obstacle à l’existence du quorum »

B. l’élément intentionnel du délit

En employant l’adverbe « sciemment », l’art 892 fait de l’élément moral une


exigence. Cet élément intentionnel défini comme le fait d’agir en
connaissance de cause, n’entraîne pas cependant , conformément aux
principes généraux du droit pénal, l’exonération du prévenu qui invoque
l’erreur de droit, ce qui marque une distance du droit pénal des affaires
ohada avec le droit pénal commun. C’est en ce sens que la jurisprudence a
retenu qu’est considéré comme ayant commis l’infraction d’entrave à la
participation, le président du conseil d’administration qui, à la suite d’un
décès , se croyant seul propriétaire des actions en litige, empêche le
mandataire des héritiers de prendre part aux délibérations et aux votes de
l’assemblée(crim, 3 octobre 1975). Dans un tel cas, le prévenu ne peut se
prévaloir de son erreur pour s’exonérer. Le contrôle de la vie des sociétés ne

58
s’arrête pas à ces infractions que nous venons de voir. Le législateur a
poussé les incriminations dans le domaine de la société, un domaine
compliqué ou la rigueur doit être de mise.

59
ChapitreIII : Les infractions relatives à la disparition des
sociétés commerciales.

La société peut disparaître à l’échéance du terme fixé dans ses statuts et si


la volonté de la continuer ne se manifeste pas. C’est la forme normale de
disparition. Elle peut cependant être conjoncturelle, c'est-à-dire la société
disparaît sans atteindre le terme fixé, donc de façon prématurée. La
continuité dépend de la marche des affaires que ces affaires sont conduites
par des hommes. En effet, «l’homme d’affaire isolé manque souvent de
puissance et aussi, lorsqu’il est malhonnête, de moyens pour duper ses
victimes107». C’est pourquoi « j’engage le public disait le président Séguier, à
se défier des sociétés quelles qu’elles soient».
En outre dans le cadre de sa gestion la société peut connaître des périodes
de prospérité ou de difficulté. A ce stade de notre étude sur les infractions
aux sociétés commerciales, nous ne pouvons pas omettre de traiter du cas
des sociétés ou entreprises en difficultés. Cette partie de sociétés
commerciales a fait l’objet d’une réglementation par le législateur à travers
l’acte uniforme sur les procédures collectives d’acquiescement du passif. La
société en difficulté est celle dont la réalisation de l’objet est devenue plus ou
moins compromise du fait de son impossibilité à faire face à ses
engagements. Mais les sociétés peuvent se trouver aussi se trouver
situations où leur disparition devient irréversible.
Dès lors les causes de disparition peuvent être soit volontaires, soit
accidentelles. Quelque soit le cas envisagé, le législateur a malgré tout prévu
des sanctions pénales « comme si la ruine de leurs affaires ne suffisait pas».
Mais la raison, c’est que la loi cherche surtout à protéger les créanciers
sociaux dont le recouvrement des créances devient hypothétique en ces
instants. C’est pourquoi le législateur a prévu des infractions avant la
dissolution de la société (section I) et au cours de celle-ci (section II)

107
J. Larguier et Philipe Conte, op cit n°45

60
Section 1 : Les infractions avant la disparition de la société

En début de nos réflexions sur les infractions prévues par le législateur


OHADA concernant les sociétés commerciales, nous n’avons pas fixé une
limite temporelle pour la commission de ces infractions que nous étudierons.
Et cela parce que l’OHADA a prévu des infractions avant même la dissolution
de la société. En effet comme l’a rappelé cette paraphrase d’une formule
célèbre108 au Burkina Faso, « des entreprises en difficulté, où on trouve un
peu partout en Afrique ; des entreprises en difficulté qui se redressent, on en
recherche109 ».
C’est pourquoi l’OHADA a consacré un acte uniforme portant organisation
des procédures collectives d’apurement du passif, entré en vigueur en
janvier 1999.
Il n’est pas ni aisé de traiter de manière exhaustive et approfondie des
procédures collectives y compris de celles régies par l’acte uniforme car sur
le plan sentimental, il s’agit du droit de la «maladie et de la mort » des
entreprises. Cependant notre objectif n’est pas de faire une étude des
procédures collectives dans leur globalité, mais plutôt comme nous l’avons
indiqué, de nous atteler à l’étude des infractions qui peuvent en résulter, car
faut-il le souligner, il s’agit d’infractions qui prennent naissance dans la vie
de la société ou entreprise, mais peuvent aboutir rapidement à sa mort. C’est
la raison pour laquelle, le législateur l’a placé au rang des infractions qui
interviennent à la mort de la société. Mais pour mieux comprendre les
raisons de l’intervention, il faut connaître au préalable les objectifs
poursuivis par les procédures collectives.
En effet, celles visent d’abord à protéger les créanciers impayés et à assurer
leurs désintéressements dans les meilleures conditions possibles ; ensuite il
s’agit de punir et d’éliminer les commerçants qui n’honorent pas ses

108
La formule est relative aux chercheurs : « des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui
trouvent,on en cherche »
109
voir Filiga Michel Sawadogo, Professeur à l’Université de Ouagadougou, commentaire de l’acte uniforme
portant organisation des procédure collectives d’apurement du passif,code ohada,p811

61
engagements. C’est surtout un aspect à ne pas négliger à cause de son
caractère dissuasif de la punition ainsi que sa contribution à la moralisation
du milieu des affaires. Enfin les procédures collectives doivent permettre la
sauvegarde des entreprises redressables.
Pour sauvegarder tous ces intérêts ci-dessus énumérés, le législateur a
assorti de sanctions pénales certains comportements. Dans cette perspective
sont visés notamment les commerçants personnes physiques, les associés
tenus indifféremment et solidairement des dettes sociales, puis les dirigeants
sociaux, de droit ou de fait ainsi que les dirigeants permanents des
personnes morales dirigeantes.
S’agissant des peines applicables, l’acte uniforme a renvoyé aux législations
nationales de chaque Etat partie. Il s’agit entre autres, d’éviter que les
peines, notamment les amendes en raison des différences de niveau de
développement économiques et de revenus, puissent paraître excessives
dans certains Etats et dérisoires dans d’autres.
L’incrimination retenue concerne, soit la banqueroute (paragraphe1), soit
des infractions connexes à la banqueroute (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La banqueroute

Sur l’attitude du droit à l’encontre des chefs d’entreprise en difficulté qui


déposent leur bilan, deux conceptions s’affrontent. Alors que certains voient
nécessairement dans ce comportement un esprit de fraude imposant la
répression, d’autres souhaitent au contraire amoindrir l’aspect
sanctionnateur, estimant que le débiteur est suffisamment puni par ses
ennuis commerciaux. Ce dilemme résume toute l’ambivalence du droit des
entreprises en difficulté : c’est que la procédure repose sur un corps de
règles commerciales fortement imprégnées d’inspiration pénale. Cependant,
réprimer plus ou réprimer moins ont été les termes de l’option au centre des
préoccupations de tout législateur en matière de défaillances d’entreprises,
l’essentiel étant l’adoption d’une politique cohérente et réaliste. Alors, le
choix consiste soit à prôner une réponse classique, qu’est la répression
s’abattant de façon sévère pour châtier et prévenir, soit à considérer

62
l’existence d’un certain nombre de comportements délicieux comme
inéluctable, donc un mal nécessaire, mais dont la sanction ne doit pas être
nécessaire mais dont la sanction ne doit pas être la priorité à recherchée.
A ce propos, le grand commercialiste français, Thaller disait « il faut que la
loi initiale par sa sévérité, afin de contenir les négociants dans la voie de la
prudence et il faut pas qu’elle effraie trop, sans quoi elle cause l’affolement.
Se tenir à égale distance de ces deux extrêmes n’est pas facile110 ».
Il est cependant nécessairement de rappeler l’historique du délit de
banqueroute en question la pratique avait l’habitude de le confondre avec
d’autres notions, notamment la faillite. En effet, les deux termes ont été
assimilés longtemps. Ainsi un auteur du 18ème siècle111 écrivait : «les
banqueroutes simples que l’on connaît sous le nom de faillites … ». Selon
Marie Christine Sardino, les deux termes puisent pareillement leur origine
dans des expressions italiennes nées à l’occasion des échanges commerciaux
entre marchands à l’époque médiévale. Ainsi faillite vient de « faillir » qui
signifie manque et pourtant ne pas respecter ses engagements financiers
alors que la notion devient ambiguë à l’italien comparée au latin fallere qui
dénote une tromperie (induire en erreur), d’où la notion de fraude qui en
résulte provoque un trouble grave dans la vie économique en lésant le
créancier. D’où l’expression latine faillite, se senti, fuggitivi(tous les faillis
deviennent des fuyards en puissance ». A partir du 16ème siècle, la
banqueroute va progressivement requérir son indépendance par rapport à la
faillite sous l’influence d’un notaire Stracha D’Ancêone lors de l’élaboration
de l’ordonnance de 1673 en France instituant une distinction entrez la
banqueroute, crime et la faillite, procédure commerciale. A l’époque, en
l’absence de définition textuelle de la banqueroute, la doctrine s’efforça toute
fois de distinguer entre banqueroutier, frauduleux et débiteur malheureux :
selon notre langue et notre usage pouvons proprement définir notre
banqueroutier celui prudent et avisé en ses affaires sciemment à prix, et
reçu argent sous prétexte de commerce ou autrement sous promesse d’en
rendre profit ou purement et ayant diverti ses effets se dérobe à ses

110
E. Thaller : « des faillites en droit comparé »,LGDJ, Paris 1887, tome1, chapI,p125
111
J.B. Denisart dans : « collection de decisions nouvelles », 7è édition,1771,tome1,p277

63
créanciers, s’absente et ladite ou rend fugitif. ». Et quant aux marchands qui
font perte par cas fortuit, ceux-là qui sont dignes d’aide et commisération ne
doivent être appelés banqueroutiers112. En définitive la banqueroute a fini
par être autonome et constitue une infraction qui peut être considérée
comme la plus populaire des infractions aux affaires à l’instar de toutes les
autres législations, l’OHADA a prévu la banqueroute comme infraction à la
loi dans le cadre des procédures collectives d’apurement du passif.
L’infraction a sa source dans une société en l’état de cessation de paiement
c'est-à-dire, qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible
avec son actif disponible. Dès ce t instant, toute personne physique se lirant
à des actes incriminés commet le délit de banqueroute. Cependant, pour être
punissable, l’infraction suppose des conditions préalables (A) et se divise en
banqueroute simples et banqueroutes frauduleuses (B).

A. Les conditions préalables.

L’existence de l’infraction de banqueroute nécessite deux conditions tenant à


la qualité de l’agent (1) et à l’ouverture d’une procédure collective (2)

1. La qualité de l’agent

S’agissant de la qualité de l’agent, la loi distingue selon qu’il s’agit de


personnes physiques commerçantes ou d’une personne physique dirigeant
une personne morale. Concernant la personne physique, aux termes de
l’article 227 de l’AUPC, la banqueroute s’applique « aux commerçants
personnes physiques et aux associés des sociétés commerciales qui ont la
qualité de commerçant ». Cet article se démarque de celui de l’article 1961,
alinéea1 de la loi française de 1985 selon lequel un artisan ou un
commerçant peut être déclaré auteur principal de banqueroute. Ainsi l’acte
uniforme sur les procédures collectives a la même portée que le code de
commerce du Niger qui limitait le domaine de la répression aux seuls
commerçants.

112
voir delit de banqueroute de M. Christine Sordino, litec, 1996, P9

64
A la difficulté qui peut se poser en appréciant la qualité de commerçant, la
jurisprudence l’a entendu dans un sens large, en l’étendant à l’épouse qui a
participé activement au commerce de son mari113 ; mais l’existence d’une
incapacité entre la profession exercée et le commerce n’empêche pas d’être
banqueroutier. C’est le cas de l’avocat ou du notaire, de même qu’une
personne exerçant illégalement la profession de commerçant 114. Cependant
l’incapacité du mineur non émancipé, ou du majeur en tutelle ou en
curatelle empêche toute application de sanctions pénales à l’encontre de
l’auteur.
Quant aux personnes morales, nous rappelons l’acte uniforme n’a pas prévu
la responsabilité pénale des personnes morales. Ainsi, la responsabilité dont
il s’agit ici concerne aux termes de l’article 230 de l’AUPC, « les personnes
physiques dirigeantes de personnes morales assujetties aux procédures
collectives et les personnes physiques représentantes permanentes et
personnes morales dirigeantes des personnes morales ».
Ainsi, à la lumière de cet article, il n’est donc pas nécessaire que la personne
morale soit elle-même commerçante, car le seul exercice d’une activité
économique paraît suffisant. Ainsi, dès lors que l’article 230 de l’AUPC
s’applique aux groupements d’intérêts économiques, la personne morale
peut ne pas être une société.
D’autre part, le même article 230 AUPC précise qu’il peut s’agir de « toute
personne ayant directement ou par personne interposée, administré, géré ou
liquidé la personne la personne morale sous le couvert ou aux lieux et places
de ses représentants légaux ».
Dès lors, il peut s’agir de dirigeants de droit ou de fait.
La loi française de 1985 a donné l’occasion à la jurisprudence qui avait
retenu le délit de banqueroute à l’encontre d’une associé ou société à
responsabilité limitée (SARL) qui « est intervenue directement dans la gestion
de l’entreprise, s’intitulant elle-même dans les effets commerciaux comme

113
cass.crim., 12 octobre 1960,bull,444
114
cass.crim.,2mai 1979,D 1980,IR,184

65
l’un des gérants, et qui se trouvait en raison de sa position prépondérante
cogérante de fait ». 115

2. L’ouverture d’une procédure collective

C’est à ce point qu’il y’a une discorde entre le droit OHADA et le droit
français en matière de banqueroute. En effet, en France, le délit de
banqueroute suppose l’ouverture d’une procédure collective de redressement
judiciaire ou de liquidation, c'est-à-dire entre la cessation des paiements, il
faut qu’elle soit contactée par le tribunal compétent.
Par contre, l’acte uniforme a érigé en condition du délit de banqueroute,
l’état de cessation de paiement. Dès lors, le constat par une juridiction n’est
pas nécessaire, qu’elle soit commerciale ou civile. Les tribunaux répressifs
sont donc amenés à apprécier dans chaque cas, l’existence même et le
moment de la cessation des paiements ; ce qui n’est pas sans causer des
difficultés à notre sens, car il faut se rappeler que l’acte uniforme a prévu
des sociétés unipersonnelles, dans de telles sociétés, la détermination du
moment de la cessation de paiement peut s’avérer difficile, vu le caractère
fermé de leur gestion.
Dans le cas du droit français en la matière par contre, le juge pénal est lié
par la décision des juges consulaires de paiements et la date de celle-ci, ce
qui n’a pas été rendu facile par le législateur OHADA. Mais même là, la
jurisprudence française a consacré l’autonomie du droit pénal en estimant
que le juge pénal peut retenir une date de cessation de paiement autre que
celle qui a été retenue par le juge commercial ou civil116.
L’acte uniforme a conservé la classification classique de la banqueroute.

B. Les cas de banqueroute.

L’acte uniforme sur les procédures collectives distingue de façon classique


deux catégories de banqueroute ayant leur répression atténuée ou aggravée

115
cass.crim.,23 janvier 1978 ?bull,24
116
cass.crim.,18 novembre 1991,B,415

66
selon le cas : il s’agit de la banqueroute simple (1) et la banqueroute
frauduleuse (2).

1. La banqueroute simple

Aux termes de l’article 228 AUPC, « est coupable de banqueroute simple,


toute personne physique en état de cessation de paiements qui se trouve
dans un des cas suivants :
- si elle a contracté sans recevoir des valeurs en échange, des engagements
jugés trop importants eu égard à sa situation lorsqu’elle les a contractés
- si, dans l’intention de retarder la constatation de la cessation de ses
paiements, elle a fait des achats en vue d’une revente au dessus du cours ou
si, dans la même intention, elle a employé des moyens ruinés pour se
procurer des fonds ;
- si, sans excuse légitime, elle ne fit pas au greffe de la juridiction
compétente la déclaration de son état de cessation des paiements dans le
délai de trente jours ;
Si sa compatibilité est incomplète ou irrégulièrement terme ou si elle n’a
tenu aucune comptabilité conforme aux règles comptables et aux usages
reconnues de la profession eu égard à l’importance de l’entreprise ;
- si ayant déclaré deux fois en état de cessation de paiements dans un délai
de cinq ans, ces procédures ont été clôturées pour insuffisance d’actif. »
Aux termes de cet article, cinq cas de banqueroute simple ont été retenus
par le législateur. Cependant, deux cas attirent notre attention et qui sont
similaires avec la synthèse de la loi de 1985 en France. Il s’agit de l’achat en
vue d’une revente au-dessus du cours et l’emploi des moyens ruineux. L’acte
uniforme n’a pas procéder à une classification des élément constituant la
banqueroute, mais vu la permanence de ces éléments, nous avons jugé utile
de nous entendre un moment sur ces questions. Ainsi, l’achat en vue d’une
revente au-dessus du cours est une manœuvre effectuée par le débiteur.
Celui-ci se livre à des achats importants de marchandises avec la ferme
intention de la revendre rapidement à un prix inférieur à leur cours afin
d’obtenir de la trésorerie permettant de répondre temporairement aux

67
échéances les plus proches. Le législateur n’a pas donné de précision par
rapport à la vente au dessous du cours, d’où sa compréhension nécessite
aux textes relatifs à la distribution et aux prix. Mais en l’absence d’éléments
à notre portée, nous avons fait recours à la loi des finances n° 63-628 du 2
juillet 1963 en France, notamment en son article 1er selon lequel : « la vente
est réalisée à perte si le prix de vente de la marchandise est inférieur à son
prix d’achat effectif »117
Dans une décision, la chambre criminelle de la cour de cassation a précisé
que « le délit ne consiste pas seulement à avoir dans l’intention de retarder la
constatation de la cessation de paiements, vendu des marchandises au-
dessus du cours, mais à avoir dans cette intention, fait des achats en vue
d’une revente au-dessus du cours ».118
L’emploi des moyens ruineux constitue aussi le délit de banqueroute. Il s’agit
d’un emploi en vue de se procurer des fonds.
"Machination, artifice coupable" sont des termes employés pour désigner
l’emploi des moyens ruineux pour se procurer de fond. La notion a suscité
des interrogations chez auteurs et praticiens ; même si la loi (OHADA) ne l’a
pas défini. La définition du petit Larousse parle de procédé qui « provoque
des dépenses excessives ».
Cependant la notion est essentiellement jurisprudentielle. Dans le passé, le
recours à l’emprunt était le dernier sursaut de l’entreprise moribonde et
l’ouverture de procédure collective trop tardive ne peut le sauver. C’est
pourquoi cet ancien cas de banqueroute a été maintenu.
Les moyens ruineux peuvent résulter des opérations de crédit ou circulation
d’effets de complaisance. Par ailleurs ces cas de banqueroute rapprochent la
banqueroute simple et la banqueroute frauduleuse.

2. La banqueroute frauduleuse

Elle est prévue par l’article 229 AUPC. Cet article considère comme coupable
de banqueroute frauduleuse, toute personne physique visée à l’article 227 en

117
voir Marie-Christine Sordino,op cit n°112
118
cass.crim., 12 mars 1974 ,D 1974,p102

68
cas de cessation des paiements. Le législateur vise notamment la personne
qui a « soustrait sa comptabilité ; détourné ou dissipé toute ou partie de son
actif ; s’est frauduleusement reconnue débitrice de sommes qu’elle ne devait
pas, soit dans ses écritures, soit par des actes publics ou des engagements
sous seing privé, soit dans son bilan » ; exercé la profession commerciale
contrairement à une interdiction prévue par les actes uniformes ou par la loi
de chaque Etat partie ; ou qui a payé un créancier au préjudice de la masse
après la cessation de paiements ; ou a stipulé avec un créancier des
avantages particuliers à raison de son vote dans les délibérations de la
masse ou qui a fait avec un créancier un traité particulier duquel il
résulterait pour ce dernier, un avantage à la charge de l’actif du débiteur à
partir du jour de la décision d’ouverture …».
L’alinéa 2 de cet article dispose « c’est également coupable de banqueroute
frauduleuse, toute personne physique visée à l’article 227 AUPC, qui à
l’occasion d’une procédure de règlement judiciaire :
- à de mauvaise foi, présenté ou fait présenter un compte de résultats ou un
bilan ou un état des créances et des dettes, ou un état actif net passif des
privilèges et sûretés, inexact ou incomplet ;
- ou a, sans autorisation du président de la juridiction compétente accompli
un des actes interdits par l’article 11 ci-dessus ».
L’acte uniforme a retenu de nombreux cas de banqueroutes frauduleuses,
contrairement à la loi française de 1985 qui n’a retenu que le détournement
de tout ou partie de l’actif et l’augmentation frauduleuse du passif. En plus
des deux cas, l’acte uniforme a retenu la soustraction de la comptabilité,
l’exercice des fonctions de commerçant malgré l’interdiction, le paiement à
un créancier au préjudice de la masse.
L’acte uniforme va beaucoup loin en incriminant des faits dépénalisés par la
loi française. Ainsi, l’AUPCCAP sanctionne de peines de banqueroute
frauduleuse, toute personne assujettie à une procédure de règlement
judiciaire qui, de mauvaise foi, présente un état financier inexact ou
incomplet. A la lumière de cette étude, nous pouvons conclure que,
l’élément intentionnel du délit de banqueroute n’est pas situé à tous les
niveaux. Ainsi, la mauvaise foi n’est requise que pour la plupart des cas de

69
banqueroute frauduleuse. La jurisprudence a admis que la mauvaise foi
n’était pas nécessaire à la banqueroute , sauf le cas d’emploi de moyens
ruineux qui semble supposer l’intention frauduleuse aux yeux de certains
auteurs.
Le législateur a incriminé aussi des infractions qui sont connexes à la
banqueroute.

Paragraphe 2 : les infractions connexes à la banqueroute.

L’acte uniforme relatif aux procédures collectives a prévu à côté de la


banqueroute, d’autres séries d’infractions qui sont connexes à celle-ci. Ainsi,
les articles 230 à 239 traitent des infractions assimilées aux banqueroutes,
alors que les articles 240 à 246 visent d’autres services.
Dans cette deuxième catégorie, on retrouve des infractions commises par des
tiers ou des parents du débiteur et qui sont punies des mêmes peines que la
banqueroute frauduleuse.
Ce qui semble signifier que ces infractions sont également assimilées à la
banqueroute. Par contre, les autres infractions peuvent être punies de
peines différentes, car la loi renvoie seulement aux peines en vigueur dans
chaque Etats partie.
Ainsi distinguerons-nous des délits assimilés aux banqueroutes (A), et les
autres infractions (B)

A. Les délits assimilés aux banqueroutes

Les articles 230 à 239 dressent la liste des infractions qui sont assimilées
aux banqueroutes. Cependant ces délits assimilés répondent à la
classification banqueroute simple et banqueroute frauduleuse.
Ainsi, nous distinguons les délits assimilés à la banqueroute simple(1) et
ceux assimilés à la banqueroute frauduleuse(2).

70
1.Les délits assimilés à la banqueroute simple

Selon l’article 230 AUPC, ces délits sont le fait de dirigeants de société
soumises aux procédures collectives. Il s’agit de tous dirigeants de fait ou de
droit , qui ont administré, géré, ou liquidé la personne morale(article 230
AUPC). On distingue à ce stade, deux catégories de délits, qui ont des
exigences différentes :
La première catégorie requiert la mauvaise foi de l’auteur de l’un des faits
suivants selon l’article 230 :
-La consommation de sommes appartenant à la personne morale en faisant
des opérations fictives ou pur hasard ;
-L’achat en vue de revendre au dessus du cours, ou l’emploi de moyens
ruineux pour se procurer de fonds ;
-Le paiement à un créancier au préjudice de la même ;
-Le fait de prendre des engagements trop importants, pour le compte
d’autrui, sans valeur en échange ; etc.
Bref, il s’agit d’une reprise des cas de banqueroute simple.
La deuxième catégorie quant à elle, reprend l’absence de déclaration de l’état
de cessation des paiements ou l’omission de joindre à la déclaration la liste
des associés avec l’indication de leurs noms et domicile, dans le cas des
sociétés comportant des associés indifféremment et solidairement
responsables des dettes sociales.

2. Les délits assimilés à la banqueroute frauduleuse

S’agissant de ces délits, ils peuvent être commis par deux catégories de
personnes : les dirigeants, et les tiers.
En ce qui concerne les délits commis par les dirigeants, l’article 233 de
l’AUPC reprend exactement pour le compte de dirigeants, les faits
incriminés, prévus à l’article qui vise toute personne à l’exception du
paiement à un créancier, au préjudice de la masse. Donc, ce sont les mêmes
cas de banqueroute frauduleuse qui sont repris comme des délits assimilés
lorsqu’ils sont commis par des dirigeants. L’intérêt de cette distinction, est

71
qu’il y a là une condition préalable à la banqueroute, la qualité de dirigeant
d’une personne morale.
Quant aux délits commis par les tiers, ils sont visés par l’article 240 AUPC
qui punit de peines de banqueroute frauduleuse, les personnes qui
interviennent dans la gestion de la société en difficulté à un titre
indéterminé : les tiers. Il s’agit en fait de toute personne accomplissant un
des actes incriminés à l’article 240 AUPC.
Trois actes sont visés par cet article :
-D’abord, le recel des biens du débiteur. Le législateur sanctionne « les
personnes convaincues d’avoir, dans l’intérêt du débiteur, soustrait, recelé
ou dissimulé tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles » ;
- Ensuite, l’article 240 incrimine la supposition de créances. Celle-ci résulte
du fait des personnes convaincus d’avoir frauduleusement produit dans la
procédure collective des créances supposées : soit en leur nom, ou par
interposition ou supposition de personne.
Il n’est pas nécessaire que le coupable ait agi dans l’intérêt du débiteur ou
en accord avec celle-ci.
-Enfin la loi a incriminé le fait pour des personnes qui, de mauvaise foi, ont
détourné ou dissimulé une partie de leurs biens, ou tenté de le faire, alors
qu’elles exerçaient le commerce sous le nom d’autrui ou sous un nom
supposé.

B. Les autres infractions.

L’article 241 de l’AUPC dispose « le conjoint, les descendants, les ascendants


ou les collatéraux du débiteur ou ses alliés qui à l’insu du débiteur,
auraient détourné, diverti ou recelé des effets dépendants de l’actif du
débiteur ou état de cessation des paiements, encourent les peines prévues
par le droit pénal en vigueur dans chaque Etat partie pour les infractions
commis au préjudice d’un incapable ».
Des observations s’imposent avant même d’examiner ces infractions. En
effet, d’une part, on peut estimer que la disposition est la bienvenue, car les
éléments constitutifs de l’infraction peuvent ne pas être réunis pour

72
prononcer une sanction, alors que les biens du débiteur se trouvent
effectivement détournés ou divertis ; d’autre, l’acte uniforme, de façon
exceptionnelle,, a prévu la peine encourue par les auteurs de ces infractions
car il recommande de façon implicite aux législateurs nationaux d’appliquer
la peine encourue par ceux qui ont commis des infractions au préjudice d’un
incapable.
Les infractions visées peuvent être commises par trois catégories de
personnes. Il y a les infractions commises par les parents où conjoint du
débiteur. L’art 241 incrimine donc le fait de détourner, divertir, ou receler
des effets dépend de l’actif du débiteur en état de cessation des paiements.
Cependant l’article 241 précise que ces actes doivent être accomplis à « l’insu
du débiteur » car l’action en connivence ferait d’eux des complices de
banqueroute.
Il y a ensuite les infractions commises par le syndic. Ces infractions sont
commises par le syndic dans le cadre d’une procédure collective. L’article
243 de l’AUPC incrimine le fait pour tout syndic d’exercer une activité
professionnelle sous le couvert de l’entreprise du débiteur masquant ses
agissements de disposer du crédit ou des biens du débiteur comme les siens
propres, de dissiper les biens de celui-ci. En outre, le syndic qui poursuit
abusivement et de mauvaise foi, soit directement, soit indirectement, une
exploitation déficitaire de l’entreprise du débiteur, ou qui se rend acquéreur
pour son compte directement ou indirectement , des biens du débiteur, fait
l’objet d’une sanction pénale. Il y a enfin les infractions commises par les
créanciers. Les peines prévues pour ces infractions relevant du droit pénal
de chaque Etat partie et sont sanctionnées au même titre que ceux qui ont
commis des infractions au préjudice d’un incapable. Les créanciers visés
sont ceux qui, après cessation de paiement, auront
stipulé avec le débiteur ou avec toute personne, des avantages particuliers,
ou qui met à la charge de l’actif du débiteur un avantage.
La loi française les regroupe en deux conditions, alors l’acte uniforme en fait
deux infractions distingues : la première constituée par la simple stipulation
en raison de son vote dans les délibérations, la seconde réalisée par la
création de traité mettant à la charge de l’actif du débiteur un avantage.

73
Section 2 :Les infractions relatives à la dissolution de la société

Le législateur africain a prévu un certain nombre d’infractions liées à la


dissolution de la société. Celles-ci concernent la protection des parties
concernées (paragraphe 1) ainsi que les atteintes aux biens de l’entreprise
dissoute, ceux de ses actionnaires et créanciers (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La protection de l’information des parties à la


dissolution.

Lorsque la dissolution de la société s’impose, le droit pénal doit intervenir


pour protéger tous ceux dont les intérêts sont menacés dans cette dernière
partie de la vie sociale. Il s’agit tantôt de protéger l’information des
actionnaires ou associés (A), tantôt celles des tiers qui ont dû nouer des liens
avec l’entreprise en voie de disparition (B)

A. La protection de l’information des actionnaires ou associée.

Le législateur sanctionne l’inobservation de l’obligation d’in formation des


associés qu’il a fait reposer tantôt sur les dirigeants sociaux, tantôt sur le
liquidateur de la société.
Ainsi, aux termes des articles 901 alinéa 1 de l’acte uniforme, « encourent
une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui, sciemment, lorsque les
capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital
social du fait des pertes constatés dans les états financiers de synthèse,
n’auront pas fait convoquer dans les cas mois qui suivent l’approbation de
ces états, l’assemblée générale extraordinaire à l’effet de décider, s’il y a lieu,
la dissolution anticipée de la société ».
L’alinéa 2 du même article sanctionne les dirigeants n’ayant pas déposé au
greffe du tribunal chargé des affaires commerciaux, et n’ayant pas inscrit ou
publié dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, la dissolution
anticipée de la société.

74
Matériellement, l’infraction suppose une omission. Cependant son élément
moral est imposé par l’adverbe « sciemment », donc la mauvaise foi du
dirigeant. La cour de cassation française l’a rappelée119.
S’agissant du liquidateur, sa responsabilité peut être engagée dans
plusieurs hypothèses d’inobservation de son obligation d’information. Ainsi,
il encourt une sanction pénale lorsque sciemment,, il n’a pas convoqué, en
fin de liquidation amiable, les associés pour statuer sur le compte définitif de
la liquidation, sur le quitus de sa gestion, et de la décharge de son mandat et
pour constater la clôture de la liquidation(art 902, al 2 de l’acte uniforme).
En cas de liquidation judiciaire, le liquidateur encourt une sanction pénale
prévue par l’article 903, dans quatre cas, mais exige toujours la mauvaise foi
du liquidateur. Il s’ »agit des cas dans lesquels le liquidateur :
- n’a pas, dans les six mois de sa nomination, présenté un rapport sur sa
situation active et passive de la société en liquidation et sur la poursuite des
opérations de liquidation au cours de l’exercice écoulé (art 903, al 1
- n’a pas dans les trois mois de clôture de chaque exercice, établi les états
financiers de synthèse à la vue de l’inventaire et un rapport écrit dans lequel
il rend compte des opérations de liquidation au cours de l’exercice écoulé (art
903, al 2) ;
- n’a pas permis aux associés d’exercer, en période de liquidation leur droit
de communication des documents sociaux dans les mêmes conditions
qu’antérieurement (art903, al3) ;
- n’a pas convoqué les associés au moins une fois par an, pour leur rendre
compte des états financiers de synthèse en cas de continuation de
l’exploitation sociale (art903, al 4).
Il s’agit pour le législateur pénal d’assurer la transparence dans les
opérations de liquidation. A cette fin, les tiers doivent aussi être protégés.

119
cass.crim.,27 avril 1987,bull,167

75
B. La protection de l’information des tiers

La dissolution de la société, et portant sa liquidation, doit être portée à la


connaissance du public. Désormais, sur le plan pénal l’inobservation de ces
exigences est sanctionnée.
Tout d’abord, les dirigeants sociaux encourent une sanction pénale lorsqu’ils
n’ont pas déposé au greffe du tribunal, inscrit au registre de commerce et du
crédit mobilier et publié dans un journal habilité à recevoir les annonces
légales, la décision de dissolution anticipée de la société pour perte de la
moitié du capital social.
Du côté du liquidateur, il est susceptible d’encourir dans deux cas une
sanction pénale :
-lorsque sciemment, il n’a pas dans le délai d’un mois à compter de sa
nomination, publié dans un journal habilité à recevoir les annonces légales
du lieu du siège social, l’acte le nommant liquidateur et déposé au registre
du commerce et du crédit mobilier, les décisions prononçant la dissolution
de la société.
- lorsque sciemment, il n’a pas déposé ses comptes définitifs au greffe d’un
tribunal chargé des affaires commerciales du lieu du siège social, ni
demandé en justice l’approbation de ceux-ci.
Le législateur par ce réseau d’information, cherche à prévenir la
malversation des biens de l’entreprise en liquidation de ceux des associés et
de ses créanciers.

Paragraphe 2 : La protection des biens de la société en liquidation

Cette protection est surtout recherchée en cours de liquidation. Il faut en


effet empêcher que le liquidateur ne dilapide pas ce qui reste des biens de la
société.
Selon l’article 204 AUPC, la société est en liquidation « dès l’instant de sa
dissolution ». Or, le liquidateur a un rôle particulièrement important dans la
réalisation de ces opérations. C’est ainsi que la protection des biens de la

76
société et des associés est envisagée par le législateur en cours de liquidation
(A) et après la liquidation (B).

A.La protection en cours de liquidation.

C’est la période de la plus délicate. Trois infractions ont été prévues par le
législateur africain :
La première a été déjà étudiée dans nos précédents chapitres ; c’est l’abus
des biens et du crédit de la société, un usage qu’il savait contraire à l’intérêt
de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne
morale dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement selon
l’article 904, alinéa 1 AUSPC.
Le liquidateur étant pendant ce temps le seul dirigeant de l’entreprise, il doit
assumer les conséquences de ses actes préjudiciables.
La deuxième infraction est assez originale : c’est la cession sans
consentement unanime des associés ou sans autorisation judiciaire de tout
ou partie de l’actif de la société en liquidation. Cette restriction ne concerne
cependant que l’acquéreur ayant eu dans la société, la qualité d’associé, de
commandité, de gérant, d’administrateur d’administration générale ou de
commissaire aux comptes120. Le liquidateur encourait une sanction pénale
s’il cédait un bien de l’entreprise à l’une de ces personnes sans respecter les
conditions prescrites. Encore faut-il qu’il ait été de mauvaise foi, c'est-à-dire
ait su la qualité de l’interlocuteur. Ce qui est assez facile à vérifier.
Il est cependant curieux de constater que le législateur n’ait pas cru devoir
viser dans cette disposition les personnes à l’égard desquelles la cession de
tout ou partie de l’actif social n’est pas soumise à condition, mais plutôt
interdite. Il s’agit des employés du liquidateur, de son conjoint, de ses
ascendants ou descendants de l’article 214 AUPC. A notre sens, l’annulation
de la cession assortie éventuellement des dommages et intérêts devait
s’accompagner dans ce cas plus que dans l’autre, d’une sanction pénale,
telle qu’il a été prévu en cas de banqueroute.

120
cass.crim.,8 novembre 1993, revue sociétés, 1994,p 298

77
La dernière infraction est tirée de l’inobservation par le liquidateur de
l’exigence d’avoir à déposer à un compte ouvert dans une banque au nom de
la société en liquidation, dans le délai de quinze jours à compter de la
décision de répartition, les sommes affectées aux répartitions entre les
créanciers et les associés (article 903, al 5 AUPC). Il ne s’agit plus dans ce
cas de la répartition des biens de l’entreprise, mais plutôt de celle des biens
des associés et des tiers, la répartition ayant abouti à l’individualisation de
la part de chacun.
On s’achemine alors vers la clôture de la liquidation.

B. La protection après la liquidation :

Afin de s’assurer que les biens répartis de la défunte société parviendront à


leurs bénéficiaires, le législateur a imposé au liquidateur dans un délai d’un
an à compter de la clôture de la liquidation, le dépôt dans un compte de
consignation ouvert dans les écritures du trésor, les sommes attribuées à
des créanciers ou à des associés et non réclamés par eux.
C’est l’inobservation de cette prescription, qui est sanctionnée par l’article
902, alinéa 6 de l’acte uniforme.
D’aucuns peuvent trouver le délai d’un an au trop long.
Il s’explique néanmoins par la nécessité par le liquidateur de garder ces
sommes par afin de les représenter à tout moment à leurs propriétaires. Il
s’agit donc de sauvegarder l’intérêt bien compris de ces créanciers plus que
d’une opération de spéculation.
Au total, le législateur OHADA, afin d’assurer le milieu africain des affaires,
a créé de nouvelles infractions naguère prévues. Il se dégage de cette
législation, bien qu’incomplète, une nette tendance répressive. Cette
tendance devra être mieux précisée par les législateurs nationaux. C’est cette
précision que nous allons rechercher chez le législateur nigérien à travers la
répression de ces infractions qui va constituer la deuxième partie de notre
étude.

78
Deuxième Partie : La répression des infractions par les juridictions
nigériennes

Le traité de l’OHADA, en son article 1er, rappelle qu’il a pour objet


« l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l’élaboration
et l’adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la
situation de leurs économies… ».
C’est donc sur les règles juridiques applicables que l’OHADA va agir pour
harmoniser les affaires dans l’espace qu’elle couvre.
Notre étude s’intéresse au droit pénal OHADA, plus particulièrement le droit
pénal des sociétés commerciales. Or, parmi les matières harmonisées, le
droit des sociétés tient la première place. Ainsi, y a t’il eu l’acte uniforme
relatif aux sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique, dont
le titre III traite des dispositions pénales.
Il faut tout de suite remarquer que l’harmonisation n’a pas été effective en
droit pénal OHADA, il reste encore des zones à défricher. En effet, tout en
posant les bases fondamentales des incriminations en droit des sociétés,
l’OHADA s’est contentée de créer des infractions auxquelles elle n’a pas
prévu de sanctions. Et, elle renvoie aux Etats parties la lourde responsabilité
de déterminer les peines applicables à travers l’article 5 du traité relatif à
l’harmonisation du droit des affaires : « … les actes uniformes peuvent
inclure des dispositions d’incriminations pénales, les Etats parties
s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ».
Ce partage de compétence du droit pénal des affaires OHADA a suscité des
réactions dans la doctrine, car on assiste à un partage du phénomène
criminel, à celle de la politique criminelle. En effet, selon Marc Ancel, « si la
politique criminelle apparaît comme une stratégie méthodique de réaction
anti- criminelle, il est difficilement convenable de soumettre les deux
éléments de sa structure que sont le phénomène criminel et la réponse de
politique criminelle à une logique différentes ».
Pourtant, telle fut la méthode adoptée par le législateur OHADA.
Il faut rappeler que seize Etats ont ratifié le traité OHADA :

79
Le Benin, le Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte
d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger,
Sénégal, Tchad, Togo, la RDC venait de faire son adhésion en octobre 2004.
Avant l’avènement de l’OHADA, le droit pénal nigérien des affaires était régi
par deux textes les plus importants : le nouveau code de commerce de 1992,
qui dans ses dispositions pénales prévoyait les infractions aux affaires
notamment les sociétés commerciale, et le code pénal (la loi N° 61-27 du 15
Juillet 1961). Néanmoins, d’autres textes d’incrimination existent, mais du
fait qu’ils n’intéressent pas notre étude, nous faisons de leur absence une
économie de temps.
Il s’agit en gros, de textes non unifiés amenant le juge nigérien à parcourir
les législations existantes pour pouvoir appliquer une sanction. C’est dans ce
contexte que le traité OHADA entre en vigueur dans les Etats parties en
général et au Niger en particulier. L’avènement du droit communautaire
aurait pu être une bouffée d’oxygène pour le juge répressif, partagé dans les
textes épars. Mais nous pouvons dire selon l’expression consacrée que « la
montagne a accouché d’une souris », le traité renvoyant aux Etats le soin de
déterminer les sanctions applicables aux infractions d’affaires.
Il faut indiquer qu’à ce jour, la majorité des Etats parties, le Niger compris,
n’ont toujours pas pris les sanctions correspondant aux incriminations
prévues.
S’agissant du Niger, les textes de base appliqués par les juges répressifs sont
les sanctions pénales prévues par le nouveau code de commerce (concernant
les dispositions qui ne sont pas contraires à la loi communautaire), et le
code pénal de 1961, ayant subi quelques adaptations. La compréhension du
renvoi du législateur communautaire nous amène à nous interroger sur le
choix de la compétence nationale à déterminer les sanctions (chapitre I), sur
la méthode de répression des infractions par le juge nigérien (chapitre II), et
enfin la procédure des voies de recours (chapitre III) nécessaire dans chaque
système juridique.

80
Chapitre I : compétence nationale dans la détermination des
sanctions pénales

Comme nous l’avons dit précédemment, l’harmonisation envisagée par


le législateur africain n’a concerné que la détermination des comportements
répréhensibles. Il a donc renvoyé aux Etats parties d’organiser la répression
des comportements déterminés par l’acte uniforme. Même si la question a
suscité une réaction de la doctrine en Afrique, il faut quand même
reconnaître qu’il s’agit des questions pénales, et que celles-ci se situent « au
cœur même du sanctuaire de la souveraineté121 des Etats » .
En effet, le droit relève de la souveraineté et traduit la politique criminelle de
chaque pays pour combattre la criminalité. Cette politique dépend en grande
partie des valeurs et des réalités d’un peuple, car comme l’a dit Portalis, « la
lecture des lois pénales d’un peuple peut donner une juste idée cde sa
morale publique et de ses mœurs privées »122.
Aussi, le renvoi au législateur national de la sanction peut porter entorse à
l’article 10 du traité rendant les actes uniformes d’une applicabilité directe,
c'est-à-dire sans l’intervention des autorités nationales. En effet cette
applicabilité directe est mise en cause par l’intervention du législateur
national pour déterminer les peines.
Il ,s’agissait donc pour les Etats parties au traité de traduire dans les faits
leurs engagements en vertu de cette disposition et surtout éviter un vide
dans la répression : tel est aujourd’hui le chantier qui s’impose à chacun
d’eux. Néanmoins, il est cependant exceptionnel en droit pénal international,
que la norme de comportement et la norme de répression soient
exclusivement régies par le droit conventionnel. En général, le droit
international et le droit national procèdent à une allocation de compétence :
le premier énonce les normes de comportement et le second les normes de
répression. C’est le schéma adopté par le traité Ohada. Cependant, nous
nous sommes interrogés sur les motivations du législateur dans cette

121
Expression empruntée au Professeur Michel Virally,cours général de droit international
public,rcdi,1983,t.183,p124
122
Portalis, cité par Abdoullah Cissé dans son observation sur le droit pénal des affaires ohada, dans : collection
droit uniforme africain, 2002, bruyllan

81
entreprise. Ainsi, dans ce chapitre ,nous avons envisagé d’étudier les
justifications apportées par le législateur et les auteurs(section1), ainsi que
la réception du droit conventionnel par le droit national(section2).

Section1 : Les justifications de l’attribution de compétence aux


états

Pour la méthode du renvoi législatif, l’OHADA a transféré aux états le soin de


trouver des sanctions aux incriminations contenues dans les actes
uniformes. Il s’agit selon Jacques Bore « une mobilisation du droit national
au service du droit communautaire »123, cependant une partie de la doctrine
conteste la pertinence d’une telle option. Mais on a tout de même tenter de
justifier l’attribution de compétence par des raisons d’ordre
juridique(paragraphe1) et des raisons d’ordre économique(paragraphe2).

Paragraphe1 : les raisons d’ordre juridique

Certains faits ne nous permettent pas d’accéder à certaines informations


notamment en ce qui concerne les actes préparatoires des textes. En effet,
certes le traité ohada a été signé en terre africaine, certes le code ohada
comporte un préambule manifestant la volonté des chefs d’états au
regroupement. Cependant, et selon des sources très concordantes, les textes
de l’ohada, notamment les actes uniformes ont été rédigés par des cabinets
privés français. En outre, le Niger, pays membre de l’ohada, n’a pas fini de se
mettre en conformité, notamment en ce qui concerne la détermination des
sanctions. Néanmoins, la tentative de révision ou d’insertion des sanctions
ont donné lieu à des exposés des motifs basés d’une part sur la différence de
système pénal des états signataires du traité(A) et sur l’option pour un
système libéral par l’ohada(B).

123
Jacques Bore « la difficile rencontre du droit pénal et du droit communautaire »,Mélanges en l’honneur
d’André vitu, droit pénal contemporain,cujas, 1989,p25-49

82
A .La différence de système pénal des Etats signataires

La principale raison invoquée par l’exposé des motifs sur les sanctions
pénales applicables aux infractions contenues dans les actes uniformes fut
la différence de système pénal des états parties aux traités. Ainsi la
principale préoccupation du législateur nigérien était de prévoir des peines
conformes à son système pénal, donc adapté à ses valeurs et ses réalités,
d’où la confirmation de l’affirmation de Portalis.
Telle fut, en quelque sorte la situation de chacun des pays membres de
l’OHADA. Cependant cette justification n’est pas à l’abri de critique. En effet,
tous les Etats membres ou presque tous, appartiennent à la même tradition
juridique héritée de la France, à l’exception de la Guinée Bissau et la Guinée
Equatoriale. Dès lors, on pouvait procéder par rapprochement de système
pénal pour aboutir à une homogénéité, partielle soit-elle. Ainsi, peut-on
rapprocher les pays de tradition juridique française à une même sanction
pénale, alors que les autres pouvaient envisager la leur qui paraît conforme.
Aussi, une seconde solution est envisageable, il s’agit de la possibilité par
exemple pour les Etats, de mettre en harmonie leur conception philosophico
juridique en vue de mettre en place un dispositif répressif commun tout en
laissant aux juges une marge d’appréciation permettant de moduler les
peines prévues au moment de leur application en fonction des
particularité&s de chaque espèce, ce qui serait « le plus conforme au
mouvement d’harmonisation qu’ils ont enclenché »124

B. L’option pour un système libéral pour l’OHADA

L’OHADA a opté pour un système libéral et c’est d’ailleurs une des raisons
pour lesquelles elle a accordé une certaine liberté aux Etats dans le choix de
leurs systèmes pénaux et conséquemment les sanctions encourues par les
contrevenants à la norme communautaire. Mais cette option libérale risque

124
Au Niger, la cour d’assises se compose de la cour proprement dite, et du jury ; la cour proprement dite
comprend le president et deux conseillers ; le jury est composé de citoyens designés conformement aux
dispositions du code de procédure pénale et appelés jurés.

83
de créer des inégalités qui contreviendront à un principe général de droit,
qu’est l’égalité des justiciables devant les sujétions résultant des peines
appliquées. En effet, la mobilité et le besoin de circulation d’affaires
voudraient que la sanction soit unique pour tous et à l’égard de tous. Ainsi,
en matière d’infractions d’affaires, les amendes sont presque toujours
prononcées. Or, avec le système libéral OHADA, les amendes se
diversifieront en fonction donc du pouvoir d’achat des justiciables, car
soumettre le justiciable gabonais et le justiciable nigérien à une même
amende heurterait le principe de l’égalité de ces deux justiciables.
En outre, il faut préciser que la liberté de choix des peines à une portée
relative. En effet, cette liberté n’est pas absolue. Elle ne signifie pas en
réalité, faculté d’édicter des peines.
Elle s’étend donc comme la latitude de choisir la nature et les quantum des
peines. Ici les peines ne se limitent pas aux classiques peines principales
que sont l’emprisonnement et l’amende. Il existe à côté d’elles, des peines
dites complémentaires et même des peines de sûreté.
Ainsi l’OHADA dans certains cas, prévoit l’obligation ou la faculté pour les
tribunaux internes de prononcer certaines peines complémentaires.
C’est par exemple l’affichage et la publication des décisions de condamnation
au sens de l’article 246 de l’AUPCAP. L’on a aussi justifié l’attribution de la
compétence par des raisons économiques.

Paragraphe 2 : les raisons d’ordre économique

La reforme entreprise par les Etats africains dans le cadre était une réforme
non seulement juridique, mais aussi économique, comme le témoignent les
objectifs assignés à la loi communautaire.
EN effet, toutes les activités relatives au droit des affaires ont été régies par
la loi uniforme. Et les sanctions résultant de l’ordre public communautaire
ont été laissées à la discrétion des Etats. Pour ce fait, on a tenté de justifier
l’attribution par des raisons économiques qui tiennent aux disparités des
niveaux de développement économique des Etats (A) et aux coûts de la
justice (B).

84
A. Les disparités des niveaux de développement économique des Etats

Selon l’article 1er du traité OHADA, l’objectif poursuivi par cette institution
est « l’élaboration et l’adoption de règles communes, simples, modernes et
adaptées à la situation de leurs économies ». Cela se signifie que les Etats
parties au traité OHADA, ont conscience qu’ils ne sont pas à un même
niveau de développement. D’où les disparités économiques dont il faudrait
tenir compte dans le projet communautaire.
Cette disparité flagrante est à la base semble-t-il du rattachement des
sanctions aux législateurs nationaux. En effet, il existe une différence
économique très poussée entre les Etats membres. Ainsi, tandis que certains
de ces Etats sont considérés comme le moteur économique, comme la Côte
d’Ivoire ou le Gabon, d’autres par contre subissent le poids de la dette
extérieure et succombent de leur marasme économique, c’est le cas de la
Guinée Bissau ou du Niger, ou encore la Guinée Conakry.
D’autres par contre ont pu prendre de l’avance et ont prévu des législations
similaires à l’OHADA, et ce qui leurs a permis d’être en avance par rapport
aux autre Etats. Le Sénégal constitue un exemple du genre.
Dès lors, dans ces pays, le législateur a voulu permettre à chaque Etat
membre d’organiser la sanction, car la réaction criminelle est fonction des
réalités sociales et du caractère de la gravité des actes ou comportements
répréhensibles dans la société. Ainsi, la peine appliquée à un dirigeant de
société pour une infraction portant sur le capital social ne peut être réprimée
de la même peine selon que les prévenus sont guinéens et gabonais, car à la
suite sanction pénale en matière des affaires, il y a toujours une amende qui
ne peut être fixée au même taux, ce qui ramène aussi à une disparité des
coûts de la justice.

B. Les disparités des coûts de la justice

La justice a un coût, un frais qu’il faut payer à chaque fois qu’on la réclame.
En matière civile, ce qui est supporté par les justiciables qui s’adressent à la
justice pour que le juge dise le droit. Mais ici, il s’agit non d’une atteinte à

85
un droit personnel, mais à l’ordre public que les Etats s’engagent à protéger.
D’où il lui revient de supporter les coûts de la justice, car la justice pénale
est un monopole de l’Etat. Cependant les Etats membres ne sont pas tous
riches. C’est pourquoi, selon Abdoullah CISSE, « on pourrait interpréter la
nationalisation de la sanction pénale comme une manière de faire respecter
le droit issu de l’OHADA en fonction de leur capacité financière et
économique à prendre en charge le phénomène criminel ». Cette disparité
flagrante des niveaux de développement des pays membres de l’OHADA
semble être à la base du rattachement des sanctions aux législations
nationales. Cela signifie que les sanctions privatives de liberté ou celles
prononçant les amendes pénales seront fonction de la capacité d’accueil des
prisons et des revenus des prévenus selon le cas, mais également du poids
économique que le prévenu représente pour l’économie nationale, d’où
l’acceptation par certains Etats du « White colar criminal ».
En effet, même la disparité est présente dans les programmes politiques des
Etats, car à titre d’exemple, on ne peut compenser les dépenses budgétaires
allouées au Ministère de la justice en Guinée par rapport au Sénégal, le cas
du Niger ne saurait été cité ici dès que le pays bénéficie actuellement d’un
programme financé par les bailleurs de fonds dans le cadre de la reforme
judiciaire entreprise depuis 2000.
Cette situation de disparité n’est pas sans causer des soucis et inquiétudes
dans la doctrine africaine. En effet, la première peut du fait que, les Etats
risquent de privilégier les sanctions pécuniaires au détriment des sanctions
privatives de liberté, et financeront les programmes de lutte contre la
criminalité, ce qui reviendra un revers de la médaille. La conséquence est la
multiplication des amendes, et par suite de la criminalité.
Cependant il appartient malgré tout aux Etats de définir les sanctions. Alors,
il leur faudrait également maîtriser toutes les conséquences de cette option.
Ils sont certes habilités à prendre les sanctions qu’ils jugent opportunes
selon les objectifs de répression qu’ils se seraient fixés et les moyens à leur
disposition, mais cela peut aussi affecter le système pénal en général car,
tandis que certains Etats recourent à des législations pénales très tolérantes,
d’autres au contraire adoptent des sanctions très sévères.

86
Deux explications peuvent être fournies à l’appui de ces hypothèses.
D’abord, l’un des objectifs de l’OHADA est d’assurer le retour des
investisseurs dans l’espace qu’elle régit, ce qui apparaît comme une
compétition entre Etats. Et pour attirer le maximum d’investisseurs, certains
Etats créeront ce qu’on appelle des « paradis pénaux » avec des législations
trop permissives.
D’autre part, l’OHADA a aussi pour objectif de mettre fin à l’insécurité
juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, ce qui conduira certains Etats à
la rigueur dans la sanction. Cependant et selon leur propension à la rigueur
ou à la flexibilité, les Etats choisiront les sanctions devant assurer le respect
de la norme communautaire, qui est corrélativement à l’origine des
disparités de sanctions pénales. Les conséquences sont multiples cependant.
En effet, les pays communément appelés « paradis pénaux », ou « pays
refuges »125 ou encore « forum shopping », seront à l’origine de la mise en
place de « vraies multinationales du crime avec des pays exportateurs et des
pays importateurs de la criminalité ».
C’est ce qui explique le développement de la criminalité transnationale avec
notamment la complexité liée à la décentralisation du pouvoir de décision et
à la dispersion des acteurs.
C’est pourquoi certains auteurs ont pensé que la nécessité de poser des
principes directeurs communautaires s’imposent, car il s’agit là de consacrer
des convergences et rapprocher les divergences par des règles juridiques et
des valeurs communes qui servent de référence.
Le professeur Delmas-MARTY126 une distinction de ces principes généraux
par :
- des « principes directeurs de confluences » inspirés ou imposés par la
France et la Belgique ;
- des principes directeurs de synthèse « qui tendent à concilier des
divergences » de conception. Pour y parvenir, on doit aboutir à une définition
des institutions qui font l’objet de divergence ;
125
Voir l’art 19 du règlement et procédure de la cour commune de justice et d’arbitrage, code commenté
ohada,2è édition, 2002, p46.
126
Voir commentaire de jacqueline lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code
ohada, p45

87
- des règles supplétives lorsqu’il s’agit de combler les lacunes constatées.
La consécration de la société anonyme unipersonnelle est un exemple de
règle supplétive, la responsabilité des personnes morales fait l’objet d’attente
certainement. Peut être que ces principes aboutissent à une harmonisation
des sanctions malgré la cohabitation tumultueuse quant à la réception de la
norme communautaire par la loi nationale.

Section 2 : La réception de la norme communautaire par la loi


nationale en matière pénale.

A la veille de l’entrée en vigueur du traite OHADA, tous les Etats avaient


chacun une législation propre qui régissait les activités ayant fait l’objet
d’harmonisation, mais les caractéristiques que nous avons évoquées ayant
conduit à l’harmonisation des droits : vétusté, archaïsme, inadaptation etc.
Le 1er janvier 1998, entrait en vigueur l’acte uniforme relatif aux sociétés
commerciales et proprement d’intérêt économique, c’est donc selon
l’expression de Mr MOKOKO Frédy Cyriaque « du sang nouveau dans un
vieux corps »127
Le "choc de titans " produit par la rencontre du droit communautaire et le
droit interne des Etats n’est pas sans inconvénients sur la cohabitation qui
paraît tantôt conflictuelle.
En effet, le nouveau droit s’est heurté à la souveraineté des Etats parties au
traité, eu égard au rôle que joue le droit pénal dans la souveraineté de l’Etat.
Mais comment au demeurant, introduire le nouveau droit pénal de l’OHADA,
dans le droit interne de chacun des Etats parties au traité, notamment au
Niger ?
La méthode semble être décrite à travers la technique d’implantation de la
norme communautaire (paragraphe 1), affirmant par suite la supériorité de
la norme communautaire (paragraphe 2)

127
Bulletin ohada,n°1, Aout-septembre 2000,p4

88
Paragraphe 1: la technique d’implantation de la norme
communautaire
Avec le développement des relations entre Etats, les modèles extérieurs à un
Etat prennent pour celui-ci une importance primordiale.
Sur le plan technique, le Professeur Jean Pradel distingue deux formes de
rapprochements128: la première très classique est celle de la réception, en
vertu de laquelle, les gouvernants d’un Etat A accueillent, reçoivent le droit
d’un Etat B, et cela sans accord entre les deux Etats. La seconde forme, la
plus moderne, est celle de l’harmonisation entre les droits des divers Etats,
ces Etats mettent en commun certains principes à la suite d’un accord entre
eux. Telle fut la technique pour laquelle a opté le législateur OHADA, car il
s’agit de réduire les différences entre les droits, même si on considère
qu’elles « appauvrissent le domaine du droit pénal comparé », car les
ressemblances vont l’emporter sur les différences.
Ainsi, avec la montée de la criminalité, notamment sous sa forme
internationale, et avec le développement des relations entre les Etats, le
stade de la réception paraît dépassée. Les législateurs ne voulant plus
seulement s’inspirer d’autres expériences pour enrichir leurs droits, ils
envisagent en outre d’établir une certaine uniformisation ou harmonisation
entre leurs droits. Selon le professeur Jean Pradel, « le vieux rêve des
compatriotes et pas seulement des pénalistes serait de parvenir un jour à un
seul droit »129.
En outre, deux formes d’harmonisation peuvent être distinguées.
Il y a d’une part l’harmonisation modérée faite entre Etats signataires d’un
corps de principe, et d’autre part une harmonisation renforcée constituée
par des règles uniformes acceptées par un grand nombre d’Etats dans les
secteurs déterminés.
L’harmonisation des droits, notamment du droit pénal des affaires dans les
Etats membres de l’OHADA ne s’est pas faite sans difficulté. En effet, la
résistance des législations nationales a constitué le plus grand fossé à
franchir. De ce fait, la doctrine reconnaît deux techniques d’implantation du

128
J. Pradel,droit pénal comparé,2è édition,dalloz 2002,p214
129
Jean Pradel, voir op. cit ci-dessus

89
droit communautaire (A) dans lesquelles le juge nigérien a opté pour son
choix (B).

A. Les techniques d’implantation des normes de comportement du


système OHADA en droit pénal interne :

Le droit conventionnel ne peut, sans l’appui sinon la collaboration du droit


interne, s’imposer au sein de la société étatique. Le droit interne a l’avantage
d’une forte organisation qui lui permet de s’imposer de manière autonome,
ce qui n’est pas le cas du droit international.
Ainsi, deux techniques s’offrent au législateur : la technique de la
reproduction (1) et la technique de l’intégration pour référence (2).

1. La technique de la reproduction :

Dans cette première hypothèse, il consiste pour l’Etat partie de


« recopier »130 dans la loi, la norme de comportement contenue dans la
convention (en l’occurrence l’acte uniforme) et y accoler la norme de
répression (la sanction) que l’Etat détermine lui-même.
Cependant cette technique a des avantages, mais aussi des inconvénients
comme l’avantage, elle permet de brasser dans un texte unique les des deux
normes que la seule lecture de la loi nationale permettra au justiciable de
connaître. Cependant, il faut noter qu’à ce jour, il semble que beaucoup de
ces Etats membres de l’OHADA n’ont pas pris les sanctions correspondantes
sauf le Sénégal par une loi qui date de 1998 ; le Niger en effet n’en a pas
encore décidé. On lui reconnaît aussi, une vertu psychologique. En effet, le
juge national, toujours plus à l’aise dans la législation interne aura le
sentiment sécurisant d’appliquer sa loi nationale. Mais l’inconvénient est
qu’elle peut donner le sentiment de la perte de son caractère propre et
prévalent de la disposition conventionnelle. D’où l’appel possible à la
technique de l’intégration par référence.

130
Michel Mahouve, dans le penant n°846, p92

90
2. La technique de l’intégration par référence.

Ici, la loi interne se bornera de se référer à la disposition conventionnelle


posant la norme de comportement et à en sanctionner la transgression. La
formule est la suivante : la loi punira par exemple de telle peine, celui qui se
sera rendu coupable d’infraction aux dispositions de l’article….de l’acte
uniforme sur les sociétés et groupements d’intérêts économiques.
Son avantage est la révélation de l’origine internationale ou communautaire
de la norme de conduite. Cependant, elle ne rend pas la tâche facile aux
justiciables et aux tribunaux. En effet, ceux-ci seront obligés de se référer à
deux documents distincts : l’acte uniforme pour connaître le comportement
prohibé, et la loi nationale pour connaître la peine encourue.
En définitive, certains auteurs131, avaient pensé à la possibilité de concilier
les deux techniques en indiquant la norme de référence et sa substance. En
tout état de cause, chaque Etat partie a la latitude de choisir la technique
d’intégration des dispositions d’incrimination pénale OHADA dans son droit
interne et conséquemment choisir les principes qui s’y attachent, d’où
l’option du législateur nigérien.

B. L’option du législateur nigérien

Nous avions dit au départ, que l’éparpillé des textes, fait partie des raisons
de l’archaïsme du droit en vigueur dans les Etats membres de l’OHADA, et
conséquemment l’harmonisation des droits pour créer un environnement
juridique sain.
Ainsi, au Niger, la législation en matière pénale, concernant les activités
économiques était éparpillé à travers des textes divers. Ainsi, en matière de
société, la législation d’incrimination était contenu dans deux textes : le
nouveau code de commerce, livre relatif aux sociétés commerciales, et le
code pénal de 1961.
S’agissant du nouveau code de commerce, il ne convenait que les
incriminations relatives à la constitution des sociétés. Quand au code pénal

131
Michel Mahouve, op cit. penant, p93

91
et s’agissant des infractions aux sociétés, il incriminait l’infraction d’abus
des biens sociaux par l’abus de confiance à l’image de l’ancien droit pénal
français. De même, l’infraction à la mort des sociétés est prise en charge par
le code pénal sous la notion de banqueroute.
Cependant, le problème se pose en ce que, l’acte uniforme est désormais le
droit commun des sociétés dans l’espace OHADA, pour l’heure le défi n’est
pas encore relevé malgré la mise en route de la norme communautaire.
Pour éviter donc un vide dans la répression, le code pénal a subi une
révision, mais sans grande ampleur, car c’est seulement l’infraction d’abus
des biens sociaux qui a été introduit et là, le législateur a opté pour
l’intégration par référence. Dès lors, on peut conclure que quand la reforme
interviendra au Niger, le législateur assurément adoptera cette technique car
les Etats résistent encore à l’introduction d’un droit communautaire qui
risque de leur ôter le seul élément de souveraineté à leur disposition, sauf
qu’ils ont encore la faculté de déterminer les peines applicables. Mais malgré
la résistance des droits nationaux, la supériorité de la norme
communautaire reste affirmée sur plusieurs plans.

Paragraphe 2 : L’affirmation de la supériorité de la norme


communautaire.

Dans leur processus d’harmonisation, le législateur OHADA est d’emblée


passé par la manière forte. En effet, l’article 10 du traité impose de façon
énergique la loi communautaire en ces termes : « les actes uniformes sont
directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant
toute disposition contraire au droit interne, antérieure ou postérieure ».
C’est donc l’option pour une technique des règles matérielles et non celles
des conflits.
Au delà des interrogations de la part de certains juristes africains sur la
dimension supranationale de l’OHADA(cfà djibril Abarchi cité en note), l’on
est en droit la place qu’occupe ce droit dans l’ordonnancement juridique
interne des Etats. La raison d’une interrogation est que le principe de légalité

92
se trouve perturbé et surtout la compétence de l’organe législatif de l’OHADA
cause problème car le conseil des Ministres est l’organe de régulation.
Cependant, la volonté manifestée par les Etats pour harmoniser leur droit
est à ce pris. Ainsi, la supériorité de la norme communautaire peut être
affirmée sur le plan normatif (A) et sur le plan judiciaire (B).

A. Au plan normatif

Le droit de l’OHADA est matérialisé par des actes uniformes, véritables


normes supranationales sécrétées par la plus haute instance politique de
l’organisation, le conseil des ministres. Beaucoup de chercheurs se sont
interrogés sur l’étendue de cette supranationalité normative, notamment la
coexistence avec les normes de droit interne. Il y eut donc une cohabitation
tantôt pacifique (1), tantôt conflictuelle (2).

1. La cohabitation pacifique entre l’acte uniforme et le droit pénal


international

La cohabitation pacifique s’entend ici de l’existence de deux sources


parallèles régissant les mêmes situations. Elle résulte de la survivance de
certaines lois, préexistantes ou postérieures à celui-ci. En effet, l’existence
d’un acte uniforme dans une matière donnée ne fait pas obstacle à ce que les
législateurs nationaux continuent de légiférer dans le même domaine.
L’hypothèse où l’acte uniforme autorise les législateurs à légiférer sur des
points particuliers, qu’il laisse à leur compétence ne doit pas être prise en
compte en l’occurrence, puisqu ‘elle suppose que le législateur OHADA se
soit abstenu d’édicter des normes communes. En droit pénal OHADA cette
cohabitation est trop flagrante, car le législateur OHADA renvoie
expressément aux législateurs nationaux d’édicter les normes de sanctions.
Ainsi, au-delà des règles de fond, les règles de forme sont entièrement
laissées à la compétence du législateur national chargé d’élaborer la
procédure à suivre. Cependant la contrariété n’est pas admise dans l’édiction

93
des normes par les législateurs nationaux. Selon Djibrilla Abarchi132, on peut
considérer qu il y a contrariété « lorsqu’une interdiction, une obligation ou
une permission est consacrée par un acte uniforme sans qu’il en soit ainsi
dans le droit interne et vice versa ».133. La cohabitation pacifique peut
également résulter du silence des actes uniformes sur certaines questions
relatives au droit des affaires. C’est le cas lorsque les législateurs nationaux
restent libres de prescrire des dispositions de droit interne qui leurs
paraissent utiles malgré le lien avec d’autres matières objet d’actes
uniformes. Quoi qu’il en soit, un ordre juridique résultant de la cohabitation
présente l’avantage pour les justiciables de choisir entre la juridiction
communautaire et la juridiction nationale de cassation. Mais l’inconvénient
provient d’incidents anachroniques de procédure liée à la résolution des
problèmes de contrariété. A l’heure actuelle, les tribunaux n’ont pas connu
beaucoup d’affaires en matière pénale, d’où l’absence de décisions
permettant de mettre en lumière la nature des incidents. Parfois, la
cohabitation est conflictuelle.

2. La cohabitation conflictuelle entre droit harmonisé et les autres


normes.

Le conflit peut résulter de l’incompatibilité entre les dispositions d’un acte


uniforme et les règles internes ou internationales.
En principe, le législateur a d’ores et déjà écarté toute possibilité de
concurrence du droit interne avec le droit communautaire à travers l’article
10 du traité. En vertu donc de cette primauté, le juge national doit appliquer
l’incrimination conventionnelle de préférence à l’incrimination interne
contraire, non compatible, car la sécurité juridique des justiciables du droit
communautaire est au demeurant à ce prix.
Dès lors, le conflit résulte de l’incompatibilité entre la norme communautaire
et la norme interne. Cependant, en matière, chaque droit national incrimine
en effet les comportements qui, à ses yeux sont d’une gravité telle qu’ils

132
D. Abarchi, Maitre de conférence à la faculté de droit , Université de Niamey(Niger).
133
Du meme auteur : « la supranationalité de l’ohada, revue Burkinabé de droit, n°37,1er septembre 2000.

94
méritent une sanction pénale. Tout fait qui rentrerait dans ses catégories de
punissabilité, au-delà de sa source, serait dès lors de sa juridiction ; d’où
dans la sphère nationale, le droit interne bouche les trous d’impunité laissés
par le droit communautaire. Ainsi, plutôt qu’un conflit, c’est en d’autres
termes l’application du principe de subsidiarité du droit national par rapport
au corpus juris communautaire.

B. Au plan judiciaire

pour éviter aux juridictions nationales leur propre compréhension des actes
uniformes, ou même du traité, l’acte fondamental de l’OHADA a répondu à
ce souci de sauvegarder la logique du système en instituant une cour
commune de justice et d’arbitrage, car un « droit uniforme appelle une
jurisprudence uniforme ». Les compétences de la juridiction communautaire
mettent parfaitement en exigu la spécificité de son caractère supranational
(A). Cette supranationalité qui s’est traduite par la dévolution de certaines
attributions traditionnelles des juridictions supérieures à la juridiction
commune n’est pas sans soulever des difficultés qu’il convient d’examiner
(2).
1. La supranationalité liée à la compétence de la cour

La cour commune de justice et d’arbitrage composée de sept juges élus par


le conseil des Ministres de l’OHADA a pour attributions fondamentales, le
règlement du contentieux né de l’interprétation du traité de l’OHADA ou de
l’application des actes uniformes. Elle intervient également en matière
d’arbitrage sans être elle-même une juridiction arbitrale. De ces attributions,
celles relatives à l’application des actes uniformes retiendront
particulièrement notre attention dans le cadre de cette analyse portant sur la
supranationalité de l’institution. C’est en effet, à l’égard contentieux né de
l’application des actes uniformes que l’on appréhende mieux la suprématie
de son autorité sur les juridictions nationales. S’agissant de sa fonction
contentieuse, justement la cour commune de justice et d’arbitrage est régie
par une procédure particulière. En effet, lorsqu’elle casse une décision d’une

95
juridiction national du fond, elle ne renvoie pas ; elle évoque et statue au
fond. Ses arrêts ont autorité de chose jugée et force exécutoire dans les Etats
parties au même titre que les décisions des juridictions nationales.
Ainsi, les juridictions nationales se trouvent déchargées de leurs
compétences traditionnelles en matière de droit des affaires.
Deux précisions permettent d’appréhender la supranationalité de la norme
communautaire :
-D’une part, les juridictions nationales de cassation lorsqu’elles sont saisies
doivent suspendre l’examen de la question qui leur est soumise si leur
incompétence est soulevé par un plaideur. L’article 16 du traité est assez
explicite à cet égard : « la saisine de la cour commune de justice et
d’arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une
juridiction nationale contre la décision attaquée », « une telle procédure ne
peut reprendre qu’après arrêt de la cour commune de justice et d’arbitrage
se déclarant incompétente pour connaître l’affaire ».
-d’autre part, si elles s’abstenaient malgré tout a rendu une décision, celle-ci
serait « nulle et non avenue » si la cour commune venait à les déclarer
incompétentes.

2. La problématique du transfert de compétence à la cour commune


de justice et d’arbitrage

L’article 14 du traité fixe la compétence ratione materiae de la cour commune


de justice et d’arbitrage. Mais cet article vise également les questions
s’intéressant à l’interprétation et l’application des actes uniformes.
Cependant, cette précision ne suffit pas à lever l’équivoque sur les limites du
contentieux relevant de la cour commune de justice et de juridictions
nationales ; « la confusion résulte découle des limites du droit des affaires ».
En effet, un plaideur peut parfaitement invoquer à la fois un acte uniforme
et une autre disposition de droit interne ; relatives aux matières définies
comme relevant du droit des affaires ou non. Le droit uniforme peut même
être invoqué de façon subsidiaire.

96
Dans ce cas de figure, faut-il décider que le recours en cassation doit
nécessairement être porté devant la cour commune, ou doit-on au nom de la
subsidiarité du droit harmonisé reconnaître la compétence à la juridiction
nationale de cassation ?
Pareillement, on peut s’interroger sur la compétence de la cour commune
lorsqu’une matière est régie à la fois par une loi nationale et un acte
uniforme, dans les termes non contraires.
L’exemple se présente pour les pays disposant d’une législation récente en
matière de droit des affaires. C’est le cas du Niger où le nouveau code de
commerce, spécialement les derniers livres adoptés (livres III et IV) tiennent
largement compte de ce qui n’était à l’époque de leur élaboration que des
projets d’actes uniformes. En pareille hypothèse, les plaideurs disposent
finalement d’une option entre le droit interne sur la base duquel ils peuvent
fonder les moyens et introduire leur recours devant la cour suprême ou le
droit harmonisé qui peut servir d’appui pour justifier la compétence de la
cour commune de justice et d’arbitrage.
Rappelons ici que le traité n’interdit pas aux législateurs nationaux de
légiférer en matière de droit des affaires, il s’oppose seulement à la
contrariété entre les normes de droit interne et celles du droit
communautaire qui restent prépondérants en cas de conflit. Il y a donc
encore à parfaire les règles de compétence entre les juridictions internes de
cassation et la cour commune. Cela peut se faire par des dispositions
clarifiant davantage les solutions qui doivent prévaloir dans les situations
évoquées ici.
C’est donc dans toutes ces difficultés que les législations nationales en
l’occurrence la législation nigérienne organisent la répression des infractions
aux sociétés commerciales.

97
Chapitre II : l’organisation de la répression des infractions en
droit nigérien

L’acte uniforme de l’OHADA renvoie aux Etats parties, d’organiser la


répression des infractions qu’il a déterminées. Dès lors, chaque Etat dispose
d’un large pouvoir pour déterminer la répression sans porter entorse à la
norme communautaire.
Le Niger, à l’instar de plusieurs Etats membres, n’a pas encore déterminé
une législation correspondante aux in fractions prévues par l’OHADA en
matière de sociétés commerciales. La reforme est très attendue par les
juristes et praticiens, ainsi que par la doctrine. Néanmoins, le législateur
nigérien n’a pas opté pour l’impunité. Ainsi, en rappel, nous avons dans
notre introduction, précisé que la législation nigérienne mettait l’accent sur
un droit économique du développement. Ainsi, en vue de protéger l’ensemble
économique, le droit pénal des affaires a déterminé une fourchette
d’infraction qu’il a appelé « les infractions à caractère économique ».134. Ces
infractions concernent l’ensemble du droit pénal des affaires notamment les
infractions aux lois et règlements douaniers, les infractions en matière de
commercialisation et du transport, les infractions au code pétrolier, les
infractions à la loi minière, les infractions à la réglementation des prix et la
concurrence, les infractions aux fraudes dans la vente des marchandises et
des falsifications de denrées alimentaires et produits agricoles, les
infractions en matière de délit de chèque, les infractions aux sociétés etc.
Cependant, toutes ces infractions sont régies par des textes spéciaux.
S’agissant des infractions aux sociétés commerciales, elles sont régies par
deux textes différents : d’une part, le livre IV du nouveau code de commerce
de 1992, et d’autre part, le code pénal en vigueur au Niger qui a connu
l’introduction du délit d’abus des biens et du crédit de la société qui était
méconnu en droit nigérien jusqu’à l’avènement du droit OHADA. cependant
toute la procédure de la répression en matière d’infraction à caractère
économique est régie par la loi 61-33 du 14 août 1961 instituant le code de

134
.Mémoire de maitrise soutenu par Kamaye Mahamadou à l’Université de Niamey sous le thème : « les
infractions à la législation économiqe au Niger, juin 1998

98
procédure pénale au Niger. Le même code réglemente les sanctions
applicables aux délinquants.
Mais, des raisons que nous avons évoquées dans notre introduction
notamment le temps matériel, les problèmes didactiques et le problème
d’uniformité des textes ne nous permettent pas, dans cette partie de notre
analyse, de préciser les peines correspondantes à chaque infraction aux
sociétés. Nous osons élargir cette recherche après la reforme à venir. Nous
nous attellerons à préciser le processus de déclenchement de la procédure
de poursuite des infractions aux sociétés (section 1) et les sanctions prévues
par le législateur nigérien (section2).

Section 1 : le déclenchement de la procédure

Lorsqu’une infraction est commise, la détermination de la responsabilité


pénale du délinquant et des sanctions qui lui sont applicables intervient au
cours d’un procès pénal. L’objet de celui-ci est essentiellement l’action
publique. Mais la victime qui a subi un préjudice du fait de cette infraction
dispose d’une action civile en réparation de ce préjudice et l’article 3 du code
de procédure pénale lui donne le droit de porter cette action civile devant les
juridictions répressives. Ainsi, l’action civile (paragraphe 2) peur constituer
l’objet secondaire du procès pénal dont l’action publique est l’objet principal
(paragraphe1).

Paragraphe 1 : L’action publique

Toute infraction à la loi pénale donne naissance contre son auteur à une
action, l’action publique (article 1er du code de procédure pénale). C’est
l’action répressive intentée par le Ministère public au nom de la société
contre le délinquant afin de le faire condamner à une peine tout au moins à
faire constater la culpabilité de la personne poursuivie. Cependant, il y a un
particularisme de la législation économique qui se manifeste au niveau de
l’action publique. Ce particularisme se manifeste dès l’étape préparatoire de
l’exercice de cette action publique, c'est-à-dire dès la recherche et la

99
constatation des infractions (A). La constatation de l’infraction ordonne la
saisine du procureur de la République pour poursuivre (B), mais certains
évènements peuvent éteindre l’action publique (C).

A. La recherche et la constatation des infractions

Rechercher les infractions, les constater, en rassembler les preuves, en


identifier les auteurs et appréhender ceux-ci constituent l’un des rôles
essentiels de la police judiciaire en droit commun. Il en résulte que les
membres de la police judiciaire sont en principe seuls qualité pour dresser
les procès verbaux constatant des infractions. Cependant, la nature propre
des infractions économiques a rendu nécessaire en droit nigérien,
l’intervention d’un personnel plus spécialisé.135. Pour notre analyse, la
mission de la police judiciaire est prépondérante. Cependant, il faut signaler
que la police judiciaire est placée sous la direction du procureur de la
République.
L’expression de police judiciaire est utilisée pour désigner dans sa
signification légale, l’ensembles des missions confiées au service de police
judiciaire, de gendarmerie ainsi qu’aux fonctionnaires et agents de certaines
administrations.
Mais sa signification particulière la ramène au service de la sûreté nationale
que l’on désigne sous ces initiales "P.J".
Le législateur nigérien lui a assigné cinq missions :
- constater les infractions à la loi pénale ;
- rassembler les preuves ;
- rechercher les auteurs ;
- exécuter les délégations de juridiction d’instruction ;
- déferrer à leurs réquisitions.
En ce qui concerne la connaissance de l’infraction par la police judiciaire
avant l’ouverture de l’information, elle reçoit les instructions du procureur
de la République et de ses chefs hiérarchiques, les réquisitions et les

135
Il s’agit notamment : des agents de douane, les ingénieurs des services d’hydrocarbure, les agents assermentés
de la direction des mines, les agents forestiers etc..

100
plaintes et dénonciations ou effectue des constatations d’initiatives. Après
l’ouverture de l’information, les officiers de police judiciaires exécutent les
commissions rogatoires. Au Niger, le service judiciaire est structuré en deux
brigades : la première brigade est appelée brigade criminelle ; la deuxième
brigade est celle que l’on appelle brigade économique.
Elle est chargée de rechercher et constater des infractions plus spécifiques
qui ont un aspect économique. Cependant, bien que spécifique, cette brigade
n’arrive pas à couvrir toutes les infractions à caractère économique. C’est
pourquoi certaines institutions plus spécialisées ont été mises en place.136.

B. La mise en mouvement de l’action publique.

La poursuite se matérialise par le déclenchement de l’action publique à


l’encontre des complices et auteurs des infractions découvertes. C’est en
principe le procureur de la République qui prend les décisions nécessaires
en matière de poursuite à travers une double appréciation de la légalité et de
l’opportunité de la poursuite. Cependant, en matière de répression des
infractions et sociétés, et dans la plupart des cas, les commissaires aux
comptes sont chargés d’informer le procureur de la République des
irrégularités constitutives d’infractions prévues sinon ils encourent eux-
même une sanction pénale.
L’acte uniforme de l’OHADA a prévu une telle responsabilité des
commissaires aux comptes. C’est d’ailleurs le seul domaine où le législateur
communautaire a un peu touché aux règles de forme. Cependant, dans la
mesure où la législation en matière économique met en jeu des intérêts
souvent considérables, notamment en ce qui concerne les commerciales, et
par conséquent entraîner des conséquences néfastes pour les victimes, la
décision du Ministère publique est parfois subordonnée à la nécessité de la
plainte de la victime ou de l’administration intéressée.

136
Il s’agit de la loi 61-17 du 31mai 1961 sur le regime douanier ; de l’ordonnance n°92-037 du 21 aout 1992 sur
l’organisation de la commercialisation et du transport de bois, L’ordonnance n°92-025 reglementant les prix et la
concurrence

101
La nécessité d’une plainte préalable de la victime répond en matière
économique à des préoccupations différentes selon les cas, mais entraîne
toujours les mêmes conséquences.
En effet, aux termes de l’article 377 du code pénal nigérien, « dans tous les
cas prévus au présent chapitre, le Ministère public ne pourra agir que sur
plainte de la partie lésée ».
Or, le chapitre en question intitulé « violations des règlements relatifs aux
commerce » concerne bon nombre des infractions économiques.
La plainte de l’administration intéressée est souvent requise. Il s’agit des cas
où les infractions sont constatées par des agents autres que ceux de la police
judiciaire. C’est le cas des commissaires aux comptes en matière de société.
En droit comparé, en France par exemple, la plainte préalable de
l’administration est requise dans le cas du contrôle de change en matière
économique(cf loi 2001 sur les régulations économiques).
Dans tous les cas, le Ministère publique ne peut décider une poursuite que
s’il y a une plainte formulée par la personne en l’administration qualifiée.
Cependant, en France la nécessité d’une plainte est parfois requise pour
mettre en mouvement, l’action publique, au Niger, il n’en est pas de même
de la nécessité d’un avis. En effet, au Niger, il n’existe aucun mécanisme si
on écarte le cas de la commission nationale de la moralisation de la vie
publique qui joue un rôle actif en matière pénale. Ainsi, aucun texte général
ou spécial ne commande au procureur de la République de demander
obligatoirement ou facultativement l’avis d’un organisme quelconque,
seulement au cours de la procédure, il peut demander des expertises.
D’ailleurs, il convient de noter que les commissions dans les cas où ils
existent ne sont pas associées aux poursuites, elles ont d’autres rôles. Il est
pourtant souhaitable de voir le législateur nigérien attribuer à de telles
commissions si elles existent, un rôle actif en matière pénale, et là où elles
n’existent pas de les créer et de leur attribuer un rôle. Une fois l’action
publique mise en mouvement, le Ministère public l’exerce, c'est-à-dire fait les
actes nécessaires pour obtenir la prononciation de la peine. Cependant au
cours de l’exercice de l’action publique, certains événements peuvent
provoquer l’extinction de celle-ci.

102
C. L’extinction de l’action publique

Aux termes de l’article 6, al 1 et 3 du code de procédure pénale institué par


la loi 61-33 du 14 août 1961, l’action publique s’éteint soit par une cause
générale (mort du prévenu, prescription, amnistie, abrogation de la loi pénal,
autorité de la chose jugée), soit par une cause particulière expressément
prévue par la loi (transaction, le retrait de la plainte, le paiement d’une
amende fiscale).
Cependant dans le cadre de notre étude, une cause d’extinction attire notre
attention relativement aux infractions aux sociétés commerciales, il s’agit de
la prescription. Cette cause d’extinction a beaucoup alimenté la doctrine.
En principe, la prescription de l’action publique est de 10 ans pour les
crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contravention.
Cependant, le délit d’abus des biens sociaux présente un régime particulier
en droit français. En effet, le délit se prescrit par 3 ans normalement à
compter du jour où ont été commis les actes matériels délictueux. Mais, la
cour de cassation a retardé le point de départ au jour où les faits ont pu être
constatés137. Cependant, cette jurisprudence, très constatée, a été modifiée
récemment par deux arrêts de la cour de cassation de 1999 à 2001.
Désormais le délai ne concerne que le jour de la présentation des comptes
annuels en assemblée générale.

Paragraphe 2. L’action civile.

Elle constitue qu’un objet secondaire du procès pénal. En effet, la plupart


des infractions n’entraînent pas seulement le trouble social qui donne
naissance à l’action publique, mais aussi un préjudice dont la victime a le
droit de demander une réparation en exerçant une action civile. Cette action
en dommages et intérêts s’exerce soit devant les tribunaux civils, soit devant
les tribunaux répressifs appelés à statuer sur l’action publique. En matière
d’infractions économique, les règles relatives à l’action civile sont

137
cass.crim.,27juillet 1993,droit pénal 1994, comm.89

103
principalement celles de droit de commun (A). Cependant, dans certaines cas
des spécificités peuvent être relevés (B).

A. Les règles de droit commun.

La réparation du préjudice qui est l’objet principal de l’action civile consiste


en une condamnation à des dommages et intérêts, à des restrictions ; aux
frais et dépens du procès.
Pour ce qui est de l’exercice de l’action civile, trois conditions doivent être
réunies pour que puisse être exercée l’action civile : il faut l’existence d’une
infraction punissable, cette infraction peut être un crime, un délit ou une
contravention. Ensuite, il faut qu’un préjudice actuel et personnel existe. Ce
préjudice est soit matériel, corporel ou moral. Enfin, la troisième condition
c’est le lien de causalité entre l’infraction et le préjudice. En effet, le
préjudice doit être la conséquence directe de l’infraction. Lorsqu’un
dommage résulte d’une infraction pénale, la personne lésée a, pour obtenir
réparation, le choix entre la voie civile et la voie pénale. La mise en
mouvement de l’action civile appartient à la victime qui s’adresse à la
juridiction civile ou à la juridiction pénale. Devant la juridiction civile, la
victime dirige son action comme elle l’entend, mais le principe « le criminel
tient le civil en état » ne peut être ignoré.
Cela veut dire que si dans une affaire la juridiction pénale se trouve saisie, le
tribunal civil surseoit à statuer jusqu’à la décision intervenue au pénal.
Devant la juridiction pénale, on distingue deux instants :
- soit l’action publique est mise en mouvement par le ministère public : la
victime peut alors intervenir au cours du procès pénal en se constituant
partie civile ;
- soit l’action publique n’est pas encore mise en mouvement, le ministère
public n’a pas encore connaissance de l’infraction : la victime en se
constituant partie civile, met en mouvement l’action civile et par le même fait
l’action publique. Elle procède soit par citation directe devant la juridiction
pénale (en cas de délit et contravention), soit par dépôt entre les mains du
juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile. La clôture

104
de l’action civile s’effectue normalement par le jugement définitif, après
épuisement des voies de recours.
Cependant, l’action civile peut s’éteindre par certains évènements. Il en est
ainsi du désistement, la transaction entre la victime et l’auteur de
l’infraction ; l’acquiescement (adhésion expresse ou tacite de la décision
judiciaire) ; l’autorité de la chose jugée ; la prescription. Par contre, certains
événements n’atteignent pas l’action civile. Il en est ainsi du décès de
l’auteur, de l’amnistie. si en règle générale c’est le droit commun qui
s’applique en ce qui concerne l’action civile en matière d’infractions
économiques, dans certains cas, cette action civile présente des
particularismes.

B. Le particularisme de l’action civile en matière d’infractions aux


sociétés commerciales

Ce particulièrement se manifeste dans deux cas. D’abord en matière de droit


des sociétés par sociétés par l’existence d’une action sociale (1) ; et ensuite
l’indépendance de l’action en réparation par rapport au préjudice (2).

1. L’action sociale

Aux termes de l’article 2 du code de procédure pénale du Niger, « l’action


civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit, ou une
contravention, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du
dommage directement causé par l’infraction ».
En application de cet article, toute personne ayant personnellement souffert
du dommage peut exercer l’action civile, devant les tribunaux répressifs. Les
sociétés étant personnes morales peuvent exercer l’action sociale lorsqu’elles
justifiant d’un dommage personnel, résultant directement d’une infraction
commise par exemple par un dirigeant. Or, la société étant constituée par
plusieurs (sauf dans le cadre d’une société unipersonnelle prévue par l’acte
uniforme de l’OHADA), toute atteinte à sa constitution, au cours de sa vie, et
en fin de sa vie, constitue un dommage direct.

105
On peut au contraire, demander, dans une telle situation, qui aura qualité
pour représenter la société, sachant que en droit pénal des sociétés, les
infractions sont le plus souvent recensées parmi les organes dirigeants.
Dans une telle hypothèse, l’action civile peut être exercée au nom de la
société soit par des représentants légaux (un dirigeant le conseil
d’administration, les gérants ou en cas de liquidation par le liquidateur), soit
par les actionnaires s’ils y ont intérêt. C’est ainsi que l’article 84 du nouveau
code de commerce137 (dans ses dispositions pénales toujours en vigueur au
Niger, n’étant pas contraire à l’acte uniforme), en ses alinéas 3 et 4 dispose
que : « outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les
associés peuvent soit individuellement, soit en se groupant, intenter l’action
sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à
poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le
cas échéant, les dommages intérêts sont alloués ».
Quant à l’article 275 du même code dispose en ses alinéas 1 et 2 que « outre
l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires
peuvent soit individuellement soit en se groupant l’action sociale en
responsabilité contre les administrateurs. S’ils représentent au moins le
vingtième du capital social, les actionnaires peuvent, dans un intérêt
commun, charger à leurs frais, un ou plusieurs d’entre eux de les
représenter, pour tant en demande qu’en défense l’action sociale ». A la
lecture de ces deux textes, il se révèle que les associés pour les sociétés à
responsabilité limitée, et les actionnaires pour les sociétés anonymes ont
donc le choix, lorsqu’ils le désirent, entre exercer l’action sociale
individuellement (action sociale ut singuli) ou se regrouper dans l’intérêt
commun pour exercer cette action. Mais pour les sociétés anonymes, le
vingtième du capital social est exigé par la loi. Outre l’action sociale, le
particularisme de l’action civile se manifeste aussi au niveau de
l’indépendance de la réparation du préjudice.

137
Cass. Crim., 27 juillet 1993, droit pénal 1994, comm.89

106
2. L’indépendance de la réparation du préjudice par rapport à
l’action civile.

Il est des cas en matière d’infraction à caractère économique où la victime en


se constituant partie civile déclenche l’action publique, mais ne peut obtenir
réparation du préjudice. Inversement, certains textes consacrent la situation
contraire. En effet, le législateur affirme implicitement le principe de
constitution de partie civile sans réparation du préjudice en matière de
banqueroute car selon l’article 1106 du livre IV du nouveau code de
commerce relatif aux procédures collectives « la juridiction répressive est
saisie…. par constitution de partie civile
, soit par voie de citation directe du syndic ou de tout créancier agissant en
son nom propre ou au nom de la masse… ».
Mais le créancier qui s’est constitué partie civile ne peut avoir des dommages
et intérêts car si on lui octroyait une indemnité.
Cela rompait en sa faveur, l’égalité des créanciers dans la masse.
Seul le syndic, représentant de la masse, peut, ès qualité, obtenir des
dommages et intérêts.
Dans d’autres cas par contre, est établi le principe de la réparation du
préjudice sans constitution de partie civile. En effet, il est bien établi que la
victime, en raison de l’option qui lui offre le législateur138, peut demander
réparation du préjudice subi par la voie civile donc sans se constituer partie
civile devant la juridiction répressive.
En définitive, si l’action civile a pour but de réparer le préjudice subi par la
victime de l’infraction, l’action publique tend quant à elle à aboutir à une
sanction de l’infraction commise.

138
Ses dispositions non contraires à l’acte uniforme de l’ohada sont toujours en vigueur au Niger

107
Section 2 : L’administration de la sanction en droit pénal nigérien

Si la culpabilité du délinquant a été établie, une sanction sera prononcée en


son encontre. Un particularisme se dégage cependant en droit nigérien de la
sanction, s’agissant des infractions économiques et cela à un double de vue.
En effet, d’une part les sanctions de droit commun apparaissent parfois
inefficaces parce que intervenant une fois le délit réalisé, à un moment où la
victime, déjà privée de ses biens, se trouve en présence d’individus
insolvables. D’autre part, ces sanctions sont inadaptées car elles peuvent
entraîner par ricochet des conséquences graves et imprévisibles. C’est alors
que le particularisme va se développer. D’abord, au niveau du but de la
sanction car il s’agit d’intimider, donc de prévenir plutôt que réprimer.
Ensuite, au niveau même des sanctions, aux sanctions présentant un
caractère personnel (paragraphe1), s’ajoutent des sanctions à caractère réel
(paragraphe2).

Paragraphe 1 : les sanctions personnelles

Même lorsqu’elle prévoit des sanctions frappant le condamné


personnellement la législation pénale en matière en matière économique
présente une certaine originalité car elle édicte certes des peines principales
(A), mais surtout elle réserve une place une place importance aux
interdictions professionnelles (B).

A.Les peines principales

Aux termes de l’article du 1er du code pénal du Niger, « l’infraction que les
lois punissent de peines de simple police est une contravention ; l’infraction
que les lois punissent d’une peine afflictive et infamante est un crime. ».
A la lecture de cet article, trois catégories de peines se dégagent : les peines
criminelles (1) ; les peines correctionnelles (2), et les peines
contraventionnelles (3).

108
1. Les peines criminelles.

Outre l’article 1er du code pénal, l’article 5 du même code dispose : « les
peines afflictives et infamantes sont :
- la mort ;
- l’emprisonnement à vie ;
- l’emprisonnement de 10 à 30 ans ».
Cependant, depuis la correctionnalisation de la corruption (car avant, la
corruption était considérée comme un crime et punie comme telle). Il n’y a
plus de peines criminelles en matière d’infraction à la législation
économique ; en dehors de quelques délits qui, accompagnés des
circonstances aggravantes peuvent aller à 10 ans d’emprisonnement, c’est
le cas du récel. Mais en matière de droit des sociétés, une telle infraction
n’existe pas dans la législation répressive au Niger. Mais les peines
correctionnelles sont les plus abondantes.

2. Les peines correctionnelles

Elles sont les plus fréquentes. Cependant, cela n’est pas seulement dû à la
législation nigérienne, mais surtout à la norme communautaire qui a édicté
les infractions. En effet, toutes les infractions prévues par le législateur
OHADA sont de nature délictuelle eut égard à leurs éléments constitutifs que
nous avons étudiés auparavant. Et la conformité à la norme supérieure
voudra que les législations des Etats membres répriment les infractions sur
le terrain délictuel, car de la qualification dépend la sanction en droit pénal.
Cela dit, pour faire face à ces délits, le code pénal, en son article 6 dispose
que « les peines en matière correctionnelle sont :
- l’emprisonnement d’une durée supérieure à trente jours et inférieure à dix
ans ; sauf cas de récidive ou autres où la loi aura déterminé d’autres
limites ;
- l’amende ;
- l’interdiction à temps de certains droits civils, civiques ou de famille ».

109
En matière d’infraction à caractère économique, la quasi totalité des peines
d’emprisonnement est correctionnelle.
A propos de l’accès aux affaires et aux termes de l’article 36 du nouveau
code de commerce, la violation d’une interdiction est punie d’un
« emprisonnement de trois mois à deux ans… ».
Dans le domaine de la vie des affaires, l’augmentation de capital des sociétés
à responsabilité limitée SARL (article 479 alinéa 2 du livre I du nouveau code
de commerce), l’abus de pouvoir qui existait dans le nouveau code de
commerce en son article 480, mais qui n’a pas été prévu par l’OHADA,
l’exercice irrégulier ou fautif des fonctions de commissaires aux
comptes(article 482 et 484 du nouveau code de commerce), l’inobservation
de délai par le notaire (art 485 du NCC), et l’omission des mentions
obligatoires (article 485 NCC) sont autant d’infractions punies d’une peine
correctionnelle.
Quant à l’échec des affaires, le délit de soustraction d’actif commis par le
liquidateur, la banqueroute et les délits assimilés…sont également punis
d’une peine correctionnelle (article IV nouveau code de commerce). Comme il
est à constater, il ne s’agit donc pas pour nous de donner la liste exhaustive
des infractions qui sont punies de peines correctionnelles, mais plutôt de
donner quelques exemples illustratifs. Outre l’emprisonnement, l’amende
constitue aussi une peine correctionnelle. Ici ils s’agit d’une simple amende
(sans emprisonnement) qui sanctionne certaines infractions. Par exemple à
propos de l’accès aux affaires, certaines infractions relatives aux opérations
de banque, à la création de certains établissements commerciaux sont
sanctionnées par des amendes.
Ainsi, l’article 52, alinéa 1er de la loi N° 90-18 du 6 août 1990 portant
réglementation bancaire dispose que « sera punie d’une amende de
2 000 000 Francs CFA) toute banque ou établissement financier qui aura
contrevenu à l’une des dispositions des articles 18, 27, 30, 40, et 42 ou des
dispositions des articles 44 et 45… ». Il s’agit là d’une sanction dans
l’établissement du certificat du dépositaire prévu par l’acte uniforme.

110
Enfin, comme pour les peines d’emprisonnement ; il ne s’agit pas de donner
là aussi une liste exhaustive des amendes correctionnelles, mais seulement
quelques exemples illustratifs.

3. Les peines contraventionnelles ou de police

Les peines de police prévues par le code pénal nigérien comprennent


l’emprisonnement d’une durée de un à trente jours, l’amende de cinq cent
(500FCFA) à moins de cent mille (100 000) francs (art 400 CP).
Au-delà des peines, le législateur nigérien a prévu des sanctions ou
interdictions professionnelles.

B. Les interdictions professionnelles

le droit pénal frappe certains condamnés d’une mesure d’ordre professionnel


qui est l’interdiction d’exercer toute profession commerciale ou commerciale
individuellement ou à travers dévotion et le contrôle d’une société. Il faut
noter qu’il s’agit là d’une sanction à caractère un peu particulier puisque le
condamné qui contrevient à l’interdiction se rend par là même coupable
d’une nouvelle infraction pénale. En outre, la loi a prévu une autre
interdiction qui est de la même nature que celle prévue pour la profession
commerciale. Il s’agit de l’interdiction prévue par la loi sur la réglementation
bancaire. Mais, il faut déterminer les personnes visées par l’interdiction (1)
ainsi que les opérations concernées (2).

1. Les personnes visées par l’interdiction

L’interdiction concerne en matière de profession commerciale, deux


catégories de personnes. Il s’agit des failles non réhabilitées.
Ainsi, l’article 32, alinéa 1er du nouveau code de commerce dispose que «
l’exercice de la profession de commerçant directement par une personne
interposée, pour leur compte ou pour le compte d’autrui est interdit aux
faillis non réhabilités ».

111
Ensuite la profession est interdite aux personnes ayant fait l’objet aux
termes de l’article 33 du code précité :
« 1. d’une condamnation définitive à une peine criminelle oui à une peine
d’emprisonnement sans sursis pour faits qualifiés crimes par la loi ;
2. d’une condamnation définitive à six mois d’emprisonnement au moins
sans sursis pour les délits suivants : banqueroute simple ou frauduleuse,
escroquerie, abus de confiance, la propriété intellectuelle, les sociétés
commerciales ou sur les obligations fiscales ».
En somme, l’interdiction vise d’une part, les faillis non réhabilités, et d’autre
part les condamnés pour crimes, certains délits d’honnêteté etc.
En matière bancaire, les dispositions de l’article 15 de la LOI N°90-18 du 6
août 1990 vise à interdire l’exercice de la profession bancaire à certaines
personnes : certains condamnés de droit commun ou pour certains délits
d’honnêteté ; les faillis non réhabilités, les dirigeants de société suspendus
ou démis.

2. Les opérations visées et sanctions de l’interdiction

En ce qui concerne la profession de commerçants, les opérations visées


sont : l’exercice de la profession commerciale ou industrielle directement ou
par personne interposée ou pour le compte d’autrui.
L’interdiction de toute fonction de fondation, de direction, de gérance,
d’administration ou de surveillance d’une société commerciale ; l’exercice des
fonctions de commissaires aux comptes. En ce qui concerne les interdictions
bancaires, elles se rapportent au fait : de diriger, d’administrer ou de gérer
une banque ou un établissement financier ou une de leurs agences ;
d’exercer la profession de banquier, de proposer au public, la création d’une
banque ou d’un établissement financier.
Quant aux sanctions des interdictions, elles varient selon les textes. Ainsi,
l’article 36 du nouveau code de commerce punit d’un emprisonnement de
trois à deux ans et d’une amende de 100 000 à 10 000 000 de francs ou de
l’une de ces deux peines seulement quiconque violera les interdictions
prévues aux articles 33 et 41.

112
La loi n°90-18 du 6 août 1990 punit d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et
d’une amende de deux à 5 millions quiconque contreviendrait aux
interdictions édictées à l’article 15.
Toutes ces sanctions quelles soient principales ou qu’il s’agisse d’une
interdiction professionnelle, présentent traditionnellement un caractère
personnel. A côté de ces sanctions personnelles, il existe d’autres qui
présentent un caractère réel, car touchant le délinquant dans son
patrimoine.

Paragraphe 2 : les sanctions réelles.

Selon Mireille Delmas Marty, « l’expérience même de sanctions réelles


pourrait suspendre dans une matière où domine le principe de la
personnalité des peines », car « dans la mesure où la sanction n’atteint pas
directement l’auteur du délit… mais une chose liée à l’infraction, il en résulte
nécessairement de graves inconvénients pour toutes les personnes qui ont
des droits sur cette chose »139
En matière économique, deux sortes de sanctions ont été prévues par le
législateur nigérien : la confiscation (A) et la fermeture d’établissement (B).

A. La confiscation
C’est la mainmise par l’Etat sur un ou plusieurs biens appartenant à un
condamné. La confiscation générale (1) et la confiscation spéciale (2).

1. La confiscation générale.

C’est l’article 23 du code pénal nigérien qui traite du sujet. Il s’agit de la


mainmise de l’Etat sur tous les biens présents et à venir du condamné. La
confiscation générale est une peine criminelle complémentaire en matière de
crimes et délits contre la sûreté de l’Etat. En effet, l’acte uniforme de
l’OHADA a prévu la création de société unipersonnelle soit à responsabilité

139
Voir les arts 3et 4 : option pour exercer l’action civile soit en meme temps que l’action publique, soit
séparement.

113
limitée, soit la société anonyme unipersonnelle. Cette possibilité agrandit la
masse des éventuels condamnés notamment les faillis qui, du fait de leur
appartenance à une entreprise personnelle, abusent de la gestion et tombent
sous le coup de la loi pénale.
Le patrimoine confisqué est vendu par les soins de l’administration des
domaines.
Cependant la confiscation risque de porter atteinte au principe de la
personnalité des peines et de se représenter sur d’autres personnes que sur
le condamné. Afin de limiter le plus possible ces effets, le législateur a décidé
que les biens confisqués seraient grevés des dettes du condamné ayant date
certaine, afin que les créanciers n’aient pas à souffrir injustement de la peine
infligée à leur débiteur. A côté de la confiscation générale, il existe des
confiscations spéciales qui portent sur une chose déterminée appartenant au
condamné dont la propriété est transférée à l’Etat.

2. La confiscation spéciale.

Selon le but poursuivi par le législateur, la confiscation spéciale peut se


présenter sous trois aspects : une peine, une mesure de sûreté ou une
mesure de réparation. La confiscation est une peine simple lorsqu’elle porte
sur des objets dont la possession est licite, donc lorsqu’elle a pour but
exclusif la répression du délit.
Ainsi, en cas de violation des interdictions de l’article 36 (NCC) prévoit, outre
une peine d’emprisonnement et d’amende qui pourra être prononcée en cas
de récidive, la confiscation du fonds de commerce ou des marchandises. Ici,
l’hypothèse n’est possible qu’en ce qui concerne l’entreprise unipersonnelle.
La confiscation doit être considérée comme une mesure prise dans l’intérêt
du particulier lésé : mesure préventive d’abord destinée à empêcher que le
délinquant, resté en possession de l’objet, ne soit porté à s’en servir
contrairement aux droits des victimes ; mesure de réparation ensuite
destinée à déterminer les victimes.

114
B. La fermeture d’établissement.

La fermeture d’établissement ou de fonds de commerce est l’interdiction faite


à une entreprise de poursuivre son exploitation. C’est une mesure que
certains textes permettent de prendre à l’encontre d’un établissement qui a
servi de cadre à la commission d’infractions. La fermeture d’entreprise ou
d’établissement entraîne des conséquences injustes et graves car, d’une part
elle prive d’emploi le personnel de l’entreprise, même s’il est innocent des
fautes commises par les dirigeants ; d’autre part, elle interrompt les rentrées
des recettes nécessaires au payement ces fournisseurs.
La diversité des cas de fermeture n’empêche pas d’en chercher la nature
juridique.
S’agissant des cas de fermeture d’établissement, celui-ci peut résulter soit
pour sanctionner directement une infraction pénale, soit pour sanctionner le
non respect d’une interdiction professionnelle. C’est ce que révèle de façon
implicite l’article 13 de la loi n° 90-18 du 6 août 1990 portant réglementation
bancaire au Niger.
Mais quelle est la nature juridique de la fermeture de fonds de commerce ou
d’entreprise ?
Obligatoire ou facultative, temporaire ou définitive, susceptible ou non de
servir de fondement à la définition d’une nouvelle infraction, la fermeture
d’établissement apparaît toujours comme la sanction du délit pénal(d élit
simple ou résultant lui-même du non respect d’une interdiction
professionnelle).
Mais l’on peut hésiter à la désigner comme peine complémentaire (et non
accessoire, puisqu’elle n’est pas encourue de plein droit du fait de la
condamnation et doit être prononcée par le juge, obligatoirement ou à titre
facultatif), ou comme une mesure de sûreté. Sans doute, faut-il choisir la
seconde conception, en raison du but plus préventif que répressif
poursuivi ?

115
Chapitre III : Les voies de recours

Au Niger, l’organisation judiciaire est régie par la loi n°62-11 du 16 mars


1962 portant organisation judiciaire et la compétence des juridictions du
Niger. Cette loi a consacré l’unité de juridiction. En effet, pendant la période
coloniale, une distinction était faite entre les juridictions administrative et
judiciaires. Mais depuis l’accession à l’indépendance, le législateur nigérien a
consacré l’unité de juridiction pour des raisons pratiques. Ainsi, cette loi
prévoyait :
-des juridictions du 1er degré
-des juridictions du second degré
-et une juridiction de cassation
En matière pénale, et conformément à la classification des infractions opérée
par l’art 1er du code pénal en vigueur au Niger, le code de procédure pénale a
institué la cour d’assises pour connaître les infractions qualifiées de crime,
des tribunaux correctionnels pour les infractions qualifiées de délit, des
tribunaux de simple police pour les contraventions, et des cours d’appels en
matière correctionnelle et contraventionnelle. Enfin la chambre judiciaire de
la cour suprême pour les pourvois en cassation. La particularité de cette
étude c’est la présence d’une autre juridiction de cassation
communautaire(ccja) qui constitue la juridiction suprême de l’espace
communautaire ohada. En matière pénale, la compétence de la cour
commune de justice et d’arbitrage cause un problème en dépit du fait que le
législateur a donné la faculté ou l’obligation d’édicter des normes de
sanctions à l’échelle nationale des Etats parties au traité. Cependant, et
conformément à la tradition consacrée en droit judiciaire privé, l’étude des
voies de recours nécessite une bonne connaissance de l’ordre judiciaire d’un
système juridique donné. Ceci nous amene à examiner d’une part les voies
de recours dans l’ordre juridique nigérien (section1) et d’autre part porter un
regard sur la compétence exclusive des juridictions répressives nationales
(section2).

116
Section 1 : Les voies de recours dans l’ordre juridique nigérien

Tout système judiciaire apporte comme garantie aux justiciables la


possibilité de contester une décision de justice tant que la décision n’est pas
rendue en dernier ressort. Cette contestation par voie judiciaire se fait à
travers les voies de recours. Les voies de recours sont des garanties
apportées aux justiciables conformément au principe des droits de la
défense. Historiquement, l’exercice des voies de recours dans les pays
indépendants d’Afrique , notamment au Niger, était restreinte à des cas
particuliers. Par la suite, il y eut une extension de celui-ci à tous les
domaines dès lors que le pays est partie à plusieurs conventions
internationales, notamment la déclaration universelle des droits de l’homme
et le pacte international sur les civiques politiques. A l’origine de cette
garantie, il faut rappeler qu’une erreur judiciaire est toujours infiniment
regrettable. En matière pénale, ses conséquences sont particulièrement
redoutable puisque « la liberté ,l’honneur et le patrimoine des citoyens sont
en jeu ». Il est donc naturel que le code de procédure pénale nigérien ait
entouré l’administration de la justice pénale du maximum de garanties et ait
ouvert aux justiciables des voies de recours efficaces afin de leur permettre
de faire reformer des décisions de justice qui porteraient atteinte à leurs
droits. En effet en matière de société, une sanction pénale , fusse-t-elle par
erreur, entamerait la crédibilité d’un dirigeant de société d’abord, et celle de
la société ensuite. S’agissant du droit des sociétés commerciales, depuis
l’entrée en vigueur du traité ohada, les législations nationales des Etats
membres connaissent deux voies judiciaires car , une cour commune de
justice et d’arbitrage (ccja) a été crée pour régler les différends nés de
l’application du droit communautaire . Dès lors, dans l’étude des voies de
recours,en droit nigérien , nous ne pouvons ignorer la fonction
juridictionnelle de la cour commune de justice et d’arbitrage (paragraphe2)
dans l’examen de la compétence des juridictions nationales (paragraphe1).

117
Paragraphe1 : La compétence des juridictions nationales

La loi n°62-11 du 16 mars 1962 constitue la base de l’organisation judiciaire


de la république du Niger, après les indépendances. Cette même loi organise
la compétence des juridictions nationales. Il faut noter qu’il s’agit d’un
système d’unité de juridiction adoptée après les indépendances car avant
cette époque, le colonisateur a fait la distinction entre juridiction
administrative et judiciaire. Ensuite, cette même loi s’est contentée de
déterminer l’ordre des juridictions, mais tout en mettant l’accent sur la
compétence de chaque juridiction en matière civile , pénale et
administrative. Ainsi, allons nous traiter de l’ordre des juridictions en
matière pénale(A), ainsi que de la pratique des voies de recours devant ces
juridictions(B).

A.L’ordre des juridictions en matière pénale :

La nomenclature des juridictions opérée par la loi 62-11 a distingué trois


catégories :
-les juridictions du 1er degré(1)
-les juridictions du second degré(2)
-et les juridictions de cassation(3).

1. les juridictions de 1er degré :

La loi nigérienne a prévu plusieurs catégories, mais une classification est


possible. Elle peut être fondée sur le critère tiré de la compétence et on
distingue les juridictions de droit commun et les juridictions d’exception ;
soit sur le critère de l’organisation et on distingue les juridictions ordinaires
et les juridictions spécialisées. Cependant, quelque soit le critère adopté, les
juridictions en matière pénale répondent aux critères de classification des
infractions opérées par le code pénal nigérien en son art1er « l’infraction que
les lois punissent de peine simple police est une contravention ; l’infraction

118
que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit ; l’infraction que
les lois punissent d’une peine afflictive et infamante est un crime ».
En fonction de ce critère, il y a en procédure pénale nigérienne, le tribunal
de simple police, le tribunal correctionnel, la cour d’assises.
Toutes ces juridictions sont soit ordinaires soit spécialisées.
- les juridictions ordinaires : s’agissant de ces juridictions, il en existe deux
catégories prévues par la loi 62-11, mais ayant fait l’objet d’une modification.
Ainsi les justices de paix instituées par la loi 62-11 ont été remplacées par
les délégations judiciaires, et les tribunaux de 1ère instance par des
tribunaux régionaux auxquels sont rattachées des sections détachées,
depuis l’ordonnance n°99-16 du 4 juin 1999, portant modification de la loi
62-11 du 16 mars 1962.
La compétence de la délégation judiciaire en matière pénale reste régie par la
loi 62-11 en son art61. Cet article donne compétence aux délégations
judiciaires pour juger les délits et contraventions de simple police
concurremment avec les tribunaux régionaux. Ces délégations judiciaires
ont également compétence pour procéder à l’information préparatoire sur
tout crime ou délit. Notons que le véritable inconvénient de ces délégations
judiciaires c’est qu’elles statuent à juge unique, ce qui n’est pas sans causer
des problèmes de garanties quant aux jugements qu’elles rendent. En effet,
devant ces juridictions, le magistrat unique assure les fonctions
d’instruction, de poursuite et de jugement. Avec l’avènement du droit
communautaire, le Niger a entrepris des reformes judiciaires qui sont
actuellement en cours avec le concours des partenaires extérieurs. Cette
reforme prévoit justement la refonte de la composition des juridictions et
permettre la mise en œuvre d’une véritable garantie. Quant aux tribunaux
régionaux, ils ont été remplacés les tribunaux de 1ère instance institués par
la loi 62-11.
En matière de compétence, les tribunaux régionaux sont compétents
concurremment avec les délégations judiciaires. Cependant, ces tribunaux
présentent plus de garanties car comprenant un président, un vice-
président, et un ou des juges. Les tribunaux régionaux peuvent être tantôt
juge de 1er degré, tantôt juge d’appel. Dans sa première attribution, le

119
tribunal régional est considéré comme juridiction de droit commun . Dans ce
cas, l’art61 de la loi 62-11 lui est applicable en matière de compétence
pénale. Cet article stipule que « sous réserve des compétences d’exception en
1ère et dernier ressort(cour suprême, cours d’appels, et délégation judiciaires,
cours d’assises), compétences d’exception en 1er ressort(tribunal du travail),
en dehors de ces cas, toutes les affaires sont de la compétence du tribunal
régional en toute matière ».
Ainsi, donc ils sont compétents concurremment avec les délégations
judiciaires en matière de délit et contravention. La deuxième attribution du
tribunal régional fait de lui juge d’appel ; Ainsi, exceptionnellement, le
tribunal régional peut statuer en appel conformément à l’art 67 de la loi 62-
11. Il connaît surtout en appel les décisions rendues par les délégations
judiciaires.
-les juridictions spécialisées : il s’agit notamment en matière pénale , de la
cour d’assises. C’est elle qui correspond à la troisième classification opérée
par l’art1er du code pénal nigérien. Conformément au code de procédure
pénale, il est tenu au niveau de chaque tribunal régional des assises pour
juger les affaires instruites dans le ressort de ce tribunal. Aux termes de l’art
223 du code de procédure pénale, « la cour d’assises a plénitude de
juridiction pour juger les prévenus renvoyés devant elle par l’arrêt de mise
en accusation… ».
Cependant, la particularité de cette cour, ce que les décisions qu’elle rend ne
sont pas susceptibles d’appel.

2. les juridictions du second degré :

Il s’agit des cours d’appel. La loi n°62-11 n’a institué qu’une seule cour
d’appel au Niger, celle de Niamey. Cependant, depuis l’ordonnance n°93-05
du 15 septembre 1993, qui a modifié l’art 39 de la loi 62-11, il ya deux cours
d’appel au Niger : la cour d’appel de Niamey, dont le ressort s’étend aux
regions de Tillabéry, Dosso, Tahoua, et la communauté urbaine de Niamey.
Celle de Zinder, s’étend aux régions de Zinder, Maradi, Diffa, et Agadez ;

120
En matière pénale, la cour d’appel peut siéger en chambre correctionnelle, et
en chambre d’accusation ; Ce sont essentiellement des juridictions d’appel
sur :
-les décisions rendues par les délégations judiciaires ;
-les décisions rendues en 1er ressort par les tribunaux régionaux.
Les cours d’appel connaissent également les appels contre les décisions du
juge d’instruction par le canal de la chambre d’accusation.

3. les juridictions de cassation :

La cour suprême est la juridiction de cassation par excellence au Niger.


Cependant, depuis l’entrée en vigueur du traité ohada instituant une cour
commune de justice et d’arbitrage, l’étude des juridictions des Etats parties
ne peut ignorer cette juridiction de cassation. S’agissant justement de la
cour suprême du Niger, elle est régie par la loi n°2000-10 du 14aout 2000.
La cour suprême dans ses formations juridictionnelles, rend des arrêts.
Mais il faut rappeler que la cour suprême du Niger était divisée en chambre.
Ainsi, la chambre judiciaire connaît toutes les affaires en matière civile, et
commerciales. En matière pénale, l’art 32 de la loi 2000-10 fixe ses
attributions. Ainsi, la chambre judiciaire se prononce sur le pourvoi en
cassation, sur un renvoi d’un tribunal à un autre, ou sur les demandes en
révision en matière pénale ; Les attributions de la cour suprême sont
énormes car en tant que juge de cassation en matière pénale, la chambre
judiciaire est compétente pour les pourvois en cassation contre les décisions
rendues en dernier ressort en matière pénale. Néanmoins, la cour suprême
est considérée comme juge de droit commun car tous les pourvois sont
portés devant elle. Elle n’est cependant pas un troisième degré de juridiction
puisqu’elle n’apprécie pas le fond des litiges, elle se contente de contrôler la
régularité au droit. La cour commune de justice et d’arbitrage est aussi une
juridiction de cassation dans l’espace ohada. Elle fait partie des institutions
prévues par le traité ; cette cour est composée de sept(7) juges élus pour
sept(7) ans renouvelable une fois ; La cour a son siège à Abidjan( République
de Cote d’Ivoire), mais peut se réunir sur le territoire d’un autre état avec

121
son accord (art 19 du règlement ccja) ; La cour commune a trois
attributions : d’abord consultative, ensuite juridictionnelle, et enfin en
matière d’arbitrage.
S’agissant de ses attributions juridictionnelles, notons que la cour se
prononce sur les décisions rendues en dernier ressort en application des
actes uniformes. Cependant seules les décisions appliquant des sanctions
pénales échappent à la cour . Les pourvois sont portés devant elle soit
directement par l’une des parties à l’instance140, soit, la juridiction nationale
saisie des questions mettant en cause l’application des actes uniformes. De
même, l’art 18, al1 prévoit que « toute partie qui après avoir soulevé
l’incompétence de la juridiction nationale statuant en cassation, estime que
cette juridiction a méconnu la compétence de la cour, peut saisir cette
dernière dans le délai de 2mois à compter de la notification de la décision ».
La particularité de cette cour, ce qu’elle ne fait pas de renvoi quand elle est
saisie ; Elle examine de ce fait le fond conformément à la loi nationale. Ainsi,
ses arrêts ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire, et reçoivent
une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions qui
émanent des juridictions nationales ; Mais la pratique des voies de recours
va ressortir la hiérarchie.

B. La pratique des voies de recours en matière de droit des


Affaires :

L’étude de cette pratique des voies de recours nous amené à opérer une
hiérarchisation des juridictions pénales au Niger. Ainsi, en matière pénale,
comme nous l’avons dit ci-dessus, les délégations judiciaires sont
compétentes en cas de délits et contraventions concurremment avec le
tribunal régional. Le code de procédure pénale du Niger a prévu tout comme
le droit français, les voies de recours suivantes : l’appel, l’opposition, et les
pourvois. S’agissant de l’appel, deux juridictions reçoivent les appels en
matière pénale : la cour d’appel de Niamey et celle de Zinder . Quant aux
décisions, la cour d’appel est saisie en cas de délit ou de contravention ayant

140
Voir M. Delmas Marty, droit pénal des affaires, tome 1, puf, 1990, p302

122
fait l’objet d’un jugement devant la délégation judiciaire ou le tribunal
régional ou sa section. Le délai d’appel est de dix jours à compter du
prononcé du jugement. Quant aux crimes, ils sont de la compétence de la
cour d’assises. Cependant, il faut signaler qu’en procédure pénale
nigérienne, les décisions rendues par la cour d’assises ne sont pas
susceptibles d’appel, ce qui constitue une insécurité juridique à notre avis
pour les justiciables . Mais certains auteurs avaient avancé la raison que la
décision de la cour d’assises doit être considérée comme une décision du
peuple à cause de sa composition141. Outre l’appel, il y a l’opposition qui
concerne aussi les délits et contraventions, ainsi que les crimes. Cette voie
de recours est exercée généralement devant le tribunal ayant rendu le
jugement car il s’agit d’un jugement au cours duquel le condamné n’a pas
été à même de présenter ses moyens de défense suite à son absence au
procès. Il y a devant la cour suprême, notamment la chambre judiciaire, le
pourvoi en matière pénale. La cour suprême reçoit les pourvois formés
contre les décisions rendues par les délégations judiciaires et les tribunaux
régionaux, ainsi que celles rendues par les cours d’appel. Il faut ajouter que
les décisions rendues par la cours d’assises sont également susceptibles de
pourvoi devant la cour suprême. Il existe deux sortes de pourvois : le pourvoi
dans l’intérêt de la loi et le pourvoi dans l’intérêt des parties. En matière de
droit pénal des affaires, le 1er répond au souci de moralisation de la vie des
affaires qu’a entrepris l’ohada dans ses dispositions pénales relatives aux
sociétés commerciales ; le second quant à lui répond au but de protection
des épargnants, des associés, des fournisseurs, et même des tiers de la
société, mais aussi de la société elle-même . La cour suprême n’est pas un
troisième degré de juridiction, elle statue sur la conformité au droit et
renvoie le fond du litige aux juridictions. Il existe cependant une autre
juridiction de cassation : la cour commune de justice et d’arbitrage dont
l’examen de sa fonction juridictionnelle va nous édifier d’avantage.

141
voir mémoire de maitrise en droit privé que nous avons soutenu sous le thème « la contribution des voies de
recours au renforcement ces droits de la defense dans le procès pénal au Niger », Université de Niamey,
novembre 2002.

123
Paragraphe 2 : la fonction juridictionnelle de la cour commune de
justice

L’art 3 du traité ohada prévoit cinq institutions pour la mise en harmonie


des droits des Etats-parties au traité : le conseil des ministres, le secrétariat
permanent, l’école régionale supérieure de magistrature, et la cour commune
de justice et d’arbitrage.
Ainsi, un des objectifs de l’ohada, affirmé tant dans le préambule que dans le
corps du traité est de promouvoir le règlement des différends naissant de
l’application des actes uniformes par le recours à l’arbitrage. L’institution de
l’arbitrage a pour but de lutter contre « le monopole actuel qui voit la plupart
des procédures d’arbitrage se dérouler en Europe ou en Amérique, même
lorsque les litiges opposent un Etat africain à une entreprise étrangère au
continent et qu’elles sont relatives à l’exécution d’un contrat soumis au droit
dudit Etat ». C’est ainsi qu’a été conçu un système d’arbitrage placé sous
l’égide de la cour commune de justice et d’arbitrage, régie par les arts 21 à
25 du traité et les dispositions du règlement d’arbitrage de la ccja du 11mars
1999 pour les modalités procédurales. La cour commune de justice et
d’arbitrage est composée de sept juges pour sept ans renouvelable une fois.
Les juges sont des ressortissants des Etats membres de l’ohada. Ils sont
choisis parmi les magistrats ayant 15 ans d’exercice au moins et ayant
exercer de hautes fonctions juridictionnelles, ou parmi les avocats inscrits
au barreau de l’un des Etats parties ayant au moins 15 ans d’expérience ; et
enfin être professeur de droit ayant au moins 15 ans d’expérience. La cour
ne peut comprendre plus d’un ressortissant d’un Etat ; La cour a son siège à
Abidjan, mais « elle peut se réunir sur le territoire d’un autre Etat avec
l’accord préalable de cet Etat »142. La cour a trois attributions que sont en
matière consultative, juridictionnelle, et en matière d’arbitrage. Cependant,
la matière juridictionnelle constitue notre objet d’étude. Mais, faut-il voir
d’abord le mécanisme de saisine de la cour(A) avant de voir l’exercice de la
fonction juridictionnelle de la cour(B).

142.voir art 19 du reglement de procédure de la cour

124
A.la saisine de la cour commune de justice et d’arbitrage :

La cour commune de justice et d’arbitrage reçoit les pourvois en cassation.


Aux termes de l’art 15 du traité, « les pourvois en cassation sont portés
devant la cour commune de justice et d’arbitrage, soit directement par l’une
des parties à l’instance, soit sur renvoi d’une juridiction nationale statuant
en cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à
l’application des actes uniformes ». Cette disposition détermine les personnes
pouvant former des pourvois. Il s’agit notamment de l’une des parties à
l’instance, et c’est l’hypothèse la plus fréquente, ensuite, la juridiction
nationale de cassation sur arrêt de renvoi. Cependant, seuls quelques arrêts
de renvoi sont arrivés à la cour143. cette absence ou réticence s’explique
probablement par la résistance des juridictions nationales de cassation qui
hésitent à se dessaisir de leurs compétences.
La saisine de la cour suspend toute procédure de cassation engagée devant
une juridiction nationale contre la décision attaquée. Cette procédure ne
peut reprendre qu’après que la cour commune de justice et d’arbitrage se
soit déclarée incompétente pour connaître l’affaire(art 16 du traité ohada).
Cet article affirme donc la supériorité de la cour commune de justice et
d’arbitrage sur les juridictions nationales.

B. l’exercice de la fonction juridictionnelle de la ccja :

Lorsque la cour commune de justice est saisie par la voie du recours en


cassation, elle se prononce conformément à l’art 13 du traité, sur les
décisions rendues par les juridictions d’appel nationales ou celles rendues
en premier et dernier ressort. Mais avant, retenons que dans l’exercice de sa
fonction, la cour commune se heurte à la résistance des juridictions
nationales. Ainsi, les affaires qu’a connu la juridiction communautaire
étaient très minimes. Mais on remarque de plus en plus une nette
amélioration. A titre d’exemple, à la date du 17juillet 2002,soit trois années

143
Au Niger, la cour d’assise se compose de la cour proprement dite, et du jury(composé de citoyens nigériens

125
après l’entrée en vigueur des actes uniformes, la cour commune de justice et
d’arbitrage a connu 72 affaires ; Elle en a rendu 24 arrêts et 6 ordonnances.
Certains auteurs ont considéré cela comme un exploit car « les pourvois en
cassation n’ont véritablement commencé à parvenir à la cour qu’à partir de
2001 ». Il faut ajouter en outre que l’installation de la cour commune de
justice dans ses nouveaux locaux ne s’est faite que seulement en 2001.
Cependant, même parmi les décisions rendues par la cour commune,
nombreux sont les arrêts d’irrecevabilité. Et cela parce que les pourvois ont
le plus souvent été formés hors délais, ou parfois par la non-production de
pièces exigées, ou encore pour non respect des voies de recours
préalables143. La résistance des juridictions nationales, notamment les cours
suprêmes, a amené la cour commune de justice à toujours rappeler sa
compétence. C’est le cas dans lequel par exemple la cour « réaffirme que
l’acte uniforme sur l’arbitrage ne pouvait être applicable à l’instance arbitrale
du fait de l’antériorité de celle-ci ; en d’autres termes, que le pourvoi porte
sur un arrêt ou une sentence arbitrale, l’instance qui a conduit à cette
décision doit avoir commencé après la mise en application de l’acte uniforme
invoqué »144. Toutefois, lorsqu’il s’agit de décision nationale se rapportant à
des sanctions pénales, la cour commune de justice et d’arbitrage n’est
compétente, ce qui constitue une inefficacité dans l’harmonisation. La
particularité de cette cour, ce que l’art 14 in fine du traité donne à la cour
une compétence plus étendue que les juridictions de cassation nationales.
En effet, selon cet article, « …en cas de cassation, elle évoque et statue sur le
fond ».
On note cependant ici et là une résistance à l’acceptation de la ccja comme
unique juridiction de cassation dans les matières couvertes par le droit
ohada. Ainsi en cas de cassation, la ccja évoque l’affaire. Il en résulte deux
conséquences : la cour commune de justice est alors un troisième degré de
juridiction ; ensuite elle statue sans renvoi. Mais la règle présente
l’avantage « de faire gagner du temps et d’éviter les divergences de solutions

143
voir l’art 19 du reglement et procédure de la cour commune de justice et d’arbitrage,code commenté ohada,
2002, p46
144
voir commentaire de Jacqueline Lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code
ohada, p45

126
qui proviendraient des différentes cours d’appel des Etats et le risque d’un
deuxième pourvoi devant la cour commune ».
Cet exposé sur la fonction juridictionnelle n’est pas anodin. En effet, il nous
permettra de mettre en lumière l’importance que joue la cour commune de
justice et d’arbitrage dans l’harmonisation du droit des affaires dans l’espace
ohada. Toutefois, en matière pénale, la compétence des juridictions
nationales reste exclusive.

Section 2 : La compétence exclusive des juridictions répressives


nationales

Devant les dispositions de l’art 5 du traité ohada, certains trouvent la


réponse à une question qui a jadis été posée : « comment l’harmonisation
juridique va-t-elle se faire ? ». En effet, « les actes uniformes peuvent inclure
des dispositions d’incriminations pénale. Les Etats parties s’engagent à
déterminer les sanctions pénales encourues ». Dès lors, on peut se demander
si cette harmonisation interviendra au grand jour. Cependant, selon Réné
Degni Segui145, la démarche consiste à ne pas rechercher une
uniformisation. Dès lors s’opère un partage de compétence entre l’ohada qui
définit les éléments matériels et moraux de l’infraction et les Etats parties
qui déterminent les sanctions pénales que leurs auteurs encourent. Le droit
pénal des affaires se trouvent donc éclaté en deux compétences. Un tel
phénomène surprend à plus d’un titre. Mais selon un auteur, toutes les
expériences d’harmonisation ou d’introduction de droit étranger à la loi
nationale ont toujours suscité une telle dualité de compétence. Cependant
cette dualité n’est pas sans présenter d’inconvénients car certains Etats
n’auront pas à prendre de nouvelles sanctions, tandis que d’autres ne
pourront pas y échapper. Ce qu’il faut regretter, c’est que, à ce jour, la
majorité des Etats n’ont toujours pas pris les sanctions correspondantes aux
incriminations prévues ; ce qui constitue une source de lenteur dans la mise
en œuvre de cet arsenal répressif. A l’heure actuelle, aucune décisions

145
voir commentaire de Jacqueline Lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code
ohada, p45

127
répressive n’a été publiées sur le site ohada qui constitue notre source
d’information et de recherche. Quoi qu’il en soit, les juridictions nationales
répressives ont une compétence exclusive en matière pénale. Il est donc
nécessaire d’essayer de voir ce qui fait le fondement de l’incompétence de la
cour commune de justice et d’arbitrage(paragraphe 1), avant d’ouvrir un
débat sur d’éventuel recours en droit pénal des affaires ohada devant la
ccja(paragraphe 2).

Paragraphe 1 :les fondements de l’incompétence de la ccja

La cour commune de justice et d’arbitrage, saisie d’un recours en cassation,


se prononce sur toutes les décisions rendues en dernier ressort dans les
affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes
et des règlements. Cependant, en matière pénale, l’acte uniforme a
expressément renvoyé aux législations nationales pour organiser la
répression. Mais cette répression pose tout de même des problèmes de part
et d’autre. En effet, plusieurs infractions prévues par le législateur
communautaire ne sont pas assorties de sanctions pénales et même si elles
le sont, les critères d’éléments matériels ou moraux ne correspondent pas en
général, d’où « l’unité des textes d’incriminations n’est pas achevée »146. A la
date actuelle, la majorité des Etats n’ont pas procédé à la mise en conformité
des normes de répression avec l’arsenal répressif de l’ohada. D’ailleurs seuls
le Sénégal avec la loi de 1998 , et le Cameroun par la loi n°2003/008 du
10juillet 2003, ont répondu aux normes d’infractions. Le Niger quant à lui a
procédé de façon très isolée à l’insertion dans les normes de répression,
certaines infractions prévues par le droit communautaire. Il en est ainsi du
délit d’abus des biens sociaux qui n’existait auparavant dans le droit
nigérien. Mais il y a une lueur d’espoir quant à la répression des infractions
avec notamment la nouvelle méthode en cours d’élaboration, pour la
recherche des dispositions du droit pénal national auxquelles renvoie les

146
voir commentaire de Jacqueline Lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code
ohada, p45

128
actes uniformes , exposée par le professeur Joseph Issa Sayegh147. La
nécessité était donc sentie pour disposer en droit interne, d’un arsenal de
sanctions pénales pour assurer la répression de ces infractions. La méthode,
telle que décrite par le professeur Issa-Sayegh est la suivante : Il faut relever
toutes les dispositions du droit uniforme définissant des infractions pénales
et rechercher, en droit interne, celle qui peuvent leur correspondre par leur
identité(identité des éléments constitutifs) ou par leur similitude
(ressemblance des éléments constitutifs).
Ainsi, lorsque l’identité des infractions du droit interne et du droit uniforme
est avérée, la substitution(à l’identique) des éléments constitutifs de
l’infraction du droit uniforme à ceux du droit interne autorise l’adoption de
sanction de droit interne . Cependant, il faut rechercher les fondements de
l’incompétence de la cour commune de justice et d’arbitrage non seulement
de l’absence de normes de sanctions ohada(A), mais aussi du caractère
national des peines applicables(B) .

A. L’absence de normes de sanction ohada :

L’alinéa 2 de l’art 5 du traité ohada dispose seulement que « les actes


uniformes peuvent inclure des dispositions d’incriminations pénales » et « les
Etats s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ». Il y a donc
une fragmentation du droit pénal ohada entre la norme communautaire et la
législation nationale. Dès lors, pour que la ccja puisse connaître de recours
concernant les décisions pénales rendues par les juridictions nationales,
encore faut-il que le droit communautaire ait prévu des normes de
répression. Malheureusement, les juridictions de cassation nationale n’ont
pas cesser de résister à la ccja même s’agissant des matières relatives à
l’application des actes uniformes. Dès lors une compétence de la ccja en
matière pénale l’amènerait à empiéter sur la seule compétence souveraine
laissée aux juridictions nationales.

147
voir Réné Degni Ségui « codification et uniformisation du droit », encyclopédie juridique de l’afrique,
tome1,p453

129
B. Le caractère national des peines applicables en droit pénal des
sociétés ohada

Conformément au traité de l’ohada, les Etats parties déterminent les


sanctions pénales encourues ; ce qui permet aux législations nationales de
prendre en charge les sanctions. Cependant cette liberté laissée aux Etats-
parties de déterminer les sanctions n’est pas absolue. En effet, elle ne
signifie pas la faculté d’édicter des peines. C’est plutôt l’attitude de choisir la
nature et le quantum des peines. Les peines envisagées ne se limitent pas
aux classiques « peines principales » que sont l’emprisonnement et l’amende.
La pénologie moderne offre en outre une multitude d’alternatives à ces deux
peines, notamment des peines dites complémentaires, et même des peines
de sûreté. La peine faut-il le rappeler est certes avant tout un instrument
dont dispose un Etat pour lutter contre les comportements jugés
particulièrement antisociaux. La philosophie de la peine se réfléchit dans ses
fonctions de protection de la société, assurer la punition du délinquant,
favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion .
Pour ce rôle qu’elle jouie, on reproche au droit pénal son caractère d’ « ultima
ratio ». Mais dans le cadre de l’ohada, il semble que l’objectif principal est de
sécuriser les affaires dans l’espace commun. Pour y parvenir, des auteurs se
posent la question de savoir comment combattre efficacement la délinquance
économique dans le même espace juridique ? par des réponses pénales
disparates et variables ? ou par une réponse homogène ou à tout le moins
homogénéisée ? Selon Michel Mahouve148, « la plupart des réponses
entraînerait à coup sur une espèce de forum shopping, c’est à dire le choix
délibéré du système pénal et judiciaire évidemment le plus souple auquel
rattacher les activités criminelles et faire en sorte que les acteurs les plus
puissants du marché profitent des disparités entre les normes internes ».
D’ailleurs, la ccja a toujours rappelé sa compétence à l’occasion de plusieurs
arrêts. L’art 14, al 3 détermine la compétence de la ccja en ce qui concerne

148
voir P. Paul-Gerard, Anoukaha F, Toukam J6N :document du programme de formation en ligne avec le
soutien du fond francophone des inforoutes, Niamey, du 1er fevrier au 5Avril 2004.

130
les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans
toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes
uniformes et des règlements prévus au présent traité à l’exception bien
entendu des décisions appliquant des sanctions pénales. Dans tous les cas,
« les divers arrêts soulevant la compétence de la cour commune de justice et
d’arbitrage ou ayant amené la cour à se déclarer incompétente constituent
un volume important du contentieux »149. Certains des arrêts expriment des
cas d’irrécevabilité150, tandis que d’autres soulèvent des cas
d’incompétence151. S’agissant de ce dernier cas, la ccja rappelle « qu’elle ne
peut être saisie d’un recours contre une décision rendue par une juridiction
nationale statuant en cassation, en application de l’art 18 du traité ohada
qu’à la condition que l’incompétence de ladite juridiction ait été au préalable
soulevée devant celle-ci à défaut , le recours doit être déclaré irrecevable ».
La question soulève cependant un débat sur d’éventuel recours à la ccja en
droit pénal des affaires ohada. La question se pose notamment lorsqu’il peut
arriver que le litige porte à la fois sur des questions de droit uniforme et de
droit interne, car pour certains, « la logique voudra que l’on rende à la ccja
ce qui lui appartient et à la juridiction nationale ce qui lui revient ».

Paragraphe 2 : Débat sur d’éventuel recours en droit pénal des


affaires ohada

Aux termes de l’art 13 du traité ohada, « le contentieux relatif à l’application


des actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les
juridictions des Etats parties ». Quant à l’art 14, « saisie par la voie du
recours en cassation, la cour se prononce sur les décisions rendues par les
juridictions d’appel des Etats dans toutes les affaires soulevant des
questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements
prévus au présent traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions
pénales ». La rédaction de ces deux articles doit susciter quelques
149
Voir penant n°850,janvier-mars 2005,p17 et 18
63
Article de Boubakar Diallo,doctorant àl’Universuité de ParisI, penant n°850, janvier-mars 2005,p31.
150
Article de Boubakar Diallo,doctorant àl’Universuité de ParisI, penant n°850, janvier-mars 2005,p31
151
Voir arrets ccja n°004/2001 du 11octobre 2001, et ccja n°006/2001 du 11 octobre 2001

131
commentaires. En effet, d’un premier point de vue, on remarque que le traité
a maintenu la compétence des juridictions nationales du fond pour
connaître les litiges relatifs aux actes uniformes en première instance et en
appel. A ce niveau, comme l’a fait remarquer Jacqueline Lohoues-Oblé, « de
nombreuses décisions émanent de ces juridictions nationales qui font dans
la plupart du temps une bonne application des dispositions du traité et des
actes uniformes »152. D’autre part, la compétence de la cour commune de
justice et d’arbitrage se trouve posée. Ainsi, elle se prononce sur les affaires
concernant l’application des actes uniformes et des règlements. On note
cependant une résistance des juridictions nationales, notamment les cours
suprêmes à l’acceptation de la cour commune comme l’unique juridiction
dans les matières régies par le droit communautaire. Ce qu’il faut noter, et
qui attire l’attention, c’est l’exclusion pure et simple des décisions appliquant
des sanctions pénales de la compétence de la cour commune de justice et
d’arbitrage. Dès lors, les juridictions de cassation nationales conservent leur
souveraineté. Cependant, le véritable débat soulevé par cette incompétence
de la cour commune de justice et d’arbitrage concerne l’application des actes
uniformes qui prévoient des incriminations. Dès lors, il faut se poser la
question de savoir s’il n’y a pas de contradiction ou de contrariété dans la
manière d’appréhender le droit pénal des affaires ohada ? En effet, le
législateur a du se baser sur le fait que les sanctions sont du domaine des
législateurs nationaux. Mais, le fait d’ériger la compétence de la cour
commune de justice et d’arbitrage en une compétence basée sur l’application
des actes uniformes nous amene à nous poser des questions sur les
problèmes de qualification en matière pénale(A) et d’envisager une
collaboration entre la cour commune de justice et d’arbitrage et les
juridictions de cassation nationales(B).

A.les problèmes de qualification en matière pénale

Il est vrai que le traité ohada d’emblée a renvoyé aux législateurs nationaux
le soin d’édicter des sanctions pour faire face aux infractions. Ce qui du

152
voir arret ccja n°004/2001 du 11 octobre 2001 et CCJA n° 006/2001 du 11octobre 2001

132
coup ôte la cour commune de justice de sa compétence en matière pénale.
Cependant, cette position peut paraître paradoxale en matière pénale car il y
a là une dissociation de l’incrimination et de la répression. Or, en cette
matière pour réprimer une infraction, il faut que celle-ci soit qualifiée. La
qualification est la méthode par laquelle le juge recherche les éléments
constitutifs pour caractériser une infraction. Cela pose des problèmes en
droit ohada, car les juges nationaux sont appelés à prononcer des sanctions
pénales contre une infraction qui est prévue pas par la loi nationale, mais
par la loi communautaire ; ce qui rend la tache plus difficile. En effet, le droit
pénal ohada s’il n’a pas pris en compte certaines infractions existantes dans
certains droits nationaux, a tout de même incriminé certains comportements
qui ne sont pas connus par ces droits. Dès lors, le juge national se heurte à
des infractions dont la qualification n’est pas certaine. C’est pourquoi, il est
permis de penser que la compétence pourrait être invoquée s’il s’agit de
sanctions pénales relatives au droit pénal des affaires ohada. Cette position
paraît en tout cas conforme aux dispositions du traité, notamment son
pouvoir de contrôle et de sanction. Il faut souligner aussi que l’art 14 en son
al 2, que nous cité, nous permet de soutenir que les incriminations prévues
par l’ohada en ce qui concerne les sociétés commerciales se situent dans la
partie trois de l’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et
groupement d’intérêt économique. C’est en tout cas le texte sur la base de
laquelle les Etats parties assurent la répression, car selon l’adage
pénaliste, « pas de délit sans texte ». D’ailleurs le processus de regroupement
ayant donné naissance à l’ohada n’est pas loin de celui de la communauté
européenne. Et, comme l’a indiqué Mr Timmermans, « en l’absence de
mécanisme de sanction propre au droit communautaire, au sens d’un
appareil de recherche et de répression des infractions, la communauté
dépend à quelques exceptions près, des systèmes juridiques nationaux pour
assurer le respect du droit communautaire dans les Etats membres »153. ce
même auteur ajoute que « l’inefficacité des systèmes nationaux dans la lutte
contre les opérations frauduleuses transfrontalières laisse à désirer ; d’ou la
nécessité d’une initiative communautaire… ».

153
Jacqueline Lohoues-Oble, in « commentaire du traité de l’ohada » code ohada, 2002,p27

133
C’est pourquoi, l’art 172 du traité CEE a fait l’objet d’une interprétation par
les auteurs en vue d’attribuer une compétence à la cjce en matière pénale.
L’art 172 a été interprété dans ses dispositions suivantes : « les règlements
établis par le conseil en vertu des dispositions du présent traité peuvent
attribuer à la cour de justice une compétence de pleine juridiction en ce qui
concerne les sanctions prévues dans ces règlements ». cette compétence a
été surtout confirmée à travers un des arrêts de la cour les plus célèbres :
l’arrêt rendu le 27 octobre 1992 concernant la politique agricole commune.
A la lumière de tout ce qui vient d’être développé, nous pensons que cette
compétence doit être étendue à la cour commune de justice et d’arbitrage
afin de rendre effective l’application des actes uniformes dans leur
intégralité. Bien entendu, certains peuvent penser que cela entraînerait une
lenteur dans la procédure. Cependant en vertu de son pouvoir d’évocation,
l’attribution de la compétence ne serait pas source de lenteur ; Il suffirait
que les plaideurs fournissent les documents de base sur les sanctions
correspondantes aux infractions, ce qui établirait un rapport de
collaboration entre la ccja et les juridictions nationales

B. vers une collaboration envisageable entre la ccja et les juridictions


de cassation nationales

A l’image de l’union Européenne, la législation communautaire de l’espace


ohada peut prévoir un mécanisme tel que nous l’avons expliqué
précédemment, un mécanisme favorisant la compétence de la ccja en
matière pénale. Certes, toutes les conventions internationales procèdent par
un renvoi aux Etats membres ; cependant l’objectif de l’ohada vise à
sécuriser les affaires d’où la nécessité d’opter pour une compétence de la
haute juridiction. Mais pour ce faire, une collaboration entre la ccja et les
juridictions nationales de cassation est souhaitable. Le mécanisme que nous
avons décrit dans nos développements ultérieurs peut aboutir à une
solution. Il s’agissait en matière pénale et en cassation, de faire en sorte que
les plaideurs apportent la loi applicable dans les Etats pendant l’instance. La

134
procédure peut paraître longue, mais permet au moins à la ccja de jouer son
rôle d’unification des droits.

135
Conclusion Générale

Aux termes de cette étude, nous avons tenu à apporter un éclaircissement


sur un aspect du droit uniforme africain. L’entreprise est certes ambitieuse,
cependant la recherche est fruit de la curiosité. Aussi, à l’heure actuelle, le
nouveau droit africain est devenu « l’auberge espagnole où chacun trouve
quelque chose à dire ». La nouvelle organisation compte aussi sur les
chercheurs pour son implantation et sa vulgarisation. C’est pourquoi,
juriscope a sollicité les juristes universitaires africains pour qu’ils présentent
leurs réflexions nouvelles sur les textes et sur la jurisprudence collectée
auprès de la cour commune de justice et des cours d’appels nationales. Au
cours de cette étude, nous avons mis en exergue la particularité du droit
pénal des affaires ohada tel qu’il est perçu dans tous les Etats membres. En
effet, d’un droit pénal divisé en deux parties : un droit communautaire qui
organise les incriminations, et un droit national qui prend en charge la
répression des incriminations ; c’est la situation actuelle du droit pénal des
affaires au Niger, et des autres Etats membres. Nous avons passé en revu les
differents problèmes qui sont rencontrés dans un tel système notamment la
diversité dans la répression. Ainsi certains Etats peuvent prévoir des
sanctions souples, devenant ainsi des paradis fiscaux, tandis que d’autres
peuvent prévoir des sanctions sévères. La conséquence, ce que les
investisseurs auront à choisir les uns au lieu des autres, ce qui est contraire
à l’objectif de l’ohada .
Le Niger quant à lui, à l’instar de la majorité des Etats membres , n’a pas fini
de se mettre en conformité avec les dispositions d’incriminations.
Cependant, beau nombre des infractions prévues par le législateur ohada
reçoivent une application de la peine. Par exemple, le délit d’abus des biens
et crédit de la société n’a pas été prévu en droit nigérien ;il a donc fallu
l’entré en vigueur de l’ohada pour que le code pénal nigérien subisse une
modification en attendant une prise en charge complète par le code pénal.
Toutefois, les autres infractions sont réprimées par les juridictions pour
éviter un vide juridique. La tache nous a été difficile car le droit pénal des
affaires ohada n’a pas fait l’objet de publication, en dehors du Professeur

136
Abdoullah Cissé en qui nous devons beaucoup de nos sources d’information.
A la date d’aujourd’hui, aucun arrêt rendu en matière de droit pénal des
affaires ohada n’a été publié sur le site ohada qui constitue pourtant la
source d’information principale. Nous ne pensons pas avoir gagné le pari,
mais nous espérons conduire nos recherches à terme pour que ce vide
juridique soit comblé et que désormais on commence à sortir le droit pénal
des affaires ohada dans cette diversité d’application par les Etats. La
solution n’est pas aisée à trouver, mais nous pensons que la haute
juridiction communautaire qui doit faire office d’unificateur du droit, impose
des limites dans l’application des sanctions pénales. Nous espérons qu’un
jour la véritable unification verra le jour dans cet espace.

137
Bibliographie :

I. Ouvrages Généraux

1 . Antona Jean-Paul, Philipe Colin et François Lenglart , La prévention du


risque pénal en droit des affaires, Dalloz 1997.

2. Anoukaha F , Cissé A , Diouf N , Toukam J-N , Pougoué P-G , Samba M ,


Sociétés Commerciales et groupements d’intérêts économiques, collection
droit uniforme Africain, édition Bruylant, 2002.

3. Bore Jacques , Droit Pénal Contemporain, mélanges en l’honneur d’André


Vitu, Cujas, 1989.

4. Bosquet-Denis J-Bernard , Droit Pénal des Sociétés, Economica,1997.

5. Delga Jacques , Le droit des sociétés, Dalloz, 1998.

6. Delmas-Marty Mireille , Droit Pénal des affaires, Puf, 1990.

7. Guyon Yves ,Droit des affaires, tome1, 11è édition, Economica, 2001.

8. Larguier Jean Droit Pénal des Affaires, 11è édition, A. Colin, 2004.

9. Mator B , Pilkington N , Sellers D ,Thouvenot S , Le droit uniforme


Africain des affaires issu de l’ohada, 1ère édition juris-classeur, collection
Affaires Finances, 2004.

10. Melin François , La faillite internationale, LGDJ, 2004.

11.Pradel Jean , Droit Pénal Comparé, tome 2, Dalloz 2002.

138
12. Robert Jacques-Henri et Haritini , Traité de droit pénal des Affaires, PUF,
collection droit fondamental, 2004.

13. Sayegh Issa et Lohoues-Oblé , Harmonisation du droit des affaires,


Bruylant, 2002.

14. Veron Michel , Droit Pénal des affaires, 5è édition, A. Colin, 2004.

II. Thèses et Mémoires

A.Thèses
1. Adido Roch , Essai sur l’application du droit en Afrique : le cas de
l’Ohada, aspect sociologiques et juridiques au vu du passé et du présent,
université de Perpignan, 2000 .

2.Dedji Koundé , Evaluation de l’impact des actes uinformes de l’Ohada sur


les investissements au Benin, Université de Perpignan, 2003.

3.Makram Miladi , Le droit Pénal et le fonctionnement des Sociétés


Commerciales, Université de Perpignan, 2000.

4.Moumouni Amadou , La réforme des entreprises publiques au Niger,


Université de Perpignan, 1996.

B. Mémoires
1. Morsad Adil: la respon,sabilité pénale des dirigeants de la société
anonyme, université de Perpignan, 2001.
2.Aissata Kane-Diallo, Intégration économique en Afrique francophone ,
l’exemple de l’Ohada, Université de Perpignan, septembre 1996 .

139
III. Législation

1. Codes :

-Code Ohada commenté, 2è édition , juriscope en 2002.

-Nouveau code de commerce du Niger de 1992.

-Code Pénal du Niger de 1961, réformé en 2001 .

-Code de procédure pénale du Niger de 1961( réforme en cours).

-Code pénal français, Dalloz, 2004.

-Code de commerce français, DALLOZ, 2005 .


2.Réglementation

a.textes internes

-Décret n°75-52 du 13 mars 1975 portant sur l’exercice des activités


commerciales au Niger ;

-Ordonnance n°80-15 du 19 juin 1980 portant réforme de l’acte constitutif


des sociétés( formes notariées) et sur l’administration de la société
anonyme ;

-Ordonnance n°92-48 du 7 octobre 1992 instituant le premier livre du


nouveau code de commerce .

b.textes communautaires
-Acte Uniforme portant droit des sociétés commerciales et GIE, entré en
vigueur le 1er janvier 1998 ;

140
-Acte uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif entré
en vigueur le 1er janvier 1999.

IIII. Revues, articles, Jurisprudence


1.Revues

-Petites affiches n°205 du 13 octobre 2004 ;


-Revue Lamy ,
-Revue de jurisprudence de droit des affaires, bibliothèque universitaire de
Perpignan ;
-Revue trimestrielle des droits africains (Penant),n°846, janvier-mars 2004,
édition juris africa ;
-Revue de droit des affaires internationales
1.Articles
-Benjamin Boumakani, Les entreprises publiques à l’epreuve du droit
Ohada, lamy ,n°75, Octobre 2004.
-Kangambega L , Observation sur les aspects pénaux de l’Ohada, Pénant
n°834, septembre- décembre 2000 ;
-Kenfack-Douajni G , L’abandon de souverainété dans le traité Ohada,
Penant, mai-aout 1999, n°830, p.125
-M’Bosso J , Le rôle des juridictions nationales et le droit harmonisé dans
l’Ohada :revue de droit des affaires internationales, n°2, 2000, p.216 et S.
-Zinzin Dohoue , Les juges nationaux et la loi aux prises avec le droit
harmonisé, revue de droit des affaires internationales, n°2, 2000, p.227.

2.Jurisprudence

- Arrêts de la Cour Suprême du Niger en matière commerciale de 2000 à


2004, publiés sur le site Internet de Ohada.
- Arrêts de la Cour d’appel de Niamey de 2000 à 2003 en matière
commerciale et pénale, publiés sur le site Internet de Ohada.
- Avis rendus par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de 1998 à nos
jours publiés sur le site Internet de Ohada.

141
IIIII. Sites Internet
-w w w.ohada.com
-w w w. ohadalegis.com
-w w w.jurisint.org /pub/ohada/ohada.html
-w w w.juriscope.org
-w w w.africaeducation.org/odl/default.htm
-w w w.afdb.org
-w w w.bceao.int
-w w w .boad.org
-w w w .nepad.org
-w w w .oapi.wipo.net
-w w w .iblj.com
-w w w .uemoa.int
-w w w .unidroit.org

142
table des matières

Introduction Générale..................................................................................................1

Première Partie : La détermination des incriminations par la norme communautaire..4

ChapitreI : Les incriminations lors de la constitution des sociétés...............................6

Section1 : Les infractions relatives à la formation du capital social .............6

Paragraphe1 : La recherche du capital ............................................................7


A. La simulation de souscription ou de versement ............................. 8
1.Les éléments constitutifs du délit de simulation .............................. 8
a. L’élément matériel du délit .......................................................... 8
b.L’element moral du délit de simulation..........................................10
2. Les personnes punissables ........................................................11
B. La publication de faits faux ........................................................12

Paragraphe 2 :L’affirmation du capital social................................................13


A. L’établissement du certificat du dépositaire .................................13
B. La surévaluation des apports en nature : .....................................15

Section 2 :L’activité de la société irrégulièrement constituée : ...................17

Paragraphe1 :L’émission d’actions ................................................................17


A .le domaine des actions..............................................................18
B.L’étendue de l’interdiction de l’émission d’actions .........................18

Paragraphe 2 : La négociation d’actions .......................................................19


A. Les irrégularités rendant la négociation illicite : ............................21
B.les éléments constitutifs du délit : ...............................................21

Paragraphe 3 :le délit d’émission d’actions en cas d’appel public à


l’épargne. ..........................................................................................................22
A. Les personnes visées................................................................23
B. Les irrégularités coupables ........................................................23

CHAPITRE II :Les incriminations en cours de vie des sociétés commerciales .........24

Section 1 : Les infractions liées à la gestion de la société...........................25

Paragraphe1 :l’abus des biens et du crédit de la société.............................25


A.Définition des incriminations.......................................................26
B . Les agissements délictueux ......................................................28
1.l’usage des biens et du crédit de la société....................................28
2. L’usage contraire à l’intérêt social ...............................................29

Paragraphe 2 :Le contrôle de la gestion ........................................................32

143
A.L’obstacle au contrôle : ..............................................................33
1.L’obstacle à la désignation ou à la convocation .............................33
2- L’obstacle aux vérifications ou le refus de communiquer................34
B. le refus de contrôle ...................................................................35
1.Les informations mensongères....................................................36
2.La non-revelation des faits délictueux...........................................36

Paragraphe 3 : les infractions liées à la comptabilité des sociétés....................38


A: les irrégularités comptables..................................................................39
1.La distribution de dividendes fictifs ..............................................39
a.inventaire absent ou frauduleux ...................................................40
- l’absence d’inventaire .................................................................40
- l’inventaire frauduleux.................................................................40
b.la répartition de dividendes fictifs ................................................41
a. l’acte de distribution..................................................................41
- le caractère fictif des dividendes...................................................42
-l’élément intentionnel du délit .......................................................44
2.La communication de la comptabilité............................................44
a. l’élément matériel du délit de communication infidèle.....................45
b.l’element intentionnel du délit......................................................47
B : les modifications du capital social ...........................................................48
1. l’augmentation de capital ...........................................................49
a.les incriminations relatives à l’émission d’actions nouvelles ............49
b.la protection du droit préférentiel de souscription ..........................50
2. La réduction du capital social .....................................................51

Section 2 : les infractions liées aux assemblées générales.........................52

Paragraphe 1 : les assemblées visées par le législateur..............................53


A. les assemblées générales d’actionnaires : ...................................54
B. les assemblées des associés .....................................................55

Paragraphe 2 : l’accès aux assemblées générales .......................................57


A. L’entrave à la participation aux assemblées .................................57
B. l’élément intentionnel du délit.....................................................58

ChapitreIII : Les infractions relatives à la disparition des sociétés commerciales.....60

Section 1 : Les infractions avant la disparition de la société.......................61

Paragraphe 1 : La banqueroute ......................................................................62


A. Les conditions préalables. .........................................................64
1. La qualité de l’agent ..................................................................64
2. L’ouverture d’une procédure collective ........................................66
B. Les cas de banqueroute.............................................................66
1. La banqueroute simple ..............................................................67
2. La banqueroute frauduleuse ......................................................68

Paragraphe 2 : les infractions connexes à la banqueroute. .........................70


A. Les délits assimilés aux banqueroutes ........................................70

144
1.Les délits assimilés à la banqueroute simple .................................71
2. Les délits assimilés à la banqueroute frauduleuse .........................71
B. Les autres infractions................................................................72

Section 2 :Les infractions relatives à la dissolution de la société...............74

Paragraphe 1 : La protection de l’information des parties à la


dissolution .................................................................................74
A. La protection de l’information des actionnaires ou associée. ..........74
B. La protection de l’information des tiers........................................76

Paragraphe 2 : La protection des biens de la société en liquidation et des


associés ............................................................................................................76
A.La protection en cours de liquidation. ..........................................77
B. La protection après la liquidation : ..............................................78

Deuxieme Partie : La répression des infractions par les juridictions Nigériennes…..79

Chapitre I : compétence nationale dans la détermination des sanctions pénales .....81

Section1 : Les justifications de l’attribution de compétence aux états.......82

Paragraphe1 : les raisons d’ordre juridique ..................................................82


A .La différence de système pénal des Etats signataires ....................83
B. L’option pour un système libéral pour l’OHADA ............................83

Paragraphe 2 : les raisons d’ordre économique ...........................................84


A. Les disparités des niveaux de développement économique des Etats
..................................................................................................85
B. Les disparités des coûts de la justice ..........................................85

Section 2 : La réception de la norme communautaire par la loi nationale en


matière pénale. .................................................................................................88

Paragraphe 1 : la technique d’implantation de la norme communautaire ..89


A. Les techniques d’implantation des normes de comportement du
système OHADA en droit pénal interne : ..........................................90
1. La technique de la reproduction : ................................................90
2. La technique de l’intégration par référence. ..................................91
B. L’option du législateur nigérien ..................................................91

Paragraphe 2 : L’affirmation de la supériorité de la norme communautaire.


...........................................................................................................................92
A. Au plan normatif.......................................................................93
1. La cohabitation pacifique entre l’acte uniforme et le droit pénal
international ................................................................................93
2. La cohabitation conflictuelle entre droit harmonisé et les autres
normes. ......................................................................................94
B. Au plan judiciaire......................................................................95

145
1. La supranationalité liée à la compétence de la cour .......................95
2. La problématique du transfert de compétence à la cour commune de
justice et d’arbitrage .....................................................................96

Section 1 : le déclenchement de la procédure ..............................................99

Paragraphe 1 : L’action publique....................................................................99


A. La recherche et la constatation des infractions ...........................100
B. La mise en mouvement de l’action publique. ..............................101
C. L’extinction de l’action publique ...............................................103

Paragraphe 2. L’action civile.........................................................................103


A. Les règles de droit commun. ....................................................104
B. Le particularisme de l’action civile en matière d’infractions aux
sociétés commerciales................................................................105
1. L’action sociale.......................................................................105
2. L’indépendance de la réparation du préjudice par rapport à l’action
civile.........................................................................................107

Section 2 : L’administration de la sanction en droit pénal nigérien ..........108

Paragraphe 1 : les sanctions personnelles..................................................108


A.Les peines principales .............................................................108
1. Les peines criminelles. ............................................................109
2. Les peines correctionnelles......................................................109
3. Les peines contraventionnelles ou de police...............................111
B. Les interdictions professionnelles ............................................111
1. Les personnes visées par l’interdiction ......................................111
2. Les opérations visées et sanctions de l’interdiction .....................112

Paragraphe 2 : les sanctions réelles. ...........................................................113


A. La confiscation.......................................................................113
1. La confiscation générale. .........................................................113
2. La confiscation spéciale...........................................................114
B. La fermeture d’établissement. ..................................................115

Chapitre III : Les voies de recours...........................................................................116

Section 1 : Les voies de recours dans l’ordre juridique nigérien ..............117

Paragraphe1 : La compétence des juridictions nationales ........................118


A.L’ordre des juridictions en matière pénale :.................................118
1. les juridictions de 1er degré :.....................................................118
2. les juridictions du second degré :..............................................120
3. les juridictions de cassation : ...................................................121
B. La pratique des voies de recours en matière de droit des Affaires :
................................................................................................122

Paragraphe 2 : la fonction juridictionnelle de la cour commune de justice


.........................................................................................................................124

146
A.la saisine de la cour commune de justice et d’arbitrage :...............125
B. l’exercice de la fonction juridictionnelle de la ccja : .....................125

Section 2 : La compétence exclusive des juridictions répressives


nationales .......................................................................................................127

Paragraphe 1 :les fondements de l’incompétence de la ccja.....................128


A. L’absence de normes de sanction ohada :..................................129
B. Le caractère national des peines applicables en droit pénal des
sociétés ohada...........................................................................130

Paragraphe 2 : Débat sur d’éventuel recours en droit pénal des affaires


ohada...............................................................................................................131
A.les problèmes de qualification en matière pénale .........................132
B. vers une collaboration envisageable entre la ccja et les
juridictions de cassation nationales ……..………………………………………….134

Conclusion Générale ............................................................................................136

147

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